ACCÈS LIBRE UNE Politique International Environnement Technologies Culture
07.04.2025 à 11:27
Comment l’engagement ESG renforce la résilience des entreprises
Texte intégral (1247 mots)
Et si une certaine vertu payait ? Les entreprises ayant une politique ESG volontaire seraient moins affectées par les chocs boursiers exogènes. Parmi les raisons qui l’expliquent figurent notamment la qualité des liens qu’elles nouent avec leurs parties prenantes.
Les pratiques ESG (relatives aux critères environnement-social-gouvernance, ndlr) des entreprises cotées sont devenues un enjeu central dans l’analyse des marchés financiers, car les investisseurs intègrent de plus en plus ces critères dans leurs décisions d’allocation de capital. Cette évolution influence directement la capacité des entreprises à attirer des financements, à réduire leur coût du capital et à bénéficier de primes de valorisation sur les marchés boursiers.
Les agences de notation ESG et les gestionnaires d’actifs accordent une importance croissante à ces critères, considérant qu’ils reflètent non seulement la performance extrafinancière des entreprises, mais aussi leur potentiel de création de valeur à long terme. Dans ce contexte, il est essentiel d’analyser l’impact des pratiques ESG sur la résilience financière des entreprises.
Sur les marchés boursiers américains, après une année 2020 exceptionnelle, la pandémie de Covid-19 a exercé un choc exogène qui les fit reculer de près de 30 points. Cet événement inédit nous donne l’occasion de comprendre l’influence du score ESG sur la résilience financière des entreprises cotées à deux niveaux. D’une part, à travers la sévérité des pertes liées au cours de l’action et d’autre part sur leur capacité de rebond post-crise. Notre étude, portant sur 1 508 entreprises cotées aux États-Unis entre décembre 2019 et juin 2021, montre que les entreprises disposant d’un meilleur score ESG ont bénéficié d’une plus grande confiance des investisseurs. Cette perception favorable du marché a permis de limiter la baisse du cours de leurs actions et d’accélérer leur retour au niveau d’avant crise.
Abonnez-vous dès aujourd’hui !
Chaque lundi, recevez gratuitement des informations utiles pour votre carrière et tout ce qui concerne la vie de l’entreprise (stratégie, RH marketing, finance…).
Facteurs de résilience
Notre étude nous a permis de comprendre que toutes les composantes ESG ne jouent pas un rôle significatif sur le potentiel de résilience des entreprises. Ainsi, si les composantes RSE du score ESG exercent une influence forte, ce n’est pas le cas de la dimension qui relève de la gouvernance. Concrètement, la résilience accrue s’explique par l’action conjointe de quatre facteurs :
Premièrement, les entreprises fortement engagées en ESG sont généralement mieux préparées à gérer les risques, ce qui leur permet de mieux traverser les périodes de turbulence économique. Elles sont souvent mieux préparées à faire face à des situations imprévues, comme une crise sanitaire, grâce à des plans de continuité d’activité bien élaborés et une réactivité accrue face aux changements rapides du marché.
À lire aussi : Effectuer des investissements responsables, ce n’est pas renoncer à leur rentabilité
L’impact de la fidélité des consommateurs
Deuxièmement, les entreprises fortement engagées en ESG bénéficient souvent d’une meilleure réputation, ce qui constitue indéniablement un atout majeur pendant les crises. La fidélité des clients et la confiance des parties prenantes sont renforcées, ce qui aide ces entreprises à maintenir leurs revenus et investissements même en période difficile.
Troisièmement, les bonnes pratiques ESG impliquent souvent des relations plus solides avec les employés et les fournisseurs. Cela peut se traduire par une plus grande réactivité et une meilleure collaboration lorsqu’il est nécessaire d’adapter rapidement les opérations en réponse à une crise.
Quatrièmement, les entreprises qui sont à l’avant-garde de l’innovation notamment dans le développement de produits ou services plus durables envoient un signal positif aux investisseurs qui leur prêtent volontiers de meilleures capacités de résilience face aux crises environnementales. Ces entreprises sont plus aptes à répondre plus efficacement aux défis émergents.
Résistance aux futurs chocs
L’article souligne que du point de vue des entreprises, investir dans le capital environnemental et social pourrait les aider à résister à de futurs chocs et représenter une forme d’assurance efficace en période de crise. Pour les investisseurs, les politiques environnementales et sociales pourraient diminuer le risque d’exposition des entreprises en cas de crise. Les résultats suggèrent que les gestionnaires devraient se concentrer sur les pratiques environnementales et sociales pour améliorer la résilience financière, ce qui pourrait se traduire par des avantages concurrentiels significatifs.
Dit autrement, le capital environnemental et social d’une entreprise est tout aussi important que son capital financier pour évaluer sa capacité à surmonter les crises et à sur-performer à l’avenir. Il devrait à ce titre être de plus en plus scruté par les investisseurs dans leur choix de portefeuille.
De nouveaux critères pour les investisseurs ?
