02.07.2025 à 11:09
Rolland Grosso
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Bolsonaro face aux juges : pour la première fois au Brésil, un ex-président répond d’une tentative de coup d'État. Un procès historique contre l’impunité des autocrates.
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Alors que des autocrates d’extrême droite piétinent les droits humains, la démocratie, la recherche, menacent le climat et font sombrer le monde dans la guerre, un de leurs congénères, défait par les urnes, est actuellement en train de répondre de ses actes devant un tribunal. Jair Bolsonaro est en effet jugé depuis le 19 mai par la Cour suprême du Brésil, accusé d’avoir tenté d’organiser un coup d’État, fin 2022. Jusqu’alors, jamais un président brésilien n’avait été poursuivi pour des faits de ce niveau de gravité.
Pour en parler, pour décrypter ce qu’a été le bolsonarisme, expliquer comment l’extrême droite brésilienne est arrivée au pouvoir, ce qu’elle y a fait, mais aussi comment elle a pu être défaite et ce qui se joue aujourd’hui dans le procès, j’aurai le plaisir de recevoir l’historienne spécialiste de ces questions Maud Chirio. On vous attend au Poste le 2 juillet à 9 h.
Si nos regards sont un peu centrés sur le Moyen orient, ou sur le nord du continent américain, ce qui se passe dans ce grand état du sud du continent est passionnant et pourquoi pas, porteur d’espoir ?
Mathilde Larrère
L’émission démarre sous une chaleur moite, presque étouffante, comme un reflet de la tension politique qu’on s’apprête à explorer : l’extrême droite brésilienne. Mathilde Larrère installe l’ambiance : oui c’est flippant, oui c’est déprimant, mais aujourd’hui on va parler d’un moment rare : un autocrate jugé pour ses actes, Bolsonaro, et peut-être, un petit rayon d’espoir.
Maud Chirio spécialiste du Brésil, est là pour tout remettre à plat : non, Bolsonaro n’est pas arrivé par hasard. Elle nous entraîne en 2013, au cœur d’un mouvement social qui voulait plus de démocratie et qui a fini capturé par l’extrême droite, symbolisé par ce fameux canard jaune : « Pagar o pato », être le dindon de la farce, le peuple qui se fait voler son fric. À ce moment-là, on sent bien la colère sourde qui remonte.
L’historienne raconte comment la droite patronale et médiatique, dès 2014, refuse la réélection de Dilma Rousseff : « un gouvernement de centre gauche empêché de gouverner dès le départ ». Sa destitution ? Pas pour corruption, mais justement parce qu’elle voulait la combattre ! C’est glaçant : « Elle a été destituée parce qu’elle a laissé la police et le parquet travailler », précise Chirio. On sent que le tchat s’agace, comme ce message de Vincent : « Ils sont forts quand même pour inverser la charge » et tout le monde valide.
« On a eu un gouvernement pinochetiste avant Bolsonaro » lâche Maud . Ça jette un froid.
Elle décrit le choc néolibéral imposé par Michel Temer après la destitution : plafonds sur les dépenses sociales, destruction du code du travail. Bolsonaro n’a fait qu’hériter d’un terrain déjà rasé, sur lequel la violence d’extrême droite pouvait s’installer. À l’écouter, impossible de ne pas frissonner : la dérive autoritaire n’est pas tombée du ciel.
Elle parle aussi du discours ouvertement violent, raciste, homophobe, misogyne de Bolsonaro : « Il menace les militants de gauche de prison ou d’exil », « il célèbre la torture », et personne ne bronche vraiment.
Maud explique que Bolsonaro et ses soutiens ont construit un ennemi intérieur fantasmé, accusé de « wokisme », pour attiser la peur et légitimer la répression. »
Son ascension électorale se fait grâce aux évangéliques, au patronat, aux réseaux sociaux, mais aussi sur fond de haine de la politique : « c’est quelqu’un qui n’a jamais rien proposé, qui s’est toujours opposé ».
Il y a un vrai moment de tension quand on évoque la police brésilienne : la militarisation n’a jamais cessé. Chirio rappelle que Bolsonaro promettait l’impunité : « il dit qu’un bon bandit est un bandit mort », et le tchat réagit encore, Salomé écrit : « On dirait la droite française sur la sécurité », ça fait sourire jaune.
L’autre moment fort de l ‘entretien intervient quand on parle du procès en cours. Bolsonaro est jugé pour avoir tenté un coup d’État après sa défaite électorale. Et c’est historique, l’invitée explique : jamais un ex-président n’avait été poursuivi ainsi au Brésil. Ça crée une vraie rupture : « Lui qui s’était fait élire en promettant la fin de la corruption se retrouve accusé de complot ! ».
