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04.08.2025 à 11:56

Chaque année, la France comme les autres États membres doivent présenter à la Commission européenne leurs prévisions budgétaires ainsi que les réformes, notamment économiques, envisagées au niveau national. Est-ce à dire que l'Union européenne dicte aux États ce qu'ils doivent faire en matière économique et budgétaire ? Des plafonds fixés par les traités Conformément aux […]
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Chaque année, la France comme les autres États membres doivent présenter à la Commission européenne leurs prévisions budgétaires ainsi que les réformes, notamment économiques, envisagées au niveau national.
Est-ce à dire que l'Union européenne dicte aux États ce qu'ils doivent faire en matière économique et budgétaire ?
CE QUE VOUS ALLEZ APPRENDRE DANS CET ARTICLE
Conformément aux traités européens, le déficit public d'un État de l'Union européenne ne doit pas dépasser 3 % de son produit intérieur brut (PIB). La dette publique, elle, est plafonnée à 60 % du PIB.
Ces obligations, mentionnées pour la première fois dans le traité de Maastricht de 1992, ont été précisées par le Pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997 (lors de la signature du traité d'Amsterdam). Elles visent à maintenir la stabilité des finances publiques et la bonne santé économique des États de l'Union européenne, notamment ceux de la zone euro. Et s'assurent qu'aucun dérapage économique de l'un d'eux ne menace ses voisins.
Ces règles budgétaires sont aujourd'hui détaillées dans l'article 126 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et le protocole n°12 annexé aux traités. La nouvelle version du Pacte de stabilité et de croissance, adoptée en 2024, ne modifie pas ces deux plafonds.
Pourquoi 3 et 60 % ?
La règle imposant un plafond de déficit aux États membres de l'Union européenne a été voulue par l'Allemagne au début des années 1990. En contrepartie de la création d'une monnaie commune, Berlin voulait s'assurer de ne pas payer pour d'autres États peu vertueux en cas de problème.
Le chiffre, lui, a toutefois été proposé par la France. En 1981, son déficit public menaçait de franchir le seuil symbolique des 100 milliards de francs, soit 2,6 % du PIB. Pour fixer un plafond qu'elle-même pensait ne pas pouvoir dépasser, c'est le chiffre "rond" de 3 % qui a alors été retenu, selon l'ancien chargé de mission au ministère des Finances, Guy Abeille.
Le chiffre de 60 % de dette publique découle de ces 3 % : avec un taux de croissance estimé à 5 %, un taux d'inflation de 2 %, les économistes d'alors calculent que la dette maximale serait de 60 % du PIB.
Si ces chiffres n'ont pas de justification économique particulière, le principe même d'un plafonnement du déficit et de la dette est en revanche accepté par tous les États membres.
En principe, si la dette ou le déficit d'un État excède ces plafonds, une "procédure de déficit excessif" (PDE) peut être lancée par le Conseil des ministres des Finances de l'UE (Ecofin), sur la base des recommandations formulées par la Commission. La France est soumise à une telle procédure depuis le 26 juillet 2024, ainsi que l'Italie, la Hongrie, la Pologne, Malte, la Slovaquie et la Belgique. Une procédure mise "en suspens" en juin 2025 pour la plupart, à l'exception de la Belgique. La Roumanie, elle, est concernée depuis 2020. L'Autriche depuis le 8 juillet 2025.
Le pays qui fait l'objet d'un avertissement doit alors mettre en œuvre un certain nombre de mesures pour rétablir l'équilibre entre ses recettes et ses dépenses. À défaut, et au bout d'un certain nombre d'étapes intermédiaires, le pays encourait jusqu'en 2020 des sanctions allant de 0,2 à 0,5 % de son PIB (s'il fait partie de la zone euro). Depuis la réforme du Pacte de stabilité et de croissance en 2024, ces amendes s’élèvent désormais à 0,05 % du PIB et s’accumulent tous les six mois, jusqu’à ce que l’État prenne des mesures efficaces pour résorber son déficit et sa dette.
