05.09.2025 à 20:22
Human Rights Watch
(Washington) – Le 4 septembre, le gouvernement des États-Unis, faisant suite aux sanctions précédemment imposées à des responsables de la Cour pénale internationale (CPI), a annoncé l’imposition de sanctions à trois organisations palestiniennes de défense des droits humains de premier plan : Al-Haq, le Centre Al-Mezan pour les droits humains (Al-Mezan) et le Centre palestinien pour les droits humains (PCHR).
Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch, a commenté ainsi cette décision :
« Les sanctions imposées par l’administration Trump à trois éminentes organisations palestiniennes de défense des droits humains constituent une tentative cruelle et vindicative de punir des activistes qui cherchent à défendre les victimes de crimes graves. Ces sanctions visent des défenseurs des droits humains qui demandent la reddition de comptes, dans des circonstances extrêmement difficiles, et font suite aux sanctions précédemment imposées par les Etats-Unis contre des juges et des procureurs de la CPI, ainsi que contre une experte des droits humains de l’ONU.
Les pays membres de la CPI devraient dénoncer les efforts croissants des États-Unis affaiblissant les principes de l’état de droit à l’échelle mondiale, et le travail des défenseurs des droits humains. Ces pays devraient soutenir l’adoption de statuts visant à bloquer de tels efforts, et prendre d’autres mesures afin de protéger la CPI, ainsi que les personnes qui comptent sur la Cour pour rendre justice pour les pires atrocités commises au monde. »
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05.09.2025 à 06:00
Human Rights Watch
Une dynamique de plus en plus positive est perceptible en faveur d’un nouveau traité mondial assurant le droit de chaque enfant à une éducation gratuite. Cette semaine, de nombreux pays se sont réunis au siège des Nations Unies à Genève pour faire avancer les négociations sur un protocole additionnel à la Convention relative aux droits de l’enfant.
Le protocole proposé comblerait un vide dans le droit international. La Convention garantit un enseignement gratuit au niveau du primaire, mais ne demande pas aux gouvernements de fournir un accès gratuit pour tous à l’enseignement secondaire. En outre, la Convention n’évoque pas le droit à l’éducation de la petite enfance. Le protocole reconnaîtrait le droit de chaque enfant à une éducation dès la petite enfance, et assurerait un enseignement public gratuit de la maternelle jusqu’à la fin du cycle d’études secondaire.
Le niveau de participation a été impressionnant : 92 pays ont répondu présent. L’initiative est menée par la Sierra Leone, le Luxembourg et la République dominicaine, soutenus par une coalition inter-régionale. Cinq nouveaux pays ont annoncé leur soutien, faisant passer à 58 le nombre d’États publiquement favorables à la promotion de l’initiative. En clôturant la réunion, son président, le ministre de la Sierra Leone – pays à bas revenus qui garantit déjà 13 années d’éducation gratuite – a lancé un important nouveau cycle de consultations pour discuter des principes essentiels, et établir les fondations du nouveau traité. Tous ces pays prévoient de se réunir à nouveau en 2026.
Plusieurs pays ont présenté des réformes qu’ils ont adoptées et qui changent déjà la vie des enfants. L’Espagne et la France ont souligné l’impact décisif de l’enseignement de la petite enfance ; ces deux pays ont mis en place trois ans d’enseignement gratuit dans les écoles maternelles. Le Ghana a signalé une hausse spectaculaire des inscriptions après avoir augmenté le nombre d’années d’enseignement gratuit au niveau secondaire en 2017, en particulier parmi les élèves issus de familles à revenus modestes. La Zambie a fait part de son adoption en 2022 de la gratuité de l’enseignement secondaire, tandis que l’Équateur mettait en lumière sa garantie constitutionnelle d’un enseignement public gratuit, y compris à l’université.
