02.10.2025 à 12:50
la Rédaction
par Pablo Pillaud-Vivien
Jeudi 2 octobre. Voilà trois semaines que Sébastien Lecornu a été nommé Premier ministre. Et toujours pas de gouvernement. Le plus surprenant, c’est que cette vacance du pouvoir n’émeut personne. Comme si, au total, l’absence d’exécutif valait mieux que sa présence. Comme si la politique officielle avait perdu jusqu’à sa capacité à intéresser.
Car qu’aurait-on à attendre de ce gouvernement fantôme ? Que Lecornu annonce à la va-vite quelques mesures symboliques ? Il l’a déjà fait dans des interviews : une attaque contre l’Aide médicale d’État pour satisfaire l’obsession xénophobe, un mini rattrapage accordé aux femmes pour corriger les inégalités face à la retraite… mais qui ne rééquilibre nullement les effets de la réforme Touraine puis Borne. Rien qui ne puisse faire oublier la réalité : la France vit dans une attente creuse, tandis que la colère sociale s’accumule.
Dans ce climat, selon les sondages, une majorité de Français poussent à la censure. À gauche, des socialistes aux insoumis, la ligne est claire : il faut renverser ce pouvoir usé, illégitime, incapable de gouverner. À l’extrême droite, l’hésitation est plus grande. Le Rassemblement national craint toujours qu’un vote de censure ne vienne écorner sa stratégie de « respectabilité ». Stratégie hier encore conforté par le retour de deux députés RN au bureau de l’Assemblée nationale, élus grâce aux voix du bloc central. Pourtant, dans les rangs frontistes, la pression monte. Eux aussi veulent en finir avec l’ère Macron et ses premiers ministres, pour mieux préparer la suite : leur rêve de gros gains de députés, leur réforme des conditions d’inéligibilité permettant à Marine Le Pen d’être candidate à la présidentielle…
La question n’est donc pas « si » la censure tombera. Mais « quand ».
Pendant que la mascarade institutionnelle se poursuit, le front syndical, lui, tient bon. En ce jour de mobilisation, probablement en dessous de la précédente, ce n’est pas la jauge d’un cortège qui dira la profondeur de l’exaspération. La sourde oreille du pouvoir depuis des années aux demandes syndicales, aux mobilisations de la rue rend difficile les mobilisations à répétitions qui coutent chères à la fin du mois. Mais casser le thermomètre, ne pas tenir compte de la démocratie sociale a aussi un prix. Politique, on le sait. Sur le moral aussi. On ne peut pas imaginer mobiliser les énergies et les intelligences par le mépris. Faire avec les forces sociales devient un enjeu immédiat pour qu’un nouveau souffle relance notre pays.
A cette heure, le vrai vide n’est pas dans la rue. Il est à Matignon.
Pablo Pillaud-Vivien
S’il y en avait deux que les macronistes ne pouvaient voir en peinture, à l’Assemblée, c’était bien ces deux députés qui détenaient les postes-clefs de la commission des finances : l’insoumis Éric Coquerel (président de la commission) et le centriste Charles de Courson (rapporteur général du budget). L’élection du député LFI de Seine-Saint-Denis, en juin 2022, avait été un symbole pour la Nupes . La gauche présentait un candidat unique pour ces postes et emportait la mise – victoire acquise, aussi, grâce au retrait du candidat LIOT, un certain Charles de Courson… Ce dernier, fervent opposant à la réforme des retraites, est devenu rapporteur général du budget en 2024, au bénéfice de l’âge face au candidat macroniste. Ces deux-là retrouveront-ils leur poste ? On l’espère. Réponse en fin de journée.
L.L.C.
« Le futur en chantier : Saint-Simon, utopiste ? », sur France Culture. Retour sur les premiers utopistes au début du XIXè siècle : leur importance a longtemps été sous-estimé notamment par la critique marxiste. Une émission avec de fins connaisseurs et des documents stimulants. Avec Pierre Musso, philosophe, professeur honoraire à l’université de Rennes II, Marie Janin, doctorante en droit à l’Université Jean Moulin Lyon 3, Philippe Régnier, historien.
