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31.10.2024 à 17:00

Entretien avec Étienne Ollion : l'étrange victoire de l'extrême droite

Dans Une étrange victoire : l’extrême droite contre la politique , le philosophe Michaël Foessel et le sociologue Étienne Ollion analysent les facteurs qui ont permis à l'extrême droite de s'installer dans le paysage politique français, au point d'apparaître comme un choix de gouvernement probable, sans que l'on sache combien de temps il pourra encore être contrecarré. Étienne Ollion a aimablement accepté de répondre à nos questions pour présenter leur livre aux lecteurs de Nonfiction. Nonfiction : Le Rassemblement national s’est installé dans le paysage politique français comme une option désormais probable, sur la base initiale de son rejet de l’immigration, qui lui a valu le soutien d’électeurs de plus en plus nombreux, mais sans rien dire ou presque des mesures qu’il mettrait en œuvre s’il parvenait au pouvoir. Comment l’expliquer ? Étienne Ollion : Le RN, d’abord identifié à ses positions opposées à l’immigration, a opéré une mue au niveau de son programme. Au cours des dernières années, il a ainsi investi de nouveaux domaines. Il a aussi pris des positions parfois éloignées de celles qu’il pouvait tenir historiquement. C’est le cas de sa défense récente de l’IVG et du mariage des personnes de même sexe – ce qu’on regroupe habituellement sous le terme de libéralisme culturel, duquel il semble s’être rapproché. C’est aussi le cas, dans un domaine tout autre, de sa position face à l’Europe. Il y a à peine 10 ans, ce parti défendait une sortie de la monnaie unique et la sortie de l’Union. Le Frexit ne fait désormais plus partie de son programme. Le parti a donc changé de position sur des sujets essentiels, cela lui a permis d’élargir sa base électorale, en se posant comme parti de gouvernement et en rassurant une partie de l’électorat. Sur chacun de ces sujets, le RN s’est en effet rapproché de l’opinion dominante. Au risque de perdre une certaine identité, diront certains membres historiques du parti, et une certaine lisibilité, ce qui en général est problématique. Mais il semble que cette stratégie l'ait au contraire plutôt servi que desservi puisqu’il a ainsi pu se défaire de son image de parti d’extrême droite. Parallèlement, le champ politique a lui aussi connu des évolutions importantes, qui ont favorisé cette percée du plafond de verre électoral de la part du Rassemblement national. Aucun parti ne peut en effet se dédiaboliser seul. Outre un déplacement vers ses positions sur l’immigration, de la part de la droite et du centre, des éléments structurants du débat politique ont été largement remis en cause. C’est par exemple le cas du clivage gauche-droite, largement critiqué depuis quelques années, et dont l’effacement a permis au Rassemblement national de récuser d’autant plus facilement l’étiquette de parti d’extrême droite dont il cherche ardemment à se défaire. Peut-on malgré cela essayer de se faire une idée des politiques qu’il adopterait s’il arrivait au pouvoir ? L’histoire, les comparaisons internationales peuvent-elles nous aider sur ce plan ? Sinon, comment procéder ? Il faut être prudent, car l’avenir politique est toujours incertain. L’extrême droite parviendra-t-elle au pouvoir ? Seule ou en coalition ? Dans quel contexte économique ou géopolitique ? Les paramètres sont nombreux. Ceci étant dit, si on écoute les candidats ou qu’on lit son programme, on peut avoir des éléments de réponse. Le premier est que sur une série de points fondamentaux, le parti maintient ses positions. C’est particulièrement le cas de la préférence nationale, qui est toujours au cœur de son projet, quand bien même elle serait incompatible avec la constitution. Une autre, c’est justement la critique de l’État de droit dans sa forme actuelle, avec par exemple la dénonciation régulière d’un « gouvernement des juges ». Ses représentants l’ont encore fait quand le Conseil Constitutionnel a invalidé certains aspects de la loi Immigration au motif de l’inconstitutionnalité de cette mesure. Ces deux aspects, qui pointent vers le nativisme et l’autoritarisme, montrent qu’il conserve des traits qui définissent les partis d’extrême droite. Ensuite, on peut regarder ailleurs ce que l’extrême droite fait quand elle arrive au pouvoir. Car la grande défense de ce parti, c’est de se présenter comme n’ayant jamais gouverné. Défenseurs de la tradition nationale, ils annoncent en même temps n’être les héritiers de personne. On pourrait parler de gouvernements d’extrême droite du passé, des années sombres à plus récemment, car il y en a eu en Europe. Mais regardons plutôt de l’autre côté des Alpes, comment Georgia Meloni s’est installée au pouvoir. À la tête d’une coalition de partis de droite et d’extrême droite, elle dirige le pays depuis l’automne 2022. Les premiers mois ont pu laisser croire à certains observateurs étrangers qu’elle gouvernerait sur un programme différent de celui de sa campagne. Mais une analyse approfondie et l’évolution des positions, comme la récente criminalisation de la Gestation Pour Autrui, même réalisée à l’étranger, ou la révision constitutionnelle pour assurer un bien plus grand pouvoir au chef de l’exécutif, invitent à reconsidérer cette hypothèse qu’on trouve dans l’air du temps, et selon laquelle les institutions démocratiques modèrent les velléités des partis radicaux. Il n’en est rien. Justement, une idée assez répandue est que le RN se verrait, s'il parvenait au pouvoir et quoi qu’il veuille faire, contraint par