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02.10.2025 à 11:51

Face à Pierre-Édouard Stérin, le grand silence de la « French Tech »

Clément Le Foll
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Investisseur historique et respecté de la French Tech, Pierre-Édouard Stérin s'affiche aussi en financer de la guerre culturelle et de l'extrême droite. Dans le milieu start-up, le sujet semble tabou.

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Texte intégral (4691 mots)

Investisseur historique et respecté de la French Tech, Pierre-Édouard Stérin finance via le Fonds du bien commun des associations traditionalistes et réactionnaires et vise désormais, avec le projet Périclès, la victoire électorale de l'extrême droite. Dans le milieu start-up, le sujet reste tabou. De Xavier Niel à Bpifrance, tout le monde continue à faire affaire avec le sulfureux milliardaire comme si de rien n'était. Enquête.

« Une année record pour Otium. » Début 2025, le family office de Pierre-Édouard Stérin ne manque pas de superlatifs lors de la publication de ses résultats annuels : 5000 collaborateurs, 1,6 milliard d'actifs, 800 millions d'euros de chiffres d'affaires consolidés et 255 millions d'euros d'investis dans des sociétés aussi diverses que la chaîne de restauration La Pataterie, l'installateur de panneaux solaire Ensol ou les centres de jeux pour enfants Hapik.

Une fierté pour le milliardaire ultraconservateur, exilé fiscal qui contrôle son empire économique depuis la Belgique. Si ce fervent catholique a fait fortune en créant la société de coffrets cadeau Smartbox, c'est dans la tech qu'il s'est forgé une solide réputation, en investissant dans des start-ups comme Payfit ou Owkin, aujourd'hui valorisées à plus d'un milliard d'euros. Ces engagements valent à Pierre-Édouard Stérin d'être régulièrement sur le podium des classements des « business angels » français. Fin mars, le magazine Challenges le classe en tête devant Xavier Niel et le cofondateur de Veepee Michael Benabou, avec 348 millions d'euros d'investissements.

En 2024, "L'Humanité" révélait l'existence du projet Périclès, document rédigé à la manière d'un « business plan » de start-up pour financer la victoire électorale de la droite extrême.

Sauf que Pierre-Édouard Stérin n'a rien d'un homme d'affaires comme les autres. En 2024, L'Humanité révélait l'existence du projet Périclès, document rédigé à la manière d'un « business plan » de start-up, où le milliardaire explique vouloir financer à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros des médias, associations ou think tanks pour préparer la victoire électorale de la droite extrême. Depuis, les projecteurs médiatiques sont braqués sur le milliardaire et sur les financements qu'il distribue depuis des années via le Fonds du bien commun, une entité étroitement imbriquée dans le labyrinthe de sociétés qu'il contrôle (lire notre article). Celui-ci a par exemple soutenu l'association Réseau de parents, qui diffuse des idées transphobes et sexistes, l'application Chants de France, cofondée par un ancien membre du groupuscule violent Groupe union défense (GUD) ou promu lors d'une soirée l'association la Maison de Marthe et Marie, réputée proche des milieux anti-avortement.

La proximité d'Otium avec l'extrême droite ne concerne pas seulement Pierre-Édouard Stérin, puisque son bras droit François Durvye, directeur opérationnel du fonds à Paris, s'affiche désormais publiquement comme le conseiller de Marine Le Pen sur les questions économiques. Selon plusieurs médias, il s'apprêterait à quitter Otium pour se présenter aux prochaines élections législatives sous la bannière du Rassemblement national.

Un silence qui en dit long

La révélation du projet Périclès et du soutien actif de Stérin et Durvye à l'extrême droite n'a engendré à l'époque que peu de réactions dans le monde de la tech. Alexandre Boucherot, le patron d'Ulule, a été l'une des rares exceptions : « Otium est en effet "bien plus qu'une simple holding d'investissement". C'est un projet funeste et réactionnaire, d'un cynisme extraordinaire, qui pousse un agenda en réalité aux antipodes des aspirations de l'immense majorité des citoyens », a-t-il déclaré sur le réseau social LinkedIn alors que se profilaient les élections législatives de l'été 2024.

C'est peu dire que l'évocation de Pierre-Édouard Stérin crispe dans le secteur français de la tech.

Durant l'été 2025, la mise en lumière par L'Humanité des liens entre le milliardaire catholique et le label des « Plus belles fêtes de France » a suscité une vague d'indignations. Des dizaines de collectivités se sont immédiatement retirées de l'initiative. Le média Le Crayon, dans lequel Stérin avait investi, a récemment annoncé l'avoir fait sortir de son capital.

Rien de tel dans l'industrie du numérique. Pour cette enquête, nous avons contacté des dizaines de personnalités du secteur français de la tech. C'est peu dire que l'évocation de Pierre-Édouard Stérin crispe. La majorité des personnes interrogées au cours de cette enquête ont refusé de s'exprimer ou ont requis l'anonymat. Un silence qui, en lui-même, en dit long.

Même chez ceux qui lui sont opposés par les idées, comme Hervé [1], responsable des affaires publiques d'une licorne française, le discours se veut rassurant. « Contrairement aux associations dont l'objet peut être dévoyé au profit de certaines idées, c'est plus compliqué de détourner une start-up à des fins politiques », explique-t-il.

