20.05.2025 à 12:00
nfoiry
Le plus important, pour bien préparer le bac philo, c’est la méthode. De manière simple et vivante, le philosophe Charles Pépin, qui a enseigné la philo au lycée pendant des années, nous explique comment construire une problématique. Petit conseil : munissez-vous d’un stylo pour noter ses recommandations, on mémorise toujours mieux ainsi !
➤ Retrouvez ici notre programme complet de révision, jour par jour
mai 202520.05.2025 à 10:46
nfoiry
« On en a tous fait l’expérience : quand elle surgit en fin de journée, gonflée de lumière phosphorescente au bout d’un champ ou entre deux immeubles d’une grande ville, la Lune nous semble beaucoup plus grosse que lorsqu’elle est au zénith, dans la nuit noire d’un ciel étoilé.
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C’est pourtant le même astre, et sa forme visible et son empreinte sur notre rétine ont exactement la même taille. Comment expliquer cette “illusion lunaire” ? Quand l’optique et la psychologie invoquent un “mauvais calcul” de notre esprit, la phénoménologie invite à se défaire de la géométrie pour retrouver le corps dans l’espace…
Dans le cadre du festival Philosophia, dont l’édition 2025 se tiendra du 23 au 25 mai dans l’environnement splendide qu’offre la ville de Saint-Émilion, en Gironde, j’ai pour habitude de proposer des lectures participatives de grands textes de la philosophie. Puisque le thème de cette année est l’espace, j’ai retenu le Traité du ciel d’Aristote et Le Visible et l’Invisible de Maurice Merleau-Ponty. On tient là, à mon sens, les deux bords de l’histoire de l’espace en Occident, depuis l’idée du cosmos hiérarchisé que théorisa Aristote en passant par l’Univers homogène et infini de la science moderne jusqu’à sa remise en question avec la phénoménologie. Le grand historien des sciences Alexandre Koyré avait condensé d’une formule le sens de cette odyssée : d’Aristote à Galilée et Newton, affirmait-t-il, nous sommes passés “du monde clos à l’Univers infini”. Or, cet Univers infini, dont les lois homogènes sont censées s’appliquer partout… ne rend pas toujours compte de notre expérience concrète, charnelle, située de l’espace. Telle est l’objection que formule Husserl lorsqu’il a l’audace d’affirmer, contre Galilée, que, pour tous ceux qui l’habitent, “la Terre ne se meut pas”. Et telle est encore l’objection que formule Merleau-Ponty dans ses pas, lorsqu’il se penche sur “l’illusion lunaire”. Tentons de reprendre sur l’exemple en question le fil de cette histoire.
Pour Aristote, l’“illusion lunaire” ne pose pas vraiment problème. Il conçoit en effet l’espace comme un cosmos, un ordre hiérarchique et finalisé où ce qui est en haut, dans la sphère “supra-lunaire”, est d’une plus grande perfection, et ce qui est en bas, dans la sphère “sublunaire”, est en proie à la corruption et au désordre. Que la lune nous apparaisse, ici, sur terre et à tel moment de la journée, plus grosse que là-haut en pleine nuit, rien de très étonnant, mais au contraire la confirmation du différentiel de perfection ontologique entre la Terre et le Ciel. À l’inverse, pour la raison moderne, fille de la révolution copernicienne, le grand mouvement des corps et des astres obéit à des lois universelles – ici-bas comme là-haut, à telle heure du jour comme de la nuit – et s’il peut donner lieu à des illusions, il s’agit d’en rendre compte par des lois causales, physiques, comme celles de l’optique, ou psychologiques, comme celles qui gouvernent le déchiffrement par l’esprit des données visuelles. Des lois qui ne souffrent pas d’exception liée à notre situation ou à notre condition. C’est dans cet esprit que Galilée déduit des images tachetées de la Lune qui apparaissent sur son télescope l’hypothèse qu’elle n’est pas un astre parfaitement lisse et sphérique mais qu’elle a un relief accidenté, comme la planète Terre. Et c’est dans cet esprit encore que Newton explique, par une seule et même loi, la chute d’une pomme ou celle d’un astéroïde.
