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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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17.05.2024 à 19:45

Une photographe tuée en République centrafricaine a laissé un héritage durable

Human Rights Watch

Click to expand Image La photographe française Camille Lepage au Stade Bonga-Bonga à Bangui, en République centrafricaine, le 6 octobre 2013.  © 2013 Sylvain Cherkaoui/AP Photo

Cette semaine a marqué le dixième anniversaire de la mort de Camille Lepage, une photojournaliste française qui a été tuée alors qu’elle travaillait dans l’ouest de la République centrafricaine. C’était une véritable amie d’un pays qui a toujours grandement besoin de témoins aux abus qui y sont commis. Camille avait 26 ans.

Quelques mois avant son arrivée en République centrafricaine en 2013, une alliance de groupes rebelles, la Séléka, avait pris le contrôle de Bangui, la capitale. Cette alliance s’était alors déjà emparée de la plupart des provinces du pays et ses combattants se livraient à des actes de violence généralisés à l’encontre des populations civiles dans tout le pays. Camille est arrivée un peu plus tard cette année-là, alors que des milices chrétiennes et animistes, appelées anti-balaka, commençaient à organiser des contre-attaques contre la Séléka. Ce groupe prenait fréquemment pour cible des civils musulmans, les associant à la Séléka. Alors que la situation en matière humanitaire se détériorait rapidement, des centaines de milliers de personnes ont fui le pays en tant que réfugiés, tandis que d’autres sont devenus déplacées à l’intérieur des frontières.

Alors que les gens fuyaient, Camille a pris le chemin inverse. Elle s’est servie de son appareil photo pour raconter les histoires des personnes restées sur place. Elle a compris que c’était une crise oubliée et qu’elle avait un moyen d’apporter son aide.

Les photos prises par Camille sont toujours parmi les images les plus frappantes illustrant le coût humain du conflit lors de ces premières années. Elle a permis de mettre des visages sur les noms des victimes et des survivants, captant en une image la peur avant la bataille, la douleur de la perte d’un être aimé et l’injustice des crimes de guerre. Je me souviens de l’avoir accompagnée à une manifestation lors de laquelle des participants réclamaient justice pour un juge qui avait été assassiné. Dix ans après, les photos qu’elle avait prises ce jour-là constituent toujours un témoignage fort de la détermination des Centrafricains à réclamer que justice soit faite et que des comptes soient rendus.

Depuis le meurtre de Camille, la République centrafricaine continue d’être l’un des endroits les plus dangereux au monde pour les travailleurs humanitaires. L’impunité alimente la commission d’abus ; il y a eu beaucoup trop peu d’efforts pour faire rendre des comptes aux auteurs des crimes de guerre commis dans le pays. Le cas de Camille est emblématique à cet égard, car il y a eu très peu de progrès dans les tentatives de traduire ses assassins en justice.

Un livre rassemblant des photos prises par Camille a été publié après sa mort. Son titre, « République Centrafricaine : On est ensemble », représente à la fois les liens de Camille avec le pays et une phrase qu’elle utilisait fréquemment en sango, la langue locale. Dix ans après sa mort, Camille reste liée à ce pays et son héritage est bien vivant. 

16.05.2024 à 15:45

Rwanda : Une chercheuse de Human Rights Watch interdite d’entrée

Human Rights Watch

(New York) – Les services d’immigration au Rwanda ont refusé l'entrée sur le territoire à Clémentine de Montjoye, chercheuse senior au sein de la division Afrique de Human Rights Watch, lors de son arrivée à l’aéroport international de Kigali le 13 mai 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. 

Clémentine de Montjoye, qui se rendait au Rwanda dans le cadre de réunions avec des diplomates d’ambassades étrangères, a été informée à son arrivée qu’elle n’était « pas la bienvenue au Rwanda » pour des « raisons liées à l’immigration » qui ne lui ont pas été communiquées, et la compagnie aérienne Kenya Airways a reçu l’ordre d’assurer son transport hors du pays.

« Si le Rwanda se targue d’être une destination ouverte et accueillante, le traitement qu’il réserve à ceux susceptibles d’enquêter sur des abus révèle la profonde hostilité de son gouvernement à tout examen indépendant sur la situation des droits humains dans le pays », a déclaré Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch. « Les autorités rwandaises ont ici l’occasion de montrer que leur ouverture affichée n'est pas qu'une façade, en autorisant Clémentine de Montjoye à retourner au Rwanda et à y effectuer son travail sans entrave ni ingérence ».

Clémentine De Montjoye, qui a la double nationalité française et britannique, avait informé le gouvernement rwandais de son intention de se rendre dans le pays et envoyé, le 29 avril puis le 7 mai, des demandes de réunions auprès du ministère de la Justice, l’interlocuteur de Human Rights Watch au sein du gouvernement. Ces demandes sont restées sans réponse. Human Rights Watch avait également contacté la présidente de la Commission nationale des droits de la personne (CNDP), qui avait répondu qu’elle était hors du pays. Elle n’avait pas répondu à une proposition d’organiser une rencontre une fois de retour à Kigali.

Human Rights Watch avait également informé les autorités rwandaises quand Clémentine de Montjoye s’était rendue au Rwanda, munie des mêmes documents de voyage, en juin 2022 et en août 2023. Elle n’avait alors pas eu de difficultés pour entrer dans le pays.

Lorsque Clémentine de Montjoye est arrivée dans la matinée du 13 mai, les autorités d’immigration ont confisqué son passeport. Elle a reçu l’ordre de prendre un vol retour vers Nairobi, au Kenya, le soir même, où son passeport lui a été rendu avec un document déclarant que l’entrée au Rwanda lui avait été refusée pour des « raisons liées à l’immigration ».

Ce refus d’entrée témoigne de l’intensification de l’offensive des autorités contre les droits humains à quelques mois des élections générales de 2024, a déclaré Human Rights Watch.

Human Rights Watch effectue des recherches sur la situation du Rwanda en matière de droits humains depuis plus de 30 ans, avant le génocide de 1994. Clémentine de Montjoye est la quatrième chercheuse de Human Rights Watch à être empêchée d’entrer au Rwanda. D’autres employés de Human Rights Watch ont subi un traitement similaire en 2008, en 2010 et en 2018. En janvier 2018, après qu’un chercheur de Human Rights Watch s’était vu refuser l’entrée dans le pays, un consultant rwandais travaillant pour Human Rights Watch avait été placé puis maintenu arbitrairement en détention pendant 6 jours, dont les 12 premières heures au secret.

Le refus d’entrée subi par Clémentine de Montjoye fait suite à la publication en octobre 2023 d’un rapport exhaustif de Human Rights Watch qui documente le ciblage systématique par le Rwanda de détracteurs et de dissidents au-delà de ses frontières.

Lors d’une session parlementaire réunie pour discuter de ce rapport, un membre du Front patriotique rwandais (FPR), John Ruku-Rwabyoma, a accusé Human Rights Watch de « ne jamais mettre les pieds au Rwanda » pour effectuer ses recherches. S’adressant directement à Human Rights Watch, il a lancé : « Osez donc venir ici, vous n’avez pas besoin de visa … vous pouvez en obtenir un à l’aéroport … Alors vous verrez le véritable Rwanda dont vous essayez de ternir l’image ».

Les autorités rwandaises s’efforcent depuis longtemps d’empêcher tout examen critique indépendant, y compris en refusant l’entrée dans le paysà un certain nombre de journalistes internationaux, en dénigrant des militants des droits humains et des journalistes rwandais, et en les soumettant à des poursuites judiciaires abusives. Plusieurs journalistes, détracteurs du gouvernement et activistes rwandais ont été tués ou ont été portés disparus dans des circonstances suspectes.

Ces derniers mois, le bilan du Rwanda en matière de droits humains a suscité l’attention de la communauté internationale. Son armée a joué un rôle de plus en plus importantdans le conflit armé qui se poursuit en République démocratique du Congo voisine, où elle fournit un soutien logistique et opérationnel au M23, un groupe armé responsable d’abus.

En dépit du bilan déplorable du pays en matière de droits humains, le Royaume-Uni maintient son projet d'envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda, où il affirme, en totale contradiction avec les faits observés, qu’un examen indépendant des conditions de vie des personnes expulsées sera possible. Le refus d’autoriser l’entrée de Clémentine de Montjoye soulève une nouvelle fois des questions quant à l’obstination du gouvernement britannique d’envoyer des demandeurs d’asile vers un pays qui entrave aussi explicitement tout examen des droits humains et refuse d’autoriser l’accès d’enquêteurs spécialisés en droits humains, a déclaré Human Rights Watch.

Trente ans après le génocide de 1994, le gouvernement rwandais a accompli d’importants progrès du point de vue de la reconstruction des infrastructures du pays, ainsi qu’en développant son économie et en améliorant l’accès aux services publics. Il devrait reconnaître le rôle précieux que la société civile peut jouer et permettre un accès libre à ceux qui évaluent le bilan du pays en matière de droits humains.

Human Rights Watch reste engagé à mettre en place un dialogue avec les autorités rwandaises et demande un accès au pays pour ses employés, afin qu’ils puissent rencontrer des responsables gouvernementaux et faire leur travail, comme ils le font dans plus de 90 pays à travers le monde.

« La décision du Rwanda illustre à quel point il est nécessaire que la communauté internationale revoit son approche vis-à-vis du bilan du Rwanda en matière de droits humains, qui ne cesse de se détériorer », a affirmé Tirana Hassan. « Un gouvernement qui refuse l’accès à une employée d’une importante organisation de défense des droits humains n’est guère susceptible de cesser sa répression des droits humains sans une pression plus forte de la communauté internationale. Cet épisode va au-delà d’une tentative d’empêcher Human Rights Watch de travailler au Rwanda, il s'agit d'efforts flagrants de bloquer l’ examen de la conformité du Rwanda à ses obligations internationales en matière de droits humains ».

16.05.2024 à 12:04

Gambie : Condamnation historique en Suisse d’un ex-ministre

Human Rights Watch

Click to expand Image Tribunal pénal fédéral suisse à Bellinzone, Suisse, le 15 mai 2024. © 2024 Human Rights Watch

(Genève) – La condamnation par un tribunal suisse de l’ancien ministre de l’Intérieur gambien Ousmane Sonko pour crimes contre l’humanité est un événement majeur pour les victimes gambiennes des crimes d’atrocité commis sous le règne de Yahya Jammeh, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le verdict est une avancée de taille dans les efforts de la Suisse visant à demander des comptes aux responsables de crimes graves commis à l’étranger.

Le 15 mai 2024, le Tribunal pénal fédéral suisse de Bellinzone a reconnu Sonko coupable et l’a condamné à 20 ans de prison pour son rôle dans des crimes contre l’humanité liés à la torture, des détentions illégales et des exécutions illégales commises entre 2000 et 2016, au cours du mandat du président de l’époque Yahya Jammeh. Sonko est la deuxième personne condamnée en Europe pour des crimes internationaux commis en Gambie.

« La condamnation d’Ousmane Sonko est historique pour les victimes gambiennes de crimes brutaux commis sous le régime de Yahya Jammeh », a déclaré Balkees Jarrah, Directrice adjointe du Programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Le verdict devrait catalyser les efforts de justice en Gambie et encourager les procureurs suisses à poursuivre d’autres affaires d’atrocités au niveau international. »

Le procès de Sonko a été rendu possible parce que le droit suisse reconnaît la compétence universelle pour certains crimes internationaux graves, qui permet de poursuivre ces crimes quel que soit le lieu où ils ont été commis et quelle que soit la nationalité des suspects ou des victimes. Sonko est l’ancien responsable gouvernemental le plus haut placé à être condamné sur le continent en vertu du principe de compétence universelle, a déclaré Human Rights Watch.

Les autorités suisses ont arrêté Sonko à Berne le 26 janvier 2017, le lendemain du jour où TRIAL International, un groupe non gouvernemental suisse, a déposé une plainte pénale contre lui. Le ministère public de la Confédération a déposé un acte d’accusation contre Sonko le 17 avril 2023. L’accusation, les représentants des victimes qui étaient formellement parties à la procédure, connus sous le nom de plaignants privés en droit suisse, et la défense ont présenté leurs arguments au cours du procès qui s’est ouvert le 8 janvier et s’est achevé le 7 mars. Un certain nombre de témoins, ainsi que Sonko lui-même, ont témoigné pendant le procès. TRIAL International a diffusé quotidiennement des informations sur les audiences.

Au cours des deux dernières décennies, les tribunaux nationaux d’un nombre croissant de pays ont instruit des affaires de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, torture, disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires commis à l’étranger. Bien qu’ils disposent d’une législation solide pour poursuivre de telles affaires, les responsables judiciaires suisses ont été critiqués par le passé pour leur retard sur leurs homologues européens. Néanmoins, au cours des dernières années, les autorités suisses ont poursuivi un certain nombre d’affaires sur la base de la compétence universelle, concernant des crimes présumés commis au Libéria, en Algérie et en Syrie.

Les médias, les représentants de la société civile et le grand public ont pu assister au procès en personne. Cependant, l’accès à distance à la procédure n’était pas disponible, ce qui a posé certains problèmes aux victimes et aux communautés affectées en Gambie pour suivre l’affaire. Les médias ont rapporté que si le tribunal suisse avait pris en charge les frais des plaignants privés pour les jours où ceux-ci ont présenté des preuves dans la salle d’audience, il n’avait pas défrayé ces mêmes plaignants pour qu’ils puissent assister à l’ensemble du procès. Les plaignants n’ont donc pas pu assister à certaines audiences clés, y compris au prononcé du verdict. Les recherches menées par Human Rights Watch dans d’autres situations ont montré que l’insuffisance de la sensibilisation des communautés affectées peut compromettre l’impact des efforts visant à mettre en œuvre l’obligation de rendre des comptes pour les crimes internationaux graves.

Une autre préoccupation était de savoir si les Gambiens pouvaient suivre et comprendre les procédures, qui se sont déroulées en allemand. Human Rights Watch a suivi cinq séances du tribunal et a noté que l’interprétation de l’allemand vers l’anglais, une langue comprise par l’accusé et les communautés gambiennes, était incomplète. Le dernier jour du procès, Sonko s’est dit préoccupé par le fait que certaines étapes cruciales de la procédure, telles que les plaidoiries des parties, n’avaient pas été interprétées en anglais. Le tribunal a rendu les conclusions du jugement disponibles en anglais. Les autorités suisses devraient veiller à ce que les futures affaires de compétence universelle soient pleinement accessibles aux accusés et aux communautés concernées, notamment en donnant une interprétation adéquate, même si cela n’est pas exigé par la loi.

Sous le règne de Yahya Jammeh, qui a duré 22 ans, le gouvernement a mené une répression systématique à l’encontre de tout opposant réel ou supposé dans le but de conserver le pouvoir politique. Le gouvernement a notamment pris pour cible des journalistes, des défenseurs des droits humains, des leaders étudiants, des chefs religieux, des membres de l’opposition politique, des responsables judiciaires, des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transsexuels, ainsi que des membres des forces de sécurité. Les personnes appréhendées ont été soumises à la torture, à des exécutions extrajudiciaires, à des disparitions forcées et à des violences sexuelles. Nombre de ces violations des droits humains ont été mises en lumière pendant les audiences de la Commission vérité, réconciliation et réparations (Truth, Reconcilation and Reparations Commission – TRRC) gambienne, mise en place en 2018.

Depuis la chute du président Jammeh, le gouvernement gambien n’a engagé que deux poursuites pour des crimes commis pendant sa présidence. En décembre 2021, le rapport final de la TRRC a conclu que Yahya Jammeh et 69 de ses associés avaient commis des crimes contre l’humanité, et a demandé qu’ils soient poursuivis. En mai 2022, le gouvernement gambien a accepté la recommandation de la TRRC de mise en œuvre une obligation de rendre des comptes.

Le 22 avril 2024, dans ce qui constitue une avancée décisive en matière de justice, l’assemblée nationale gambienne a approuvé deux projets de loi visant à favoriser la création d’un bureau du procureur spécial et d’un tribunal hybride avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dans le but de juger les crimes les plus graves.

« Les victimes des crimes commis sous l’ère Jammeh ont droit à la justice et la condamnation de Sonko est un pas de plus vers cet objectif », a déclaré Balkees Jarrah. « Le verdict souligne l’importance pour le gouvernement gambien et la CEDEAO de donner suite au plus vite à la création d’une cour hybride impartiale et indépendante afin d’élargir la portée de l’obligation de rendre des comptes dans le pays. »

 

14.05.2024 à 06:00

Gaza : Attaques israéliennes contre des travailleurs humanitaires

Human Rights Watch

Click to expand Image L’un des trois véhicules d’un convoi humanitaire de l’association World Central Kitchen, qui a été touché par une attaque israélienne à Deir Al-Balah dans la bande de Gaza, le 1er avril 2024 ; cette attaque a tué sept travailleurs humanitaires.  © 2024 Ismael Abu Dayyah/AP Photo

(Jérusalem, 14 mai 2024) – Les forces israéliennes ont mené au moins huit frappes contre des convois humanitaires et des locaux de travailleurs humanitaires à Gaza depuis octobre 2023, bien que leurs organisations aient communiqué leur itinéraire ou emplacement aux autorités israéliennes pour assurer leur protection, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les autorités israéliennes n’ont averti aucune des organisations humanitaires avant les frappes, qui ont tué ou blessé au moins 31 travailleurs humanitaires et autres personnes qui les accompagnaient. Plus de 250 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza depuis l'attaque du 7 octobre contre Israël, selon les Nations Unies.

L’une de ces attaques, menée le 18 janvier 2024, a blessé trois personnes qui résidaient dans une maison d'hôtes appartenant conjointement à deux organisations humanitaires ; elle a probablement été perpétrée avec une munition de fabrication américaine, selon l'une des organisations et un rapport rédigé par des enquêteurs de l'ONU ayant visité le site après l'attaque, et lu par Human Rights Watch. L'une des deux organisations humanitaires, Medical Aid for Palestine (MAP), a déclaré que les inspecteurs de l'ONU avaient conclu que la bombe avait été larguée par un avion F-16. Les avions F-16 (de fabrication américaine) utilisent certains composants de fabrication britannique, selon des activistes.

