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09.05.2024 à 13:52

Malgré l’intensification de ses attaques en avril, l’armée russe ne progresse que marginalement

Marin Saillofest

Le ministère de la Défense britannique estime que les attaques russes ont augmenté de 17 % dans l’Est de l’Ukraine entre mars et avril 2024. Autour de Tchassiv Yar, celles-ci ont augmenté de 200 %. Malgré cela, la Russie a capturé moins de 86 km² de territoire ukrainien le mois dernier.

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Texte intégral (1024 mots)

En dépit d’un rapport de force à l’avantage des forces russes dans tous les domaines, Moscou n’a été en mesure de capturer que 85,85 km² de territoire ukrainien au cours du mois d’avril — soit moins de 0,01 % de la surface du pays. Si le rythme de progression russe a accéléré de 64 % par rapport à la moyenne novembre 2023-mars 2024, celui-ci demeure largement inférieur à l’année 2022.

  • Dans son point de situation quotidien du 9 mai, le ministère de la Défense britannique estime que les attaques russes ont augmenté de 17 % dans l’Est de l’Ukraine entre mars et avril 20241.
  • Autour de la ville du Donbass de Tchassiv Yar — que Moscou voulait capturer d’ici le 9 mai, selon Kiev —, Londres a observé une augmentation du nombre d’attaques de 200 % entre mars et avril.

La mise en miroir de ces chiffres ne transcrit qu’une réalité mathématique insuffisante pour traduire la complexité des logiques à l’œuvre sur le champ de bataille. Celle-ci ne peut par ailleurs pas servir de base à une quelconque anticipation de l’évolution future de la ligne de front. Cependant, on peut aisément en tirer la conclusion que les forces ukrainiennes ont réussi à tenir leurs positions tout en faisant face à l’une des périodes les plus critiques en matière de ressources depuis février 2022.

Le chef adjoint du renseignement militaire ukrainien Vadym Skibitsky reconnaît que les mois d’avril et mai sont particulièrement difficiles pour l’armée ukrainienne2. La situation pourrait néanmoins légèrement s’améliorer à partir du mois de juin.

  • Lors d’un entretien accordé à la chaîne allemande ARD, le président tchèque Petr Pavel a déclaré qu’il « partait du principe » qu’une première livraison de 180 000 obus d’artillerie devrait arriver en Ukraine au cours du mois prochain3.
  • Grâce aux financements octroyés à l’initiative lancée par Prague en février, environ 300 000 obus déjà produits auraient été localisés par la République tchèque. Ceux-ci se trouvent entre autres en Corée du Sud, en Turquie et en Afrique du Sud.
  • Récemment, des combattants ukrainiens — notamment des artilleurs — ont signalé que le rythme de ravitaillement en obus de leurs positions avait augmenté par rapport aux semaines et mois précédents4.
  • Ces munitions proviennent probablement du paquet d’assistance américaine dont les premières cargaisons ont commencé à arriver en Ukraine au début du mois de mai5.

Au-delà de l’augmentation actuelle et à venir de livraisons d’équipements et de munitions occidentales, des images satellites suggèrent que l’armée russe compense ses pertes matérielles en puisant dans ses réserves de véhicule plutôt qu’en fabriquant de nouvelles unités6. Depuis le début de l’invasion, les réserves de véhicules blindés de combat russes auraient diminué de presque 32 %. Selon l’International Institute for Strategic Studies, la Russie sera en mesure de poursuivre la guerre au rythme d’attrition actuel « pendant encore deux ou trois ans, voire plus »7.

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09.05.2024 à 12:02

Poutine : le nouveau visage du fascisme

Matheo Malik

« Ils voulaient le fascisme, ils l'ont eu ». C’est pour cette phrase que l’activiste Oleg Orlov, président historique de Memorial, est aujourd’hui emprisonné en Russie dans des conditions inhumaines. Des centaines d’autres connaissent le même sort.

Le fascisme de Poutine a une histoire longue. Dans un texte inédit, l’opposant russe Lev Ponomarev en dresse le tableau tout en portant un message d’espoir : plus le régime se radicalise, plus le changement devient inévitable.

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Texte intégral (11370 mots)

Alexeï NavalnyVladimir Kara-MurzaSerguei GourievEkaterina Duntsova… Alors que Poutine vient d’être investi pour un cinquième mandat à la tête de la Fédération de Russie et qu’il a aujourd’hui participé au « défilé de la Victoire » du 9-Mai, la revue donne régulièrement la parole à des voix russes pour penser l’après, sans tabous, sans naïveté — d’une manière structurante, pas structurée. Si vous pensez que ce travail mérite d’être soutenu, nous vous demandons de penser à vous abonner au Grand Continent.

Les origines du fascisme de Poutine en Russie

L’un des principaux facteurs ayant contribué à l’émergence du fascisme allemand dans les années 1930 a été le profond ressentiment généré par la défaite de l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale. En Russie, des émotions similaires ont été suscitées par l’effondrement de l’Union soviétique et la défaite dans la guerre froide contre les démocraties de l’Ouest, accompagnées de bouleversements économiques et sociaux et d’une restructuration complète de la vie des gens. 

Le ressentiment a été cultivé par les services de sécurité russes, qui ont conservé la continuité des services soviétiques. Ce sont les héritiers du KGB soviétique qui se sont le plus fortement sentis perdants et ont nourri un désir de revanche. Pendant la période des transformations démocratiques, le nouveau gouvernement n’a pas procédé à une lustration complète de ces structures ; de nombreux acteurs majeurs des services de sécurité ont pu conserver leurs positions et leur influence après l’effondrement de l’Union soviétique. Depuis 1917, malgré le récent changement de nom du KGB en FSB, l’essence fondamentale de cette structure, principalement axée sur l’élimination des opposants idéologiques et la guerre froide avec le monde démocratique, est restée inchangée.

Ce sont les héritiers du KGB soviétique qui se sont le plus fortement sentis perdants et ont nourri un désir de revanche.

Lev Ponomarev

Le FSB et Vladimir Poutine ont personnellement mis l’accent sur la préservation des « traditions historiques » et la protection de l’État contre les « fauteurs de troubles ». Dans la pratique, cela a signifié une continuité totale avec le KGB. Les masques ont finalement sont finalement tombés en 2017 lorsque les services de sécurité russes ont officiellement célébré le 100e anniversaire des services de sécurité russes. L’expérience de la Grande Terreur de Staline a été réinterprétée en termes d’« ambiguïté » et de « temps difficiles », et la principale erreur a été proclamée comme étant l’extension de la répression de 1937 aux services de sécurité eux-mêmes.

Les chercheurs qui étudient les régimes totalitaires soviétique et allemand attirent l’attention sur une différence importante : le totalitarisme soviétique visait essentiellement à combattre les « ennemis intérieurs » et à assimiler les peuples indigènes qui habitaient le territoire de l’empire socialiste. L’extermination de masse de populations sur le territoire de l’Union soviétique était justifiée par la nécessité de créer un nouveau type de société, la formation de ce que l’on appelle « l’homme soviétique ». Le fascisme allemand, quant à lui, s’est concentré sur l’extermination de ceux qu’il considérait comme des représentants de races « inférieures », principalement les Juifs et les Roms, ainsi que les Slaves sur les territoires occupés. 

L’autoritarisme russe contemporain a réussi à emprunter bon nombre des pratiques et des récits de ces deux régimes monstrueux et destructeurs du passé. Officiellement, le régime de Poutine utilise la rhétorique du chauvinisme, le concept d’un « monde russe » et d’un peuple russe divisé, et incite à la haine selon des lignes nationales. Au cours de la guerre à grande échelle contre l’Ukraine, cette propagande s’est traduite par de véritables persécutions et brimades, allant jusqu’à l’extermination de personnes pour des motifs nationaux ou idéologiques.

Officiellement, le régime de Poutine utilise la rhétorique du chauvinisme, le concept d’un « monde russe » et d’un peuple russe divisé, et incite à la haine selon des lignes nationales.

Lev Ponomarev

La probabilité d’un régime néo-fasciste en Russie n’aurait peut-être pas été élevée si le pouvoir de Boris Eltsine n’était pas passé à Vladimir Poutine, officier du FSB et du KGB. Ce moment historique est un exemple clair de l’influence de la personnalité sur le choix de la trajectoire historique.

Premiers pas vers l’instauration d’un régime autoritaire en Russie

La montée au pouvoir de Poutine a été préfigurée par la décision de Boris Eltsine de le nommer comme son successeur. Poutine a été élu président le 7 mai 2000 après qu’Eltsine l’eut préapprouvé en tant que président du gouvernement russe — le 17 août 1999 — afin de renforcer sa position.

Les préparatifs du FSB en vue de l’accession de Poutine à la présidence comprenaient l’organisation de la deuxième guerre de Tchétchénie, qui a débuté le 7 août 1999. Certains experts accusent le FSB d’avoir joué un rôle clef dans l’organisation des attentats à la bombe contre des immeubles résidentiels à Buynaksk, Moscou et Volgodonsk entre le 4 et le 13 septembre, qui ont fait 307 morts et 1 700 blessés. Ces événements ont créé un prétexte convaincant pour la guerre et une situation d’urgence à la veille des élections, maximisant ainsi l’avantage électoral de Poutine.

Le climat d’état d’urgence informel associé à la deuxième guerre de Tchétchénie a persisté tout au long des deux premiers mandats de la présidence de Poutine. Les opérations de sécurité se sont poursuivies dans le Caucase — les attaques terroristes dans les villes russes également. 

Vladimir Poutine assiste à un service d’action de grâce du patriarche Kirill de l’Église orthodoxe russe de Moscou et de toutes les Russies, à la cathédrale de l’Annonciation du Kremlin de Moscou, le jour de son investiture pour un cinquième mandat. © Alexei Maishev/TASS/Sipa USA

La prise d’otages du centre théâtral de Dubrovka, le 23 octobre 2002, où plus de 900 personnes ont été prises en otage par des militants tchétchènes, a constitué un événement marquant. Ce fut le premier test sérieux pour Poutine. Il a décidé d’assurer la destruction des terroristes, négligeant la tâche de sauver la vie des otages. Les forces spéciales ont utilisé du gaz « soporifique », ce qui a entraîné la mort non seulement de terroristes, mais aussi d’otages. Parmi les otages qui ont perdu la vie, beaucoup sont morts aussi parce que les forces de sécurité n’ont pas fourni aux médecins des informations sur la formule secrète du gaz soporifique.

Le climat d’état d’urgence informel associé à la deuxième guerre de Tchétchénie a persisté tout au long des deux premiers mandats de la présidence de Poutine.

Lev Ponomarev

Le 1er septembre 2004, un autre événement choquant se produit : la prise de l’école de Beslan, où des terroristes ont pris en otage 1 200 personnes. L’assaut a fait 334 victimes, dont 186 enfants morts en partie à cause des actions des forces spéciales pendant l’assaut.

Dans le contexte de ces tragédies, le premier mandat présidentiel de Poutine a marqué une nette tendance à la réduction de la liberté d’expression et au renforcement de la censure des médias, ainsi qu’à l’abolition d’un certain nombre de libertés démocratiques. La chaîne de télévision NTV, qui avait critiqué Poutine, a été perquisitionnée et les élections directes des gouverneurs ont été abolies. La suppression de l’indépendance économique et de l’opposition politique a été symbolisée par l’affaire Ioukos, qui s’est terminée par la condamnation de Mikhaïl Khodorkovski et de Platon Lebedev à dix ans de prison, tous deux reconnus par les militants russes des droits de l’homme comme des prisonniers politiques.

