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22.11.2024 à 19:10
Que se passe-t-il avec le nucléaire iranien ?
Marin Saillofest
Hier, jeudi 21 novembre, le Conseil des gouverneurs de l’AIEA a voté une résolution déposée par le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne et soutenue par les États-Unis, susceptible de mener à nouveau à des sanctions internationales à l’encontre de l’Iran, levées par l’accord sur le nucléaire (JCPOA), signé il y a presque dix ans à Vienne. Quelques jours plus tôt, Téhéran s’était engagé à limiter le taux d'enrichissement de son uranium.
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Texte intégral (1146 mots)
À la suite d’une visite de Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA, en Iran les 14 et 15 novembre, la République islamique avait annoncé mardi 19 novembre qu’elle acceptait de limiter le taux d’enrichissement d’uranium sur son sol à 60 %.
- En dépit de cette annonce—considérée comme symbolique par la plupart des observateurs—la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont déposé cette semaine une résolution auprès du Conseil des gouverneurs de l’AIEA.
- Celle-ci appelle à condamner l’Iran pour violation du Traité sur la non-prolifération et non-respect du JCPOA, en réaction au dernier rapport de l’AIEA sur l’état du programme nucléaire iranien qui estime notamment que Téhéran dispose de suffisamment d’uranium hautement enrichi pour constituer quatre têtes nucléaires 1.
- La résolution souligne également l’incapacité de l’Iran à répondre de manière satisfaisante aux questions soulevées par l’AIEA il y a cinq ans concernant de la matière nucléaire non déclarée.
Une telle résolution pourrait ouvrir la voie au retour des sanctions internationales levées par l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA). En effet, malgré l’imposition de nouvelles sanctions américaines suite au premier mandat de Donald Trump en 2016 et les sanctions prises par l’Union européenne à l’encontre de l’Iran pour son soutien militaire à la Russie ainsi que pour violations des droits de l’homme, les sanctions onusiennes des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (1737, 1747, 1803, 1929) sont toujours levées.
- La résolution votée hier soir, jeudi 21 novembre, demande au directeur général de l’AIEA un rapport détaillé sur le programme nucléaire iranien avant le printemps 2025.
- Il pourrait donner lieu à une saisine du Conseil de sécurité des Nations unies par le Conseil des gouverneurs de l’AIEA, ce qui devrait permettre l’utilisation du mécanisme de snapback, qui autorise tout membre du JCPOA à réimposer l’intégralité des sanctions onusiennes à l’encontre de l’Iran.
- Ce mécanisme, que Donald Trump avait souhaité utiliser à l’été 2020 — sans succès car les États-Unis étaient déjà sortis du JCPOA —, pourrait être activé par les Européens, sans que la Chine ou la Russie puisse y opposer de veto.
Le renforcement de la pression européenne sur l’Iran s’explique d’abord par le soutien que l’Iran apporte à la Russie dans la guerre contre l’Ukraine. L’Union ainsi que le Royaume-Uni ont ainsi mis en place la semaine dernière de nouvelles sanctions à l’égard du transport aérien iranien visant à affaiblir les capacités de transferts de missiles balistiques vers la Russie 2.
La volonté des Européens d’exercer une pression sur la République islamique doit aussi se comprendre à la lumière d’une stratégie adoptée tout au long des négociations nucléaires depuis 20 ans, qui consiste à démontrer l’attachement des Européens à la non-prolifération nucléaire aux administrations américaines successives, et à soutenir une solution diplomatique au lieu d’interventions militaires contre le programme nucléaire iranien. En créant un processus au sein de l’AIEA, les E3 espèrent fournir un cadre légal et onusien à la pression que la nouvelle administration Trump pourrait exercer contre l’Iran.
- Les craintes d’un conflit avec l’Iran sont renforcées par l’élection de Donald Trump et notamment la politique de « pression maximale » qu’il pourrait de nouveau mettre en oeuvre, comme il l’avait fait en sortant du JCPOA en mai 2018 puis en ordonnant l’assassinat du général iranien Qassem Soleymani en janvier 2020.