Les pays non membres de la zone euro ne sont pas soumis à ces sanctions. Une telle situation les rend toutefois inéligibles pour adopter la monnaie unique. Et comme pour les autres États, le déclenchement d'une procédure pour déficit excessif reste une très mauvaise publicité, notamment auprès des marchés financiers. De quoi les inciter à rétablir leurs comptes publics.
En 2018 par exemple, la moitié des pays de l'UE avait une dette publique supérieure au plafond des 60 %… sans grandes conséquences à Bruxelles.
Si un certain nombre de procédures ont été ouvertes au motif de déficits trop importants, aucun État membre n'a jamais été sanctionné pour avoir dépassé son plafond de déficit ou de dette. En 2011, 24 États membres faisaient l'objet d'une procédure. La France, qui a enregistré entre 2007 et 2017 des déficits systématiquement supérieurs à 3 % de son PIB, a ainsi fait l'objet d'une procédure de déficit excessif pendant une décennie… sans jamais payer d'amende. Elle est sortie de ce processus en 2018, avant d'y retourner en 2024.
Entretemps, la pandémie de Covid-19 et l'invasion russe de l'Ukraine sont passées par là. Au-delà de leurs conséquences tragiques, ces deux bouleversements ont considérablement accru le déficit et la dette des États membres. En 2020, la Commission européenne a décidé d'activer une clause dérogatoire prévue par les traités pour suspendre temporairement l’application des règles budgétaires. Après avoir été prolongée à trois reprises, cette clause a pris fin le 1er janvier 2024.
L'Union européenne a également travaillé sur une réforme des règles de stabilité. Puisque celles-ci n'ont jamais été appliquées et sont plutôt jugées inefficaces, voire économiquement contre-productives, de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur en 2024. Le nouveau Pacte de stabilité et de croissance maintient les plafonds de dette (60 % du PIB) et de déficit publics (3 % du PIB), mais les États ont désormais des périodes de 4 à 7 ans pour les atteindre et des plans de réformes plus adaptés à leur situation particulière. Les sanctions, moins lourdes, peuvent en revanche être appliquées plus efficacement qu’auparavant.
Chaque année entre l'automne et le début de l'été (d'où le nom simplifié de "Semestre européen"), les gouvernements de l'Union européenne débattent de leurs projets économiques nationaux avec la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne. En septembre 2024 notamment, ils devaient soumettre à la Commission un plan national présentant leurs objectifs de dépenses à moyen terme et la manière dont les investissements et les réformes seront entrepris.
Une attention particulière doit être portée aux transitions climatique et numérique ainsi qu’à la sécurité énergétique et la défense, qualifiés de domaines prioritaires de l’UE. Chaque État s’engage ainsi à ce que ses budgets annuels respectent son plan durant quatre ou cinq ans (selon la durée de la législature au niveau national). Après avoir publié ses recommandations par pays chaque année au mois de juin, la Commission évalue les plans nationaux avant que le Conseil ne les approuve.
Les recommandations de la Commission européenne ne sont pas en tant que telles juridiquement contraignantes : un État qui ne les respecterait pas ne risque pas de se retrouver devant la Cour de justice de l'Union européenne pour infraction au droit de l'Union, comme dans le cas d'une directive mal appliquée, par exemple. Toutefois, un État qui "persiste à ne pas donner suite [à ces] recommandations" (art. 126 TFUE) s'expose plus ouvertement aux amendes prévues par le Pacte de stabilité et de croissance.
Surtout, les États placés sous procédure de déficit excessif doivent réduire leur dette d’environ 1 % par an si elle dépasse 90 % du PIB, et d’environ 0,5 % par an si elle se situe entre 60 % et 90 % du PIB. Ils ne sont pas contraints de la ramener à moins de 60 % du PIB d’ici la fin de la période du plan, mais leur dette doit suivre une “trajectoire descendante plausible”. Si le déficit public d’un pays dépasse 3 % du PIB, il doit être réduit pendant les périodes de croissance afin d’atteindre un niveau de 1,5 % du PIB, créant ainsi une réserve de dépenses pour faire face à des conditions économiques difficiles. Et un État sous procédure de déficit excessif qui ne respecte pas ses obligations peut être soumis aux sanctions prévues.
En 2020, l'Union européenne a mis en place un instrument inédit pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 : un plan de relance de 750 milliards d'euros, baptisé NextGenerationEU.
