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27.10.2025 à 16:31

Équateur et Pérou : trois textes sur les soulèvements en cours

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« On sait très bien que rien n'arrêtera les balles s'ils décident de tirer »

- 27 octobre / , , ,
Texte intégral (6935 mots)

Le Pérou et l'Équateur vivent depuis septembre une intense séquence de révolte. Les révolté.es font face à la militarisation de la répression (trois mort.es en Équateur, un au Pérou) et approchent de ce point d'inflexion de la révolte : le passage des revendications économiques et sociales (prix de l'essence et plan d'austérité en Équateur, système de retraites et insécurité, causée par le gouvernement lui-même, qui a généralisé l'impunité policière et des organisations criminelles, au Pérou) à l'exigence pure et simple de la chute du régime corrompu et sanguinaire (Noboa en Équateur, Boluarte puis Jerí au Pérou).

Face à cette accélération du soulèvement, Jerí a déclaré l'état d'urgence pour 30 jours au Pérou tandis que Noboa demandait le soutien de l'OEA (Organisation des États Américains [1]) et d'Israël pour contenir la révolte. Dès lors que c'est la survie du régime qui est en jeu, les forces répressives sont de plus en plus brutales et s'internationalisent. En réponse, la solidarité doit elle aussi monter d'un cran et s'étendre de par le monde. Pour aider financièrement des brigades de rue qui organisent la défense et le soin des manifestant.es au Pérou ou pour aider des blessé.es du mouvement en Équateur, il est possible de suivre ces liens, ici et .

Cette contextualisation faite, courte et insuffisante [2], nous avons préféré donner un écho aux voix qui s'expriment directement depuis la lutte en traduisant deux textes de collectifs équatoriens et un troisième d'un collectif péruvien. On ajoutera que le 17 octobre, au moment d'écrire cet article, le « Congrès des Peuples » [3] en Colombie appelait à une manifestation en solidarité avec la Palestine et contre les interventions militaires états-uniennes dans les Caraïbes. Les manifestant.es ont attaqué avec arcs et flèches la police qui défendait l'ambassade des États-Unis de Bogotá. Alors que le 18 octobre marque aussi les six ans du soulèvement de 2019 au Chili (quelques affrontements ont eu lieu à Santiago pour l'occasion), il semble, à travers l'irruption de la Gen Z et l'endurance des organisations indigènes, que le feu de révolte qui souffle depuis 2019 dans la région andine est loin d'être éteint. Le premier texte traduit offre l'exemple inspirant d'une forme de prose du combat et de l'endurance révolutionnaire qui s'écrit depuis la barricade, tandis que les deux autres nous ont semblé avoir la pertinence d'inscrire les révoltes en cours dans des séquences nationales, régionales et internationales, posant deux questions fondamentales : comment apprendre de nos révoltes passées pour aller plus loin aujourd'hui et comment apprendre des révoltes des autres pour résonner avec elles ?

Des soulèvements de septembre à ceux d'octobre : vers la chute du régime ?

En Équateur, les communautés indigènes et leurs soutiens (via la CONAIE, « Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur ») mènent un blocage (« paro ») national depuis le 22 septembre contre l'augmentation du prix de l'essence, dont l'épicentre est la province d'Imbabura et la ville d'Otavalo. C'est le troisième blocage national en six ans, après les révoltes d'octobre 2019 et de juin 2022, qui ont toutes les deux laissé plusieurs mort.es (11 en 2019 et 7 en 2022) et des centaines de blessé.es. La réponse du gouvernement autoritaire de Daniel Noboa réitère cette répression féroce, causant trois mort.es lors des affrontements d'Imbabura : le 28 septembre, celle par balle du comunero, agriculteur et leader kichwa Efraín Fuérez, celle de la comunera kichwa Rosa Elena Paqui par arrêt respiratoire à cause des gaz lacrymogènes, et celle par balle, le 14 octobre, du comunero et agriculteur kichwa José Alberto Guamán. Au 15 octobre, l'Alliance des Organisations pour les droits humains dénombrait au moins 144 personnes blessées, 12 disparues et 310 atteintes aux droits humains depuis le début du blocage national. Cette répression s'inscrit dans un contexte de militarisation où depuis 2024, Noboa a déclaré un état d'exception de « guerre interne » contre le crime organisé. Les organisations indigènes en lutte dénoncent le fait qu'à travers cette logique ce soit désormais ses militant.es qui soient désigné.es comme « terroristes » et les blocages populaires d'Imbabura comme « zone de guerre ». Les organisations ont par exemple dénoncé le transfert de 12 prisonniers politiques dans une prison de haute sécurité le jour même où des affrontements entre bandes rivales faisaient 17 morts dans cette prison, le gouvernement mettant ainsi délibérément gravement en péril la vie des prisonniers politiques.

Le mardi 14 octobre, le gouvernement envoyait une véritable colonne contre-insurrectionnelle de militaires, officiellement un « convoi humanitaire » censé apporter de l'aide aux populations « touchées » par les blocages, pour débloquer les routes d'Imbabura et mettre fin au mouvement. Après avoir laissé mort.es et blessé.es sur son passage, le gouvernement se gargarisait le 15 octobre du retour à l'ordre et de l'ouverture de négociation, alors même qu'il réprimait dans la soirée les soutiens au mouvement rassemblés dans l'Université de Quito et que les blocages continuaient à Imbabura. Face à cette répression féroce, les organisations en lutte indiquent que le mouvement ne se limite plus à la question du prix de l'essence mais s'attaque au « pouvoir » et à la « crise multidimensionnelle » causée par le gouvernement. Certains n'hésitent pas à ranger Noboa dans la triste liste des présidents néofascistes d'Amérique du nord, centrale et du sud [4] (Trump, Bolsonaro, Milei, Bukele...), ce président qui en 2024 défendait les militaires après qu'ils aient fait disparaître, torturé et assassiné quatre enfants afro-descendants [5], ou encore qui promeut la réouverture de mines et supprime le ministère de l'environnement. Face à l'opération de contre-insurrection, les révolté.es renversent la charge en affirmant avec détermination que « le véritable terrorisme est celui de l'État » et que contrairement à ce que voudrait le gouvernement, « le blocage ne débloque pas » (« el paro no para ! »).

Le paro s'est donc poursuivi encore plusieurs jours malgré la répression intense. Le convoi présidentiel de Noboa a été attaqué avec des pierres par un groupe de 500 personnes et le président a déclaré avoir été victime d'une potentielle tentative d'empoisonnement après un don d'aliments par des agriculteurs. Malheureusement, après 31 jours de blocage, le paro a été levé par la CONAIE le 23 octobre. L'organisation dénonce la violation des droits humains par le gouvernement et a choisi de lever le blocage pour se préserver de la répression sans limite. C'est la première fois depuis 1979 qu'un blocage national indigène est levé sans avoir obtenu de concession de la part du gouvernement. Cela peut-être vu comme une défaite, mais le mouvement de 2025 a révélé le visage fasciste du pouvoir et l'abandon du blocage ne signifie pas la fin de la confrontation avec le pouvoir.

Au Pérou, les manifestations ont commencé en septembre contre le gouvernement détesté et corrompu de Boluarte. Elles s'inscrivent dans la continuation de la révolte de 2022-2023 où, pour se maintenir au pouvoir, la police du gouvernement de Boluarte avait assassiné 49 personnes dans les manifestations, dont le massacre de 18 personnes à Juliaca lors du blocage de la région de Puno dans le sud du pays. Les manifestant.es reprochent au Parlement et à Boluarte d'avoir favorisé l'insécurité en promouvant des lois d'exception censées blanchir de leurs crimes aussi bien les policiers et militaires que le crime organisé (on retrouve, comme depuis de longues années au Mexique, la collusion entre le pouvoir politique, policier et criminel, composantes d'un « narco-État »). Cette insécurité touche en premier lieu les vendeurs informels et les chauffeurs de transport de Lima, en première ligne des manifestations de septembre, vite rejoints par les jeunes de la Gen Z qui ont critiqué l'instauration d'un système de retraites profitant aux fonds privés et précarisant encore plus le travail informel. Le Parlement, pour maintenir ce système corrompu dont il bénéficie, a finalement fini par faire sauter Boluarte en la destituant et en la remplaçant par Jerí. Ce nouveau président fantoche, accusé de viol et ayant voté les lois favorisant le crime organisé, s'est empressé de se mettre en scène dans les prisons du pays devant des détenus allongés par terre, incarnant ridiculement une petite figure d'autorité fascisante.

Mais les manifestations ont repris de plus belle le 15 octobre, sous le mot d'ordre « Que se vayan todos ! » (« Qu'ils s'en aillent tous ! »), avec l'affirmation que ce n'est pas la figure du président, aussi détestable et ordurière qu'elle soit, qui compte, mais bel et bien l'exercice d'un pouvoir corrompu par le Parlement et la présidence depuis de longues années. La répression et l'exécution par balle lors de la manifestation, par un policier en civil, du rapper engagé Eduardo Ruíz ont radicalisé la revendication de dissolution du Parlement et de la chute du régime. Depuis, l'état d'urgence est déclaré, officiellement pour lutter contre l'insécurité, mais évidemment afin de criminaliser et de mettre fin à la révolte en cours. Comme le développe le texte du collectif anarchiste Periódico Libertaria que nous avons traduit, il ne s'agit plus seulement des retraites et de l'insécurité, mais du pouvoir lui-même, corrompu, colonial et raciste, racine des maux sociaux et économiques, auquel il faut s'attaquer. La suite reste à écrire.

« On sait très bien que rien n'arrêtera les balles s'ils décident de tirer »

Texte écrit depuis et au plus fort du soulèvement d'Imbabura, en Équateur après la mort d'Efraín Fuérez le 28 septembre – initialement paru sur Indymedia Ecuador, le 6 octobre [6].

On sait très bien que rien n'arrêtera les balles s'ils décident de tirer.
La menace militaire latente dans l'air.
Les communes, soutenant les blocages d'autodéfense sur les différents points de la route, se montrent fermes et déterminées à poursuivre la lutte, car elle se poursuit.
Toujours en état d'alerte, la méfiance comme manière de garder une longueur d'avance, comme façon de se protéger et de ne pas baisser la garde face à un gouvernement totalitaire qui se croit maître et seigneur de tout, et de tous.tes.

Et se sentir frères et sœurs pour se réaffirmer dans la nuit qui tombe, avec une forte incertitude parmi les gens, mais aussi avec une profonde conviction parmi tous.tes les présent.es. Les mères, les enfant.es, frères, compagnons, comuneros et comuneras avec leur dirigeant.es, s'opposant sur la décision de rester à l'arrivée du convoi militaire, ou de rester vigilant.es depuis les foyers. Cela paraîtrait être une décision de vie ou de mort, et cela pourrait bien l'être. Tout cela pendant que la barricade de protection continue de s'ériger de nouveau, comme chaque nuit, et chaque fois avec la terreur plus ancrée.

Et la garde et la sentinelle ne se reposent pas. Et les gens pas vraiment non plus ; également dans une tentative de ne pas laisser seuls ni seules les compagnon.nes plus au nord et au centre. On ne peut pas regarder vers ailleurs pendant que dans les communautés proches des familles entières doivent passer la nuit dans les steppes, par crainte que ne se répète l'assaut militaire dans leurs foyers au milieu de la nuit, pendant qu'ils leurs coupent l'électricité et le signal de leurs téléphones. On ne peut pas se reposer ni dormir du tout sous la suspicion permanente de la terreur.