Or, ce qu’opposent Husserl et Merleau-Ponty à une telle homogénéisation généralisée de l’espace, c’est que, nous, Terriens dotés d’un corps animé, nous continuons à faire une expérience différenciée, qualitative de l’espace. Exemple, parmi d’autres : l’illusion lunaire, dont la difficulté de la science à rendre compte est symptomatique. C’est en effet avec un mélange de physique et de psychologie, et sans parvenir à s’accorder, que les scientifiques se disputent depuis longtemps l’explication du phénomène. À les suivre, la grandeur de la lune à l’horizon serait le produit d’un raisonnement mental erroné : sachant que la lune est plus éloignée et plus grande que tous les autres objets dans le voisinage duquel elle apparaît à l’horizon (arbres, maisons, etc.), l’esprit humain lui conférerait une grandeur apparente que l’image rétinienne n’a pas. D’ailleurs, si nous la regardons à travers un tube en carton ou une lunette, en l’extrayant de son environnement, la lune retrouve soudain sa taille réelle.
Pour Merleau-Ponty, c’est manquer le problème. Car la perception n’est pas une hypothèse qu’un esprit détaché émettrait à partir des signaux nerveux qui s’impriment sur la rétine. Et la vision monoculaire de la lune à travers un tube de carton n’est pas un étalon de mesure qui nous donnerait la valeur spatiale absolue de ce corps céleste. La perception est un acte, l’acte par lequel un corps s’installe dans le monde et, répondant aux questions que les choses lui adressent, les enveloppe en retour d’une signification qualitative. “La grandeur de la lune à l’horizon n’est pas mesurable par un certain nombre de parties aliquotes de la pièce de monnaie que je tiens dans ma main, il s’agit d’une ‘grandeur-à-distance’, d’une sorte de qualité qui adhère à la lune comme le chaud et le froid à d’autres objets” (Signes, 1960). Certes, il y a bien une seule et même Lune, derrière la lune à l’horizon et la lune au zénith. Mais ce n’est pas une idée ou une essence, au sens platonicien – que serait cette lune vue de nulle part et par personne ? Non, c’est une “ultra-chose” ou une “essence charnelle”, soutient Merleau-Ponty, qui rayonne différemment selon les moments et les lieux mais qui vibre en chacune d’elles. Pensez-y la prochaine fois qu’elle pointe son nez à l’horizon ! »
mai 202520.05.2025 à 08:00
nfoiry
Dans L’Inconscient inculqué à mon ordinateur, Yann Diener, par ailleurs psychanalyste, invente un dialogue entre deux personnages de pure fiction, une intelligence artificielle baptisée Lia, et son concepteur rêvant de la rendre plus… humaine. Un récit mêlant le linguistique, politique… et drôlerie, que vous présente Arthur Dreyfus dans sa chronique à retrouver dans notre nouveau numéro.
mai 202519.05.2025 à 17:00
hschlegel
Le bac philo, c’est lundi 16 juin. Pas de panique ! Voici un programme de révisions et d’entraînement spécialement conçu pour vous, jour par jour : les notions, les auteurs, la méthode, les conseils pratiques. Le tout en accès libre.
Allez, c’est parti !
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Les épreuves du bac philo 2025 ont lieu lundi 16 juin de 8 heures à midi. Vous n’êtes pas tout à fait prêt, ou pas du tout ? Pas de stress : voici un programme d’entraînement pour être paré le jour J.
On vise l’efficacité. Dénichez 15 minutes chaque jour de la semaine, et une heure (ou, encore mieux, une heure et demie) le samedi ou le dimanche. Si vous ratez une séance, il suffit de la rajouter le lendemain pour rester à jour. Le plus important est de ne pas lâcher, et surtout de vous réserver une bonne heure le week-end. Vous allez voir, vous progresserez rapidement ! Suivez bien le conseil du jour et gardez cet onglet ouvert dans un petit coin de votre navigateur, pour vous y référer chaque jour.
