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28.08.2025 à 16:51

Face aux polycrises, l’État doit devenir stratège

David Vallat, Professeur des universités en management stratégique - chercheur au laboratoire MAGELLAN (IAE de Lyon), iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3
Les polycrises associent plusieurs crises qui se renforcent, au point de déstabiliser nos sociétés. L’action d’un nouvel État stratège est indispensable.
Texte intégral (2082 mots)
La polycrise implique l’imbrication de crises multiples : financières (subprimes de 2008), sanitaires (Covid-19), géopolitiques (guerre en Ukraine, Gaza, Iran), environnementales (climat, biodiversité), sociales (migrations, inégalités) et informationnelles (désinformation, guerres narratives). Ak_aman/Shutterstock

La polycrise désigne l’interconnexion de crises géopolitiques, environnementales, sociales ou informationnelles qui se renforcent mutuellement et qui fragilisent nos sociétés démocratiques. Ce phénomène est le symptôme d’un monde devenu structurellement instable, où l’action publique, si elle ne se transforme pas en profondeur, est condamnée à l’impuissance.


Nous vivons une époque marquée par une instabilité permanente, dans laquelle les crises se succèdent ou se superposent, et où les structures sociales et politiques peinent à conserver leur cohérence. Les crises qui nous menacent ne sont plus ponctuelles ni isolées, mais interconnectées ; elles renforcent les fragilités structurelles des sociétés contemporaines, à commencer par un individualisme galopant, fruit de la postmodernité.

Le temps des polycrises

Nous vivons au temps des polycrises, menaces internes et externes pour nos sociétés démocratiques. La notion de polycrise renvoie à l’imbrication de crises multiples : financières (par exemple, celle des subprimes de 2008), sanitaires (Covid-19), géopolitiques (guerre en Ukraine, guerre des proxys de l’Iran contre Israël), environnementales (climat, biodiversité), sociales (migrations, inégalités) et informationnelles (désinformation, guerres narratives). Ces crises ne sont pas juxtaposées, mais s’entrelacent et se renforcent.

Ainsi la crise des subprimes, née du marché immobilier aux États-Unis, s’est rapidement transformée en crise financière mondiale, puis en crise de la dette souveraine en Europe. C’est dans ce contexte de fragilisation économique que l’Europe a dû faire face à un afflux massif de migrants consécutif à la guerre civile en Syrie. De même, la pandémie de Covid-19 a mis en lumière la dépendance logistique à des chaînes d’approvisionnement mondialisées, provoqué une onde de choc économique et accentué les inégalités, tout en fragilisant la légitimité des institutions. La situation économique de l’Europe se dégrade d’autant plus que les États européens doivent investir en armement pour faire face aux velléités impériales russes.

Ces enchaînements ne relèvent pas du hasard : ils traduisent l’interconnexion structurelle des systèmes modernes. L’accélération des flux – de capitaux, de données, de personnes, de virus – rend les sociétés extrêmement sensibles aux perturbations.

La mondialisation, en abolissant les distances, a créé un monde « petit », mais aussi extraordinairement fragile. Un effondrement énergétique local peut avoir des répercussions alimentaires, sécuritaires et sociales à l’échelle planétaire. Par exemple la guerre en Ukraine a contribué à la hausse du prix du blé en Égypte.

Le défi est que ces crises sont multiniveaux. Elles touchent à la fois l’individu (perte de repères, isolement), les institutions (crise de confiance) et les États (incapacité à coordonner des réponses globales). Cette complexité rend difficile la hiérarchisation des priorités. À quelles urgences répondre d’abord ? À la crise climatique, à la dette publique, à la sécurité énergétique, à l’implosion des services publics, à la cybersécurité ? Chaque réponse sectorielle risque d’aggraver une autre dimension du problème.

Face aux polycrises, la désintégration du commun

La modernité s’est construite sur des fondations solides : la foi dans le progrès, dans la raison, dans la science, dans l’autonomie de l’individu et dans la séparation des sphères religieuses et politiques. Le récit moderne visait l’émancipation et la maîtrise du monde. Selon Francis Fukuyama, la fin de la guerre froide avait même marqué « la fin de l’Histoire », une forme d’aboutissement idéologique avec la démocratie libérale comme horizon indépassable. Cela signifie que toute contradiction fondamentale dans la vie humaine pourrait être résolue dans le cadre du libéralisme moderne, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une structure politico-économique alternative. Dès lors, les relations internationales se concentreraient principalement sur les questions économiques et non plus sur la politique ou la stratégie, réduisant ainsi les risques de conflit violent d’envergure internationale.