Les huit incidents révèlent des failles fondamentales dans le système de « déconfliction » (« deconfliction » en anglais - réduction de risques accidentels dans un conflit), censé protéger les travailleurs humanitaires et leur permettre de fournir en toute sécurité une aide humanitaire vitale à Gaza.

« La frappe israélienne qui a tué sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen était choquante, et n’aurait jamais dû se produire, en vertu du droit international », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Les alliés d’Israël devraient reconnaître que ces attaques qui ont tué des travailleurs humanitaires se sont produites à maintes reprises, et insister sur leur cessation. »

L'attaque israélienne du 1er avril contre le convoi de World Central Kitchen (WCK), qui a tué sept travailleurs humanitaires, loin d'être une « erreur » isolée, n’était que l’un de huit incidents de ce type, au moins, identifiés par Human Rights Watch. Dans chacun de ces cas, les organisations humanitaires et des agences des Nations Unies avaient transmis aux autorités israéliennes les coordonnées GPS du convoi humanitaire ou des locaux en question ; malgré cela, les forces israéliennes ont attaqué le convoi ou l'abri, sans aucun avertissement préalable. 

Au cours de ces huit incidents, les forces israéliennes ont tué au moins 15 personnes, dont deux enfants, et ont blessé au moins 16 autres personnes. Cinq de ces attaques ont fait l’objet d’une récente enquête du New York Times, qui s’est appuyée sur des preuves visuelles et sur des communications internes entre les organisations humanitaires et l’armée israélienne.

Les sept autres attaques (hormis celle contre le convoi de World Central Kitchen) sont les suivantes :

Click to expand Image Ce bâtiment utilisé par Médecins Sans Frontières (MSF) pour héberger des membres de son personnel et leurs familles à Khan Younis, dans la bande de Gaza, a été touché par une munition tirée par un char israélien le 20 février 2024, malgré la bannière identifiant clairement MSF. Cette attaque a tué deux personnes et en blessant sept autres.  © 2024 Mohammed Abed/MSF Attaque contre un convoi de Médecins Sans Frontières (MSF), 18 novembre 2023 ;Attaque contre une maison d'hôtes de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), 9 décembre 2023 ;Attaque contre un bâtiment abritant des employés de MSF, 8 janvier 2024 ;Attaque contre un site abritant des employés du Comité international de secours (International Rescue Committee, IRC) et de Medical Aid for Palestine (MAP), 18 janvier 2024 ;Attaque contre un convoi de l'UNRWA, 5 février 2024 ;Attaque contre un bâtiment abritant des employés de MSF, 20 février 2024 ;Attaque contre une maison abritant un employé de l'American Near East Refugee Aid Organization (Anera), 8 mars 2024.

Toutes les organisations dont les structures et le personnel ont été touchés ont déclaré à Human Rights Watch qu'à leur connaissance, il n'y avait aucune cible militaire dans la zone au moment de l'attaque. Si cela était confirmé, cela rendrait les attaques illégales, compte tenu de leur caractère indiscriminé et/ou de l’absence de précautions suffisantes pour garantir que la cible était militaire. En outre, même s'il y avait eu des cibles militaires à proximité de certains sites attaqués, Israël n’a averti les civils dans aucun de ces cas. Ces incidents mettent donc en évidence le manquement d'Israël à son devoir de protéger les travailleurs humanitaires et les opérations humanitaires, et de manière plus générale, sa tendance à ignorer son obligation de minimiser les dommages causés aux civils, a déclaré Human Rights Watch.

Click to expand Image Un camion faisant partie d’un convoi humanitaire géré par l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA), qui a été gravement endommagé par des tirs de la marine israélienne à Nuseirat, dans la bande de Gaza, le 5 février 2024. Le convoi de dix camions transportait de la nourriture devant être distribuée aux habitants de la région. © 2024 UNRWA

L’ONU a signalé que 254 travailleurs humanitaires – dont 188 membres du personnel de l'UNRWA – ont été tués à Gaza entre le 7 octobre 2023 et le 30 avril 2024. Selon l'UNRWA, 169 installations de l’agence ont été touchées par les hostilités lors de 368 incidents, et au moins 429 personnes déplacées ont été tuées dans des abris de l'UNRWA. Les forces israéliennes, selon l'ONU, ont également mené des attaques (par tirs d’armes a feu ou tirs d’artillerie) contre des personnes rassemblées pour collecter de l'aide alimentaire, tuant et blessant des centaines de personnes. Ces attaques ont un effet dissuasif sur les efforts visant à fournir une aide vitale à Gaza.

En outre, les travailleurs humanitaires n’ont pas pu quitter Gaza depuis que les forces israéliennes ont pris le contrôle et fermé le point de passage de Rafah, le 7 mai.

Click to expand Image Mousa Shawwa, employé de l’ONG American Near East Refugee Aid (Anera) qui coordonnait les questions d’approvisionnement et de la logistique à Gaza, a été tué par une attaque israélienne contre l’immeuble où il résidait à Al-Zuwaida, le 8 mars 2024.  © Privé

Lors d'un récent voyage au Caire et dans le nord du Sinaï, près de la frontière entre l'Égypte et Gaza, Human Rights Watch a rencontré des représentants de 11 organisations humanitaires et agences d'aide des Nations Unies opérant à Gaza. Ces organisations et agences ont indiqué que les attaques israéliennes contre les travailleurs humanitaires les avaient contraintes à prendre diverses mesures, comme dans certains cas la suspension provisoire de leurs activités, la réduction de leurs effectifs à l'intérieur de Gaza, ou d’importantes restrictions de leurs activités d'aide employant d'autres moyens.

« Je ne peux pas prendre le risque d’envoyer davantage de personnel à Gaza, parce que je ne peux pas compter sur le système de “déconfliction” [mécanisme censé réduire le risque d’erreurs] pour assurer leur sécurité », a déclaré à Human Rights Watch un employé de haut niveau de l’une des organisations dont la maison d’hôtes a été attaquée. Il a ajouté que ceci était un facteur clé limitant la capacité de cette organisation à fournir des services médicaux. « Vous pouvez mettre en place des quais de chargement et procéder aux expéditions, mais sans un environnement opérationnel sûr, vous vous retrouverez avec une accumulation de colis expédiés, que [vos employés] ne pourront pas déployer en toute sécurité pour aider les gens. »

Cette série d’attaques, survenues malgré le fait que les autorités israéliennes aient été notifiées de manière appropriée, soulève de sérieuses questions quant à l’engagement et la capacité d’Israël à se conformer au droit international humanitaire ; certains pays, dont le Royaume-Uni, exigent le respect de ce droit pour continuer à autoriser les exportations d’armes vers Israël.

Human Rights Watch a par ailleurs constaté que les autorités israéliennes utilisent la famine comme méthode de guerre à Gaza. Conformément à une politique définie par les responsables israéliens et mise en œuvre par les forces israéliennes, les autorités israéliennes bloquent délibérément l'approvisionnement en eau, en nourriture et en carburant, entravant délibérément l'aide humanitaire ; des zones agricoles ont apparemment été rasées, privant la population civile de biens indispensables à sa survie. À Gaza, des enfants sont décédés en raison de complications sanitaires liées à la famine.

Le 1er mai, Human Rights Watch a transmis aux autorités israéliennes une lettre sollicitant des informations spécifiques sur les attaques contre les travailleurs humanitaires documentées dans ce rapport, mais n’a pas reçu de réponse a ce jour.

Les lois de la guerre interdisent les attaques ciblant des civils et des biens de caractère civil, ou qui ne font pas de distinction entre civils et combattants ; ces lois interdisent aussi les attaques qui sont susceptibles de causer aux civils ou aux biens de caractère civil des dommages disproportionnés par rapport à tout avantage militaire attendu. Parmi les attaques indiscriminées figurent celles qui ne sont pas dirigées contre une cible militaire spécifique, ou qui n'utilisent pas une méthode ou des moyens de combat dont les effets ne peuvent être limités, comme requis.

Les parties belligérantes doivent prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages causés aux civils, notamment en fournissant des avertissements préalables efficaces en cas d'attaque, sauf si les circonstances ne le permettent pas, et en épargnant les civils sous leur contrôle des effets des attaques. Les violations graves des lois de la guerre commises par des individus avec une intention criminelle – c’est-à-dire délibérément ou par imprudence – constituent des crimes de guerre.

Israël devrait rendre publics les résultats des enquêtes sur les attaques qui ont tué ou blessé des travailleurs humanitaires, ainsi que sur toutes les autres attaques ayant causé des victimes civiles. Toutefois, depuis plusieurs années l’armée israélienne tend à ne pas enquêter de manière crédible sur les crimes de guerre présumés, ce qui met en évidence l’importance de l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes graves commis par toutes les parties au conflit.

Les responsables israéliens et palestiniens devraient coopérer avec la CPI lors de son travail, a déclaré Human Rights Watch. Israël devrait également permettre à la Commission d'enquête internationale indépendante sur le Territoire palestinien occupé et en Israël d'accéder à Gaza, pour mener ses enquêtes.

Compte tenu de la série d’attaques contre des groupes humanitaires qui ont fourni aux autorités israéliennes des informations appropriées sur leurs emplacements, un groupe d’experts internationaux reconnus devrait mener un examen indépendant du processus de « déconfliction » humanitaire. Israël devrait accorcer à ces experts un accès total à ses processus, y compris à la coordination et aux communications qui ont lieu avant, pendant et après de telles attaques, ainsi qu'aux informations concernant toute cible militaire présumée à proximité et à toutes les mesures de précautions prises pour atténuer les dommages.

Les alliés d'Israël, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni – les deux États ayant fourni a Israël des armes ou pièces d'armes apparemment utilisées dans au moins une des attaques documentées – devraient suspendre leur assistance militaire et leurs ventes d'armes à Israël, tant que ses forces commettent de manière systématique et généralisée des violations des lois de la guerre contre des civils palestiniens, en toute impunité. Les gouvernements qui continuent de fournir des armes au gouvernement israélien risquent de se rendre complices de crimes de guerre.

Les autres gouvernements devraient également user de leur influence, notamment par le biais de sanctions ciblées, pour faire pression sur les autorités israéliennes afin qu'elles cessent de commettre de graves abus et permettent la fourniture d'une aide humanitaire et de services essentiels à Gaza, conformément aux obligations d'Israël en vertu du droit international et de l’ordonnance émise par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans le cadre de l'affaire intentée par l'Afrique du Sud concernant des violations présumées de la Convention sur le génocide.

« D’un côté, Israël bloque l’accès aux provisions humanitaires vitales à Gaza, et de l’autre, ses forces attaquent les convois qui tentent de livrer une partie de la petite quantité autorisée », a déclaré Belkis Wille. « Les forces israéliennes devraient immédiatement mettre fin à leurs attaques contre les organisations humanitaires, et il devrait y avoir une obligation de rendre des comptes pour ces crimes. »

Suite en anglais, comprenant des informations détaillées sur les attaques.

……………..

Médias

Le Monde    Libération   L'Humanité

OLJ/AFP     LaLibre.be

Euronews

13.05.2024 à 19:30

Tchad : La transition politique s’achève avec l’élection de Mahamat Idriss Déby

Human Rights Watch

Click to expand Image Le président tchadien Mahamat Idriss Déby en réunion de campagne en tant que président de la transition à N'Djamena, au Tchad, le 4 mai 2024. © 2024 JEROME FAVRE/EPA-EFE/Shutterstock

(Nairobi) – La transition politique au Tchad s’est conclue par des violences, alors qu’au moins neuf civils, et probablement plus, auraient été tués par des tirs de célébration de soldats et de civils, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Le 9 mai 2024, l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE) a annoncé que le président par intérim, le général Mahamat Idriss Déby, avait remporté le scrutin du 6 mai, citant des résultats provisoires. Son principal rival, le Premier ministre Succès Masra, s’est déclaré vainqueur dans une annonce séparée sur les réseaux sociaux.

La période pré-électorale ainsi que les jours qui ont suivi le vote le scrutin ont été marqués par des violences. Le 28 février, des membres des forces de sécurité ont tué Yaya Dillo, président du Parti socialiste sans frontières (PSF) et potentiel candidat de l’opposition aux élections, lors d’une attaque perpétrée au siège de ce parti à N’Djamena, la capitale du pays. Human Rights Watch a demandé l’ouverture d’une enquête indépendante sur son meurtre. Le jour du vote, des violences ont éclaté à Moundou, une ville du sud du pays, et un homme qui tentait de voter a été tué. Après l’annonce des résultats, des tirs de célébration par les forces de sécurité et des civils ont retenti dans tout N’Djamena, tuant au moins neuf personnes selon des médias locaux.

« Le président Mahamat Idriss Déby a consolidé son pouvoir alors que la période de transition est désormais achevée », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Alors que le résultat de l’élection a déjà été contesté, l’ouverture d’une enquête sur les violences avant et après le vote est primordiale. »

Les autorités électorales ont annoncé que Mahamat Idriss Déby avait remporté 61,03% des voix – bien au-delà des 50% nécessaires pour éviter un second tour – et que Succès Masra avait remporté 18,53% des voix.

Si des organisations internationales, comme l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ont tenté de surveiller le déroulement des élections, elles n’ont pas eu la capacité de le faire de manière systématique dans l’ensemble du pays. Le gouvernement intérimaire a refusé d’accréditer des organisations nationales de la société civile financées par l’Union européenne pour surveiller les élections. Succès Masra a fait état de menaces contre lui et ses partisans depuis le vote.

Le 23 mars, la plateforme de la société civile Wakit Tamma, qui a joué un rôle déterminant dans les manifestations prodémocratie, avait appelé au boycott, qualifiant l’élection de « mascarade » visant à soutenir une « dictature dynastique ».

L’ancien président Idriss Déby est décédé en avril 2021 lors de combats avec un groupe armé, avant que l’armée ne confère le pouvoir à son fils, Mahamat Idriss Déby, dans le cadre d’une transition contraire à la constitution. Le gouvernement de Mahamat Idriss Déby a violemment réprimé les manifestations continues réclamant le retour à un régime civil, notamment lors de la  répression sanglante du 20 octobre 2022. Ce jour-là, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de N’Djamena et de plusieurs autres villes du sud du Tchad, notamment Moundou, Doba et Sarh, pour protester contre la décision du gouvernement de transition de prolonger la période de transition. Une nouvelle constitution a été adoptée à l’issue d’un référendum en décembre 2023, permettant à Mahamat Idriss Déby de se présenter à la présidence.

Dans les mois précédant le vote, l’espace politique s’est restreint pour le parti des Transformateurs de Succès Masra. Malgré un mandat d’arrêt émis contre ce dernier, il a été nommé Premier ministre en janvier dans le cadre d’un accord politique.

Yaya Dillo, le président du Parti socialiste sans frontières, était considéré comme un opposant politique de premier plan à Mahamat Idriss Déby. Yaya Dillo et Mahamat Idriss Déby seraient des cousins issus de l’ethnie Zaghawa. Il a été largement relayé que Yaya Dillo se préparait à se présenter à la présidence, même s’il n’avait pas fait de déclaration publique allant dans ce sens. Une enquête indépendante sur la mort de Yaya Dillo devrait être une priorité pour le gouvernement Mahamat Idriss Déby, a déclaré Human Rights Watch.

Click to expand Image Carte d'identité d'Enock Neratar. © 2024 Private

Le jour du scrutin, un groupe d’hommes a tenté d’accéder à un bureau de vote à Moundou. N’ayant pas présenté de pièces d’identité, ils ont été invités à quitter le bureau de vote. Un témoin a déclaré à Human Rights Watch que les hommes ont alors commencé à tirer aux abords du lieu de vote : « C’était le chaos et un homme a été touché ». Il a poursuivi : « Les militaires et les gendarmes sont arrivés sur place, mais les assaillants étaient déjà repartis et les autorités ont déclaré qu’elles n’avaient aucune idée de qui ils pouvaient être. » Enock Neratar, la victime, a reçu une balle dans le ventre alors qu’il attendait pour voter, est décédé sur le coup. Il a été inhumé le 9 mai.

Alors que l’ANGE, l’Agence nationale de gestion des élections, disposait de 12 jours supplémentaires pour annoncer les résultats, elle a rendu public le décompte provisoire le 9 mai. Dans son discours sur les réseaux sociaux juste avant l’annonce des résultats, Succès Masra a revendiqué la victoire et a appelé les forces de sécurité et ses partisans à s’opposer à ce qu’il considérait comme une tentative de confiscation du vote. S’adressant au peuple tchadien, il a déclaré : « Ne vous laissez pas voler votre destin.», tout en réitérant que toute mobilisation devait se faire « pacifiquement ».

Human Rights Watch a pris connaissance de plusieurs vidéos et photos prises à N’Djamena le 9 mai, qui montrent de nombreux militaires tchadiens occupant des positions stratégiques dans la ville, ainsi que plusieurs vidéos montrant des soldats tirant des coups de feu pour célébrer la victoire de Mahamat Idriss Déby. Les médias locaux ont indiqué que les tirs dans la capitale avaient tué 9 civils et blessé 60 autres.

Les tirs étaient en partie concentrés dans des quartiers considérés comme des bastions du parti des Transformateurs. « Ces tirs sont une menace pour nous, ils nous adressent un message : si vous descendez dans la rue pour protester, nous vous tuerons », a déclaré un membre du parti à Human Rights Watch. Sur leur page Facebook, les Transformateurs ont fait état de tirs nourris devant la résidence de Succès Masra, dans le quartier de Gassi, dans le septième arrondissement de N’Djamena, un quartier densément peuplé à l’extérieur du centre-ville.