On y va !
Semaine 1 (19-25 mai). On se met en jambes avec la méthodoLundi. J-28 : votre feuille de routeOn commence soft. Lisez votre feuille de route : toutes les infos pratiques, la liste des notions et des auteurs, la bonne attitude à avoir.
➤ Le conseil du jour : relisez plusieurs fois la liste des notions, recopiez-les sur un document, et demandez-vous si vous avez eu des cours sur chacune, si des auteurs dont on vous a parlé peuvent s’appliquer à ce thème. Un même cours, un même auteur peuvent s’appliquer à plusieurs notions. Par exemple, Freud peut concerner les thèmes de la conscience, de l’inconscient, du langage, du bonheur, etc.
Mardi. J-27 : le B.A.-BA de la méthode
Le plus important, c’est la méthode. De manière simple et vivante, le philosophe Charles Pépin, qui a enseigné la philo pendant des années, nous explique comment aborder la dissertation et l’explication de texte.
➤ Le conseil du jour : sur une feuille et avec un Bic, reproduisez la méthode très visuelle de Charles Pépin.
Mercredi. J-26 : gérer son temps pour la dissertation
Comment gère-t-on son temps pour faire une dissertation ? Voici ce qu’il faut faire minute par minute.
➤ Le conseil du jour : si vous n’avez pas eu le temps de terminer des copies pendant l’année ou si vous êtes sorti plus tôt, essayez de découvrir quelle étape vous avez manquée.
Jeudi. J-25 : gérer son temps pour l’explication de texte
Ne faites surtout pas l’impasse sur l’une des deux épreuves du bac général. L’explication de texte n’est pas forcément plus facile que la dissertation. Car au fond, on vous demande de réfléchir tout autant pour les deux. Ne zappez pas et lisez cette fiche pour gérer votre temps durant une explication de texte.
➤ Le conseil du jour : un peu comme hier, rappelez-vous les explications que vous avez faites cette année et trouvez pourquoi vous avez été trop rapide ou trop long.
Vendredi. J-24 : les questions qu’on se pose le plus souvent
Faut-il forcément une accroche ? Une ouverture en conclusion ? Qu’est-ce qu’une bonne transition ? Comment éviter la paraphrase ? Deux super profs de philo répondent clairement à toutes ces interrogations.
➤ Le conseil du jour : notez sur une feuille, que vous garderez, ou sur un document, les points où vous sentez que vous pouvez vous améliorer.
Samedi ou dimanche. J-23 et J-22
Séance d’une heure : est-ce que j’ai fait de bonnes copies ?
Oubliez votre prof, les notes que vous avez eues, les mauvais souvenirs. Retrouvez une copie de dissertation. Demandez-vous si vous avez suivi les conseils qu’on vous a donnés pendant la semaine. N’hésitez pas à le marquer en vert sur votre copie : je n’ai pas rédigé de problématique, je n’ai pas fait de transition, les parties sont trop déséquilibrées…
➤ Le conseil du jour : lisez une copie qui a eu une bonne note sur notre site, et notez ce qui vous semble particulièrement réussi dans cette copie.
Par exemple : Dépend-il de nous d’être heureux ?
Semaine 2 (26 mai-1er juin). On se replonge dans les notionsLundi. J-21 : on commence à réviser les notions et les auteursC’est le moment de bachoter un peu. C’est tout à fait faisable, si l’on fait du fractionné. Aujourd’hui, lisez au moins deux fois les fiches de synthèse suivantes : la conscience, l’inconscient, le langage.