Alors que les défis environnementaux et sociaux prennent une importance croissante, il est intéressant de considérer la manière dont les entreprises et les marchés valorisent les pratiques ES. À l’avenir, il pourrait devenir impératif pour les entreprises non seulement d’adopter des stratégies ES en réponse aux attentes des parties prenantes, mais aussi comme un élément essentiel de leur survie et de leur prospérité dans un environnement commercial, de plus en plus incertain et volatile.
Les innovations dans le domaine de la durabilité, mais aussi les bonnes pratiques RSE, peuvent non seulement contribuer à la résilience financière, mais aussi stimuler la croissance économique et le développement social. En définitive, cette réflexion doit inciter les entreprises à repenser leurs modèles et les investisseurs à réévaluer leurs critères d’investissement, en mettant un accent plus prononcé sur les pratiques durables et responsables, non seulement pour leur impact social et environnemental positif, mais également pour leur potentiel de création de valeur à long terme.

Selma Boussetta a reçu des financements de ANR JCJC.
Hachmi Ben Ameur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
07.04.2025 à 11:26
Et McDonald’s ressuscita les jouets « pour adultes » avec un menu pixélisé
Texte intégral (2122 mots)

Avec ces 170 millions de joueurs dans le monde, Minecraft ne pouvait qu’intéresser les marques. Ainsi, McDonald’s propose désormais un menu Minecraft. Décryptage de la stratégie de la chaîne de restauration rapide : quels sont les enjeux du retour des jouets en plastique chez McDo ?
À l’occasion de la sortie du film Minecraft, McDonald’s lance un menu avec jouets… pour adultes. De dimension internationale, cette opération de marketing concerne une centaine de pays. Elle s’inspire de la nostalgie du Happy Meal d’antan, tout en contournant, s’agissant de la France, l’interdiction des jouets en plastique…
Depuis le 25 mars 2025, les amateurs de pop culture et de souvenirs d’enfance peuvent retrouver chez McDonald’s France un menu d’un genre particulier : le menu Minecraft, inspiré de l’univers pixelisé du célèbre jeu vidéo et lancé à l’occasion de la sortie de Minecraft, le film, en salles le 2 avril 2025. Il est possible pour les amateurs du fast-food de commander les traditionnels menus Best Of ou Maxi Best Of, assortis d’une sauce inédite baptisée « Nether Flame » (du nom de la dimension infernale dans le jeu, ndlr) et, surtout, d’un jouet en plastique.
Un menu collector et régressif, lancé à un moment stratégique
Revisitées dans le design graphique de Minecraft, six figurines à collectionner sont proposées à l’effigie des mascottes historiques de McDonald’s (Grimace, Birdie, le Hamburglar) et des plats emblématiques, comme le Big Mac renommé Big Mac Crystal. Chaque figurine est accompagnée d’une carte collector et d’un code à scanner qui débloque un « Skin » spécial dans le jeu. Longtemps réservé aux enfants, le jouet fait donc ici son grand retour… mais dans une version pensée pour les adultes.
En parallèle, à partir du 2 avril 2025, le menu enfant a également adopté l’univers de Minecraft, tout en respectant la réglementation française : les jouets proposés sont en carton, et non en plastique.
Ce lancement intervient à un moment clé dans l’actualité de la licence Minecraft. Lors du Minecraft Live de mars 2025, ont été annoncées plusieurs évolutions majeures parmi lesquelles une refonte graphique ambitieuse (Vibrant Visuals), de nouvelles créatures et un événement in-game spécial pour célébrer la sortie du film.
En se greffant à cette actualité, McDonald’s ne se contente pas de surfer sur une tendance : il se positionne au cœur d’un écosystème culturel captant à la fois l’attention des fans du jeu comptant plus de 170 millions de joueurs mensuels dans le monde et celle des nostalgiques du Happy Meal.
La nostalgie comme ressort émotionnel et commercial
Ce « menu pour adultes » n’arrive pas sans signaux précurseurs. Le 20 février 2025, McDonald’s France lançait un message sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook : « Je suis le seul à rêver d’un Happy Meal pour adulte ? »
Le ton était donné et le teasing lancé. Ce post a largement mis en émoi la communauté de fans de la marque demandant le retour des jouets de leur enfance.
Sur le compte Instagram, on pouvait notamment lire les commentaires suivants :
« Un Happy Meal, mais avec les vieux jouets qu’on avait avant, c’était génial », « Si McDo fait un Happy Meal adulte avec un jouet ou un livre, je prends ! »
ou bien encore :
« Faire un Happy Meal pour les adultes qui sont nés dans les années 1990 avec les jouets qui allaient avec ! »
Le 10 mars 2025, un nouveau post constitué d’une photographie d’un ancien jouet Tokio Hotel, accompagnée du message « Il y a 15 ans dans mon Happy Meal… » ravivait plus encore la flamme.