- La destruction d’un centre de recherche nucléaire secret de l’Iran par Israël fin octobre pourrait donner de nouvelles velléités aux partisans d’une approche militaire 3.
Le ministre des Affaires étrangères iranien Abbas Araqchi a, quant à lui, appelé les États-Unis à mettre en oeuvre une politique de « rationalité maximale » lors d’une conférence de presse mardi 19 novembre 4. En réaction au vote de la résolution, l’Iran a annoncé réactiver un certain nombre de centrifugeuses avancées. Les négociations nucléaires, vingt ans après leur commencement, semblent être revenues à leur point de départ.
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22.11.2024 à 18:01
Le message du missile Oreshnik : comprendre la rhétorique nucléaire de Poutine. Traduction inédite
Marin Saillofest
En lançant pour la première fois sur l’Ukraine jeudi 21 novembre un missile balistique à portée intermédiaire capable de transporter une ogive nucléaire, Poutine a pleinement fait entrer la rhétorique nucléaire dans sa guerre contre l'Ukraine et l'Europe. Le lendemain, au cours d’une allocution télévisée, le président russe a haussé d’un cran supplémentaire ses menaces à destination de l’Occident. Nous le traduisons — et commentons son intervention ligne à ligne.
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Texte intégral (2515 mots)
Jeudi 21 novembre, le président de la Fédération de Russie a prononcé une courte allocution dont on retient (outre le fait inexpliqué que ses mains soient restées absolument immobiles devant lui durant près de huit minutes, ce qui n’a pas manqué de susciter quantité de théories sur une éventuelle maladie ou sur l’usage de l’intelligence artificielle) essentiellement les menaces adressées à l’Occident en réplique à l’usage inédit, par l’Ukraine, de missiles longue portée en direction du territoire russe.
Le président Biden a, comme on le sait, autorisé l’Ukraine à employer contre la Russie des missiles dont la portée de 300 kilomètres permet d’atteindre une série de villes russes telles que Smolensk, Tula ou Voronej. Les autorités ukrainiennes n’ont pas manqué d’en faire immédiatement usage, en visant des cibles militaires dans les régions de Briansk et de Koursk avec les missiles américains ATACMS et les fusées britanniques Storm Shadow. La Russie y a répliqué en dévoilant une nouvelle arme de son arsenal : le missile balistique hypersonique Oreshnik (« Noisetier »), à portée intermédiaire, qui a frappé l’usine Pivdenmash de Dnipro, d’où sortent notamment les missiles de croisière Neptune.
Les principaux soutiens du Kremlin ont aussitôt laissé éclater leur joie. Margarita Simonjan, rédactrice en chef de Russia Today et de l’agence de presse Sputnik, s’est ainsi exclamée : « Voilà deux ans qu’on me demande quand et comment tout cela finira, et deux ans que je réponds : quand, je ne le sais pas, mais cela se terminera par un ultimatum de missiles ». Ramzan Kadyrov, chef de la République tchétchène, a quant à lui ajouté que l’usage du missile Oreshnik pourrait forcer les pays occidentaux à se mettre à la table des négociations, tout en appelant le Kremlin à montrer à la face du monde toute la puissance des dispositifs russes à longue portée, afin que l’Ukraine et l’Occident « tressaillent de peur ».
Pendant ce temps, des « experts » et des « journalistes » russes débattaient de cette nouvelle sur la chaîne NTV et en profitaient pour digresser sur la possible désignation par Trump de Boris Epshteyn comme négociateur pour la régulation de la guerre en Ukraine, se lançant dans une hallucinante séquence antisémite. Pendant de très longues minutes, le présentateur Andrej Norkin et ses invités se sont demandé si l’on ne pouvait « vraiment pas se passer des Epsteins » et autres « Shapiros » (au pluriel), tout en élaborant sur les différences entre « les Epsteins » d’Ukraine, va-t-en-guerre incorrigibles et « les Epsteins » de Russie, autrement raisonnables, avant de conclure que Boris Epshteyn « trouverait un accord » puisque, « avec ces gens-là, on peut s’entendre », sachant qu’ils ne sont pas « arc-boutés sur la morale et les principes ».