➤ Le conseil du jour : si une fiche fait référence à un auteur que vous avez vu en cours, relisez le cours correspondant, même s’il a été mobilisé pour étudier une autre notion, et essayez de faire des liens entre cet auteur et la notion. Encore une fois, Freud par exemple…
Mardi. J-20 : on va dans l’abstrait !
Lisez très attentivement les fiches notions sur la science, la vérité et la raison.
➤ Le conseil du jour : pareil qu’hier. Allez farfouiller dans vos cours. Si vous ne trouvez rien, retrouvez l’auteur dont parle la fiche sur philomag.com.
Mercredi. J-19 : on se fait la morale
Lisez et relisez les fiches notions sur le devoir, le bonheur et la liberté.
➤ Le conseil du jour : lisez vos cours sur le sujet et approfondissez un peu les auteurs sur notre site, notamment Épicure et Kant.
Jeudi. J-18 : on ne lâche rien !
Aujourd’hui, étudiez les fiches notion sur l’État, la justice, la technique et le travail.
➤ Le conseil du jour : demandez-vous si les auteurs qui parlent de ces sujets pourraient nous aider à répondre à des questions d’aujourd’hui, par exemple sur le temps de travail, les études, la retraite, l’IA, etc. Cela vous permettra de voir si les philosophes servent encore à quelque chose !
Vendredi. J-17 : on finit la liste
Pour finir, lisez nos fiches sur l’art, la nature, la religion et le temps. Eh oui, ça y est, vous avez révisé toutes les notions, bravo !
➤ Le conseil du jour : allez faire un tour dehors et demandez-vous quel est votre top 3 des notions. Pas celles que vous connaissez le mieux, mais celles qui vous intéressent le plus. Et essayez de définir les auteurs ou les doctrines qui vous attirent le plus.
Samedi ou dimanche. J-16 et J-15
Séance d’une heure : cette fois, avec une explication de texte ?
Comme pour la dissertation, la semaine dernière, retrouvez une copie de dissertation. Demandez-vous si vous avez suivi les conseils qu’on vous a donnés pendant la semaine.
➤ Le conseil du jour : lisez une copie qui a eu une bonne note sur notre site, et notez ce qui vous semble particulièrement réussi dans cette copie.
Par exemple : Explication du texte issu de Humain, trop humain
Semaine 3 (2-8 juin). On mélange les connaissances et la méthodoLundi. J-14 : on apprend quelques citations par cœurLes citations ne sont pas indispensables, mais c’est bien d’en connaître quelques-unes si le sujet s’y prête. D’autant qu’elles sont également très utiles pour comprendre en quelques mots la pensée d’un auteur.
➤ Le conseil du jour : eh bien, vous les apprenez par cœur et vous essayez de les expliquer avec vos propres mots.
Mardi. J-13 : on fait le plein d’exemples
Pour montrer qu’on a bien compris l’argument qu’on défend, et parce que la philosophie a des effets dans la vie, il faut essayer de développer des exemples. Apprenez-en au moins une dizaine.
➤ Le conseil du jour : imaginez vos propres exemples. Prenez ce sujet : Une œuvre d’art peut-elle ne pas être belle ? Creusez-vous la tête pour imaginer des exemples à partir de vos cours de philo, de français, d’histoire, de toutes les disciplines. Fondez-vous également sur vos lectures, vos expériences face à un tableau ou un film. Sur une feuille, écrivez l’exemple en vous demandant s’il permet de répondre à la question posée.
Mercredi. J-12 : apprenez à utiliser un auteur
Lisez attentivement cet article. Si vous avez du mal à comprendre, tapez le nom de l’auteur dans notre onglet 🔎 Rechercher, tout en haut à gauche de la page d’accueil de philomag.com, et découvrez les articles de notre site qui en parlent. Après en avoir lu un ou deux, demandez-vous si vous le comprenez mieux.
➤ Le conseil du jour : autour du thème de la vérité, écrivez sur une feuille les auteurs que vous pourriez utiliser. En une ou deux phrases, écrivez pourquoi. Si vous avez le temps, faites-le pour plusieurs autres notions que vous connaissez moins bien que les autres.