Pour bénéficier des prêts et subventions de ce plan, chaque pays a dû soumettre un plan national de relance et de résilience (PNRR), corrélé aux recommandations faites en 2019 et 2020. Leur versement est conditionné au respect de certains objectifs et étapes intermédiaires, dont la mise en place de réformes en lien avec les recommandations du Semestre européen.
C'est l'une des raisons pour lesquelles une partie des fonds à destination de la Hongrie, de la Pologne ou encore de la Belgique ont été un temps suspendus (c'est toujours le cas pour la Hongrie). L'état de la démocratie et de la justice dans les deux premières préoccupaient la Commission, tandis que la Belgique devait mettre en œuvre une réforme des retraites à laquelle elle s'était engagée.
Alors, Bruxelles impose-t-elle ses exigences budgétaires aux États de l’Union européenne ? En bref, les traités européens fixent depuis 1992 des plafonds de déficit public (3 % du PIB) et de dette publique (60 % du PIB). Les États qui outrepassent ces limites risquent certes des amendes en principe, mais les procédures n’ont jusqu'à maintenant abouti à aucune sanction. Les règles budgétaires ont depuis été réformées.
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19.06.2025 à 11:15

Les Européens sont-ils sevrés des énergies fossiles russes ? Sur le papier, les chiffres sont assez clairs. Début 2022, "une unité sur cinq de l'énergie consommée dans l'Union européenne provenait des combustibles fossiles russes. Aujourd'hui, c'est une sur vingt", se félicitait mi-février 2024 la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Avant la […]
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Les Européens sont-ils sevrés des énergies fossiles russes ? Sur le papier, les chiffres sont assez clairs. Début 2022, "une unité sur cinq de l'énergie consommée dans l'Union européenne provenait des combustibles fossiles russes. Aujourd'hui, c'est une sur vingt", se félicitait mi-février 2024 la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Avant la guerre, l'UE dépendait pour 45 % des importations de gaz naturel venu de Russie. Cette part est descendue à 15 % en 2023 avant d'enregistrer un rebond l'an passé, pour atteindre 19 % des achats totaux de gaz de l'Union. Les Européens ont également arrêté d'acheter du charbon russe et ont drastiquement réduit leurs importations de pétrole russe. En août 2021, l'UE achetait 14,9 millions de tonnes de pétrole à la Russie, un chiffre qui s'est effondré à 1,7 million au même mois de 2023. Ce chiffre a atteint 13 millions de tonnes en 2024, soit 3 % de la consommation européenne (contre 27 % avant la guerre).
Face à l'attitude de Moscou en Ukraine et aux incertitudes sur l'approvisionnement, la Commission européenne a publié en mai 2022 le plan REPowerEU, avec l'objectif de se passer des énergies fossiles en provenance de Russie d'ici à 2027.
Trois actions structurent cette stratégie, qui approfondit par ailleurs certains aspects du Pacte vert européen : diversifier l’approvisionnement, économiser de l’énergie et parier sur les énergies renouvelables.
C’est dans ce contexte que le commissaire européen à l’énergie, Dan Jørgensen, a dévoilé au Parlement européen à Strasbourg une nouvelle feuille de route pour “débarrasser” l’UE de sa dépendance historique à l’égard du gaz russe, mercredi 6 mai 2025. Un projet de règlement a été présenté le 17 juin, afin d'interdire toute importation de gaz russe. "Cela augmentera notre indépendance énergétique tout en réduisant les revenus que Poutine utilise pour financer sa guerre", a déclaré Dan Jørgensen.
Concrètement, la Commission revendique une approche "progressive", en visant d’abord les contrats à court terme. Cet arrêt graduel des importations de gaz russe se ferait selon un calendrier précis :
En parallèle, les États membres devront mettre en place des plans de diversification énergétique, avec des étapes concrètes pour sortir progressivement du gaz et du pétrole russes. Ces plans seront soumis à la Commission européenne et devront démontrer comment chaque pays entend atteindre cet objectif dans les délais impartis. Le règlement proposé doit désormais être adopté au Parlement européen et au Conseil de l'Union européenne.