Elle souligne aussi l’importance du Tribunal suprême électoral (TSE) qui a invalidé ses droits civiques, l’empêchant de se présenter. C’est là qu’on mesure la différence avec d’autres démocraties : « Le Brésil montre qu’il y a des contre-pouvoirs », même fragiles.
Mais pas d’angélisme : l’extrême droite brésilienne est loin d’être morte. Maud Chirio prévient : elle s’adapte, se recompose, trouve de nouveaux visages.
Elle insiste : ce n’est pas juste Bolsonaro. C’est tout un système.Elle décrit la lâcheté des élites brésiliennes, économiques et médiatiques : « Ils ont normalisé la haine ».
Le coup d’État parlementaire contre Dilma Rousseff ? Accepté sans broncher. L’emprisonnement de Lula ? Idem.
L’invitée évoque le PT, parti de centre-gauche fondé par Lula, qui a porté des politiques de redistribution et d’inclusion sociale, mais s’est retrouvé accusé de corruption par ses adversaires, alimentant une crise politique majeure puis la destitution de sa dirigeante Dilma Rousseff,
Elle cite également Michel Temer, vice-président de Dilma Rousseff prenant le pouvoir après sa destitution et imposant un néolibéralisme sans limites , préparant le terrain à la victoire de Bolsonaro.
Elle se montre lucide sur la fragilité de la démocratie brésilienne : « L’extrême droite n’a jamais disparu », héritage direct de la dictature. À ce moment-là, on sent que l’émission bascule vers un ton plus grave.
Et le tchat le sent aussi : Fatima lance : « Ça fout la trouille pour nous », parce que tout résonne étrangement avec l’Europe.« Elle a été destituée pour avoir laissé la justice faire son travail » Maud Chirio
Malgré tout, il y a ce souffle, l’invitée n’en nie pas la gravité : « C’est une extrême droite puissante et organisée », mais elle rappelle la force de la société civile, la résistance des juges, les mobilisations féministes et anti-racistes,le cas de Marielle Franco assassinée par arme à feu est significatif de la violence de l’extrême droite.
Elle conclut sur cette idée : « C’est aussi un moment d’espoir ». Parce que Bolsonaro est jugé. Parce qu’il est tombé, parce que la démocratie brésilienne, même cabossée, est encore debout.
Et là, Mathilde Larrère relance : « C’est important de le dire », pour ne pas sombrer dans le défaitisme.
On quitte l’émission avec un mélange d’inquiétude et de soulagement. Un constat sévère mais lucide : rien n’est jamais gagné, mais tout n’est pas perdu.
Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste, revu et corrigé par la rédaction.
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27.06.2025 à 12:13
Euryale
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C’est une histoire sortie d’un roman noir, mais tout à fait authentique. Gilles Bertin, figure du punk français, chanteur de Camera Silens (Bordeaux, début des années 1980, braqueur d’un dépôt de la Brink’s en 1988, puis fantôme sans visage trente ans durant. Disparu, réapparu, malade, repenti. Il revient de tout. Et meurt en 2019, à Barcelone, là où il s’était caché.
C’est ce destin hors norme que retrace Stéphane Oiry, dessinateur au trait sec et fraternel. Ses Héros du peuple sont immortels, publié chez Dargaud, n’est pas une BD hommage, ni un plaidoyer. C’est un regard. Lucide, inquiet, parfois amusé. Oiry ne juge pas. Il redonne de la chair à un nom devenu mythe, ou mauvaise conscience de toute une génération. C'est sa première convocation Au Poste.
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« Je ne pouvais rien attendre d’autre d’une émission sur le punk ». Stéphane Oiry débarque dans Au Poste en pleine tempête : Internet coupé, antenne en vrac, l’émission vire au chaos. Ça bidouille, ça galère, ça se reconnecte sur d’autres canaux. Le tchat jubile : on sent que cette entrée en matière colle parfaitement au thème du jour . À ce moment-là, on ne pouvait qu’être d’accord : c’était un live punk pur jus. Florent Calvez, fidèle du tchat, s’en amuse : « 200 orages attaquent le Poste », une façon d’embrasser la pagaille.
Oiry, loin de râler, se marre : « Ah non mais ça commence très bien ». Il explique qu’il ne s’attendait pas à autre chose pour une émission sur le punk. À cet instant, le ton est posé : détendu, « bordélique» mais bienveillant.