« La période pré-électorale a été marquée par des violences et la société civile, les journalistes et les opposants craignent que certains Tchadiens, frustrés par les résultats du scrutin, ne descendent dans la rue », a déclaré Lewis Mudge. « Le président Déby devrait demander sans équivoque et publiquement aux services de sécurité de ne pas recourir à la violence contre les manifestants, et les avertir que ceux qui le feraient seraient tenus pour responsables de leurs actes et s’exposeraient à de sévères sanctions. »

10.05.2024 à 21:47

Géorgie : Le projet de loi sur « l’influence étrangère » menace les droits

Human Rights Watch

Click to expand Image Une foule de manifestants descendus dans la rue pour protester contre le projet de loi sur « l’influence étrangère » à Tbilissi, en Géorgie, dans la nuit du 30 avril 2024. © 2024 Giorgi Gogia/Human Rights Watch

(Berlin, 9 mai 2024) – L’adoption par le parlement géorgien d’un projet de loi obligeant certains groupes non gouvernementaux et médias à s’enregistrer en tant qu’« organisations servant les intérêts d’une puissance étrangère » menace les droits fondamentaux dans le pays, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le projet de loi, en débat depuis la mi-avril 2024, a suscité de vives critiques de la part des partenaires bilatéraux et internationaux de la Géorgie et a donné lieu à certaines des plus grandes manifestations pacifiques du pays au cours des dernières décennies. De nombreux rapports crédibles font état d'un recours injustifié à la violence par la police pour les disperser. Le projet de loi a déjà fait l’objet de deux lectures, et devrait être adopté définitivement dans la semaine du 13 mai.

« Les parlementaires géorgiens et les représentants du gouvernement défendent officiellement le projet de loi comme un moyen d’assurer la transparence, mais ils ne tentent pas de dissimuler son objectif réel », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « En qualifiant les organisations et les médias indépendants d’entités qui servent des intérêts étrangers, ils entendent marginaliser et étouffer dans le pays les voix critiques dont l’importance est fondamentale pour le fonctionnement de toute démocratie. »

Le Parlement devrait rejeter le projet de loi en dernière lecture. Le gouvernement devrait garantir le respect des droits fondamentaux à la liberté de réunion et d'expression, et mener des enquêtes efficaces sur toutes les allégations de recours excessif à la force policière.

Cette Loi sur la transparence de l'influence étrangère est presque identique à un précédent projet de loi sur les « agents étrangers » que le parlement géorgien a tenté d'adopter en 2023, avant de le retirer à la suite de manifestations de masse. Dans la nouvelle version, le parti au pouvoir, Rêve géorgien, a remplacé le terme « agents d’influence étrangère » par « organisations servant les intérêts d’une puissance étrangère ».

Le projet de loi exige que toute organisation non gouvernementale ou tout média (imprimés, en ligne ou audiovisuels) qui reçoit 20 pour cent ou plus de ses revenus annuels de la part d'une source étrangère – que ce soit un soutien financier ou des contributions en nature – s'enregistre auprès du ministère de la Justice en tant qu'« organisation servant les intérêts d’une puissance étrangère ».

S’il est adopté, le projet de loi imposera des exigences supplémentaires, onéreuses et redondantes, en matière de rapports financiers, d’inspections et de responsabilité administrative, ainsi qu’une amende d’un montant équivalent à 9 300 $ US (8 600 euros) en cas de violation.

Suite en anglais en ligne ici.

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10.05.2024 à 17:48

Allemagne : Un médecin britanno-palestinien interdit de séjour dans l’espace Schengen

Human Rights Watch

Click to expand Image Le docteur Ghassan Abu Sittah, un chirurgien esthétique palestino-britannique spécialisé dans la médecine de guerre, lors d'un entretien avec l'agence Associated Press à l'Institut d'études palestiniennes à Beyrouth, au Liban, le 9 décembre 2023. 

(Londres, le 10 mai 2024) – Le gouvernement allemand devrait indiquer publiquement s’il a imposé une interdiction de séjour dans toute la zone de l’Union européenne couverte par les accords de Schengen à un éminent chirurgien et universitaire britanno-palestinien, le docteur Ghassan Abu Sittah, et, si c’est le cas, expliquer pourquoi, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces dernières semaines, le Dr Abu Sittah s’est vu refuser l’entrée en Allemagne et en France et, le 9 mai 2024, des responsables néerlandais ont informé le Représentant permanent de la Palestine aux Pays-Bas que le Dr Abu Sittah ne serait pas autorisé à entrer dans le pays le 15 mai pour participer à un événement prévu à la Mission palestinienne à La Haye.  

Le 4 mai 2024, le Dr Abu Sittah s’est vu refuser l’entrée en France, où il devait participer à un colloque au Sénat au sujet des événements de Gaza. Il a indiqué sur les réseaux sociaux, ainsi qu’à Human Rights Watch, que les autorités françaises à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle l’avaient informé qu’il ne pouvait pénétrer dans l’espace Schengen à cause d’une interdiction de séjour d’un an imposée par l’Allemagne. Son avocat à déclaré à Human Rights Watch que les autorités allemandes ne l’avaient pas informé de cette interdiction, et n’avaient pas non plus divulgué pour quelles raisons elles avaient pris cette décision. Un responsable français a déclaré à l’agence Associated Press que l’interdiction d’entrée imposée par l’Allemagne s’applique sur tout l’espace Schengen, une zone de 29 pays dont les frontières internes ont été pratiquement supprimées. 

« Le Dr Ghassan Abu Sittah a vu lui-même les atrocités qui se produisent à Gaza », a déclaré Yasmine Ahmed, directrice pour le Royaume-Uni à Human Rights Watch. « L’Allemagne devrait immédiatement expliquer pourquoi elle lui a refusé l’entrée et a ainsi imposé à un éminent professionnel de la santé une interdiction de séjour d’une grande portée qui l’empêche de s’exprimer à Berlin, à Paris et à La Haye sur ce dont il a été témoin à Gaza. »  

Les tentatives de l’empêcher d’évoquer publiquement son expérience lorsqu’il soignait des blessés à Gaza risquent de saper les engagements pris par l’Allemagne de protéger et faciliter les libertés d’expression et de réunion et le droit à la non-discrimination, a déclaré Human Rights Watch. 

Le 24 avril, Human Rights Watch a écrit au gouvernement allemand, lui demandant d’expliquer comment ses actes peuvent être conformes aux obligations internationales et nationales de l’Allemagne de protéger et faciliter ces libertés et ce droit. Human Rights Watch n’a pas reçu de réponse.

Le Représentant permanent de la Palestine aux Pays-Bas a invité le Dr Abu Sittah à prendre la parole lors d’un événement prévu pour le 15 mai à La Haye à l’occasion du 76ème anniversaire de la Journée de la Nakba, qui commémore le déplacement de plus de 700 000 Palestiniens qui ont fui ou ont été expulsés de leurs maisons et la destruction de plus de 400 villages lors des événements ayant suivi la création de l’État d’Israël en 1948. Le directeur général de l’Organisation intergouvernementale pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), basée à La Haye, a également invité le Dr Abu Sittah en mai afin qu’il fasse un exposé sur l’utilisation d’armes au phosphore blanc par les forces israéliennes à Gaza. Le Dr Abu Sittah a affirmé avoir été témoin de l’utilisation de munitions au phosphore blanc, qui causent des blessures particulièrement graves, alors qu’il travaillait à Gaza. 

Le Dr Abu Sittah a affirmé que les responsables néerlandais avaient informé le Représentant de la Palestine aux Pays-Bas qu’il ne serait pas autorisé à entrer aux Pays-Bas pour l’événement relatif à la Journée de la Nakba,  mais qu’ils pourraient lui permettre d’entrer pour rencontrer le directeur général de l’OIAC, à condition qu’il se contente de participer à cette réunion et qu’il reparte immédiatement après. Le 9 mai, la Mission palestinienne aux Pays-Bas a annoncé avoir annulé l’événement, en raison de l’interdiction d’entrée dans l’espace Schengen imposée au Dr Abu Sittah. Dans cette annonce, elle précisait que le chirurgien devait aussi rencontrer des organisations internationales, des acteurs de la société civile, des parlementaires néerlandais et des universitaires. 

Le Dr Abu Sittah avait prévu de prendre la parole à Paris devant le Sénat français, à l’invitation des membres du parti écologiste des Verts, lors d’un colloque sur la responsabilité de la France dans l’application du droit international en Palestine. Il a finalement pu s’adresser aux participants grâce à un lien en visioconférence. 

L’Allemagne a empêché le Dr Abu Sittah d’entrer sur son territoire le 12 avril pour prononcer un discours à Berlin lors d’une conférence sur la Palestine. Le Dr Abu Sittah a indiqué que des responsables allemands l’ont averti que s’il tentait de participer à cette conférence à distance ou s’il envoyait aux participants un message vidéo, cela constituerait une infraction criminelle pour laquelle il pourrait être frappé d’une amende ou emprisonné pour une période pouvant aller jusqu’à un an. Il a affirmé à Human Rights Watch que les autorités de l’aéroport lui ont dit qu’elles lui refusaient l’entrée pour des raisons liées « à la sécurité des participants à la conférence et à l’ordre public ». Le Dr Abu Sittah a déclaré son intention de contester en Allemagne l’interdiction d’entrée dans la zone Schengen.

Les libertés d’expression et de réunion pacifique ne peuvent être restreintes que dans des circonstances limitées et la jouissance de ces droits ne peut être l’objet d’aucune discrimination, par exemple sur la base de l’appartenance ethnique, de la religion ou des opinions politiques. Toute restriction imposée doit l’être sans remise en cause du droit lui-même. 

Les autorités du Royaume-Uni et de l’Écosse devraient insister auprès du gouvernement allemand pour qu’il explique la légalité d’une mesure d’interdiction d’entrée sur son territoire à l’encontre du chirurgien britannique et de l’imposition d’une interdiction de visa pour tout l’espace Schengen, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement allemand devrait aussi clarifier immédiatement les raisons pour lesquelles il a imposé une telle interdiction, ainsi que la procédure suivie.

Le Dr Abu Sittah a soigné des blessés dans les hôpitaux al-Shifa et al-Ahli à Gaza en octobre et novembre 2023. Il a fourni des preuves de ce qu’il a vu à Gaza à l’unité des crimes de guerre de la Police métropolitaine de Londres. La police britannique a déclaré qu’elle transmettrait, le cas échéant, toute information pertinente à la Cour pénale internationale (CPI).

Le Procureur de la CPI a confirmé en novembre 2023 que son bureau avait ouvert, en mars 2021, une enquête sur des présumés crimes graves commis dans la bande de Gaza et en Cisjordanie depuis 2014, et que ce bureau avait compétence pour examiner les crimes commis en violation du droit international par toutes les parties lors des hostilités actuelles entre Israël et les groupes armés palestiniens.  

L’interdiction de voyager dans l’espace Schengen apparemment imposée au Dr Abu Sittah est susceptible d’entraver sa capacité de fournir des informations sur des crimes commis à Gaza à d’autres autorités et organes judiciaires à travers l’Europe, a déclaré Human Rights Watch. 

En réaction aux attaques perpétrées sous la conduite du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël, qui ont consisté notamment en des meurtres délibérés de civils et des prises de civils en otages, actes qui constituent des crimes de guerre, les forces israéliennes ont effectué à plusieurs reprises des attaques apparemment illégales, y compris contre des établissements et des personnels médicaux et des hôpitaux à Gaza. Les forces israéliennes continuent de faire obstacle à l’apport de services de base et d’aide humanitaire à Gaza, actes qui constituent des crimes de guerre, notamment l’utilisation de la famine imposée à des civils comme arme de guerre.

« Dans le contexte des atrocités qui se poursuivent à Gaza, les pays du monde devraient en priorité mettre fin à toute éventuelle complicité de leur part et promouvoir l’obligation de rendre des comptes », a affirmé Yasmine Ahmed. « Au lieu de cela, l’Allemagne, en empêchant le Dr Abu Sittah de partager ses expériences, tente d’empêcher des citoyens d’entendre parler des graves abus qui se produisent à Gaza. Le gouvernement du Royaume-Uni devrait immédiatement évoquer cette interdiction présumée avec son homologue allemand. »

 

 

09.05.2024 à 06:00

Soudan : Nettoyage ethnique au Darfour occidental

Human Rights Watch

Click to expand Image Décombres de l'école Imam al-Kazem, à El Genaina (Darfour occidental), au Soudan, qui a été incendiée en avril 2023. Cette école servait de site de rassemblement pour des personnes déplacées par le conflit.  © 2023 Roots for Human Rights and Monitoring Violations Les attaques menées par les Forces de soutien rapide et des milices alliées à El Geneina, capitale de l’État du Darfour occidental au Soudan, ont fait au moins plusieurs milliers de morts et provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes.Les Nations Unies et l’Union africaine devraient imposer d’urgence un embargo sur les ventes d’armes au Soudan, sanctionner les responsables de crimes graves et déployer une mission pour protéger les civils.Les graves violations commises qui ont ciblé les Massalits et d’autres communautés non arabes dans le but manifeste, au minimum, de les expulser définitivement de la région constituent un nettoyage ethnique.

(Nairobi) – Les attaques menées par les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF) et des milices alliées à El Geneina, capitale de l’État du Darfour occidental au Soudan, entre avril et novembre 2023, ont fait au moins plusieurs milliers de morts et provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre généralisés ont été commis dans le cadre d’une campagne de nettoyage ethnique contre l’ethnie Massalit et d’autres populations non arabes à El Geneina et dans ses environs.

9 mai 2024 “The Massalit Will Not Come Home”

Le rapport de 218 pages, intitulé « “The Massalit Will Not Come Home”: Ethnic Cleansing and Crimes Against Humanity in El Geneina, West Darfur, Sudan » (« “Les Massalits ne rentreront pas chez eux” : Nettoyage ethnique et crimes contre l’humanité à El Geneina, dans le Darfour occidental, au Soudan » - résumé et recommandations en français),  documente comment les Forces de soutien rapide, une force militaire indépendante en conflit armé avec l’armée soudanaise et leurs alliés – des milices principalement arabes et le groupe armé Troisième Front-Tamazouj – ont ciblé les quartiers majoritairement massalits d’El Geneina lors de vagues d’attaques incessantes entre avril et juin 2023. Les abus se sont de nouveau intensifiés au début du mois de novembre. Les assaillants ont commis d’autres abus graves tels que des actes de torture, des viols et des pillages. Plus d’un demi-million de réfugiés du Darfour occidental ont fui vers le Tchad depuis avril 2023. À la fin du mois d’octobre 2023, 75 % de ces réfugiés étaient originaires d’El Geneina.

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« Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU et les gouvernements se réveillent devant la catastrophe qui se profile à El-Facher, les atrocités à grande échelle perpétrées à El Geneina devraient être considérées comme un rappel des atrocités qui pourraient survenir en l’absence d’action concertée », a indiqué Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch. « Les gouvernements, l’Union africaine et les Nations Unies devraient agir maintenant pour protéger les civils. »

Le ciblage des Massalits et d’autres communautés non arabes en commettant des violations graves à leur encontre dans le but manifeste, au minimum, de les expulser définitivement de la région constitue un nettoyage ethnique. Le contexte particulier dans lequel les massacres généralisés ont eu lieu soulève également la question d’une possible intention des RSF et de leurs alliés de détruire en totalité ou en partie les Massalits, au moins dans le Darfour occidental, ce qui indiquerait qu’un génocide y a été et/ou y est commis.

Entre juin 2023 et avril 2024, Human Rights Watch s’est entretenu avec plus de 220 personnes au Tchad, en Ouganda, au Kenya et au Soudan du Sud, ainsi que d’autres entretiens à distance. Les chercheurs ont également examiné et analysé plus de 120 photos et vidéos des événements, des images satellites ainsi que des documents transmis par des organisations humanitaires pour corroborer les récits d’abus graves.

Les violences à El Geneina ont commencé neuf jours après le début des combats à Khartoum, la capitale du Soudan, entre les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, SAF), l’armée soudanaise, et les RSF. Dans la matinée du 24 avril, les RSF ont affronté un convoi militaire soudanais qui traversait El Geneina. Puis les RSF et des groupes alliés ont attaqué des quartiers à majorité massalit, se battant contre des groupes armés principalement massalit qui défendaient leurs communautés. Au cours des semaines suivantes, et même après que les groupes armés massalits ont perdu le contrôle de leurs quartiers, les RSF et les milices alliées ont systématiquement pris pour cible des civils non armés.

Les violences ont atteint leur apogée avec un massacre à grande échelle qui s’est déroulé le 15 juin, lorsque les RSF et leurs alliés ont ouvert le feu sur un convoi, long de plusieurs kilomètres, de civils qui tentaient désespérément de fuir, escortés par des combattants massalits. Les RSF et les milices ont poursuivi, rassemblé et abattu des hommes, des femmes et des enfants qui couraient dans les rues ou tentaient de traverser à la nage le flot rapide de la rivière Kajja. Beaucoup se sont noyés. Les personnes âgées et les blessés n’ont pas été épargnés.

Un garçon de 17 ans a décrit le meurtre de 12 enfants et 5 adultes de plusieurs familles : « Deux membres des RSF… ont arraché les enfants à leurs parents et, comme les parents se sont mis à crier, deux autres membres des RSF ont tiré sur les parents et les ont tués. Puis ils ont empilé les enfants et leur ont tiré dessus. Ils ont jeté leurs corps dans la rivière et leurs affaires après eux. »

Ce jour-là et les jours suivants, les attaques se sont poursuivies contre des dizaines de milliers de civils qui tentaient d’entrer au Tchad, laissant la campagne jonchée de cadavres. Les vidéos publiées à l’époque montrent des foules de civils courant pour sauver leur vie sur la route reliant El Geneina au Tchad.

Human Rights Watch a également documenté le meurtre d’habitants arabes et le pillage de quartiers arabes par les forces massalit, ainsi que l’utilisation par les Forces armées soudanaises d’armes explosives dans des zones peuplées, causant des préjudices inutiles aux civils et aux biens civils.

Les RSF et des milices alliées ont de nouveau intensifié leurs attaques en novembre, visant les Massalits qui avaient trouvé refuge à Ardamata, une banlieue d’El Geneina, rassemblant des hommes et des garçons massalits et, d’après l’ONU, tuant au moins 1 000 personnes.