Face à la guerre en Ukraine et aux tensions géopolitiques, l’Union européenne s’est tournée vers d’autres pays afin de diversifier son approvisionnement. L'Europe a massivement acheté du gaz naturel liquéfié (GNL) américain, transporté par bateau. Entre 2021 et 2022, les importations de GNL en provenance des États-Unis ont plus que doublé. Et au troisième trimestre 2023, la Russie n'était que le quatrième fournisseur des Européens en gaz, derrière les États-Unis (23 %), l'Algérie (19 %) et la Norvège (18 %). La Russie devrait représenter seulement 13 % des importations de gaz de l'UE en 2025, alors que Kiev a mis fin à l’acheminement de ce mélange d'hydrocarbures russe via l’Ukraine. "Il est temps pour l’Europe de rompre complètement ses liens énergétiques [avec la Russie]", a martelé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. "Nous le devons à nos citoyens, à nos entreprises et à nos courageux amis ukrainiens".
Sur ce point, le texte présenté le 17 juin par la Commission interdit notamment les contrats à long terme entre opérateurs russes et terminaux GNL de l’UE, afin de libérer ces capacités pour d’autres fournisseurs et renforcer l’autonomie énergétique. Un système renforcé de surveillance exigera des entreprises qu’elles transmettent à la Commission les données sur leurs contrats avec la Russie, tandis que les importateurs devront prouver l’origine du gaz à son entrée dans l’UE. La stratégie sera suivie par la Commission et l’Agence européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), avec possibilité de mesures d’urgence en cas de menace sur l’approvisionnement.
Si les Européens ont décidé de se coordonner pour moins acheter de gaz russe puis s'en sevrer complètement, la baisse du transit est, au départ, une décision de Moscou. Déjà fin 2021 puis au début de la guerre en Ukraine, le Kremlin avait coupé les robinets vers l'ouest afin de faire pression sur les Européens. "Les Russes ont pris la décision d'interrompre le trafic via le gazoduc Yamal, entre la Pologne et la Biélorussie", rappelle Céline Bayou, chercheuse associée au centre de recherches Europe-Eurasie de l'INALCO. Fin septembre 2022, les pipelines de Nord Stream ont par ailleurs fait l'objet d'un sabotage, dont les auteurs restent à ce jour inconnus.
Pour le pétrole, l'UE a principalement regardé du côté des États-Unis, de la Norvège et de l’Arabie saoudite. Elle a même trouvé des partenaires moins traditionnels en la matière, à l’image du Brésil. Selon une étude de l’ONG Transport et Environnement, le pétrole russe importé en France a par exemple diminué de 22 % entre 2021 et 2022. À l’inverse, l’Hexagone s'est tourné vers l'Angola (+570 %), le Koweït (+150 %), ou encore les États-Unis (+28 %). D'après les informations de l'Insee et du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la part du pétrole brut russe importé en France était nulle en 2023.
En plus de diversifier leur approvisionnement, les Européens ont réalisé d'importantes économies d'énergie. Entre 2022 et 2023, la demande en gaz naturel a chuté de 10 % en Italie et de 11,7 % en France. De façon générale, "on observe une baisse de 8 % de la consommation de gaz entre 2022 et 2023, et même jusqu'à 20 % si l'on compare à la moyenne des années 2017 et 2021", note Phuc-Vinh Nguyen, chercheur à l'institut Jacques Delors. Cette diminution est liée à la hausse des prix, à une politique active des États membres de l'UE pour économiser de l'énergie, "mais aussi à une destruction de la demande industrielle", souligne l'expert. Une situation dont il est difficile de savoir si elle est structurelle ou conjoncturelle, selon lui.
Enfin, les énergies renouvelables ont aussi contribué à ce que les Européens consomment moins de gaz. La part de ces énergies vertes dans le mix électrique européen a atteint 44 % en 2023, pour la première fois au-dessus de la barre des 40 %. De quoi faire dire à Ursula von der Leyen, le 13 février 2024, que "la tentative de Vladimir Poutine de faire chanter notre Union a totalement échoué […] Au contraire, il a vraiment poussé la transition verte". Cette part augmenté l'année suivante, pour atteindre 47 % selon un rapport du groupe de réflexion Ember rendu public le 23 janvier 2025.