Dans le monde de la tech, la majorité préfère ainsi séparer le Stérin politique, financeur de l'extrême droite, du Stérin investisseur, dont les opinions s'effaceraient au profit de l'intérêt financier d'Otium. Ce second Stérin est dépeint en « entrepreneur de génie » par l'un de ses anciens collaborateurs, ou encore en « personnage multifacettes » par l'un des principaux investisseurs français, qui le côtoie depuis une dizaine d'années. « C'est quelqu'un d'hyper intelligent, avec une capacité d'analyse hors normes. J'ai toujours pensé qu'il était d'une droite catholique traditionnelle. La révélation de Périclès montre qu'il a pris une forme de tournant. »

Le site d'Otium Capital, qui sert de guichet unique à l'empire Stérin

« Venture capitalist » à la française

C'est en 2009 que Pierre-Édouard Stérin a lancé Otium (une appellation commerciale qui recule en réalité une myriade de sociétés différentes, comme nous l'avons montré), pour valoriser les profits et la trésorerie très substantiels générés par la Smartbox. Au fil des ans, il est devenu un acteur respecté du capital-risque français. À la manière des « venture capitalists » américains, financiers de la Silicon Valley qui se sont massivement ralliés à Trump lors des dernières élections (lire nos enquêtes), mais à bien plus petite échelle, il soutient les premières années de start-ups qu'il estime prometteuses, en participant à leurs levées de fonds. L'objectif est pécuniaire : que ces start-ups décollent et que Otium puisse revendre ces participations en empochant une juteuse plus-value. En 2016 et en 2019, Otium investit par exemple 4,5 millions d'euros pour acquérir 19 puis 22 % du capital de la plateforme juridique Doctrine, qui vient alors de se lancer. Des participations revendues pour 20,7 millions d'euros en 2023 selon le média L'Informé.

Les parts de Stérin dans Payfit et Owkin, les deux « licornes » de son portefeuille, pourraient représenter à elles seules la bagatelle de 300 millions d'euros.

En quinze ans, Otium a accompagné plus de 110 entreprises dans l'industrie, le loisir, la santé, l'hôtellerie ou l'immobilier. Les sommes investies varient de quelques dizaines de milliers d'euros à plusieurs dizaines de millions d'euros. « Pierre-Édouard Stérin adore qu'on dise qu'il est milliardaire, alors que sa fortune n'est qu'une valorisation de ses investissements », souligne un fin connaisseur du milieu. On ne connaît pas toujours le montant précis des participations de Stérin dans la tech, via Resonance ou d'autres sociétés de son groupe, ces informations étant souvent tenues secrètes. Mais les parts qu'il détient dans Payfit et Owkin, les deux « licornes » de son portefeuille (valorisées à plus d'un milliard de dollars) pourraient représenter à elles seules la bagatelle de 300 millions d'euros.

Depuis 2022, les investissements liés à la tech se font via un fonds baptisé Resonance. Pierre-Édouard Stérin a placé à sa tête une équipe de trentenaires issus de Centrale Supélec ou HEC. Dès les premiers pas, les ambitions sont là : « Faire de Resonance l'un des fonds leaders de la tech en Europe », annonce Maxime Le Dantec, qui pilote le fonds, dans une vidéo de présentation. Doté de 150 millions d'euros, Resonance a depuis investi en moyenne 2,8 millions d'euros dans 14 start-ups, avec un intérêt particulier pour l'intelligence artificielle.

Parmi ses premiers investissements, Tomorro, start-up française qui a créé grâce à l'IA un outil de gestion de contrats, ou Zeliq, un outil d'intelligence artificielle dédié aux commerciaux. De quoi positionner Resonance au cœur de ce milieu en pleine effervescence. Cet été, le fonds a organisé un dîner où étaient conviés certains des visages les plus influents de l'IA française : Romain Huet, directeur de l'expérience développeur chez le géant américain OpenAI, ou encore Charles Gorintin, cofondateur de l'entreprise française d'IA générative Mistral.

« Je n'ai pas la sensation de financer l'extrême droite en ayant Resonance à mon capital. »

Le poids financier d'Otium dans l'écosystème de la tech explique peut-être la réticence des startuppers à évoquer les engagements politiques du milliardaire, d'autant plus que les levées de fonds tendent à se faire plus difficiles ces dernières années. Évoquer ou critiquer publiquement Pierre-Édouard Stérin, c'est prendre le risque de se mettre à dos l'un des principaux business angels français.

Très rares sont donc les entreprises soutenues par Stérin à avoir pris leur distance avec le milliardaire anti-IVG.

Très rares sont donc les entreprises soutenues par Otium à avoir pris leur distance avec le milliardaire anti-IVG. L'une des seules est Rgoods, start-up spécialisée dans le e-commerce responsable pour les associations et les ONG, qui craignait de voir certains de ses clients la déserter. Interrogés par L'Informé en juillet 2024, les dirigeants d'Otium ont répliqué en assurant qu'ils envisageaient depuis des mois de sortir de Rgoods, pas assez profitable à leurs yeux. Où en est-on aujourd'hui ? Contacté par l'Observatoire des multinationales, le fondateur de RGoods n'a pas répondu à notre demande.