Une fois la connexion stabilisée, l’invité se présente : dessinateur de presse, auteur de bande dessinée, prof à Paris. Il raconte : « Je travaille beaucoup pour la presse, j’illustre très régulièrement des faits divers ».
Il précise que ces histoires l’attirent : pas pour le sensationnel, mais pour leur vérité humaine : « C’est tout pour l’éthique quand même ». Il aime fouiller ces petites tragédies, voir ce qu’elles disent de nous.
Son dernier album en est un exemple : une bande dessinée sur Gilles Bertin et Camera Silens, publiée chez Dargaud.
Avant de parler du livre, il revient sur ses propres années punk. Il était collégien quand il a plongé : « J’y ai vraiment plongé éperdument ». Radios libres, cassettes copiées : tout est bon pour partager le son.
La scène punk de l’époque c’est un milieu très bricolé, souvent marginalisé : peu de moyens, des concerts dans des salles modestes ou des squats, une circulation clandestine de la musique, et un public jeune, avide d’alternatives culturelles et politiques. Le groupe se choisit un nom fort. Camera Silens une référence aux cellules d’isolement utilisées pour l’incarcération des membres de la Fraction armée rouge, la bande à Baader ( Baader-Meinhof), « ils sont précaires, ils volent ils achètent un bouquin pour en voler trois »,
Il confesse : « Plus rien n’a jamais été pareil ». Cette musique l’a formé : rageuse, libre, sans compromis. Pourtant, Camera Silens n’est pas son groupe fétiche. Il admet : « Je l’avais même un peu oublié ». Ce n’est que plus tard, en entendant un documentaire sur France Culture, qu’il retombe sur histoire épique.
Dufresne raconte : Bertin est cette figure punk bordelaise, charismatique mais obscure. En 1988, il braque un dépôt de la Brinks à Toulouse : un casse parfaitement planifié, quasi militaire, sans coup de feu, mais lourd : près de 12 millions de francs empochés, un butin qui restera dans la nature..
C’est le genre de fait divers qu’Oiry adore : « On en avait un très beau avec cette histoire de cavale », dit-il.
Après le braquage, Bertin s’évapore. Pendant près de 28 ans, il vit sous de fausses identités, principalement en Espagne. Il fonde une famille, travaille, tombe malade (sida). Il reparaît en France car il souhaite être jugé, il échappe à la prison grâce à sa santé fragile et meurt à Barcelone en 2019 à l’âge de 58 ans.
« C’est une histoire sortie d’un roman noir mais tout à fait authentique »David Dufresne
Oiry explique qu’il n’a pas voulu faire une biographie hagiographique. Il s’intéresse à l’homme : ses choix, ses failles. Il insiste sur la méthode : « Je documente beaucoup », dit-il. Il se plonge dans les archives, interroge des témoins, recoupe : « Je suis pas sociologue, mais j’observe ». Il veut restituer l’ambiance des années 80 : Bordeaux, la scène punk, la précarité.Il détaille : « J’essaie de raconter un destin, pas de juger. Montrer la trajectoire ». Pour lui, le dessin permet ça : rendre vivant sans figer. Il veut montrer la fuite, la clandestinité, la vieillesse. Capter les silences autant que les cris.« J’aime beaucoup les histoires vraies, parce qu’il y a déjà tout » Stéphane Oiry
Au Poste n’existe pas sans son public : le tchat, omniprésent, commente, questionne, se moque gentiment. Florent Calvez en est l’âme : « 200 orages attaquent le Poste », « Jolies rouflaquettes », il relance, blague.
Dufresne rappelle qu’Oiry et Calvez ont travaillé ensemble : ils ont illustré un reportage sur le commissariat de Roubaix pour La Croix. Preuve qu’Oiry n’a pas peur de traiter du réel brut, même des lieux de pouvoir.
Cette complicité se sent : le tchat, l’invité et David Dufresne tissent ensemble une conversation vivante.
Oiry se montre humble : il reconnaît qu’il ne connaissait pas toute l’histoire avant de s’y mettre : « Ça va un peu m’aiguiller ». Il aime se laisser surprendre : « Je ne fais pas de thèse, je raconte ». Il veut donner au lecteur la sensation de découverte, d’empathie. Pas question de grand discours moral : il veut qu’on comprenne Bertin sans le disculper. Montrer l’humain derrière le fait divers.« On sent qu’il veut comprendre, pas juger »
L’émission jongle entre humour et gravité. On rit des nouveaux bugs : « Oh là là le bazar », on se moque des câbles et des caméras plantées.Mais le sujet reste sombre : un braquage violent, une fuite interminable, la maladie, la mort. Oiry ne cherche pas à édulcorer : il assume cette tension.Sa BD montre tout : le punk comme cri de liberté, mais aussi comme dérive ; le romantisme de la cavale et sa misère quotidienne.