Le procès de Ioukos, accompagné de nombreuses violations, a inauguré une ère de répression politique et l’émergence de prisonniers politiques dans la Russie moderne. Poutine a non seulement puni les hommes d’affaires les plus puissants du pays ayant des ambitions politiques, mais il a également consolidé son contrôle sur les secteurs clefs de l’économie, inaugurant une ère d’autoritarisme et de suppression systématique des institutions démocratiques en Russie. Dans le même temps, la pénétration des forces de sécurité dans tous les secteurs clés de l’économie et de l’administration de l’État s’est accrue.  

Un autre marqueur du poutinisme a été les meurtres démonstratifs d’opposants de premier plan aux siloviki et à Poutine. On ne citera ici que les exemples les plus frappants.

La journaliste de Novaya Gazeta, Anna Politkovskaïa, a été abattue en 2006. Cet assassinat a été commis, comme par défi, le jour de l’anniversaire de Poutine. Si les auteurs ont été retrouvés, les commanditaires ne l’ont jamais été. Poutine avait fait le commentaire cynique que « la mort de Politkovskaya a fait plus de mal qu’elle n’en avait fait de son vivant », essayant ainsi d’expliquer que ce n’était pas lui qui avait ordonné le meurtre.

L’avocat et militant de gauche Stanislav Markelov et la journaliste Anastasia Baburova ont été assassinés dans le centre de Moscou en 2009. Comme Anna Politkovskaïa, Stanislav Markelov défendait les Tchétchènes contre les crimes commis par des soldats en Tchétchénie. Il s’est avéré que les auteurs du crime étaient des nationalistes russes radicaux ayant des contacts directs avec l’administration présidentielle.

La même année, en 2009, Natalia Estemirova, employée de Memorial, a été assassinée. Politkovskaïa, Babourova, Markelov et Estemirova ont également collaboré à Novaya Gazeta. Tous ont couvert les disparitions forcées et les crimes de guerre dans la zone de guerre en Tchétchénie et dans d’autres régions du Caucase.

Un marqueur du poutinisme a été les meurtres démonstratifs d’opposants de premier plan aux siloviki et à Poutine.

Lev Ponomarev

L’opposant Boris Nemtsov a été assassiné dans le centre de Moscou en 2015 devant le Kremlin, dans la zone de responsabilité de la sécurité du Kremlin et de la couverture maximale de la vidéosurveillance. Boris Nemtsov était un candidat potentiel à la présidence russe, même sous Eltsine, et aurait pu concourir à l’élection présidentielle contre Poutine en 2018. L’enquête sur ce meurtre a été ralentie autant que possible par les services de sécurité. Les auteurs les plus modestes ont été punis. Les enquêteurs n’ont pas pu s’approcher des organisateurs, les autorités ne le leur ont pas permis, car les organisateurs faisaient partie du cercle du chef de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov. 

Le dernier massacre politique mondialement connu est l’assassinat du leader de l’opposition démocratique russe Alexeï Navalny dans la colonie de Kharp. Ce meurtre avait été précédé d’une tentative infructueuse d’empoisonnement au Novitchok, un poison militaire, en 2020. 

Répression politique et prisonniers politiques

Le concept de « prisonniers politiques » est devenu courant en Russie après l’arrivée au pouvoir de Poutine. 

La liste des prisonniers politiques est établie par Memorial depuis une vingtaine d’années. Mais aujourd’hui, nous avons non seulement des centaines de prisonniers politiques sur la liste de Memorial, mais aussi des milliers de personnes soumises à la répression politique qui, pour diverses raisons, n’ont pas été incluses dans ces listes. Nous nous concentrerons sur les cas les plus marquants, illustrant les principales étapes du développement de la répression jusqu’au passage à des pratiques ouvertement fascistes après le 24 février 2022.

Sous Boris Eltsine, la répression politique en tant que phénomène systémique était pratiquement absente. Il y avait eu des cas individuels de persécution, mais ils n’ont pas pris fin et des personnes sont restées en liberté. La société civile et les défenseurs des droits de l’Homme ont cherché à atténuer les peines. Mais la première guerre de Tchétchénie a sérieusement ébranlé les jeunes institutions démocratiques qui avaient émergé au début des années 1990, préparant l’accession au pouvoir du lieutenant-colonel du FSB. 

Sous Poutine, la répression a commencé par la persécution de ses critiques et opposants publics les plus en vue, et s’est progressivement étendue à tous ceux qui défendent des positions qui ne vont pas dans le sens du maintien au pouvoir de Poutine.

La première guerre de Tchétchénie a sérieusement ébranlé les jeunes institutions démocratiques qui avaient émergé au début des années 1990, préparant l’accession au pouvoir du lieutenant-colonel du FSB.

Lev Ponomarev

Les répressions politiques en Russie doivent être comprises comme des poursuites pénales menées par les autorités en violation des lois, de la Constitution et des droits des personnes persécutées. Elles visent à la fois les opposants individuels aux autorités et des communautés entières de personnes unies par des opinions ou des activités civiques communes. Les principaux objectifs des répressions sont de supprimer les activités publiques des personnes déloyales et d’intimider tous les autres en empêchant la diffusion d’informations dans la société qui sont gênantes pour les autorités. En même temps, les victimes des répressions sont souvent des personnes ciblées arbitrairement qui deviennent la proie des siloviki dans leur quête de l’honneur.  

Il est important de comprendre que toute persécution politique dans la Russie moderne est sciemment illégale, même si elle est menée sur la base de lois spécialement adoptées. Leur signification « légale » consiste essentiellement à déclarer que les activités pacifiques et légales dans le cadre de la Constitution sont un délit. Dans le même temps, aucune des personnes persécutées en Russie ne peut compter sur une enquête objective, un procès équitable, le respect de sa dignité et la protection de ses droits.

Parmi les personnes persécutées en Russie aujourd’hui, on compte des milliers de personnes ayant des opinions politiques différentes, des nationalités différentes, des niveaux d’exposition différents, des professions différentes et ayant mené des  actions différentes. La plupart d’entre elles subissent des pressions, des intimidations, des mauvais traitements, voire des tortures, sont contraintes de s’avouer coupables et ne bénéficient pas d’une assistance juridique normale, qui, dans les conditions actuelles, est soit très difficile, soit impossible. 

Les premières grandes répressions politiques ont visé une organisation appelée le Parti national bolchevique (PNB). Ses membres organisaient régulièrement des actions qui, selon la législation de l’époque, pouvaient seulement être sanctionnées administrativement. Cependant, les militants du PNB ont été inculpés sur la base d’articles pénaux dans le but d’exercer une pression et de liquider l’organisation. Un certain nombre d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison. Les militants des droits de l’homme les ont défendus en dépit de leurs désaccords avec les membres du PNB qui niaient de nombreuses valeurs liées aux droits de l’homme. Le parti PNB a finalement été reconnu comme une organisation extrémiste et a été interdit.

Aucune des personnes persécutées en Russie ne peut compter sur une enquête objective, un procès équitable, le respect de sa dignité et la protection de ses droits.

Lev Ponomarev

En décembre 2011, des élections législatives ont eu lieu en Russie. L’opposition non parlementaire a réussi à attirer l’attention du public sur cette campagne électorale. Des milliers de personnes sont devenues des observateurs bénévoles dans les bureaux de vote. Les résultats des élections ont révélé un grand nombre de fraudes en faveur du parti au pouvoir. La société russe a réagi en organisant des manifestations de masse dans des dizaines de grandes villes du pays.

Dans le même temps, l’opinion publique a protesté contre l’intention de Vladimir Poutine de briguer un troisième mandat. En 2008, Poutine s’est retiré de la présidence conformément à la Constitution et a désigné Dmitri Medvedev comme son successeur. Le premier mandat de Medvedev a permis de revitaliser de nombreuses institutions démocratiques qui avaient été opprimées sous Poutine. L’opinion publique s’attendait à ce que  Medvedev brigue un second mandat pour poursuivre la restauration de la démocratie mais en septembre 2011, il a annoncé de manière inattendue qu’il ne se présenterait pas pour un second mandat et a désigné Vladimir Poutine comme son colistier, lui offrant une « casquette » de premier ministre. Cette « casquette » a permis à Poutine de contourner la limitation constitutionnelle du pouvoir présidentiel à deux mandats consécutifs.

Pour protester contre le retour de Poutine en mai 2012, l’opposition a organisé de grandes manifestations dans le centre de Moscou. Au cours de ces manifestations, la police a provoqué un affrontement avec des manifestants pacifiques sur la place Bolotnaya. Les autorités ont déclaré que les affrontements avaient été organisés à l’avance et délibérément par l’opposition. Quelque 400 personnes ont été arrêtées et plus de 30 d’entre elles ont été accusées de violence contre des policiers et d’émeute, et condamnées en vertu d’articles pénaux. La peine maximale d’emprisonnement était de 6,5 ans, et de nombreux accusés de l’affaire Bolotnaya ont passé plusieurs périodes dans des centres de détention provisoire et des prisons. 

Vladimir Poutine assiste à un service d’action de grâce du patriarche Kirill de l’Église orthodoxe russe de Moscou et de toutes les Russies, à la cathédrale de l’Annonciation du Kremlin de Moscou, le jour de son investiture pour un cinquième mandat. © Alexei Maishev/TASS/Sipa USA

Lors des événements en Ukraine connus sous le nom de « Révolution de la dignité », de l’annexion de la Crimée et du déclenchement de la guerre dans l’est de l’Ukraine, la Russie a commencé à mettre en place un système rigide de propagande d’État et de censure. De nombreuses techniques « classiques » des régimes totalitaires du passé et des récits nationaux-patriotiques ont été réintroduites dans la propagande, et la plupart des grandes rédactions ont été poussées à soutenir la nouvelle ligne gouvernementale. Il s’en est suivi une importante vague de répression contre les mouvements nationalistes déloyaux envers le gouvernement qui ne soutenaient pas la « politique de Crimée » de Poutine. Les personnes qui ont tenté d’enquêter sur l’implication de la Russie dans les combats au Donbass et sur la mort de militaires russes dans cette région ont également été persécutées. Des affaires pénales au titre des articles sur l’extrémisme et les « appels au séparatisme » ont été engagées contre des militants ordinaires qui soutenaient activement l’Ukraine. Plusieurs affaires de terrorisme très médiatisées ont été portées contre des Ukrainiens en Crimée annexée, l’un des « terroristes » étant le célèbre réalisateur ukrainien Oleg Sentsov.

De nombreuses techniques « classiques » des régimes totalitaires du passé et des récits nationaux-patriotiques ont été réintroduites dans la propagande, et la plupart des grandes rédactions ont été poussées à soutenir la nouvelle ligne gouvernementale.

Lev Ponomarev

Au tournant de l’année 2017-2018, les répressions ont atteint un nouveau degré, touchant non seulement les opposants politiques manifestes au régime, et aussi ceux qui n’étaient pas directement impliqués dans la politique, mais qui n’étaient pas idéologiquement alignés sur les autorités. D’autre part, les autorités étaient extrêmement inquiètes de l’intention de Navalny de se présenter à la présidence en 2018 et de la série d’enquêtes sur la corruption très médiatisées qu’il avait publiées et qui furent suivies de manifestations de masse dans de nombreuses villes russes.

Les autorités russes ont commencé à créer un système dans lequel la diversité idéologique était complètement subordonnée au pouvoir. Ce faisant, elles se sont sérieusement concentrées sur les jeunes qui s’intéressaient à Navalny et auxquels les récits conservateurs des autorités étaient étrangers.

Plusieurs groupes d’anarchistes et d’antifascistes de Saint-Pétersbourg et de Penza, adeptes de la randonnée et du strikeball, ont été accusés de planifier des attaques terroristes à l’occasion de l’élection présidentielle et de la Coupe du monde de football, qui devaient avoir lieu en 2018. Il en est résulté une affaire criminelle très médiatisée concernant une organisation terroriste, connue sous le nom d’affaire Seti (Réseaux). Les accusés dans cette affaire ont été torturés à l’aide de décharges électriques afin de s’incriminer eux-mêmes et leurs amis. Malgré l’exposition publique de la torture et une grande implication de l’opinion publique, les jeunes hommes ont été condamnés à de lourdes peines allant de 6 à 18 ans d’emprisonnement. Les juges ont complètement ignoré les allégations de torture. 