Nous sommes au seuil de la guerre nucléaire — structurellement et indéfiniment depuis que l’arme nucléaire existe — et l’offensive idéologique est menée à grands coups de saillies culturalistes et antisémites, tandis que l’opinion publique européenne, loin de « tressaillir » comme le voudrait Kadyrov, continue pour l’essentiel à regarder ailleurs.
Avant la réunion d’urgence entre l’OTAN et l’Ukraine à Bruxelles, mardi prochain, nous proposons ici la première traduction de l’allocution de Vladimir Poutine.
Je souhaite informer les effectifs militaires des Forces Armées de la Fédération de Russie, les citoyens de notre pays, nos amis de par le monde, et tous ceux qui persistent dans l’illusion d’imposer une défaite stratégique à la Russie, des derniers événements en cours sur le terrain de l’opération militaire spéciale, en particulier à la suite des attaques ayant visé notre territoire au moyen d’armes à longue portée de fabrication occidentale.
Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN, qui poursuivent l’escalade du conflit provoqué par l’Occident lui-même en Ukraine, avaient précédemment annoncé qu’ils autorisaient le recours à leurs systèmes d’armement à longue portée et de haute précision pour des frappes visant le territoire de la Fédération de Russie. Tous les experts le savent, et nous l’avons d’ailleurs régulièrement répété de notre côté : l’usage de ces armements est impossible sans la participation directe de spécialistes militaires venus des pays qui les manufacturent.
Ce 19 novembre, six missiles tactiques ATACMS de fabrication états-unienne et, deux jours plus tard, une attaque combinée de missiles Storm Shadow et de systèmes HIMARS, respectivement d’origine britannique et états-unienne, ont frappé des objectifs militaires sur le territoire de la Fédération de Russie, en l’occurrence dans les régions de Briansk et de Koursk. Depuis ce moment précis, et conformément à nos avertissements passés, le conflit régional ourdi par l’Occident en Ukraine a acquis une nouvelle dimension, de caractère global. Nos systèmes de défense aérienne ont contrecarré ces attaques : aussi, nos ennemis n’ont pas atteint leurs objectifs.
Le territoire russe est de facto la cible et le théâtre d’attaques ukrainiennes depuis plusieurs mois. L’Ukraine utilise notamment des drones longue portée afin de frapper des cibles militaires ainsi que le secteur énergétique russe, et a lancé début août une offensive terrestre dans l’oblast frontalier de Koursk.
Si l’autorisation américaine et, de toute évidence, britannique et française donnée à l’Ukraine d’utiliser leurs missiles ATACMS et SCALP/Storm Shadow pour frapper le territoire russe confère de nouvelles capacités à Kiev, la « nouvelle dimension » du conflit évoquée ici par Poutine ne repose sur aucun changement fondamental. L’Ukraine a notamment utilisé dès août des lance-roquettes multiples américains HIMARS pour frapper des cibles militaires en Russie, ainsi que des véhicules blindés américains (Bradley, Abrams) sur le front de Koursk.
L’incendie qui s’est déclenché dans le dépôt de munitions de la région de Briansk, causé par des chutes de débris de fusées ATACMS, a été maîtrisé sans causer de victimes ni de destructions sévères. Dans la région de Koursk, l’attaque a visé l’un des postes de commande de notre groupe « Nord ». Malheureusement, cette attaque et les ripostes anti-aériennes ont, cette fois-ci, entraîné des morts et des blessés parmi les effectifs de sécurité du site et le personnel de service. Toutefois, le personnel de commandement et le personnel opérationnel n’ont pas subi de pertes et continuent à diriger les opérations de nos troupes, déterminées à éliminer et repousser hors de la région de Koursk les unités militaires ennemies.