Au cours de ces exactions, des femmes et des filles ont été violées et ont subi d’autres formes de violences sexuelles, et des détenus ont été torturés et soumis à d’autres mauvais traitements. Les assaillants ont méthodiquement détruit des infrastructures civiles essentielles, ciblant des quartiers et des sites, y compris des écoles, dans des communautés déplacées principalement massalits. Ils se sont livrés à des pillages à grande échelle, et ont brûlé, bombardé et rasé des quartiers, après les avoir vidés de leurs habitants.

Ces actes ont été commis dans le cadre d’attaques généralisées et systématiques visant les Massalits et d’autres populations civiles non arabes des quartiers à majorité massalit et, en tant que tels, constituent également les crimes contre l’humanité de meurtres, de tortures, de persécutions et de transferts forcés de la population civile, a déclaré Human Rights Watch.

La possibilité qu’un génocide ait été et/ou soit en train d’être commis au Darfour exige une action urgente de la part de tous les gouvernements et institutions internationales pour protéger les civils. Ceux-ci devraient mener des enquêtes pour déterminer si les faits démontrent une intention spécifique de la part des dirigeants des RSF et de leurs alliés de détruire en totalité ou en partie les Massalits et d’autres communautés ethniques non arabes au Darfour occidental, c’est-à-dire une intention de commettre un génocide. Si tel est le cas, des mesures devraient être prises pour stopper sa perpétration et s’assurer que les responsables de sa planification et de son exécution sont traduits en justice.

La communauté internationale devrait soutenir les enquêtes de la Cour pénale internationale (CPI), tandis que les États parties à la Cour devraient veiller à ce qu’elle dispose des ressources financières nécessaires dans son budget ordinaire pour s’acquitter de son mandat au Darfour et dans toutes ses affaires.

Human Rights Watch a identifié le commandant des RSF, Mohammed « Hemedti » Hamdan Dagalo, son frère Abdel Raheem Hamdan Dagalo, et le commandant des RSF au Darfour occidental, Joma’a Barakallah, comme ayant la responsabilité du commandement des forces qui ont perpétré ces crimes. Human Rights Watch a également désigné des alliés des RSF, dont un commandant du groupe armé Tamazouj et deux chefs tribaux arabes, comme portant la responsabilité des combattants qui ont commis des crimes graves.

Les Nations Unies, en coordination avec l’Union africaine, devraient déployer de toute urgence une nouvelle mission pour protéger les civils en danger au Soudan. Le Conseil de sécurité devrait imposer des sanctions ciblées aux personnes responsables de crimes graves au Darfour occidental, ainsi qu’aux individus et aux entreprises qui ont enfreint et enfreignent actuellement l’embargo. Le Conseil devrait élargir l’embargo actuel sur les transferts d’armes au Darfour, pour couvrir l’ensemble du Soudan.

« L’inaction mondiale face à des atrocités d’une telle ampleur est inexcusable », a conclu Tirana Hassan. « Les autres gouvernements devraient veiller à ce que les responsables soient amenés à rendre des comptes, notamment par des sanctions ciblées et en renforçant la coopération avec la CPI. »

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08.05.2024 à 21:34

Cisjordanie : Les forces israéliennes ont illégalement tué des Palestiniens

Human Rights Watch

Click to expand Image Israeli forces enter the Balata refugee camp in the occupied West Bank city of Nablus during a large-scale search-and-arrest operation on November 23, 2023.  © 2023 Sipa via AP Images Les forces de sécurité israéliennes ont utilisé illégalement la force meurtrière contre des Palestiniens en Cisjordanie, notamment en exécutant délibérément des Palestiniens qui ne représentaient aucune menace apparente pour la sécurité, selon l’analyse de plusieurs incidents survenus depuis 2022.Les Nations Unies ont rapporté que le nombre de Palestiniens tués a atteint un niveau sans précédent récent, dans un environnement dans lequel les responsables n'ont pas à craindre que le gouvernement israélien leur demande des comptes.Les autres gouvernements devraient soutenir l'enquête de la Cour pénale internationale sur les crimes graves commis en Palestine, et imposer des sanctions ciblées contre les individus responsables de graves abus.

(Jérusalem, 8 mai 2023) – Les forces de sécurité israéliennes ont recouru illégalement à la force meurtrière en tuant par balles des Palestiniens en Cisjordanie, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, suite à des recherches menées sur plusieurs incidents.  Lors de quatre incidents survenus entre juillet 2022 et octobre 2023, les forces israéliennes ont abattu ou exécuté délibérément huit Palestiniens qui ne représentaient aucune menace apparente pour la sécurité, selon les conclusions de Human Rights Watch.

Cela fait plusieurs années que Human Rights Watch et d’autres organisations de défense des droits humains documentent le recours illégal et excessif à la force meurtrière par les forces israéliennes en Cisjordanie, ainsi que le manquement du gouvernement israélien à son devoir de sanctionner les individus responsables. En 2023, selon les Nations Unies, le nombre de Palestiniens tués par les forces de sécurité israéliennes était plus du double du nombre enregistré en n’importe quelle autre année depuis le début de la collecte systématique de ces données par l’ONU en 2005 ; durant les trois premiers mois de 2024, ce nombre a continué de croître à un rythme élevé.

« Les forces de sécurité israéliennes tuent illégalement des Palestiniens non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, où elles ont exécuté délibérément des Palestiniens qui ne représentaient aucune menace apparente », a déclaré Richard Weir, chercheur senior auprès de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Le nombre de meurtres a atteint un niveau sans précédent récent, dans un environnement où les forces israéliennes n’ont pas à craindre que leur gouvernement les demande des comptes. »

Entre mai et novembre 2023, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 14 témoins et 6 proches de victimes de tirs mortels perpétrés par les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie. Human Rights Watch s'est également entretenu avec des membres du personnel médical en Cisjordanie, a examiné des dossiers médicaux, et a vérifié des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ainsi que des reportages parus dans les médias. Le 8 août 2023 et à nouveau le 23 avril 2024, Human Rights Watch a écrit aux Forces de défense israéliennes (FDI, ou IDF en anglais) en posant des questions sur les huit décès et sur les règles concernant le recours à la force par l’armée israélienne, mais n’a reçu aucune réponse à ce jour.

8 mai 2024 Israël/Cisjordanie : Questions et réponses

Questions et réponses sur le droit international applicable au recours à la force en Cisjordanie, territoire occupé

Human Rights Watch a également publié un document de questions-réponses sur le cadre juridique international applicable au recours à la force en Cisjordanie, et aux violences dans ce territoire.

Dans un incident sur lequel Human Rights Watch a enquêté, survenu à Jénine le 28 décembre 2022, les forces israéliennes ont tiré sur Sidqi Zakarneh, le blessant ; puis, alors qu’il rampait par terre, elles ont à nouveau tiré sur lui, le tuant. Des vidéos montraient qu’il ne participait pourtant pas à des violences et ne semblait pas être armé. Dans un autre incident, survenu à Jaba (nord de la Cisjordanie) le 6 juillet 2022, Rafiq Ghannem est sorti de sa maison tôt dans la matinée, apparemment sans arme, pour enquêter sur des bruits forts qui pouvaient être entendus ; selon des membres de sa famille, il s’est alors retrouvé face à des forces israéliennes, qui l’ont abattu quand il a tenté de fuir.

En 2023, les forces israéliennes ont tué 492 Palestiniens, dont 120 enfants, en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Ce chiffre est plus du double de celui en n’importe quelle autre année depuis que l’ONU a commencé à documenter systématiquement les décès dans cette région. Au cours des trois mois qui ont suivi les attaques menées par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, environ 300 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie. Entre le 1er janvier et le 31 mars 2024, les forces israéliennes ont tué 131 Palestiniens en Cisjordanie.

En 2023, des Palestiniens ont tué 25 civils israéliens en Cisjordanie – chiffre le plus élevé depuis au moins 15 ans – ainsi que 5 membres des forces armées israéliennes, également selon l’OCHA.

Dans toute la Cisjordanie, les Palestiniens peuvent être exposés au risque d’être tués par les forces de sécurité israéliennes, même en allant au travail ou en revenant dans leur quartier. Des enfants palestiniens ont été abattus alors qu’ils se rendaient à l’école, comme l’a documenté Human Rights Watch en août 2023. Le journal israélien Haaretz a constaté que parmi les incidents au cours desquels des Palestiniens ont été tués en 2022, l’armée israélienne n’a allégué que les victimes étaient armées ou qu’il y avait eu un « échange de tirs » que dans 45 % des cas.

Entre le 7 octobre 2023 et le 18 mars 2024, les forces israéliennes ont mené en moyenne 640 opérations de « recherche et arrestation » par mois en Cisjordanie, soit presque le double de la moyenne mensuelle (340) enregistrée durant les neuf premiers mois de 2023, selon l’OCHA. Les opérations menées du 7 octobre 2023 au 18 mars 2024 ont entraîné la mort de 304 Palestiniens, sur un total de 409 Palestiniens tués par les forces israéliennes durant cette période.

Le 19 octobre 2023, lors d’une opération de « recherche et arrestation » menée près de la ville de Tulkarem en Cisjordanie, les forces israéliennes ont abattu Taha Mahamid, 15 ans, et, quelques minutes plus tard, ont blessé son père, Ibrahim, qui était accouru pour transporter le corps de son fils. Visiblement ni l’un ni l’autre n’était armé, selon une vidéo et d’autres éléments de preuve. Quatre mois après cet incident, Ibrahim Mahamid est décédé des séquelles de ses blessures. Des témoins ont affirmé que les tirs du 19 octobre ont eu lieu à un moment où il n'y avait aucun affrontement actif dans le quartier, et que ni Taha ni son père ne représentaient une menace imminente pour les forces israéliennes ; des séquences vidéo confirment ces déclarations.

Les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie sont soumises au droit international des droits humains. Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois précisent que ceux-ci « ne recourront intentionnellement à l'usage meurtrier d'armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ».

Israël n’a pas rendu publiques les règles sur l'usage de la force diffusées à son armée. Cependant, dans les incidents documentés par Human Rights Watch, des soldats israéliens responsable de l'application des lois ont eu recours à la force meurtrière alors que cela n'était pas strictement inévitable pour protéger des vies, notamment en tirant sur des personnes qui fuyaient ou qui ne semblaient pas liées à des affrontements ou à d'éventuels actes de violence.

Les homicides illégaux répétés et l’impunité endémique s’inscrivent dans un contexte d’apartheid et de persécution – des crimes contre l’humanité – que les autorités israéliennes commettent contre les Palestiniens, selon Human Rights Watch et d’autres organisations de défense des droits humains.

Les gouvernements d’autres pays devraient suspendre leurs ventes d’armes à Israël, et d’autres formes de soutien militaire, en raison du risque de complicité dans de graves abus en Palestine. Ces pays devraient aussi agir en faveur de l’obligation de rendre des comptes, notamment en soutenant l'enquête de la Cour pénale internationale sur les crimes graves commis en Palestine, et imposer des sanctions ciblées contre les individus responsables de graves abus.

« Les pratiques permissives et discriminatoires du gouvernement israélien en matière de recours à la force et l’impunité endémique sont une facette de l’apartheid et de la violence structurelle à laquelle les Palestiniens sont confrontés chaque jour », a déclaré Richard Weir. « Les homicides illégaux en Cisjordanie se poursuivront aussi longtemps que durera la répression systémique des Palestiniens par les autorités israéliennes contre les Palestiniens. »

Suite en anglais, avec des informations plus détaillées sur les incidents.

…………….

 

08.05.2024 à 06:00

Mali : Des groupes islamistes armés et des milices ethniques commettent des atrocités

Human Rights Watch

Click to expand Image La Route Nationale 15, allant de la région de Mopti au sud du Mali – où le GSIM, un groupe islamiste armé, a attaqué deux villages le 27 janvier 2024 – au Burkina Faso. © 2021 Amaury Hauchard / AFP

(Nairobi) – Un groupe islamiste armé lié à Al-Qaïda a tué au moins 32 civils, dont 3 enfants, et a incendié plus de 350 maisons dans le centre du Mali en janvier 2024, forçant environ 2 000 villageois à fuir, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Plus tôt en janvier, une milice ethnique a tué au moins 13 civils, dont 2 enfants, a enlevé 24 autres personnes et s’est livrée au pillage de biens et de bétail dans le centre du Mali. Ces attaques ont violé le droit international humanitaire et constituent des crimes de guerre apparents.

Human Rights Watch a documenté deux attaques menées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM en anglais) contre les villages d’Ogota et d’Ouémbé, dans la région de Mopti, le 27 janvier, et deux attaques menées par des milices dozos contre les villages de Kalala et de Boura, dans la région de Ségou, au début du mois de janvier. Ces attaques ont eu lieu dans le contexte d’un cycle de meurtres et de violences communautaires commis en guise de représailles dans le centre du Mali. Les autorités militaires de transition du Mali, qui ont pris le pouvoir lors d’un coup d’État en mai 2021, devraient enquêter d’urgence sur ces abus, poursuivre les responsables de manière équitable et mieux protéger tous les civils en danger.

« Des groupes armés islamistes et des milices ethniques attaquent brutalement des civils sans crainte de poursuites », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités devraient agir pour mettre fin aux cycles meurtriers de violence et de meurtres commis par vengeance et mieux protéger les civils menacés. »

Entre février et avril, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 25 personnes ayant connaissance de ces attaques, dont 15 témoins, 3 activistes maliens et 7 représentants d’organisations internationales. Human Rights Watch a également analysé des images satellite de maisons incendiées à Ogota et Ouémbé.

Le Mali combat des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda et au groupe armé extrémiste État islamique (EI) depuis 2015. En décembre 2023, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), s’est retirée du pays à la demande des autorités militaires de transition maliennes, suscitant des inquiétudes quant à la protection des civils et à la surveillance des abus commis dans ce pays. En janvier, les autorités de transition ont annoncé que le Mali quitterait la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), privant ainsi les victimes d’abus de la possibilité de demander justice auprès de la Cour de Justice de la CEDEAO.

Des témoins ont déclaré que le 27 janvier, le GSIM a attaqué Ogota, peuplé principalement de Dogons, en représailles à la présence de la milice Dan Na Ambassagou dans les environs. « Ils ont envahi le village, tirant sur tout et n’importe qui, pendant plus d’une heure », a déclaré une femme de 40 ans. « Ils ont mis le feu à tout le village. »

Le 6 janvier, des milices dozos ont attaqué Kalala, un village majoritairement peuplé de Peuls, et tué 13 civils. « Nous avons retrouvé six corps devant la mosquée, et les autres à l’intérieur ou à l’extérieur des maisons », a déclaré un éleveur. « Les Dozos nous ont pris pour cible parce que nous sommes [des] Peuls et qu’ils pensent que tous les Peuls sont des terroristes. » Des témoins de Kalala ont déclaré que l’attaque avait été menée en représailles aux attaques menées en octobre et en novembre par le GSIM dans des villages environnants, contre des membres de l’ethnie bambara.

Les autorités militaires maliennes de transition n’ont pas enquêté de manière adéquate sur les incidents impliquant des membres de groupes armés islamistes ou de milices ethniques, a déclaré Human Rights Watch. Dans son rapport de février, Alioune Tine, Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, a déclaré qu’il regrettait « qu’aucun progrès significatif n’ait été observé concernant le jugement des auteurs présumés des multiples violations des droits humains et des atteintes à ces droits ainsi que des violations du droit international humanitaire attribuées aux groupes extrémistes violents, aux milices et groupes d’autodéfense communautaires ainsi qu’aux forces maliennes. »

Des témoins des attaques du GSIM ont déclaré que les forces de sécurité maliennes n’ont pas protégé leurs communautés de manière adéquate. « L’État malien nous a abandonnés », a déclaré un homme de 34 ans originaire de Bankass, dans la région de Mopti. « Depuis 2018, les djihadistes nous imposent la charia [loi islamique], attaquent nos villages, minent nos routes [et] enlèvent nos enfants. Nous avons toujours demandé l’aide de nos autorités, mais elles n‘ont pas répondu. Ces attaques se poursuivent parce que les terroristes jouissent d’une grande liberté d’action et ne sont jamais tenus de rendre des comptes. » Un témoin de l’attaque de la milice dozo à Boura le 3 janvier a cependant trouvé que les autorités étaient prêtes à réagir promptement, affirmant que les gendarmes présents localement « ont agi rapidement … et ont arrêté trois miliciens ».

Human Rights Watch a également documenté de graves abus commis par les forces de sécurité maliennes et par des forces présumées du groupe Wagner soutenues par la Russie lors d’opérations de contre-insurrection dans le centre du Mali.

En vertu du droit international humanitaire, les combats au Mali sont considérés comme un conflit armé qui n’a pas de caractère international. Le droit applicable comprend l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et les lois coutumières de la guerre, qui s’appliquent aux groupes armés non étatiques ainsi qu’aux forces armées nationales. Les lois de la guerre interdisent les exécutions sommaires, la torture, les attaques contre les civils et les biens civils et le pillage, entre autres violations. Le gouvernement a l’obligation d’enquêter de manière impartiale et de poursuivre de manière appropriée les personnes impliquées dans des crimes de guerre, qui sont des violations graves des lois de la guerre commises avec une intention criminelle.

« L’incapacité du gouvernement de transition malien à demander des comptes aux groupes armés islamistes et aux milices ethniques ne fait qu’encourager les forces responsables d’abus à commettre de nouvelles atrocités », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités devraient redoubler d’efforts pour enquêter de manière appropriée et traduire en justice tous les responsables d’abus graves. »

Pour lire des témoignages et des informations plus détaillées, veuillez voir ci-dessous. Les noms des personnes interrogées n’ont pas été divulgués pour leur protection.