Parallèlement, une autre affaire très médiatisée a vu le jour à Moscou en 2018. Elle concernait l’organisation extrémiste « Novoye velitchie » (Nouvelle grandeur). Elle est devenue un exemple frappant d’agents du FSB infiltrant des groupes de jeunes protestataires et provoquant des conversations et des actions au sein de ces groupes, qui pouvaient alors être officiellement présentés comme extrémistes. L’accusation dans l’affaire Novoye Velichiye s’est fondée sur le témoignage d’un agent du FSB infiltré dans un forum pour jeunes. On sait qu’il les a en fait manipulés en les poussant à l’adoption d’une charte qui correspondait aux signes formels d’une organisation extrémiste.

La répression des minorités religieuses en Russie, qui s’est également produite à peu près à la même époque, s’est fortement intensifiée. Par exemple, le mouvement islamiste Hizb ut-Tahrir en Russie a été reconnu comme une organisation terroriste pendant le premier mandat de Poutine en 2003. Mais aucun fait de terrorisme proprement dit n’a été cité pour justifier cette décision. Au fil du temps, le nombre de personnes poursuivies et les peines d’emprisonnement ont augmenté, mais pas une seule affaire contre Hizb ut-Tahrir impliquant la préparation ou la participation à un acte terroriste n’a vu le jour. Les peines prononcées à l’encontre de personnes totalement pacifiques prêchant l’islam ont commencé à s’échelonner entre 10 et 27 ans. Une forte augmentation des arrestations a commencé après l’annexion de la Crimée en 2014. En effet, Hizb ut-Tahrir est une organisation autorisée en Ukraine et, après l’annexion de la Crimée, ses partisans sont instantanément devenus des « terroristes » en Russie . Le groupe le plus important de personnes persécutées dans ces affaires était celui des Tatars de Crimée. Ils ont été persécutés en grande partie en raison de leur « déloyauté » envers les autorités d’occupation — et le principal moyen d’« enquête » sur ces affaires était la torture brutale. 

L’accusation dans l’affaire Novoye Velichiye s’est fondée sur le témoignage d’un agent du FSB infiltré dans un forum pour jeunes. On sait qu’il les a en fait manipulés en les poussant à l’adoption d’une charte qui correspondait aux signes formels d’une organisation extrémiste.

Lev Ponomarev

La nature véritablement massive de la répression des éléments religieux étrangers s’est également manifestée à l’égard des Témoins de Jéhovah. Pour la première fois, les autorités ont commencé à tenter de fermer des communautés sans engager de poursuites pénales dès le premier mandat de  Poutine, en 2004. Toutefois, jusqu’à la mi-2017, il s’agissait de litiges, dont certains ont même été remportés par les avocats de cette communauté. Depuis 2017, l’organisation mère des Témoins de Jéhovah a été reconnue comme extrémiste, et des dirigeants et membres de la communauté ont été poursuivis. À ce jour, plus de 500 affaires pénales et près d’une centaine de personnes emprisonnées sont connues. Des cas de torture ont également été enregistrés.

Malgré les efforts des défenseurs des droits de l’Homme, la société n’a pas été alarmée par ces répressions massives et si absurdement brutales. Cela s’explique par le fait que ces répressions n’ont pas touché la majeure partie de la population et que celle-ci n’en était généralement pas consciente. 

La base législative de la répression avant l’invasion de l’Ukraine

Après les manifestations de 2012, le gouvernement russe, dans une tentative d’endiguer la nouvelle vague de mécontentement, a radicalement modifié le cadre juridique dans le sens d’un contrôle plus strict des activités publiques et des activités liées aux droits de l’homme.

Ce processus s’est déroulé en plusieurs étapes :

  • Renforcement des lois régissant la liberté de réunion ;
  • Renforcement des lois sur la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme ;
  • Adoption d’une loi sur les « organisations indésirables » ;
  • Adoption et renforcement progressif des lois sur les « agents étrangers ».

Depuis 2017-2018 environ, les concepts de terrorisme et d’extrémisme, déjà interprétés de manière large, devenaient encore plus englobants et plus abstraits, et la liste des articles pénaux pertinents a été élargie. Dans le même temps, les articles « terroristes » ont été transférés à la compétence des tribunaux militaires et exclus des procès avec jury. Les personnes inculpées en vertu d’articles terroristes et extrémistes ont été inscrites sur les listes d’extrémistes et de terroristes avant même le verdict du tribunal, ce qui a entraîné le blocage immédiat de leurs comptes bancaires.

Les appels à la violence, à l’incitation à la haine ou à l’hostilité ne sont plus des attributs obligatoires d’une « activité extrémiste ». En 2021, les appels à des manifestations pacifiques non coordonnées avec les autorités et les critiques insignifiantes à l’encontre des autorités considérées en tant qu’« incitation à la haine ou à l’hostilité » contre leurs représentants étaient déjà considérés comme de l’extrémisme. De même, la notion d’« activité terroriste » a perdu son lien obligatoire avec la mise en œuvre et la préparation d’attentats terroristes, pour se transformer en une participation formelle à une « activité terroriste » abstraite, par exemple sur la base d’un tract ou d’un badge prétendument trouvé en votre possession lors d’une perquisition.

La notion d’« activité terroriste » a perdu son lien obligatoire avec la mise en œuvre et la préparation d’attentats terroristes, pour se transformer en une participation formelle à une « activité terroriste » abstraite, par exemple sur la base d’un tract ou d’un badge prétendument trouvé en votre possession lors d’une perquisition.

Lev Ponomarev

Les lois sur l’extrémisme et le terrorisme ont été activement utilisées pour poursuivre des personnes pour des déclarations faites sur Internet. L’article sur la « justification du terrorisme », qui prévoit jusqu’à six ans d’emprisonnement pour toute personne exprimant une opinion ambiguë sur ce que les autorités russes ont qualifié de terrorisme, est devenu le plus populaire. Selon le projet Avtozak LIVE, plus de 350 personnes en Russie sont poursuivies en vertu de cet article, dont plus de 100 ont déjà été condamnées à une peine d’emprisonnement.

Les notions d’organisation ou de communauté extrémiste ou terroriste, ainsi que la participation à leurs activités, ont également été interprétées de la manière la plus large possible. La notion de « communauté » a permis d’abandonner les signes formels d’existence d’une organisation, tels que charte, organes de direction, répartition des rôles, etc. tels que définis par la pratique judiciaire. 

Vladimir Poutine assiste à un service d’action de grâce du patriarche Kirill de l’Église orthodoxe russe de Moscou et de toutes les Russies, à la cathédrale de l’Annonciation du Kremlin de Moscou, le jour de son investiture pour un cinquième mandat. © Alexei Maishev/TASS/Sipa USA

L’exemple le plus frappant est la persécution des organisations et des partisans d’Alexeï Navalny en 2021.

Les enquêtes de la fondation anticorruption FBK révélant l’ampleur de la corruption dans les plus hautes sphères du pouvoir ont suscité un vaste tollé. Percevant Alexeï Navalny comme un véritable rival, Vladimir Poutine a autorisé l’empoisonnement de Navalny avec le poison militaire secret Novitchok en août 2020. Après être tombé dans le coma, Navalny a été évacué de Russie, ce qui lui a sauvé la vie. Une enquête approfondie, menée avec la participation de Navalny, a révélé tous les détails de l’empoisonnement, y compris les noms des officiers du FSB qui ont organisé le crime. Des faits concernant d’autres tentatives d’empoisonnement d’opposants, dont Dmitry Bykov et, à deux reprises, Vladimir Kara-Murza, ont aussi été rendus publics. Aux yeux des citoyens russes, Poutine et les services de sécurité ont acquis une image de plus en plus cruelle et inhumaine.

En janvier 2021, Alexeï Navalny, partiellement remis de son empoisonnement, a pris la décision de principe de retourner en Russie. À son arrivée à l’aéroport de Moscou, il a été arrêté par les forces de sécurité sur le champ et pour des motifs peu convaincants. Les partisans d’Alexeï Navalny ont réagi en organisant une série de manifestations pacifiques de masse à Moscou et dans d’autres villes russes. Après cela, les autorités, dans un procès fermé au public, ont déclaré que le FBK et l’ensemble des structures politiques de Navalny étaient une « organisation extrémiste » et ont engagé des poursuites pénales massives à l’encontre des associés de l’homme politique.

Mais les autorités ne se sont pas contentées de dissoudre le FBK et les structures régionales de Navalny ; elles ont également adopté une série de lois visant les partisans ordinaires de Navalny dans leurs droits et introduisant une rétroactivité de la loi à leur encontre. Actuellement, tout citoyen russe qui a soutenu Alexeï Navalny et ses organisations, même dans le passé, par exemple en participant à des rassemblements ou en faisant des dons, peut à tout moment se voir infliger jusqu’à six ans de prison en tant que « membre d’une communauté extrémiste ». Il n’y a pas plus de 30 cas de ce type dans le pays, mais leur nature est telle que beaucoup de gens doivent avoir peur.

Actuellement, tout citoyen russe qui a soutenu Alexeï Navalny et ses organisations, même dans le passé, peut à tout moment se voir infliger jusqu’à six ans de prison en tant que « membre d’une communauté extrémiste ».

Lev Ponomarev

Une autre grande organisation de protestation qui a été défaite en 2021 est le mouvement « Open Russia », associé à Mikhail Khodorkovsky. Ce mouvement était soumis à la loi sur les « organisations indésirables », qui interdit les activités en Russie et ouvre la possibilité de poursuites pénales pour avoir organisé les activités d’une « organisation indésirable ». Nous n’avons connaissance que de 30 cas de ce type. Fondamentalement, cette loi vise à priver les ONG et les médias de la possibilité de travailler en Russie et à rendre aussi difficile que possible la diffusion de leurs documents.

En particulier, le projet de défense des droits de l’homme « Komanda 29 », qui défendait les personnes poursuivies dans des affaires de trahison d’État et de secrets d’État, a été fermé en tant qu’« organisation indésirable ». Dans ces cas également, les notions ont été resserrées et élargies : la trahison d’État a commencé à couvrir pratiquement toute activité interprétée arbitrairement comme menaçant la capacité de défense du pays, et la divulgation de secrets d’État a cessé de dépendre de l’admission ou de la connaissance d’informations classifiées. Mais les poursuites engagées en vertu de ces articles, bien que caractérisées par la brutalité et la fermeture absolue au public, n’ont pas été généralisées avant le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie. 

Les lois sur les « agents étrangers », initialement destinées à stigmatiser et à diaboliser le mouvement des droits de l’homme, se sont progressivement transformées en un puissant outil de répression. La propagande d’État a activement inculqué l’idée que les défenseurs des droits de l’homme étaient hostiles, les présentant comme des « ennemis du peuple ». Sous la pression des nouvelles lois et en raison de l’impossibilité de trouver un financement interne, de nombreuses ONG ont été contraintes de cesser leurs activités. Au fil du temps, non seulement les ONG, mais aussi les médias et même les particuliers ont commencé à être reconnus comme des agents étrangers. Les restrictions imposées aux agents étrangers ont été progressivement renforcées et sont devenues de plus en plus absurdes. 