La jeunesse marocaine est en colère et elle le manifeste publiquement depuis quelques jours. Elle réclame un réel droit à la santé, au travail, à la dignité et à l’éducation. Cette colère ne date pas d’hier : il y a cinq ans, des supporters de foot marocains détournaient, dans les tribunes, un chant populaire avec des paroles révolutionnaires. Force à cette génération Z, ils sont l’avenir.
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30.09.2025 à 12:11
Pablo Pillaud-Vivien
Donald Trump a présenté ce lundi son « plan de paix » pour Gaza en 20 points. Derrière ce que certains qualifient de lueur d’espoir pour la région, l’architecture demeure bancale et profondément injuste.
La « paix » de Donald Trump apparaît comme une sortie de crise dans l’impasse et le désastre de Gaza : cessez-le-feu conditionné à la libération des otages, désarmement du Hamas, promesse de développement économique pour l’enclave et, au bout du chemin, la création d’un État palestinien.
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Le premier défaut est majeur. Bien qu’évoquant un État Palestinien (point 19), les Palestiniens sont réduits au rôle de spectateurs : se désarmer, se taire, attendre. Ici, ce sont les puissants qui décident pour les faibles. Les États-Unis s’arrogent le rôle de grand arbitre, Israël conserve ses leviers militaires et diplomatiques. Une paix conçue sans que le peuple concerné ne soit maître de son destin, sans que les colonisations ne cessent et qu’une nouvelle expulsion des Palestiniens ne soit écartée… risque bien d’être mort-née.
Autre faille : le plan exige le désarmement du Hamas mais ne dit rien de la fin de l’occupation et de la colonisation illégale de la Palestine, à Gaza comme en Cisjordanie. Donald Trump propose la création d’une force internationale, censée aider et former la police palestinienne : une caution internationale ou une autorité capable d’imposer le droit ?
Certes, le plan mentionne la création d’un État palestinien. Mais comment croire à cette promesse quand aucune garantie n’existe, quand l’occupation n’est pas remise en cause ?
Benyamin Netanyahou a accueilli ce plan du bout des lèvres. Il dit y voir une manière de « satisfaire les objectifs de la guerre » et assure qu’il n’engage pas de reconnaissance de l’État palestinien, pourtant présent dans le plan. Il fait tout pour rassurer ses extrémistes d’alliés et pousser le Hamas à refuser. Son consentement traduit aussi l’isolement croissant de son gouvernement. Après deux ans de destruction de Gaza, Israël est accusé de génocide, l’opinion intérieure s’épuise et la communauté internationale ne cache plus sa défiance. Le premier ministre israélien n’a pas le luxe de refuser. Mais il n’adhère pas non plus. Son acceptation contrainte illustre la fragilité d’un dirigeant acculé.
De son côté, le Hamas est face à un choix : sa reddition contre la fin du génocide en cours. S’adressant à Reuters, un responsable du Hamas vient de déclarer : « Le plan de Trump est entièrement pro-israélien et comprend des conditions impossibles et vise à adopter pleinement toutes les conditions d’Israël. Le plan ne reconnaît pas les droits légitimes du peuple palestinien et de Gaza. »
Donald Trump, lui, mise sur une victoire diplomatique facile. Bénéficiant encore de son rôle central, les États-Unis imposent une paix sans contraindre Israël, se posent en faiseur d’équilibre voire de paix (le Nobel en perspective ?) là où le chaos règne. Mais sa méthode reste celle des rapports de forces. Certes, le plan mentionne la création d’un État palestinien. Mais comment croire à cette promesse quand aucune garantie n’existe, quand l’occupation n’est pas remise en cause ? Un État qui n’aurait ni continuité, ni contrôle de ses frontières, ni sécurité assurée, ni armée, ni maîtrise économique réelle, n’est pas un État.