Les Européens continuent toutefois d'importer de l'énergie russe, même si les quantités sont moindres. Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’UE a versé davantage d’argent à la Russie pour ses importations d’énergies fossiles qu’elle n’en a accordé à Kiev sous forme d’aide, selon Dan Jørgensen. Le Commissaire estime le montant global des achats de gaz russe à près de 200 milliards d’euros - soit, "l’équivalent de 2 400 avions de chasse F-35" - contre 135 milliards d’euros d’aide européenne à l’Ukraine.
Depuis le 1er janvier 2025, le transit de gaz russe via le territoire ukrainien n'est plus possible. Après "une hausse notable de 36 %" des importations de GNL provenant de Russie par bateau, selon le centre pour la recherche sur l'énergie et la propreté de l'air (CREA), l'UE a importé 18 milliards de mètres cubes de gaz russe via des méthaniers en 2023, principalement par le biais d'accords à long terme signés avant le début de la guerre. Un chiffre tiré du rapport de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER), publié fin avril 2024. Les Vingt-Sept ont encore importé 52 milliards de mètres cubes de gaz russe en 2024 (les deux tiers par gazoduc et un tiers en GNL).
Par ailleurs, si les Européens se sont notamment tournés vers l'Azerbaïdjan pour leur approvisionnement, une partie du gaz que l’UE fait venir depuis ce pays du Caucase provient de Russie. "On ne lui achète pas directement, mais la molécule est quand même russe", résume Céline Bayou.
En ce qui concerne le pétrole, les Vingt-Sept ont imposé des restrictions sur les importations de Russie. Mais ce n’est pas le cas de tous les pays, à l'image de l'Inde ou la Turquie. Aux confins de la Syrie et de la mer Méditerranée, le terminal turc de Dörtyol envoie par exemple à ses voisins européens du diesel ou du kérosène issus du pétrole russe. "En 2023, environ 85 % du pétrole expédié depuis Dörtyol était destiné à l'Europe, principalement à la Grèce, à la Belgique et aux Pays-Bas, contre 53 % en 2022", écrit le Financial Times. De son côté, l’Inde aussi a augmenté ses importations venues de Russie. Le pétrole y est raffiné avant d’être expédié vers l’Europe, qui a vu bondir de 115 % le nombre de barils indiens entre 2022 et 2023.
Tous les pays européens n'ont pas le même niveau de dépendance à la Russie. Au moment où l'UE décidait d'interdire l'importation de pétrole russe, la Bulgarie et la Croatie ont par exemple bénéficié de dérogations temporaires. Les pays baltes ou la Finlande étaient quant à eux largement irrigués par le gaz de leur grand voisin, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. La France, elle, est en première ligne. Selon l'Institut pour l'économie de l'énergie et l'analyse financière (IEEFA), l'Hexagone a augmenté de 81 % ses importations de GNL russe entre 2023 et 2024, et versé 2,68 milliards d’euros à la Russie.
Aujourd'hui, dix États membres continuent d'acheter du GNL russe. À commencer par la Hongrie et la Slovaquie, connues pour leur inclinaison prorusse, ou encore la Grèce. Mais aussi l’Espagne, la France et la Belgique, dont les ports réceptionnent ce GNL avant que des usines le regazéifient et qu'il soit réinjecté dans le réseau européen.
Pour se déplacer, se chauffer ou produire de l’électricité, les Européens restent dépendants des énergies fossiles, bien que leur part dans la production d'électricité ait diminué. Selon le dernier rapport publié par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) fin mars, la part des fossiles dans la production d'électricité dans l'UE a atteint 29 % en 2024 contre 39 % en 2019, preuve d'une prise de conscience et de nombreux efforts.
La consommation de gaz naturel, elle, a augmenté d’environ 1 % dans l’Union européenne en 2024, tirée par une reprise dans l’industrie et stimulée par des prix plus faibles. Mais la tendance reste bien différente de celle constatée au niveau mondial, où la consommation de gaz a le plus progressé avec une hausse de 115 milliards de mètres cubes (+ 2,7 %).
