30.09.2025 à 07:00
De la commission d'enquête sénatoriale sur les aides publiques aux entreprises qui a rendu son rapport cet été, on a beaucoup retenu le chiffrage de 211 milliards d'euros par an. Mais elle a aussi abouti sur des propositions plutôt ambitieuses, approuvées à l'unanimité par les sénateurs, et commencé à faire bouger quelques lignes sur un sujet traditionnellement verrouillé aussi bien par l'exécutif que par le patronat. Comment faire en sorte maintenant que la fenêtre ainsi ouverte ne se (…)
- Entretiens / France, aides publiques, fiscalité, transparence, captureDe la commission d'enquête sénatoriale sur les aides publiques aux entreprises qui a rendu son rapport cet été, on a beaucoup retenu le chiffrage de 211 milliards d'euros par an. Mais elle a aussi abouti sur des propositions plutôt ambitieuses, approuvées à l'unanimité par les sénateurs, et commencé à faire bouger quelques lignes sur un sujet traditionnellement verrouillé aussi bien par l'exécutif que par le patronat. Comment faire en sorte maintenant que la fenêtre ainsi ouverte ne se referme pas ? Entretien avec Fabien Gay, rapporteur de cette commission et par ailleurs directeur de L'Humanité.
Quel a été le point de départ de cette commission d'enquête ?
Au Parlement, chaque groupe politique a un droit de tirage annuel pour initier une mission d'information sur un thème. Au sein du groupe communiste, nous essayons toujours d'être utile au mouvement social et de contribuer au débat d'idées. Il y a eu la commission d'enquête d'Eliane Assassi sur les cabinets de conseil, celle de Laurence Cohen sur les pénuries de médicaments... Après huit ans au Parlement, je voulais en lancer une à mon tour. Nous étions en novembre 2024, Michelin et Auchan venaient d'annoncer leurs plans de licenciements. Le scandale a rapidement éclaté : comment de grandes entreprises peuvent verser des dividendes, pratiquer le rachat d'actions, et licencier, tout en touchant des aides publiques ?
Il y avait donc un sujet, mais comment l'aborder ? Je connais bien le grand patronat. En huit ans, la commission des Affaires économiques du Sénat, dans laquelle je siège, a auditionné environ 150 patrons. Je savais que si on partait de la question des licenciements, ils allaient nous parler de la compétition internationale et du marché, et que cela ne donnerait pas grand chose en termes de propositions – sinon interdire les licenciements boursiers, une idée que nous portons depuis longtemps, mais que la droite n'acceptera jamais. La question des aides publiques et de leur utilisation, en revanche, n'a été que très peu étudiée par le Parlement. Le groupe communiste s'était penché il y a quelques années sur le crédit impôt recherche (CIR), mais la droite avait refusé d'adopter le rapport, qui n'avait donc pas été publié (lire Crédit impôt recherche : le Sénat organise l'omertà sur une niche fiscale controversée). Mes camarades étaient d'ailleurs un peu inquiets que cela se reproduise cette fois-ci. Mais, premièrement, le climat social et politique n'est plus celui d'il y a dix ans : les pratiques de certaines entreprises scandalisent bien au-delà de nos rangs. Et deuxièmement, aujourd'hui les auditions sont filmées et publiques. Avec la puissance des réseaux sociaux, il est bien plus compliqué d'enterrer un rapport.
Avec la puissance des réseaux sociaux, il est bien plus compliqué d'enterrer un rapport.
Nous nous sommes donc lancés, mais je voyais la droite inquiète. Je leur ai donc proposé de prendre les choses dans l'ordre, de trouver une définition là où il n'y en avait pas, de chiffrer le montant global des aides, pour ensuite parvenir à des pistes de solutions. Je ne savais pas du tout où nous allions atterrir.
La presse a beaucoup retenu ce chiffrage de 211 milliards d'euros d'aides publiques par an. Pourquoi était-ce important de commencer par se mettre d'accord sur un tel chiffre ?