Une seule start-up dans laquelle Resonance a investi a accepté d'évoquer la question du projet politique de Pierre-Édouard Stérin, sous couvert d'anonymat. « À l'époque, je savais que Otium était un fonds respecté dans le milieu, nous a expliqué son fondateur. Depuis, ils ont un petit ticket chez nous, mais n'influent pas sur notre boîte : il est indirectement investisseur, n'a aucun droit de vote spécifique… Je n'ai pas la sensation de financer l'extrême droite en ayant Resonance à mon capital. »

« Un fonds respecté dans le milieu »

« Pierre-Édouard Stérin est un investisseur influent, analyse un créateur de start-up français. Dans la tech, il est loin d'avoir une position monopolistique, mais il a co-investi dans beaucoup d'autres fonds. » La « French Tech » est un petit monde, qui fonctionne sur la base de réseaux interpersonnels, et où les levées de fonds associent en général plusieurs capital-risqueurs. De sorte que Otium est en affaire, directement ou indirectement, avec tous les acteurs du milieu, y compris les plus éminents.

La « French Tech » est un petit monde.

Depuis 2020, le fonds de Stérin a par exemple pris une participation minoritaire dans ISAI, l'un des fonds d'investissement les plus connus et influents de la French Tech. Il a été fondé en 2009 par des figures françaises du web, comme le co-créateur de la plateforme Priceminister - aujourd'hui Rakuten - Pierre Kosciusko-Morizet, l'ancien président de Sarenza Stéphane Treppoz ou l'ancien président du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux. Il est aujourd'hui dirigé par Jean-David Chamboredon, ex de Capgemini, ancien co-président du lobby du secteur de la tech, France Digitale. Celui-ci avait été en 2012 un leader du mouvement des « Pigeons » contre la politique fiscale de François Hollande, l'un des premiers moments où le secteur de la tech a commencé à flirter avec certaines thématiques de l'extrême droite.

Sur son site internet, Otium mentionne également également être depuis 2021 au capital de Raise Seed for Good, qui se donne pour objectif de faire émerger des leaders européens de la tech responsable. Ce véhicule d'investissement appartient à Raise, un fonds qui s'affiche comme « éthique », et qui mobilise la crème des élites politico-économiques parisiennes. Il a été fondé en 2018 par Clara Gaymard, ex patronne de General Electric France et femme de l'ancien homme politique français Hervé Gaymard, et Gonzague de Blignières, ancien patron de Barclays Private Equity. Il y a trois ans, Raise a même recruté l'ancien ministre de l'Agriculture Julien Denormandie comme « senior advisor ».

Quels liens entretient le groupe Raise avec Otium et Pierre-Édouard Stérin ? Contactés, ni Gonzague de Blignières ni Clara Gaymard n'ont retourné nos appels. Le service communication de Raise explique que « Otium est un investisseur très minoritaire dans l'un de nos fonds, aux côtés de nombreux autres souscripteurs institutionnels et privés ». Sans donner de chiffres, au nom de la « confidentialité à l'égard de ses investisseurs ».

« Pierre-Édouard a fait beaucoup de bien à la tech »

Le fondateur de Raise Gonzague de Blignières a été avec d'autres entrepreneurs de la tech comme Charles Beigbeder ou Stanislas de Bentzmann l'un des financeurs de la première « Nuit du bien commun ».

Le fondateur du groupe Raise Gonzague de Blignières côtoie pourtant Stérin depuis des années. En 2017, il est, avec d'autres entrepreneurs - comme le partisan de l'union des droites Charles Beigbeder ou Stanislas de Bentzmann, un autre ancien patron du lobby des start-ups CroissancePlus - l'un des financeurs de la première « Nuit du bien commun », l'événement caritatif imaginé par Stérin qui aide depuis plusieurs années des associations proches des réseaux catholiques réactionnaires et des mouvements anti-IVG. Un mécénat que Raise a poursuivi pendant plusieurs années.

Du côté d'ISAI, la participation d'Otium s'est faite par l'entremise de Thierry Vandewalle, alors membre de l'équipe d'investissement d'ISAI. Une personnalité identifiée de la French Tech, régulièrement classée dans le top 30 des business angels français, membre du board de la French Tech Grand Paris et aujourd'hui à la tête du fonds Wind. « Pierre-Édouard a fait beaucoup de bien à la tech. Il a mis pas mal d'argent dans des boîtes quand les gens n'y croyaient pas. Il a pris des risques, estime Thierry Vandewalle, qui explique ne plus avoir de relations avec Stérin depuis plusieurs années. Je connaissais ses opinions politiques, mais dans la tech, j'ai toujours tendance à dire que politique et business ne font pas bon ménage. »

Certains des acteurs que nous avons interrogés pour cette enquête veulent croire que Pierre-Édouard Stérin a pris du recul depuis quelques mois et est moins investi dans le milieu de la tech. Mais les affaires se poursuivent pour Otium. Le family office a participé en novembre dernier à une levée de fonds dans Just, start-up dédiée au e-commerce, à laquelle a également pris part Kima Ventures, le fonds d'investissement du fondateur de Free Xavier Niel. Ce n'est pas le seul co-investissement de ce dernier avec Pierre-Édouard Stérin, puisque les deux milliardaires sont tous deux au capital d'au moins Wejust et Flagcat. Contacté à plusieurs reprises pour cette enquête, Xavier Niel n'a jamais répondu à nos sollicitations.

La banque publique Bpifrance a elle aussi participé à des levées de fonds dans just aux côtés d'Otium.

La banque publique Bpifrance, soutien clé de la French Tech, a elle aussi participé à des levées de fonds dans Just aux côtés d'Otium. « Bpifrance opère, depuis l'origine, dans le cadre de la doctrine d'intervention présentée au Parlement et adoptée par son Conseil d'administration. C'est dans ce cadre que Bpifrance a investi aux côtés d'Otium Capital au capital de quelques start-ups françaises », nous a répondu de son côté la banque publique par courriel.