Mais cette vision a été largement remise en cause par la postmodernité – pour ne pas dire par les attaques du 11-Septembre (2001). En 1979, Jean-François Lyotard parle de « condition postmoderne » pour désigner l’effondrement des « grands récits » (libéralisme, Lumières, etc.), au profit d’une fragmentation de la connaissance et des identités. Ce relativisme culturel, conjugué à une désaffection des institutions, conduit à une perte de sens collectif.

Zygmunt Bauman prolonge cette analyse en introduisant le concept de « modernité liquide », dans laquelle les structures sociales sont devenues instables, les identités mouvantes, et les engagements précaires. Le nomadisme devient une caractéristique centrale de l’individu « liquide » : il traverse sa propre vie comme un touriste, changeant de lieu, d’emploi, de conjoint, de valeurs, d’engagements, et parfois d’orientation sexuelle, de genre, d’identité. L’individu devient son propre repère dans un environnement incertain et mouvant. Le choix individuel devient déterminant et l’affirmation de soi par la consommation et par la mise en scène sur les réseaux sociaux prime sur tout cadre commun.

Dans les sociétés liquides, la perte des repères collectifs va de pair avec une crise du sens. Ce vide symbolique est comblé non pas par un retour à des récits communs structurants, mais par une prolifération de narratifs concurrents, souvent émotionnels, simplificateurs et orientés. Ce phénomène est intensifié par l’usage massif des réseaux sociaux, devenus le principal canal de diffusion de l’information – ou de sa falsification. La guerre contemporaine n’est donc plus seulement militaire ou économique : elle est aussi cognitive.

L’heure des prédateurs

Giuliano da Empoli a bien théorisé cette dynamique dans l’Heure des prédateurs (2025). Il y montre comment les plateformes numériques – pensées dès leur origine pour capter l’attention – sont devenues des outils de guerre idéologique. En favorisant les contenus clivants et émotionnels, elles structurent un espace public fragmenté, polarisé, où la vérité devient relative. Le factuel est concurrencé par le ressenti, et la viralité prime sur la véracité. La réalité devient une construction narrative mouvante, au sein de laquelle chaque communauté s’enferme dans ses propres certitudes, nourries par des algorithmes de recommandation qui amplifient les biais de confirmation.

La manipulation informationnelle est ainsi devenue un enjeu stratégique majeur. Des acteurs étatiques, comme la Russie, exploitent cette faiblesse des démocraties pour influencer les opinions publiques adverses. Ces campagnes n’ont pas seulement pour but de convaincre, mais de désorienter, de diviser et de démoraliser.


À lire aussi : Le « sharp power », nouvel instrument de puissance par la manipulation et la désinformation


Comme l’explique da Empoli, le chaos devient une stratégie de pouvoir : affaiblir le lien social, c’est affaiblir la capacité de résistance collective. Non seulement les réponses aux polycrises sont moins efficaces, mais l’ampleur des crises est amplifiée par l’effet « caisse de résonance » des réseaux sociaux. La manipulation informationnelle vise aussi à faire apparaître celui qui décide au mépris des règles, de la loi, des contraintes, comme le vrai leader qui écoute son peuple. Ainsi les Trump, Poutine, Bolsonaro, etc. seraient les dignes descendants de Cesare Borgia (le prince de Machiavel) qui agissent plus qu’ils ne parlent. En agissant, ils produisent un narratif qui leur est favorable.

Cette guerre des narratifs s’inscrit également dans une logique postmoderne où les signes prennent le pas sur les faits. Dans une société liquide, où les institutions sont fragilisées, les citoyens en viennent à se méfier de tout : des médias traditionnels, des experts, des politiques. Le complotisme devient un refuge identitaire, et l’émotion remplace la délibération rationnelle.

Les conséquences sont profondes : la décision publique devient plus difficile à légitimer, les conflits sociaux s’enveniment, et les sociétés entrent dans une spirale de défiance. Ce brouillage informationnel complique également la gestion des crises. La pandémie de Covid-19 ou l’invasion russe en Ukraine ont été accompagnées de vagues massives de fausses informations, entravant les réponses sanitaires ou diplomatiques.