Parce qu'il n'y avait pas de consensus sur ce sujet. L'Insee nous a parlé d'un montant plancher de 60 milliards d'euros. Le président de la République a sorti le chiffre de 98 milliards d'euros à la télévision pendant une interview. Le ministre de l'Économie et des Finances a évoqué 150 milliards. De notre côté, nous nous sommes appuyés sur les deux rapports les plus solides, celui des économistes du Clersé et celui de France Stratégie de 2020, qui incluent les subventions directes, les aides fiscales déclassées et les exonérations de cotisations patronales. Les chiffres sont très similaires. Le Clersé avait dit 205, France Stratégie 223, et nous sommes arrivés à 211 milliards d'euros.
Il aura fallu un nombre incalculable de courriers et de relances, des données parfois transmises via une clé USB, et le travail de deux data scientists du Sénat pour aboutir à ce chiffre de 211 milliards.
On est face à une véritable jungle de dispositifs et l'État ne tient pas de tableau de bord. Il ne sait pas quel montant va à telle ou telle entreprise, quels volumes bénéficient au public et au privé, quelle est la répartition entre petites, moyennes et grandes entreprises. Le gros du travail que nous avons effectué, qui n'était pas visible, a été de collecter toutes les données dans chaque ministère. Il aura fallu un nombre incalculable de courriers et de relances, des données parfois transmises via une clé USB, et le travail de deux data scientists du Sénat pour aboutir à ce chiffre de 211 milliards. Nous avons exclu les estimations des collectivités territoriales et de l'Union européenne, ainsi que les aides aux personnes (sur la rénovation énergétique par exemple) et aussi – contrairement à ce qu'ont prétendu le Medef et tous les éditocrates – les compensations pour gestion d'entreprises publiques (par exemple l'audiovisuel public ou les retraites de la RATP et de la SNCF), parce que nous voulions un chiffre objectivé et solide. Cela n'a pas empêché François Bayrou de dire que nous mélangions les carottes et les sèche-cheveux.
Il y a aussi eu le 17 juillet [quelques jours à peine après la parution du rapport sénatorial, NdE] un rapport du Commissariat au plan – 22 pages, contre 15000 pages pour le nôtre – qui a proposé un autre chiffrage ne prenant pas en compte les exonérations de cotisations patronales. Nous les avons incluses, puisque l'ensemble des ministres auditionnés ont reconnu qu'il s'agissait bien d'aides publiques, tout comme les patrons, qui nous donnaient à chaque fois les montants pour leur groupe. Au fond, on est passé d'un capitalisme sous perfusion directe, il y a trente ans ou plus, avec des subventions et des crédits d'impôts visibles, à un capitalisme plus insidieux, à base d'exonérations. Moins visible donc, mais avec le même résultat pour l'État et le contribuable.
Pourquoi selon vous cette attitude de déni de la part de l'exécutif ?
Nous avons réussi à ouvrir une fenêtre d'opportunité extraordinaire, à un moment où la gauche est mise sous pression des idées libérales et d'extrême droite. Face à un gouvernement qui nous promet aujourd'hui du sang et des larmes, le gel des dépenses et des prestations, nous avons réussi à mettre sur la table deux questions : celle de la taxe Zucman, c'est-à-dire le fait que les ultra-riches payent moins d'impôts que les autres proportionnellement et donc doivent contribuer plus, et celle de l'argent public qui va aux entreprises sans contreparties, avec peu ou pas de suivi, ce qui justifie qu'elles contribuent aussi à l'effort demandé. Évidemment, ils essaient de refermer cette fenêtre en attaquant la taxe Zucman et en essayant de discréditer ou d'invisibiliser notre travail. Ils vont dire que c'est un « rapport communiste », alors qu'il a été présidé par un sénateur LR et adopté à l'unanimité, avec l'appui des fonctionnaires du Sénat. Mais ils n'y arriveront pas. Notre chiffre de 211 milliards a déjà été repris dans les mobilisations du 10 et du 18 septembre.
Les propositions formulées par votre commission apparaissent globalement beaucoup plus ambitieuses qu'on aurait pu s'y attendre. Au-delà des questions de transparence et de l'évaluation, qui sont assez consensuelles, vous proposez un suivi des aides touchées groupe par groupe, ce qui est traditionnellement un sujet assez sensible. Vous proposez aussi des mécanismes pour lier aides publiques et emploi, et même aides publiques et dividendes versés. Comment avez-vous convaincu la droite de soutenir ces recommandations?