On est quand même loin du fantasme délirant qu’avait un temps caressé le président américain : transformer Gaza en une « Riviera » livrée aux investisseurs du Golfe. Ici, au moins, il est encore question d’un territoire palestinien. Mais à condition que les Palestiniens acceptent d’être privés de leur souveraineté. Donald Trump se voit président d’un « comité de la paix » qui sera composé d’experts internationaux dont… Tony Blair, l’ancien premier ministre anglais représentant de l’ancienne puissance coloniale. On s’étrangle. Ce « comité de la paix » supervisera un comité palestinien technocratique et apolitique. Autrement dit, à condition que l’État promis ne soit qu’une coquille vide ?
30.09.2025 à 12:09
la Rédaction
Sorti ce lundi 29 septembre, le sondage Ifop Fiducial pour Sud Radio et l’Opinion sur la prochaine présidentielle est un nouveau signal d’alarme. Le RN, qu’il soit représenté par Le Pen ou Bardella, culmine à 33-35% des voix. Sachant que le RN pourrait décemment compter sur le report des voix de Dupont-Aignan (2-3%) et de Zemmour (4-5%), l’extrême droite française pèse grosso modo pour 39-43%. Loin derrière, le socle commun peine à trouver son champion. Selon les configurations, l’héritage d’Emmanuel Macron oscille entre 16 et 29% des voix pour le bloc centre-droite, à peine de quoi se qualifier au second tour. Et la gauche ? L’Ifop ne croit pas à l’hypothèse d’une gauche unie. Et donc, divisée, elle compte un Glucksmann entre 14 et 16%, un Mélenchon à 12-13%, un Roussel à 3-5% et une Arthaud à 1-2%. On passe le bonjour à Marine Tondelier et Clémentine Autain que les sondeurs ne calculent même pas ! Soit un bloc de gauche compris entre 26 et 35% des suffrages. Rien de très enthousiasmant mais il lui reste encore un an pour se ressaisir… Et dire quelque chose de gauche qui convainque !
30.09.2025 à 12:09
la Rédaction
La « paix » de Donald Trump apparaît comme une sortie de crise dans l’impasse et le désastre de Gaza : cessez-le-feu conditionné à la libération des otages, désarmement du Hamas, promesse de développement économique pour l’enclave et, au bout du chemin, la création d’un État palestinien.
Le premier défaut est majeur. Bien qu’évoquant un État Palestinien (point 19), les Palestiniens sont réduits au rôle de spectateurs : se désarmer, se taire, attendre. Ici, ce sont les puissants qui décident pour les faibles. Les États-Unis s’arrogent le rôle de grand arbitre, Israël conserve ses leviers militaires et diplomatiques. Une paix conçue sans que le peuple concerné ne soit maître de son destin, sans que les colonisations ne cessent et qu’une nouvelle expulsion des Palestiniens ne soit écartée… risque bien d’être mort-née.
Autre faille : le plan exige le désarmement du Hamas mais ne dit rien de la fin de l’occupation et de la colonisation illégale de la Palestine, à Gaza comme en Cisjordanie. Donald Trump propose la création d’une force internationale, censée aider et former la police palestinienne : une caution internationale ou une autorité capable d’imposer le droit ?
Benyamin Netanyahou a accueilli ce plan du bout des lèvres. Il dit y voir une manière de « satisfaire les objectifs de la guerre » et assure qu’il n’engage pas de reconnaissance de l’État palestinien, pourtant présent dans le plan. Il fait tout pour rassurer ses extrémistes d’alliés et pousser le Hamas à refuser. Son consentement traduit aussi l’isolement croissant de son gouvernement. Après deux ans de destruction de Gaza, Israël est accusé de génocide, l’opinion intérieure s’épuise et la communauté internationale ne cache plus sa défiance. Le premier ministre israélien n’a pas le luxe de refuser. Mais il n’adhère pas non plus. Son acceptation contrainte illustre la fragilité d’un dirigeant acculé.