Des dizaines d’organisations et de publications et des centaines de personnes figurent désormais dans le registre des agents étrangers. Des caractéristiques telles que le financement étranger et l’activité politique ne sont plus requises pour figurer dans ce registre. Presque tous les hommes politiques, les militants des droits de l’Homme, les personnalités culturelles et les artistes déloyaux envers les autorités figurent aujourd’hui sur la liste des agents étrangers. Le non-respect des exigences de la législation sur les agents étrangers, y compris les exigences relatives à l’étiquetage désobligeant de tout message public, jusqu’aux commentaires sur les réseaux sociaux, est passible non seulement de lourdes amendes, mais aussi de poursuites pénales pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. On sait qu’au moins 13 affaires pénales de ce type ont été ouvertes en Russie. 

La répression ciblée des organisations de la société civile a culminé avec les décisions des tribunaux russes de liquider les principales organisations de défense des droits de l’homme, notamment le Mouvement pour les droits de l’homme (2019), le Memorial international (2021) et le Centre des droits de l’Homme de Mémorial (2022). Leur liquidation était un acte symbolique soulignant le recul décisif de la Russie vers des formes autoritaires de gouvernance. L’un des motifs de liquidation était la référence à des violations formelles et évitables de la loi sur les agents étrangers.

Les lois sur les « agents étrangers », initialement destinées à stigmatiser et à diaboliser le mouvement des droits de l’homme, se sont progressivement transformées en un puissant outil de répression.

Lev Ponomarev

Alors qu’octobre 2022, le prix Nobel de la paix est décerné à Memorial, dissous en Russie, quelques mois plus tard en 2023, le Centre Sakharov et le Groupe Helsinki de Moscou sont également démantelés .

Le 24 février 2022 et l’instauration du fascisme en Russie

Tout ce que nous venons de rappeler a pris des proportions horribles après le début de la guerre à grande échelle contre l’Ukraine. Le cadre juridique de la répression et de la censure s’est élargi, les peines sont devenues plus sévères, l’arbitraire et l’anarchie ont tout contaminé. Les violences policières et les abus sur les détenus se sont multipliés, les pressions et les tortures sont devenues un phénomène systématique, encouragé par la propagande et ne rencontrant aucune opposition au niveau officiel.

Avec le déclenchement de la guerre, la censure militaire a été de facto introduite en Russie. Des dizaines de milliers de personnes ont été placées en détention, soumises à des sanctions administratives, à des menaces et à des pressions en raison de leur position contre la guerre. Des centaines de personnes ont fait l’objet de poursuites pénales pour avoir tenu des propos anti-guerre en vertu des articles sur les « fakes news sur l’armée » (jusqu’à 10 ans de prison) et sur le « discrédit de l’armée » (jusqu’à 3 ans de prison). De nombreuses autres personnes ont fait l’objet de poursuites pénales sévères en vertu d’articles sur la trahison d’État, le terrorisme et le sabotage. Dans ces cas, la torture est utilisée, les procès se déroulent à huis clos et les peines peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement à vie. Il n’est pas rare que des mineurs ou des retraités particulièrement âgés soient poursuivis sur la base de tous ces articles, et une tentative d’incendie d’un centre de recrutement militaire est qualifiée de terrorisme. L’ampleur réelle de ces répressions dépasse la capacité des militants des droits de l’Homme et des journalistes à identifier de nouveaux épisodes de répression. Il est difficile d’évaluer l’ampleur de la répression contre les citoyens ukrainiens dans les territoires occupés. Toutes ces répressions sont dues à la guerre.

Il est important de comprendre comment la Russie a abordé cette guerre. Au printemps 2020, Poutine a effectivement annoncé son intention de gouverner à vie et a lancé des amendements constitutionnels pour garantir que ses mandats présidentiels seraient « annulés » et qu’il pourrait se présenter à la présidence en 2024 et 2030, en violation d’une interdiction constitutionnelle explicite. L’introduction des amendements et leur adoption par un vote national ont violé de manière flagrante la Constitution russe et les lois existantes, le vote s’est déroulé en dehors du cadre légal et ses résultats ont été falsifiés. 

Mais la popularité de Poutine a continué à baisser, les problèmes sociaux n’étant pas résolus et l’économie stagnant. La demande de changement est de plus en plus présente, se manifestant par le soutien direct à tous les niveaux des Russes aux opposants des autorités lors des élections.

Après le 24 février, le cadre juridique de la répression et de la censure s’est élargi, les peines sont devenues plus sévères, l’arbitraire et l’anarchie ont tout contaminé. 

Lev Ponomarev

En conséquence, en 2022, Poutine a décidé de lancer une agression à grande échelle contre l’Ukraine. Il est possible que cette guerre ait été largement prédéterminée par le désir de Poutine de regagner le soutien et le contrôle perdus, en jouant sur la nostalgie de l’ancienne génération pour l’Union soviétique et l’image d’une Russie forte et grande.

Poutine peut être qualifié de « président de la guerre ». Il a commencé sa carrière présidentielle avec la guerre en Tchétchénie. En 2008, il a lancé la guerre de la Russie contre la Géorgie. En 2014, il s’est emparé de la Crimée et a déclenché la guerre dans le Donbass. Le 24 février 2022, il a envahi l’Ukraine. Il est difficile d’évaluer aujourd’hui à quel point il a failli réussir, mais à un moment donné, ses troupes ont menacé Kyiv. Elles ont été repoussées, rencontrant une résistance féroce sur toute la ligne de front.

Après deux ans de guerre, Poutine a proclamé sa victoire aux élections présidentielles avec un résultat incroyable de 87 %, essayant de convaincre tout le monde de l’augmentation sans précédent de son soutien. Mais en réalité, les analystes estiment qu’entre 22 et 30 millions de voix ont été attribuées à Poutine à la suite de fraudes, malgré le contrôle total des autorités sur les élections, un niveau de censure et de répression sans précédent, et l’exclusion des véritables opposants de Poutine. Même dans ces conditions, le résultat réel de Poutine pourrait se situer autour de 50 à 60 % des électeurs ayant participé au scrutin, ce qui rendrait probable un second tour.

Cette situation montre clairement que Poutine n’est pas si populaire puisqu’il cherche à s’assurer un pouvoir à vie par tous les moyens. Pour se maintenir au pouvoir, il a besoin d’une augmentation constante de la répression et d’un contrôle total de la société. Et comme les espoirs d’une victoire rapide en Ukraine se sont évanouis, la guerre est devenue le principal outil pour se maintenir au pouvoir

Au printemps 2024, la guerre est dans une impasse.

L’Ukraine, confrontée à une énorme pénurie d’armes, est passée à une défense prolongée. La Russie, qui dispose d’une supériorité significative en termes de ressources et conserve la capacité de détruire les infrastructures ukrainiennes, se prépare à une offensive de grande envergure. Le succès de cette offensive coûtera sans aucun doute cher non seulement à l’Ukraine, mais aussi aux pays d’Europe. Et, bien sûr, aux citoyens de la Russie elle-même.

La seule façon de se rapprocher de la fin de la guerre aujourd’hui est de soutenir fermement l’Ukraine en lui fournissant toutes les armes lourdes, les avions, suffisamment d’obus et des missiles à longue portée dont elle a besoin pour gagner. Les succès militaires renforcent le régime de Poutine et le rendent encore plus brutal et dangereux. Les succès militaires de l’Ukraine donnent de l’espoir à la société civile russe, qui a été confrontée à des niveaux de répression sans précédent depuis le début de cette guerre, mais qui continue de résister.

Les succès militaires de l’Ukraine donnent de l’espoir à la société civile russe.

Lev Ponomarev

La démonstration la plus claire en a été faite dans les mois qui ont précédé la réélection de Poutine. Un soutien massif a été apporté à Ekaterina Dountsova puis à Boris Nadejdine, qui se sont déclarés opposants à la politique de Poutine et représentaient les Russes anti-guerre. L’inéligibilité de ces candidats a conduit à l’unification de la société civile autour du vote de protestation, qui s’est transformé en une action de protestation anti-guerre à grande échelle en raison de la participation simultanée des opposants à Poutine aux bureaux de vote tant en Russie que dans les consulats russes dans des dizaines de pays à travers le monde. Un autre exemple frappant de manifestation de masse a été l’adieu à Alexeï Navalny après son assassinat. 

Pour la première fois depuis le début de la guerre, les Russes ont pris conscience du caractère massif de la protestation anti-guerre et de l’espoir d’une transition pacifique du pouvoir. Un nouvel accroissement de l’activité de la société civile peut devenir un facteur réel de la fin de la guerre et de l’amorce de transformations démocratiques en Russie. 

Conscient de cette situation, Poutine ne cesse de renforcer la répression. La liste de Memorial comprend 691 noms de prisonniers politiques, mais Memorial elle-même souligne que cette liste ne peut être complète. On parle de dizaines de nouvelles affaires pénales chaque mois. Dans le même temps, selon diverses estimations, jusqu’à un million de personnes ont fui la Russie pour échapper à la répression et à la mobilisation. Les répressions deviennent de plus en plus totalitaires et massives.

Les derniers exemples en date en Russie sont la persécution d’avocats impliqués dans des procès politiques et de journalistes couvrant ces procès. Des poursuites pénales ont été engagées contre les avocats qui ont défendu Alexeï Navalny. Ils ont été placés en détention. La journaliste Antonina Favorskaya, qui a couvert presque tous les procès d’Alexeï Navalny, y compris son dernier, a également été placée en détention. Les images montrent qu’il se sentait bien et qu’il plaisantait. Le lendemain, il a été tué. En même temps que Favorskaya, la journaliste Olga Komleva a été placée en garde à vue à Ufa, alors qu’elle couvrait la situation des manifestations de masse en Bachkirie et les procès de l’associée de Navalny, Lilia Chanycheva.

Ces nouvelles affaires pénales établissent un précédent selon lequel tout avocat défendant un extrémiste ou un terroriste accusé, ainsi que tout journaliste couvrant ces procès, peut également être reconnu comme extrémiste ou terroriste et poursuivi.

Cela ouvre la voie à des procès d’extrémistes et de terroristes sans avocats, à huis clos, revenant ainsi aux méthodes de la répression stalinienne, lorsque les condamnations étaient prononcées par des « troïkas » extrajudiciaires composées de représentants du NKVD (KGB), du secrétaire du comité régional du parti et du procureur, qui envoyaient les personnes à la mort ou dans des camps et des prisons pour une durée de 8 à 10 ans.

Vladimir Poutine assiste à un service d’action de grâce du patriarche Kirill de l’Église orthodoxe russe de Moscou et de toutes les Russies, à la cathédrale de l’Annonciation du Kremlin de Moscou, le jour de son investiture pour un cinquième mandat. © Alexei Maishev/TASS/Sipa USA

Le visage du fascisme de Poutine

L’horrible attentat terroriste perpétré dans la salle de concert de Crocus City Hall le 22 mars 2024, qui a coûté la vie à 144 personnes, a poussé les autorités à franchir l’étape suivante vers le fascisme ouvert.

Poutine a déclaré publiquement et sans la moindre justification l’implication de l’Ukraine dans l’attaque terroriste, un récit activement soutenu par la propagande. Au niveau de l’État, des discussions ont été entamées sur le retour de la peine de mort, malgré l’interdiction constitutionnelle confirmée par la position de la Cour constitutionnelle. L’un des symptômes flagrants de la déliquescence du système d’application de la loi en Russie a été la torture publique et démonstrative des personnes détenues le 23 mars, soupçonnées d’avoir commis l’attentat terroriste du Crocus City Hall — qui n’a fait l’objet d’aucune évaluation judiciaire et qui n’a pas suscité le moindre soupçon de condamnation officielle. Plus précisément, il s’agit de la publication d’une vidéo où l’on voit les suspects se faire couper les oreilles et torturer avec du courant électrique. Le 2 avril, on a appris qu’un Tchétchène arrêté dans la soirée du jour de l’attentat était mort en garde à vue. Son corps, à la morgue, portait de nombreuses marques de torture. Une politique officielle de normalisation de la violence et de la torture contre les « ennemis de la société » est désormais actée. 