Je tiens à souligner une fois encore que le recours à des armes de ce type par nos adversaires ne saurait peser sur le cours militaire effectif de l’opération militaire spéciale. Nos forces armées réalisent des percées tout le long de la ligne de contact et les objectifs que nous avons déterminés seront atteints.
En réponse à l’usage des armes à longue portée d’origine américaine et britannique, les Forces armées russes ont, ce 21 novembre, mené une frappe combinée sur l’une des cibles du complexe industriel de la défense ukrainienne. Nous avons également réalisé, dans des conditions de terrain, le test de l’un de nos derniers missiles balistiques à portée intermédiaire, équipé d’une charge hypersonique non-nucléaire, que nos ingénieurs ont baptisé « Oreshnik ». L’essai a été concluant, la cible a été atteinte : en l’occurrence, l’une des plus grandes installations industrielles ukrainiennes, dans la ville de Dniepropetrovsk, connue depuis l’Union soviétique pour la production de missiles et d’autres armements.
L’armée russe a vraisemblablement visé dans la matinée du jeudi 21 novembre l’usine Piv Demnach de la ville de Dnipro, située à plus de 200 km des frontières russes et à plusieurs dizaines de kilomètres de la ligne de front. C’était, avant la chute de l’URSS, l’usine de construction de fusées de l’Union soviétique qui concevait et produisait des fusées pour les programmes de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) et spatiaux.
Des premières images partagées quelques heures après l’impact suggèrent que le nouveau missile « Oreshnik » n’a provoqué que des dégâts mineurs, s’abattant en partie sur un bâtiment d’un centre de réadaptation pour personnes handicapées, détruisant la chauffagerie et les fenêtres. Des zones résidentielles ont également été touchées. Selon Joseph Henrotin, l’absence apparente d’explosifs sur la charge du missile indique que la frappe visait plus à servir de message qu’à remplir une réelle finalité opérationnelle.
La Russie a entrepris le développement de missiles de portée intermédiaire et de longue portée en réponse aux programmes lancés par les États-Unis, consistant à produire et déployer en Europe et dans la région Asie-Pacifique leurs propres missiles de courte portée et de portée intermédiaire. Nous estimons que les États-Unis ont commis une erreur en 2019 lorsqu’ils ont déchiré, sur un prétexte fallacieux, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Aujourd’hui, les États-Unis ne se contentent pas de produire de tels équipements : comme on le constate, ils ont entrepris, dans le cadre de leurs exercices militaires, le transfert de ces systèmes avancés vers différentes régions du monde, notamment en Europe, sans compter qu’ils s’entraînent à leur utilisation lors de leurs manœuvres.
Je rappelle que la Russie s’est volontairement et unilatéralement engagée à ne pas déployer de missiles de moyenne et courte portée tant que des armes américaines de ce type ne feraient pas leur apparition en un quelconque point du monde.
Je le répète : les essais des missiles Oreshnik que nous conduisons sur le terrain représentent bel et bien une réponse aux opérations agressives des pays de l’OTAN vis-à-vis de la Russie. Le déploiement futur de ces missiles dépendra ainsi de l’action des États-Unis et de leurs satellites.
Les cibles à atteindre dans le cadre des essais de nos missiles les plus récents devront être définies à l’aune des menaces concrètes qui pèsent sur la sécurité de la Fédération de Russie. Nous nous considérons pleinement fondés à employer nos armes contre les infrastructures militaires des pays qui autorisent l’usage des leurs contre nos propres installations. En cas d’escalade des actes d’agression, nous y répondrons avec la même résolution et de manière symétrique. Je recommande vivement aux élites dirigeantes des pays qui envisagent de déployer leurs contingents militaires contre la Russie d’y réfléchir à deux fois.