Tout cela participe d’une stratégie maîtrisée de marketing de la nostalgie, qui transforme les souvenirs en expérience de marque. En effet, pour toute une génération ayant grandi dans les années 1990 et 2000, les jouets Happy Meal faisaient partie intégrante de l’expérience McDo : figurines Disney, mini tamagotchis, gadgets loufoques… Autant de souvenirs qui, aujourd’hui, constituent des vecteurs émotionnels puissants.
Ce n’est d’ailleurs pas la première incursion de McDonald’s dans cette logique. En 2022, aux États-Unis, l’enseigne avait lancé un « Happy Meal pour adultes » avec la marque Cactus Plant Flea Market. En 2024, en Espagne, une édition spéciale proposait des figurines inspirées de la série Friends. La même année, un menu Squid Game était proposé en Australie.
Zone grise réglementaire
En France, ce retour du jouet revêt une dimension particulière. L’article 81 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire impose, depuis le 1er janvier 2022, la fin de « la mise à disposition, à titre gratuit, de jouets en plastique dans le cadre de menus destinés aux enfants ». En ciblant – sur le territoire français – les seuls adultes, McDonald’s joue habilement sur une zone grise réglementaire, tout en assumant une stratégie générationnelle.
Abonnez-vous dès aujourd’hui !
Chaque lundi, recevez gratuitement des informations utiles pour votre carrière et tout ce qui concerne la vie de l’entreprise (stratégie, RH marketing, finance…).
L’opération fonctionne comme une passerelle entre deux territoires de nostalgie : celui de McDonald’s lui-même, marque intergénérationnelle aux codes affectifs puissants, et celui de Minecraft, jeu culte qui parle autant aux enfants d’hier qu’aux gamers d’aujourd’hui. En conciliant ces deux univers, l’enseigne réussit à capter l’attention d’un large public.
Le succès du menu Minecraft ne se fait pas attendre. Sur les réseaux sociaux, les réactions enthousiastes affluent, mêlant incrédulité « Genre c’est un vrai jouet, genre un truc en plastique ? ? ? » et enthousiasme nostalgique « Comment ça fait plaisir d’avoir des jouets physiques ! Continuez à faire des Happy Meal pour adultes s’il vous plait ». En réactivant le plaisir régressif, McDonald’s touche une corde sensible : celle d’une nostalgie réconfortante, bienvenue dans un monde traversé par l’anxiété, les incertitudes et les tensions. Dans un quotidien souvent pesant, ces petits rappels de l’enfance offrent un refuge émotionnel, léger mais puissant.
Un retour en enfance… qui interroge nos contradictions de consommateurs
Cette opération marketing n’est pas exempte d’ambiguïtés. En réintroduisant des jouets en plastique, certes pour adultes, la marque ouvre un débat que l’on pensait clos : celui de la pertinence d’objets à usage court dans un contexte de transition écologique. Bien sûr, les adultes font le choix d’acheter ces figurines (elles peuvent être acquises indépendamment du menu au tarif de 3 euros), souvent pour les collectionner. Mais une question se pose : le jouet en plastique est-il plus acceptable lorsqu’il est assumé et destiné à un public majeur ?
Dans l’esprit des nostalgiques du jouet plastique, les jouets en carton présents désormais dans les menus destinés aux enfants sont un objet de débats. En lien avec l’écho nostalgique ressenti suite à la diffusion par McDonalds France du visuel d’une enceinte musicale Tokio Hotel dont plusieurs nostalgiques disaient qu’ils l’avaient conservée et qu’elle fonctionnait toujours, on pouvait notamment lire :
« Si vous voulez faire un vrai geste écologique, supprimez carrément les jouets en carton et les livres. Ils finissent tous à la poubelle contrairement aux jouets plastiques gardés des années. Ok pour l’écologie mais intelligente ! »,
ou encore :
« La France entière réclame le retour des vrais jouets. Les cadeaux actuels finissent à la poubelle pour encore plus de déchets finalement… »
À travers ces réactions se dessine une critique implicite : en voulant supprimer le plastique à tout prix, on aurait favorisé une surconsommation d’objets perçus comme bas de gamme et moins durables, créant in fine… plus de déchets.
En attendant le retour de Diddl
Au-delà de la tension écologique, on observe un glissement dans notre culture de consommation. L’enfance devient un territoire commercial réinvesti, non plus pour les enfants eux-mêmes, mais pour les adultes qui cherchent à revivre ce qui les faisait rêver. Le phénomène dépasse largement le cas McDonald’s : le retour du chocolat Merveilles du Monde ou encore l’attachement persistant des adultes à des univers comme Hello Kitty, les Bisounours ou les Polly Pocket en témoignent.
Ces icônes de l’enfance n’ont jamais vraiment disparu, mais elles font aujourd’hui l’objet d’un véritable marché générationnel, assumé, cultivé et souvent nostalgique. Le retour de Diddl en 2025, très attendu par les trentenaires et quadragénaires, illustre également cette dynamique. À l’heure où la consommation est de plus en plus expérientielle voire émotionnelle, la nostalgie reste l’un des leviers les plus puissants du marketing. S’agissant de McDonald’s, il semble s’agir de la parfaite recette pour retrouver la frite !