De l'eau en bouteille, des grandes branches d'eucalyptus, des masques, des boucliers en fer, des gants, des plans. Tout est prêt pour se défendre sans savoir si on est tout à fait prêt.es, car on sait très bien que rien n'arrêtera les balles s'ils décident de tirer, comme cette matinée où est tombé mort le comunero Efraín Fuérez, des tirs opportuns des militaires dans son dos.

Ainsi s'écoulent les heures, avec les feux de camp allumés, les familles à l'abri autant que possible dans leurs maisons, et les grenades lacrymogènes tombant dans les cours des foyers des gens et dans les rues où la garde de la première ligne se maintient vive.

Ils n'ont pas essayé d'entrer dans la communauté. Ils n'ont pas coupé la lumière, mais ils ont coupé les communications (le signal). Cette nuit, ils n'ont pas attaqué physiquement, mais psychologiquement, si. La violence qu'implique l'instauration de la terreur dans le quotidien des communautés est multiforme. Elle tue de nombreuses manières. Elle mutile et traumatise dans de nombreux sens. Et là-bas, plus au nord, à Cotacahi, où si, ils ont coupé la lumière et la nuit précédente sont entrés avec arrogance et abus dans les foyers, là-bas cette nuit en particulier, les coups aussi furent psychologiques.

Et le jour suivant, le plus admirable : la mémoire, l'unité, la résistance, debout pour le combat à nouveau.

Photos pour Indymedia Ecuador, prises entre le 28 et le 29 septembre 2025, jours 8 et 9 du Paro National, dans la communauté de Peguche, Imbabura.

#IndymediaEc #MediosLibres #paronacionalecuador #vivalaluchadelospueblos

« [Feuillet] Questions pour le Paro Nacional en Équateur »

Texte écrit par le collectif équatorien Proletarios Hartos de Serlo (« Prolétaires fatigués de l'être »),initialement paru sur leur blog et réseaux le 14 octobre 2025 [7].

En tant que quelques prolétaires de plus qui se sont unis au Paro [blocage] depuis le premier jour, mais qui n'ont pas encore la force pour organiser des actions révolutionnaires de masse, et à partir de notre propre expérience dans les révoltes passées de ce pays, nous rendons publiques les questions suivantes pour contribuer de manière critique à la réflexion et à l'action collective :

  • Comment dépasser les limites de la révolte (revendications tièdes, dialogue et négociation avec l'État, etc.) et comment accroître ses puissances (solidarité, autonomie et combativité de classe de forme massive, etc.) pour qu'elle ne soit pas vaincue par l'État et, par-dessus tout, pour qu'elle ne s'auto-sabote pas ?
  • Quand allons-nous comprendre que les bourgeois des transports et du mouvement indigène n'ont pas les mêmes intérêts matériels que les prolétaires des transports et du mouvement indigène, et que cela s'applique pour tous les secteurs sociaux ? Quand allons-nous rompre et dépasser l'interclassisme, le populisme, le citoyennisme, le démocratisme et le nationalisme ?
  • Quand allons-nous comprendre qu'il ne s'agit pas de lutter pour nos « droits », mais pour satisfaire nos nécessités vitales directement ou sans qu'intervienne l'argent, et que le marché (aucune entreprise, même si elle est « autogérée ») et l'État (aucun gouvernement, même s'il est « populaire ») ne le feront jamais réellement, mais seulement nous-mêmes, qui avec notre travail avons produit tout mais ne le possédons pas, en prenant les moyens de production et de distribution (par exemple, en expropriant et communisant les entreprises du groupe Noboa... et de toute la classe capitaliste de ce pays) ?
  • Quand allons-nous comprendre que le pouvoir réel ne s'enracine pas dans les structures de l'État, mais dans les relations de production et de propriété ? Quand vont participer à la révolte les travailleurs des secteurs stratégiques de l'économie de ce pays ? Le feront-ils ? Et s'ils participent, le feront-ils à travers des grèves auto-organisées et radicales ?
  • Quand allons-nous comprendre qu'il faut aller plus loin que la spontanéité de la révolte et que l'auto-organisation du prolétariat (en dehors, contre et plus loin que dans les syndicats, partis, parlements, ONG, etc) est le premier acte de la révolution (par exemple, les Assemblées Territoriales au Chili et les Conseils de Travailleurs en Iran lors de la Révolte Mondiale de 2019) ? Comment construire, renforcer et radicaliser l'auto-organisation prolétarienne dorénavant (groupes autonomes, assemblées auto-convoquées, soupes communautaires, autodéfense, médias indépendants, etc.) pour la révolution ?
  • Jusqu'à quand allons-nous vivre avec la peur de mourir de faim, par balles ou de dépression ? Jusqu'à quand allons-nous travailler pour payer et payer pour vivre ? Jusqu'à quand allons-nous supporter cette vie de merde sous le capitalisme en crise ? Enfin, jusqu'à quand allons-nous lutter pour des miettes et pas pour tout le pain et la boulangerie pour tous ?

Nous admettons que nous n'avons pas les réponses à coup sûr à toutes ces questions. Ce que si nous savons, c'est que seule la lutte des classes concrète pourra y répondre. Et aussi, qu'il est l'heure d'apprendre des erreurs et de mettre en pratique les leçons apprises des révoltes passées et présentes. Oui : lutte des classes... jusqu'à abolir la société de classes !

RENVERSER LE GOUVERNEMENT DE NOBOA ET SON PLAN D'AUSTÉRITÉ EST NÉ CESSAIRE, MAIS ÇA N'EST PAS SUFFISANT.

PRENDRE OTAVALO, LATACUNGA, QUITO, CUENCA, GUAYAQUIL, ETC. EST NÉ CESSAIRE, MAIS ÇA N'EST PAS SUFFISANT.

IL FAUT EXPROPRIER ET COMUNISER LES ENTREPRISES DU GROUPE NOBOA ET DE TOUTE LA CLASSE CAPITALISTE DE CE PAYS POUR SATISFAIRE LES NÉ CESSITES COLLECTIVES DIRECTEMENT OU SANS L'INTERMÉDIAIRE DE L'ARGENT.

C'EST LÀ QU'IL FAUT FRAPPER LA BOURGEOISIE PARCE QUE C'EST LÀ QUE ÇA L'AFFECTE.

DE CETTE MANIIERE IL FAUT DETRUIRE SON APPAREIL ÉTATIQUE ENTIÈ REMENT ET LUI SUBSTITUER LE POUVOIR COMMUNAL DES ASSEMBLÉES TERRITORIALES.

SEULS LES PROLÉTAIRES AUTO-ORGANISÉS DANS ET EN DEHORS DES LIEUX DE TRAVAIL, DANS TOUS LES ESPACES SOCIAUX, AVANT, PENDANT, ET APRES LA REVOLTE, ET AVEC UN PROGRAMME RÉVOLUTIONNAIRE, NOUS POUVONS LE FAIRE.

NOUS CONSTRUISONS ET RENFORÇONS L'AUTO-ORGANISATION RÉVOLUTIONNAIRE DU PROLÉTARIAT.

NOUS APPRENONS ET METTONS EN PRATIQUE LES LEÇONS DES RÉVOLTES (2019, 2022, 2025) POUR LES TRANSFORMER EN RÉVOLUTION. SI CE N'EST PAS AUJOURD'HUI, CE SERA DEMAIN (2028 ? … 2036 ?... 2049 ?).

POUR LA PROCHAINE, NOUS IRONS PREPARÉS ET NOUS IRONS POUR TOUT PRENDRE.

« La manifestation nationale du 15 octobre au Pérou »

Texte paru le 15 octobre sur le site du collectif anarchiste Periódico Libertaria [8], alors que dans la nuit du 14 octobre l'information fuitait que les renseignements surveillaient au moins 150 personnes avant la manifestation nationale prévue le 15 octobre.

Le motif ?
Les motifs excèdent pour tout donner sur le terrain/ dans les rues.

Le sujet n'est pas qui nous gouverne, le sujet est qu'ils nous gouvernent, et que nous ne le voulons pas.
Depuis cette position nous ne sommes pas contre le nouveau président élu au Pérou, José Jerí, nous sommes contre tous les président.es passées, présent.es et à venir. Parce que justement gouverner signifie opprimer.

Peu importe un président/oppresseur violeur ou bien un qui ne le soit pas, car il opprimera de toute façon sous d'autres formes, comme il le fait déjà en contrôlant les dit.es dirigeant.es de collectifs qui se manifesteront demain. Ainsi qu'un.e président.e qui n'aurait pas violé restera aussi répulsif.ve qu'un.e qui aurait violé, nous autres ne quantifions pas les oppressions parce que toute oppression est oppression tout court. De même peu nous importe si l'oppresseur est un Professeur, même s'il a été destitué illégalement [9].

Nous ne voulons pas non plus laver l'image du Congrès en demandant que ses membres soient changé.es pour d'autres qui travailleraient sous le mot d'ordre creux « Qu'ils s'en aillent tous.tes » alors qu'en réalité ils veulent installer leurs proches aux nouvelles fonctions, comme si le Congrès et l'État avaient été créés pour nous donner la liberté ou au moins le bien-être [10].

Cessons de voir et de traiter les oppresseur.ses comme des êtres et des institutions libératrices ou nécessaires, y compris comme mal nécessaire. Ce sont des oppresseurs et point, il n'y a pas à tourner autant autour du pot. Celles et ceux qui tournent autour du pot avec autant de blabla réformiste sont celles et ceux qui veulent nous gouverner/opprimer « avec amour » et « avec justice ».

Et revenant au thème des motifs, ici nous mentionnons quelque uns de ceux qui nous touchent le plus, pour le dire ainsi.