De son côté, le Hamas est face à un choix : sa reddition contre la fin du génocide en cours. S’adressant à Reuters, un responsable du Hamas vient de déclarer : « Le plan de Trump est entièrement pro-israélien et comprend des conditions impossibles et vise à adopter pleinement toutes les conditions d’Israël. Le plan ne reconnaît pas les droits légitimes du peuple palestinien et de Gaza. »
Donald Trump, lui, mise sur une victoire diplomatique facile. Bénéficiant encore de son rôle central, les États-Unis imposent une paix sans contraindre Israël, se posent en faiseur d’équilibre voire de paix (le Nobel en perspective ?) là où le chaos règne. Mais sa méthode reste celle des rapports de forces. Certes, le plan mentionne la création d’un État palestinien. Mais comment croire à cette promesse quand aucune garantie n’existe, quand l’occupation n’est pas remise en cause ? Un État qui n’aurait ni continuité, ni contrôle de ses frontières, ni sécurité assurée, ni armée, ni maîtrise économique réelle, n’est pas un État.
On est quand même loin du fantasme délirant qu’avait un temps caressé le président américain : transformer Gaza en une « Riviera » livrée aux investisseurs du Golfe. Ici, au moins, il est encore question d’un territoire palestinien. Mais à condition que les Palestiniens acceptent d’être privés de leur souveraineté. Donald Trump se voit président d’un « comité de la paix » qui sera composé d’experts internationaux dont… Tony Blair, l’ancien premier ministre anglais représentant de l’ancienne puissance coloniale. On s’étrangle. Ce « comité de la paix » supervisera un comité palestinien technocratique et apolitique. Autrement dit, à condition que l’État promis ne soit qu’une coquille vide ?
Sorti ce lundi 29 septembre, le sondage Ifop Fiducial pour Sud Radio et l’Opinion sur les intentions de vote à la prochaine présidentielle est un nouveau signal d’alarme. Le RN, qu’il soit représenté par Marine Le Pen ou Jordan Bardella, plane en haute altitude : entre 33 et 35% des voix. Sachant que le RN pourrait décemment compter sur le report des voix de Nicolas Dupont-Aignan (2-3%) et d’Éric Zemmour (4-5%), l’extrême droite française pèse grosso modo pour 39-43% du corps électoral. Derrière, loin derrière, le socle commun peine à trouver son champion. François Bayrou ? 3%. Gérald Darmanin ? 7%. Gabriel Attal ? 10%. Bruno Retailleau ? Entre 9 et 13%. Édouard Philippe ? Entre 16 et 19%. Voilà donc l’héritage d’Emmanuel Macron : selon les configurations, entre 16 et 29% des voix pour le bloc centre-droite, à peine de quoi se qualifier au second tour – sans compter les quelques 4-6% d’un de Villepin en solitaire. Et la gauche ? L’Ifop ne croit pas à l’hypothèse d’une gauche unie. Et donc, divisée, elle compte un Raphaël Glucksmann entre 14 et 16% – ou un Olivier Faure à 7%, c’est au choix –, un Jean-Luc Mélenchon à 12-13%, un Fabien Roussel à 3-5% et une Nathalie Arthaud à 1-2%. On passe le bonjour à Marine Tondelier et Clémentine Autain que les sondeurs ne calculent même pas ! Soit un bloc de gauche compris entre 26 et 35% des suffrages. Rien de très enthousiasmant mais il lui reste encore un an pour se ressaisir… Et dire quelque chose de gauche qui convainque !
L.L.C.
On vous recommande d’aller vous perdre sans fin dans le superbe site Diagrammes, richement fournis en contributions organisées autour de cinq grands thèmes qui nous sont communs : dénis climatiques, réalignement géopolitiques, variétés des extrême droites, résistances, mutations du capitalisme. Les vidéos, souvent de chercheurs étrangers, sont traduites ; les sommaires facilitent la navigation. L’esthétique et l’ergonomie sont très réussis. On est admiratifs !