Sophie Renault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
07.04.2025 à 11:26
Deezer rentable pour la première fois : quel est son modèle économique ?
Texte intégral (1823 mots)
Longtemps, Deezer, la plateforme française de streaming musical, a cherché son modèle économique. Elle pourrait l’avoir trouvé. Retour sur vingt ans d’histoire musicale. Où il se confirme que, pour espérer réussir dans le numérique, il faut savoir se remettre en question régulièrement.
Les années 1990 et 2000 ont été marquées par des changements majeurs dans l’industrie des médias et en particulier dans le secteur de la musique. Ce dernier a connu une baisse des ventes physiques (CD), l’augmentation des téléchargements (sur un mode illégal mais aussi légal), un usage croissant du smartphone comme terminal privilégié pour la consommation de contenus… Le marché du streaming musical enregistre alors une croissance rapide devenant l’un des principaux moyens d’écouter de la musique dans de nombreux pays, dont la France.
C’est dans ce contexte de transformation numérique que Daniel Marhely décide de lancer en 2006 en France une plateforme de streaming musicale Blogmusik, rebaptisée Deezer, dès 2007. Les débuts de Deezer sont chaotiques sur un marché français très concurrentiel avec des acteurs déjà bien installés à l’époque, à l’instar de Spotify. Mais progressivement, Deezer réussit à se positionner comme un acteur clé avec sa plateforme de streaming au niveau international.
La fin des pertes
Après des années de performances financières assez médiocres, Deezer annonce en mars 2025, des résultats pour 2024 en nette progression avec une augmentation du chiffre d’affaires de 12 % et surtout une amélioration significative de la rentabilité : la plateforme a atteint le seuil de rentabilité pour la première fois au cours du second semestre de l’année 2024, avec un Ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) ajusté passant d’une perte de 28,8 millions d’euros en 2023 à 4 millions d’euros en 2024. Les prévisions pour 2025 sont optimistes avec des objectifs affichés pour un Ebitda ajusté positif et un flux de trésorerie disponible positif pour la deuxième année consécutive. Deezer a traversé plusieurs phases qui coïncident avec des prises de décision stratégique engageant l’entreprise à adapter notamment son modèle d’affaires.
Cette notion de modèle d’affaires s’est très largement diffusée depuis la fin de la décennie 1990. Cela correspond à la montée en puissance de tous les services et applications numériques dans un contexte de convergence des secteurs des TIC. Le modèle d’affaires (ou modèle économique) renvoie à des sens, des interprétations et des représentations multiples selon l’angle considéré (différenciation, avantage concurrentiel, innovation, disruption, partage de la valeur, etc.) et la discipline de référence (management des systèmes d’information, stratégie, entrepreneuriat, marketing digital, etc.). De fait, le modèle d’affaires est défini tour à tour comme une méthode, une démarche, un cadre d’analyse unifié, une logique, un concept, etc.
Le modèle d’affaires de Deezer sur plusieurs années peut être analysé au travers de trois dimensions principales dont certaines sont très anciennes et relèvent du champ économique « classique » :
la valeur : proposition, processus de création, partage de la valeur ;
les ressources : capacités d’innovation, « scalabilité » (passage à l’échelle et rendements croissants) ;
les revenus : le modèle de revenu (flux de revenus), souvent confondu avec le modèle d’affaires lui-même. Il existe plusieurs modèles de revenus parmi lesquels les formules « gratuites » (assorties ou non de publicité), payantes avec notamment les abonnements, les offres premium, etc.
Abonnez-vous dès aujourd’hui !
Chaque lundi, recevez gratuitement des informations utiles pour votre carrière et tout ce qui concerne la vie de l’entreprise (stratégie, RH marketing, finance…).
Un environnement en évolution permanente
Deezer a évolué dans un environnement technologique et réglementaire très changeant obligeant les acteurs du marché à des adaptations continues. Trois grandes périodes peuvent être identifiées avec un impact significatif sur les modèles d’affaires :
La fin des années 2000 : les premiers tâtonnements dans le streaming musical. Le fait marquant est bien entendu le lancement de la plateforme (avec des ressources et une démarche innovante) qui s’inspire des autres modèles existants sur le marché. Deezer a surtout testé pendant cette période des modèles de revenus (abonnements, formule premium). La proposition de valeur « accès (écoute et/ou téléchargement) à un son de très haute qualité et sans publicité » trouve son public et les premiers chiffres sont encourageants.