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« Faire de la politique comme on fait du business »

À première vue, les investissements de Pierre-Édouard Stérin semblent difficile à lier à son projet politique. Otium investit dans des dizaines de projets : immobilier, marques de lingerie, marketplace, alimentation pour chat. Même en ce qui concerne la tech, les solutions et les plateformes développées par les start-ups dans lesquelles investit le fonds Resonance sont surtout destinées aux entreprises et aux DRH, pas aux candidats politiques ou aux croisés de la guerre culturelle.

Il n'y a pas de vraie séparation entre le versant économique et le versant politique des activités de Stérin.

De quoi donner du crédit à l'argument selon lequel il faudrait distinguer Stérin le politique et Stérin l'investisseur ? Pas si évident. Il n'y a pas de vraie séparation fonctionnelle ou financière entre le versant économique et le versant politique de ses activités. Si le projet Périclès a été soigneusement séparé du reste de l'empire de Pierre-Édouard Stérin, ce n'est pas le cas du Fonds pour le bien commun. En juillet 2024, Otium affirmait ainsi dans un communiqué lui avoir redistribué directement (en réalité sous forme de prêts, comme nous l'avons révélé) 30 millions d'euros, établissant un lien direct entre la investissements économiques du milliardaire et sa croisade sociétale.

On ne peut qu'être frappé par la similarité entre le fonctionnement du fonds Resonance et celui du projet Périclès et du Fonds du bien commun. Dans chaque cas, il s'agit de soutenir une multitude d'entreprises ou d'autres entités émergentes en espérant que certaines d'entre eux, au moins, rencontre le succès. Pierre-Édouard Stérin revendique lui-même d'ailleurs sa volonté de « faire de la politique comme on fait du business ».

Un mélange de genres que l'on retrouve dans également aux États-Unis et ailleurs, rappelle le sociologue Théo Bourgeron, avec le phénomène du « philanthro-capitalisme ». « Les fondations comme celle de Bill Gates ou d'autres font peu de dons. Elles passent beaucoup par des investissements, des partenariats, des prêts. Quant à l'usage de la langue des KPI et du « venture capital » pour décrire une entreprise de changement de régime, il est en effet frappant. On le retrouvait déjà dans certains discours d'Elon Musk lors de la campagne électorale américaine. »

Le site du Fonds du bien commun

« Le problème, c'est qu'il est le seul à investir dans le secteur »

Fin 2022, le Fonds du bien commun s'est d'ailleurs doté de son propre « start-up studio », qui a soutenu des projets comme le pensionnat catholique de l'Académie de Saint-Louis ou encore Cités immersives, destiné à faire découvrir des lieux de l'histoire de France et de son patrimoine.

Depuis quelques mois, Otium multiplie ainsi les investissements dans les expériences « immersives » la réalité virtuelle.

Depuis quelques mois, Otium multiplie les investissements dans ce dernier secteur. En 2023, Frederic Lecompte, fondateur de French Immersive Studios déclare avoir été approché par le Fonds du bien commun pour développer une expérience immersive autour de Napoléon. Un projet qu'il a refusé. Aujourd'hui, il s'inquiète des visées de Stérin dans la réalité virtuelle. « Beaucoup de gens disent qu'il faut séparer les idées politiques de Stérin de son business, ce n'est pas mon cas. La réalité virtuelle est un médium très engageant pour le public, qui peut faire passer un message politique, comme par exemple montrer une vision de la France des châteaux et des cathédrales, chère à Stérin. Le problème, c'est qu'il est le seul à investir dans le secteur, il n'y a aucun autre investisseur, qui comprend l'intérêt d'investir dans la culture. »

« Stérin est le plus visible, mais il y en a d'autres »

Est-ce le seul secteur où les convictions politiques et religieuses de Pierre-Édouard Stérin pourraient se mélanger à ses intérêts économiques ? Le milliardaire jure n'agir que par désintéressement et promet depuis des années déjà de léguer l'ensemble de sa fortune. Selon Théo Bourgeron interrogé par L'Humanité, cependant, les choses ne sont pas si simples : « Quand le Rassemblement national prévoit, dans son programme, la création d'un fonds souverain de 500 milliards d'euros pour investir dans les PME, le parti promet de détourner les supports d'épargne des acteurs bancaires traditionnels et de les flécher vers les fonds d'investissement. C'est quand même très intéressant pour Stérin dont c'est le business ! »

Une partie de la tech française pourrait-elle être tentée de suivre l'exemple américain ?

Pour le sociologue, l'acceptation tacite par le milieu de la French Tech d'une personnage comme Pierre-Édouard Stérin n'a rien d'étonnant. « Ces liens sont anciens. Stérin est le plus visible, mais il y en a d'autres. Il ne faut pas oublier Charles Beigbeder, qui a été président de CroissancePlus [et aujourd'hui à la tête du fonds Quantonation, NdE]. »

Une partie du secteur, si elle ne partage pas forcément les convictions chrétiennes radicales du milliardaire ni sa crainte de l'immigration, n'est peut-être pas aussi éloignée de ses positions sur l'impôt ou l'administration. Récemment encore, quelques startuppers de renom s'en sont pris violemment à la taxe Zucman.

On s'est étonné de découvrir les accointances des leaders de la tech aux États-Unis avec le trumpisme, derrière leur façade progressiste. Issus pour une large part des couches supérieures de la société, courtisés par la frange libertarienne de l'extrême droite française, une partie de la tech française pourrait-elle être tentée de suivre l'exemple américain ?