Il va de soi que, si nous étions contraints de répliquer à une attaque avec nos missiles du type Oreshnik en prenant pour cible le territoire ukrainien, nous proposerions préalablement aux civils et aux citoyens des pays amis résidant dans la région de quitter les zones dangereuses. Nous agirons ainsi pour des motifs humanitaires, de manière ouverte, publique, sans crainte de contre-manœuvres de la part de l’ennemi, qui en sera également informé.
Des responsables américains, s’exprimant de manière anonyme suite aux frappes russes du 21 novembre, ont déclaré que la Russie ne possédait que quelques exemplaires de ce type de missile expérimental et qu’il ne s’agissait pas d’une capacité susceptible d’être régulièrement déployée contre l’Ukraine. La Russie a par ailleurs averti les États-Unis via le Centre national russe pour la réduction des risques nucléaires une demi-heure avant le lancement des missiles. Ce système, qui fonctionne de manière automatique, vise à « maintenir une communication constante » avec un réseau similaire dont disposent les États-Unis, selon le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.
Pourquoi n’avons-nous aucune crainte ? Parce qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun moyen de contrer une attaque de ce type. Les missiles atteignent leur cible avec une vitesse de Mach 10, soit 2,5 à 3 kilomètres par seconde. Les systèmes de défense aérienne actuellement existants dans le monde, tout comme les systèmes de défense anti-missile développés par les Américains en Europe, ne sont pas en mesure d’intercepter des missiles de ce genre : la chose est tout simplement impossible.
L’Ukraine a déjà intercepté des nouveaux missiles hypersoniques russes précédemment qualifiés « d’invincibles » par Vladimir Poutine. En mai 2023, Kiev s’est servi d’un système antimissile américain Patriot pour détruire un missile Kh-47M2 Kinjal lancé sur l’Ukraine depuis un MiG-31 russe. Le Pentagone a confirmé l’interception de celui-ci par les défenses ukrainiennes, attestant des capacités d’interception du système Patriot qui étaient jusqu’alors théoriques. Un missile Kh-47M2 Kinjal se déplace à la même vitesse qu’un « Oreshnik », selon Vladimir Poutine.
Je souligne une fois encore que ce n’est pas la Russie, mais les États-Unis qui ont détruit l’architecture internationale de sécurité et, en poursuivant leurs combats, s’accrochent désespérément à leur hégémonie, entraînant la planète entière dans un conflit global.
Nous avons toujours préféré les solutions pacifiques et sommes, aujourd’hui encore, prêts à résoudre tous les différends de cette manière. Nous n’en sommes pas moins prêts à affronter tous les développements possibles que pourraient occasionner les événements en cours. Et si certains en doutent encore, ils ont bien tort de le faire. La Russie répliquera toujours.
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22.11.2024 à 13:02
Cartographier les réactions internationales à l’émission d’un mandat d’arrêt de la CPI contre Benyamin Netanyahou
Marin Saillofest
Hier, jeudi 21 novembre, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien et l’ex-ministre de la Défense Yoav Gallant. Ces derniers feront désormais face à un risque d’arrestation s’ils se rendent dans un pays ayant ratifié le Statut de Rome.
Nous cartographions les réactions à cette annonce au vendredi 22 novembre à 13h (Paris).
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Texte intégral (1003 mots)
Hier, jeudi 21 novembre, la Cour pénale internationale a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre 1. Le procureur de la CPI Karim Khan avait déposé une requête à cette fin à la fin du mois de mai 2024.
- Les réactions à l’échelle internationale sont très disparates. Au vendredi 22 novembre à 13h (Paris), une trentaine de pays ont publiquement commenté cette annonce.
- Sept pays ont contesté la décision de la Cour : l’Argentine, l’Autriche, les États-Unis, la Hongrie, Israël, le Paraguay et la Tchéquie.
- La Maison-Blanche a déclaré « fondamentalement rejeter la décision de la Cour […] Nous restons profondément préoccupés par la précipitation avec laquelle le procureur a demandé des mandats d’arrêt et par les erreurs de procédure troublantes qui ont conduit à cette décision » 2.