Abus commis par le GSIM

Le groupe islamiste armé GSIM a fait son apparition en mars 2017 en tant que coalition de groupes alignés avec Al-Qaïda, parmi lesquels Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique, Al-Mourabitoune et la Katiba Macina. Human Rights Watch a déjà documenté dans le passé de graves abus commis par le GSIM dans tout le Mali.

Le GSIM a concentré ses efforts de recrutement sur les Peuls, en exploitant les frustrations de ces derniers, liées à la corruption du gouvernement et à la concurrence pour l’accès aux ressources naturelles. Cette situation a exacerbé les tensions entre les Peuls et les autres groupes ethniques, en particulier les Bambaras et les Dogons, et a conduit à la formation de groupes d’autodéfense ethniques, à l’instar des Dozos et de Dan Na Ambassagou, qui ont pris en main la protection de leurs villages et de leurs biens.

Ogota et Ouémbé, région de Mopti, 27 janvier

Le 27 janvier vers 18 heures, des dizaines de combattants du GSIM armés de fusils d’assaut de type kalachnikov et circulant sur des motos et des véhicules équipés de mitrailleuses lourdes ont mené des attaques simultanées sur les villages d’Ogota et d’Ouémbé, situés à trois kilomètres l’un de l’autre, selon quatre témoins.

Les combattants, qui portaient des foulards et parlaient le fulfulde, une langue largement répandue au Mali, ont tué 28 villageois à Ogota, dont 8 femmes, 4 hommes âgés et 3 enfants, et 4 villageois à Ouémbé, dont 2 femmes. Selon des témoins, les combattants ont brûlé au moins 150 maisons à Ogota et 130 maisons à Ouémbé, puis sont revenus le 1er février pour brûler les maisons restées intactes.

Le 29 janvier, les médias internationaux ont fait état de ces attaques, citant des informations émanant des autorités locales. Dans une déclaration du 1er février, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit « alarmé par les informations selon lesquelles une trentaine de civils ont été tués lors d’attaques menées par des individus armés non encore identifiés » à Ogota et Ouémbé, et a demandé qu’une enquête impartiale soit menée et que les responsables soient « traduits en justice dans le cadre de procès conformes aux normes internationales ».

Un agriculteur de 46 ans, originaire d’Ouémbé, a déclaré :

J’ai vu arriver les terroristes. Ils se sont séparés en deux groupes : l’un se dirigeait vers Ouémbé, l’autre vers Ogota. Le groupe qui se dirigeait vers Ouémbé … était composé d’une vingtaine de motos et d’un pick-up surmonté d’une mitrailleuse. Le groupe qui se dirigeait vers Ogota était plus important. Quelques minutes après le passage du convoi, des coups de feu ont été entendus en provenance d’Ogota, puis des coups de feu ont également été entendus en provenance d’Ouémbé. Les tirs ont duré environ une heure et demie.

Les villageois ont déclaré qu’ils pensaient avoir été attaqués parce que certains membres de la milice Dan Na Ambassagou avaient refusé de déposer leurs armes à la suite d’un accord entre cette milice et le GSIM. Dan Na Ambassagou est une organisation qui fédère plusieurs groupes d’autodéfense, créée en 2016 « pour protéger le pays dogon » qui assurait la sécurité à Ogota, à Ouémbé et dans les villages environnants.

Un ancien milicien de Dan Na Ambassagou, âgé de 24 ans et originaire d’Ogota, a déclaré :

Au début du mouvement, nous avons combattu les djihadistes, mais fin 2018, nous avons réalisé que les djihadistes étaient mieux armés et que notre implication dans la milice faisait de nos villages des cibles pour les djihadistes. Les djihadistes ont coupé les routes des marchés, kidnappé nos proches, nous ont empêché de pratiquer l’agriculture et ont assiégé nos villages au point que nos enfants sont morts de faim. Certains d’entre nous ont décidé de négocier avec les djihadistes et de déposer les armes. Mais certains miliciens ont refusé les négociations et notre mouvement s’est divisé en deux : nous avons accepté un accord avec les djihadistes, mais d’autres ont continué à les combattre. C’est à cause de ceux qui ont continué à combattre que notre village a été attaqué.

Des témoins d’Ogota et d’Ouémbé ont déclaré que les habitants avaient appris quelques jours plus tôt l’existence d’une menace imminente du GSIM. Ils ont contacté les soldats maliens basés à Bankass et à Bandiagara, respectivement à environ 40 et 70 kilomètres d’Ogota et d’Ouémbé, afin d’obtenir une protection, sans succès.

Un agriculteur de 46 ans, originaire d’Ouémbé, a déclaré :

Nous vivons avec les terroristes depuis 2018. Quand ils ont de mauvaises intentions à l’encontre d’un village, ils le disent clairement dans les groupes WhatsApp. Nous avons donc contacté nos proches qui sont fonctionnaires à Bandiagara en leur demandant d’informer les soldats de menaces qui pèsent sur notre village et sur Ogota. Ils ont rencontré les autorités militaires à Bandiagara et leur ont dit que les terroristes se rassemblaient dans la brousse à Bankass et qu’ils prévoyaient d’attaquer nos villages. Mais les soldats n’ont rien fait.

Meurtres à Ogota

Les villageois d’Ogota ont déclaré que les combattants du GSIM étaient arrivés au coucher du soleil du côté sud du village. Ils ont commencé à tirer lourdement depuis le sommet d’une colline, provoquant la panique et la fuite des villageois. Ils ont ensuite pris le village d’assaut, tirant sur les personnes qui tentaient de s’échapper ou de se cacher.

Une femme de 40 ans a déclaré :

Les djihadistes s’exprimaient en langue fulfulde et criaient « Allah Akbar » [Dieu est grand]. Ils se sont réjouis en disant que « le village ennemi est tombé » et que « c’est ce que nous allons faire avec tous les villages qui ne respectent pas l’islam ». Mon mari s’est enfui lorsque les tirs ont commencé, nous laissant mes enfants et moi dans la maison. Deux femmes et leurs enfants sont venus se cacher avec nous. Lorsque les tirs ont cessé, nous avons décidé de partir, mais dès que nous sommes sortis, les tirs ont repris, j’ai été touchée aux jambes et je suis tombée. Les deux femmes m’ont laissée et ont couru avec mes enfants. … Lorsque les djihadistes sont partis, mon mari est revenu pour me sauver.

L’ancien milicien raconte que lorsque l’attaque a commencé, il a appelé les membres de la milice Dan Na Ambassagou à l’aide, « mais ils ne sont arrivés que lorsque les djihadistes étaient déjà repartis ».

Un homme de 34 ans a déclaré :

Quand l’attaque a débuté, je me trouvais à environ quatre kilomètres d’Ogota. J’ai entendu des rafales de mitrailleuses pendant une heure et demie et j’ai vu des flammes dans le village. Lorsque les tirs ont cessé, je suis retourné à Ogota où des villageois et des miliciens essayaient de secourir les blessés…. Il y avait de la fumée dans tout le village, et on pouvait voir des cadavres à l’intérieur et à l’extérieur des maisons. Certaines personnes avaient été abattues alors qu’elles s’enfuyaient, d’autres avaient été exécutées dans leurs maisons. Les maisons étaient encore en feu. Dans une maison, nous avons trouvé cinq corps carbonisés : une femme, un homme de 50 ans et trois hommes plus âgés.

Human Rights Watch a examiné deux listes de victimes compilées par des survivants et des habitants, avec les noms de 28 personnes tuées, dont 3 enfants de moins de 2 ans, 4 hommes de plus de 68 ans, et 8 femmes qui avaient entre 30 et 50 ans. Au moins 5 des personnes tuées semblent avoir reçu une balle dans la tête, 9 ont été brûlées et les autres ont été criblées de balles, ont indiqué des témoins.

« Nous avons enterré les corps le lendemain de l’attaque », a déclaré un agriculteur de 45 ans. « Certains corps étaient couverts de blessures par balles. D’autres, surtout ceux qui étaient carbonisés, ne pouvaient pas être soulevés, alors nous les avons enterrés là où nous les avons trouvés. Les autres ont été enterrés séparément. »

Tueries à Ouémbé

Des villageois d’Ouémbé ont décrit un scénario similaire.

« J’étais chez moi lorsque j’ai entendu des coups de feu nourris », a raconté un agriculteur de 43 ans. « Le temps de rassembler ma famille, j’ai vu les terroristes arriver en grand nombre. Ils criaient "Allah Akbar" et tiraient sans arrêt. J’ai fui vers Segué. »

Un homme de 46 ans a déclaré :

Nous avons entendu des coups de feu répétés et des rafales de mitrailleuses qui faisaient ‘pa-pa-pa’. Je me suis réfugié dans la brousse avant que les terroristes n’envahissent le village.… La nuit, quand les tirs ont cessé, je suis revenu et j’ai trouvé les corps de quatre personnes, deux hommes et deux femmes, dans une maison où ils s'étaient probablement cachés.... Ils avaient été tués d’une balle dans la poitrine et dans la tête. Nous les avons enterrés le lendemain.

Human Rights Watch a examiné deux listes de victimes compilées par des survivants et des habitants, avec les noms de quatre personnes tuées, deux hommes, âgés de 50 à 60 ans, et deux femmes, âgées de 30 à 40 ans.

Incendies criminels à Ogota et Ouémbé

Des témoins ont déclaré qu’au cours des attaques du 27 janvier, des combattants du GSIM ont incendié au moins 150 maisons à Ogota et environ 130 à Ouémbé, forçant environ 2 000 villageois à fuir. Ces témoins ont ajouté que les combattants étaient revenus quatre jours plus tard pour brûler les maisons restantes à Ogota et à Ouémbé.

« C’était un village fantôme », a déclaré un homme de 45 ans originaire d’Ogota, qui est retourné au village après l’attaque et a ensuite fui avec sa famille à Bankass.

« Il ne restait plus rien du village », a déclaré cet homme de 46 ans, originaire d’Ouémbé, qui est retourné au village après l’attaque. « Les gens avaient fui, les maisons brûlaient encore. Toutes ces personnes ont été déplacées, y compris moi et ma famille. Nous sommes à Bankass maintenant et nous manquons de tout. »

Sur les images satellite que Human Rights Watch a analysées, des traces de brûlures sont visibles sur toute la superficie des villages d’Ogota et d’Ouémbé. Elles sont apparues pour la première fois dans les deux villages sur une image du 28 janvier à 10h38 heure locale, et n’étaient pas visibles le jour d’avant à la même heure. D’autres traces de brûlures sont apparues dans les deux villages sur une image du 1er février à 10h38 heure locale, alors qu’elles n’étaient pas visibles la veille.

26 janvier 2024: © Image © 2024 Planet Labs PBC 1 février 2024: © Image © 2024 Planet Labs PBC

Comparaison d’images satellites infrarouges entre le 26 janvier et le 1er février 2024 montrant des traces de brûlures dans le village d’Ogota dans la région de Mopti au Mali. Sur les images infrarouges, la végétation apparait en rouge alors que les zones brûlées apparaissent clairement plus foncées. 

26 janvier 2024: Image © 2024 Planet Labs PBC 1 février 2024: Image © 2024 Planet Labs PBC

Comparaison d’images satellites infrarouges entre le 26 janvier et le 1er février 2024 montrant des traces de brûlures dans le village d’Ouémbé dans la région de Mopti au Mali. Sur les images infrarouges, la végétation apparait en rouge alors que les zones brûlées apparaissent clairement plus foncées.

Abus commis par des milices dozos

Les Dozos, ou « sociétés de chasseurs traditionnels » constitués principalement de membres de l’ethnie bambara, agissent depuis environ 2014 comme forces d’autodéfense de villages dans les régions de Ségou et de Mopti. Human Rights Watch a documenté dans le passé de graves abus commis par les Dozos contre des civils peuls, ainsi que des allégations selon lesquelles les Dozos et d’autres groupes d’autodéfense ont agi pour le compte de l’armée malienne.

Kalala, région de Ségou, 6 janvier

Dans la soirée du 6 janvier, des milices dozos ont attaqué Kalala et tué 13 personnes, dont 3 hommes âgés, dont l’un était aveugle, une femme âgée et 2 enfants, selon 3 témoins. Ils ont également brûlé au moins une maison, 10 huttes et 20 hangars.

Les villageois pensent que les Dozos ont attaqué Kalala, dont la population est majoritairement peule, en représailles aux attaques du GSIM contre des Bambaras dans plusieurs villages des environs à la fin de l’année 2023.

Un homme de Kalala a déclaré :

Entre octobre et novembre 2023, des habitants de Berta, Diado, Kéré, Goumba et Kafagou, majoritairement peuplés de Bambaras, ont commencé à s’armer et ont rompu les accords qu’ils avaient conclus avec les djihadistes. Ces derniers les ont alors chassés de leurs villages. Ceux qui ont été chassés de leurs maisons se sont organisés et ont attaqué Kalala, un village principalement habité par des Peuls. Un village peul dans notre région est considéré comme un village djihadiste par les autres communautés.

Des témoins ont déclaré que des dizaines de miliciens dozos à moto, portant des tenues marrons caractéristiques des chasseurs dozos et des amulettes autour du cou, ainsi que des fusils d’assaut et des fusils de chasse de type kalachnikov, sont arrivés à Kalala après le coucher du soleil. Ils se sont arrêtés sur le terrain de football du village et ont commencé à tirer. Ils se sont dirigés vers la mosquée et ont sommairement exécuté au moins six hommes.

Un villageois a déclaré :

Quand j’ai vu une douzaine de Dozos se diriger vers la mosquée, je me suis caché dans les toilettes de la mosquée.… Les Dozos ont regroupé six hommes devant la mosquée et un Dozo a tiré une balle dans la tête de chacun d’entre eux. J’ai assisté à la scène depuis la porte [des toilettes]. Parmi ces six personnes, il y avait le chef du village, le muezzin [qui appelle à la prière quotidienne], un aveugle de 83 ans et un homme de 80 ans.

Des témoins ont déclaré qu’après les meurtres, les Dozos avaient fait du porte-à-porte, pillé et brûlé des huttes et d’autres biens, et tué sept autres personnes.

Une femme de 45 ans a déclaré :

Je suis tombée sur deux miliciens dozos. L’un d’eux m’a demandé : « Où sont tes enfants et ton mari ? ». J’ai répondu que mes enfants n’étaient pas là et que mon mari était malvoyant, et je les ai suppliés d’avoir pitié de nous.… Ils sont partis mais ont mis le feu à l’abri devant la maison.… Mon mari m’a dit de le laisser et de m’enfuir.… J’ai rejoint 20 autres femmes et enfants. Nous avons marché dans la brousse pendant la nuit.… A 6 heures du matin, nous nous sommes séparés, certains sont allés à l’est, vers Tionce, et d’autres à l’ouest, vers Saye. Je suis allée à Kalala Bamara où une femme m’a aidée et m’a ramenée dans sa brouette dans mon village pour y chercher mon mari.

La femme a déclaré que lorsqu’elle est arrivée au village, elle a vu les corps des 13 personnes. « Certaines [avaient] reçu une balle dans la tête », a-t-elle déclaré, et « le village avait été pillé » avec « plusieurs huttes et hangars qui avaient été brûlés ». Elle a retrouvé son mari vivant et s’est enfuie avec lui à Saye.

Un homme qui a aidé à enterrer les corps à Kalala a déclaré :

Nous n’avons pas pu enterrer nos proches pendant de nombreux jours car nous redoutions de nouvelles attaques des Dozos. Le 3 février, nous avons décidé d’y retourner et nous avons découvert que les corps des six hommes tués devant la mosquée avaient déjà été enterrés dans une fosse commune, qui n’était pas couverte. Nous ne savons pas qui l’a creusée, mais nous pensons que ce sont les djihadistes [du GSIM] qui ont fait ça. Nous l’avons simplement recouverte de sable, nous avons enterré les sept autres corps et nous sommes partis précipitamment.

Human Rights Watch a obtenu trois listes de victimes compilées par des survivants et des habitants de Kalala, avec 13 noms de personnes âgées de 4 à 83 ans. Parmi les personnes tuées, selon les témoins, se trouvaient le chef du village et une femme âgée dont le corps carbonisé a été retrouvé dans sa maison.

Boura, région de Ségou, 3 janvier

Le 3 janvier, vers 8 heures du matin, des dizaines de miliciens dozos circulant sur au moins 100 motos ont pris d’assaut le village de Boura, enlevant 24 personnes, dont le chef du village âgé de 72 ans, selon trois témoins. Ils ont également pillé des maisons et du bétail.

Des témoins ont déclaré que les Dozos venaient de la localité de Ndokoro, située à 14 kilomètres de là, et qu’ils avaient attaqué ce village à prédominance ethnique peule. Depuis la fin de l’année 2023, le GSIM a enlevé des miliciens dozos dans plusieurs villages autour de Boura.

« Au début de l’année 2023, l’armée a patrouillé dans notre région, si bien que les djihadistes ont soupçonné les Dozos de collaborer avec l’armée », raconte une femme de 40 ans. « Les djihadistes ont alors commencé à kidnapper des Dozos. En représailles, les Dozos ont attaqué notre village. »

Human Rights Watch a déjà fait état d’allégations selon lesquelles les Dozos et d’autres groupes d’autodéfense agissaient pour le compte de l’armée malienne.

Des témoins ont déclaré que les miliciens étaient venus à moto, qu’ils portaient des tenues marrons caractéristiques des chasseurs dozos et des amulettes, et qu’ils étaient armés de fusils d’assaut de type kalachnikov. Ils ont déclaré que les assaillants faisaient du porte-à-porte à la recherche d’hommes et pillaient des maisons.

La femme âgée de 40 ans a déclaré :

Mon mari a pu s’échapper. J’ai essayé de m’enfuir aussi avec mes enfants, mais le village était déjà bouclé. Je suis rentrée chez moi et j’ai prié Dieu. Deux Dozos sont venus chez moi et m’ont demandé où était mon mari. J’ai répondu qu’il n’était pas là. Ils sont entrés dans la maison et m’ont forcée à leur donner mes bijoux en argent.… Vers 10 heures, ils ont quitté le village.… Tout avait été pillé. Tous les hommes avaient fui. Seuls les femmes et les enfants demeuraient.