Les auteurs de l’attaque terroriste ont été identifiés comme étant des citoyens du Tadjikistan. Cela a entraîné une évolution de la propagande pro-gouvernementale vers l’incitation à la haine pour des motifs ethniques et a également provoqué une augmentation de l’arbitraire policier à l’égard des migrants d’Asie centrale et du Caucase qui se trouvaient en Russie. Plus de 400 personnes ont été expulsées de Russie en peu de temps.

Ces manifestations d’un fascisme déclaré ont complété les pratiques déjà formées pendant la guerre. Voici quelques-uns des exemples les plus frappants.

Un jeune homme a publié un commentaire sur les médias sociaux disant « pourquoi Crocus et pas le Kremlin ? », ce qui lui a valu d’être accusé de « justifier le terrorisme » et de risquer jusqu’à six ans de prison.

Une personne qui a relayé sur les réseaux sociaux des informations sur le bombardement d’un théâtre à Marioupol, en se référant à des publications dans les médias, a été condamnée à 8 ans de prison en vertu de l’article sur les « fakes news sur l’armée ». Des dizaines de personnes, dont des politiciens et des militants des droits de l’Homme, ainsi que des personnes ordinaires, des journalistes et des activistes, ont été condamnées à des peines allant de 7 à 10 ans en vertu de cet article. Toute déclaration anti-guerre, même la plus neutre comme « Non à la guerre », est poursuivie au titre de l’article « discrédit de l’armée », avec des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison.

Toute déclaration anti-guerre, même la plus neutre comme « Non à la guerre », est poursuivie au titre de l’article « discrédit de l’armée », avec des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison.

Lev Ponomarev

Dans le cadre de cette pratique, l’un des plus éminents militants russes des droits de l’homme, Oleg Orlov, 70 ans, a été condamné à une peine de deux ans et demi au titre de l’article interdisant de « discréditer l’armée de manière répétée », littéralement pour un article anti-guerre qui titrait : « Ils voulaient le fascisme, ils l’ont eu ». Orlov se trouve aujourd’hui dans un centre de détention provisoire, dans l’attente de son appel, dans des conditions extrêmement malsaines et épuisantes pour son âge. 

Une autre manifestation caractéristique du fascisme a été la déclaration de la communauté LGBT comme extrémiste à la fin de 2023. Étant donné qu’il n’existe aucune organisation de ce type, la liberté et la sécurité des personnes qui ont une orientation sexuelle non traditionnelle sont réellement menacées si elles s’identifient publiquement d’une manière ou d’une autre. En fait, des personnes sont déclarées criminelles du fait de leur naissance. Mais cela ne concerne pas seulement les personnes LGBT, mais aussi celles qui, d’une manière ou d’une autre, diffusent des œuvres artistiques, des données scientifiques ou même des symboles qui ressemblent aux symboles LGBT. La première affaire pénale visant à interdire le site LGBT a été engagée en mars 2024 dans la ville d’Orenbourg, au titre de l’article sur l’organisation d’activités d’une communauté extrémiste, en vertu duquel les accusés risquent jusqu’à dix ans d’emprisonnement.

La culture et les arts ont également fait l’objet d’une répression et d’un contrôle strict de la part de l’État. De nombreux écrivains, musiciens, acteurs et autres représentants des professions créatives qui ne soutenaient pas la guerre ont été déclarés agents étrangers, extrémistes et terroristes. Leurs œuvres ont été interdites de publication et de distribution. Des pressions sont exercées sur les éditeurs et les salles de concert pour qu’ils refusent de coopérer avec les auteurs disgraciés. Nombre d’entre eux ont été contraints d’émigrer pour éviter les persécutions. 

Une autre caractéristique du régime, ouvertement propagée et encouragée, est la pratique de la dénonciation, à laquelle même les étudiants sont incités.

Tout cela, incarné en réalité par Poutine, témoigne de la formation d’une idéologie fasciste du pouvoir en Russie, prétendument fondée sur des valeurs traditionnelles et nationales. En réalité, derrière tout cela se cachent l’arbitraire, le pouvoir des forces de sécurité, la violation de la dignité humaine, la déshumanisation, la séparation des personnes et l’incitation à la haine envers les nations, la justification de la guerre d’agression et des crimes de guerre.

Une autre caractéristique du régime, ouvertement propagée et encouragée, est la pratique de la dénonciation, à laquelle même les étudiants sont incités.

Lev Ponomarev

Conclusion

Ce texte a tenté de mettre en lumière l’évolution du fascisme russe et d’en examiner les éléments clefs. Mais avant de conclure, il m’a semblé nécessaire de partager mes propres réflexions sur la durée de vie du fascisme en Russie et sur l’existence de forces nationales capables de contrer la menace avec le soutien de la communauté internationale.

Mes espoirs sont renforcés par le fait que la Russie compte une nouvelle génération qui a grandi après l’effondrement de l’Union soviétique. Cette génération n’est pas marquée par la mentalité impériale que Poutine tente d’exploiter. Elle a grandi dans la relative liberté des années 1990 et du début des années 2000, elle est active sur les réseaux sociaux, a eu l’occasion de voyager avant le rétablissement effectif du rideau de fer et elle est bien consciente des avantages de la démocratie et des droits de l’homme. Ces personnes apprécient la liberté et ne sont pas prêtes à y renoncer.

Notre compréhension du fascisme est aujourd’hui beaucoup plus profonde qu’elle ne l’était dans les années 1930. Nous sommes conscients de ses conséquences et savons qu’il est essentiel de reconnaître sa formation. Mais la reconnaissance n’équivaut pas à la neutralisation. Le fascisme représente non seulement la répression contre la dissidence, mais aussi un culte de la personnalité qui produit le mythe d’un leader qui sauve le monde par la force. Ce mythe détruit très efficacement la faiblesse du leader, le transformant en une figure comique et pathétique. L’idéologie fasciste personnaliste est écrasée le plus efficacement en désacralisant son personnage clef et en démontrant le rejet massif de la population. 

Après deux années de guerre, marquées par des nouvelles horribles de bombardements et de perte de centaines de milliers de vies, par l’abandon d’espoirs pacifiques, les événements du début de l’année 2024 ont mis en lumière la mobilisation de la société civile russe pour résister. Un rôle décisif dans cette résistance revient à la jeune génération, qui a soutenu les candidats anti-guerre, qui a déposé des fleurs sur la tombe d’Alexeï Navalny et encouragé les personnes ayant des opinions anti-guerre à se rassembler devant les bureaux de vote pour montrer qu’elles ne soutiennent pas Poutine. Les jeunes sont prêts pour le changement et aspirent à la paix et à la liberté pour la Russie. Une partie importante de la population russe, à qui l’on attribue traditionnellement l’accord avec les autorités, est passive. La communauté anti-guerre est plus énergique et organisée, et dans un moment de faiblesse du régime, elle sera en mesure d’exercer une influence décisive sur la situation du pays.

Dans un moment de faiblesse du régime, la communauté anti-guerre sera en mesure d’exercer une influence décisive sur la situation du pays.

Lev Ponomarev

Mais les conditions dans lesquelles la société civile russe se trouve aujourd’hui exigent un soutien fort de la part des démocraties libres. Les Russes disposeront de véritables outils d’influence politique lorsque le régime de Poutine sera affaibli par la pression des sanctions personnelles et l’échec de ses plans de guerre contre l’Ukraine, et qu’il ne sera plus en mesure de censurer et de réprimer l’activité citoyenne. D’où la nécessité de soutenir l’Ukraine et d’aider la résistance anti-guerre menée par certains Russes.

Je veux appeler les démocraties libres à voir cette résistance en Russie et à trouver un moyen d’aider tous les Russes qui sont contraints de fuir les persécutions en Russie. Trouvant refuge dans les pays européens, ils continuent de se battre pour réduire à néant le soutien à Poutine, de résister à la propagande et de diffuser des informations indépendantes. Il faut les aider à le faire et soutenir les milliers de Russes les plus courageux et les plus actifs qui continuent à relever ces défis à l’intérieur de la Russie.  

Ces efforts offrent une chance de transformer pacifiquement le pouvoir en Russie et d’éviter les scénarios catastrophiques de l’effondrement du pays, des guerres civiles et de la perte de contrôle des armes de destruction massive. 

Ce processus promet d’être difficile et long. La condition essentielle pour qu’il commence est un changement de l’élite politique russe. La manière dont cela se produira est encore incertaine, mais le changement est inévitable. Toutefois, à moins qu’ils ne soient activement promus, le prix à payer pourrait être trop élevé. 

Il est important de comprendre aujourd’hui que le fascisme de Poutine n’a pas de plans pacifiques. L’issue de la guerre avec l’Ukraine sera un facteur décisif qui déterminera le vecteur des processus politiques en Russie pendant longtemps. La défaite de l’Ukraine ou la сonservation des résultats de l’agression renforcerait sérieusement la position de Poutine et le pousserait à intensifier l’opposition au monde libre et la répression à l’intérieur du pays. 

Une opposition résolue au fascisme de Poutine affaiblira la position des dictatures et des autocraties dans le monde entier et nous donnera la possibilité de construire un monde plus sûr et plus prévisible pour les générations futures, libérant ainsi une énergie considérable pour relever les défis mondiaux auxquels l’humanité est confrontée.

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08.05.2024 à 08:56

Élections législatives en Macédoine du Nord

Matheo Malik

Aujourd’hui, 8 mai, des élections législatives ainsi que le second tour de l’élection présidentielle ont lieu en Macédoine du Nord. La coalition de centre droite du parti VMRO-DPMNE est en tête des sondages. La corruption, les questions économiques — notamment un taux d’inflation qui reste élevé depuis deux ans — et l'adhésion du pays à l’Union sont parmi les préoccupations centrales des électeurs.

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Texte intégral (520 mots)

La candidate du parti conservateur VMRO-DPMNE (Parti démocratique pour l’unité nationale macédonienne, proche du PPE), Gordana Siljanovska-Davkova, est arrivée largement en tête du premier tour de l’élection présidentielle le 24 avril, avec 42,1 % des voix, devançant le président sortant Stevo Pendarovski, du parti social-démocrate SDSM.

En Macédoine du Nord, le président a un rôle essentiellement protocolaire, ce qui rend les élections législatives, organisées dans un seul tour, d’autant plus importantes. La coalition de centre-droit du VMRO-DPMNE est donnée comme favorite par les sondages.

La question de l’adhésion du pays à l’Union est au cœur des débats. La Macédoine du Nord est candidate depuis 2005, mais les avancements dans le processus sont modestes. 

  • En 2018, le pays avait résolu un différend avec la Grèce qui datait de son indépendance en 1991 sur la question de son nom. À la suite de l’« accord de Prespa », il a ainsi obtenu son adhésion à l’OTAN en 2020 et en 2022 l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union. 
  • Mais aujourd’hui, c’est une révision constitutionnelle visant à reconnaître la minorité bulgare, exigée par Sofia comme condition de l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union, qui polarise la campagne. 
  • Le parti VMRO-DPMNE est opposé à cette modification. Son leader, Hristijan Mickoski, qui fait référence au pays avec le nom de  « Macédoine » plutôt que « Macédoine du Nord » risque également de raviver les tensions avec la Grèce.
  • Le parti a également écarté toute possible coalition avec le parti de la minorité albanais DUI (Union démocratique pour l’intégration), ce qui pourrait à terme menacer la stabilité du pays.