Jeudi. J-11 : apprenez à bien comprendre un texte
Lisez trois fois le texte proposé. C’est mieux de l’imprimer. Notez les concepts importants, les étapes de l’argumentation, les termes qui mériteraient d’être explicités. Puis, lisez les éléments de correction qui suivent.
➤ Le conseil du jour : après avoir lu les éléments de corrigés, relisez attentivement le texte pour voir ce que vous aviez manqué lors de vos premières lectures. Si vous avez le temps, rédigez une introduction.
Vendredi. J-10 : lisez la liste des repères
Pour le bac philo, on vous demande de connaître des petits mots dont le sens n’est pas toujours le même que dans la vie courante, ou qui sont proches sans pourtant se confondre. Lisez la liste des repères.
➤ Le conseil du jour : notez sur une feuille les termes que vous ne connaissiez pas et écrivez votre propre définition. Vérifiez ensuite avec l’article.
Samedi ou dimanche. J-9 et J-8
On reprend les exercices pratiques, avec une nouvelle dissertation. Cette fois, vous devriez commencer à être mieux armé pour comprendre en quoi cette copie se distingue des autres.
➤ Le conseil du jour : avant de lire la copie, prenez le temps de réfléchir par vous-même et de noter ce que vous auriez fait : quelle est la problématique ? Quels auteurs mobiliser ? Quels sont les pièges dans lesquels ne pas tomber ? Puis lisez ce corrigé : Est-il plus facile de connaître autrui ou soi-même ?
Semaine 4 (9-15 juin). On adopte un rythme de combatPour cette dernière semaine, il convient de réduire un peu le bachotage et de ne l’aborder qu’à l’occasion d’exercices. Si vous avez un doute sur un auteur ou une notion, allez vérifier, mais vous devriez désormais avoir de bonnes bases pour plancher assez sereinement.
Lundi. J-7 : plongez dans les annales des dissertations
Pour savoir ce qui est attendu de vous et quels sujets sont susceptibles de tomber, consultez les annales des derniers bac philo. Lisez et relisez au moins trois dissertations corrigées par nos soins : vous intègrerez mieux à la fois la méthode et les auteurs par cette simple lecture !
➤ Le conseil du jour : observez qu’il existe des sujets avec une seule notion au programme, et des sujets avec deux notions. Parfois même, sans aucune notion au programme ! Il faut donc voir, dans ce cas, quelle est la notion qui s’en rapproche le plus.
Mardi. J-6 : plongez dans les annales des commentaires de texte
Même chose, avec cette fois l’explication de texte. N’oubliez pas que c’est ce que les lycéens choisissent en majorité : il peut paraître plus rassurant de commenter un texte, mais la notation sera sans doute plus stricte.
➤ Le conseil du jour : lisez les textes lentement et à voix haute. Le jour de l’épreuve, lisez le texte au moins trois fois, cinq fois idéalement : soulignez les mots importants, mettez des séparations entre les parties quand vous voyez des liens logiques. Soulignez deux fois la phrase qui, selon vous, résume le mieux la thèse de l’auteur.
Mercredi. J-5 : prenez confiance en lisant les conseils de vétérans
On se sent souvent seul face à la copie, mais n’oubliez pas que des millions de personnes sont passées par là avant vous ! Et certaines ont de super conseils à donner : ne pas utiliser de jargon, ne pas être trop subjectif, ne pas citer des exemples trop contemporains… Nous en avons listé quelques-uns ici.
➤ Le conseil du jour : l’un des écueils les plus courants est de réciter son cours. On montre qu’on a vu le lien entre le sujet et ce qu’on a étudié l’année, et on veut montrer qu’on a bien travaillé. Attention ! C’est bien d’avoir des connaissances, mais on attend surtout de vous de les utiliser de manière pertinente, en vous les appropriant. Mieux vaut une pensée argumentée, sans auteur cité, qu’un cours déblatéré sans lien avec la problématique.