Les années 2010 : vers une transformation profonde du modèle d’affaires initial ? Cette décennie a été l’occasion, notamment pour Deezer, de « reconfigurer certaines briques » de son modèle d’affaires d’origine et d’étendre le périmètre géographique de ses activités au-delà du territoire français. Deezer poursuit la signature d’accords avec les labels de musique. La plateforme s’est enrichie avec des ressources issues de nombreux partenariats que Deezer a su développer. Plusieurs alliances sont nouées avec des opérateurs tels qu’Orange mais aussi avec d’autres acteurs du secteur des médias comme Fnac-Darty puis dans la décennie suivante avec Bouygues Telecom, Sonos, RTL+, DAZN, etc.
À lire aussi : « Homo subscriptor » : stade suprême du capitalisme numérique
Deezer réussit plusieurs levées de fonds successives et l’intégration de nouveaux actionnaires. Les processus de capture et de partage de la valeur entre les différents partenaires (offres intégrées) évoluent en conséquence. Son modèle économique est hybride, alliant des canaux de distribution direct (B2C) et indirect (B2B grâce aux partenaires).
Une licorne française
Côté consommateurs, Deezer poursuit sa croissance avec un catalogue de plus en plus étoffé, une audience en augmentation avec des offres ciblées (Deezer famille) et une mise à jour du site et de l’application (navigation plus fluide), de nouveaux contenus, des interactions directes et exclusives entre les utilisateurs et leurs artistes préférés, l’accompagnement d’artistes en leur permettant une plus grande visibilité sur la plateforme et les réseaux sociaux.
Même si Deezer devient une licorne française à la fin des années 2010, son renoncement à une première tentative d’entrée en Bourse en 2015 montre aussi que le modèle d’affaires de la plateforme n’était pas encore totalement « stabilisé » et que Deezer cherche de nouveaux relais de croissance et nouvelles sources de monétisation de son audience.
- 2020-2025 : l’innovation au cœur du modèle d’affaires
Si la période est contrastée, l’entreprise réussit sa deuxième tentative d’entrée en Bourse (Euronext Paris) en 2022. Mais le bilan est très mitigé. Les résultats économiques et financiers ne suivent pas, si bien que le cours s’effondre.
Amélioration de l’expérience client
Parallèlement, Deezer poursuit sa stratégie d’innovation avec pour objectif l’amélioration de l’expérience client par l’établissement notamment de playlists, ainsi que le développement de son algorithme Flow, qui inclut les favoris et des recommandations personnalisées sur la base des contenus ajoutés aux favoris par les utilisateurs. Flow évolue avec l’intégration de filtres. Parmi les autres fonctionnalités nouvelles, la synchronisation des paroles est désormais proposée. Le recours à l’intelligence artificielle (IA) sert quant à lui à identifier les musiques générées par l’IA.
En matière de rémunération et de redistribution pour les droits d’auteur, c’est le modèle au prorata (market centric) qui a été adopté majoritairement par les différents acteurs du streaming musical. Les revenus d’abonnement ou publicitaires génèrent un montant global qui est réparti en proportion de tous les temps d’écoute. Ce modèle favorise les artistes les plus populaires et les morceaux les plus écoutés.
Mieux rémunérer les artistes ?
C’est dans ce contexte en 2023 que Deezer décide de lancer un modèle de streaming musical centré cette fois-ci sur l’artiste baptisé : « Artist-Centric » dans une approche plus locale et non plus globale. Au cœur de ce modèle d’affaires, l’objectif affiché est de mieux rémunérer les artistes et de mieux prendre en compte les goûts des utilisateurs pour des artistes indépendants et/ou des musiciens faisant peu d’audience.
2025 s’annonce comme une année de consolidation pour Deezer avec une trajectoire positive. Elle révèlera aussi si l’embellie récemment constatée est le signe d’une amélioration structurelle de la situation financière de l’entreprise ou si elle n’était que passagère. À suivre donc…

Nabyla Daidj ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
06.04.2025 à 17:35
L’éloignement des détenus étrangers, solution à la surpopulation carcérale ?
Texte intégral (1693 mots)
Gérald Darmanin, le nouveau garde des sceaux, estime qu’afin de faire face à la surpopulation carcérale qui ne cesse d’augmenter d’année en année, il est nécessaire de transférer les détenus étrangers dans leur pays d’origine. L’efficacité de ces mesures martiales, répétées à l’envi, ne résiste pas à l’épreuve des faits. Pire, elles conduiraient à des effets aussi néfastes que contre-productifs. Il existe d’autres solutions pour réduire le taux d’incarcération.
Le 21 mars dernier, le garde des sceaux a adressé à l’ensemble des procureurs une circulaire les exhortant à user de tous les moyens à leur disposition pour transférer les détenus étrangers dans leur pays d’origine. Présentée dans la presse comme destinée à répondre à la surpopulation carcérale endémique qui sévit dans notre pays depuis plus de vingt ans, la mesure peut paraître frappée au coin du bon sens, le nombre de personnes étrangères incarcérées correspondant, peu ou prou, au nombre de places nécessaires pour remédier à cette situation. A l’analyse, cette solution se révèle pourtant doublement illusoire.