- En mai, en réaction à la requête formulée par le procureur de la CPI, Washington avait très rapidement publié un communiqué qualifiant la requête de Karim Khan de « scandaleuse », ajoutant : « Nous nous tiendrons toujours aux côtés d’Israël contre les menaces qui pèsent sur sa sécurité ».
- Certains pays, notamment la Chine, ont publié des communiqués ambigus. Dans le Global Times, tabloïd du Parti, Pékin a dit « espérer que la CPI maintiendra une position objective et juste, exercera son pouvoir conformément à la loi, et interprétera et appliquera le Statut de Rome et le droit international général de manière globale et de bonne foi selon des normes uniformes » 3.
- Les réactions de l’Allemagne, de la France, de la Norvège, de la Roumanie et du Royaume-Uni sont également « ambiguës » dans le sens où ces pays ont généralement reconnu la décision de la Cour tout en refusant, pour les pays ratificateurs du Statut de Rome, de dire s’ils arrêteraient ou non Netanyahou et Gallant si ces derniers venaient à se rendre dans leur pays.
- C’est notamment le cas de l’Allemagne, dont la ministre des Affaires étrangères a déclaré qu’elle allait « examiner » comment réagir à la décision de la Cour 4, et de la France, qui affirme avoir « toujours soutenu les actions de la Cour » tout en avertissant que cette situation « nécessite beaucoup de précautions juridiques » 5.
La plupart des pays ayant réagi à la décision de la Cour ont déclaré qu’ils respecteraient la décision (19 au total sur 32). En Europe, c’est notamment le cas de l’Italie, de l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Irlande, l’Estonie, la Slovénie et de la Suède. Tous ces pays ont ratifié le Statut de Rome et seraient tenus d’arrêter le Premier ministre et l’ex-ministre de la Défense israélien si ces derniers se rendaient dans leur pays.
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22.11.2024 à 06:30
Trump a été élu avec la marge la plus faible depuis 2000
Marin Saillofest
Alors que les derniers bulletins de vote pour l’élection présidentielle sont comptabilisés, le président-élu républicain a obtenu 49,9 % des voix contre 48,3 % pour Kamala Harris — soit une avance de seulement 1,6 point. Bien loin du « mandat » (mandate) supposément conféré par l’électorat américain, la victoire de Trump pourrait nuire à sa crédibilité.
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Texte intégral (548 mots)
Plus de deux semaines après l’élection présidentielle américaine, la quasi-totalité des bulletins de vote ont enfin été comptabilisés. Dans certains États, notamment en Californie, certains comtés ont encore quelques dizaines de milliers de bulletins à dépouiller. Ces derniers ne devraient cependant pas faire bouger significativement le résultat final.
- Bien qu’il ait obtenu une victoire « nette » au collège électoral, obtenant 312 voix contre 226 pour Kamala Harris, la victoire de Trump est loin d’avoir constitué un « raz-de-marée » tel que relayé par ses proches et partisans.
- Avec seulement 1,6 point d’avance au vote populaire sur Kamala Harris, le président-élu républicain a remporté l’élection avec la marge la plus étroite depuis la victoire de George W. Bush contre le démocrate Al Gore en 2000.
- Au 21 novembre, Trump a ainsi obtenu 49,9 % des votes contre 48,3 % pour Kamala Harris, soit un écart de seulement 1,6 point. En 2000, Al Gore avait devancé Bush de 0,5 point (mais avait néanmoins perdu l’élection).
Kamala Harris a obtenu 7 millions de votes de moins que Joe Biden quatre ans auparavant. Elle a cependant rassemblé une coalition bien plus importante que Barack Obama (69,5 millions de voix en 2008 et 65,9 millions en 2012) et Hillary Clinton (65,8 millions en 2016). La démocrate a par ailleurs obtenu plus de voix que Donald Trump en 2020, qui avait perdu le scrutin avec 46,8 %.
Ces chiffres seront importants pour le deuxième mandat de Trump, qui débutera avec son investiture le 20 janvier prochain.