Vu sur une plage de Tel-Aviv, avant que Donald Trump rencontre Benyamin Netanyahou. Avec ce message : « Ne vous laissez pas avoir une nouvelle fois ».
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29.09.2025 à 15:52
Clément Ourgaud
n.m. Idéologie consistant à nier le réel par la toute-puissance d’un dogme.
En 2016, lorsque Emmanuel Macron y allait de son « sky is the limit », il laissait entrevoir bien plus qu’une simple ambition présidentielle. Une pratique du pouvoir était en germe, faite d’hubris, de hors-sol et d’empiétement sans fin sur le réel. Du même geste, il avertissait : son seul frein serait qu’il soit « un obstacle pour les idées qu’il porte ». Que dire d’un pouvoir qui n’a d’autre limite que lui-même ? Que dit cet illimitisme ?
Ce phénomène atteint un niveau caricatural outre-Atlantique où, boosté aux stéroïdes transhumanistes, il est devenu un label trumpiste. C’est l’extrême droite « no border », celle qui ne reconnaît plus aucune frontière à son pouvoir. L’ordre mondial et ses souverainetés ? La justice et ses juridictions ? Le monde fini et ses limites planétaires ? Rien ne compte pour les courtisans de Trump. Ni même les limites cognitives de l’esprit humain, balayées par le « flood the zone with shit » de Bannon.
Cette tornade emportera peut-être tout avec elle. Mais dans cette mise en abîme, Emmanuel Macron n’est pas que spectateur. Il est aussi un passeur de témoin, lui-même ayant, méthodiquement et depuis dix ans, refusé toute limite à son pouvoir.
En s’attaquant et en dénigrant les corps intermédiaires (ceci même lorsqu’il les a lui-même constitués, comme avec la Convention Citoyenne pour le Climat). En brutalisant l’opposition sociale qui exigeait une fin à sa politique en faveur des plus fortunés. En outrepassant le Parlement qui partage avec lui la souveraineté populaire. En excommuniant du champ républicain des oppositions légitimes et populaires. En déployant une politique étrangère erratique, sans souci pour la cohérence ni le respect du droit international.
Nous pourrions égrener longtemps les attaques d’Emmanuel Macron contre ce qui lui fait « limite ». Des contre-pouvoirs aux oppositions en passant par la sédimentation d’une histoire longue, son pouvoir se rêve sans bordure. Mais celui qui, en 2015 cette fois, déplorait « cet absent (qui est) la figure du roi » devrait se rappeler que même l’absolutisme n’est pas un absolu. Sous la monarchie déjà, la France était un État de droit où le pouvoir royal était limité deux fois : d’abord par la doctrine chrétienne, ensuite par les « lois fondamentales ». Et qu’il devait composer – et donc parfois renoncer – avec des contre-pouvoirs institutionnels (le Parlement de Paris) et sociaux (les nobles).
Emmanuel Macron est sans doute perdu pour la cause. Mais face à ce modèle de pouvoir qui nous épuise et épuise le réel, la gauche gagnerait à prendre conscience et soin de ses propres limites. Ce n’est pas une pensée du renoncement, au contraire : nous sommes aussi ce qui nous borde.
Simone Weil a écrit justement que « la grande erreur des marxistes et de tout le 19ème siècle a été de croire qu’en marchant tout droit devant soi, on monte dans les airs ». Il est temps d’apprendre à marcher, plus lentement peut-être mais sur le sol. Sans chercher à écraser ni le réel ni les forces voisines, qu’elles soient syndicales, partisanes, associatives, citoyennes. Ce serait redonner du souffle à la démocratie, affaissée par les monologues. Ce serait incarner, enfin, un pouvoir qui ne se rêve pas puissance.
Précisions enfin que cet illimitisme vient, pour qui en doutait, du virilisme. Dans la genèse des idées d’abord, puisque le terme a été inventé par Françoise d’Eaubonne. Pionnière de l’écoféminisme, elle l’a inventé pour nourrir sa réflexion sur les ravages écologiques du phallocratisme. Mais à l’heure où les ingénieurs du chaos se mettent au masculin, disons que Montesquieu touchait doublement juste en écrivant que « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ».