Alors que les prisons françaises comptent environ 19 000 ressortissants étrangers, les mesures préconisées sont loin de permettre le transfèrement de l’ensemble de ces personnes. La circulaire se garde d’ailleurs bien de fixer un quelconque objectif chiffré. D’une part, il faut avoir l’esprit qu’une grande partie d’entre eux sont placés en détention provisoire, se trouvant en attente de leurs procès ou d’une décision définitive sur les poursuites intentées à leur encontre. Et si les personnes étrangères représentent en moyenne un quart de la population carcérale, elles comptent pour un tiers des personnes provisoirement incarcérées, soit environ 8 000 détenus. Sauf à interrompre brutalement le cours des procédures judiciaires les concernant – et, partant, laisser l’infraction en cause sans aucune réponse – il ne saurait évidemment être question de les rapatrier dans leur pays d’origine avant qu’un jugement définitif n’ait été rendu à leur égard.
Du lundi au vendredi + le dimanche, recevez gratuitement les analyses et décryptages de nos experts pour un autre regard sur l’actualité. Abonnez-vous dès aujourd’hui !
Une solution illusoire et impraticable
En outre, que la personne ait été ou non définitivement condamnée, les conventions internationales encadrant ces échanges prévoient qu’aucun transfert ne peut davantage se faire sans que la personne détenue y consente expressément. Cette exigence ne disparait que pour les transferts impliquant des ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne, lesquels ne représentent qu’une très faible proportion de la population carcérale. Par ailleurs, aucune mesure de transfèrement ne peut se faire sans l’accord des autorités du pays d’accueil. Il en est de même pour la mesure d’aménagement de peine spécifique aux personnes étrangères soumises à une obligation de quitter le territoire que constitue « la liberté conditionnelle – expulsion » : la personne est libérée avant la fin de sa peine aux seules fins de mettre à exécution, dès sa sortie de prison, son retour dans son pays d’origine. Si cette mesure ne suppose pas l’accord formel du condamné, elle requiert en revanche la délivrance d’un laissez-passer par les autorités étrangères – une procédure dont l’effectivité est aujourd’hui mise à mal par la politique du chiffre qui sévit en la matière. En imposant aux services préfectoraux de délivrer toujours plus d’OQTF chaque année, les autorités les privent d’assurer utilement le suivi de chaque situation individuelle.
Rappelons enfin que le transfert d’une personne détenue dans un autre État ne peut se faire s’il implique une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale tel que garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : même si elle en a la nationalité, une personne ne peut être renvoyée dans son pays d’origine si l’essentiel de ses liens personnels et familiaux sont en France et qu’elle y réside depuis de très nombreuses années. On mesure ainsi à quel point, au-delà des effets de manche, les mesures annoncées par le ministère de la Justice ne sont absolument pas susceptibles de remédier à la surpopulation carcérale.
Ces mesures sont d’autant moins susceptibles d’y mettre fin qu’elles conduisent à occulter les véritables causes de ce phénomène. Ainsi que l’a démontré la brutale hausse des incarcérations ayant immédiatement suivi les libérations massives intervenues au plus haut de la crise sanitaire, au printemps 2020, le problème se situe moins au niveau des sorties que des entrées. Le nombre de places de prison a beau augmenter année après année, il reste toujours largement inférieur au nombre de personnes incarcérées. Face à ce constat, il n’existe dès lors que deux solutions si l’on veut vraiment en finir avec la suroccupation dramatique des prisons françaises. En premier lieu, certains acteurs préconisent d’instituer un mécanisme de régulation carcérale « automatique », prévoyant que, lorsque l’ensemble des places d’un établissement sont occupées, aucun nouveau condamné ne peut être incarcéré sans qu’un détenu ne soit libéré préalablement. La mise en œuvre de ce mécanisme suppose toutefois que le nombre de détenus soit identique ou à tout le moins proche du nombre de places. Le taux d’occupation particulièrement élevé des établissements surpeuplés – qui dépasse parfois 200 % – le rend ainsi impraticable en l’état. En l’état du flux de nouvelles incarcérations, sa mise en place supposerait en outre de renforcer considérablement les services chargés de l’aménagement des peines afin qu’ils puissent, en temps utile, faire sortir autant de personnes qu’il en rentre.
Les vraies causes de la surpopulation carcérale
C’est pourquoi il est sans doute préférable de chercher d’abord à agir sur les causes de la surpopulation carcérale. Si le taux d’incarcération a plus que doublé depuis la fin du XXe siècle c’est que, dans le même temps, le nombre d’infractions passibles d’emprisonnement a suivi la même pente ascendante et que les peines encourues pour certaines des plus poursuivies d’entre elles – à l’image des vols aggravés – n’ont également cessé d’augmenter.