Jeudi. J-4 : révisez vos trois notions fétiches
Il est un peu tard pour apprendre par cœur dix-sept notions dans leur globalité. Mais pour mettre toutes vos chances de votre côté, et pour que cette dernière semaine soit aussi un peu plaisante, vous pouvez relire dans le détail vos fiches sur les notions que vous avez préféré étudier cette année. Il n’est pas impossible que l’une d’entre elles soit abordée dans la dissertation ou le commentaire de texte qu’on vous demandera le jour J.
➤ Le conseil du jour : attention, ça ne vous dispense pas de connaître les autres notions !
Vendredi. J-3 : révisez vos trois auteurs fétiches
Même procédé. Au cours de l’année, on a souvent des philosophes qui nous parlent plus que les autres, dont le point de vue nous semble correspondre à quelque chose de plus utile, sensé ou intéressant. Relisez en détail les fiches de ces trois auteurs, en gardant en tête les notions auxquelles ils sont le plus associés. Par exemple, Platon sera utile pour parler de vérité, de justice et d’art ; Marx, pour la liberté, le travail et l’État.
➤ Le conseil du jour : prenez des auteurs d’époques différentes. Par exemple, un auteur de l’Antiquité, un auteur classique du XVIIIe ou XIXe siècle, et un auteur du XXe siècle.
Samedi. J-2
Allez, dernier exercice pratique. On revient à l’explication de texte. Promis, c’est bientôt fini !
➤ Le conseil du jour : regardez bien comment on construit une introduction pour une explication de texte, grâce à l’exemple ci-dessous. Présentation générale, exposition de la thèse, mise en évidence de la problématique, puis du paradoxe qui justifie que l’on se pose cette question, et enfin, annonce du plan (en suivant la structure logique du texte).
Par exemple : Explication de texte avec un extrait de Schopenhauer, sur le désir
Dimanche. J-1
Repos ! Il n’est pas recommandé de bachoter la veille d’une épreuve. Allez gambader dans la forêt avec des amis, faites un peu de cuisine, changez-vous les idées. Si vous avez un gros doute, allez vérifier dans vos fiches ou sur notre site philomag.com. Soyez serein, tout va bien se passer !
LUNDI 16 JUIN : DÉCOLLAGEC’est le jour J ! N’oubliez pas de mettre votre réveil 😁
Pour le reste, vous êtes préparé comme jamais. Bon courage ! Et n’oubliez pas : cette épreuve n’a lieu qu’une fois dans votre vie. Il est normal de stresser, mais gardez aussi un peu de place pour la satisfaction ou l’amusement de penser par vous-même. C’est, au fond, l’essentiel de ce que l’on attend de vous aujourd’hui.
mai 202519.05.2025 à 12:51
hschlegel
Les Émirats arabes unis ont l’intention d’utiliser des intelligences artificielles afin de écrire une partie de leur lois. Pour Alexandre Flückiger, professeur de droit à l’université de Genève, c’est la réactivation d’un vieux rêve : celui d’une machine à gouverner.
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Que vous inspire ce projet des EAU d’utiliser l’IA pour écrire la loi, une première dans l’histoire ?
Alexandre Flückiger : C’est la réactualisation d’un rêve qui, avec les nouvelles technologies, connaît une vitalité nouvelle : le rêve formaliste d’une loi parfaite, complète, univoque, entièrement cohérente – et non plus ce tissu bigarré de règles établies à des époques différentes par des auteurs différents. Certains espèrent que, de même que l’IA est capable de mettre de l’ordre dans des codes informatiques hétéroclites, parfois bancals, l’IA sera capable de mettre de l’ordre dans le droit. La loi, purgée au maximum de cette ambiguïté inhérente au langage naturel, pourrait alors être appliquée de manière précise et mécanique, en laissant une place minime, idéalement nulle, à l’interprétation. La liberté interprétative des juges inquiète certains, qui craignent que s’y loge une forme de partialité. L’IA est présentée comme une manière d’évacuer une fois pour toutes ces problèmes. Certains voient dans le codage informatique la clef ultime d’une application syllogistique des règles. Si vous voulez faire appliquer la loi de manière automatique, il faut que la loi soit parfaitement compréhensible par une machine, donc absolument littérale. Qui mieux qu’une IA pour produire un ensemble de règles compréhensibles et applicables par une autre IA ? Machines législatrices et machines juges sont comme deux faces d’une même pièce. Je suis évidemment très dubitatif.