Je faisais moi-même les tableaux à la main. D'abord, cela les a fait rire, mais à la fin de l'audition, ils riaient beaucoup moins.
Tous les membres de la commission ont reconnu que j'ai mené avec mes équipes un travail sérieux et argumenté, qui s'est révélé implacable le moment venu. Ensuite, ce sont les auditions qui ont fait leur effet. Pour l'audition de Carrefour, par exemple, j'ai collecté des chiffres pendant près d'une semaine avec l'aide de syndicalistes, de lanceurs d'alertes, de collègues, en faisant moi-même les tableaux à la main. D'abord, cela les a fait rire, mais à la fin de l'audition, ils riaient beaucoup moins. J'ai rappelé au PDG de Carrefour les chiffres sur les dividendes, les bénéfices, les aides publiques. Il était sous serment et ne pouvait pas les nier. Il a fini par reconnaître que les aides publiques servaient les actionnaires. Idem pour ST Microelectronics, qui a bénéficié de 500 millions d'euros de crédits d'impôt recherche. Quand j'ai demandé au PDG le montant des impôts que l'entreprise payait en France, il m'a dit qu'il ne savait pas. Je lui ai dit : « Je vais vous les donner, moi », et j'ai vu son visage changer. La plupart des années, c'était zéro, avec une seule exception, où ils ont versé moins de 100 000 euros. A l'heure de la désinformation, de la petite phrase, du buzz, j'ai essayé de rester calme, de vérifier. Les patrons n'attendaient qu'une chose, c'était que je perde mon sang-froid.
Je tiens à remercier l'ensemble de mes collègues sénateurs qui ont été très présents et très impliqués tout au long du processus. Beaucoup ont découvert, grâce à ces auditions, des conditions de travail et des niveaux de salaires qui les ont scandalisés. J'ai moi aussi beaucoup appris. C'est ainsi que des idées ont commencé à pointer. Est-ce que c'est au final tout le programme que j'aurais souhaité à titre personnel ? Non. Mais est-ce que nos propositions vont au-delà de ce que j'espérais au début ? Clairement oui. Sur le remboursement de toutes les aides publiques sur deux ans en cas de délocalisation, c'était jusqu'à présent une revendication minoritaire. Aujourd'hui, c'est une recommandation dans un rapport sénatorial voté à l'unanimité. Quant à l'idée fantastique de déduire les aides publiques du montant distribuable par les entreprises sous forme de dividendes, ce n'est évidemment pas ça qui va mettre fin au capitalisme, mais cela changerait un certain nombre de choses dans l'équation. Nous avons aussi acté le principe de suspendre toute aide publique pendant deux ans en cas de condamnation définitive pour travail illégal, non-publication des comptes, atteinte à l'environnement, discrimination systémique. Si au mois de janvier, on m'avait dit qu'on allait adopter un rapport à l'unanimité avec 26 recommandations de ce type, j'aurais signé des deux mains, des deux pieds, de la tête et du menton.
Quelle a été l'attitude des grands patrons lors des auditions ?
Je dois avouer que j'ai été assez étonné de la transparence dont a fait preuve la majorité des patrons que nous avons auditionnés.
Nous avons auditionné 33 PDG, et je dois avouer que j'ai été assez étonné de la transparence dont a fait preuve la très grande majorité d'entre eux. Au début, les représentants de l'administration n'arrêtaient pas d'invoquer le secret des affaires ici, le secret fiscal là. J'étais un peu inquiet. Puis nous avons commencé les auditions de PDG. Florent Ménégaux, le DG de Michelin, a été très transparent et nous avons eu un débat de très bonne tenue. Il a donné le tempo pour les autres. Ensuite, Auchan a été obligé de s'aligner. Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, a lui aussi joué le jeu de la transparence, tout en mettant en avant les impôts qu'il paie... mais pas en France. Puis il y a eu l'audition de Google France : les représentants sont venus les mains dans les poches et se sont fait rabrouer par le président de la commission. Puis celle de Sanofi, où ils ont essayé de noyer le poisson, de prétendre qu'ils n'avaient pas procédé à des licenciements malgré quatre plans de sauvegarde de l'emploi. Ils ont fini par lâcher le fameux chiffre : 1 milliard d'euros de crédit impôt recherche. Tout le monde était stupéfait : vous touchez 1 milliard d'euros, vous licenciez et en plus vous ne trouvez pas de vaccins... Les autres patrons avaient le choix : soit jouer la transparence comme MM. Ménégaux et Pouyanné, soit faire comme Google et Sanofi et risquer de se prendre une vague de critiques sur les réseaux sociaux. La plupart ont choisi la première option. Ils ont donné des chiffres, qui ont commencé à circuler et à marquer les esprits : le milliard d'euros de CIR de Sanofi, les 298 millions d'euros touchés par ArcelorMittal en 2023...