  • Éjecter tout personnage du pouvoir, pour déstabiliser son Ordre Oppressif. Nous pouvons vivre sans oppresseur.ses et sans opprimé.es.
  • Diffuser l'auto-organisation, la solidarité et l'horizontalité.
  • Laisser sans effet toute loi, en commençant par les plus récentes pour leur rôle de justification des oppressions et oppresseur.ses, comme la Loi d'Amnistie [11], les lois anti avortement, la loi des Retraites dont la fausse solution est de nous faire choisir le moindre mal entre les AFP [12], fonds d'investissement ou apparentés, ou bien nous livrer aux ONP [13] pour laisser notre vieillesse aux mains de l'État, les autres lois qui ne te rendent pas ton argent et précarisent encore plus les retraité.es, qui également sortiront manifester ce samedi 18 octobre, les lois comme celle du « Terrorisme Urbain » supposément opposée au phénomène des tueurs à gages mais qui camoufle la police qui le dirige et continue de l'étendre, les lois qui permettent à la même police de se faire juge après ses interventions, les lois qui continuent de faciliter les concessions et les activités extractivistes comme celles qui réactiveraient entre autres les projets miniers d'Arequipa, et pas seulement celui de Tía María mais aussi celui de La Tapada, très peu couvert jusque dans les médias alternatifs, les lois lesbotransphobes, les lois contre les travailleur.ses sexuel.les, les lois anti-syndicales, les lois pro-Tauromachie et pro-combat de coqs, etc etc etc.
  • Dénoncer les Syndicats vendus de toujours ainsi que les nouveaux, comme ces blocs des Transports qui ont annoncé qu'ils ne rejoindraient pas la manifestation du 15 octobre, mais aussi les opérateurs politiques comme ce Maire de Patáz que beaucoup ont vu comme Le Sauveur et qui a la première opportunité transige avec le nouvel oppresseur et tente de saboter la manifestation du 15, ou de la minorer en participant à une « table de dialogue » le mardi 14 et appelant plus de groupes à en faire de même, et puis qui finalement fait sa victime pour annoncer sa non-participation à la manifestation du 15 ; dénoncer également ces célébrités de la télé qui ont pris le train en marche et qui dès l'arrivée d'un nouvel oppresseur ont annoncé ne pas soutenir la marche, dénoncer également les célébrités des réseaux sociaux comme TikTok – je ne sais pas s'ils sont beaucoup ou peu à avoir cette attitude de merde qui consiste à faire de nos manifestations un show pour leur monétisation, et encore plus merdique celles et ceux qui viennent pour ensuite en dire du mal.
  • Faire connaître la fermeté avec laquelle l'État essaye d'empêcher cette marche, avec des actions comme convaincre les maires – je ne sais pas s'ils le feront tous – de soutenir le nouvel oppresseur et de rejeter la manifestation du 15.
  • Dénoncer le rôle répressif et éhonté, pas que maintenant mais depuis toujours, de la police, non seulement dans la rue avec ses balles et grillages, mais aussi dans leur propagande, comme le font les fascistes bien éduqué.es à l'éloquence et à l'art du Terruqueo [14] et de Pilate [15].
  • Dénoncer le caractère arbitraire de la presse, rien de nouveau en vérité, mais qui fait que certain.es, voire beaucoup, de celles et ceux qui sont sorti.es ces dernières semaines à manifester font encore confiance à leurs caméras et journalistes, alors qu'ils finissent toujours par défendre ou justifier le rôle répressif de la police. Et à cela n'échappent pas les néo-journalistes soi-disant indépendant.es comme ce Llanos qui depuis plusieurs années n'hésitent pas à nous à accuser de terroristes [terruquear [16]], mais qui soi-disant est devenu conscient, après avoir défendu pendant des années ce système oppresseur depuis un tabloïd ou depuis la rue.
  • Et comment ne pas dénoncer aussi les mégas projets comme le Grand Plan Directeur 2025 qu'a mis en place Lopez Aliaga [17] pour make Lima Virreynal Again [18], affectant les travailleur.ses du dit « Centre Historique de Lima » avec l'expulsion expresse des petits magasins où ils travaillent. Également l'élargissement de la route Ramiro Prialé, du monorail de Santa Rosa à Callao, l'extension de la ligne 2 du métro avec ses expropriations similaires à celles qui ont cours sur la colline San Cristobal pour la construction du téléphérique qui embellira la Place – spéciste – de Acho [19] et les expropriations et expulsions de la colline San Cosme également pour un téléphérique et ainsi donner plus de valeur économique aux fachos du commerce de la zone de Gamarra, etc etc etc.
  • Se rappeler des conflits en dehors de notre territoire, comme ceux de Palestine, du Népal, de France, du territoire Mapuche, d'Équateur, du Mexique, etc etc etc.
  • … Et se rappeler aussi que la police du Paraguay est aussi merdique que celle du Pérou et du monde entier, et que ce fut seulement pour la récompense et un coup de chance avec la balance de la localisation qu'ils ont fait bouger leurs pions pour attraper le dit « Monstre » [20], qu'ils continueront à faire chanter dans leur intérêt pour des crimes qu'ils savent qu'il n'a pas commis, puisque il a été prouvé que la police du Pérou marchait main dans la main avec lui, et avec d'autres idiots utiles de cette néo-Dictature qui les a utilisés pour sécuriser son contrôle et ses prisons [21].
  • L'insécurité n'a pas augmenté à cause de l'arrivée des vénezuelien.nes, l'insécurité a augmenté au même rythme qu'a augmenté la présence policière et ses écoles de production massive de la jeune force de choc du crime organisé, des extorsions, des détentions et des balles dans les manifestations.
  • Voler est un délit quand le font les pauvres, parce que quand le font les riches ils appellent ça du Commerce, et quand le fait l'État ils appellent ça expropriation ou levée d'impôts « pour notre bien ».
  • D'un autre côté, voler aux pauvres est misérable, et c'est ce que font les politicien.nes, les entrepreneur.ses et celles et ceux du monde la mafia qui sont des idiots utiles et dont les règnes sont toujours plus courts, à cause de la forte compétition territoriale et de l'avarice des têtes policières de ces mafias.

Donne à ta vie la joie, la rage et l'Anarchie.

Manifeste-toi toujours, commence ce 15, déstresse-toi, entraîne-toi, soutien, résiste et attaque le Pouvoir, ses gardiens et ses fanatiques idiot.es utiles.


[1] Organisation inter-étatique panaméricaniste regroupant 34 États, dont les États-Unis et le Canada.

[2] Lire par exemple cette article de la semaine dernière pour plus d'information sur le Pérou : https://lundi.am/Que-se-vayan-todos

[3] Organisation de base qui depuis 2010 essaye d'étendre la « minga » (« travail communautaire » ou « entraide », terme qui a donné son nom au mouvement social indigène colombien) en mobilisant les agriculteurs, communautés indigènes, afro-descendants, étudiants, travailleurs des villes, etc.

[4] Voir le texte de la Acción Antifascista Ecuador, « Pourquoi parlons-nous de fascisme lorsque nous parlons de Daniel Noboa ? » (https://ecuadorindymedia.org/2025/10/06/por-que-hablamos-de-fascismo-cuando-hablamos-de-daniel-noboa)

[9] Ici le texte fait allusion à l'ex-président socialiste et professeur Pedro Castillo, destitué illégalement par les élites péruviennes en décembre 2022, au profit de Boluarte. Castillo restait conservateur sur les questions sociales (contre l'avortement ou le mariage homosexuel) et ici le texte insiste sur la dimension oppressive de tout gouvernement, même « socialiste ».

[10] Ici le texte fait allusion à la récupération, paradoxale, du slogan « Que se vayan todxs ! » (Qu'ils s'en aillent toustes ! » par de nouvelles élites politiques « de gauche ». L'idée qu'un représentant politique, comme un Mélenchon en France ou un Boric au Chili, puisse incarner l'idée « qu'ils s'en aillent tous » est contradictoire en elle-même. Si on suit l'esprit du texte, eux aussi sont à dégager.

[12] « Administradoras de Fondos de Pensiones », les fonds de pensions en Amérique Latine.

[13] « Oficina de Normalización Previsional », le système publique de retraites péruvien.

[14] « Le terruqueo est une pratique politique et sociale principalement utilisée par les secteurs conservateurs et la droite péruvienne en général, qui consiste à accuser un adversaire, qui a des propositions de gauche ou qui est dissident de l'establishment et du statu quo néolibéral, d'avoir des comportements ou des idées qualifiés de « terroristes », de faire l'apologie du terrorisme ou d'être partisan ou militant des groupes armés Sentier lumineux ou MRTA, dans le but de discréditer l'adversaire ou d'invalider son discours. » (cf. https://es.wikipedia.org/wiki/Terruqueo)

[15] Au Pérou, les « Pilatos » sont des petits mannequins de chiffon représentants Ponce Pilate brûlés publiquement lors de la Semaine Sainte.

[16] cf. supra la signification du terruqueo.

[17] L'ancien maire de Lima.

[18] « Hacer Lima Virreynal Again ». Virreynal renvoie à la période coloniale espagnole, où la couronne de Castille puis le Royaume d'Espagne et des Indes ont établi de 1542 à 1824 le système colonial de la « Vice-royauté du Pérou ». Virreynal renvoie aussi à un style d'architecture coloniale, plaisant pour les touristes et les conservateurs réactionnaires, que l'ancien maire de Lima a voulu ressusciter.

[19] Place historique des corridas de taureaux à Lima.

[20] Ici le texte fait référence à l'arrestation en septembre au Paraguay d'Erick Moreno Hernández, dit « el Monstruo », le criminel péruvien le plus recherché.

[21] Ici le texte dénonce le caractère artificiel de l'arrestation d'un des criminels les plus recherchés du pays, car celui-ci avait des liens de corruption avec la police et cette mise en scène grandiloquente ne sert qu'à justifier plus de contrôle et des prisons plus sécurisées.

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27.10.2025 à 16:30

Pourquoi la guerre ?

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Texte intégral (6095 mots)

Il s'agit ici d'un premier article traduit, d'une série de quatre, qui seront publiés chaque semaine pour le prochain mois. Dans ces textes écrits de 2024 à 2025, Maurizio Lazzarato cherche à éclairer le vrai visage du pouvoir : le souverain avec l'épée haute et aiguisée, encore, et les habits tachés de sang. En offrant une lecture lucide des dynamiques américaines actuelles - guerrières et financières -, il nous aide à penser la réalité à laquelle semblent se buter la pensée et la stratégie révolutionnaire, soit l'incapacité à réfléchir le saut qualitatif entre insurrection et révolution. Dans le texte ici présenté, Lazzarato met les bases pour une compréhension critique de l'accumulation du capitalisme financier, de la machine État-Capital et de la « mobilisation générale » qui habite le présent, comme une promesse de la guerre présente et à venir.

L'échec économique et politique des États-Unis

Un processus politique et économique à la fois double, contradictoire et complémentaire est en cours : l'État et la politique (américaine) affirment avec force leur souveraineté par la guerre (y compris la guerre civile) et par le génocide. Dans le même temps, ils manifestent leur complète subordination au nouveau visage pris par la puissance économique depuis la crise financière de 2008, en promouvant une financiarisation sans précédent, tout aussi illusoire et dangereuse que celle qui a produit la crise des subprimes. La cause du désastre qui nous a conduits à la guerre est devenue un nouvel élixir pour sortir de la crise — une situation qui ne peut qu'annoncer d'autres catastrophes et d'autres guerres. Une analyse de ce qui se passe aux États-Unis, cœur du pouvoir capitaliste, est cruciale, car c'est de son sein, de son économie et de sa stratégie de puissance, que sont parties toutes les crises et toutes les guerres qui ont ravagé et, aujourd'hui encore, ravagent le monde.

Le nœud du problème réside dans l'échec du modèle économique et politique américain, qui le pousse nécessairement à la guerre, au génocide et à la guerre civile interne (pour l'instant rampante, mais qui s'est déjà matérialisée une première fois au Capitole à la fin de la présidence de Donald Trump). L'économie américaine aurait dû déclarer faillite depuis longtemps, si les règles qui s'appliquent aux autres pays s'appliquaient à elle. Fin avril 2024, la dette publique totale — dite Total Treasury Securities Outstanding, c'est-à-dire la somme des différents bons et titres de dette du gouvernement — s'élevait à 34 617 milliards de dollars. Douze mois plus tôt, cette somme était de 31 458 milliards. En un an, la dette publique a augmenté de 3 160 milliards, presque l'équivalent de la dette publique de l'Allemagne, quatrième puissance économique mondiale. Sa progression exponentielle est désormais complètement hors de contrôle, avec une hausse d'un trillion tous les cent jours. Aujourd'hui, nous en sommes déjà à un trillion tous les soixante jours.