“Certains espèrent que, de même que l’IA est capable de mettre de l’ordre dans des codes informatiques hétéroclites, parfois bancals, l’IA sera capable de mettre de l’ordre dans le droit” Alexandre Flückiger
Le principe d’une règle n’est-il pas de laisser une marge d’appréciation aux personnes, en situation ?
L’historienne des sciences Lorraine Daston souligne, dans ses travaux, le passage progressif de la règle paradigmatique à la règle algorithmique. Historiquement, les règles sont des modèles à suivre. Mais ces modèles ne peuvent pas être appliqués automatiquement. Il y a un écart. Il s’agit d’imiter, d’adapter, de s’inspirer... Pensez aux règles de l’art : ce sont de grands principes, que l’on peut ensuite personnaliser. Les choses changent à partir des Lumières, donc bien avant la naissance du numérique. Avec les grands codificateurs formalistes, la règle se détache du modèle pour devenir de plus en plus algorithmique. « Les règles étaient bien des choses avant de devenir avant tout des algorithmes, c’est-à-dire des instructions subdivisées en étapes si petites et si peu ambiguës que même une machine peut les exécuter », écrit Lorraine Daston. Les processus sont de plus en plus décomposés et, à chaque étape, standardisés. La décomposition et la standardisation doivent permettre l’application de plus en plus mécanique de la règle. L’informatique, évidemment, offre des possibilités inédites en la matière. En 1948, le prêtre Dominique Dubarle prophétisait : « Nous pouvons rêver à un temps où une machine à gouverner viendrait suppléer – pour le bien ou pour le mal, qui sait ? – l’insuffisance aujourd’hui patente des têtes et des appareils coutumiers de la politique. » Le débat existe déjà dans les années 1950-60. Paul-Henri Steinauer soulignait en 1975, dans L’Informatique et l’Application du droit, les vertus et les dangers d’une « application du droit par ordinateur ».
Quels sont les dangers à réaliser ce “rêve” ?
Les problèmes sont nombreux. Prenez les premiers exemples d’utilisation de modèles d’IA dans la justice. Les États-Unis ont utilisé des IA pour déterminer s’il fallait libérer conditionnellement tel ou tel détenu. En l’occurrence, si la personne était de couleur, pauvre, issue d’un quartier défavorisé, il n’y avait presque aucune chance qu’elle soit libérée. Pour prendre sa décision, l’IA s’appuyait sur tout un corpus de décisions antérieures : elle a donc été contaminée par les biais cognitifs des juges. Je ne crois pas que l’IA s’en sortirait beaucoup mieux pour écrire des lois. Surtout, comme l’ont montré Antoine Garapon et Jean Lassègue dans Justice digitale (PUF, 2018), la loi digitale nous ferait entrer dans un nouveau monde assez inquiétant. Selon eux, « l’automatisme est le contraire de la politique en démocratie, laquelle se construit sur fond de discussion et d’une indétermination radicale ». Avec des IA législatrices, nous glisserions de la codification juridique au pur codage. De générale, la loi pourrait alors devenir personnalisée. Il y a eu des explorations en ce sens outre-Atlantique dans les années 2017-18 : dès lors que la loi devient codage, s’ouvre la possibilité d’une adaptation en temps réel de la règle à son contexte d’application.