« On peut parler de mélancolie ?» interroge David Dufresne.
L’invité acquiesce et rajoute « Je pouvais rien attendre d’autre que d’une émission sur le punk »
Malgré les thèmes lourds, l’émission garde une vraie humanité, les moqueries du tchat, les rires partagés : tout ça donne un ton unique. C’est punk au meilleur sens : rageux, sincère, mais jamais cynique.
À la fin, on sent qu’Oiry a livré bien plus qu’un projet : un morceau de lui-même, entre la bande dessinée, le journalisme et la mémoire collective. Et bien sûr un extrait de Camera Silens « Pour La Gloire» vient ponctuer cet entretien.
Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par la rédaction.
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25.06.2025 à 20:10
David Dufresne
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Le monde vacille, mais certains regardent encore droit. A la tête du nouveau site Diagrammes, Michel Feher, philosophe bien connu de nos services, vient Au Poste en tracer les contours. Pas un énième blog de plus, mais une architecture pensée pour tenir ensemble ce qui, trop souvent, reste éparpillé. Face à la droitisation rapide des sociétés, à la montée des pouvoirs prédateurs et aux renoncements démocratiques, Diagrammes veut documenter, relier, comprendre — et armer celles et ceux qui refusent la résignation.
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Entretiens exigeants, croisés, accessibles, accompagnés de dossiers pour donner prise au réel,
Diagrammes est un espace critique comme on les aime, une cartographie évolutive des forces qui travaillent notre époque — et un outil pour ne pas se perdre dans le bruit. À la fois francophone et anglophone, Diagrammes vise à populariser les travaux anglophones chez les publics francophones, et vice-versa, dans le but de nourrir une compréhension transnationale des mutations en cours.
Parmi les premiers entretiens publiés par Diagrammes, on note celui de Melinda Cooper, historienne de la crise de 2008, qui décrypte la montée des « barons voleurs » et l’inversion du capitalisme managérial. Et celui d’Eyal Weizman (Forensic Architecture) qui explore à Gaza la dimension géopolitique de la violence israëlienne, entre cartographie critique et pouvoir destructeur.
Combattre la «connivence des brutes»
« On est pris dans le vertige d’une droitisation qui s’accélère sans cesse » lâche Michel Feher, d’une voix calme mais déterminée. On sent qu’il ne veut rien lâcher : il veut comprendre ce qui nous arrive, et outiller la critique.
L’échange commence dans une ambiance presque cabossée : bugs techniques, ventilateur bruyant, éclats de rire avec l’animateur. On redémarre comme on peut. Mais très vite, le ton se fait grave. Ce matin même, l’équipe et les aupostiens (nes) était « bouleversée » en recevant la famille de Souheil El Khalfaoui, tué par la police. L’émission se déroule dans cette atmosphère lourde, comme un rappel : comprendre le présent n’est pas un exercice théorique.
Feher arrive avec une proposition : Diagrammes. Pas « un blog de plus », mais « une architecture » pensée pour relier des morceaux épars du réel. Il raconte : « On voulait faire une espèce de puzzle », filmer des entretiens exigeants et accessibles, « donner le temps », adopter « une focale large » pour embrasser la complexité.
Il insiste : « Ça nous aide à comprendre ce qui nous arrive ». À ce moment-là, on ne pouvait qu’être d’accord : on le sent sincère, presque vulnérable, conscient des limites de l’exercice mais convaincu de sa nécessité.
Diagrammes se veut un lieu critique, à la fois francophone et anglophone. Feher détaille : il s’agit de faire circuler des savoirs trop souvent confinés à des cercles académiques ou linguistiques. Les entretiens sont filmés, accompagnés de dossiers thématiques, pour « donner prise au réel » et permettre aux lecteurs de « croiser les regards ».« On voulait se donner plus d’amplitude », explique-t-il, « pour comprendre en croisant encore un peu plus les regards ».« Diagrammes, c’est une cartographie évolutive des forces qui travaillent notre époque » Michel FeherCette « cartographie » ne prétend pas donner une seule lecture, mais offrir des outils, des pistes, des résonances entre des voix parfois éloignées. Il s’agit d’assembler ce qui est trop souvent séparé : économie politique, affects, idéologies, géopolitique.