La Macédoine du Nord a le taux de croissance le moins élevé des pays des Balkans selon la Banque mondiale, et connaît un taux d’inflation de 9,4 % en 20231

Dans son rapport de 2023, la Commission européenne note que « La corruption perdure dans de nombreux secteurs et constitue un sujet de préoccupation »2

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07.05.2024 à 18:41

La nouvelle infrastructure du monde : l’Europe face au projet contre-hégémonique chinois

Marin Saillofest

« La Chine nous donne un aéroport. L’Amérique nous donne une leçon de morale. »

Contre Washington, Pékin veut mettre en place une réorganisation sino-centrée du capitalisme global. Son programme n’est pas frontal : il exige le déploiement d’un vaste projet contre-hégémonique à plusieurs dimensions. Benjamin Bürbaumer propose de prendre au sérieux cette stratégie — et les limites de sa compréhension dans une Europe qui n'arrive pas à bifurquer.

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Texte intégral (5875 mots)

Pour étudier en profondeur la rivalité qui structure le monde, nous publions chaque semaine un nouvel épisode de notre série au long cours « Capitalismes politiques en guerre ». Abonnez-vous au Grand Continent et recevez toutes nos études, cartes et données.

La mondialisation est victime de son succès. Sa réussite la plus prodigieuse — la Chine — entend la remplacer par un marché mondial sino-centré. Bien entendu, Pékin ne s’oppose nullement à l’idée de marché mondial en tant que telle. Mais elle conteste la mondialisation réellement existante, c’est-à-dire un processus sous supervision américaine. Voilà la raison fondamentale de la rivalité entre la Chine et les États-Unis.

L’histoire semble se répéter. Pour échapper à la crise de suraccumulation des années 1970, les États-Unis ont impulsé la construction de la mondialisation1. La Chine, alors en pleine transformation capitaliste, s’insère dans cette dynamique en tant que fournisseur d’une main-d’œuvre bon marché. Les profits des sociétés multinationales américaines remontent et le taux de croissance de la Chine explose. Pourtant, sous cet attelage en apparence gagnant-gagnant, des contradictions sont à l’œuvre et s’expriment ouvertement dès les années 2000. 

Pékin ne s’oppose nullement à l’idée de marché mondial en tant que telle. Mais elle conteste la mondialisation réellement existante, c’est-à-dire un processus sous supervision américaine. Voilà la raison fondamentale de la rivalité entre la Chine et les États-Unis.

Benjamin Bürbaumer

Bien avant l’ascension au pouvoir de Donald Trump et Xi Jinping, la Chine est accusée d’inonder les marchés étrangers. En effet, en bonne élève du capitalisme, elle essaie, elle aussi, d’externaliser ses déséquilibres macroéconomiques internes par la conquête des marchés étrangers et, plus fondamentalement, la mise en place d’infrastructures favorisant cette extraversion économique2. Sauf qu’à la différence de la crise de suraccumulation américaine des années 1970, le marché mondial est alors déjà sous contrôle hégémonique des États-Unis. Pour s’en défaire, la réorganisation sino-centrée du capitalisme global, que Pékin appelle de ses vœux, exige donc le déploiement d’un projet contre-hégémonique3.

Hégémonie mondiale

Dans le débat politique et intellectuel contemporain, l’ascension fulgurante du terme « hégémonie » l’a paradoxalement vidé de sa richesse analytique. Souvent, il est rabougri au synonyme de domination. Or chez Antonio Gramsci, l’hégémonie ne désigne précisément pas la capacité d’une puissance d’imposer ses choix aux autres, elle fait référence à sa capacité d’être perçue comme bienveillante par les autres. Plus précisément, dans la pensée gramscienne, l’hégémonie repose sur le consentement et la coercition. Superviser le monde exige de manier soigneusement ces deux aspects. Une puissance n’utilisant que l’arme de la coercition verrait le monde entier se liguer contre elle et, tôt ou tard, elle entrerait en déclin. De même, une puissance mobilisant exclusivement le levier de la séduction pourrait bâtir une influence internationale considérable, mais resterait vulnérable aux coups de force. Son édifice aurait la solidité d’un château de cartes. L’hégémonie, tout comme sa contestation, ne se construisent qu’en articulant la force et le consentement.

Des ouvriers de China Railway Group travaillent dans un tunnel sur le site de construction du chemin de fer municipal de Hangde dans le sous-district de Kangqian, comté de Deqing, ville de Huzhou, province du Zhejiang (Chine de l’Est), le 2 février 2023. © CFOTO/Sipa USA

Appliquons cette grille d’analyse au trait majeur du monde contemporain : la contestation chinoise de l’hégémonie américaine solidement établie depuis l’après-guerre. Il s’agit dès lors de comprendre la popularité croissante de la Chine dans les pays de la périphérie du capitalisme mondial. Au vu de la nature autoritaire de son régime politique, cette évolution peut en effet surprendre et mérite à ce titre un examen plus détaillé.

Dans la pensée gramscienne, l’hégémonie repose sur le consentement et la coercition. Superviser le monde exige de manier soigneusement ces deux aspects.

Benjamin Bürbaumer

Le charme des Nouvelles routes de la soie

Le projet des Nouvelles routes de la soie, né en 2013, vise d’abord à alléger la surproduction chinoise. En construisant des infrastructures à l’étranger, la Chine réussit en effet à exporter des marchandises et des capitaux excédentaires. Toutefois, il serait erroné de réduire cette démarche à un gigantesque plan de bétonisation de pans entiers de l’Asie, l’Afrique et l’Amérique sud. Car du point de vue des pays participant aux Nouvelles routes de la soie, la Chine répond à un vrai besoin. Selon l’ONU, des investissements annuels de 1 000 à 1 500 milliards de dollars sont requis pour combler le sous-financement criant des infrastructures dans la périphérie. Les Nouvelles routes de la soie réduisent cet écart entre les besoins et les équipements existants, qui s’est notamment creusé dans le cadre de la fabrique américaine de la mondialisation. En effet, les programmes d’austérité imposés aux pays sous-développés à travers le Consensus de Washington des années 1980 et 1990 ont fortement dégradé la qualité des infrastructures locales.

Inquiet de la perte d’influence des États-Unis, l’ancien secrétaire au Trésor Larry Summers a cité cette formule poignante d’un décideur d’un pays de la périphérie : « La Chine nous donne un aéroport. L’Amérique nous donne une leçon de morale »4. Cette opposition reflète assez fidèlement la distinction entre les idéologies communicationnelles et les idéologies non communicationnelles, développée par Fredric Jameson.

Tandis que les premières visent à unifier différents espaces par le biais des valeurs de l’un d’entre eux, les secondes relient les voies d’accès entre les différents territoires tout en reconnaissant ce que Fernand Braudel appelait leur « si irréductible originalité »5. Les conditionnalités de dérégulation associées aux plans d’ajustement structurel ou le libéralisme politique promus par Washington sont des exemples d’idéologies communicationnelles par lesquelles les États-Unis tentent de transmettre leurs valeurs à d’autres pays. Par contraste, les Nouvelles routes de la soie suivent une approche non communicationnelle, qui revêt, de ce fait, un pouvoir de séduction considérable. Elle s’attaque à un blocage de la vie réelle — le manque d’infrastructures — le dépasse sans imposer des conditionnalités particulières en termes de régime politique et, ce faisant, nourrit la popularité de Pékin à l’étranger.

Bien entendu, le déploiement réel des Nouvelles routes de la soie n’a rien d’aussi lisse et linéaire. Il comporte des risques de corruption et de surendettement, ainsi que de nouveaux rapports de dépendance. Mais les faits sont là : en dehors des États-Unis et de quelques-uns de leurs alliés les plus proches, les Nouvelles routes de la soie alimentent une image positive de l’action de la Chine dans le monde.

Les Nouvelles routes de la soie suivent une approche idéologique non communicationnelle, qui revêt, de ce fait, un pouvoir de séduction considérable.

Benjamin Bürbaumer

Le soft power à caractéristiques chinoises

Joseph Nye est connu pour avoir formalisé l’idée de soft power. Dans sa formulation initiale, ce concept est étroitement lié à l’existence d’une démocratie libérale accordant à ses citoyens un certain nombre de droits fondamentaux. Ces droits sont censés favoriser un épanouissement créatif plus grand de la population. Dans cette logique, les démocraties libérales développent une vie culturelle plus attractive, susceptible de rayonner y compris en dehors de leurs frontières. Cette attractivité rétroagit positivement sur la position internationale de l’État émetteur. En toute cohérence, Nye doute de la transposabilité de son concept au régime autoritaire chinois.

Pourtant, la Chine lui donne tort. C’est du moins ce que suggère l’évolution de son système universitaire. Ce dernier se trouve aujourd’hui à la quatrième place des pays accueillant le plus d’étudiants étrangers. Cette performance impressionne d’autant plus que la langue chinoise est beaucoup moins répandue en dehors de son territoire d’origine que l’anglais. Ce fait se reflète dans le constat que les trois premières places du classement sont occupées respectivement par les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Pour les jeunes Africains, la France continue à attirer le plus grand nombre, mais la Chine a d’ores et déjà dépassé le Royaume-Uni et se place en deuxième position.

Comme dans d’autres domaines, la vitesse de croissance de popularité de la Chine est notable. D’une part, elle n’a commencé sa diplomatie éducative qu’au début des années 2000 et, d’autre part, contrairement aux langues des anciens colonisateurs, le chinois est peu présent dans les systèmes d’enseignement étrangers. À rebours de certains pays occidentaux augmentant les frais d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers, cette réussite est à chercher dans la mise en place d’un système de bourses.

La proportion de futurs décideurs et hauts fonctionnaires des pays périphériques formés en République populaire à partir des connaissances technologiques et des méthodes d’administration publique et de gestion des entreprises qui y prévalent s’accroît.

Benjamin Bürbaumer

Il serait pourtant superficiel d’interpréter ces politiques comme une tentative d’« acheter » des étudiants internationaux. En réalité, dans le choix des étudiants étrangers de venir en Chine, le facteur financier ne pèse pas plus lourd que l’attrait culturel ou le développement économique du pays, mais il rend concrètement faisable le séjour en Chine. Si ces échanges universitaires ne créent pas des centaines de milliers de para-diplomates qui porteraient docilement la voix de la Chine dans le monde, force est de constater que s’accroît ainsi la proportion de futurs décideurs et hauts fonctionnaires des pays périphériques formés en République populaire, à partir des connaissances technologiques et des méthodes d’administration publique et de gestion des entreprises qui y prévalent. Au passage, ils absorbent pendant leurs études des connaissances culturelles et linguistiques propices à resserrer les liens entre leur pays et la Chine. Même impulsé par un État dépourvu de démocratie libérale, le soft power produit des résultats.

Toutefois, les étudiants partis à l’étranger ne représentent qu’une petite proportion de la population de leur pays. Diffuser une image bienveillante de la Chine uniquement par ce biais comporte donc une limite évidente en termes d’ordre de grandeur. Dans l’optique d’atteindre des franges plus larges des populations étrangères, la Chine a notamment mis en place un vaste réseau de médias diffusant en langues étrangères ainsi qu’une diplomatie sanitaire performante.

Même impulsé par un État dépourvu de démocratie libérale, le soft power produit des résultats.

Benjamin Bürbaumer

La sécurité internationale sans hypocrisie

Si Washington échoue à l’heure actuelle à contrer l’idéologie non communicationnelle sur laquelle s’appuie le projet hégémonique chinois, sa gestion des grands dossiers géopolitiques contemporains pourrait même apparaître contre-productive pour son hégémonie.

Récemment, le politologue Matias Spektor a publié un article dans la revue Foreign Affairs soulignant à quel point l’hypocrisie des États-Unis et de leurs alliés affaiblit leur soft power6. Selon Spektor, les pays périphériques ne comprennent pas pourquoi l’invasion russe de l’Ukraine serait plus condamnable que l’invasion américaine de l’Irak, alors que ni l’une ni l’autre n’ont reçu le soutien de la communauté internationale. Ce double standard ainsi que l’anticipation de l’affaiblissement politique de Washington dans un futur proche expliqueraient pourquoi nombre de ces pays ne suivent pas les sanctions contre la Russie, considérant qu’elles leur causent des problèmes supplémentaires en termes de hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation. Se prononçant sur les risques pesant sur la sécurité alimentaire de millions d’Africains, l’ex-président de l’Union africaine et du Sénégal Macky Sall a déclaré : « Nous ne sommes pas vraiment dans le débat de qui a tort, qui a raison. Nous voulons simplement avoir accès aux céréales et aux fertilisants »7.