Conséquence mécanique de cette évolution, le nombre personnes incarcérées comme la durée moyenne d’emprisonnement ferme n’ont fait que croître. Remédier à la surpopulation carcérale suppose alors de remettre durablement en cause une telle évolution. D’une part, en envisageant la dépénalisation des faits pour lesquels une réponse alternative à la répression paraît plus adaptée et efficace. A l’image de ce qui se pratique dans la majorité des États d’Europe de l’Ouest, mais également au Canada ou en Californie, l’abrogation du délit de consommation de produits stupéfiants, aujourd’hui passible d’un an d’emprisonnement, aurait un effet à la baisse immédiat sur la population carcérale.
De la même façon, substituer à la prison la mise à l’épreuve ou le travail d’intérêt général comme peine de référence pour certains délits – par exemple pour les atteintes aux biens – permettrait de réduire significativement le taux d’incarcération. Rappelons à cet égard que si les personnes étrangères sont surreprésentées dans les prisons françaises, cela tient avant tout à leur précarité matérielle et administrative, qui les prive bien souvent des « garanties de représentation » (un domicile stable, un logement propre permettant notamment de mettre en place une surveillance électronique) qui permettent aux autres d’échapper à la détention provisoire ou d’obtenir un aménagement de leur emprisonnement.

Vincent Sizaire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
06.04.2025 à 17:34
Le porte-avions « Charles-de-Gaulle », vitrine des ambitions françaises en Indo-Pacifique
Texte intégral (2105 mots)
Le porte-avions Charles-de-Gaulle et son groupe aéronaval reviennent d’une mission en Indo-Pacifique, région où la France cherche à développer son influence. Illustration concrète de la stratégie mise en œuvre par Emmanuel Macron depuis 2018, ce déploiement démontre la capacité de la France à projeter une puissance aéromaritime à des milliers de kilomètres de ses côtes hexagonales.
« Un porte-avions, c’est 100 000 tonnes de diplomatie », aurait affirmé l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger (1923-2023). Apocryphe ou non, cette expression reste d’actualité tant ces navires constituent un atout majeur pour les États qui en disposent.
Déployer un porte-avions, outil opérationnel sans équivalent, constitue autant un message d’affirmation stratégique qu’un moyen d’asseoir sa crédibilité diplomatique. Dernier exemple en date : en octobre 2023 à Gaza, trois jours après le début de la guerre, l’USS Gerald R. Ford naviguait en Méditerranée orientale pour tempérer toute velléité iranienne d’intervenir dans le conflit.
Traduction française de l’adage kissingerien, les 42 000 tonnes du porte-avions Charles-de-Gaulle (CDG), navire amiral de la Marine nationale, sont un avantage hors norme pour la France. Parti de Toulon en novembre dernier, le CDG est actuellement en mer dans le cadre de la mission Clemenceau 25, un déploiement résolument tourné vers l’Indo-Pacifique, une région où la France cherche à tisser son influence, en toute autonomie.
Du lundi au vendredi + le dimanche, recevez gratuitement les analyses et décryptages de nos experts pour un autre regard sur l’actualité. Abonnez-vous dès aujourd’hui !
Un porte-avions n’est donc pas seulement un moyen de projection militaire essentiel, c’est aussi un appui crédible de la stratégie Indo-Pacifique française, nouvel espace géopolitique de référence où la France cherche à faire valoir ses intérêts.
Un outil opérationnel hors norme
L’utilisation du porte-avions comme outil opérationnel a parfois divisé la communauté d’experts stratégiques, notamment quand il convient de faire des choix budgétaires.
Coût prohibitif ; absence de permanence à la mer sans « sister ship » ; vulnérabilité en cas de guerre de haute intensité ; défis posés par les stratégies de déni d’accès et d’interdiction de zone (stratégies A2/AD), et par des missiles à longue portée de plus en plus performants : autant de critiques régulièrement formulées à l’encontre de l’emploi du CDG.
Pourtant, le porte-avions demeure un instrument largement utilisé et convoité au XXIe siècle. On observe un essor des flottes de porte-avions dans le monde, car elles sont perçues par de nombreux pays comme l’outil de souveraineté absolue qui leur confère la capacité à se projeter loin et longtemps.
Dans le cadre de la mission Clemenceau 25, le CDG, accompagné de son groupe aéronaval (GAN) – constitué d’une trentaine d’aéronefs et de cinq navires de guerre – mobilise près de 3 000 militaires, déployés pendant 150 jours de la Méditerranée jusqu’aux confins du Pacifique occidental.
Opérant depuis la haute mer – espace de liberté et sanctuaire stratégique –, le CDG est à la fois une base aérienne embarquée, une centrale nucléaire et un centre de commandement. Le tout est un mécanisme parfaitement synchronisé capable de catapulter, puis de faire apponter en pleine mer, des dizaines d’aéronefs par jour.
Véritable ville flottante, le porte-avions CDG est néanmoins un instrument mobile, il peut parcourir près de 1 000 km par jour et engager le feu à plus de 2 000 km. De plus, ses divers senseurs (radars, sonars, satellites) assurent une bulle informationnelle pour agir efficacement dans tous les champs et milieux de conflictualité (mer, terre, air, fonds marins, cyber, espace).