S'il est une nation qui vit sur le dos du monde entier, ce sont les États-Unis. Le reste du monde paie ses dettes (les dépenses insensées de l'« American way of life » — dont, de toute évidence, seule une partie des Américains bénéficie — et de son immense appareil militaire) de deux manières principales. Par le dollar, la marchandise la plus échangée au monde, les États-Unis exercent un seigneuriage sur toute la planète, car leur monnaie nationale fonctionne comme monnaie du commerce international, leur permettant de s'endetter comme aucun autre pays. Après la crise de 2008, les États-Unis ont trouvé une autre façon de faire supporter le coût de la dette à autrui grâce à une réorganisation de la finance. Les capitaux (principalement en provenance d'alliés et, parmi eux, surtout d'Europe) sont transférés vers les États-Unis pour payer les taux d'intérêt croissants de la dette, grâce aux fonds d'investissement. Après la crise financière, une concentration du capital s'est opérée par quinze années de quantitative easing (liquidités à coût nul) menées par les banques centrales, aboutissant à un monopole à une échelle que le capitalisme n'avait jamais connue. Avec l'aide politique des administrations Obama et Biden, un tout petit groupe de fonds d'investissement américains gère des actifs (c'est-à-dire la collecte et la gestion de l'épargne) compris entre 44 000 et 46 000 milliards de dollars. Pour se faire une idée de ce que signifie cette centralisation monopolistique, on peut la comparer au PIB de l'Italie — 2 000 milliards — ou à celui de l'ensemble de l'Union européenne — 18 000 milliards. Les « Big Three », comme on appelle les trois plus grands fonds (Vanguard, BlackRock, State Street), constituent, en réalité, une entité unique, car les fonds sont copropriétaires les uns des autres et difficiles à attribuer.

La fortune de cet « hyper-monopole » a été bâtie sur la destruction de l'État social. Pour les retraites, la santé, la scolarité et tout autre type de service social, les Américains sont contraints de souscrire toutes sortes d'assurances. C'est maintenant au tour des Européens, avec le reste du monde occidental (mais aussi de l'Amérique latine de Milei), de se remettre entre les mains des fonds d'investissement, au rythme du démantèlement des services sociaux (les salaires indirects garantis par l'État social sont transformés en charges, coûts et dépenses que chacun doit assumer pour assurer sa propre reproduction). Les États-Unis ont un double intérêt à poursuivre et intensifier le démantèlement mondial du welfare : un intérêt économique, car il incite à investir dans les fonds de titres (qui servent à leur tour à acheter des bons du Trésor, des obligations et des actions d'entreprises américaines) et un intérêt politique, car la privatisation des services signifie individualisme et financiarisation de l'individu, transformé de travailleur ou de citoyen en petit opérateur financier (et non en « entrepreneur de soi-même », comme le récite l'idéologie dominante). Les politiques fiscales convergent également vers le projet de défaire l'État social. Ni les riches ni les entreprises ne sont mis à contribution, et la progressivité de l'impôt est réduite à zéro ; il n'y a donc plus de ressources pour les dépenses sociales et, en conséquence, une incitation à acheter des polices privées qui finissent dans les fonds d'investissement. Le plan de destruction de tout ce qui avait été conquis par deux cents ans de luttes est, enfin, en voie de réalisation.

L'épargne américaine ne suffit plus à alimenter le circuit de la rente ; les fonds d'investissement s'attaquent donc désormais à l'épargne européenne. Par exemple, les 35 000 milliards de dollars qu'Enrico Letta voudrait allouer à un grand fonds d'investissement européen fonctionneraient sur les mêmes principes : produire et distribuer de la rente, en modelant les mêmes gigantesques différences de classe qu'aux États-Unis. La raison de l'appauvrissement rapide et incroyable de l'Europe se trouve dans la stratégie économique mise en œuvre par son allié américain. L'écart négatif avec les États-Unis est passé de quinze pour cent en 2002 à trente pour cent aujourd'hui. Plus l'Europe se fait dépouiller, plus ses classes politiques et médiatiques deviennent atlantistes et bellicistes, servilement enclines envers ceux qui la marginalisent dramatiquement, la poussant à la guerre avec la Russie (qu'elle n'est, soit dit en passant, même pas capable de soutenir). Les États européens se sont substitués à la Chine et à l'Asie de l'Est pour acheter des bons du Trésor américain et, poursuivant la démolition du welfare, contraignent les populations à souscrire des assurances qui aboutissent sur les comptes des fonds d'investissement. Ce faisant, l'euro est transformé en dollar, sauvant ainsi la dollarisation de la menace que représente le refus du Sud de se soumettre à la domination de la monnaie américaine.

Ce transfert de richesse touche aussi l'Amérique latine, où Milei est l'avant-garde de la nouvelle financiarisation visant à tout privatiser. Le néo-fascisme de Milei est un laboratoire d'adaptation des techniques de rapine américaines, adoptées en Europe, au Japon et en Australie, jusque dans les économies plus faibles. Ce n'est pas le fascisme classique, c'est le nouveau fascisme « libertarien » de la rente et des fonds d'investissement qu'incarne Milei, pâle copie idéologique du fascisme de la Silicon Valley né de ses entreprises « innovantes ».

La politique économique de Biden, qui veut rapatrier des industries délocalisées, appauvrit encore davantage le reste du monde et particulièrement l'Europe, qui voit les entreprises implantées sur son territoire tenter de traverser l'Atlantique. Les énormes allégements fiscaux que cela nécessite sont financés par la dette, tout comme les milliards de dollars de bombes que les États-Unis envoient sans relâche à l'Ukraine et à Israël, ce qui signifie qu'ironiquement, l'Europe finance une fois de plus la politique même destinée à réduire sa capacité productive, tout en payant deux fois pour la guerre et le génocide : une première fois en achetant des bons du Trésor et des polices qui permettent aux États-Unis de s'endetter, une seconde en se contraignant à bâtir une économie de guerre (acceptée et accélérée par des classes politiques en pente douce vers le suicide).

Comme l'a dit Kissinger, « être l'ennemi des États-Unis peut être dangereux, mais être leur ami est fatal ». Cette énorme liquidité a permis aux fonds d'investissement d'acheter, en moyenne, 22% de l'ensemble de la liste Standard & Poor's, qui contient les 500 plus grandes entreprises cotées à la Bourse de New York. Les fonds sont déjà présents dans les plus importantes entreprises et banques européennes (surtout en Italie, où elles sont bradées à un rythme accéléré) et leurs spéculations décident pratiquement du sort de l'économie en orientant les choix des « entrepreneurs ».

Il fut un temps où l'on délirait sur l'autonomie du prolétariat cognitif, l'indépendance de la nouvelle composition de classe. Rien n'est plus faux. Ceux qui décident où, quand, comment et avec quelle force de travail produire (salariée, précaire, servile, asservie, féminine, etc.) sont, une fois encore, ceux qui détiennent le capital nécessaire, ceux qui possèdent la liquidité et le pouvoir de le faire (aujourd'hui, ce sont assurément les « Big Three »). Ce n'est certainement pas le prolétariat le plus faible des deux derniers siècles. Loin de l'autonomie et de l'indépendance, la réalité de classe est la subordination, l'assujettissement et la soumission, comme jamais dans l'histoire du capitalisme. Être « travail vivant » est une disgrâce, parce que c'est toujours du travail commandé, comme celui de mon père et de mon grand-père. Le travail ne produit pas « le » monde, mais le « monde du capital », qui, jusqu'à preuve du contraire, est tout autre chose, car c'est un monde de merde. Le travail vivant ne peut gagner son autonomie et son indépendance que par le refus, la rupture, la révolte et la révolution. Sans cela, son impuissance est assurée.

L'affrontement fratricide du capital financier américain

Dans un article de Dynamo Press, Luca Celada affirme que Robert Reich l'a un jour qualifié de « progressiste » parce qu'il était un ancien ministre du gouvernement Clinton qui, en bon démocrate, a intensifié la financiarisation (et la destruction concomitante du welfare) et ancré des inégalités de classe abyssales, posant une base solide pour la catastrophe de 2008, origine des guerres actuelles. [1] Les actions de Musk et Thiel, entrepreneurs de la Silicon Valley alliés de Trump, sont souvent vues comme la menace d'un nouveau monopole ; pourtant, on tient peu compte de la centralisation de pouvoir sans précédent des fonds d'investissement qui « font la pluie et le beau temps » depuis quinze ans, avec la complicité active des démocrates qui, de concert, créent les conditions de la prochaine catastrophe financière.

Peut-être ne s'agit-il pas d'un hasard : « l'entrée en politique » des géants de la Tech a coïncidé avec les premiers signes d'une action réglementaire plus vigoureuse de l'administration Biden-Harris, incluant les premières véritables actions antitrust contre des géants tels que Google, Amazon et Apple intentées par la présidente de la Federal Trade Commission, Lina Khan (dont la thèse portait sur le monopole d'Amazon), et l'adjoint au ministre de la Justice tout aussi combatif, Jonathan Kanter. Il n'est donc guère surprenant que certains barons de la Tech misent sur le candidat le plus susceptible de leur délivrer un nouveau chèque en blanc, voire d'en nommer certains au sein de son propre cabinet.

Kamala Harris est liée pieds et poings à la volonté des fonds d'investissement, puisque les principaux actionnaires de toutes (et réellement toutes) les entreprises que mentionne Celada sont précisément ces fonds. On voit mal comment elle pourrait jamais contrer leur monopole, étant donné que le salut des États-Unis et celui de son parti (« les Démocrates pour le génocide ») en dépendent. La justification de l'aveuglement des « progressistes » se trouve dans le néo-fascisme de Trump. S'il est élu, nous passerons de Charybde en Scylla ; mais il ne faut pas oublier qu'avec l'élection de Biden déjà, nous sommes tombés la guerre et le génocide. On nous avait assuré que la violence nazie n'était qu'une parenthèse, mais les démocrates nous ont rappelé que le génocide n'est, en réalité, qu'un des outils par lesquels le capitalisme opère depuis sa naissance. La démocratie américaine est fondée sur le génocide et l'esclavage. Le racisme, la ségrégation et l'apartheid en sont des composantes structurelles. La complicité avec Israël a des racines profondes dans l'histoire de la « plus politique » des démocraties, comme le disait Hannah Arendt.

Les petits monopolistes comme Musk ont bougé parce que les grands monopoles ne leur laissent pas d'air, mais lui et ses semblables restent entièrement subordonnés à leur logique. En réalité, ce que nous voyons, c'est un affrontement interne au capital financier américain : les petits monopolistes voudraient incarner les « esprits animaux » du capitalisme, bridés, selon eux, par l'alliance des démocrates avec les grands fonds d'investissement. Tout en agitant leur fascisme futuriste (rien de vraiment nouveau si l'on pense au fascisme historique, où le futurisme de la vitesse, de la guerre et des machines s'harmonisait parfaitement avec la violence anti-prolétarienne et anti-bolchévique), le transhumanisme et un délire encore plus oligarchique et raciste que celui de la finance des fonds, ces petits monopolistes s'accordent en fait avec les grands sur la question cruciale : la propriété privée, alpha et oméga de la stratégie du capital. Leur agenda commun est de tout financiariser, ce qui signifie tout privatiser. Les problèmes surgissent, cependant, sur la manière de se partager cet immense gâteau. Pour comprendre les limites de l'analyse « progressiste », il faut rapidement entrer dans la mécanique de la financiarisation monopoliste par les fonds d'investissement après 2008.

La crise des subprimes était sectorielle, et la spéculation se concentrait dans l'immobilier. Aujourd'hui, au contraire, la finance est omniprésente. D'Obama à Biden, les administrations démocrates ont toléré l'infiltration des fonds d'investissement dans toute la société, si bien qu'il n'est plus aujourd'hui de sphère de la vie qui ne soit financiarisée.