Un nombre croissant de pays voit en la Chine une puissance capable de promouvoir la désescalade des tensions.

Benjamin Bürbaumer

Le sentiment d’hypocrisie n’a fait que se renforcer à la suite des bombardements à Gaza à partir de l’automne 2023. De multiples pays ont relevé avec amertume le traitement particulier réservé aux seules victimes ukrainiennes, des Européens, par rapport aux dizaines de milliers de victimes en Palestine ou ailleurs. Ils ont également remarqué que les sommes toujours si difficiles à débloquer pour le développement ont été facilement mobilisées pour armer l’Ukraine ou Israël. Face à cette situation, un diplomate senior d’un pays du G7 versait dans le fatalisme : « Nous avons définitivement perdu la bataille pour le Sud global. […] Tout le travail réalisé [dans sa] direction […] à propos de l’Ukraine est réduit à néant. […] Oubliez les règles, oubliez l’ordre mondial. Ils ne nous écouteront plus jamais »8. Par contraste, un nombre croissant de pays voit en la Chine une puissance capable de promouvoir la désescalade des tensions.

Il importe de préciser que la popularité croissante de la Chine ne se confine pas aux dirigeants des pays périphériques. Une série d’enquêtes d’opinion montre qu’en Asie, en Afrique et en Amérique latine, son image s’est nettement améliorée9. Malgré un soft power américain installé depuis longtemps, la Chine y talonne, voire dépasse, les États-Unis. Visiblement, le régime politique domestique du porteur d’un projet hégémonique importe moins que la perception de l’ordre mondial qu’il porte. C’est donc un double désastre pour les États-Unis : le reproche d’hypocrisie les empêche de capitaliser sur les attraits de la démocratie libérale et les conséquences inflationnistes de leurs sanctions contre la Russie offrent un boulevard à une Chine déjà perçue comme plus attentive aux besoins de développement de la périphérie.

Les États-Unis font face à un double désastre : le reproche d’hypocrisie les empêche de capitaliser sur les attraits de la démocratie libérale et les conséquences inflationnistes de leurs sanctions contre la Russie offrent un boulevard à une Chine déjà perçue comme plus attentive aux besoins de développement de la périphérie.

Benjamin Bürbaumer

Le piège de l’hégémonie

Si les résultats de telles enquêtes sont à interpréter avec précaution, le tableau n’en reste pas moins saisissant, d’autant qu’il entre en résonance avec des analyses qualitatives. L’idéologie communicationnelle des États-Unis perd en attractivité. À l’inverse, le positionnement de la Chine dans les conflits internationaux apparaît plus cohérent avec l’idéologie non communicationnelle qu’elle déploie notamment depuis la mise en place des Nouvelles routes de la soie.

Face à l’incapacité à renouveler leur pouvoir de séduction, les États-Unis sont tentés de déséquilibrer le cocktail hégémonique en faveur de la force. Mais s’accrocher à la bonne vieillerie de la puissance militaire plutôt que de faire face à la mauvaise nouveauté de l’essor du soft power chinois est une pente glissante : plus l’hégémon troublé agit autoritairement, plus il sape sa légitimité aux yeux des autres pays du monde, sans pour autant fondamentalement entraver le projet hégémonique chinois. Voilà le piège de l’hégémonie. Seule une réaction sur le plan non communicationnel — un soutien aux infrastructures et autres besoins de développement sans imposer des conditionnalités contraignant la politique économique nationale des pays bénéficiaires — comme le fait la Chine, y parviendrait.

Face à l’incapacité à renouveler leur pouvoir de séduction, les États-Unis sont tentés de déséquilibrer le cocktail hégémonique en faveur de la force.

Benjamin Bürbaumer

Or aujourd’hui la course à l’armement bat son plein dans l’Indopacifique. Non seulement les dépenses militaires de la Chine ont quintuplé en 20 ans, mais elle les oriente de plus en plus vers la construction de navires, de porte-avions et de sous-marins. Voilà le fondement matériel de ses activités croissantes en mer de Chine méridionale, que les pays voisins considèrent comme relevant du harcèlement maritime. Néanmoins, face à la puissance économique de Pékin, ces pays semblent s’en accommoder, voire se rapprocher de la Chine. C’est du moins l’analyse qu’en fait le spécialiste des relations internationales en Asie du Sud-Est David Shambaugh. Bien entendu, la diplomatie n’est pas figée ad vitam. Le débat sur les alliances dans la région est vif et peut évoluer en fonction des chefs d’État. Mais force est de constater que l’évolution majeure est un « déplacement de ces pays dans l’orbite de la Chine depuis 2017 »10. Pour l’instant, la manne des Nouvelles routes de la soie accorde des passe-droits militaires à Pékin — c’est un indice du consentement que des pays voisins lui accordent.

Si la Chine se rapproche du montant des dépenses militaires des États-Unis, le Pentagone reste toutefois de très loin le ministère de la défense le plus riche au monde. Même pendant les moments les plus chauds de la Guerre froide, les États-Unis n’ont pas autant dépensé en armement qu’aujourd’hui. Avec près de 400 bases militaires en Asie-Pacifique, un réseau d’alliés en Asie du Sud-Est et une concentration des forces militaires autour de la Chine depuis le pivot asiatique de 2011, on assiste à une « escalade à bas bruit »11. Les États-Unis étant pris dans le piège de l’hégémon, les frictions entre les machines de guerre américaine et chinoise pour le contrôle du marché mondial risquent de s’intensifier.

Les États-Unis étant pris dans le piège de l’hégémon, les frictions entre les machines de guerre américaine et chinoise pour le contrôle du marché mondial risquent de s’intensifier.

Benjamin Bürbaumer

Faute de saisir l’enjeu fondamental de la réorganisation du marché mondial et en l’absence de projet hégémonique propre — les premières conclusions du rapport Draghi à paraître en sont la dernière illustration en date —, les pays européens risquent d’assister de manière impuissante à la déstabilisation du monde à l’œuvre sous nos yeux. 

Des ouvriers de China Railway Group travaillent dans un tunnel sur le site de construction du chemin de fer municipal de Hangde dans le sous-district de Kangqian, comté de Deqing, ville de Huzhou, province du Zhejiang (Chine de l’Est), le 2 février 2023. © CFOTO/Sipa USA

Présenté par son auteur comme un « changement radical », l’aperçu du rapport publié dans ces pages préconise trois mesures phares : rationaliser la production et libéraliser la réglementation afin de mieux bénéficier d’économies d’échelle continentales ; centraliser certaines dépenses publiques au niveau européen ; sécuriser, enfin, l’approvisionnement en ressources et en intrants considérés comme essentiels.

À travers ces trois points, les préconisations de Mario Draghi visent essentiellement à accroître les parts des firmes européennes sur le marché mondial. Mais la rivalité sino-américaine ne porte pas tant sur des parts de marché que sur le marché mondial en tant que tel. La profondeur de la rivalité entre les deux grandes puissances ne se comprend qu’à partir du constat que la Chine souhaite méthodiquement remplacer la mondialisation sous supervision américaine par une réorientation sino-centrée du marché mondial. Car superviser le marché mondial permet de dépasser des instabilités politico-économiques domestiques tout en bénéficiant simultanément de retombées économiques colossales et d’un pouvoir politique extraterritorial immense. À cette fin, la Chine construit aujourd’hui des infrastructures — monétaires, physiques, techniques, militaires, numériques — concurrentes à celles mises en place depuis longtemps par les États-Unis. Ces derniers contre-balancent : les différentes sanctions technologiques et commerciales illustrent cette démarche en cours déjà depuis l’administration Obama. L’Union ne semble pas avoir saisi cet enjeu fondamental. À l’heure où les règles du marché mondial évoluent, elle tente de mieux jouer selon les anciennes règles americano-centrées — qui, au demeurant, ne lui ont pas été particulièrement favorables. En matière de prise de conscience de l’ampleur de la tempête qui secoue la mondialisation, le rapport Draghi sera la pointe avancée des Européens. Pourtant, le cœur du projet chinois leur échappe toujours. Tout se passe comme si l’Europe avançait sans véritablement comprendre la profondeur des lignes de fracture contemporaines.

Si elle se décidait à réagir, deux options se présentent : soit elle s’engage dans la même course que la Chine et les États-Unis et tente d’élargir son contrôle sur les infrastructures du marché mondial — par le biais d’une véritable politique industrielle probablement adossée à une augmentation significative des capacités d’intervention militaires — ; soit elle décide d’un découplage sélectif par rapport au marché mondial — rétrécissement contrôlé des chaînes de valeur, conditionnalités environnementales, politiques redistributives. 

Les préconisations de Mario Draghi visent essentiellement à accroître les parts des firmes européennes sur le marché mondial. Mais la rivalité sino-américaine ne porte pas tant sur des parts de marché que sur le marché mondial en tant que tel.

Benjamin Bürbaumer

Selon l’option retenue, la question de l’hégémonie se pose différemment : la première exigerait la formulation d’un projet hégémonique mondial très activiste ; la deuxième questionnerait la pertinence même du développement d’un projet hégémonique mondial. En réalité, la rivalité sino-américaine sonne l’heure de vérité pour l’Europe : la trajectoire du passé n’étant plus praticable, sous peine d’un décrochage grandissant envers les deux superpuissances, il faut bifurquer.

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07.05.2024 à 17:30

Le discours intégral de Poutine pour son investiture à la tête de la Fédération de Russie

Marin Saillofest

Dans un exercice de communication bien rodé, Vladimir Poutine, qui dirige de fait la Russie depuis 1999, a célébré depuis le Kremlin son investiture pour un cinquième mandat de président à la tête de la Fédération. Il avait été « réélu » au mois de mars à la suite d’un scrutin fabriqué et largement truqué.

Nous publions l’analyse et le texte intégral de son allocution.

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Texte intégral (2377 mots)

Dans une prise de parole relativement brève adressée à la nation, Vladimir Poutine reprend certains éléments de son long discours de campagne devant la Douma où il projetait sa vision pour la Russie jusqu’en 2030.

  • Cette intervention est propédeutique à une allocution plus longue attendue pour le 9 mai, fête de la victoire et jour de défilé militaire — à l’occasion duquel le président russe pourrait faire des annonces.

Dans les prochains jours sont également attendues les nominations des nouveaux membres de son gouvernement.

  • En 2018, à la suite de sa quatrième élection à la présidence, Vladimir Poutine avait annoncé dès le 7 mai — date de son investiture — qu’il avait choisi Dmitri Medvedev pour diriger son gouvernement1.
  • Le vote de confirmation par la Douma d’État, exigé par la constitution, avait eu lieu le lendemain, le 8 mai.
  • Depuis 2020, le président du gouvernement de la Fédération de Russie est Mikhaïl Michoustine.

Cette année, il faudra peut-être attendre plusieurs jours. Des sources proches de l’administration russe interrogées par Meduza décrivent une ambiance « plutôt tendue » dans les cercles du pouvoir russe. 

  • Au-delà de quelques bruits de couloir, personne ne semble savoir à quoi pourrait vraiment ressembler le prochain cabinet de Vladimir Poutine, ni qui se verrait potentiellement relégué ou promu.
  • Le président doit soumettre à la Douma un candidat au poste de Premier ministre dans les deux semaines à venir.
  • Le vote pour ce candidat pourrait avoir lieu dès la prochaine session de la Douma, le 10 mai, suite à un report inopiné de la session parlementaire au cours de laquelle le choix de Poutine sera approuvé2.