"L'UE a réussi à retrouver les ressorts pour faire face à la baisse de l'offre en gaz russe, de manière très rapide. Il s'agit désormais de pérenniser ces politiques", insiste Phuc-Vinh Nguyen. Et le chercheur de citer plusieurs leviers, dont les énergies renouvelables, l'amélioration de l'efficacité énergétique et la sobriété.
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15.05.2025 à 16:10

"Take back control" ("reprendre le contrôle"), tel était le slogan des Brexiters, les partisans de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, lors de la campagne électorale pour le référendum britannique sur le Brexit en 2016. Une promesse de souveraineté retrouvée, de contrôle des frontières et de prospérité. D'un point de vue économique, la sortie […]
L’article [Fact-checking] Le Brexit a-t-il gravement nui à l'économie du Royaume-Uni ? est apparu en premier sur Touteleurope.eu.

"Take back control" ("reprendre le contrôle"), tel était le slogan des Brexiters, les partisans de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, lors de la campagne électorale pour le référendum britannique sur le Brexit en 2016. Une promesse de souveraineté retrouvée, de contrôle des frontières et de prospérité.
D'un point de vue économique, la sortie de l'UE devait signifier la fin de la contribution au budget européen. Et donc plus d'argent pour le Royaume-Uni et plus de liberté dans sa gestion. Si la croissance de l'économie britannique a été très faible en 2023, marquée par une période de récession au deuxième semestre, le PIB a rebondi en 2024, dans une tendance qui s'est confirmée au premier trimestre 2025, mais reste encore fragile.
Il convient donc de considérer avec mesure l'impact du Brexit sur l'économie britannique, eu égard à certains indicateurs économiques ou tendances. Qu'en est-il réellement aujourd'hui ?
Dès la victoire du “Leave” (quitter) le 23 juin 2016, les premières répercussions économiques du Brexit se manifestent. Les marchés financiers, anticipant les effets négatifs de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, réagissent immédiatement. La livre sterling chute de 7 % par rapport à l'euro. L’incertitude liée à l’issue des négociations sur la nouvelle relation qui se dessine entre Londres et Bruxelles provoque aussi une baisse significative de l’investissement outre-Manche.
Dans une note confidentielle révélée par la presse en 2018, le Trésor britannique évalue la perte de croissance du Royaume-Uni de 2 à 8 % dans les quinze années suivant la sortie de l'UE. L'année suivante, une étude menée par six économistes des universités de Stanford, de Nottingham, de la London School of Economics et de la Banque d'Angleterre estime le recul des investissements causé par l'anticipation du Brexit à 11 %.
La sortie du Royaume-Uni s'est déroulée en deux temps, avec le retrait de l'UE le 31 janvier 2020, puis de son marché unique le 31 décembre de la même année. Selon les termes de l'accord de commerce et de coopération entre Londres et Bruxelles, les deux parties continuent leurs échanges sans droits de douane ni quotas. Mais de nombreuses formalités administratives et contrôles douaniers, inexistants auparavant, font leur apparition. Ce qui complique significativement le commerce.
Dans les semaines qui suivent la sortie du marché unique, des pénuries de fruits et légumes frais, importés depuis le continent, sont constatées dans les supermarchés britanniques. En cause, les difficultés d'acheminement dues aux nouveaux obstacles commerciaux liés au Brexit. La fin de la libre circulation avec les autres pays européens impacte également la distribution d'essence ou aggrave encore la pénurie de médecins.
Rapidement, la pandémie de Covid-19, puis la guerre en Ukraine provoquent un choc économique qui affecte lourdement les économies européennes, dans et hors de l'UE, avec une forte inflation et un ralentissement de la croissance. Dès lors, difficile au Royaume-Uni de séparer l'impact de ces phénomènes mondiaux de celui du Brexit. À partir de la mi-2023, le pays enchaîne deux trimestres consécutifs de croissance négative, ce qui le fait entrer en récession technique.
Sur l'ensemble de l'année 2023, la croissance n'aura atteint que 0,1 %. Un chiffre plus faible que dans l'Union européenne et la zone euro, à 0,5 % de croissance en 2023. Au niveau national, les "grands" pays d'Europe de l'Ouest font alors tous mieux que le Royaume-Uni : 0,9 % en France et en Italie, 2,5 % en Espagne… à l'exception notable de l'Allemagne, qui fait pire, avec -0,2 % de PIB.