[1] Le nom a été changé.

30.09.2025 à 07:00

« Notre chiffrage de 211 milliards d'euros d'aides publiques est déjà largement repris dans les mobilisations et au sein même des entreprises »

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De la commission d'enquête sénatoriale sur les aides publiques aux entreprises qui a rendu son rapport cet été, on a beaucoup retenu le chiffrage de 211 milliards d'euros par an. Mais elle a aussi abouti sur des propositions plutôt ambitieuses, approuvées à l'unanimité par les sénateurs, et commencé à faire bouger quelques lignes sur un sujet traditionnellement verrouillé aussi bien par l'exécutif que par le patronat. Comment faire en sorte maintenant que la fenêtre ainsi ouverte ne se (…)

- Entretiens / , , , ,
Texte intégral (3613 mots)

De la commission d'enquête sénatoriale sur les aides publiques aux entreprises qui a rendu son rapport cet été, on a beaucoup retenu le chiffrage de 211 milliards d'euros par an. Mais elle a aussi abouti sur des propositions plutôt ambitieuses, approuvées à l'unanimité par les sénateurs, et commencé à faire bouger quelques lignes sur un sujet traditionnellement verrouillé aussi bien par l'exécutif que par le patronat. Comment faire en sorte maintenant que la fenêtre ainsi ouverte ne se referme pas ? Entretien avec Fabien Gay, rapporteur de cette commission et par ailleurs directeur de L'Humanité.

Quel a été le point de départ de cette commission d'enquête ?

Au Parlement, chaque groupe politique a un droit de tirage annuel pour initier une mission d'information sur un thème. Au sein du groupe communiste, nous essayons toujours d'être utile au mouvement social et de contribuer au débat d'idées. Il y a eu la commission d'enquête d'Eliane Assassi sur les cabinets de conseil, celle de Laurence Cohen sur les pénuries de médicaments... Après huit ans au Parlement, je voulais en lancer une à mon tour. Nous étions en novembre 2024, Michelin et Auchan venaient d'annoncer leurs plans de licenciements. Le scandale a rapidement éclaté : comment de grandes entreprises peuvent verser des dividendes, pratiquer le rachat d'actions, et licencier, tout en touchant des aides publiques ?

Il y avait donc un sujet, mais comment l'aborder ? Je connais bien le grand patronat. En huit ans, la commission des Affaires économiques du Sénat, dans laquelle je siège, a auditionné environ 150 patrons. Je savais que si on partait de la question des licenciements, ils allaient nous parler de la compétition internationale et du marché, et que cela ne donnerait pas grand chose en termes de propositions – sinon interdire les licenciements boursiers, une idée que nous portons depuis longtemps, mais que la droite n'acceptera jamais. La question des aides publiques et de leur utilisation, en revanche, n'a été que très peu étudiée par le Parlement. Le groupe communiste s'était penché il y a quelques années sur le crédit impôt recherche (CIR), mais la droite avait refusé d'adopter le rapport, qui n'avait donc pas été publié (lire Crédit impôt recherche : le Sénat organise l'omertà sur une niche fiscale controversée). Mes camarades étaient d'ailleurs un peu inquiets que cela se reproduise cette fois-ci. Mais, premièrement, le climat social et politique n'est plus celui d'il y a dix ans : les pratiques de certaines entreprises scandalisent bien au-delà de nos rangs. Et deuxièmement, aujourd'hui les auditions sont filmées et publiques. Avec la puissance des réseaux sociaux, il est bien plus compliqué d'enterrer un rapport.

Avec la puissance des réseaux sociaux, il est bien plus compliqué d'enterrer un rapport.

Nous nous sommes donc lancés, mais je voyais la droite inquiète. Je leur ai donc proposé de prendre les choses dans l'ordre, de trouver une définition là où il n'y en avait pas, de chiffrer le montant global des aides, pour ensuite parvenir à des pistes de solutions. Je ne savais pas du tout où nous allions atterrir.

La presse a beaucoup retenu ce chiffrage de 211 milliards d'euros d'aides publiques par an. Pourquoi était-ce important de commencer par se mettre d'accord sur un tel chiffre ?

Parce qu'il n'y avait pas de consensus sur ce sujet. L'Insee nous a parlé d'un montant plancher de 60 milliards d'euros. Le président de la République a sorti le chiffre de 98 milliards d'euros à la télévision pendant une interview. Le ministre de l'Économie et des Finances a évoqué 150 milliards. De notre côté, nous nous sommes appuyés sur les deux rapports les plus solides, celui des économistes du Clersé et celui de France Stratégie de 2020, qui incluent les subventions directes, les aides fiscales déclassées et les exonérations de cotisations patronales. Les chiffres sont très similaires. Le Clersé avait dit 205, France Stratégie 223, et nous sommes arrivés à 211 milliards d'euros.

Il aura fallu un nombre incalculable de courriers et de relances, des données parfois transmises via une clé USB, et le travail de deux data scientists du Sénat pour aboutir à ce chiffre de 211 milliards.