En vérité, beaucoup de patrons n'avaient pas envie de venir. Ils ont cherché des prétextes, nous ont reproché d'être un tribunal populaire, mais cela n'a pas pris. Puis Patrick Martin, du Medef, est arrivé à son audition avec ses éléments de langage selon lesquels les aides sont des compensations du haut niveau de charges qu'il y aurait en France. Quelques patrons auditionnés ont ensuite repris ces éléments de langage. Mais ils savent aujourd'hui qu'ils ont perdu sur le plan de l'opinion.
Comment jugez-vous la stratégie et les arguments du Medef sur la question des aides publiques aux entreprises ?
Le Medef fait une erreur en verrouillant le débat pour sauvegarder quelques grands groupes au détriment de la majorité des entreprises.
J'ai été invité pour la première fois de ma vie à l'université d'été du Medef fin août. J'étais la seule personnalité de gauche face à cinq autres personnes, mais j'ai tout de même été applaudi quand j'ai parlé de transparence, de meilleure évaluation, de choc de responsabilisation. Même l'animateur de BFM a été obligé de le signaler. Beaucoup de petits patrons sont venus me remercier ensuite, en m'expliquant qu'ils touchaient peu d'aides dans leur secteur d'activité, l'hôtellerie par exemple, et qu'ils se posaient aussi des questions. Patrick Martin joue son rôle de président du Medef en essayant de porter la discussion sur les impôts et le nombre de fonctionnaires. Mais en réalité, il ne fait que protéger les plus gros, ceux qui payent déjà le moins d'impôts, et pas les petites et moyennes entreprises. Dans notre rapport, nous proposons la création d'un guichet unique pour que chaque entreprise puisse accéder aux aides, quelle que soit sa taille. Il y a d'autres propositions qui vont dans le sens de la défense de l'emploi et des savoir-faire des petites et moyennes entreprises. De mon point de vue, Patrick Martin fait une erreur en verrouillant le débat pour sauvegarder quelques grands groupes au détriment de la majorité des entreprises.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un donQuelles suites politiques envisagez-vous désormais ?
Des syndicalistes se saisissent déjà du rapport pour demander davantage de transparence. J'invite d'ailleurs tous les patrons à ne pas attendre que la loi change.
Pour ma part, je vais poursuivre mes échanges avec les patrons. J'ai réécrit à tous les auditionnés et j'ai contacté 40 patrons supplémentaires en leur disant que j'étais à leur disposition. Plusieurs m'ont répondu. On ne va pas être d'accord sur tout, mais c'est ça la démocratie. Je vais continuer à interpeller le gouvernement – quand nous en aurons un. Ensuite, je vais proposer à l'ensemble de mes collègues de co-signer des amendements au moment de l'examen de la loi de finances. Et si cela ne marche pas, nous pourrons déposer une proposition de loi reprenant quelques grands axes de notre rapport – parce que tout ne relève pas du domaine législatif, une partie dépend du domaine réglementaire. Ensuite, c'est une bataille politique et sociale. Des syndicalistes se saisissent déjà du rapport pour demander davantage de transparence. J'invite d'ailleurs tous les patrons à ne pas attendre que la loi change. Rien ne les oblige aujourd'hui à dévoiler le montant des aides publiques que touchent leurs entreprises et à les déduire de leur bénéfice distribuable, mais rien ne l'interdit.
Le sujet du contrôle des aides publiques aux entreprises revient régulièrement à l'agenda politique depuis au moins 2000, où Robert Hue – déjà un communiste – avait fait adopter une loi sur le sujet. Comme cela a été dit auparavant, les rapports ne semblent bien souvent servir qu'à « caler les armoires du Sénat ». Comment comptez-vous faire en sorte que ce soit différent cette fois-ci ?