nos institutions qui l’empêcheraient de faire n’importe quoi. Que faut-il en penser ? Et finalement, avons-nous de bonnes raisons de craindre son arrivée au pouvoir ? Il existe en effet une croyance très répandue, selon laquelle l’arrivée de partis d’extrême droite au pouvoir aurait peu d’effets. Elle a deux versants. L’un, plutôt évoqué à gauche, est que la situation est déjà catastrophique du point de vue des libertés. Rien à craindre de pire, donc, si le fascisme est déjà là. L’autre, c’est celle de l’immunité des régimes démocratiques à l’autoritarisme. Les institutions démocratiques seraient solides, voire elles canaliseraient les éléments radicaux qui voudraient la perturber. Dans le livre, nous discutons ces deux hypothèses à travers une série de comparaisons historiques et contemporaines, pour en montrer à chaque fois les points aveugles. Une chose est toutefois sûre : du fait de l’organisation des pouvoirs en France, tout parti qui accède aux responsabilités détient des leviers plus puissants que dans d’autres démocraties. Comment le RN parvient-il à occuper l’espace politique et médiatique sans programme, ni base idéologique clairement assumée ? Comment ses relais dans les médias, parviennent-ils à convaincre ses électeurs qu’ils partagent les mêmes expériences, si c’est le cas ? Pour comprendre comment l’extrême droite s’est imposée aussi vite, il faut évidemment chercher auprès de ses relais, et en premier lieu des médias. Ici, une distinction est utile. Il y a d’un côté ceux qui ont un agenda politique assez proche, les quelques chaînes et titres qui lui donnent la parole. Ceux-là jouent un rôle dans la promotion de ses idées au quotidien, et nous analysons la rhétorique qui s’y déploie. Mais si on veut comprendre la percée de l’extrême droite en France, il faut aller au-delà de ces espaces encore confinés pour regarder comment, parfois sans intention, d’autres espaces médiatiques ont participé de ces transformations. On s’intéresse en particulier à la manière dont est organisé le débat public contemporain. Prenez par exemple la manière de traiter la politique. En quelques décennies, elle a évolué. On la raconte désormais bien plus souvent qu’avant sous l’angle des luttes internes, des batailles entre personnes ou partis, on en dévoile les coulisses. Si ce récit de la politique politicienne a toujours existé, on montre qu’il a pris une place bien plus importante dans la rubrique « politique » des principaux journaux. Or si cette manière de raconter est instructive, qu’elle fait pénétrer le lecteur dans les cuisines de la politique, elle se fait aussi, forcément, au détriment d’autres manières de raconter la politique. Par exemple, on parle forcément moins des évolutions programmatiques des partis suivis, des implications des politiques qu'ils envisagent, de la faisabilité de leurs propositions. On ne peut pas faire ce travail d’analyse, qui pourtant est essentiel pour mieux connaître des partis, qui, comme on l’a dit, ont souvent changé de pied au cours des dernières années. Parfois même en pensant leur porter l’estocade, comme quand ils dévoilent des « tensions internes au parti », les journalistes ne posent pas les questions qui forceraient une clarification. La manière d’appréhender la politique a longtemps fait référence à des principes, qui traduisaient de réelles oppositions et structuraient les débats. Aujourd’hui, le discours politique, tous partis confondus, se réfère plus volontiers à des valeurs. Quelle différence faites-vous entre ces deux notions et en quoi cette substitution est-elle problématique ? La distinction entre principes et valeurs vient de la philosophie politique moderne. Dans ce cadre, les valeurs sont définies comme ce qui résulte du domaine des évaluations, elles sont donc propres à une société, voire à une personne puisque tout être vivant évalue ce qui est bon et ce qui est mauvais pour lui. Les valeurs sont, et elles sont indiscutables : chacun a le droit d’avoir ses valeurs. Mais cette existence de valeurs différentes ne permet pas de faire une politique, voire elle peut donner lieu à des conflits violents. La politique moderne a cherché à canaliser cette possible guerre des valeurs à l’œuvre dans des sociétés démocratiques en mettant en œuvre des principes, c’est-à-dire des règles minimales et partagées pour permettre la vie en commun. Dire que la politique se fait avec des valeurs, c’est dire que le statut de certains thèmes centraux a évolué, en passant d’un principe avant tout juridique à une valeur – qui demande une adhésion subjective. Prenez la République : d’un régime qui organise le pouvoir au nom du peuple (via celui-ci ou ses représentants), elle est souvent présentée, et surtout par la nouvelle extrême droite, comme une valeur, c’est-à-dire un mode de vie auquel on demande aux individus d’adhérer positivement, faute de quoi ils seront déconsidérés. D’un cadre organisateur et égalitaire, elle est devenue une manière de séparer les individus entre ceux qui « y croient » et ceux qui n’y croient pas. On pourrait faire la même analyse d’autres sujets importants, comme la laïcité. Et si le Rassemblement national n’est pas le seul à avoir promu ce « devenir-valeur » de la République, il y contribue largement. Ce faisant, il ne fait pas tant de la politique au sens d’une discussion programmatique, mais de l’infrapolitique, il fait de la politique sous les radars, au nom d’une certaine morale identitaire de l’appartenance. C’est cette infrapolitique qu’on a cherché à analyser dans le livre.
Texte intégral (2023 mots)