Human Rights Watch a examiné une liste, compilée par des survivants et des habitants de Boura, contenant les noms des personnes enlevées, dont 23 hommes, âgés de 18 à 80 ans, et un garçon de 17 ans.

Un homme de 50 ans, qui s’est enfui à l’arrivée des Dozos, a déclaré qu’il s’était rendu dans la ville de Ségou, à 140 kilomètres de là :

Je suis allé à la gendarmerie pour informer les gendarmes que notre village avait été attaqué par une centaine de Dozos qui ont pillé le village, pris nos animaux et enlevé des personnes. Les gendarmes ont enregistré ma plainte.… Ils ont très vite réagi et sont allés boucler la route qui relie Ségou à notre village.… Le lendemain, les gendarmes ont pu intercepter un camion transportant nos animaux qui avaient été enlevés, soit plus de 60 vaches, et ont arrêté trois Dozos.

Des témoins ont déclaré que les membres des familles des personnes enlevées ne cherchaient pas leurs proches par crainte des attaques des Dozos. « Certaines personnes nous ont dit qu’ils avaient été tués, mais personne n’a trouvé leurs corps et il n’y a aucune preuve d’une telle action », a déclaré une femme de 40 ans. L’homme de 50 ans qui a signalé l’attaque à la gendarmerie a déclaré qu’il avait également informé les gendarmes de ces enlèvements, mais « nous n’avons toujours pas de nouvelles ».

07.05.2024 à 22:55

Gaza : Israël bafoue les ordonnances de la Cour internationale de justice

Human Rights Watch

Click to expand Image Des camions égyptiens transportant de l'aide humanitaire à destination de la bande de Gaza étaient en attente devant le poste frontière de Rafah, du côté égyptien, le 23 mars 2024.  © 2024 Khaled Desouki/AFP via Getty Images

(Jérusalem, 7 mai 2024) – Israël bafoue les ordonnances de la Cour internationale de Justice (CIJ), pourtant juridiquement contraignantes, en faisant obstacle à l’entrée d’aide humanitaire et de services vitaux à Gaza, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Depuis janvier 2024, dans le cadre de la plainte portée par l’Afrique du Sud alléguant qu’Israël viole la Convention sur le génocide de 1948, la CIJ a émis deux ordonnances exigeant qu’Israël prenne des « mesures conservatoires » afin de fournir des services de base et une assistance humanitaire aux habitants de la bande de Gaza.

Le 5 mai, les autorités israéliennes ont fermé le passage de Kerem Shalom après une attaque aux tirs de roquette du Hamas, et le 7 mai, elles ont saisi le contrôle du passage de Rafah, empêchant ainsi l'aide d'entrer ou les gens de quitter Gaza via les principaux points de passage utilisés ces derniers mois. Lors des récentes semaines, les autorités israéliennes ont autorisé l’entrée de davantage de camions humanitaires et ouvert un passage supplémentaire ainsi qu’un port pour l’entrée de l’aide ; mais ces mesures ont été modestes et loin de suffire pour répondre aux forts besoins, selon les Nations Unies et les agences humanitaires non gouvernementales. Ces agences ont déclaré qu’Israël continuait de bloquer l’apport d’aide essentielle et que seule une petite proportion de cette aide, déjà limitée, parvenait au nord de la bande de Gaza où elle est vitale.

« Bien que des enfants soient en train de mourir de faim à Gaza, les autorités israéliennes continuent de bloquer l’aide essentielle à la survie de la population de Gaza, ignorant les ordonnances de la Cour internationale de justice », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch. « Chaque jour où les autorités israéliennes bloquent l’aide vitale, davantage de Palestiniens risquent de mourir. »

Le 26 janvier, la CIJ a émis une ordonnance qui enjoignait Israël de « prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence ». Le 28 mars, face à la « propagation de la famine », le tribunal a émis une nouvelle ordonnance enjoignant Israël d’assurer la fourniture sans entrave de l’aide humanitaire, en pleine coopération avec l’ONU, notamment en ouvrant de nouveaux points de passage terrestres.

La deuxième ordonnance de la Cour exigeait qu’Israël fasse rapport à la CIJ sur la mise en œuvre des mesures de la Cour dans un délai d’un mois. Cependant, depuis le 2 mai, les autorités israéliennes ont continué à faire obstacle aux services de base et à l’entrée du carburant et de l’aide vitale, des actes qui constituent des crimes de guerre et incluent le recours à la famine des civils comme arme de guerre.

Selon l'ONU, le nombre moyen de camions d'aide entrant à Gaza via les points de passage de Kerem Shalom et Rafah n'a augmenté que de 24 camions par jour au cours du mois qui a suivi la deuxième ordonnance de la CIJ – passant d'une moyenne quotidienne de 162 camions par jour (du 29 février au 28 mars) à une moyenne quotidienne de 186 camions par jour (du 29 mars au 28 avril). Cela ne représente toujours qu'environ 37 pour cent du nombre d'entrées quotidiennes à Gaza avant le 7 octobre 2023, lorsque 80 pour cent de la population de Gaza dépendait de l'aide dans le contexte de bouclage illégal imposé par Israël depuis plus de 16 ans.

Les autorités israéliennes soutiennent que l’ONU est responsable pour les retards de distribution, mais, en tant que puissance occupante, Israël est obligé d’assurer le bien-être de la population occupée et de veiller à ce que les besoins humanitaires de la population de Gaza soient satisfaits.

Le 1er mai, en réponse aux pressions du gouvernement américain, les autorités israéliennes ont ouvert le passage d’Erez – un point de contrôle entre Israël et le nord de Gaza – pour les livraisons d’aide, permettant ainsi à 30 camions d’entrer. On ne sait pas si d'autres camions sont entrés depuis lors via Erez. En avril, les autorités avaient également commencé à permettre l’arrivée d’une certaine aide depuis le port d’Ashdod, situé au sud de Tel Aviv. Dans une réponse du 30 avril à une requête de la Haute Cour contestant les restrictions sur l’aide, le gouvernement israélien a déclaré qu’il prévoyait également d’ouvrir un point de passage supplémentaire pour l’aide au nord.

Toutefois, malgré ces mesures, Médecins Sans Frontières (MSF) a affirmé le 1er mai que la fourniture d’articles essentiels comme les réservoirs d'oxygène, les générateurs, les réfrigérateurs et les équipements médicaux essentiels continuait d'être bloquée, que très peu d'aide parvenait au nord de Gaza, et qu’il n’y a « aucune clarté ni cohérence quant à ce qui est autorisé à entrer à Gaza ».

Début avril, des chercheurs de Human Rights Watch se sont rendus dans la région égyptienne du Nord-Sinaï, qui jouxte la bande de Gaza, et se sont entretenus avec des travailleurs de 11 agences des Nations Unies et d’organisations humanitaires envoyant de l'aide à Gaza. Tous ont déclaré que les autorités israéliennes continuent d'empêcher l'entrée de l'aide via l'Égypte. Ils ont affirmé que l’insuffisance de l'aide, malgré une récentehausse, et le rejet arbitraire de l’entrée d'articles essentiels, ne répondent pas au besoin colossal d'aide.

Plusieurs personnes ont déclaré que les autorités israéliennes interdisent, dans certains cas, les articles qu’elles considèrent comme « à double usage », c’est-à-dire qui pourraient être utilisés à des fins militaires, mais il n’existe pas de liste claire de tels articles. En réponse à une demande d'accès à l'information concernant des listes d'« articles à double usage », les autorités israéliennes ont déclaré qu'elles utilisaient toujours une liste qu'elles avaient publiée en 2008. Tania Hary, directrice exécutive de Gisha, une organisation israélienne de défense des droits humains, a déclaré à Human Rights Watch : « Nous voyons que [les autorités israéliennes] interprètent cette liste de manière très large, ce qui n'est pas nouveau, sauf que ceci se déroule sur fond de catastrophe humanitaire. »

Suite à l’attaque menée par des combattants du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, de hauts responsables israéliens ont fait des déclarations publiques exprimant leur objectif de priver les civils de Gaza de nourriture, d’eau et de carburant – politique concrétisée par les forces israéliennes. D’autres responsables israéliens ont déclaré publiquement que l’aide humanitaire à Gaza serait conditionnée soit à la libération des otages illégalement détenus par le Hamas, soit à la destruction du Hamas.

Le Coordonnateur israélien des activités gouvernementales dans les territoires (Coordinator of the Government Activities in the Territories, COGAT), l’organisme militaire chargé de coordonner l’aide humanitaire à Gaza, contrôle totalement ce qui peut être transporté à Gaza. Après avoir été inspectés en Égypte, les camions d'aide humanitaire doivent passer par deux sites d'inspection contrôlés par Israël : Nitzana et Kerem Shalom. Les personnes interrogées par Human Rights Watch ont déclaré que les camions doivent souvent attendre des jours, voire des semaines, pour être inspectés en raison des horaires de travail limités, du temps requis pour utiliser des scanners, ainsi que des procédures d'inspection supplémentaires rajoutées depuis les attentats du 7 octobre en Israël.

Human Rights Watch a écrit au COGAT le 2 avril pour solliciter des commentaires concernant l’obstruction de l’aide par Israël, mais n’a pas reçu de réponse.

Plusieurs pays ont réagi aux restrictions illégales de l’aide par le gouvernement israélien en larguant de l’aide par avion. Les États-Unis se sont également engagés à construire un port maritime temporaire à Gaza. Cependant, les groupes humanitaires et les responsables de l'ONU ont affirmé que de tels efforts étaient insuffisants pour y prévenir une famine.

Les autorités israéliennes devraient ouvrir d’urgence des points de passage supplémentaires et lever les interdictions sur la livraison de biens d’aide essentiels. Elles devraient fournir aux agences humanitaires une liste des articles interdits, ainsi que des spécifications pour les articles autorisés sous certaines conditions. Les inspecteurs devraient fournir des explications écrites pour tout rejet et permettre aux agences de faire appel de tels refus, a déclaré Human Rights Watch.

Le 4 mai, Cindy McCain, directrice américaine du Programme alimentaire mondial, a déclaré : « La famine est là, une véritable famine dans le nord, et [elle] se déplace vers le sud. » Le 22 avril, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) avait déjà  signalé que « 1,1 million de personnes sont confrontées à des niveaux de faim catastrophiques ».

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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07.05.2024 à 06:00

Israël : Une frappe menée au Liban avec une arme américaine a tué des secouristes

Human Rights Watch

Click to expand Image A man carries belongings of a paramedic killed at a paramedic center hit on March 27, 2024, by an Israeli airstrike in Habbarieh, southern Lebanon, March 27, 2024.  © 2024 AP Photo/Mohammed Zaatari

(Beyrouth, 7 mai 2024) – Une frappe israélienne menée le 27 mars contre un centre d’urgence et de secours dans le sud du Liban était une attaque illégale contre des civils, perpétrée en l’absence des précautions nécessaires, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Si cette attaque contre des civils a été menée intentionnellement ou de manière imprudente, elle devrait faire l’objet d’une enquête en tant que crime de guerre apparent. La frappe, menée avec un kit de guidage pour munition d'attaque directe conjointe (Joint Direct Attack Munition, JDAM) de fabrication américaine et une bombe polyvalente de 500 livres (environ 230 kilogrammes) de fabrication israélienne, a tué sept bénévoles de services d'urgence et de secours à Habariyeh, ville située à cinq kilomètres au nord du Plateau du Golan occupé par Israël.

La frappe, menée à l’aube le 27 mars, a visé une structure résidentielle abritant le Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours, une organisation humanitaire non gouvernementale qui fournit des services d'urgence, de sauvetage et de formation aux premiers secours au Liban. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve d'une cible militaire sur le site. Une semaine auparavant, Israël avait pourtant transmis au Département d'État américain un document assurant que les armes fournies par les États-Unis n'étaient pas utilisées en violation du droit international.

« Les forces israéliennes ont utilisé une arme américaine pour mener au Liban une frappe qui a tué sept travailleurs humanitaires civils, alors qu’ils faisaient simplement leur travail », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Les assurances fournies par Israël aux États-Unis, concernant son respect des lois de la guerre, sonnent creux. Les États-Unis devraient reconnaître cette réalité, et cesser leurs transferts d’armes à Israël. »

Les États-Unis devraient immédiatement suspendre leurs ventes d’armes et leur aide militaire à Israël, compte tenu des preuves que l’armée israélienne utilise illégalement les armes américaines, a déclaré Human Rights Watch. Le ministère libanais des Affaires étrangères devrait également procéder rapidement à une déclaration autorisant la Cour pénale internationale à enquêter sur des crimes relevant de sa compétence et commis sur le territoire libanais depuis octobre 2023, et à engager des poursuites à cet égard.

Dans un post sur Telegram publié le 27 mars, l'armée israélienne a déclaré que « des avions de combat ont frappé un complexe militaire dans la région d'al-Habariyeh, dans le sud du Liban » et qu'« un important terroriste, membre de l’organisation Jamaa Islamiyya [Groupe islamique], qui a lancé des attaques contre le territoire israélien, a été éliminé, tout comme d'autres terroristes qui l'accompagnaient ». Un député du Groupe islamique, un parti politique islamiste libanais dont la branche armée, les Forces Fajr, a été engagée dans des hostilités transfrontalières avec Israël, a toutefois déclaré à Human Rights Watch qu'aucun combattant du groupe n'avait été tué lors de la frappe, et a nié toute affiliation avec le Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours.

Human Rights Watch a mené des entretiens avec six personnes d'Habariyeh : les parents de trois frères tués, le propriétaire du bâtiment, un membre de l'équipe d'urgence et de secours qui avait quitté le centre peu avant l'attaque, un habitant qui se trouvait sur les lieux peu après l'attaque, et un responsable local. Human Rights Watch s'est également entretenu avec le chef du Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours, un député du Groupe islamique, et deux membres de la Direction générale de la défense civile libanaise, dont le chef de l'équipe de défense civile qui a extrait les corps des décombres.

Human Rights Watch a également examiné des photographies de restes d'armes trouvés sur le site ; des photographies et des vidéos du site avant et après l'attaque partagées en ligne par des journalistes, des agences de presse et des secouristes ; et des images partagées directement avec les chercheurs. Le 19 avril, Human Rights Watch a transmis à l'armée israélienne et au Département d'État américain une lettre résumant ses conclusions et comprenant des questions, mais n'a pas reçu de réponse à ce jour.

Des photos des restes d'armes trouvés sur le site de la frappe et partagées avec Human Rights Watch montrent un fragment métallique avec l’inscription « MPR 500 », confirmant qu'il s'agissait d'une bombe polyvalente de 500 livres fabriquée par la société israélienne Elbit Systems, ainsi que des morceaux d’un kit de guidage JDAM, produit par la société américaine Boeing.

Les sept personnes tuées étaient toutes des bénévoles qui avaient commencé à travailler avec le centre peu après l’ouverture de son antenne à Habariyeh fin 2023, ont déclaré leurs familles, leurs collègues et le chef du Corps d’urgence et de secours. Les personnes tuées étaient les frères jumeaux Ahmad et Hussein al-Chaar (âgés de 18 ans), Abdul Rahman al-Chaar, Ahmad Hammoud, Mohammed Farouk Atwi, Abdullah Atwi et Baraa Abou Qaiss ; la victime la plus âgée avait 25 ans.

L'attaque a eu lieu peu après 00h30 le 27 mars, tuant les sept travailleurs du centre, a déclaré Samer Hamdan, chef de l'équipe de protection civile sur le site. Des photographies et des vidéos prises par des habitants et des journalistes montrent les décombres du centre rasé, ainsi qu’une ambulance détruite garée à proximité, avec des bandes rouges identifiables sur la partie arrière et les côtés du véhicule.

En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties à un conflit ont l’obligation de faire la distinction entre les combattants et les civils, et de cibler uniquement les combattants. En cas de doute, une personne doit être considérée comme un civil.

En mars, Human Rights Watch et Oxfam ont conjointement soumis au Département d’État américain un mémorandum soulignant diverses violations israéliennes du droit international humanitaire, et estimant que ses assurances d’utiliser légalement les armes américaines sont peu crédibles.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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OLJ    Ici-Beyrouth

07.05.2024 à 06:00

ONU : Le projet de « Pacte pour l’avenir » devrait être révisé afin d’être axé sur les droits humains

Human Rights Watch

Click to expand Image United Nations Headquarters building in Manhattan, New York City, on December 21, 2021. © 2021 Sergi Reboredo / VWPics via AP Images

(New York) – Les États membres des Nations Unies devraient saisir l’occasion des négociations sur le « Pacte pour l’avenir » pour s’engager à renforcer les droits humains, notamment par la promotion de la justice économique et la protection du droit à un environnement sain, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le Pacte de l’ONU pour l’avenir, actuellement en cours de négociation, doit être adopté lors du Sommet de l’avenir, une réunion spéciale de l’ONU prévue pour septembre 2024. Parmi les sujets en discussion entre les 193 pays membres de l’ONU, figurent des réformes de politique économique et les moyens de réaliser le droit à un environnement propre, sain et durable, ainsi que l’accent qui devrait être mis sur les droits humains d’une manière générale.

« Le Pacte pour l’avenir ne devrait pas connaître le même sort que d’autres documents de l’ONU qui ont été adoptés, puis ignorés », a déclaré Louis Charbonneau, directeur du plaidoyer auprès de l’ONU à Human Rights Watch. « Les gouvernements devraient s’engager à agir pour mettre fin aux inégalités économiques croissantes qui privent des milliards de personnes de leurs droits et à une crise climatique dont l’impact négatif se fait de plus en plus sentir sur la vie et sur les moyens d’existence à travers le globe ». 

De nombreux gouvernements qui reconnaissent l’importance d’un développement durable ignorent souvent le fait que les droits humains sont essentiels pour parvenir à ce but, a déclaré Human Rights Watch. Ils devraient affronter les changements climatiques et gérer de manière responsable les nouvelles technologies. Et quoique la plupart des gouvernements reconnaissent combien il importe de respecter le droit international humanitaire lors des conflits, ils ne parviennent pas à s’accorder sur les moyens de traiter les atrocités qui sont commises contre les civils dans la bande de Gaza, au Soudan et en Ukraine.