Retour de l’État stratège ?

Dans ce contexte, repenser la place de la raison, de la vérification des faits et de la formation à l’esprit critique devient une priorité. La guerre des narratifs n’est pas seulement une bataille pour l’attention : c’est une lutte pour la souveraineté cognitive des sociétés.

Les polycrises que nous affrontons ne relèvent ni de l’accident ni du hasard. Elles sont les symptômes d’un monde devenu structurellement instable, où l’action publique, si elle ne se transforme pas en profondeur, est condamnée à l’impuissance. Le temps des ajustements à la marge est révolu. Ce qu’il faut, c’est une réinvention stratégique de la gouvernance, capable de penser et d’agir dans la complexité, sans se réfugier dans l’idéologie, l’ignorance volontaire ou le court-termisme.

L’un des paradoxes contemporains est que, face à l’incertitude, l’État est plus que jamais attendu, mais moins que jamais préparé – la crise Covid en a fait la démonstration). Réduit trop souvent à une logique de gestion ou de communication, l’État a vu s’affaiblir sa capacité à anticiper, à mobiliser, à coordonner.

Il est urgent de réhabiliter un État stratège, capable de pouvoir exercer sa souveraineté de manière démocratique et éclairée, comme nous y invite de façon détaillée le Conseil d’État dans une étude annuelle.

Quels points retenir de ce document très riche concernant la dialectique polycrise-société liquide ? D’abord, il s’agit d’identifier nos fragilités, nos dépendances – en premier lieu, la dette publique et notre affaiblissement économique relatif. Les rapports de force entre États sont plus vifs que jamais : il est également nécessaire de sortir de l’irénisme, qui minimise les risques et les menaces, et d’assumer une logique de puissance, trop peu souvent associée à notre culture démocratique. Il faut, enfin, revivifier la démocratie en donnant plus d’autonomie et de responsabilité aux citoyens, tout en rappelant constamment les valeurs républicaines qui fondent notre socle commun.

The Conversation

David Vallat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

27.08.2025 à 17:05

Le « sharp power », nouvel instrument de puissance par la manipulation et la désinformation

Andrew Latham, Professor of Political Science, Macalester College
Au XXIe siècle, un pays qui souhaite faire usage de sa force sur la scène internationale n’a pas toujours besoin d’utiliser les armes.
Texte intégral (1366 mots)

En plus de la puissance militaire, les États peuvent désormais compter sur de nouveaux outils pour exercer leur puissance. On connaissait le « soft power », qui exploite l’attractivité du pays qui l’exerce. Il faudra désormais compter avec le « sharp power », mobilisant les outils de la manipulation et de la désinformation.


« Le fort fait ce qu’il peut faire, et le faible subit ce qu’il doit subir. » C’est ce qu’écrivait Thucydide dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse » : cette observation lucide de l’historien grec reste d’actualité. Mais dans le monde actuel, la puissance ne se manifeste pas toujours sous la forme d’une armée nombreuse ou d’une flotte de porte-avions. Les moyens par lesquels la puissance s’exprime se sont diversifiés, devenant plus subtils, plus complexes et souvent plus dangereux.


À lire aussi : Ce qui conduit à la guerre : les leçons de l’historien Thucydide


Il devient ainsi insuffisant de parler du pouvoir en termes purement militaires ou économiques. Il faudrait plutôt en distinguer trois formes, qui se recoupent mais restent distinctes : le « hard power », le « soft power » et le « sharp power » – en français, « pouvoir dur », « pouvoir doux » et « pouvoir tranchant ».

Ces trois catégories de pouvoir sont plus que de simples concepts académiques. Ce sont des outils concrets, à la disposition des dirigeants, qui permettent respectivement de contraindre, de séduire ou de manipuler les populations et les gouvernements étrangers, dans le but d’influencer leurs choix. Ils sont parfois mobilisés de concert, mais s’opposent souvent dans les faits.

Exiger ou persuader ?

Le « hard power » est probablement la plus connue des trois formes de puissance, et celle sur laquelle les gouvernements se sont appuyés pendant la majeure partie de leur histoire. Il désigne la capacité à contraindre par la force ou la pression économique, et se traduit par l’utilisation de chars, de sanctions, de navires de guerre et de menaces.