Dans Une étrange victoire : l’extrême droite contre la politique, le philosophe Michaël Foessel et le sociologue Étienne Ollion analysent les facteurs qui ont permis à l'extrême droite de s'installer dans le paysage politique français, au point d'apparaître comme un choix de gouvernement probable, sans que l'on sache combien de temps il pourra encore être contrecarré.

Étienne Ollion a aimablement accepté de répondre à nos questions pour présenter leur livre aux lecteurs de Nonfiction.

Nonfiction : Le Rassemblement national s’est installé dans le paysage politique français comme une option désormais probable, sur la base initiale de son rejet de l’immigration, qui lui a valu le soutien d’électeurs de plus en plus nombreux, mais sans rien dire ou presque des mesures qu’il mettrait en œuvre s’il parvenait au pouvoir. Comment l’expliquer ?

Étienne Ollion : Le RN, d’abord identifié à ses positions opposées à l’immigration, a opéré une mue au niveau de son programme. Au cours des dernières années, il a ainsi investi de nouveaux domaines. Il a aussi pris des positions parfois éloignées de celles qu’il pouvait tenir historiquement. C’est le cas de sa défense récente de l’IVG et du mariage des personnes de même sexe – ce qu’on regroupe habituellement sous le terme de libéralisme culturel, duquel il semble s’être rapproché. C’est aussi le cas, dans un domaine tout autre, de sa position face à l’Europe. Il y a à peine 10 ans, ce parti défendait une sortie de la monnaie unique et la sortie de l’Union. Le Frexit ne fait désormais plus partie de son programme.

Le parti a donc changé de position sur des sujets essentiels, cela lui a permis d’élargir sa base électorale, en se posant comme parti de gouvernement et en rassurant une partie de l’électorat. Sur chacun de ces sujets, le RN s’est en effet rapproché de l’opinion dominante. Au risque de perdre une certaine identité, diront certains membres historiques du parti, et une certaine lisibilité, ce qui en général est problématique. Mais il semble que cette stratégie l'ait au contraire plutôt servi que desservi puisqu’il a ainsi pu se défaire de son image de parti d’extrême droite.