On est face à une véritable jungle de dispositifs et l'État ne tient pas de tableau de bord. Il ne sait pas quel montant va à telle ou telle entreprise, quels volumes bénéficient au public et au privé, quelle est la répartition entre petites, moyennes et grandes entreprises. Le gros du travail que nous avons effectué, qui n'était pas visible, a été de collecter toutes les données dans chaque ministère. Il aura fallu un nombre incalculable de courriers et de relances, des données parfois transmises via une clé USB, et le travail de deux data scientists du Sénat pour aboutir à ce chiffre de 211 milliards. Nous avons exclu les estimations des collectivités territoriales et de l'Union européenne, ainsi que les aides aux personnes (sur la rénovation énergétique par exemple) et aussi – contrairement à ce qu'ont prétendu le Medef et tous les éditocrates – les compensations pour gestion d'entreprises publiques (par exemple l'audiovisuel public ou les retraites de la RATP et de la SNCF), parce que nous voulions un chiffre objectivé et solide. Cela n'a pas empêché François Bayrou de dire que nous mélangions les carottes et les sèche-cheveux.

Il y a aussi eu le 17 juillet [quelques jours à peine après la parution du rapport sénatorial, NdE] un rapport du Commissariat au plan – 22 pages, contre 15000 pages pour le nôtre – qui a proposé un autre chiffrage ne prenant pas en compte les exonérations de cotisations patronales. Nous les avons incluses, puisque l'ensemble des ministres auditionnés ont reconnu qu'il s'agissait bien d'aides publiques, tout comme les patrons, qui nous donnaient à chaque fois les montants pour leur groupe. Au fond, on est passé d'un capitalisme sous perfusion directe, il y a trente ans ou plus, avec des subventions et des crédits d'impôts visibles, à un capitalisme plus insidieux, à base d'exonérations. Moins visible donc, mais avec le même résultat pour l'État et le contribuable.

Pourquoi selon vous cette attitude de déni de la part de l'exécutif ?

Nous avons réussi à ouvrir une fenêtre d'opportunité extraordinaire, à un moment où la gauche est mise sous pression des idées libérales et d'extrême droite. Face à un gouvernement qui nous promet aujourd'hui du sang et des larmes, le gel des dépenses et des prestations, nous avons réussi à mettre sur la table deux questions : celle de la taxe Zucman, c'est-à-dire le fait que les ultra-riches payent moins d'impôts que les autres proportionnellement et donc doivent contribuer plus, et celle de l'argent public qui va aux entreprises sans contreparties, avec peu ou pas de suivi, ce qui justifie qu'elles contribuent aussi à l'effort demandé. Évidemment, ils essaient de refermer cette fenêtre en attaquant la taxe Zucman et en essayant de discréditer ou d'invisibiliser notre travail. Ils vont dire que c'est un « rapport communiste », alors qu'il a été présidé par un sénateur LR et adopté à l'unanimité, avec l'appui des fonctionnaires du Sénat. Mais ils n'y arriveront pas. Notre chiffre de 211 milliards a déjà été repris dans les mobilisations du 10 et du 18 septembre.

Les propositions formulées par votre commission apparaissent globalement beaucoup plus ambitieuses qu'on aurait pu s'y attendre. Au-delà des questions de transparence et de l'évaluation, qui sont assez consensuelles, vous proposez un suivi des aides touchées groupe par groupe, ce qui est traditionnellement un sujet assez sensible. Vous proposez aussi des mécanismes pour lier aides publiques et emploi, et même aides publiques et dividendes versés. Comment avez-vous convaincu la droite de soutenir ces recommandations?

Je faisais moi-même les tableaux à la main. D'abord, cela les a fait rire, mais à la fin de l'audition, ils riaient beaucoup moins.

Tous les membres de la commission ont reconnu que j'ai mené avec mes équipes un travail sérieux et argumenté, qui s'est révélé implacable le moment venu. Ensuite, ce sont les auditions qui ont fait leur effet. Pour l'audition de Carrefour, par exemple, j'ai collecté des chiffres pendant près d'une semaine avec l'aide de syndicalistes, de lanceurs d'alertes, de collègues, en faisant moi-même les tableaux à la main. D'abord, cela les a fait rire, mais à la fin de l'audition, ils riaient beaucoup moins. J'ai rappelé au PDG de Carrefour les chiffres sur les dividendes, les bénéfices, les aides publiques. Il était sous serment et ne pouvait pas les nier. Il a fini par reconnaître que les aides publiques servaient les actionnaires. Idem pour ST Microelectronics, qui a bénéficié de 500 millions d'euros de crédits d'impôt recherche. Quand j'ai demandé au PDG le montant des impôts que l'entreprise payait en France, il m'a dit qu'il ne savait pas. Je lui ai dit : « Je vais vous les donner, moi », et j'ai vu son visage changer. La plupart des années, c'était zéro, avec une seule exception, où ils ont versé moins de 100 000 euros. A l'heure de la désinformation, de la petite phrase, du buzz, j'ai essayé de rester calme, de vérifier. Les patrons n'attendaient qu'une chose, c'était que je perde mon sang-froid.

Je tiens à remercier l'ensemble de mes collègues sénateurs qui ont été très présents et très impliqués tout au long du processus. Beaucoup ont découvert, grâce à ces auditions, des conditions de travail et des niveaux de salaires qui les ont scandalisés. J'ai moi aussi beaucoup appris. C'est ainsi que des idées ont commencé à pointer. Est-ce que c'est au final tout le programme que j'aurais souhaité à titre personnel ? Non. Mais est-ce que nos propositions vont au-delà de ce que j'espérais au début ? Clairement oui. Sur le remboursement de toutes les aides publiques sur deux ans en cas de délocalisation, c'était jusqu'à présent une revendication minoritaire. Aujourd'hui, c'est une recommandation dans un rapport sénatorial voté à l'unanimité. Quant à l'idée fantastique de déduire les aides publiques du montant distribuable par les entreprises sous forme de dividendes, ce n'est évidemment pas ça qui va mettre fin au capitalisme, mais cela changerait un certain nombre de choses dans l'équation. Nous avons aussi acté le principe de suspendre toute aide publique pendant deux ans en cas de condamnation définitive pour travail illégal, non-publication des comptes, atteinte à l'environnement, discrimination systémique. Si au mois de janvier, on m'avait dit qu'on allait adopter un rapport à l'unanimité avec 26 recommandations de ce type, j'aurais signé des deux mains, des deux pieds, de la tête et du menton.