Financiarisation de la reproduction : on parle beaucoup de la centralité de la reproduction dans nos mouvements, mais elle est abyssalement en retard sur l'action des fonds d'investissement, dont la condition préalable a été la destruction du welfare. Les démocrates ont abandonné toute vague ambition d'un nouveau programme social, misant tout sur la privatisation de tous les services. Ils l'ont théorisé ouvertement : la démocratisation de la finance doit se traduire par la financiarisation de la classe moyenne. Les fonds, facilités de toutes les manières par les démocrates, offriraient un placement financier sûr, de sorte que les Américains qui achètent les titres qu'ils produisent soient contraints d'assurer le revenu et les services que le travail ne fournit plus (c'est-à-dire ceux qui peuvent se le permettre, étant donné que les pauvres, les femmes seules et la grande majorité des travailleurs ne le peuvent pas ; dans une enquête récente, 44 % des ménages américains sont incapables de faire face à une dépense imprévue de 1 000 $).

Pour Kamala Harris, la classe moyenne va jusqu'à un revenu de 400 000 $ par an. C'est un chiffre parlant pour comprendre la composition sociale que les démocrates prennent pour référence. Le travail et les travailleurs ont complètement disparu de leur horizon, tout comme « la gauche » en général. Le miracle de la multiplication des pains et des poissons, répliqué par la finance et déjà échoué en 2008, est de nouveau proposé comme solution à la « question sociale ». Pour le dire encore, il s'agit d'un processus de financiarisation du welfare, puisque les obligations et polices sont désormais destinées à remplacer les services fournis par l'État. On peut citer aussi le cas italien : face au désinvestissement de l'État dans des territoires dévastés par la crise climatique, le ministre de la Protection civile a relancé l'idée d'une assurance inondation obligatoire. Matteo Salvini est intervenu en déclarant que « l'État peut donner des orientations, mais nous ne vivons pas dans un État éthique où l'État impose, interdit ou oblige » et a proposé une nouvelle loi obligeant les salariés à investir une partie de leur indemnité de fin de carrière (TFR) dans des fonds de pension, afin d'obtenir, au terme de leur carrière, une retraite complémentaire. Évidemment, il a dit cela sans comprendre le rapport que cela entretient avec les fonds d'investissement américains (par naïveté ou pure idiotie), puisque, en réalité, soixante-dix pour cent finiraient convertis en dollars aux États-Unis.

La financiarisation transforme les entreprises en agents financiers. Elle touche aussi les entreprises qui produisent des profits réels, licencient du personnel, et dont les dividendes énormes ne sont pas investis, mais largement distribués aux actionnaires ou utilisés pour racheter leurs propres actions afin d'en faire croître la valeur et d'augmenter leur capitalisation (qui n'a, à ce stade, plus grand-chose à voir avec ce qu'elles produisent et vendent réellement). Cela va de pair avec la financiarisation des prix : ce n'est pas le marché (les relations d'offre et de demande de biens) qui fixe les prix, mais les paris des courtiers (via des dérivés) qui n'ont aucun rapport ni avec la production ni avec le commerce réel. Les prix sont fixés par des firmes financiarisées qui contrôlent les secteurs de l'énergie, de l'alimentation, des matières premières, du pharmaceutique, etc., à partir d'une position de monopole ou d'oligopole absolu (les principaux actionnaires de ces firmes sont toujours de grands fonds d'investissement). L'inflation qui a récemment éclaté est l'issue de la spéculation sur les prix et ne dépend en rien d'augmentations salariales ou de dépenses sociales. La combinaison de ces financiarisations qui investissent la « vie » (bien que le terme soit ambigu) se traduit par des différences explosives de revenus et, surtout, de patrimoines, dont les travailleurs et l'ensemble des populations qui ne peuvent pas acheter des actions sont les premières victimes.

L'échec de la gouvernance néolibérale et la guerre

L'affirmation du monopole consacre la fin du néolibéralisme et de l'idéologie du marché, et mérite donc quelques remarques. Évidemment nous parlons d'idéologie à propos de la notion de concurrence, car le processus de verticalisation économique se poursuit sans relâche depuis au moins la fin du XIXᵉ siècle. Il a même explosé précisément pendant le néolibéralisme.

Les fonds d'investissement, comme on l'a déjà noté, sont aujourd'hui devenus essentiels à la centralité du pouvoir américain, plus que toute autre institution. Dans le même temps, ces fonds ont besoin des politiques fiscales du gouvernement (ne pas taxer la finance, tout en taxant le travail), d'ordonnances et de concessions, que Obama (président noir, mais en parfaite continuité avec le blanc qui l'a précédé et celui qui lui a succédé) leur a généreusement accordées et que Biden a consolidées plus encore. Un problème théorique et politique surgit ici : la finance, qui devrait représenter la forme la plus abstraite de la valeur et la figure cosmopolite parfaitement accomplie du capitalisme, est, en Occident, commandée et gérée par des appareils qui arborent le drapeau américain. Les fonds d'investissement américains agissent de concert avec les administrations des États-Unis, poursuivant leurs intérêts aux dépens du monde entier. La monnaie est dans la même situation. Il n'existe pas de monnaie supranationale ; la monnaie est toujours nationale parce qu'elle est étroitement liée, surtout le dollar, aux politiques décidées par l'État qui l'émet. On peut dire que monnaie et finance représentent la tendance à sortir des limites territoriales des États, tout en étant incapables de le faire. La relation entre les États-Unis et les fonds d'investissement organise une action globale favorable à quelques Américains et à leurs oligarchies.

La seconde observation concerne la lecture du néolibéralisme, que beaucoup croyaient encore en vigueur alors qu'il est mort : tué par les fascismes, les guerres et le génocide. Il en alla de même pour son illustre prédécesseur, le libéralisme, censé éviter les petits désagréments qu'il avait causés (les deux guerres mondiales et le nazisme) et qu'il a nécessairement fini par reproduire. Cette analyse doit beaucoup au récit de Michel Foucault sur la biopolitique, qui a exercé une influence néfaste sur la pensée critique. Foucault lit le néolibéralisme comme une théorie de l'entreprise et de sa subjectivation, un processus dans lequel nous devenons des « entrepreneurs de nous-mêmes ». Il ne mentionne jamais, même en passant, les appareils du crédit, de la monnaie et de la finance sur lesquels la stratégie capitaliste s'est bâtie depuis la fin des années 1960. L'instrument principal de la contre-révolution, pour reprendre Paul Sweezy, c'est le « grand endettement de l'État, des ménages, des entreprises », et non la production. L'entreprise est une idéologie et une idée ordo-libérale appartenant à l'Occident industriel, aux années 1930 et à l'après-guerre — un monde bel et bien mort. L'ordo-libéralisme voit l'économie comme une instance entraînant la mort du « souverain », alors que la finance fait advenir le grand monopole (le souverain économique). Mais, dans le capitalisme, le souverain économique a besoin du « souverain » politique (l'État) pour se constituer. La tête du souverain n'a pas été coupée de l'économie, elle a été doublée, rendant extrêmement efficace la centralisation du pouvoir du capital et de l'État.

Foucault a, tout simplement, confondu une époque, tout comme ses élèves qui ont reproduit les erreurs du maître, Dardot et Laval avant tout. Le marché n'a jamais fonctionné comme Foucault le croyait et comme les ordolibéraux le croyaient, c'est-à-dire sur la base de la concurrence. Au contraire, sa vérité est représentée par le fonctionnement de la finance, qui fixe les prix depuis un monopole spéculatif n'ayant rien à voir avec l'offre et la demande de biens réels (récemment, le prix de l'énergie a été multiplié par dix, sans rapport avec sa disponibilité réelle ; il en va de même pour les céréales, etc.). La subjectivation n'est pas représentée par l'entrepreneur, mais par la transformation illusoire des individus (pas tous, avons-nous dit) en agents financiers. Pour la finance, la « population » et le monde sont faits de créanciers, de débiteurs et d'investisseurs en titres, actions et obligations. La financiarisation de la classe moyenne, poursuivie par l'alliance entre démocrates et fonds d'investissement, est la dernière chimère destinée à se dissiper lors du prochain effondrement.

L'inévitable guerre des États-Unis

Aujourd'hui, le processus que les théoriciens de la biopolitique n'avaient même pas entrevu a atteint son zénith. La croissance en Occident est exclusivement financière (alors qu'elle est réelle dans le Sud global). Sa production (l'argent qui produit de l'argent, comme « le poirier qui produit des poires », disait Marx) est une fiction, une fabrication de papier brouillon qui engendre pourtant des effets bien réels. Les fonds d'investissement font grimper les prix des titres des entreprises dont ils détiennent les actions afin d'encaisser des dividendes à distribuer aux souscripteurs. Ce n'est pas de la richesse nouvelle, mais seulement l'appropriation, la capture et le rapt d'une valeur déjà existante, simplement transférée du reste du monde vers les États-Unis — d'un point de vue de classe, on pourrait dire du travail vers le capital spéculatif. Si ce « vol » de la richesse produite dans le reste du monde cessait, tout le système s'effondrerait.

Le vrai nom de ce processus est la « rente ». Son circuit est garanti et sécurisé par la dollarisation, raison pour laquelle les États-Unis ne peuvent jamais réellement accepter un monde multipolaire. Ils sont nécessairement contraints à l'unilatéralisme, obligés de voler leurs alliés parce que le Sud global n'est plus disposé à fonctionner comme colonie (rôle dorénavant entièrement endossé par l'Europe, le Japon et l'Australie). Les oligarchies qui gouvernent l'Occident sont les fruits de la financiarisation et fonctionnent exactement comme l'aristocratie de l'Ancien Régime. Nous avons donc besoin aujourd'hui d'une nouvelle nuit du 4 août 1789, durant laquelle les privilèges de l'aristocratie féodale furent abolis.