Le rapport a d'ores et déjà plus que joué son rôle. Tout le monde reconnaîtra qu'il continue à animer le débat public et médiatique. Mais il faut aller plus loin. La loi Hue, qui instaurait une commission nationale et des instances régionales sur la transparence des aides, a été la première abolie lorsque la droite est revenue au pouvoir en 2002. Pour moi, c'est une question de rapport de forces entre le capital et le travail. À certains moments, ça frotte, et il en sort quelque chose. Nous sommes dans un de ces moments-là. Et ça frotte dur. Le capitalisme semble prêt à tout pour continuer à épuiser le vivant et la nature, mais les résistances sont fortes. Les gens ne vivent plus de leur travail, n'arrivent plus à partir en vacances et à payer leurs factures, tandis que le patrimoine des riches explose. Le fil se distend. Ils peuvent raconter leurs histoires sur le coût de notre modèle social et sur la dette, mais tout le monde voit bien qu'on vit de plus en plus mal. On ne peut pas durcir la transparence pour tout le monde, pour les chômeurs, les allocataires du RSA et même maintenant pour les élus, et continuer à laisser partir 211 milliards d'euros par an d'aides publiques sans transparence et sans suivi. Je pense qu'ils seront au moins obligés d'améliorer la transparence et, s'ils réfléchissaient un peu, de rationaliser le système avec un guichet unique. Ils seraient aussi bien inspirés de mettre en place quelques règles en matière de responsabilisation. On ne peut pas tenir des discours de fermeté tous les jours contre les migrants, contre les travailleurs, contre les chômeurs, et laisser une entreprise qui fraude continuer à concourir aux aides publiques. Après, c'est l'histoire. Quand une idée s'empare des masses... Ils sont en train de mettre tous les éditocrates du pays, toute leur puissance médiatique, pour faire disparaître le débat sur les aides publiques et sur la taxe Zucman. Mais ils n'y arriveront pas.
Propos recueillis par Pauline Gensel et Olivier Petitjean le 19 septembre 2025.
29.09.2025 à 11:22
L'annonce unilatérale par Microsoft de la fin de la mise à jour de Windows 10 à partir du 15 octobre ne cesse de créer des vagues. Selon les chiffres avancés par L'Humanité, presque la moitié des 1,4 milliard d'ordinateurs dans le monde tournant sous Windows utilisent encore cette version du système d'exploitation de Microsoft. 400 millions d'entre eux seraient même incompatibles avec Windows 11 et pourraient donc se trouver inutilisables du jour au lendemain.
L'association HOP (Halte à (…)
L'annonce unilatérale par Microsoft de la fin de la mise à jour de Windows 10 à partir du 15 octobre ne cesse de créer des vagues. Selon les chiffres avancés par L'Humanité, presque la moitié des 1,4 milliard d'ordinateurs dans le monde tournant sous Windows utilisent encore cette version du système d'exploitation de Microsoft. 400 millions d'entre eux seraient même incompatibles avec Windows 11 et pourraient donc se trouver inutilisables du jour au lendemain.
L'association HOP (Halte à l'obsolescence programmée) mène la bataille en France depuis plusieurs semaines contre la décision du géant américain qui pourrait générer, selon une ONG américaine, 725 millions de tonnes de déchets électroniques.
Microsoft a de nombreuses raisons de mettre fin à Windows 10 : pousser les consommateurs à s'acheter de nouveaux ordinateurs dotées de puces dernier cri et les encourager à passer à Windows 11, qui collecte beaucoup plus de données servant à entraîner les intelligences artificielles. Puces et IA étant deux domaines dans lesquels Microsoft a beaucoup investi ces dernières années.
L'affaire permet aussi de mesurer le pouvoir exorbitant de Microsoft, deuxième entreprise au monde en termes de capitalisation boursière qui a engrangé en 2024 près de 100 milliards de dollars de profit avec un taux de marge de 35% ! L'entreprise peut décider du jour au lendemain de faire envoyer au rebut des millions d'ordinateurs. Comme le rappelle encore L'Humanité, « en France, 22 % des ordinateurs sont menacés par cette obsolescence logicielle liée à la fin de Windows 10. Cela inclut ceux d'entreprises et d'infrastructures critiques : hôpitaux, écoles, mairies, bibliothèques et associations ». Cela vaut aussi pour la Police nationale. Beaucoup des collectivités et services publics concernés ont choisi de payer les sommes demandées par Microsoft pour ne pas s'exposer à des risques accrus de sécurité faute de mise à jour de leur système d'exploitation.