Quelle a été l'attitude des grands patrons lors des auditions ?

Je dois avouer que j'ai été assez étonné de la transparence dont a fait preuve la majorité des patrons que nous avons auditionnés.

Nous avons auditionné 33 PDG, et je dois avouer que j'ai été assez étonné de la transparence dont a fait preuve la très grande majorité d'entre eux. Au début, les représentants de l'administration n'arrêtaient pas d'invoquer le secret des affaires ici, le secret fiscal là. J'étais un peu inquiet. Puis nous avons commencé les auditions de PDG. Florent Ménégaux, le DG de Michelin, a été très transparent et nous avons eu un débat de très bonne tenue. Il a donné le tempo pour les autres. Ensuite, Auchan a été obligé de s'aligner. Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, a lui aussi joué le jeu de la transparence, tout en mettant en avant les impôts qu'il paie... mais pas en France. Puis il y a eu l'audition de Google France : les représentants sont venus les mains dans les poches et se sont fait rabrouer par le président de la commission. Puis celle de Sanofi, où ils ont essayé de noyer le poisson, de prétendre qu'ils n'avaient pas procédé à des licenciements malgré quatre plans de sauvegarde de l'emploi. Ils ont fini par lâcher le fameux chiffre : 1 milliard d'euros de crédit impôt recherche. Tout le monde était stupéfait : vous touchez 1 milliard d'euros, vous licenciez et en plus vous ne trouvez pas de vaccins... Les autres patrons avaient le choix : soit jouer la transparence comme MM. Ménégaux et Pouyanné, soit faire comme Google et Sanofi et risquer de se prendre une vague de critiques sur les réseaux sociaux. La plupart ont choisi la première option. Ils ont donné des chiffres, qui ont commencé à circuler et à marquer les esprits : le milliard d'euros de CIR de Sanofi, les 298 millions d'euros touchés par ArcelorMittal en 2023...

En vérité, beaucoup de patrons n'avaient pas envie de venir. Ils ont cherché des prétextes, nous ont reproché d'être un tribunal populaire, mais cela n'a pas pris. Puis Patrick Martin, du Medef, est arrivé à son audition avec ses éléments de langage selon lesquels les aides sont des compensations du haut niveau de charges qu'il y aurait en France. Quelques patrons auditionnés ont ensuite repris ces éléments de langage. Mais ils savent aujourd'hui qu'ils ont perdu sur le plan de l'opinion.

Comment jugez-vous la stratégie et les arguments du Medef sur la question des aides publiques aux entreprises ?

Le Medef fait une erreur en verrouillant le débat pour sauvegarder quelques grands groupes au détriment de la majorité des entreprises.

J'ai été invité pour la première fois de ma vie à l'université d'été du Medef fin août. J'étais la seule personnalité de gauche face à cinq autres personnes, mais j'ai tout de même été applaudi quand j'ai parlé de transparence, de meilleure évaluation, de choc de responsabilisation. Même l'animateur de BFM a été obligé de le signaler. Beaucoup de petits patrons sont venus me remercier ensuite, en m'expliquant qu'ils touchaient peu d'aides dans leur secteur d'activité, l'hôtellerie par exemple, et qu'ils se posaient aussi des questions. Patrick Martin joue son rôle de président du Medef en essayant de porter la discussion sur les impôts et le nombre de fonctionnaires. Mais en réalité, il ne fait que protéger les plus gros, ceux qui payent déjà le moins d'impôts, et pas les petites et moyennes entreprises. Dans notre rapport, nous proposons la création d'un guichet unique pour que chaque entreprise puisse accéder aux aides, quelle que soit sa taille. Il y a d'autres propositions qui vont dans le sens de la défense de l'emploi et des savoir-faire des petites et moyennes entreprises. De mon point de vue, Patrick Martin fait une erreur en verrouillant le débat pour sauvegarder quelques grands groupes au détriment de la majorité des entreprises.

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Quelles suites politiques envisagez-vous désormais ?

Des syndicalistes se saisissent déjà du rapport pour demander davantage de transparence. J'invite d'ailleurs tous les patrons à ne pas attendre que la loi change.

Pour ma part, je vais poursuivre mes échanges avec les patrons. J'ai réécrit à tous les auditionnés et j'ai contacté 40 patrons supplémentaires en leur disant que j'étais à leur disposition. Plusieurs m'ont répondu. On ne va pas être d'accord sur tout, mais c'est ça la démocratie. Je vais continuer à interpeller le gouvernement – quand nous en aurons un. Ensuite, je vais proposer à l'ensemble de mes collègues de co-signer des amendements au moment de l'examen de la loi de finances. Et si cela ne marche pas, nous pourrons déposer une proposition de loi reprenant quelques grands axes de notre rapport – parce que tout ne relève pas du domaine législatif, une partie dépend du domaine réglementaire. Ensuite, c'est une bataille politique et sociale. Des syndicalistes se saisissent déjà du rapport pour demander davantage de transparence. J'invite d'ailleurs tous les patrons à ne pas attendre que la loi change. Rien ne les oblige aujourd'hui à dévoiler le montant des aides publiques que touchent leurs entreprises et à les déduire de leur bénéfice distribuable, mais rien ne l'interdit.