Même si le document final n’aura pas un caractère contraignant, ce Pacte offrira une occasion cruciale d’affirmer une vision des droits humains qui pourrait permettre d’atténuer certaines des profondes divisions existant entre les gouvernements sur ces questions et sur bien d’autres. Dans ce processus, les gouvernements devraient renforcer la capacité du système de l’ONU à remplir les engagements contenus dans la Charte de l’Organisation, en protégeant et en promouvant la paix et la sécurité, le développement et les droits humains.

Certains gouvernements ont été déçus par la version initiale du projet de Pacte, considérant qu’elle n’accordait pas assez d’attention aux droits humains, ont indiqué des diplomates à Human Rights Watch.

Un certain nombre de pays cherchent à renforcer les termes relatifs aux droits humains contenus dans le projet de Pacte. Mais la Chine, la Russie, Cuba, l’Iran et d’autres ont cherché au contraire à affaiblir, diluer ou supprimer les références aux droits humains.

Les gouvernements occidentaux sont partiellement critiquables pour avoir laissé de l’espace à ceux qui rejettent une approche axée sur les droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Leur application sélective des droits humains sape la crédibilité d’un tel programme d’action, en particulier pour les pays du Sud. Alors que les États-Unis et les autres pays occidentaux condamnent à juste titre les atrocités commises par la Russie en Ukraine, par exemple, beaucoup d’entre eux n’ont pas fait preuve du même degré de fermeté en ce qui concerne les atrocités commises par Israël à Gaza. Tandis que l’Union européenne s’affirme comme un champion de la protection des droits humains à l’échelle mondiale, elle s’oppose aux efforts en cours à l’ONU pour rendre le système fiscal international plus équitable pour les pays en développement.

Toutes les déclarations des gouvernements en faveur des droits humains auraient une résonance plus forte s’ils les appliquaient uniformément, y compris dans leur propre pays et vis-à-vis de leurs amis et alliés, a affirmé Human Rights Watch.

Plutôt que d’ignorer les vues des pays du Sud sur les réformes à apporter au système financier international, les États du Nord devraient soutenir l’introduction de changements nécessaires à l’architecture de la finance internationale. Ces changements devraient inclure la mise en conformité des politiques et pratiques des institutions financières internationales avec les droits humains, un soutien aux efforts visant à parvenir à une convention fiscale mondiale, la lutte contre les flux financiers illégaux et la réduction du fardeau de la dette des gouvernements.

Le concept d’une « économie des droits humains », défendu par le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, offre la possibilité de répondre aux attentes légitimes des pays du Sud par une approche plus globale des droits humains.  

Les gouvernements devraient également faire en sorte que le futur Pacte réaffirme le caractère central des droits humains dans l’approche de la crise climatique. Ils devraient approuver explicitement le droit à un environnement propre, sain et durable, reconnu par l’Assemblée générale de l’ONU en 2022, tout en soulignant la nécessité urgente d’éliminer progressivement les combustibles fossiles, dans une transition équitable qui soit compatible avec les droits humains. Les combustibles fossiles sont le principal moteur de la crise climatique et toutes les étapes de leur utilisation ont été liées à de graves dommages en matière de droits humains.

Le Pacte devrait également souligner l’importance de la société civile et des droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique. La prochaine Conférence de l’ONU sur la société civile qui doit se tenir à Nairobi, au Kenya, les 9 et 10 mai, est une occasion pour les responsables et les délégations de l’ONU qui supervisent le processus d’élaboration du Pacte d’entendre les points de vue de centaines de représentants des sociétés civiles du monde entier. Les rédacteurs devraient les écouter attentivement pour comprendre quelles sont les priorités des sociétés civiles pour le Pacte pour l’avenir et pour ses deux annexes, le Pacte numérique mondial sur les « principes partagés pour un avenir numérique ouvert, libre et sécurisé pour tous » et la Déclaration sur les générations futures. À ce jour, lors du processus de rédaction du Pacte, la sollicitation de commentaires des organisations de la société civile a été aléatoire.

« Au lieu de rester les bras croisés lorsque des gouvernements piétinent les droits humains, ou de condamner de manière sélective les abus commis par leurs adversaires tout en fermant les yeux sur ceux de leurs amis, les pays membres de l’ONU devraient s’engager à mettre fin à la répression où qu’elle s’exerce et à améliorer la vie de tous », a affirmé Louis Charbonneau.

06.05.2024 à 15:09

Un large soutien international en faveur d’un traité sur les « robots tueurs »

Human Rights Watch

Click to expand Image Austrian Foreign Minister Alexander Schallenberg welcomes participants to the international “Humanity at the Crossroads” conference on autonomous weapons systems, in Vienna on April 29-30, 2024 © 2024 Michael Gruber/ BMEIA

(Washington, le 2 mai 2024) – Les gouvernements préoccupés par les systèmes d’armes autonomes – appelés robots tueurs – devraient agir de toute urgence pour entamer des négociations sur un nouveau traité international visant en interdire certains usages et les réglementer, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. De telles armes sélectionneraient des cibles et feraient usage de la force à partir de capteurs plutôt que d’interventions humaines.

« Nous nous approchons d’un seuil critique pour agir s’agissant des préoccupations relatives aux systèmes d’armes autonomes, et le soutien aux négociations atteint des niveaux sans précédent », a déclaré Steve Goose, directeur de la division Armes de Human Rights Watch. « L’adoption d’un traité international solide pour encadrer de tels systèmes est plus nécessaire et urgente que jamais. »

Les 29 et 30 avril 2024, plus d’un millier de représentants de 144 pays et organisations internationales, mais aussi de l’industrie, des milieux académiques et de la société civile, dont Human Rights Watch, ont participé à Vienne à une conférence internationale de haut niveau sur les dangers posés par les systèmes d’armes autonomes. Un message du pape François a été prononcé à cette occasion, et les ministres des Affaires étrangères de l’Autriche, de l’Albanie, du Bangladesh, du Costa Rica et de la Sierra Leone, la Haute Représentante pour le désarmement de l’ONU et le président du Comité international de la Croix-Rouge ont pris la parole. Presque tous les intervenants ont souligné la gravité de cette question et la nécessité d’agir sans délais.

L’Autriche, qui accueillait la conférence, a rendu public un résumé de la réunion, qui « affirme notre ferme engagement à travailler de toute urgence et avec toutes les parties prenantes intéressées pour élaborer un instrument juridique international visant à réglementer les systèmes d’armes autonomes ».

La conférence de Vienne fait suite à une série de réunions régionales sur les problèmes liés aux armes autonomes qui se sont tenues au cours des 14 derniers mois au Costa Rica, au Luxembourg, à Trinité-et-Tobago, aux Philippines et en Sierra Leone. La plupart ont publié des communiqués régionaux appelant à la négociation urgente d’un instrument juridiquement contraignant prévoyant des interdictions et des restrictions applicables aux systèmes d’armes autonomes.

Le 22 décembre 2023, 152 pays ont voté en faveur de la première résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les systèmes d’armes autonomes, quatre s’étant prononcés contre et 11 abstenus. La résolution 78/241 demande au Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de solliciter les vues des États et des autres parties prenantes sur ces systèmes, « notamment sur les moyens d’agir face aux enjeux et aux inquiétudes qu’ils soulèvent sur les plans humanitaire, juridique, sécuritaire, technologique et éthique » et de lui présenter, au cours du second semestre 2024, un rapport de fond rendant compte de l’ensemble des vues exprimées.

« Tous les pays ont un rôle à jouer pour empêcher ces machines de causer la perte de vies humaines dans les conflits armés et dans le cadre du maintien de l’ordre », a souligné Steve Goose. « Les gouvernements devraient présenter leurs points de vue à l’ONU sur les préoccupations et les défis relatifs à ces systèmes d’armes autonomes, et exprimer leur soutien à la négociation d’un nouveau traité international. »

Certains de ces systèmes existent depuis des années, mais les types, la durée de fonctionnement, la portée géographique et l’environnement dans lesquels ils sont utilisés sont limités. Cependant, les progrès technologiques stimulent le développement de systèmes qui fonctionnent sans contrôle humain significatif, déléguant les décisions de vie ou de mort aux machines, qui détermineraient en lieu et place d’un opérateur humain, où, quand ou contre quelle force elles opéreraient.

Pour la première fois, le point relatif aux « systèmes d’armes létaux autonomes » a été ajouté à l’ordre du jour provisoire de la session annuelle de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui débutera en septembre. L’Assemblée offre aux pays un forum inclusif et accessible pour aborder cette question. Relever le défi des robots tueurs sous ses auspices permettrait de mieux prendre en compte des préoccupations largement négligées jusqu’à présent, notamment les dimensions éthiques du problème, le droit international relatif aux droits humains, la prolifération et les impacts sur la sécurité mondiale et la stabilité régionale et internationale, y compris le risque d’une course aux armements et l’abaissement du seuil de déclenchement d’un conflit, selon Human Rights Watch.

La plupart des soutiens au traité ont appelé à l’interdiction des systèmes d’armes autonomes qui, par nature, fonctionnent sans contrôle humain significatif ou ciblent des personnes, ainsi qu’à des réglementations garantissant qu’aucun système ne puisse être utilisé sans contrôle humain significatif.

Des discussions ont lieu à la Convention sur les armes classiques (CCAC) à Genève depuis mai 2014, mais n’ont abouti à aucun résultat substantiel. La principale raison de l’absence de progrès tient au fait que les États qui sont parties à la Convention s’appuient sur une prise de décision par consensus, un seul pays pouvant interdire l’adoption d’une proposition. Une poignée de grandes puissances militaires ont exploité cette situation pour bloquer à plusieurs reprises les propositions visant à négocier un accord juridiquement contraignant.

« Les systèmes d’armes autonomes constituent un problème grave qui peut affecter n’importe quel pays au monde, c’est pourquoi des règles mondiales claires et vigoureuses sont essentielles », a conclu Steve Goose. « Les mesures volontaires telles que les codes de conduite et les déclarations politiques ne font qu’ouvrir la voie à un avenir de meurtres automatisés. »

Human Rights Watch est cofondateur de Stop Killer Robots, la coalition de plus de 250 organisations non gouvernementales réparties dans 70 pays qui œuvre en faveur d’une nouvelle législation internationale sur les systèmes létaux d’armes autonomes.

03.05.2024 à 20:31

Asie : Prix « Human Rights Press Awards »

Human Rights Watch

Click to expand Image The staff of the newspaper Etilaat Roz, keep on working even after the Taliban took control of the country, in Kabul, Afghanistan, September 19, 2021. © 2021 Marcus Yam/Getty Images Play Video

(Taipei, 3 mai 2024) – Les lauréats des prix « Human Rights Press Awards », qui récompensent les meilleurs reportages en Asie, ont été annoncés aujourd’hui, à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Ces prix, répartis en sept catégories, sont conjointement administrés par Human Rights Watch, par l’École de journalisme et de Communication de masse Walter Cronkite de l’Université d’État de l’Arizona, et par les Clubs des correspondants étrangers de Thaïlande et de Taiwan.

Parmi les lauréats figurent des reportages sur les thèmes suivants : le nombre croissant de suicides parmi les femmes afghanes vivant sous le régime abusif des talibans ; la persécution des minorités religieuses au Myanmar ; et la répression menée par le gouvernement chinois contre les manifestants du mouvement « Livre blanc » qui étaient opposés aux confinements liés au Covid-19.

« Les prix “Human Rights Press Awards” récompensent les journalistes dont les reportages portent sur les questions de droits les plus urgentes en Asie », a déclaré Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch. 

Communiqué complet en anglais :

https://www.hrw.org/news/2024/05/03/asia-2024-human-rights-press-awards


Site des « Human Rights Press Awards » comprenant la liste complète des lauréats :

https://humanrightspressawards.org/2024-winners

 

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03.05.2024 à 20:30

La CPS a émis un mandat d’arrêt contre l’ex-président centrafricain François Bozizé

Human Rights Watch

Click to expand Image François Bozizé, ancien président de la République centrafricaine, lors du premier anniversaire de l'Accord pour la Paix en République centrafricaine au Palais de la Renaissance à Bangui, en République centrafricaine, le 6 février 2020. © 2020 Photo par Gaël Grilhot / AFP via Getty Images

Plus tôt dans la semaine, la Cour pénale spéciale (CPS) de la République centrafricaine a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de l’ancien président François Bozizé. Il est accusé de responsabilité pour des crimes contre l’humanité prétendument commis entre février 2009 et le 23 mars 2013 par la Garde présidentielle et par d’autres services de sécurité au centre de formation militaire de Bossembelé, parfois surnommé « Guantanamo », situé au nord de la capitale, Bangui.

En avril 2013, je me suis entretenu avec 10 anciens détenus de « Guantanamo » qui ont décrit des conditions de détention déplorables, dont une quasi-famine, de constants passages à tabac, des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires. Un peu plus tard, on m’a fait visiter deux cellules situées de chaque côté de la villa privée de Bozizé : des puits de béton creusés dans le sol, avec juste assez d’espace pour qu’une personne s’y tienne debout. Les plaques en ciment qui les recouvraient comportaient des trous d’aération pour permettre à une personne de respirer, mais aucun espace n’était prévu pour qu’elle puisse bouger. Selon des témoignages fiables d’anciens prisonniers, des individus ont été placés dans ces cellules et y ont été maintenus jusqu’à leur mort.

La CPS est un tribunal novateur au sein du système judiciaire centrafricain, chargé d’enquêter et de juger les crimes internationaux graves commis dans le pays depuis 2003. Cette Cour est dotée de juges et de procureurs nationaux et internationaux.

Bozizé avait fui Bangui une première fois en mars 2013 quand la Séléka, une coalition rebelle à dominante musulmane, avait pris le contrôle de la République centrafricaine dans un contexte d’abus généralisés – la plupart commis par la Garde présidentielle de Bozizé qui avait tué des centaines de civils et détruit des milliers d’habitations lors de troubles sociaux qui avaient éclaté au milieu des années 2000. L’impunité pour des crimes présumés remonte encore plus loin dans le passé. Les exactions de la Séléka ont provoqué en réaction l’apparition de milices locales, appelées anti-balaka, qui prenaient pour cible des civils musulmans et ont causé le déplacement de centaines de milliers de personnes.

Bozizé est revenu dans le pays en 2019, alors que la République centrafricaine était toujours en proie au conflit, et est par la suite apparu comme l’un des principaux dirigeants d’une coalition rebelle qui a attaqué Bangui fin 2020, avant de repartir en exil, en Guinée-Bissau.

Umaro Sissoco Embaló, le président de la Guinée-Bissau, a déclaré à des médias locaux qu’il était surpris par l’émission du mandat d’arrêt et que Bozizé n’avait rien fait en Guinée-Bissau qui soit de nature à remettre en cause son statut d’exilé. Bozizé est un exemple flagrant de l’impunité en République centrafricaine depuis plus d’une décennie. La Guinée-Bissau a maintenant l’occasion de jouer un rôle positif en facilitant sa comparution en justice.

03.05.2024 à 10:53

France : Macron devrait faire preuve de fermeté au sujet des droits en Chine

Human Rights Watch

Click to expand Image French President Emmanuel Macron and China's President Xi Jinping during the official welcoming ceremony in Beijing on April 6, 2023. © 2023 Sipa via AP Images

(Paris) – Le président français Emmanuel Macron devrait énoncer les conséquences auxquelles le gouvernement chinois devra faire face pour les crimes contre l’humanité et l’aggravation de la répression dont il est responsable lors de la visite du président chinois Xi Jinping à Paris, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La visite de Xi Jinping, les 6 et 7 mai 2024, marquera les 60 ans de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la République populaire de Chine, et les discussions devraient principalement porter sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le conflit au Moyen-Orient et des questions commerciales.

« Le président Macron devrait faire comprendre à Xi Jinping que les crimes contre l’humanité commis par Pékin ont des conséquences sur les relations entre la Chine et la France », a déclaré Maya Wang, Directrice par intérim pour la Chine à Human Rights Watch. « Le silence et l’inaction de la France en matière de droits humains ne feraient qu’enhardir le sentiment d’impunité du gouvernement chinois pour ses abus, en alimentant encore la répression dans le pays et à l’étranger. »

Le respect des droits humains s’est gravement détérioré sous le régime de Xi Jinping. Son gouvernement a commis des crimes contre l’humanité – notamment des détentions de masse,  le recours au travail forcé et la persécution culturelle – à l’encontre des Ouïghours et d’autres musulmans turciques au Xinjiang. Il a adopté une législation draconienne qui a supprimé les libertés à Hong Kong, et a intensifié la répression contre les détracteurs du gouvernement dans tout le pays.

En mars 2021, les gouvernements de l’Union européenne ont décidé d’adopter à l’unanimité  des sanctions ciblées contre une poignée de responsables et d’entités chinoises considérés comme responsables de la répression au Xinjiang. La Chine a immédiatement riposté par des contre-sanctions, ce qui a contribué au refroidissement des relations bilatérales et à la suspension d’un accord commercial bilatéral.

Le président Macron s’est rendu à Pékin en 2019 et en 2023, mais s’est abstenu de s’exprimer publiquement sur la détérioration de la situation des droits humains dans le pays. Il devrait changer de cap et évoquer publiquement les préoccupations en matière de droits humains lors de la visite de Xi Jinping, a déclaré Human Rights Watch.

Plus précisément, Macron devrait exhorter le président chinois à mettre fin aux crimes contre l’humanité au Xinjiang et à libérer les centaines de milliers d’Ouïghours qui sont toujours arbitrairement détenus ou emprisonnés, y compris Rahile Dawut, un universitaire ouïghour, et Ilham Tohti, économiste et lauréat du prix Sakharov. Macron devrait faire pression sur Xi Jinping pour qu’il mette fin à l’oppression à laquelle se livre le gouvernement chinois au Tibet.