Face à la fronde, Microsoft a annoncé un répit provisoire pour les clients particuliers (mais non professionnels).
25.09.2025 à 16:34
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Bonne lecture
Stérin : un business très politique
On ne présente plus Pierre-Édouard Stérin. Le (…)
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On ne présente plus Pierre-Édouard Stérin. Le milliardaire finance toute une galaxie d'associations et de projets catholiques intégristes et familialistes, de think tanks libertariens, d'oficines anti-migrants. À travers le projet Périclès, doté officiellement de 150 millions d'euros sur dix ans, il veut travailler à la victoire électorale de l'extrême droite.
D'où vient l'argent de Pierre-Édouard Stérin et comment a-t-il structuré son empire ? Les médias se contentent en général de mentionner qu'il est propriétaire de Smartbox et ses investissements dans le secteur de la Tech, mais la myriade de structures qu'il utilise pour placer son argent, investir dans différents secteurs et porter ses idées conservatrices restaient jusqu'ici assez obscurs.
C'est pourquoi nous avons reconstitué l'organigramme complet du groupe Stérin – dont, rassurez-vous, nous proposons aussi une version simplifiée – en nous appuyant sur les documents publics disponibles, notamment dans les registres des sociétés en France, en Belgique et en Irlande.
Ce travail est une base de travail pour de futures enquêtes, mais il est aussi en lui-même riche d'enseignements. Il permet de confirmer par exemple qu'une grande partie de l'argent de Pierre-Édouard Stérin lui vient encore à ce jour des bénéfices générés par Smartbox, mais que son empire est présent dans de multiples secteurs, de la tech aux parcs de loisir en passant par le nucléaire. Et que cet empire est depuis quelques années en réorganisation permanente, et de plus en plus opaque.
Les infographies et nos explications : Le système Stérin
Autre révélation : le milliardaire finance le Fonds du bien commun (qui lui sert à arroser des associations et des projets réactionnaires sous des airs philanthropiques) non par des dons comme on aurait pu s'y attendre d'après ses discours, mais entièrement via des prêts consentis par des sociétés de son groupe. Prêts qui donnent d'ailleurs lieu à des versements d'intérêts substantiels. Un montage pour le moins inhabituel qui confirme sa tendance à mélanger allègrement business et politique.
Lire Pierre-Édouard Stérin finance son Fonds du bien commun... par des prêts.
L'École Polytechnique, c'est l'élite de la science et de la République. Beaucoup de nos dirigeants économiques et politiques en sont issus.
C'est aussi – et de plus en plus – une école grande ouverte aux multinationales (françaises ou étrangères d'ailleurs).
Instances de gouvernance, financements et partenariats, vie étudiante, start-ups, fondation, association d'élèves et d'anciens élèves : leur omniprésence n'est évidemment pas sans influence sur le contenu de l'enseignement qui y est dispensé et de la recherche qui y est menée, comme le montre l'enquête sur nous avons publié la semaine dernière.
Cette omniprésence contribue à renforcer une orientation pro-croissance et pro-industrie, et face aux enjeux climatiques et écologiques elle contribue à privilégier certaines directions de travail (techno-solutionnistes, réductionnistes) et à marginaliser voire ignorer les autres.
Lire Polytechnique, une école d'État sous emprise.