On le voit à l’œuvre lorsque la Russie bombarde Kiev, lorsque les États-Unis envoient des porte-avions dans le détroit de Taïwan ou lorsque la Chine restreint sont commerce extérieur vers des pays étrangers pour punir leurs gouvernements. Le « hard power » ne demande pas : il exige.

Mais la coercition seule permet rarement d’exercer une influence durable. C’est là qu’intervient le « soft power ». Ce concept, popularisé par le politologue états-unien Joseph Nye, fait référence à la capacité de séduire plutôt que de contraindre. Il fait jouer la crédibilité, la légitimité et l’attrait culturel d’une puissance.

Pour rendre cette notion plus concrète, on peut penser au prestige mondial des universités américaines, à la portée inégalée des médias anglophones ou encore à l’attrait qu’exercent les normes juridiques, politiques ou la culture occidentales. Le « soft power » persuade ainsi en proposant un modèle enviable, que d’autres pays sont susceptibles de vouloir imiter.

Le pouvoir par la désinformation

Cependant, dans le contexte actuel, le « soft power » perd du terrain. Il repose en effet sur l’autorité morale de la puissance qui l’exerce, dont la légitimité est de plus en plus remise en question par les gouvernements du monde entier qui s’appuyaient auparavant sur le « soft power ».

Les États-Unis, qui restent une puissance culturelle incontournable, exportent aujourd’hui non seulement des séries télévisées prestigieuses et des innovations technologiques, mais aussi une polarisation et une instabilité politique chroniques. Les efforts de la Chine pour cultiver son « soft power » à travers les instituts Confucius et les offensives de communication culturelle sont constamment limités dans leur efficacité par les réflexes autoritaires du pays.

Les valeurs autrefois considérées comme attrayantes sont ainsi désormais perçues, à tort ou à raison, comme hypocrites et creuses. Cela a ouvert la voie à un troisième concept : le « sharp power ». Celui-ci fonctionne comme un négatif du « soft power ». Inventé par le National Endowment for Democracy en 2017, le terme vise à décrire la manière dont les États – autoritaires en particulier, mais pas exclusivement – exploitent l’ouverture politique des démocraties pour les manipuler de l’intérieur.

Le « sharp power » ne contraint pas, ne séduit pas non plus… mais il trompe. Il s’appuie ainsi sur la désinformation, les réseaux d’influence, les cyberattaques et la corruption utilisée comme arme stratégique. Il ne cherche pas à gagner votre admiration, mais à semer dans la population confusion, division et doute.

Des exemples d’utilisation du « sharp power » sont, par exemple, les ingérences russes dans les élections, le contrôle chinois des algorithmes de certains réseaux sociaux ou les opérations d’influence secrètes menées par les États-Unis contre la Chine.

Le « sharp power » consiste ainsi à façonner les discours dans les sociétés étrangères sans jamais avoir à tirer un coup de feu ni à conclure d’accord commercial. Contrairement au « hard power », il passe souvent inaperçu, jusqu’à ce que ses objectifs soient atteints et que le mal soit fait.

Comment faire face au « sharp power » ?

Le paysage diplomatique actuel est rendu particulièrement difficile à lire par le fait que ces formes de pouvoir ne sont pas clairement séparées, mais s’entremêlent. L’initiative chinoise des Nouvelles routes de la soie combine ainsi le « hard » et le « soft power », tout en s’appuyant discrètement sur des tactiques de « sharp power » pour faire pression sur ses détracteurs et pour réduire au silence les dissidents. La Russie, qui ne dispose pas du poids économique ni de l’attrait culturel des États-Unis ou de la Chine, a dû apprendre à maîtriser le « sharp power », et l’utilise désormais pour déstabiliser, distraire et diviser ses adversaires géopolitiques.

Cette situation crée un dilemme stratégique pour les démocraties libérales, qui jouissent toujours pour l’instant d’un statut dominant en matière de « hard power » et d’un « soft power » résiduel lié à l’attractivité de leur modèle. Elles sont cependant vulnérables aux outils du « sharp power » et sont de plus en plus tentées de l’utiliser elles-mêmes. Au risque, en essayant de répondre à la manipulation par la manipulation, de vider de leur substance leurs propres institutions et valeurs.

The Conversation

Andrew Latham ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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