Ce qui rendrait ce nouveau traité unique est le rôle central tenu par des enfants dans son élaboration. Des enfants délégués venus de Croatie, d’Indonésie, du Libéria, du Mexique et du Royaume-Uni ont évoqué avec passion le fardeau que constituent les frais d’inscription et de scolarité pour les familles, et parlé de ce qui pourrait être accompli dans un monde où les enseignements pré-primaire et secondaire seraient réellement gratuits. Comme l’a dit Karen, une jeune Mexicaine de 16 ans : « Ce protocole aiderait des millions d’enfants à rester à l’école et serait un élément essentiel de réduction des inégalités. »
Le droit à une éducation gratuite est à portée de main, et les pays devraient maintenant faire de l’élaboration de ce traité une priorité. Roberto, 17 ans, du Libéria, l’a expliqué ainsi : « Ce qui le rend vraiment puissant est que nous, des enfants, avons participé au processus — nos voix devraient avoir un impact sur le produit final. »
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04.09.2025 à 16:40
Human Rights Watch
(Jakarta, 4 septembre 2025) – Les autorités indonésiennes ont arrêté plus de 3 000 personnes lors de la répression de manifestations antigouvernementales tenues à travers le pays depuis fin août, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités devraient enquêter de manière impartiale sur les allégations de recours excessif à la force par les forces de sécurité, notamment l’usage généralisé de gaz lacrymogènes visant à étouffer la dissidence et à dissuader la tenue de futures manifestations.
Le 25 août, des manifestations ont éclaté à Jakarta contre des avantages sociaux récemment annoncés pour les députés, ainsi que contre la hausse du coût de la vie et du chômage, provoquant des affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants. Après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo montrant un véhicule blindé de la police écrasant mortellement un chauffeur de taxi-moto, les manifestations se sont étendues à près de 50 villes du pays, dégénérant parfois en violences. Des activistes ont signalé au moins 10 morts, des centaines de blessés et 20 personnes « disparues ».
« Face aux manifestations contre les politiques gouvernementales, les autorités indonésiennes devraient s’abstenir de recourir à une force excessive et de détenir de manière abusive des manifestants », a déclaré Meenakshi Ganguly, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le président Prabowo devrait aussi reconnaître que dénoncer les motivations des manifestants ne fera qu'encourager les forces de sécurité à commettre des abus. »
Le 15 août, le gouvernement du président Prabowo Subianto a annoncé une allocation logement pour les législateurs, une mesure largement critiquée en raison des récentes mesures d'austérité gouvernementales, notamment des coupes budgétaires dans l'éducation, la santé et d'autres services. Des milliers d'étudiants, de lycéens et d'activistes se sont rassemblés devant le Parlement à Jakarta le 25 août.
Dans la soirée du 25 août, environ 1 500 policiers ont dispersé la manifestation à l'aide de canons à eau et de gaz lacrymogènes, appliquant ainsi une pratique policière interdisant les manifestations publiques après 18 heures. Des affrontements ont éclaté entre les manifestants et la police, faisant plusieurs blessés. Un ambulancier a déclaré à Human Rights Watch avoir porté secours à des manifestants souffrant de coupures et de brûlures causées par des gaz lacrymogènes. « J'ai vu deux jeunes hommes, probablement des élèves, se faire tabasser à l'intérieur d'un fourgon de police », a-t-il déclaré.
Le 28 août, de nombreux syndicats et groupes étudiants ont organisé de grandes manifestations à Jakarta et dans d'autres villes, principalement concentrées autour des bâtiments du parlement régional, pour réclamer des augmentations de salaires. Un journaliste économique a vu des cars remplis d'étudiants arriver devant le bâtiment du parlement à Jakarta. La manifestation était au début pacifique, les leaders étudiants prononçant des discours, jusqu'à ce que certains jettent des pierres sur la police et utilisent des bâtons de bambou pour tenter de briser le barrage. La Brigade mobile, la branche paramilitaire de la police utilisée pour le maintien de l'ordre et la lutte antiterroriste, a ensuite été déployée pour disperser les manifestants.
Les manifestations se sont propagées à d'autres quartiers, entraînant de nouveaux jets de pierres en raison de l'intervention policière. Un fourgon blindé de la police a mortellement percuté et renversé Affan Kurniawan, un conducteur de taxi-moto de 21 ans, avant de prendre la fuite à toute vitesse. « J'étais à moto et la camionnette roulait à toute vitesse sur ma gauche », a déclaré un témoin. « De nombreux conducteurs de motos en veste verte ont tenté de la suivre et de l'arrêter. »
Une employée de nettoyage a filmé l'incident sur son téléphone et l'a publié, ce qui a rapidement fait le tour des réseaux sociaux. Cela a déclenché de nouvelles manifestations, notamment de milliers de livreurs qui ont organisé des manifestations dans tout le pays. Le chef de la police nationale, le général Listyo Sigit, a présenté ses excuses et arrêté sept agents pour violation du code de déontologie policière.