Parallèlement, le champ politique a lui aussi connu des évolutions importantes, qui ont favorisé cette percée du plafond de verre électoral de la part du Rassemblement national. Aucun parti ne peut en effet se dédiaboliser seul. Outre un déplacement vers ses positions sur l’immigration, de la part de la droite et du centre, des éléments structurants du débat politique ont été largement remis en cause. C’est par exemple le cas du clivage gauche-droite, largement critiqué depuis quelques années, et dont l’effacement a permis au Rassemblement national de récuser d’autant plus facilement l’étiquette de parti d’extrême droite dont il cherche ardemment à se défaire.

Peut-on malgré cela essayer de se faire une idée des politiques qu’il adopterait s’il arrivait au pouvoir ? L’histoire, les comparaisons internationales peuvent-elles nous aider sur ce plan ? Sinon, comment procéder ?

Il faut être prudent, car l’avenir politique est toujours incertain. L’extrême droite parviendra-t-elle au pouvoir ? Seule ou en coalition ? Dans quel contexte économique ou géopolitique ? Les paramètres sont nombreux. Ceci étant dit, si on écoute les candidats ou qu’on lit son programme, on peut avoir des éléments de réponse. Le premier est que sur une série de points fondamentaux, le parti maintient ses positions. C’est particulièrement le cas de la préférence nationale, qui est toujours au cœur de son projet, quand bien même elle serait incompatible avec la constitution. Une autre, c’est justement la critique de l’État de droit dans sa forme actuelle, avec par exemple la dénonciation régulière d’un « gouvernement des juges ». Ses représentants l’ont encore fait quand le Conseil Constitutionnel a invalidé certains aspects de la loi Immigration au motif de l’inconstitutionnalité de cette mesure. Ces deux aspects, qui pointent vers le nativisme et l’autoritarisme, montrent qu’il conserve des traits qui définissent les partis d’extrême droite.

Ensuite, on peut regarder ailleurs ce que l’extrême droite fait quand elle arrive au pouvoir. Car la grande défense de ce parti, c’est de se présenter comme n’ayant jamais gouverné. Défenseurs de la tradition nationale, ils annoncent en même temps n’être les héritiers de personne. On pourrait parler de gouvernements d’extrême droite du passé, des années sombres à plus récemment, car il y en a eu en Europe. Mais regardons plutôt de l’autre côté des Alpes, comment Georgia Meloni s’est installée au pouvoir.

À la tête d’une coalition de partis de droite et d’extrême droite, elle dirige le pays depuis l’automne 2022. Les premiers mois ont pu laisser croire à certains observateurs étrangers qu’elle gouvernerait sur un programme différent de celui de sa campagne. Mais une analyse approfondie et l’évolution des positions, comme la récente criminalisation de la Gestation Pour Autrui, même réalisée à l’étranger, ou la révision constitutionnelle pour assurer un bien plus grand pouvoir au chef de l’exécutif, invitent à reconsidérer cette hypothèse qu’on trouve dans l’air du temps, et selon laquelle les institutions démocratiques modèrent les velléités des partis radicaux. Il n’en est rien.

Justement, une idée assez répandue est que le RN se verrait, s'il parvenait au pouvoir et quoi qu’il veuille faire, contraint par nos institutions qui l’empêcheraient de faire n’importe quoi. Que faut-il en penser ? Et finalement, avons-nous de bonnes raisons de craindre son arrivée au pouvoir ?

Il existe en effet une croyance très répandue, selon laquelle l’arrivée de partis d’extrême droite au pouvoir aurait peu d’effets. Elle a deux versants. L’un, plutôt évoqué à gauche, est que la situation est déjà catastrophique du point de vue des libertés. Rien à craindre de pire, donc, si le fascisme est déjà là. L’autre, c’est celle de l’immunité des régimes démocratiques à l’autoritarisme. Les institutions démocratiques seraient solides, voire elles canaliseraient les éléments radicaux qui voudraient la perturber. Dans le livre, nous discutons ces deux hypothèses à travers une série de comparaisons historiques et contemporaines, pour en montrer à chaque fois les points aveugles. Une chose est toutefois sûre : du fait de l’organisation des pouvoirs en France, tout parti qui accède aux responsabilités détient des leviers plus puissants que dans d’autres démocraties.