Les États-Unis se retrouvent dans une impasse : ils sont contraints de relever les taux d'intérêt pour attirer les capitaux du monde entier, faute de quoi le système financier s'effondre ; mais cette même hausse des taux étrangle l'économie américaine. Quand ils les abaissent, comme ils l'ont fait maintenant pour des raisons électorales (durant la campagne, les démocrates ont été accusés d'étouffer l'économie), seuls les spéculateurs (au premier rang les fonds d'investissement) qui parient sur leur évolution en profitent. De même que la grande quantité de liquidités mises à disposition de l'économie par les banques centrales n'a jamais ruisselé vers la production réelle, car elle s'est arrêtée dans le secteur financier, cette baisse des taux n'aura aucune influence sur l'économie réelle, mais n'activera que la spéculation en son sein. Les États-Unis sont incapables de sortir du cercle vicieux de la rente, si bien que la guerre est la seule solution. Dès 2008, il était clair que l'économie américaine reposait sur la production et la distribution de rentes financières. D'où la volonté de poursuivre et d'étendre la guerre, de continuer à financer et à légitimer le génocide, de porter partout de nouveaux fascismes au pouvoir. Le proche avenir nécessitera davantage encore de tout cela, comme le confirme un document apparu au Congrès américain en juillet de cette année, intitulé Commission on the National Defense Strategy, qui affirme sans ambiguïté que les États-Unis doivent se préparer à la « grande guerre » contre le Sud global, au centre de laquelle se trouvent la Russie et la Chine. Dans les années à venir, chaque secteur de la société doit être mobilisé, sur le modèle de ce qui s'est fait avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, afin d'éradiquer la menace qui pèse sur son existence, « les plus graves et les plus difficiles que la nation ait rencontrées depuis 1945 ». [2]

Le premier objectif, toutefois, est de transformer sa base industrielle (qui n'existe plus) en industrie de guerre :

« La Commission constate que la base industrielle de défense (DIB) des États-Unis est incapable de répondre aux besoins en équipements, technologies et munitions des États-Unis et de leurs alliés et partenaires. Un conflit prolongé, surtout sur de multiples théâtres, exigerait une capacité bien plus grande de production, de maintenance et de reconstitution des armes et des munitions. Combler ce déficit nécessitera des investissements accrus, des capacités supplémentaires de fabrication et de développement, une coproduction conjointe avec les alliés et une flexibilité supplémentaire dans les systèmes d'acquisition. Cela requiert un partenariat avec une base industrielle qui inclut non seulement les grands fabricants de défense traditionnels, mais aussi de nouveaux entrants et un large éventail d'entreprises impliquées dans la production de sous-ensembles, la cybersécurité et les services habilitants. » [3]

L'État et ses administrations doivent être coordonnés dans le sens de ce que les auteurs appellent la « dissuasion intégrée ». [4] Une attention particulière doit être accordée à la main-d'œuvre afin de la requalifier pour une économie de guerre ; ceci, après son démantèlement par la financiarisation et le démantèlement subséquent de l'industrie. Les différents départements de l'État doivent se coordonner en préparation de la guerre, notamment le Département d'État et l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), les départements économiques (dont le Trésor, le Commerce et la Small Business Administration), et ceux qui soutiennent le développement d'une large part d'une main-d'œuvre américaine plus forte et mieux préparée, comme les départements du Travail et de l'Éducation. Comme lors de la guerre froide, ces départements et agences doivent concentrer stratégiquement leurs efforts sur la compétition, désormais en particulier avec la Chine.

Conformément aux préceptes de la rente et de l'oligarchie, les grands investissements nécessaires doivent être privés, afin d'inonder les monopoles de milliards de dollars. Il est clairement question d'un « appel aux armes » bipartisan des démocrates et des républicains qui doivent éduquer un public inconscient du danger mortel dans lequel il se trouve et le préparer à supporter les coûts d'une guerre mondiale (on cite l'énorme pourcentage du PIB investi dans les armes durant la guerre froide) :

« Le public américain n'a que peu conscience des dangers auxquels les États-Unis sont confrontés ni des coûts (financiers et autres) nécessaires pour s'y préparer adéquatement. Il ne mesure pas la force de la Chine et de ses partenariats ni les conséquences pour la vie quotidienne si un conflit éclatait. Il n'anticipe pas les perturbations de son électricité, de son eau, ni l'accès à l'ensemble des biens dont il dépend. Il n'a pas intériorisé les coûts et les conséquences possibles de la perte par les États-Unis de leur position de superpuissance mondiale. Un appel aux armes bipartisan est urgent, pour que les États-Unis puissent opérer dès maintenant les grands changements et investissements significatifs, plutôt que d'attendre le prochain Pearl Harbor ou le 11 septembre. Le soutien et la détermination du public américain sont indispensables. » [5]

Comme l'aurait dit Ernst Jünger, ils préparent la « mobilisation totale ». Ils ont cependant un petit problème, car l'économie et la richesse qu'ils ont imposée sont pour les quelques-uns, tandis que les nombreux ont été appauvris, marginalisés, précarisés et ensuite blâmés, comme s'ils étaient responsables de leur condition. À présent, ils semblent réaliser qu'ils ont besoin des nombreux, qu'une main-d'œuvre « forte et préparée » est nécessaire pour défendre la nation et l'esprit national — l'économie et la propriété des tout-petits. Dans un pays plus divisé que jamais, il ne nous reste qu'à souhaiter bonne chance aux oligarchies qui promeuvent la mobilisation totale pour la guerre qu'elles veulent mener contre les trois quarts de l'humanité et qu'elles perdront aussi sûrement qu'elles sont en train de perdre au Moyen-Orient et en Europe de l'Est. Ce n'est qu'une question de temps.

Maurizio Lazzarato
Images : Maen Hammad
Publié pour la première fois par Derive Approdi, le 1ᵉʳ octobre 2024, traduit depuis la version anglaise de Ill Will.


[1] Luca Celada, Dynamo Press (référence citée par l'auteur).

[2] Commission on the National Defense Strategy, extraits cités par l'auteur (juillet 2024).

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

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27.10.2025 à 16:29

Wokisme et négativité

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« Circonscrire le champ contemporain de l'irréconciliable » Erwan Sommerer

- 27 octobre / , ,
Texte intégral (3701 mots)

À partir du constat que la critique du prétendu « wokisme » est devenue l'un des principaux piliers du discours et des pratiques de l'extrême-droite contemporaine et qu'elle sert à réprimer tout autant les revendications des groupes ou minorités opprimés, les mobilisations écologistes et pro-palestiniennes que le combat contre l‘islamophobie, je formulerai ici deux hypothèses.

  • La première est que, loin d'être un aspect secondaire des rapports de force actuels ou la simple expression conjoncturelle des luttes de factions au sein du capital, l'anti-« wokisme » est la manifestation du découplage historique entre capitalisme et libéralisme politique.
  • La seconde est que saisir toute la portée de cette évolution implique une actualisation stratégique qui consiste pour l'ensemble du camp anticapitaliste à se délester des débats obsolètes à propos de la « politique de l'identité » ou des luttes en faveur de la « reconnaissance » et de l'obtention de droits libéraux.

Je plaide donc ici pour une prise en compte de la restructuration et de la clarification des antagonismes propres au déploiement du capitalisme autoritaire et post-libéral afin d'identifier les nouvelles lignes de partage que ce déploiement implique. Autrement dit, il s'agit de circonscrire le champ contemporain de l'irréconciliable.

Pour cela, je vais marquer le contraste entre l'ancien monde, celui qui disparait sous nos yeux, et celui qui est en passe de le remplacer.

Thèses sur l'ancien monde

I

L'ancien monde, tout d'abord : l'alliance entre capitalisme et libéralisme politique qui s'est nouée dès le XIXe siècle s'est caractérisée par sa formidable capacité de neutralisation des antagonismes. La distribution généralisée de biens matériels et juridiques – c'est-à-dire de marchandises et de droits – a été l'instrument du processus de capture des forces contestataires. Cette capture, en tant que mécanisme de maintenance du système, n'imposait pas l'abandon de tout discours critique, bien au contraire : elle n'aboutissait pas au musèlement de l'ennemi, mais à son internalisation. L'essentiel était que la mobilisation, même sous sa forme la plus virulente, ne vise pas le démantèlement des structures de l'oppression mais l'assimilation au sein du monde marchand. Son expression première fut la formation d'une zone intermédiaire, un entre-deux factice où l'on pouvait tout à la fois lancer des offensives apparentes contre l'ordre socio-politique et jouir des biens qu'il distribuait. Il suffisait juste de se tenir toujours en deçà de toute rupture véritable. Depuis cette zone de semi-allégeance, on pouvait nourrir l'illusion d'une extériorité au système dont on acceptait les largesses.

II

Les ouvriers furent les premiers à occuper cette zone. Elle fut même inventée pour eux et ce fut la vraie naissance de la « politique de l'identité ». Les organisations les plus combattives de l'époque eurent beau tenter de concilier les « revendications immédiates » et les buts lointains, toujours repoussés, de destruction de l'État, de la propriété, de la bourgeoisie, etc., la réalité était cruelle : au lieu de mettre en œuvre la démolition du capitalisme et de s'attaquer à ses fondements, notamment l'aliénation par le travail, les ouvriers s'inscrivirent dans une logique de valorisation de leur identité et de défense de leurs intérêts. Ils réclamaient leur place au sein du système. Ce faisant, ils inauguraient la forme spécifique d'allégeance dont on a plus tard abondamment accusé, à gauche, les mobilisations dites « libérales ». Mais tout le monde fut libéral, dès le début.

III

Le propos n'est pas de déterminer qui a trahi en premier. Tout le monde a trahi. L'alliance du capitalisme et du libéralisme a mené à ce que Cesarano et Collu appelèrent la « colonisation intégrale de l'existant », c'est-à-dire la soumission de tous les rapports sociaux à la forme-marchandise. Cette abolition de l'extériorité, donc de la possibilité de la rupture révolutionnaire, fut le « mécanisme d'auto-régulation qui a permis au système capitaliste de survivre à ses propres crises » [1]. Aucun groupe social n'a échappé à ce phénomène de neutralisation par l'internalisation : depuis ses origines, la force du système repose précisément sur sa capacité à endiguer toute opportunité de le combattre depuis un lieu qui lui soit extérieur. Il assimile la contestation, la laisse libre de tourner indéfiniment à vide en même temps qu'il la rend incapable de le détruire.

IV

La « politique de l'identité », si l'on veut vraiment conserver cette expression, a donc été le mécanisme de reproduction et d'extension privilégié du capitalisme libéral depuis ses origines. C'est l'essence même de cette alliance. Il n'a jamais existé de catégorie sociale disposant d'un bonus d'extériorité ou d'immunité envers ce mécanisme. Disqualifier la lutte d'un groupe parce que ses membres ont cédé face à la logique assimilatrice – et surtout faire ce reproche à partir d'une position de pureté ouvriériste – a toujours été une erreur d'analyse. Les mobilisations féministes, LGBT, anti-racistes, etc., ne se sont nullement caractérisées par une fragilité spécifique vis-à-vis de la capture. Leur combativité ne fut pas en cause. Elles ont juste subi les mêmes défaites et elles sont entrées dans la même zone d'allégeance que les mobilisations ouvrières avant elles.

V

Pire, la critique de ces mobilisations néglige le plus souvent leur apport décisif dans le processus historique de dépassement de la fragmentation de la connaissance de la totalité capitaliste. Loin d'être source de division, elles ont au contraire ouvert la voie à la compréhension de ce qu'est une lutte totale contre la totalité. En dévoilant les fondements patriarcaux, hétéro/cis-centrés, colonialistes et racistes de la domination marchande, elles ont démontré l'obsolescence des descriptions tronquées du système capitaliste : là où la totalité lukacsienne n'était encore qu'une totalité partielle, empêtrée dans le fétichisme de l'identification du prolétariat aux ouvriers, ces mobilisations ont multiplié les points de vue à partir desquels une analyse globale du capitalisme, et donc l'horizon de son démantèlement complet, devenaient envisageables [2].

Thèses sur le monde nouveau

I

C'était l'ancien monde. Le capitalisme se déleste à présent du libéralisme politique. L'accentuation de la compétition impérialiste pour l'appropriation des ressources, en plus d'être aveugle à toute préoccupation écologiste, impose un regain de contrôle disciplinaire des individus. L'« État anti-État » décrit par Ruth Wilson Gilmore – et qui caractérise selon Alberto Toscano le « fascisme tardif » –, devient la norme dominante avec son mélange de désengagement socio-économique cynique – qui laisse libre cours à l'exploitation la plus crue – et d'accentuation de la gestion policière et carcérale des populations tenues à l'écart de l'opulence [3]. Loin d'être une simple parenthèse, cette évolution marque le moment de plein déploiement du capitalisme post-libéral.