Feher rappelle qu’il ne travaille pas seul : Diagrammes est né d’une complicité intellectuelle de longue date avec la journaliste Aurélie Windels. Ils avaient déjà co-fondé l’association et la série de livres Cette France-là, qui documentait la politique migratoire sous Sarkozy.
Ils avaient même tenté un premier site, « Near Futures Online », mort-né mais riche en leçons. Avec Diagrammes, ils veulent aller plus loin : proposer des contenus bilingues, organiser des dossiers, publier des analyses, mais surtout filmer des entretiens exigeants et accessibles, pour que la pensée ne reste pas confinée.
Feher souligne la difficulté : « On s’était dit que filmer nous laisserait du temps pour écrire, mais c’était la fausse bonne idée par excellence ». Il avoue le labeur, la complexité, mais ne cache pas sa fierté : « Ça commence à prendre ».
Davis Dufresne le pousse sur ce point : pourquoi lancer encore un « site » ? Feher se crispe presque : « On ne veut pas qu’on nous dise : vous êtes là pour commenter les élections. Non ! ».
Il explique que Diagrammes veut aller aux causes profondes : les « économies morales », les dispositifs qui façonnent la peur et la haine, la production de la résignation démocratique.
« On veut relier des voix, tisser des résonances » Michel Feher.Il évoque son travail éditorial aux États-Unis (Zone Books), ses liens avec des auteurs de part et d’autre de l’Atlantique : Diagrammes veut faire circuler ces idées, traduire, populariser sans simplifier.
L’émission prend un autre relief grâce au tchat, attentif et exigeant. Les questions fusent, obligeant Feher à préciser sa pensée : cheradenin demande : « Vous avez parlé de vivre des résistances et de les théoriser, diriez-vous que nos implications « construisent » nos identités ? »Feher opine : oui, c’est même central comprendre que nos engagements forgent nos subjectivités.
bouyacapex relance : « Quelle est la stratégie viable face aux Brutes en connivence ? La pensée critique face à la force/violence ? » Feher admet la tension : il faut penser sans renoncer à l’action. « Comprendre avant de riposter », c’est essentiel, même quand la violence impose son rythme.
« Il ne s’agit pas de dire aux autres quoi penser, mais de se donner les moyens de comprendre » Michel Feher
Le tchat creuse encore :
feminasapiens : « Pourrait-ce être une guerre indirecte contre la Chine ? »
Feher nuance : les rivalités géopolitiques existent, mais la droitisation se fabrique « chez nous ».
feminasapiens insiste : « Les communistes et anarchistes sont-ils encore à la page ? »
Feher voit dans ces traditions des ressources critiques, mais rappelle qu’elles doivent se réinventer face aux nouvelles formes de capitalisme financier et de gouvernance algorithmique.
pajakju questionne : « Ces libertariens réfléchissent-ils aux conséquences ou c’est « après moi le déluge »? »
Feher souligne l’attrait individualiste de l’idéologie libertarienne, qui évacue toute responsabilité collective.
feminasapiens encore : « Sommes-nous à un moment de bascule ? Fin du capitalisme au paroxysme de sa destruction ? »Feher reconnaît cette crise, mais y voit aussi le risque d’une alternative autoritaire ou ultra-libertarienne : la bifurcation reste ouverte.
« On ne veut pas juste coller des textes, mais créer des liens »Michel Feher
Annick Ollivier (YT) : « Est-ce le même système que celui qu’impose Macron ? »
Feher le dit clairement : c’est la même logique néolibérale, celle qui démantèle les droits sociaux et détruit l’industrie.supamurgeman : « Le Covid a-t-il ouvert les chakras libertariens et fascisants ? »
Feher estime que la gestion autoritaire de la pandémie a normalisé des restrictions tout en renforçant la défiance libertarienne.
pajakju : « Y a-t-il encore des démarches anti-trust ? »
Feher regrette la faiblesse des contre-pouvoirs et l’emprise des monopoles.
supamurgeman : « L’approche Forensic Architecture vous semble-t-elle encore possible ? »
Feher défend ces stratégies : investir tous les forums possibles, malgré la violence des contraintes économiques.
On ressort avec l’impression d’avoir assisté à la construction d’une pensée, pas à sa récitation.
Feher ne prétend pas tout savoir. Diagrammes n’est pas là pour dicter la ligne : il veut « offrir un outil » pour « ne pas se perdre dans le bruit ».Et cette lucidité qu’on retient : « Si on ne s’équipe pas pour penser ensemble, d’autres s’occuperont de nous dire quoi penser. »
Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par Rolland Grosso et la rédaction.
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