- Depuis l’annonce de sa victoire, l’entourage de Trump a clamé à de nombreuses reprises que l’électorat américain avait confié un « mandat » (mandate) au président-élu, suggérant que les électeurs avaient massivement signalé leur rejet de l’administration Biden.
- En réalité, Trump a obtenu moins de la moitié des votes exprimés : 49,9 %, un chiffre susceptible de nuire à sa crédibilité.
- Le prochain test pour la nouvelle coalition républicaine aura lieu dans seulement deux ans, lors des midterms. Les électeurs se prononceront alors sur la performance de Trump au cours des deux premières années de son mandat.
Comme le rappelait Mathieu Gallard : « À titre de comparaison, l’écart entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand lors de l’élection présidentielle de 1974 était de 1,4 point — soit l’élection la plus serrée de l’histoire de la Ve République, et qui est à juste titre toujours présentée sous cet angle ».
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21.11.2024 à 19:00
Quels pays européens seraient le plus impactés par les tarifs douaniers annoncés par Trump ?
Marin Saillofest
Avec plus de 500 milliards d’euros de biens exportés l’an dernier, les États-Unis sont le premier marché pour les exportations européennes — loin devant la Chine, qui a importé deux fois moins de produits européens en 2023. Des tarifs indiscriminés de 10 % pourraient se traduire par une contraction de près de 30 % des exportations européennes vers les États-Unis.
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Texte intégral (764 mots)
L’Allemagne est de loin le premier exportateur européen vers les États-Unis : les entreprises allemandes ont exporté pour près de 158 milliards d’euros de biens outre-atlantique l’an dernier. Elle est suivie par l’Italie (67 milliards), l’Irlande (51 milliards) et la France (44 milliards).
- Si Donald Trump, une fois investi en janvier, mettait en place des tarifs douaniers indiscriminés pour tous les pays exportant des biens vers les États-Unis, ce sont ces États qui seraient principalement impactés au sein de l’Union.
- Le président-élu n’a pas formulé à ce jour de proposition claire quant au taux exact qu’il souhaiterait mettre en place et n’a pas précisé les catégories de bien qui seraient éventuellement ciblées par des tarifs plus importants.
L’Allemagne est particulièrement dépendante du marché américain pour ses exportations : l’institut Ifo estime que les exportations allemandes vers les États-Unis pourraient chuter de 14,9 % en cas d’instauration de tarifs douaniers — soit 23,5 milliards d’euros. Ses exportations automobiles seraient particulièrement touchées avec une baisse de 32 %, et jusqu’à 35 % pour ses produits pharmaceutiques 1.
- Selon des estimations réalisées par Allianz Trade, un scénario de « guerre commerciale contenue » (qui se traduirait par des droits de douane de 25 % sur les biens chinois et de 5 % pour le reste du monde) provoquerait une perte de 135 milliards de dollars d’exportations mondiales 2.
- Un scénario de « guerre commerciale totale » (avec un tarif universel de 10 % et de 60 % sur les exportations chinoises, soit ce que Trump a annoncé à plusieurs reprises) se traduirait quant à lui par une perte globale estimée à 510 milliards de dollars — soit le montant du total des exportations européennes vers les États-Unis.
- Pour l’Union, un tarif universel de 10 % pourrait conduire à une baisse d’environ 30 % du montant des exportations européennes vers les États-Unis, selon des estimations réalisées par la Commission 3.
- En termes de croissance, un tel taux pourrait conduire à une baisse du PIB de la zone euro se situant entre 1,2 et 1,7 points de pourcentage, en supposant une mise en œuvre des tarifs au courant de l’année 2025.
Contrairement à ce que Trump a affirmé au cours de la campagne, des tarifs universels nuiraient aux consommateurs américains en augmentant artificiellement le prix des importations. Par ailleurs, les effets redistributifs ayant tendance à être régressifs, le coût pèserait davantage sur les ménages à faibles revenus.
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