II

Ce déploiement annonce la fin de l'assimilation libérale et de la zone d'allégeance critique. En situation autoritaire, le capitalisme réaffirme ses fondements historiques : il assume ouvertement sa nature patriarcale et raciale. En lieu et place des transgressions tolérées à l'époque du capitalisme tardif ou « postmoderne », on assiste au retour de l'ordre traditionnel, des valeurs familiales (indispensables à la reproduction du système), de la fixité des identités de genre – dont on proclame haut et fort l'assise biologique – et du suprémacisme blanc. D'où les nouvelles modalités d'allégeance requises pour s'attirer la bienveillance du système : le fémonationalisme et l'homonationalisme, fondés sur l'islamophobie et le néo-colonialisme, le pseudo-« féminisme » laïcard et transphobe – avec les TERF en championnes du nouvel ordre biologique –, versions défigurées des anciennes luttes, en deviennent les seules formes admises. Il n'est plus question d'exister dans le sas intermédiaire où l'on maintenait une apparence contestataire. Le capitalisme post-libéral impose une servilité propre et nette.

III

C'est tout cela, l'anti-« wokisme » contemporain. L'injonction à adhérer aux mots d'ordre post-libéraux sous peine de subir l'offensive lancée contre celles et ceux qui rechignent à rallier la réaction. Les récriminations contre la « cancel culture » ou le « politiquement correct », les assauts masculinistes contre les prétendus excès d'un féminisme jugé trop « punitif » ou les attaques contre les mobilisations LGBT et pro-palestiniennes – sans oublier la répression de la contestation sociale et écologiste –, signalent l'ampleur de l'arsenal déployé. Le tout sur fond de mise en scène politico-médiatique d'une majorité silencieuse fictive, travailleuse, disciplinée, en adéquation avec la normativité reproductive et raciale, brimée par la « dictature des minorités » : à l'ennemi extérieur fait écho l'ennemi intérieur qui menace l'ordre social et les valeurs qui le sous-tendent.

IV

L'anti-« wokisme » manifeste le resserrement réactionnaire des critères de la normalité et le durcissement des conditions de l'allégeance dans un monde marchand délesté de toute ambiguïté quant au degré de contestation interne qu'il tolère. La capture ne disparait pas mais ses modalités évoluent. Les biens matériels et juridiques autrefois distribués en abondance vont l'être dorénavant de façon de plus en plus sélective et parcimonieuse en échange d'une soumission explicite : les conditions de possibilité de l'ancienne « politique de l'identité », née avec les revendications ouvrières du XIXe siècle, sont vouées à disparaitre. La palette des identités tolérées par le pouvoir va ainsi être entièrement inscrite dans un strict cadre réactionnaire et les anciennes ambiguïtés – l'entre-deux propre à la semi-allégeance – vont être levées.

V

Face à cela, la période précédente nous a légué des propositions théorico-stratégiques qui prennent aujourd'hui tout leur sens et qu'il nous faut radicaliser. Que l'on regarde du côté de la critique de la valeur, de la pensée communisatrice, des courant féministes et queers radicaux (de Wittig aux anarcho-insurectionnalistes de Bash Back !) qui ont toujours refusé de « supplier l'État pour plus d'égalité » [4] ou de l'anticolonialisme fanonien, le constat est le même malgré les évidentes divergences : la résistance à la capture exige le rejet des classifications identitaires imposées par le pouvoir. L'abolition du capitalisme passe par la démolition de ses piliers que sont le travail, la distinction de genre et la hiérarchisation coloniale et raciale – autant de sources d'identités réifiées qu'il faut attaquer et non pas valoriser dans une logique de négociation et d'obtention de droits. Mais on doit alors saisir l'ampleur de la tâche : écarter l'identité, c'est renoncer à toute forme d'affirmation positive. Une fois achevée l'emprise du capitalisme sur l'ensemble des rapports socio-économiques, lorsque toute affirmation de soi, tout mode de vie ou tout projet alternatif est immédiatement capté par la logique marchande, la lutte ne peut répondre que par une totalisation de la négativité.

VI

D'où la rupture avec la conception substantialiste du prolétariat. Si le « pire malentendu de la pensée marxiste » fut bien, comme l'a dit Agamben, la confusion inaugurale entre la défense des intérêts ouvriers et la tâche du prolétariat [5], c'est parce que celui-ci n'est pas une catégorie sociale : le prolétariat est une pure fonction de dissolution des institutions capitalistes endossée par tout groupe opprimé qui suspend « les règles et les pratiques de l'identité » [6] et résiste à l'assimilation en assumant pleinement l'impératif de négativité. Dès lors, en prenant comme but une « révolution qui ne peut rien laisser à l'extérieur d'elle-même » [7], il entreprend la démolition conjointe de sa propre identité et du monde dans lequel cette identité intenable, insupportable, est rendue possible. Pour faire écho au Marx de la Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel, même si c'est un truisme, on dira que cette fonction prolétarienne se définit par les deux pratiques indissociables de négation de soi et de négation de l'ordre existant.

VII

La mutation de la capture annonce l'amplification des antagonismes au sein même des groupes ou minorités opprimés. C'est un enjeu majeur du passage au capitalisme post-libéral, lorsque le seul choix possible est celui qui met en balance l'acceptation de l'allégeance réactionnaire et la négativité. Déjà, on discerne la ligne de fracture et de confrontation à venir entre les factions assimilationnistes qui vont rallier de plus en plus rapidement et ouvertement les rangs de la domination (les « féministes » xénophobes et transphobes en tête) et les factions prolétariennes qui rejetteront toute négociation avec le système, refuseront de « s'asseoir à la table des vainqueurs » [8], se délesteront de leurs identités et donneront ainsi la priorité à la négation totale de l'ordre existant.

VIII

Mais le post-libéralisme impose aussi des choix à l'ensemble du camp révolutionnaire. Celui-ci doit actualiser ses analyses et ses méthodes et faire un effort pour 1) accepter enfin pleinement la multiplicité des perspectives à partir desquelles la totalité capitaliste peut être dévoilée et attaquée, et 2) contrer les pratiques oppressives qui perpétuent au cœur de la lutte la domination patriarcale ou raciale.

De là découlent plusieurs évidences qu'il est bon de souligner :

IX

Tout anti-« wokisme » est nécessairement réactionnaire.

X

Toute analyse ou pratique révolutionnaire qui nie l'apport des combats féministes, LGBT, antiracistes et anticolonialistes, ou pire qui considère ces combats comme néfastes – un point de vue encore répandu dans les milieux marxistes ou anarchistes où l'on rivalise parfois allégrement, entre autres, de transphobie et d'islamophobie – se pose résolument en alliée du fascisme tardif [9].

XI

Toute récrimination dans le camp anticapitaliste contre la prétendue « cancel culture », le « call out », etc., néglige le fait que ces outils militants, lorsqu'ils sont orientés contre les forces réactionnaires, sont tout à fait utiles et efficaces.

XII

Puisque l'antagonisme passe au sein même des milieux dits « révolutionnaires », il est essentiel d'y porter la lutte. Sans oublier que celle-ci vise à balayer tout autant l'État que les organisations de « gauche » (voire d'« extrême-gauche ») dont le seul but est d'y conquérir des places.

* * *

Tronti, dont on pourrait sans doute questionner la capacité de résistance à l'assimilation libérale, affirmait à juste titre : « le parti de la subversion ne peut atteindre sa maturité que quand il a face à lui un adversaire puissant » [10]. Effectivement, la période post-libérale qui s'ouvre, en tant que source d'exacerbation des antagonismes, offre au camp anticapitaliste la possibilité de redéfinir les conditions d'une rupture véritable. Celle-ci ne demande ni soumission à un sujet révolutionnaire unique, ni la « convergence des luttes » sur la base d'identités positives dont il faudrait coordonner les revendications. La seule convergence en jeu est celle qui se donne pour but « l'autonomie du négatif » [11], donc une mobilisation qui, refusant la capture, refusant d'être le simple moment dialectique d'une synthèse libérale, soit l'expression d'une négativité totale, pleinement libérée, dont le point d'unité et d'intensité nihilistes maximales pourra éventuellement être appelé – si l'on s'entend bien sur le sens des mots – la dictature du prolétariat.

Erwan Sommerer


[1] Giorgio Cesarano et Gianni Collu, Apocalypse et révolution, Bordeaux, La Tempête, 2020 (1973).

[2] C'est ce que n'a pas voulu voir Mark Fisher dans son fameux texte contre la « politique de l'identité », Fuir le château des vampires (lundimatin n° 406, 5 décembre 2023) : la lutte sur l'identité peut être le point de départ de la lutte sur la totalité, donc de la lutte anticapitaliste globale. Jameson, en appliquant l'approche de Lukács aux mobilisations féministes, puis Floyd aux mobilisations queers, ont été bien plus incisifs à ce propos. Cf. Fredric Jameson, “History and Class Consciousness as an 'Unfinished Project' », Rethinking Marxism : A Journal of Economics, Culture & Society n° 1, 1988, p. 49–72 ; Kevin Floyd, La Réification du désir, vers un marxisme queer, Paris, Amsterdam, 2013.

[3] Ruth Wilson Gilmore, Abolition Geography : Essays Towards Liberation, London, Verso 2022 ; Alberto Roscano, Fascisme tardif, Bordeaux, La Tempête, 2025.

[4] Pind and Black Attack, n° 2, 2009, p. 4.

[5] Giorgio Agamben, Time that Remains : a commentary on the Letter to the Romans, Stanford, Stanford University Press, 2005.

[6] « Contre le cauchemar du genre », Bædan, n° 1, 2014 (trad. française : https://baedanfr.noblogs.org).

[7] Guy Debord, La Société du spectacle, Paris, Folio Essais, 2018 (1967).

[8] « Contre la normalisation gay – entretien avec Alain Naze », lundimatin n° 120, 31 octobre 2017. Cf. aussi son livre Manifeste contre la normalisation gay, Paris, La Fabrique, 2017.

[9] On ne soulignera jamais assez à quel point un livre comme Les leurres postmodernes contre la réalité sociale des femmes de Vanina, paru chez Acratie en 2023, est catastrophique tant il révèle la tendance, dans certains milieux anarchistes, à relayer les pires campagnes transphobes de l'extrême-droite intégriste et trumpiste anglo-saxonne. Nous n'avions pourtant pas besoin d'un Transmania libertaire.

[10] Mario Tronti, « Sur le pouvoir destituant », lundimatin, n° 343, 13 juin 2022.

[11] Massimo de Feo, L'autonomia del negativo tra rivoluzione politica e rivoluzione sociale, Manduria, Bari, Roma, Lacaita, 1992.

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27.10.2025 à 16:26

Ping-pong et révolutions

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Dix sports pour trouver l'ouverture un lundisoir avec le philosophe Fred Bozzi

- 27 octobre / , , ,
Texte intégral (4483 mots)

Dans Dix sports pour trouver l'ouverture, un ouvrage excellentissime que nous venons de publier avec les éditions lundimatin, Fred Bozzi, philosophe pongiste, propose un contre-pied magistral aux habituelles critiques du sport. Il y démontre notamment que :
Le saut à la perche s'oppose techniquement à la conquête spatiale.
Un terrain de rugby est le lieu d'une écologie anarchiste.
Les épreuves d'un décathlon arrachent les corps à l'économie.
Le ping-pong est propice à faire dégénérer les IA.
La boxe incarne la vertu du silence dans un monde saturé de mensonges.
Le volley-ball conteste les théories du management.
La danse révèle une puissance destituante.