L’ensemble de ces capacités permettent aux marins français de remplir un large éventail de missions : défense aérienne et antimissile, combat naval, frappe contre la terre, opération amphibie, lutte anti-sous-marins, interception maritime, protection du transport maritime, entre autres. Outil souple et polyvalent, le CDG est le symbole de l’autonomie stratégique française ainsi qu’un instrument crédible qui facilite les coopérations avec des nations partenaires.
Un instrument de coopération crucial
En service depuis 2001, les déploiements du GAN sont systématiquement l’occasion d’interactions avec les marines et armées étrangères. À cet égard, la mission Clemenceau 25 a porté à un niveau inédit les partenariats de la Marine nationale en Indo-Pacifique, structurés autour de trois moments clés : l’exercice de sécurité maritime La-Pérouse 25, mené avec huit nations riveraines de la région dans les détroits d’Asie du Sud-Est (Malacca, Lombok, Sonde) ; l’exercice trilatéral Pacific Steller aux côtés des États-Unis et du Japon ; et l’exercice annuel franco-indien Varuna.
Symbole des bonnes relations qu’entretient la France dans la région, le CDG a, pour la première fois de son histoire, fait escale aux Philippines (Subic Bay), en Indonésie (Lombok, où le ministre Sébastien Lecornu s’est rendu) et a fait une étape remarquée à Singapour.
Agrégateur de coopération maritime en temps de paix, pierre angulaire des flottes modernes, permettant une montée en puissance des forces partenaires et renforçant la confiance et l’interopérabilité, le GAN peut également être en facteur de désescalade politique en temps de crise. Outre le déploiement américain en Méditerranée mentionné plus haut, un autre exemple date de 1995, quand les États-Unis avaient déployé deux porte-avions dans le détroit de Formose en réponse à des tirs de missiles lancés par Pékin dans les eaux territoriales taïwanaises.
Le GAN est donc un puissant levier politique que la France exploite pour affirmer ses ambitions en Indo-Pacifique.
Stratégie Indo-Pacifique, au-delà du narratif
À partir de mai 2018, Emmanuel Macron, a formalisé une stratégie Indo-Pacifique française pour légitimer et crédibiliser le statut de la France en tant que puissance régionale.
À travers l’exercice de la souveraineté dans les collectivités de la zone, ce nouveau narratif est une opportunité pour la diplomatie française de valoriser ses attributs de puissances diplomatiques, culturelles, économiques et surtout militaires dans cette vaste région.
Ainsi, la France cherche à promouvoir une vision singulière, celle d’un espace Indo-Pacifique libre, ouvert, respectueux du droit international et favorisant une approche multilatérale. Et refusant toute logique de bloc, le président Macron encourage l’ensemble des partenaires à être libres de la coercition chinoise sans pour autant s’aligner systématiquement sur les États-Unis.
Pour le ministère des armées, les déclinaisons opérationnelles de la stratégie Indo-Pacifique impliquent la protection de 1,8 million de Français résidant dans les collectivités françaises de la zone. Il s’agit également de contribuer aux opérations nationales et européennes en mer Rouge et dans l’océan Indien, afin de renforcer la sécurité maritime dans ces régions.
En complément des forces prépositionnées en permanence dans les collectivités françaises de la région et des missions régulières de la Marine nationale et de l’Armée de l’air et de l’espace dans la zone, le déploiement du CDG constitue ainsi un signal stratégique fort, qui crédibilise la stratégie portée par l’État.
Un gage de crédibilité… et de rentabilité ?
Déployée en autonomie malgré la tyrannie des distances, notamment grâce à une escorte complète de frégates et à la présence du bâtiment ravitailleur Jacques-Chevallier, la mission Clemenceau 25 a permis de démontrer la capacité de la France à utiliser sa force aéromaritime loin du territoire hexagonal pendant plusieurs mois.
Le GAN est aussi la vitrine de l’excellence française à travers la diversité des technologies et des armements mis en œuvre. Le Rafale M F4.1, le sous-marin nucléaire d’attaque de classe Suffren, ou encore les frégates multimissions sont autant de « porte-étendards » et de potentiels contrats à l’exportation pour l’industrie française de l’armement.
En 2024, la France est devenue le deuxième exportateur mondial d’armements, et certains de ses plus gros clients, comme l’Inde, l’Indonésie et les Émirats arabes unis, sont des nations de l’Indo-Pacifique. Le déploiement du GAN relève donc aussi du soutien à l’exportation de la base industrielle et technologique française.
Instrument crédible, multimodal et polyvalent, dont les fonctions dépassent le strict cadre militaire, le GAN est un atout de première main pour la France. En attendant la mise en service du nouveau porte-avions (à l’horizon 2038), le Charles-de-Gaulle restera le « meilleur ambassadeur » français dans la zone Indo-Pacifique.

Paco Milhiet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.