En 2024, l'économie britannique a montré des signes de reprise, avec une croissance de 0,7 % au premier trimestre (0,3 % dans la zone euro) et de 0,5 % au deuxième trimestre (0,2 % dans la zone euro), portée par la demande intérieure. La croissance est cependant restée nulle au troisième trimestre, période marquée par la crainte de fortes hausses d’impôts, confirmées depuis par le gouvernement travailliste de Keir Starmer. À cette embellie relative s'est par ailleurs ajoutée une inflation persistante, passée de 2,3 % à 2,6 % en décembre 2024, augmentant la pression sur le gouvernement pour stabiliser l'économie. Cette tendance s'est confirmée au début de l'année 2025. Selon des chiffres communiqués mercredi 19 février par l’Office national des statistiques (ONS), l’inflation est repartie à la hausse en janvier, à 3 % sur un an. Selon l'économiste Grant Fitzner, ce chiffre s'explique "par une diminution moins importante que d’habitude des tarifs aériens à cette période de l’année" et par la hausse du coût des aliments et des boissons non alcoolisés.
Le 16 janvier 2025, une étude de l'Institute for Public Policy Research a par ailleurs révélé une baisse significative des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l'UE, appelant à une révision fondamentale des règles commerciales post-Brexit pour mieux aligner les relations avec Bruxelles. D'après les estimations, les exportations de biens britanniques vers l'UE ont diminué de 27 % entre 2021 et 2023, tandis que les importations ont baissé de 32 %. Selon la Chambre de Commerce et d'Industrie Franco-Britannique, cette situation est restée pratiquement inchangée en 2024.
Pour atténuer ces retombées du Brexit, il est suggéré aux ministres britanniques de négocier un accord vétérinaire avec l'UE afin de réduire les contrôles sur les aliments qui traversent la Manche. Les exportations agroalimentaires britanniques vers l'UE pourraient ainsi croître de 22,5 %, précise le rapport de l'Institute for Public Policy Research.
Si la fluidité des échanges et la confiance des investisseurs ont donc bien pâti du Brexit, certains chercheurs invitent cependant à la prudence. En d'autres termes, il serait assez juste de considérer que si l'accord conclu avec l'UE n'a pas tenu les promesses d'une transformation économique majeure au Royaume-Uni, il n'a pas non plus provoqué une véritable catastrophe économique comme certains le prédisaient.
D'abord parce qu'en données cumulées, le PIB britannique a globalement suivi les courbes des grandes économies de la zone euro depuis 2016, comme la France ou l'Italie. Les principaux analystes économistes, à savoir les grandes institutions internationales que sont le FMI et l’OCDE, ainsi que l’Office for Budget Responsibility (OBR) et la Banque d’Angleterre (BoE), prévoyaient respectivement une croissance annuelle du PIB du Royaume-Uni pour 2024 de +0,7 %, +1,1 %, +0,8 % et +1,25 %, selon un bulletin de la direction générale du Trésor, en date du 8 octobre 2024.
D'après les dernières données publiées jeudi 15 mai 2025 par l’Office national des statistiques (ONS), le produit intérieur brut (PIB) du Royaume-Uni a suivi cette tendance. Il a déjà progressé de 0,7 % au premier trimestre 2025. Ce chiffre dépasse les prévisions des analystes, qui anticipaient une hausse de 0,6 %, selon une enquête de Reuters. Cette croissance est "principalement portée par le secteur des services, bien que la production ait également connu une amélioration notable après une période de repli", a précisé Liz McKeown, directrice des statistiques économiques à l’ONS. La ministre britannique des Finances, Rachel Reeves, salue cette performance. "L’économie britannique a enregistré une croissance plus rapide que celle des États-Unis, du Canada, de la France, de l’Italie et de l’Allemagne sur les trois premiers mois de l’année [sur la même période]", a-t-elle déclaré dans un communiqué.