Comment le RN parvient-il à occuper l’espace politique et médiatique sans programme, ni base idéologique clairement assumée ? Comment ses relais dans les médias, parviennent-ils à convaincre ses électeurs qu’ils partagent les mêmes expériences, si c’est le cas ?

Pour comprendre comment l’extrême droite s’est imposée aussi vite, il faut évidemment chercher auprès de ses relais, et en premier lieu des médias. Ici, une distinction est utile. Il y a d’un côté ceux qui ont un agenda politique assez proche, les quelques chaînes et titres qui lui donnent la parole. Ceux-là jouent un rôle dans la promotion de ses idées au quotidien, et nous analysons la rhétorique qui s’y déploie.

Mais si on veut comprendre la percée de l’extrême droite en France, il faut aller au-delà de ces espaces encore confinés pour regarder comment, parfois sans intention, d’autres espaces médiatiques ont participé de ces transformations. On s’intéresse en particulier à la manière dont est organisé le débat public contemporain. Prenez par exemple la manière de traiter la politique. En quelques décennies, elle a évolué. On la raconte désormais bien plus souvent qu’avant sous l’angle des luttes internes, des batailles entre personnes ou partis, on en dévoile les coulisses. Si ce récit de la politique politicienne a toujours existé, on montre qu’il a pris une place bien plus importante dans la rubrique « politique » des principaux journaux.

Or si cette manière de raconter est instructive, qu’elle fait pénétrer le lecteur dans les cuisines de la politique, elle se fait aussi, forcément, au détriment d’autres manières de raconter la politique. Par exemple, on parle forcément moins des évolutions programmatiques des partis suivis, des implications des politiques qu'ils envisagent, de la faisabilité de leurs propositions. On ne peut pas faire ce travail d’analyse, qui pourtant est essentiel pour mieux connaître des partis, qui, comme on l’a dit, ont souvent changé de pied au cours des dernières années. Parfois même en pensant leur porter l’estocade, comme quand ils dévoilent des « tensions internes au parti », les journalistes ne posent pas les questions qui forceraient une clarification.

La manière d’appréhender la politique a longtemps fait référence à des principes, qui traduisaient de réelles oppositions et structuraient les débats. Aujourd’hui, le discours politique, tous partis confondus, se réfère plus volontiers à des valeurs. Quelle différence faites-vous entre ces deux notions et en quoi cette substitution est-elle problématique ?

La distinction entre principes et valeurs vient de la philosophie politique moderne. Dans ce cadre, les valeurs sont définies comme ce qui résulte du domaine des évaluations, elles sont donc propres à une société, voire à une personne puisque tout être vivant évalue ce qui est bon et ce qui est mauvais pour lui. Les valeurs sont, et elles sont indiscutables : chacun a le droit d’avoir ses valeurs. Mais cette existence de valeurs différentes ne permet pas de faire une politique, voire elle peut donner lieu à des conflits violents. La politique moderne a cherché à canaliser cette possible guerre des valeurs à l’œuvre dans des sociétés démocratiques en mettant en œuvre des principes, c’est-à-dire des règles minimales et partagées pour permettre la vie en commun. Dire que la politique se fait avec des valeurs, c’est dire que le statut de certains thèmes centraux a évolué, en passant d’un principe avant tout juridique à une valeur – qui demande une adhésion subjective. Prenez la République : d’un régime qui organise le pouvoir au nom du peuple (via celui-ci ou ses représentants), elle est souvent présentée, et surtout par la nouvelle extrême droite, comme une valeur, c’est-à-dire un mode de vie auquel on demande aux individus d’adhérer positivement, faute de quoi ils seront déconsidérés. D’un cadre organisateur et égalitaire, elle est devenue une manière de séparer les individus entre ceux qui « y croient » et ceux qui n’y croient pas. On pourrait faire la même analyse d’autres sujets importants, comme la laïcité. Et si le Rassemblement national n’est pas le seul à avoir promu ce « devenir-valeur » de la République, il y contribue largement. Ce faisant, il ne fait pas tant de la politique au sens d’une discussion programmatique, mais de l’infrapolitique, il fait de la politique sous les radars, au nom d’une certaine morale identitaire de l’appartenance. C’est cette infrapolitique qu’on a cherché à analyser dans le livre.

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