Macron devrait aussi demander à Xi jinping de révoquer les deux lois draconiennes sur la sécurité nationale imposées par Pékin à Hong Kong. S’appliquant également aux actions menées hors de Chine, ces deux lois affectent non seulement les habitants de Hong Kong, mais aussi les entreprises enregistrées en France qui critiquent le gouvernement chinois. Macron devrait faire pression pour que soient libérés les leaders pro-démocratiques hongkongais emprisonnés, parmi lesquels Joshua Wong, Chow Hang-tung et Jimmy Lai.

Enfin, le président français devrait faire pression sur le gouvernement chinois pour qu’il mette fin à sa répression incessante des militants pacifiques dans toute la Chine, en libérant notamment l’avocat des droits humains Yu Wensheng et sa femme, Xu Yan, arrêtés en avril 2023 alors qu’ils allaient rencontrer une délégation de l’UE à Pékin.

Cependant, s’exprimer sur les droits humains, comme l’UE l’a fait à plusieurs reprises dans ses déclarations, n’aboutira à des résultats positifs que si ces déclarations s’accompagnent de conséquences concrètes, a déclaré Human Rights Watch. Macron devrait clairement indiquer à Xi Jinping que la France demandera des comptes pour les crimes choquants commis par Pékin, notamment en poussant pour qu’une enquête soutenue par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU soit menée au Xinjiang.

Le président Macron devrait en outre être clair sur le fait que la poursuite de la répression par Pékin constituera une entrave au commerce et aux affaires entre les deux pays et plus généralement avec l’UE, en particulier quand les législations de l’UE sur le devoir de diligence et le travail forcé entreront en vigueur.

Cette approche des droits humains est conforme à la vision d’ « autonomie stratégique » de Macron pour l’Europe – idée selon laquelle le continent devrait être fort, ne pas être un « vassal » stratégique des États-Unis et ne pas dépendre trop fortement de la Chine pour la production de biens. Le président français a également décrit un « modèle humaniste » qui repose sur des valeurs telles que la démocratie et les droits humains.

« Macron devrait démontrer l’engagement du gouvernement français à répondre aux attaques de Xi Jinping contre les droits à l’intérieur et à l’extérieur de la Chine », a déclaré Maya Wang. « Cela exige de faire preuve de leadership, de détermination et de clarté en matière de droits humains. Le président français devrait se montrer à la hauteur de la tâche, et ne pas céder à une politique de statu-quo. 

02.05.2024 à 21:56

Kenya : Les inondations menacent les populations marginalisées

Human Rights Watch

Click to expand Image A family uses a boat after fleeing floodwaters that wreaked havoc in the Githurai area of Nairobi, Kenya, April 24, 2024. © 2024 AP Photo/Patrick Ngugi, File

(Nairobi, 2 mai 2024) – Les autorités kenyanes n’ont pas réagi de manière adéquate aux crues soudaines résultant de fortes pluies, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les inondations ont fait plus de 170 morts et causé le déplacement de plus de 200 000 personnes ; elles ont détruit des biens, des infrastructures et des moyens de subsistance à travers le pays, et exacerbé les vulnérabilités socioéconomiques.

Le gouvernement du Kenya a l’obligation, en matière de droits humains, de prévenir les dommages prévisibles dus au changement climatique et aux événements météorologiques extrêmes, et de protéger la population en cas de catastrophe. Les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations menacent en particulier les populations marginalisées et à risque, notamment les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes vivant dans la pauvreté et les populations rurales.

« La dévastation en cours met en évidence l’obligation du gouvernement de se préparer et de répondre rapidement aux impacts prévisibles du changement climatique et des catastrophes naturelles », a déclaré Nyagoah Tut Pur, chercheuse auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités kenyanes devraient de toute urgence assurer un soutien aux communautés touchées, et protéger les populations exposées à un risque particulièrement élevé. »

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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02.05.2024 à 06:00

Ukraine : Les forces russes ont exécuté des soldats ukrainiens qui se rendaient

Human Rights Watch

Click to expand Image A Ukrainian soldier stands in front of the graves of Ukrainian soldiers killed in the war at a cemetery in Kharkiv.  © 2024 David Young/picture-alliance/dpa/AP Images

(Kiev, 2 mai 2024) – Depuis début décembre 2023, les forces russes ont apparemment exécuté au moins 15 soldats ukrainiens qui tentaient de se rendre, et peut-être six autres qui se rendaient ou s’étaient déjà rendus, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces incidents devraient faire l’objet d’enquêtes en tant que crimes de guerre présumés.

« Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, les forces russes ont commis de nombreux crimes de guerre odieux », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Les exécutions sommaires – c’est-à-dire meurtres – de soldats ukrainiens, abattus de sang-froid alors qu’il se rendaient ou étaient blessés, en violation du droit humanitaire international, font aussi partie de cette liste honteuse. »

Human Rights Watch a enquêté sur trois incidents qui semblent montrer les exécutions sommaires d'au moins 12 soldats ukrainiens, en vérifiant et en analysant des vidéos filmées par des drones et publiées sur des réseaux sociaux le 2 décembre 2023, le 27 décembre 2023 et le 25 février 2024. Dans chaque cas, les soldats ukrainiens montraient clairement leur l'intention de se rendre ; puisqu'ils ne participaient plus aux hostilités, ils étaient devenus « hors de combat » en vertu du droit international humanitaire qui codifie les lois de la guerre, et donc ne pouvaient plus être ciblés.

Human Rights Watch a pu vérifier l'emplacement de deux de ces trois incidents grâce à l’analyse des vidéos, mais n’a pas pu déterminer l'emplacement exact du troisième incident, en raison du manque de détails géographiques dans cette vidéo. Human Rights Watch n’a pas pu non plus vérifier l’identité des utilisateurs des drones ayant filmé ces trois incidents.

Human Rights Watch a enquêté sur un quatrième incident en analysant une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 19 février, montrant deux soldats russes qui exécutaient trois soldats ukrainiens non armés alors qu’ils se rendaient. Le compte qui a publié cette vidéo a indiqué le lieu de l'incident, mais Human Rights Watch n'a pas été en mesure de confirmer cette information de manière indépendante.

Enfin, Human Rights Watch a enquêté sur un cinquième incident en analysant une vidéo publiée sur la chaîne Telegram le 18 février, en menant un entretien avec un soldat ukrainien, et en examinant la couverture médiatique de cet incident qui comprenait des entretiens avec des proches de l’une des victimes. Les informations recueillies suggèrent que six soldats ukrainiens ont été exécutés lors de cet incident, même si les circonstances manquent de clarté.

Dans l’un des cinq incidents, une vidéo filmée par un drone a été mise en ligne le 25 février, y compris sur X (anciennement Twitter) et vérifiée par Human Rights Watch. On y voit au moins sept soldats ukrainiens qui sortent d'une tranchée parmi des arbres situés entre deux champs, en retirant leurs gilets pare-balles ; au moins un soldat retire son casque. Tous s’allongent par terre, le ventre au sol, tandis que cinq soldats russes – identifiables par les bandes rouges sur leurs bras et jambes – pointent leurs armes sur eux. Puis trois soldats russes tirent sur les soldats ukrainiens qui s’étaient pourtant clairement rendus, par derrière et des deux côtés.

Click to expand Image A still frame extracted from drone footage filmed near Ivanivske village in the Donetska region of Ukraine moments before Russian soldiers shoot at seven surrendering Ukrainian soldiers at close range. © GloOouD, X (formerly known as Twitter), 2024.

Six soldats ukrainiens allongés par terre réagissent visiblement à l'impact des tirs ; un autre soldat tente de se relever et de retourner vers la tranchée, mais est abattu avant d'y parvenir. Cet incident s'est produit près du village d'Ivanivske, dans la région de Donetsk. L'emplacement a d'abord été vérifié par EjShahid, membre bénévole de GeoConfirmed (plateforme de géolocalisation), puis a été confirmé par les chercheurs de Human Rights Watch.

Ces exécutions apparentes ne semblent pas être des cas isolés. Human Rights Watch a également vérifié une vidéo filmée par un drone russe et publiée le 5 février 2024, montrant un autre champ de bataille. Human Rights Watch n'a pas pu déterminer si les soldats ukrainiens s’étaient rendus dans ce cas-ci ; mais une voix masculine entendue dans la vidéo (derrière l’écran), qui semble crédible, donne apparemment des ordres aux soldats russes sur ce champ de bataille dans la région de Donetsk. Cette voix dit en russe : « Ne faites aucun prisonnier, tirez sur tout le monde. » L’analyse audiovisuelle des images étaye la conclusion selon laquelle ce drone est russe.

Click to expand Image Image d’une vidéo filmée par un drone russe en Ukraine et diffusée sur Telegram le 5 février 2024. Un soldat russe (carré rouge) s’approche d’un soldat ukrainien (carré jaune). On entend une voix (derrière l’écran) parlant russe et donnant cet ordre : « Ne faites aucun prisonnier, tirez sur tout le monde. » Quelques instants plus tard, la vidéo montre des soldats russes tuant deux soldats ukrainiens.   © 2024 Compte Telegram @atodoneck

En mars 2023, le premier rapport de la Mission de surveillance des droits de l'homme des Nations Unies en Ukraine (HRMMU), couvrant la première année ayant suivi l'invasion russe, a documenté les exécutions de 15 prisonniers de guerre ukrainiens par les forces armées russes et le groupe Wagner durant cette période. En octobre 2023, le 2ème rapport de l’ONU sur l’Ukraine (couvrant les six mois du 1er février 2023 au 31 juillet 2023) a documenté les exécutions  sommaires de six autres prisonniers de guerre ukrainiens durant cette période. En mars 2024, le 4ème rapport périodique de l’ONU sur l’Ukraine (couvrant les trois mois de décembre 2023 à fin février 2024) a fait état d’« allégations crédibles » au sujet de 12 incidents concernant au total les exécutions d'au moins 32 prisonniers de guerre capturés ou d’autres personnes hors de combat. L’ONU a pu vérifier de manière indépendante trois de ces incidents, lors desquels sept soldats ukrainiens ont été exécutés.

Le 9 avril, le Bureau du Procureur général d’Ukraine a annoncé qu’il menait 27 enquêtes criminelles sur l’exécution de 54 prisonniers de guerre ukrainiens. Ce Bureau a déclaré à Human Rights Watch qu'il n'était pas en mesure de partager actuellement davantage d'informations sur ces affaires, mais a indiqué que trois « avis de suspicion » avaient été émis contre des soldats russes suspectés d’avoir commis des exécutions extrajudiciaires, et que l’un de ces avis avait abouti à une décision de justice par contumace ; le Bureau a récemment annoncé l’émission d’un quatrième « avis de suspicion ».

Par ailleurs, la Mission de surveillance des droits de l'homme des Nations Unies en Ukraine a documenté des cas dans lesquels les forces armées ukrainiennes ont maltraité des prisonniers de guerre russes peu après l'invasion russe, et par la suite.

Le 22 avril, Human Rights Watch a transmis au ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou une lettre sollicitant des informations plus détaillées sur les incidents évoqués ci-dessus, ainsi que sur tout ordre donné aux forces russes de tuer des soldats ukrainiens qui se rendent, au lieu de les faire prisonniers. À ce jour, Human Rights Watch n'a reçu aucune réponse.

Le droit international humanitaire, ou le droit de la guerre, exige que les parties à un conflit armé international traitent les soldats devenus « hors de combat » et les prisonniers de guerre avec humanité en toutes circonstances. Le fait de tuer, maltraiter ou torturer volontairement ces forces est un crime de guerre. L’ordre de tuer des prisonniers de guerre ou d’exécuter des soldats qui se rendent plutôt que de les capturer – soit un ordre « de ne pas faire de quartier » – est strictement interdit par le droit international humanitaire. De tels ordres violent non seulement le droit international humanitaire, que la Russie est obligée de respecter, mais aussi le code militaire russe ; le fait de donner un tel ordre ou de l’exécuter constitue un crime de guerre.

Au-delà de ses obligations en vertu du droit international humanitaire, la Russie est aussi un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui interdit strictement les exécutions extrajudiciaires.

En vertu du droit international humanitaire, la Russie a en outre l’obligation d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par ses forces, ou par d’autres individus sur les territoires qu’elle contrôle, et d’engager des poursuites appropriées. Cependant, même avant les violations du droit international humanitaire commises par la Russie en Ukraine, Human Right Watch a documenté depuis plus de trois décennies des violations russes commises en Tchétchénie, en Géorgie et en Syrie ; il est clair que la Russie est peu disposée à poursuivre les auteurs de crimes de guerre, ou d’autres violations du droit international commises par ses forces.

« Chacun de ces incidents est en soi horrible, mais les preuves les plus accablantes sont peut-être celles indiquant dans au moins un cas que les forces russes ont explicitement donné l’ordre de tuer des soldats ukrainiens au lieu de les laisser se rendre, approuvant ainsi un crime de guerre », a conclu Belkis Wille.

Suite en anglais, comprenant des informations plus détaillées sur ces incidents.

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Médias

Le Monde   FranceInfo   TV5Monde   TFI Info   

Ouest-France   Valeurs Actuelles   La Croix   Le Point

LaLibre.be (1)   LaLibre.be (2)     LeSoir.be

29.04.2024 à 21:48

EAU : Procès inique de défenseurs des droits

Human Rights Watch

Click to expand Image In this Aug. 25, 2016 file photo, human rights activist Ahmed Mansoor speaks to Associated Press journalists in Ajman, United Arab Emirates. © 2016 AP Photo/Jon Gambrell

(Beyrouth, 29 avril 2024) – Un procès collectif inéquitable tenu actuellement aux Émirats arabes unis (EAU) soulève de graves préoccupations en matière de procédure régulière, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. De nombreux accusés ont été détenus en isolement cellulaire prolongé, pratique susceptible de constituer un acte de torture.

En décembre 2023, alors même que les EAU accueillaient la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP28), les autorités émiraties ont porté des accusations contre au moins 84 personnes, en guise de représailles pour leur participation à la création d'une organisation indépendante de plaidoyer en 2010. Parmi les accusés figurent d'éminents militants et dissidents qui purgent déjà de longues peines de prison en raison de précédentes accusations abusives, notamment l’éminent défenseur des droits humains Ahmed Mansoor, l’universitaire Nasser bin Ghaith, l’homme d’affaires Khalaf al Romaithi, et plusieurs personnes condamnées à la suite d’un précédent procès collectif inéquitable tenu en 2013 (procès « UAE94 ») ; beaucoup d’entre eux ont été détenus arbitrairement même après avoir purgé leur peine.

« Ce procès de masse inéquitable est une farce, et les allégations de torture et de violations flagrantes des normes de procès équitables mettent en évidence l’absence d’état de droit et de justice aux Émirats arabes unis », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur les Émirats arabes unis à Human Rights Watch. « Les autres pays, entreprises et célébrités mondiales ayant conclu des partenariats avec les Émirats arabes unis devraient appeler d’urgence à la fin de ces abus, et à la libération immédiate des militants des droits humains comme Ahmed Mansoor. »

Parmi les préoccupations en matière de procédure régulière pour ce procès collectif figurent l’accès restreint aux pièces du dossier, aux informations sur les affaires et à l’assistance juridique ; la manière dont les juges tentent d’influencer des témoignages ; les violations du principe de la double incrimination ; des allégations crédibles de graves abus et de mauvais traitements ; et le maintien de secrets concernant les audiences.

Dans un communiqué publié le 6 janvier, les autorités émiraties ont annoncé avoir inculpé les 84 accusés de « création et gestion d’une organisation terroriste clandestine », le Comité Justice et Dignité. Les accusations semblent provenir de la loi antiterroriste abusive de 2014 des Émirats arabes unis, qui prévoit des peines allant jusqu'à la prison à vie, voire la mort, pour quiconque crée, organise ou dirige une « organisation terroriste clandestine ».

Entre fin mars et fin avril 2024, Human Rights Watch a mené à distance des entretiens avec des sources bien informées et des représentants du Centre de plaidoyer en faveur des détenus émiratis (Emirates Detainees Advocacy Centre, EDAC).

Les recherches de Human Rights Watch indiquent que de nombreux accusés ont été maintenus en isolement cellulaire pendant au moins 10 mois. Les communications téléphoniques et les visites familiales ont été interdites durant des périodes comprises entre 10 mois et un an, à l'exception de brefs appels téléphoniques en décembre 2023, lors desquels les accusés ont pu appeler leurs proches pour les informer des nouvelles inculpations, et leur demander d'engager des avocats.

Au cours du procès, les accusés ont décrit à plusieurs reprises des conditions de détention abusives, notamment des agressions physiques, le manque d'accès aux soins médicaux, l’exposition à une musique incessante à volume élevé, et des cas de nudité forcée.

Ce procès de masse inéquitable est mené de manière partiellement secrète, les autorités émiraties ayant empêché les avocats des accusés d’accéder librement aux dossiers et aux documents judiciaires. Selon des proches des accusés, les avocats n'ont apparemment pas pu obtenir des copies physiques ou électroniques des documents judiciaires ; ils ne peuvent visualiser les documents que sur un écran dans une pièce sécurisée, sous la supervision d'agents de sécurité. Des sources bien informées ont indiqué que les avocats ne sont pas autorisés à prendre des photos des documents, et doivent écrire leurs notes manuellement.

Les autorités émiraties ont également empêché les proches des accusés d'assister librement au procès. Lors de certaines audiences, les autorités n'ont pas autorisé les proches à entrer dans la salle d'audience ; ils ont été redirigés vers une autre salle où le déroulement de l’audience était visible sur un écran, mais sans son, donc sans possibilité d’écouter les débats.

Au moins 60 accusés ont déjà été condamnés en 2013 pour leur implication au sein du Comité Justice et Dignité, selon l'EDAC. Cela suscite des inquiétudes quant au fait que les autorités émiraties violent le principe de la double incrimination, qui interdit de juger une personne deux fois pour le même délit après que le verdict ait été prononcé.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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