L’arrestation manu militari de l’ancien vice-ministre de la Défense Timour Ivanov3 à la fin du mois d’avril suggère néanmoins que Poutine pourrait chercher à opérer des changements au sein de la branche de l’exécutif la plus exposée depuis le lancement de l’invasion de février 2022 : l’armée. 

Certains experts au fait des conversations ont activement discuté ces dernières semaines de l’éventuelle « démission » de Sergueï Choigou, dont l’arrestation d’Ivanov pourrait constituer un signe avant-coureur4.

À la mi-avril, le commandant en chef des forces armées ukrainiennes déclarait que le Kremlin s’était fixé l’objectif de capturer la ville stratégique de Tchassiv Yar d’ici le 9 mai, Jour de la Victoire.

  • Il est aujourd’hui presque certain que l’armée russe ne sera pas en mesure d’apporter à Vladimir Poutine une victoire symbolique pour célébrer le 79ème anniversaire de la victoire de l’Union soviétique sur le Troisième Reich.
  • Si elle continue de progresser dans l’Est de l’Ukraine et marginalement dans le Sud et si elle conserve son rythme actuel moyen, l’armée russe ne peut espérer revendiquer une victoire stratégique avant plusieurs mois.
  • Dans le même temps, les soutiens de Kiev augmentent leurs capacités de production et pourraient débloquer un prêt de plus de 50 milliards de dollars dès 2025 lors du sommet du G7 qui se tiendra du 13 au 15 juin.

Du côté de Kiev, le gouvernement ukrainien ne reconnaît pas la légitimité des élections ayant eu lieu sur les territoires occupés par la Russie.

  • Par la voix de son ministère des Affaires étrangères, l’Ukraine a fait par conséquent savoir qu’elle ne « voyait aucun fondement juridique pour reconnaître [Poutine] comme le président démocratiquement élu et légitime de la Fédération de Russie »5. En fonction des scénarios, cette non-reconnaissance pour la première fois aussi explicite pourrait créer des obstacles juridiques supplémentaires à d’hypothétiques pourparlers entre les deux pays.

Discours intégral

Chers citoyens de Russie ! Mesdames et Messieurs ! Chers amis !

En ces moments solennels et responsables de la prise de fonction du président, je voudrais remercier cordialement les citoyens russes de toutes les régions de notre pays, les habitants de nos terres historiques qui ont défendu le droit d’être ensemble avec leur mère-patrie.

Je tiens à me prosterner devant nos héros, les participants à l’opération militaire spéciale, tous ceux qui se battent pour la patrie.

Je vous remercie une fois de plus pour votre confiance et votre soutien, et je m’adresse maintenant à tous les citoyens de Russie.

Je viens de réciter les paroles du serment présidentiel. Ce texte concentre l’essence de l’objectif le plus élevé du chef de l’État : protéger la Russie et servir notre peuple.

Je comprends qu’il s’agit là d’un grand honneur, d’un devoir et d’une obligation sacrée. C’est ce qui a défini le sens et le contenu de mon travail au cours des années précédentes. Je vous assure que je continuerai à placer les intérêts et la sécurité du peuple russe au-dessus de tout.

La volonté consolidée de millions de personnes est une force colossale, une preuve de notre ferme conviction commune que nous déterminerons le destin de la Russie nous-mêmes et seulement nous-mêmes, dans l’intérêt des générations actuelles et futures.

Vous, les citoyens de Russie, avez confirmé la justesse de l’orientation du pays. Cela revêt une grande importance aujourd’hui, alors que nous sommes confrontés à de sérieux défis. J’y vois une profonde compréhension de nos objectifs historiques communs, la détermination de défendre fermement notre choix, nos valeurs, la liberté et les intérêts nationaux de la Russie.

Je suis convaincu que nous traverserons dignement cette période difficile et décisive, que nous deviendrons encore plus forts et que nous mettrons résolument en œuvre des plans à long terme et des projets de grande envergure visant à atteindre les objectifs de développement.

Il s’agit avant tout de sauver notre peuple. Je suis sûr que le soutien des valeurs familiales et des traditions multiséculaires continuera d’unir les organismes publics et religieux, les partis politiques et tous les paliers de pouvoir.

Nos décisions sur le développement du pays et des régions doivent être efficaces et équitables, améliorer le bien-être et la qualité de vie des familles russes.

Nous avons été et resterons ouverts au renforcement des bonnes relations avec tous les pays qui considèrent la Russie comme un partenaire fiable et honnête. Il s’agit en effet de la majorité mondiale.

Nous ne refusons pas de dialoguer avec les pays occidentaux. C’est à eux de choisir s’ils ont l’intention de continuer à essayer de freiner le développement de la Russie, de poursuivre leur politique d’agression et de pression incessante sur notre pays au fil des ans, ou de chercher la voie de la coopération et de la paix.

Je le répète : une conversation, y compris sur les questions de sécurité et de stabilité stratégique, est possible. Mais pas à partir d’une position de force, sans arrogance et exceptionnalisme, mais seulement sur un pied d’égalité, dans le respect des intérêts de chacun.

Avec nos partenaires de l’intégration eurasienne, avec d’autres centres de développement souverains, nous continuerons à œuvrer à la formation d’un ordre mondial multipolaire et d’un système de sécurité égal et indivisible.

Dans un monde complexe qui évolue rapidement, nous devons être autonomes et compétitifs, et ouvrir de nouveaux horizons à la Russie, comme cela s’est produit à de nombreuses reprises au cours de notre histoire.

Mais il est important que nous nous souvenions de ces leçons, que nous n’oubliions pas le coût tragique des troubles6 et des bouleversements internes. C’est pourquoi notre État et notre système sociopolitique doivent être forts et absolument résistants à tous les défis et à toutes les menaces, et garantir le développement progressif et stable, l’unité et l’indépendance du pays.

En même temps, la stabilité n’est pas synonyme de rigidité. Notre État et notre système social doivent être flexibles, créer des conditions propices au renouvellement et à l’évolution.

Nous voyons comment l’atmosphère de la société a changé, comment la fiabilité, la responsabilité mutuelle, la sincérité, la décence, la noblesse et le courage sont hautement appréciés aujourd’hui. Je ferai de mon mieux pour que les personnes qui ont fait preuve des meilleures qualités humaines et professionnelles, qui ont prouvé par leurs actes leur loyauté envers la patrie, occupent des postes de premier plan dans l’administration de l’État, dans l’économie — dans tous les domaines.

Nous devons assurer une continuité fiable dans le développement du pays pour les décennies à venir, élever et éduquer les jeunes générations qui renforceront la puissance de la Russie, développer notre État, qui est basé sur l’harmonie interethnique, la préservation des traditions de tous les peuples vivant en Russie, dans le pays-civilisation, unis par la langue russe et notre culture multinationale.

Chers amis !

Je ferai tout ce qui est nécessaire, tout ce qui est en mon pouvoir pour mériter votre confiance, et j’utiliserai à cette fin tous les pouvoirs du chef de l’État, qui sont inscrits dans la Constitution. En même temps, je voudrais souligner que les résultats de ce travail dépendent essentiellement de notre unité et de notre cohésion, de notre volonté commune de servir la patrie, de la protéger, de travailler avec un dévouement total.

Aujourd’hui, en effet, nous sommes responsables devant notre histoire millénaire et nos ancêtres. Ils ont atteint des sommets apparemment inaccessibles, parce qu’ils ont toujours placé la patrie au premier plan, parce qu’ils savaient qu’il n’était possible d’atteindre de grands objectifs qu’avec leur pays et leur peuple, et parce qu’ils ont créé une puissance mondiale, notre patrie, qui a remporté de tels triomphes qui nous inspirent aujourd’hui.

Nous regardons vers l’avenir avec confiance, nous planifions notre avenir, nous définissons et mettons déjà en œuvre de nouveaux projets et programmes pour rendre notre développement encore plus dynamique, encore plus fort.

Nous sommes une grande nation unie et c’est ensemble que nous surmonterons tous les obstacles et que nous réaliserons tout ce que nous avons prévu. Ensemble, nous gagnerons !

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07.05.2024 à 15:17

À Rafah, Israël déclare vouloir « maintenir la pression militaire » sur le Hamas pour obtenir des meilleures conditions de cessez-le-feu

Marin Saillofest

Mardi 7 mai dans la matinée, après avoir refusé les termes d’un cessez-le-feu auxquels le Hamas avait consenti la veille, Israël est entré à Rafah avec des chars d’assaut et a pris le contrôle du point de passage vers l’Égypte. Le Cabinet de Netanyahou revendique ouvertement se servir de son offensive comme d’un moyen de pression visant à faire plier le Hamas.

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Texte intégral (944 mots)

Lundi 6 mai, le Hamas a annoncé avoir accepté une proposition de cessez-le-feu négociée par l’Égypte et le Qatar. Considérant que les termes de l’accord sont « loin de répondre aux exigences fondamentales d’Israël », Tel-Aviv a lancé hier une « opération limitée » à Rafah visant à « démanteler des infrastructures utilisées par le Hamas »1. Aujourd’hui, mardi 7 mai dans la matinée, Tsahal a pris le contrôle du point de passage vers l’Égypte.

  • Il est important de noter qu’Israël a ordonné aux populations palestiniennes d’évacuer la partie sud de Rafah avant que le Hamas n’accepte la proposition qatari-égyptienne2.
  • Tel-Aviv accuse les États-Unis de ne pas avoir mis au courant le cabinet de Netanyahou des nouveaux termes de l’accord avant que celui-ci ne soit accepté par le Hamas — ce que Washington dément : « Il n’y a pas eu de surprises »3.
  • La Maison-Blanche a déclaré que Biden avait appelé le Premier ministre israélien durant 30 minutes avant que le Hamas n’annonce qu’il acceptait les termes de l’accord4.

Tel-Aviv justifie son refus des termes de l’accord en arguant avoir été maintenu dans le noir par le Hamas, les négociateurs (Qatar et l’Égypte) et les États-Unis. Le Cabinet de guerre de Netanyahou revendique néanmoins ouvertement se servir de son offensive militaire à Rafah comme d’un moyen de pression visant à faire plier le Hamas, et consentir à la libération des otages en échange de concessions limitées5. Dans le même temps, Israël a signalé son intention de continuer à participer aux négociations en envoyant une délégation au Caire.

  • Lors de l’attaque du 7 octobre, le Hamas a pris en otage 252 personnes sur le territoire israélien. Selon la Société de radiodiffusion publique israélienne, 112 de ces otages ont été rapatriés vivants et 49 ont été tués.
  • En prenant en compte les quatre civils et militaires israéliens capturés par le Hamas avant le 7 octobre 2023, 95 personnes sont à ce jour toujours retenues en otage par divers groupes terroristes dans la bande de Gaza.

Selon une copie de l’accord obtenue par Al Jazeera, la proposition de cessez-le-feu acceptée par le Hamas prévoit une première phase de 42 jours au cours de laquelle 33 otages (vivants ou morts) détenus à Gaza seraient libérés en échange d’un certain nombre de prisonniers détenus en Israël6. Ce nombre serait décidé en fonction du genre, de l’âge et de l’état physique des otages libérés.

À la fin de cette première période, « le retour à un calme durable doit être annoncé et prendre effet avant l’échange de captifs et de prisonniers encore en vie (civils et soldats) ». La troisième et dernière phase prévoit la reconstruction de la bande de Gaza sur une période de trois à cinq ans, supervisée par l’Égypte, le Qatar et les Nations unies.

L’article À Rafah, Israël déclare vouloir « maintenir la pression militaire » sur le Hamas pour obtenir des meilleures conditions de cessez-le-feu est apparu en premier sur Le Grand Continent.

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