“L’automatisme est le contraire de la politique en démocratie, laquelle se construit sur fond de discussion et d’une indétermination radicale” Antoine Garapon & Jean Lassègue
Pouvez-vous donner un exemple concret ?
En matière de sécurité routière : une loi programmatique, appliquée à un conducteur particulier, pourrait être modulée en direct en fonction de facteur internes, comme la fatigue, et de facteurs externes comme l’état de la route ou la météo. En fonction de ces facteurs, la règle conceptualisée fournirait au conducteur des indications – par exemple sur la vitesse limite. Mais on peut imaginer que cette loi personnalisée soit aussi auto-exécutée (la voiture freine toute seule) ou bien qu’en cas de transgression, elle fasse l’objet d’une sanction immédiate. C’est vertigineux : tout cela me paraît incompatible, notamment avec la séparation des pouvoirs. C’est une même machinerie qui produit la loi, la met automatiquement en œuvre et juge. Donc vous n’avez plus besoin de pouvoir exécutif.
Est-ce à dire que l’IA n’a aucune place dans la sphère du droit ?
Le problème n’est pas tant la loi digitale que sa combinaison avec les techniques psycho-comportementales qui poussent insidieusement les individus à agir de telle ou telle manière. Je pense au nudge popularisé par Cass Sunstein et Richard Thaler ; à l’hypernudge, sa version algorithmique analysée par Karen Yeung ; ou aux technologies de l’esprit, dont Mark Hunyadi a montré le potentiel d’aliénation. Nous assistons à un grand mouvement inquiétant : l’abolition de la possibilité même de désobéissance, fût-elle éclairée. La loi est, normalement, un instrument libérateur. Elle prohibe certaines actions, mais elle laisse libre l’individu de la violer, s’il en accepte les conséquences. La loi n’a de sens que parce qu’existent des comportements qu’elle définit comme illicites. Dans les sociétés de contrôle, comme le dit Deleuze, cette possibilité de transgression disparaît de plus en plus. Tout l’enjeu, c’est de retrouver, dans ce cadre, des possibilités de résistance adaptées à ce nouveau monde.
“L’abolition de la possibilité même de désobéissance, fût-elle éclairée, est un mouvement inquiétant. Normalement, la loi prohibe certaines actions, mais elle laisse libre l’individu de la violer, s’il en accepte les conséquences” Alexandre Flückiger
Est-il déjà trop tard pour empêcher ce“ mouvement inquiétant” que vous évoquez ?
Il faut être réaliste : l’IA est déjà là dans bien des pratiques juridiques. Le Conseil de l’Europe vient de recenser 125 outils appliqués dans les systèmes judiciaires, et des juges ont été récemment signalés au Portugal pour avoir utilisé un générateur de texte dans la rédaction de leur jugement, qui présentait des « bizarreries ». Paul-Henri Steinauer préconisait que les dispositifs d’automatisation soient réservés aux tâches de pure routine logique. « Loin de vouloir supprimer la “justice vivante”, la cybernétique se met à son service afin de la libérer de toutes les tâches qui ne font pas appel à une réflexion créatrice pleinement et exclusivement humaine. » Je pense qu’il y a un point où, si l’on en fait un usage critique, réflexif, l’IA peut être pertinente. Comme je l’ai souligné, l’IA est un très bon révélateur des biais cognitifs des juges. Ce peut donc être un instrument efficace d’évaluation de la pratique juridique, en indiquant au juge et législateur ce qui, dans le droit, devrait être changé.
mai 202519.05.2025 à 08:00
nfoiry
La mémoire et les techniques des mentalistes et autres champions de quiz télévisés nous subjuguent. Mais pourquoi nous encombrons-nous encore d’autant de connaissances, souvent inutiles, à l’ère des IA ? Réponse d’Anne-Sophie Moreau dans sa chronique « Nouvelles vagues » extraite de notre nouveau numéro.
mai 2025