La tentative de TotalEnergies d'implanter un bâtiment sur le campus de l'École polytechnique, puis celle de LVMH deux ans plus tard, ont suscité d'importantes mobilisations de la part des élèves, du personnel et de la société civile. Malgré l'abandon de ces deux projets, les grandes entreprises continuent discrètement de tisser leur toile à Polytechnique avec la bénédiction de l'école et des pouvoirs publics, sans transparence et sans débat contradictoire, et de plus en plus en censurant les élèves qui veulent s'exprimer sur le sujet.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un donC'est fini pour Christophe Castaner chez Shein. La marque chinoise a annoncé qu'elle allait se passer des services de l'ancien ministre macroniste. Celui-ci avait été embauché l'année dernière, officiellement pour conseiller Shein sur sa « responsabilité sociale », à un moment où l'entreprise était engagée dans une vaste offensive de lobbying contre la proposition de loi « fast-fashion ». Les conditions et les motivations nébuleuses de ce recrutement – symptomatique de la généralisation des « portes tournantes » public-privé – avaient poussé l'Observatoire des multinationales et les Amis de la Terre a faire un signalement auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (lire Pourquoi il faut faire la lumière sur le lobbying de Shein et le rôle de Christophe Castaner). Face aux critiques, Shein avait changé de discours en prétendant que Christophe Castaner était là en réalité plutôt pour l'aider à nouer des partenariats en France, mais le groupe chinois est revenu à sa version initiale pour justifier de mettre fin au services de l'ex ministre. Le départ de ce dernier s'expliquerait par le fait que le rapport « responsabilité sociale » de Shein est enfin prêt. On l'attend avec impatience.
« Désarmer GBH ». Le groupe de distribution GBH, propriété de la famille de Bernard Hayot, est sous le feu des critiques en Martinique, mais aussi en Guadeloupe ou à la Réunion, pour son poids économique écrasant et son rôle dans la flambée des prix à la consommation. L'an dernier, suite à une procédure initiée par l'association Lanceur d'alerte, GBH a été contraint de publier enfin ses comptes complets. Vous n'êtes pas seul et l'Observatoire Terre-Monde se sont emparées de ces informations disponibles pour la première fois et, en les croisant avec d'autres sources, ont réalisé une cartographie mondiale des implantations de GBH et une présentation graphique de ses (très nombreuses) filiales. Ces deux outils sont accompagnés d'un rapport qui tire quelques premières analyses de l'exercice. L'ensemble est à consulter ici.
Nouveau recul européen sur l'écologie. Il y a quelques jours, nous alertions sur l'alliance de fait nouée à Bruxelles par les lobbys et la droite traditionnelle avec l'extrême droite pour démanteler toute une série de législations dans le domaine du climat et bien au-delà (lire Au centre du jeu bruxellois, l'extrême droite sonne la charge contre l'écologie et le climat). Nouvelle illustration avec la proposition de repousser encore une fois d'un an l'entrée en vigueur du règlement sur la déforestation, qui obligerait les importateurs d'huile de palme et d'autres matières premières à démontrer que leurs produits n'ont pas entraîné la destruction de forêts. Hasard du calendrier (ou pas) : la Commission européenne vient de signer un projet d'accord de libre-échange avec l'Indonésie, inquiète des implications de ce règlement pour ses exportations à destination du vieux continent.
Pétrole ougandais : TotalEnergies contraint d'ouvrir la boîte noire. C'est une victoire significative dans la bataille juridique qui oppose la multinationale et les associations qui la poursuivent dans le cadre de la loi sur le devoir de vigilance. Le 18 septembre, le tribunal a ordonné à TotalEnergies de transmettre aux plaignants tous les documents nécessaires à l'établissement d'un préjudice, y compris au niveau de ses filiales. Prouver la responsabilité des multinationales en matière d'atteintes aux droits humains est souvent très difficile tant que ces dernières gardent la main sur les informations et les documents potentiellement incriminants. Cette décision de justice pourrait donc avoir des conséquences pour bien d'autres procédures en cours ou à venir.
Auchan : la justice invalide le plan social. Le tribunal administratif de Lille a invalidé le plan de 2 389 licenciements annoncé en novembre 2024 par le géant de la grande distribution. Une décision importante non seulement pour les salariés concernés, mais aussi parce que les juges ont donné tort aux Mulliez, propriétaires d'Auchan, sur plusieurs points clé : la possibilité de faire valider un plan au niveau du groupe sans validation auprès des différentes sociétés impactées, et la possibilité de justifier un plan de suppressions d'emplois sans donner aux représentants des salariés une image complète de la santé financière du groupe dans son entier, y compris en l'occurrence les holdings familiales de Mulliez. Lire les explications de Dan Israel pour Mediapart.
Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean.