21.11.2022 à 20:00
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Ce soir nous accueillons le philosophe Patrice Maniglier pour essayer de comprendre comment agencer l’action anarchisante à notre « commune terrestritude » (Gramsci). Dans le rapport de la pensée et de l’action à la Terre, l’un des problèmes serait peut-être celui-ci : comment articuler nos formes de luttes toujours territoriales, situées précisément ici ou là – nous qui avons tendance à refuser les fausses universalités coloniales – à une théorie générale de la stratégie terrestre ? Comment faire lorsque la conquête du pouvoir, la prise du pouvoir, la macro-politique qui aboutit à la gestion du monde, n’est – apparemment – pas une option, alors qu’en face, l’ennemi, l’adversaire last but not least, comment faire lorsqu’entre « eux » et « nous », le champ de bataille lui-même s’anime et fait irruption, lorsque la Terre en personne se présente et s’annonce, de catastrophes en catastrophes, non pour trancher le nœud du conflit, comme l’ancien deus ex machina de la tragédie, mais pour l’embrouiller davantage ?
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14.11.2022 à 20:00
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Léna Balaud et Antoine Chopot ont récemment publié Nous ne sommes pas seuls. Politiques des soulèvements terrestres aux éditions du Seuil. C’est un livre important et qui trouvent quelques belles résonances dans la mobilisation actuelle contre les méga-bassines.Les auteurs thématisent quelques débats qui traversent les luttes politiques et proposent de réfléchir les alliances avec les vivants dans la perspective d’un renversement du capitalisme. L’intérêt pour le vivant bouleverse la scène de nos préoccupations politiques et sociales. Il n’est pas rare que ces nouvelles luttes soient disqualifiées en tant qu’elles seraient la préoccupation d’une bourgeoisie sociale assez peu soucieuse des oppressions traditionnelles. De l’autre côté, cette pensée écologique soupçonne les mouvements traditionnels de porter trop peu d’attention aux transformations culturelles de la politique au seuil du drame écologique. Plutôt que de renvoyer dos à dos ces positions, Nicolas Chopot et Léna Balaud tentent de redéfinir politiquement et pratiquement les contours de l’action politique en pensant les conditions de possibilité d’un « soulèvement des terrestres ». La nature se soulève déjà. Ces soulèvements menacent parfois la vie humaine en même temps qu’ils ouvrent à de nouvelles connexions avec les vivants. Ces transformations en appellent à l’invention politique et ouvrent à des nouvelles voies de subjectivation que ces deux auteurs nous aident à explorer.
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07.11.2022 à 20:00
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Ce soir nous accueillons le philosophe et écrivain Tristan Garcia pour un livre qui n’est pas encore paru et qui aura mis des années à passer des petites collines d’une courte conférence en 2017 aux vastes steppes d’une somme ontologico-politique (Laisser être et rendre puissant, à paraître) en passant par la vallée fleurie d’un entretien récapitulatif en 2021 (L’Architecture du possible).S’il faut souvent examiner les faits et les événements pour saisir l’horizon empirique sous lequel l’action politique se dessine ; il faut aussi parfois, pour un temps, remonter aux structures de nos langages et aux logiques de nos subjectivités, aux toiles d’araignées ténues de nos métaphysiques invisibles, afin de clarifier théoriquement les voies du labyrinthe dans lequel, souvent sans le savoir, nous avançons les yeux fermés.
Dans un très mauvais blockbuster de 2015, À la poursuite de demain (Tomorrowland), on pourrait trouver une image du rapport entre métaphysique et politique. Lorsque la jeune héroïne Casey Newton effleure un pin’s en forme de « T », trouvé par hasard dans ses affaires, elle est brusquement projetée depuis le bayou de sa Floride marécageuse dans un espace parallèle parfaitement utopique où se dresse, à l’horizon des champs de blé dorés qui l’entourent, une gigantesque citadelle. Mais alors qu’elle se met en marche à travers les épis, vers cette citadelle qui l’attire, elle se heurte à un mur invisible. En essayant de le contourner sans le voir, elle sent soudain son corps se recouvrir d’une eau pourtant absente. C’est que Casey Newton a beau percevoir le pays d’or et d’utopie, a beau le voir sous ses yeux se déployer alentour, son corps, lui, déambule entre les maisons de sa présente Floride, et même si elle ne voit plus ni ses rues, ni ses clôtures, ni ses façades, son corps, lui, les sent, les vit, s’y cogne, physiquement, et manque de se noyer dans le fleuve de la ville.
La métaphysique est cette Floride, ce labyrinthe urbain, qui n’est plus visible lorsque nous avançons dans les champs politiques de la citadelle utopique mais qui continue de déterminer les devenirs de nos actions. Déterminer à quels espaces urbains ontologiques nos subjectivités participent en se croyant tout autre chose, c’est l’un des aspects du travail de Tristan Garcia dans Laisser-être et rendre puissant. Après une vaste épopée ontologique, il analyse dans son livre les modalités du possible, de l’impossible, du contingent et du nécessaire, de la puissance et de l’impuissance et leur articulation sous la forme de subjectivités éthiques, de « formations éthiques » (457), distinctes et en conflit : « Ces formes que prend la subjectivité entre semblables, déformée par l’histoire, par les intérêts et des camps ennemis, quand chacune tend à l’hégémonie, se nourrissent et se confirment les unes les autres dans la guerre générale. » (455) À la manière d’un stratège théorique, il passe du point de vue d’un camp engagé dans l’action et la bataille, au point de vue du champ de bataille lui-même où se disposent les différentes subjectivités dans les luttes pour l’hégémonie. Le rôle du philosophe est peut-être alors d’analyser ces subjectivités, et de trouver les tactiques par lesquelles non pas détruire ou éliminer les plus vilaines, mais désamorcer ou interrompre leur élan d’hégémonisation :
« Si elle n’est pas interrompue, chacune menace de se constituer en autorité absolue. Elle supprime de plus en plus d’autres subjectivités possibles et empêche toute puissance autVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d’existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C’est par ici.
31.10.2022 à 09:00
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Mathilde Girard est l’autrice de La séparation du monde et écrit In Extremis. Frédéric D. Oberland officie dans Oiseaux-Tempête, FOUDRE !, Le Réveil des Tropiques et NAHAL Recordings. Ils devaient se rencontrer, c’était un lundisoir.
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24.10.2022 à 08:00
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Nous continuons cette semaine nos pérégrinations autour de l’anthropologie, de la philosophie et de l’anarchisme. Après avoir discuté avec Catherine Malabou, Barbara Glowczewski, Nastassja Martin et Jean Vioulac il allait de soit qu’il nous fallait rencontrer Philippe Descola et Alessandro Pignocchi. Nous avons parlé de leur livre d’entretien et de bandes dessinées qui vient de paraître Ethnographie des mondes à venir mais aussi de l’appel des Soulèvements de la terre à rejoindre Sainte-Soline (79) le 29 et 30 octobre afin de lutter contre les mega-bassines.
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17.10.2022 à 08:00
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Qui y a t-il de commun entre la communication du patronat français, une milice à la solde de narco-trafiquants mexicains, des parachutistes dans la guerre d’Algérie, la guerre en Irak et Afghanistan, des opérations secrètes de la Seconde Guerre Mondiale, la féroce répression des dictatures sud-américaines des années 1970 et, entre autre, le maintien de l’ordre colonial français pendant un siècle ? Une stratégie aux contributions plurielles, étalée sur près de deux siècles, et qui prendra la nom de “Doctrine de Guerre Révolutionnaire” (DGR) durant la décolonisation. C’est l’histoire de cette doctrine contre-insurrectionnelle que raconte Jérémy Rubenstein dans son excellent Terreur et séduction tout juste paru aux éditions La Découverte.
« Qu’on le sache ou non, la doctrine de la guerre révolutionnaire s’est insérée dans des domaines les plus variés : les polices, les armées privées, les agences de communication, le management d’entreprises et, dans le fond, dans la manière de penser de très nombreux dirigeants. »
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