Le sujet du contrôle des aides publiques aux entreprises revient régulièrement à l'agenda politique depuis au moins 2000, où Robert Hue – déjà un communiste – avait fait adopter une loi sur le sujet. Comme cela a été dit auparavant, les rapports ne semblent bien souvent servir qu'à « caler les armoires du Sénat ». Comment comptez-vous faire en sorte que ce soit différent cette fois-ci ?

Le rapport a d'ores et déjà plus que joué son rôle. Tout le monde reconnaîtra qu'il continue à animer le débat public et médiatique. Mais il faut aller plus loin. La loi Hue, qui instaurait une commission nationale et des instances régionales sur la transparence des aides, a été la première abolie lorsque la droite est revenue au pouvoir en 2002. Pour moi, c'est une question de rapport de forces entre le capital et le travail. À certains moments, ça frotte, et il en sort quelque chose. Nous sommes dans un de ces moments-là. Et ça frotte dur. Le capitalisme semble prêt à tout pour continuer à épuiser le vivant et la nature, mais les résistances sont fortes. Les gens ne vivent plus de leur travail, n'arrivent plus à partir en vacances et à payer leurs factures, tandis que le patrimoine des riches explose. Le fil se distend. Ils peuvent raconter leurs histoires sur le coût de notre modèle social et sur la dette, mais tout le monde voit bien qu'on vit de plus en plus mal. On ne peut pas durcir la transparence pour tout le monde, pour les chômeurs, les allocataires du RSA et même maintenant pour les élus, et continuer à laisser partir 211 milliards d'euros par an d'aides publiques sans transparence et sans suivi. Je pense qu'ils seront au moins obligés d'améliorer la transparence et, s'ils réfléchissaient un peu, de rationaliser le système avec un guichet unique. Ils seraient aussi bien inspirés de mettre en place quelques règles en matière de responsabilisation. On ne peut pas tenir des discours de fermeté tous les jours contre les migrants, contre les travailleurs, contre les chômeurs, et laisser une entreprise qui fraude continuer à concourir aux aides publiques. Après, c'est l'histoire. Quand une idée s'empare des masses... Ils sont en train de mettre tous les éditocrates du pays, toute leur puissance médiatique, pour faire disparaître le débat sur les aides publiques et sur la taxe Zucman. Mais ils n'y arriveront pas.

Propos recueillis par Pauline Gensel et Olivier Petitjean le 19 septembre 2025.

29.09.2025 à 11:22

Mise à jour de Windows : le pouvoir exorbitant de Microsoft

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L'annonce unilatérale par Microsoft de la fin de la mise à jour de Windows 10 à partir du 15 octobre ne cesse de créer des vagues. Selon les chiffres avancés par L'Humanité, presque la moitié des 1,4 milliard d'ordinateurs dans le monde tournant sous Windows utilisent encore cette version du système d'exploitation de Microsoft. 400 millions d'entre eux seraient même incompatibles avec Windows 11 et pourraient donc se trouver inutilisables du jour au lendemain.
L'association HOP (Halte à (…)

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L'annonce unilatérale par Microsoft de la fin de la mise à jour de Windows 10 à partir du 15 octobre ne cesse de créer des vagues. Selon les chiffres avancés par L'Humanité, presque la moitié des 1,4 milliard d'ordinateurs dans le monde tournant sous Windows utilisent encore cette version du système d'exploitation de Microsoft. 400 millions d'entre eux seraient même incompatibles avec Windows 11 et pourraient donc se trouver inutilisables du jour au lendemain.

L'association HOP (Halte à l'obsolescence programmée) mène la bataille en France depuis plusieurs semaines contre la décision du géant américain qui pourrait générer, selon une ONG américaine, 725 millions de tonnes de déchets électroniques.

Microsoft a de nombreuses raisons de mettre fin à Windows 10 : pousser les consommateurs à s'acheter de nouveaux ordinateurs dotées de puces dernier cri et les encourager à passer à Windows 11, qui collecte beaucoup plus de données servant à entraîner les intelligences artificielles. Puces et IA étant deux domaines dans lesquels Microsoft a beaucoup investi ces dernières années.

L'affaire permet aussi de mesurer le pouvoir exorbitant de Microsoft, deuxième entreprise au monde en termes de capitalisation boursière qui a engrangé en 2024 près de 100 milliards de dollars de profit avec un taux de marge de 35% ! L'entreprise peut décider du jour au lendemain de faire envoyer au rebut des millions d'ordinateurs. Comme le rappelle encore L'Humanité, « en France, 22 % des ordinateurs sont menacés par cette obsolescence logicielle liée à la fin de Windows 10. Cela inclut ceux d'entreprises et d'infrastructures critiques : hôpitaux, écoles, mairies, bibliothèques et associations ». Cela vaut aussi pour la Police nationale. Beaucoup des collectivités et services publics concernés ont choisi de payer les sommes demandées par Microsoft pour ne pas s'exposer à des risques accrus de sécurité faute de mise à jour de leur système d'exploitation.

Face à la fronde, Microsoft a annoncé un répit provisoire pour les clients particuliers (mais non professionnels).

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