29.09.2025 à 12:18
Catherine Tricot
Le rythme auquel les premiers ministres se rapprochent du RN s’accélère. En pure perte pour leur maintien à Matignon mais pas sans conséquence politique.
Ce week-end, dans un grand entretien accordé au Parisien, Sébastien Lecornu ferme la porte à toutes les attentes de la gauche et des syndicats. Attend-il pour autant les bras ballants son sacrifice annoncé ? Comme ses prédécesseurs, il espère l’indulgence de Marine Le Pen. Une nouvelle fois, c’est vers lui que le pouvoir se tourne.
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On se souvient que ce fut le cas de ses prédécesseurs. « Menacé de censure, Michel Barnier cherche le compromis avec Marine Le Pen », titrait Le Monde le 29 novembre. Michel Barnier n’était plus qu’à quelques jours de sa chute comme premier premier ministre post-dissolution. Il promettait alors de diminuer « sensiblement » le « panier de soins » de l’aide médicale d’État. Il assurait que des mesures seraient prises « à court terme » pour « lutter » contre l’immigration illégale et pour la « maîtriser » de façon « très stricte ». Il annonçait également qu’un projet de loi serait présenté « au printemps » pour instaurer une dose de proportionnelle aux élections législatives. Le 3 décembre, Michel Barnier chute.
Nommé dans des conditions rocambolesques, François Bayrou avait pris les devants et tentait d’amadouer le RN dès sa prise de fonction. Le 27 janvier sur LCI, le second premier ministre post-dissolution reprend à son compte un élément de langage essentiel du RN. Et il assume. « François Bayrou maintient l’idée d’une ‘submersion’ migratoire », titre Le Monde le 28 janvier après que celui-ci a réitéré ses propos devant l’Assemblée nationale.
Le 30 mars il se déclare « troublé par l’énoncé du jugement » contre Marine Le Pen. Il ne ménage pas ses efforts pour parvenir à un accord sur la proportionnelle. Les appâts sont les mêmes. La suite aussi. François Bayrou chute. Ultime lâcheté, même après avoir perdu la confiance de l’Assemblée, François Bayrou prépare des décrets pour réduire l’AME.
Avant même sa déclaration de politique générale, Sébastien Lecornu ferme la porte à toutes les revendications sociales et attentes de la gauche. En revanche, le RN n’est pas oublié.
À peine nommé, Sébastien Lecornu devance l’appel. Avant même sa déclaration de politique générale, il vient d’accorder un long entretien au Parisien. Il ferme la porte à toutes les revendications sociales et attentes de la gauche. Ni taxe Zucman, ni retour de l’ISF, ni suspension ou abandon de la réforme des retraites. Rien sur les déremboursements de médicaments, les suppressions de postes de fonctionnaire. On passe d’un objectif de réduction du déficit de 4,6% jugé trop rapide à… 4,7% ! La gauche n’aura rien. Elle va censurer, évidemment.
En revanche, le RN n’est pas oublié. Une loi sera présentée contre la fraude sociale. Les agences de l’État sont mises en cause. Et bien entendu, lui aussi promet une restriction de l’AME. Se référant au rapport de Claude Evin (l’ancien ministre socialiste de la santé) et Patrick Stéfanini (le grand humaniste chef de la campagne de Fillon et Pécresse), il propose « des évolutions de certains critères ou une modernisation administrative pour lutter contre les fraudes. Il faut examiner cela dans le détail. »
À la question « Faut-il réformer l’exécution provisoire qui frappe d’inéligibilité Marine Le Pen ? », le premier ministre déclare : « Si une loi pose débat, il appartient au Parlement de s’en saisir ». C’est un « go » clair et net.
Ces séquences sont répétitives :
Effroyable et pathétique.