La démarche est inédite, les démonstrations sont puissantes et tout ce que cela ouvre quant à notre rapport au sport comme à la pensée est déterminant. Comme le dit un ami, c'est le livre qu'aurait écrit Jacques Rancière s'il avait pratiqué le saut à la perche ou Eric Cantona s'il s'était lancé dans la philo plutôt que dans le cinéma. Une présentation plus poussée du livre est accessible ici.
Fred Bozzi est notre invité pour ce lundisoir, faute de temps, nous ne discuterons pas des dix sports présents dans le livre mais déjà de Ping-pong, de boxe, de Football, de Tennis et un petit peu de danse.
Le livre est disponible dans toutes les bonnes librairies mais vous pouvez le commander directement sur notre site en vous rendant ici : lundi.am/livres.

À voir lundi 27 octobre à partir de 20h :

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Voir les lundisoir précédents :

Casus belli, la guerre avant l'État - Christophe Darmangeat

Remplacer nos députés par des rivières ou des autobus - Philippe Descola

« C'est leur monde qui est fou, pas nous » - Un lundisoir sur la Mad Pride et l'antipsychiatrie radicale

Comment devenir fasciste ? la thérapie de conversion de Mark Fortier

Pouvoir et puissance, ou pourquoi refuser de parvenir - Sébastien Charbonnier

10 septembre : un débrief avec Ritchy Thibault et Cultures en lutte

Intelligence artificielle et Techno-fascisme - Frédéric Neyrat

De la résurrection à l'insurrection - Collectif Anastasis

Déborder Bolloré - Amzat Boukari-Yabara, Valentine Robert Gilabert & Théo Pall

Planifications fugitives et alternatives au capitalisme logistique - Stefano Harney
(Si vous ne comprenez pas l'anglais, vous pouvez activer les sous-titres)

De quoi Javier Milei est-il le nom ? Maud Chirio, David Copello, Christophe Giudicelli et Jérémy Rubenstein

Construire un antimilitarisme de masse ? Déborah Brosteaux et des membres de la coalition Guerre à la Guerre

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Un lundisoir avec Anne Coppel, Alessandro Stella et Fabrice Olivert

Pour une politique sauvage - Jean Tible

Le « problème musulman » en France - Hamza Esmili

Perspectives terrestres, Scénario pour une émancipation écologiste - Alessandro Pignocchi

Gripper la machine, réparer le monde - Gabriel Hagaï

La guerre globale contre les peuples - Mathieu Rigouste

Documenter le repli islamophobe en France - Joseph Paris

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Faut-il croire à l'IA ? - Mathieu Corteel

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Livraisons à domicile et plateformisation du travail - Stéphane Le Lay

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Cuisine et révolutions - Darna une maison des peuples et de l'exil

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Contre-anthropologie du monde blanc - Jean-Christophe Goddard

10 questions sur l'élection de Trump - Eugénie Mérieau, Michalis Lianos & Pablo Stefanoni

Chlordécone : Défaire l'habiter colonial, s'aimer la terre - Malcom Ferdinand

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Enrique Dussel, métaphysicien de la libération - Emmanuel Lévine

Combattre la technopolice à l'ère de l'IA avec Felix Tréguer, Thomas Jusquiame & Noémie Levain (La Quadrature du Net)

Des kibboutz en Bavière avec Tsedek

Le macronisme est-il une perversion narcissique - Marc Joly

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Continuum espace-temps : Le colonialisme à l'épreuve de la physique - Léopold Lambert

Que peut le cinéma au XXIe siècle - Nicolas Klotz, Marie José Mondzain & Saad Chakali
lundi bonsoir cinéma #0

« Les gardes-côtes de l'ordre racial » u le racisme ordinaire des électeurs du RN - Félicien Faury

Armer l'antifascisme, retour sur l'Espagne Révolutionnaire - Pierre Salmon

Les extraterrestres sont-ils communistes ? Wu Ming 2

De quoi l'antisémitisme n'est-il pas le nom ? Avec Ludivine Bantigny et Tsedek (Adam Mitelberg)

De la démocratie en dictature - Eugénie Mérieau

Inde : cent ans de solitude libérale fasciste - Alpa Shah
(Activez les sous-titre en français)

50 nuances de fafs, enquête sur la jeunesse identitaire avec Marylou Magal & Nicolas Massol

Tétralemme révolutionnaire et tentation fasciste avec Michalis Lianos

Fascisme et bloc bourgeois avec Stefano Palombarini

Fissurer l'empire du béton avec Nelo Magalhães

La révolte est-elle un archaïsme ? avec Frédéric Rambeau

Le bizarre et l'omineux, Un lundisoir autour de Mark Fisher

Démanteler la catastrophe : tactiques et stratégies avec les Soulèvements de la terre

Crimes, extraterrestres et écritures fauves en liberté - Phœbe Hadjimarkos Clarke

Pétaouchnock(s) : Un atlas infini des fins du monde avec Riccardo Ciavolella

Le manifeste afro-décolonial avec Norman Ajari

Faire transer l'occident avec Jean-Louis Tornatore

Dissolutions, séparatisme et notes blanches avec Pierre Douillard-Lefèvre

De ce que l'on nous vole avec Catherine Malabou

La littérature working class d'Alberto Prunetti

Illuminatis et gnostiques contre l'Empire Bolloréen avec Pacôme Thiellement

La guerre en tête, sur le front de la Syrie à l'Ukraine avec Romain Huët

Feu sur le Printemps des poètes ! (oublier Tesson) avec Charles Pennequin, Camille Escudero, Marc Perrin, Carmen Diez Salvatierra, Laurent Cauwet & Amandine André

Abrégé de littérature-molotov avec Mačko Dràgàn

Le hold-up de la FNSEA sur le mouvement agricole

De nazisme zombie avec Johann Chapoutot

Comment les agriculteurs et étudiants Sri Lankais ont renversé le pouvoir en 2022

Le retour du monde magique avec la sociologue Fanny Charrasse

Nathalie Quintane & Leslie Kaplan contre la littérature politique

Contre histoire de d'internet du XVe siècle à nos jours avec Félix Tréguer

L'hypothèse écofasciste avec Pierre Madelin

oXni - « On fera de nous des nuées... » lundisoir live

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Sur le front de Bakhmout avec des partisans biélorusses, un lundisoir dans le Donbass

Mohamed Amer Meziane : Vers une anthropologie Métaphysique->https://lundi.am/Vers-une-anthropologie-Metaphysique]

Jacques Deschamps : Éloge de l'émeute

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Philosophie de la vie paysanne, rencontre avec Mathieu Yon

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Parcoursup, conseils de désorientation avec avec Aïda N'Diaye, Johan Faerber et Camille

Une histoire du sabotage avec Victor Cachard

La fabrique du muscle avec Guillaume Vallet

Violences judiciaires, rencontre avec l'avocat Raphaël Kempf

L'aventure politique du livre jeunesse, entretien avec Christian Bruel

À quoi bon encore le monde ? Avec Catherine Coquio
Mohammed Kenzi, émigré de partout

Philosophie des politiques terrestres, avec Patrice Maniglier

Politique des soulèvements terrestres, un entretien avec Léna Balaud & Antoine Chopot

Laisser être et rendre puissant, un entretien avec Tristan Garcia

La séparation du monde - Mathilde Girard, Frédéric D. Oberland, lundisoir

Ethnographies des mondes à venir - Philippe Descola & Alessandro Pignocchi

Terreur et séduction - Contre-insurrection et doctrine de la « guerre révolutionnaire » Entretien avec Jérémy Rubenstein

Enjamber la peur, Chowra Makaremi sur le soulèvement iranien

La résistance contre EDF au Mexique - Contre la colonisation des terres et l'exploitation des vents, Un lundisoir avec Mario Quintero

Le pouvoir des infrastructures, comprendre la mégamachine électrique avec Fanny Lopez

Rêver quand vient la catastrophe, réponses anthropologiques aux crises systémiques. Une discussion avec Nastassja Martin

Comment les fantasmes de complots défendent le système, un entretien avec Wu Ming 1

Le pouvoir du son, entretien avec Juliette Volcler

Qu'est-ce que l'esprit de la terre ? Avec l'anthropologue Barbara Glowczewski

Retours d'Ukraine avec Romain Huët, Perrine Poupin et Nolig

Démissionner, bifurquer, déserter - Rencontre avec des ingénieurs

Anarchisme et philosophie, une discussion avec Catherine Malabou

« Je suis libre... dans le périmètre qu'on m'assigne »
Rencontre avec Kamel Daoudi, assigné à résidence depuis 14 ans

Ouvrir grandes les vannes de la psychiatrie ! Une conversation avec Martine Deyres, réalisatrice de Les Heures heureuses

La barbarie n'est jamais finie avec Louisa Yousfi

Virginia Woolf, le féminisme et la guerre avec Naomi Toth

Katchakine x lundisoir

Françafrique : l'empire qui ne veut pas mourir, avec Thomas Deltombe & Thomas Borrel

Guadeloupe : État des luttes avec Elie Domota

Ukraine, avec Anne Le Huérou, Perrine Poupin & Coline Maestracci->https://lundi.am/Ukraine]

Comment la pensée logistique gouverne le monde, avec Mathieu Quet

La psychiatrie et ses folies avec Mathieu Bellahsen

La vie en plastique, une anthropologie des déchets avec Mikaëla Le Meur

Déserter la justice

Anthropologie, littérature et bouts du monde, les états d'âme d'Éric Chauvier

La puissance du quotidien : féminisme, subsistance et « alternatives », avec Geneviève Pruvost

Afropessimisme, fin du monde et communisme noir, une discussion avec Norman Ajari

L'étrange et folle aventure de nos objets quotidiens avec Jeanne Guien, Gil Bartholeyns et Manuel Charpy

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Fondation Luma : l'art qui cache la forêt

De si violentes fatigues. Les devenirs politiques de l'épuisement quotidien,
un entretien avec Romain Huët

L'animal et la mort, entretien avec l'anthropologue Charles Stépanoff

Rojava : y partir, combattre, revenir. Rencontre avec un internationaliste français

Une histoire écologique et raciale de la sécularisation, entretien avec Mohamad Amer Meziane

Que faire de la police, avec Serge Quadruppani, Iréné, Pierre Douillard-Lefèvre et des membres du Collectif Matsuda

La révolution cousue main, une rencontre avec Sabrina Calvo à propos de couture, de SF, de disneyland et de son dernier et fabuleux roman Melmoth furieux

LaDettePubliqueCestMal et autres contes pour enfants, une discussion avec Sandra Lucbert.

Pandémie, société de contrôle et complotisme, une discussion avec Valérie Gérard, Gil Bartholeyns, Olivier Cheval et Arthur Messaud de La Quadrature du Net

Basculements, mondes émergents, possibles désirable, une discussion avec Jérôme Baschet.

Au cœur de l'industrie pharmaceutique, enquête et recherches avec Quentin Ravelli

Vanessa Codaccioni : La société de vigilance

Comme tout un chacune, notre rédaction passe beaucoup trop de temps à glaner des vidéos plus ou moins intelligentes sur les internets. Aussi c'est avec beaucoup d'enthousiasme que nous avons décidé de nous jeter dans cette nouvelle arène. D'exaltations de comptoirs en propos magistraux, fourbis des semaines à l'avance ou improvisés dans la joie et l'ivresse, en tête à tête ou en bande organisée, il sera facile pour ce nouveau show hebdomadaire de tenir toutes ses promesses : il en fait très peu. Sinon de vous proposer ce que nous aimerions regarder et ce qui nous semble manquer. Grâce à lundisoir, lundimatin vous suivra jusqu'au crépuscule. « Action ! », comme on dit dans le milieu.

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