Plus optimiste encore, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI), la croissance prévue pour le Royaume-Uni en 2029 serait de 1,3 %, comparable à celle de la France et deux fois supérieure à celle de l'Allemagne. De quoi nuancer les propos de certains détracteurs du Brexit, convaincus que les promesses de prospérité en quittant le wagon européen seraient vaines.
De la même manière, la dette publique britannique devrait représenter 103,8 % du PIB en 2025, soit environ 12 points de moins que la France.
Jeudi 8 mai, le premier ministre britannique, Keir Starmer, et le président américain, Donald Trump, ont annoncé un accord commercial "historique". Premier texte signé par les États-Unis avec un pays partenaire économique depuis le "Jour de la libération", cet accord pourrait donner un léger coup de boost à l'économie du pays. Dans la pratique, il concerne l'ouverture de nouveaux marchés britanniques pour 5 milliards de dollars, incluant 700 millions pour l’éthanol et 250 millions pour des produits agricoles comme le bœuf américain. Les véhicules britanniques bénéficieront d’une taxe réduite à 10 % (au lieu de 27,5 %) pour un quota annuel de 100 000 voitures. En contrepartie, le Royaume-Uni s'engage à acheter 10 milliards de dollars d'avions Boeing. L’accord donne en outre un avantage au Royaume-Uni par rapport à d’autres pays, notamment ceux de l’Union européenne, toujours soumis aux taxes à l’importation de 25 % sur l’acier, l’aluminium et l’automobile.
La conclusion de cet accord pourrait occuper une partie des discussions lors d'un sommet jugé capital, le 19 mai à Londres, entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. De nombreux économistes s'interrogent cependant sur la portée de ce compromis. Une grande partie des produits manufacturés du pays feront toujours l'objet de droits de douane de 10 %, autrement dit la taxe "réciproque" imposée en avril par le dirigeant américain et suspendue actuellement pour une période de 90 jours.
Le Premier ministre actuel du Royaume-Uni est Sir Keir Starmer, chef du Parti travailliste. Il a pris ses fonctions le 5 juillet 2024.
Le dirigeant de 62 ans a clairement indiqué que le Royaume-Uni ne rejoindra pas l'Union européenne, le marché unique ou l'union douanière, et qu'il n'y aura pas de retour à la libre circulation des personnes.
Cependant, il s'est engagé à améliorer les relations avec l'UE en renforçant la coopération économique, diplomatique et militaire. Par exemple, il a exprimé son intention de renégocier l'accord commercial post-Brexit pour réduire les frictions commerciales et a proposé de reconnecter le système britannique d'échange de quotas d'émission avec celui de l'UE.
Si l'impact réel du Brexit sur l'économie britannique est difficile à évaluer, les Britanniques sont quant à eux de plus en plus nombreux à considérer que quitter l'UE fut une erreur. Le 23 juin 2016, ils étaient déjà 48,11 % à vouloir rester dans l'Union. Ils étaient même majoritaires en Irlande du Nord (55,8 %) et en Écosse (62 %).
Aujourd'hui, la part de Britanniques réfractaires au Brexit semble prendre durablement le dessus. Depuis janvier 2020, l'institut de sondages YouGov réalise par exemple une enquête avec pour question "Avec le recul, pensez-vous que la Grande-Bretagne a eu raison ou tort de voter en faveur de la sortie de l'Union européenne ?". Dès le 26 janvier 2020, 40 % pensaient que le pays avait eu raison quand 47 % considéraient le contraire (13 % ne savaient pas). Puis les partisans de la sortie de l'UE ont repris l'avantage dans le sondage… jusqu'en mars 2021, période à partir de laquelle les deux courbes se sont durablement éloignées. Au 1er mai 2024, 55 % des sondés estimaient que le Brexit était une erreur, contre seulement 31 % déclarant qu'il s'agissait d'une bonne décision.
Selon une enquête de l'institut Redfield & Wilton relayée par le quotidien The Independent en septembre 2024, cette tendance est encore plus marquée chez les jeunes, dans l'incapacité de voter en 2016. Alors que 56 % des personnes interrogées déclarent qu’elles voteraient pour une réadhésion à l’UE si un autre référendum était organisé aujourd’hui, ils sont 61 % parmi la "génération Z" (personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010) à la vouloir (contre 28 % pour le statu quo).
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