Les manifestations se sont intensifiées dans tout le pays, avec des émeutes et des incendies criminels. Le 29 août, des manifestants présumés, après des affrontements avec la police, ont incendié des bureaux du gouvernement régional à Makassar, dans la province de Sulawesi du Sud, et à Mataram, sur l'île de Lombok. À Makassar, trois fonctionnaires pris au piège dans l'incendie sont morts, et des manifestants présumés ont battu à mort un chauffeur de moto-taxi qu'ils accusaient d'être un espion de la police. À Solo, dans la province de Java central, un chauffeur de cyclo-pousse est mort, semble-t-il, des suites d'une exposition aux gaz lacrymogènes tirés par la police.
Le 30 août, à Yogyakarta, sur l'île de Java, un étudiant a été battu à mort. Le 31 août, une foule a attaqué les domiciles de plusieurs députés et du ministre des Finances Sri Mulyani. Ailleurs, des manifestants ont lancé des pétards, des pierres et des cocktails Molotov sur la police, des bâtiments gouvernementaux, des gares et des passerelles piétonnes.
Le 1er septembre, la police antiémeute a tiré des gaz lacrymogènes sur des centaines d'étudiants qui campaient la nuit à l'Université de Pasundan et à l'Université islamique de Bandung, à Bandung, dans l'ouest de Java, après avoir participé à des manifestations. Des dizaines d'entre eux auraient été blessés. Un étudiant a ensuite récupéré 47 grenades lacrymogènes sur le campus de Pasundan.
Le président Prabowo a appelé au calme et a annoncé la suppression de certains avantages octroyés aux députés. Mais il aussi dénoncé, de manière infondée, des actes de « trahison » et de « terrorisme » et a déployé l'armée face aux manifestations. Certains étudiants et groupes de la société civile ont suspendu leurs manifestations pour « éviter une escalade de la violence de la part des autorités », mais des manifestations pacifiques se sont poursuivies à Jakarta et ailleurs. De nombreux manifestants et organisateurs sont entrés dans la clandestinité, craignant d'être arrêtés pour trahison ou terrorisme.
La police aurait arrêté arbitrairement au moins trois organisateurs de manifestations. Khariq Anwar, étudiant à l'Université de Riau à Sumatra, utilisait Instagram pour informer les manifestants. Syahdan Husein publiait des posts sur X pour organiser des manifestations dans le quartier de Gejayan à Yogyakarta, où se trouvent de nombreux établissements d'enseignement supérieur. Delpredro Marhaen, directeur exécutif de la Fondation Lokataru, basée à Jakarta, qui a procédé à 600 arrestations et fournissait une assistance juridique aux lycéens, a également été arrêté.
Les forces de sécurité ne devraient pas recourir à une force inutile ou excessive contre les manifestants, a déclaré Human Rights Watch. Si certaines actions des manifestants peuvent justifier le recours à la force, les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois prévoient que toutes les forces de sécurité doivent, dans la mesure du possible, recourir à des moyens non violents avant de recourir à la force. Lorsqu'un recours légal à la force est inévitable, les autorités doivent faire preuve de retenue et agir proportionnellement à la gravité de l'infraction. Les responsables de l'application des lois ne devraient pas utiliser d'armes à feu contre des personnes, sauf en cas de menace imminente de mort ou de blessure grave.
Les Lignes directrices des Nations Unies sur l'utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre (2020) stipulent que les gaz lacrymogènes ne doivent être utilisés que lorsque cela est nécessaire pour prévenir de nouvelles atteintes à l'intégrité physique, et ne doivent pas être utilisés pour disperser des manifestations non violentes.
Les autorités indonésiennes devraient enquêter rapidement et de manière impartiale sur tout recours inutile ou excessif à la force par la police et les autres forces de sécurité, et sanctionner ou poursuivre les responsables de ces abus, a déclaré Human Rights Watch. Les manifestants arrêtés devraient être rapidement inculpés d'une infraction valable ou immédiatement libérés.
« Le gouvernement indonésien devrait veiller à ce que les forces de sécurité respectent les droits de réunion pacifique, la liberté d'expression et le respect d'une procédure régulière », a conclu Meenakshi Ganguly. « L'armée ne devrait pas être utilisée pour le maintien de l'ordre civil, car elle est encore plus susceptible de recourir à la force de manière abusive. »
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