20.06.2024 à 16:00
lundimatin
À lire le livre de Marylou Magal & Nicolas Massol, on a le sentiment d’assister à ces chasses nocturnes, ou autres danses macabres, ces bandes de mort-vivants débrayés que l’on disait surgir parfois quand il sonnait minuit à l’horloge de l’histoire. Bref : on entre dans une cave où défilent les principaux portraits des cadres politiques de la droite extrême - cinquante nuances de fafs. Or, du point de vue de sa jeunesse, les différences ne sont pas de nature, mais de degré. Comme dit fièrement Sarah Knafo : « on est tous pareils : tous. » Des souverainistes aux nationaux révolutionnaires (fascistes) en passant par les identitaires, le livre de Magal et Massol porte sur la grande dynamique de décloisonnement des familles de la droite, qui de la Manif pour tous aux dernières législatives, à travers sa jeunesse, s’est convertie à la logique identitaire et civilisationnelle. Dans cet entretien, on traverse la vie banale et ridicule d’un Bardella fils à papa, qui roule en smart parce qu’il a peur du métro, on croise l’existence opportuniste d’une Sarah Knafo fan d’Henri Guaino, et on pose la question de la bollorosphère et de ses trois cartes maîtresses : le lepénisme émancipé de son discours social ; le zemmourisme radicalisé à valeur de Gollum ; et Hanouna, potentiel Trump futur à la française, dernière option des droites extrêmes pour trouver un appui spectaculaire dans le peuple réduit à l’audimat.
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20.06.2024 à 08:00
lundimatin
Michalis Lianos est chercheur et sociologue. Il a beaucoup travaillé sur le contrôle social et la manière dont la peur et la « sécurité » façonnent nos représentations politiques et sociales, c’est-à-dire le monde. Au fil du mouvement des Gilets jaunes, il a publié dans lundimatin ce que nous considérons être la meilleure analyse sociologique du mouvement en cours, auquel il participait. Mais en 2022, M. Lianos nous transmettait un nouvel article, brillant encore mais un peu déprimant : Le tétralemme révolutionnaire et la tentation autoritaire. Pour le résumer vite et mal, l’écrasement et la répression du mouvement des Gilets jaunes poussaient à un repli dans les affects communautaires, réactionnaires... fascistes ? Le 9 juin dernier, une fois les résultats de l’élection européenne connues, Michalis Lianos nous a envoyé un SMS laconique : « comme prévu ». En réponse, nous lui avons proposé cet entretien.
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18.06.2024 à 11:00
lundimatin
Où se cache « le pouvoir » ? On a pu dire qu’il résidait entre les mains de quelques grands hommes, puis convenir qu’il se diffusait à travers l’économie, on l’a vu traverser les corps et prendre la forme de dispositifs de contrôle, a aussi dit qu’il était désormais dans les infrastructures et qu’il prenait une forme cybernétique. Nelo Magalhães est allé le dénicher dans sa forme la plus homogène et solide, dans la manière dont il a recouvert la planète, imposé ses lignes et constitué l’essentiel de notre environnement humain, trop humain : le béton. Son livre, Accumuler du béton, tracer des routes - Une histoire environnementale des grandes infrastructures (La Fabrique) s’ouvre sur une drôle d’histoire, extraite d’un livre passé inaperçu, la bétonite.Le béton est atteint d’un virus qui l’amène à s’effriter, le virus s’étend à chaque centimètre cube du fameux matériaux et c’est la totalité de l’édifice social qui s’effondre et la vie entière qui doit se donner de nouveaux repères.
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18.06.2024 à 11:00
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Dans leur livre L’illusion du bloc bourgeois,Stefano Palombarini et Bruno Amable citent L’Art de la guerre de Machiavel :« Celui-là est rarement vaincu, qui sait mesurer ses forces et celles de l’ennemi. » À partir de cette prise de position « néoréaliste », essayons de mesurer la dynamique et l’histoire des forces de l’ennemi en dissipant les nuages du chaos apparent. Bruno Latour avait pour axiome : il n’y a pas de rapport de force, il n’y a que des rapports de faiblesse. Cela s’applique bien à une situation actuelle, qui dès 2017 était présentée comme une crise : « la France traverse la phase la plus aiguë d’une crise politique ouverte depuis plus de trente ans. Krisis, en grec, signifie « jugement », « décision » ; au risque de prêter à confusion, on pourrait écrire que si la crise dure depuis si longtemps, c’est que la France n’arrive pas à fixer la direction qu’elle veut prendre » Or cette crise semble, désormais, se réduire et se résumer dans la « décision » devenue presque arbitraire du président Macron. Elle semble atteindre une forme paroxystique. Voire extatique. Les stratagèmes électoraux du macronisme, devenus inopérants, font place à ce qu’il reste lorsque la stratégie semble morte : le pur pari – l’action votive – le coup de poker. C’est là, peut-être, la pointe la plus extrême du rapport de faiblesse. Car ce qui est en jeu dans cette dissolution, c’est bien tout le paradoxe d’une victoire par deux fois d’un président dont le soutien est une base sociale minuscule, obligé d’essayer de se rallier non seulement le « bloc bourgeois », ni de droite ni de gauche, mais, à terme, le « bloc identitaire » - seul bloc « populaire » encore compatible avec le libéralisme autoritaire. En bref : il y a, depuis 40 ans, une vaste crise d’hégémonie et de dominance sociale et donc, en conséquence, une multiplication violente des rapports de faiblesse. Où va le bloc bourgeois ? En quoi le 9 juin est le signe de sa fin ou de sa recomposition identitaire ? Nous essayons d’aborder ces questions ce soir avec Stefano Palombarini.
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02.06.2024 à 21:00
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On dit assez facilement que nos révoltes sont archaïques, dépassées, inadaptées au degré actuel de développement du front de modernisation, que se soulever - sur le mode de l'émeute, de l'insurrection - est chose du passé, d'un autre temps, révolu. Ne sommes nous pas primitifs, rustres, barbares lorsqu'on occupe ronds-points, universités, coins de rue ou place de village ? La politique, après tout, c'est tout ce que vous voulez mais pas "l'ensauvagement", la "décivilisation", l'arriération et le retard dans le développement mature de notre perpétuelle enfance. Des Gilets Jaunes aux Croquants et aux Pieds Nus, des émeutes de quartier aux révoltes contre la Gabelle et aux soulèvements frumentaires, des formes de subjectivité politique qui s'affirment dans la révolution iranienne en passant par la commune indienne et russe (le Mir), Frédéric Rambeau opère une critique de la disqualification de "l'archaïsme" en attaquant deux fronts : 1) le vieux marxisme orthodoxe aveugle aux nuances politiques et asynchrones de Marx lui-même ; 2) l'assimilation de l'archaïque à la réaction. Comment se réapproprier l'archaïque, sans suspendre son ambigüité, quelles sont les bonnes raisons de "retourner le stigmate", de voir dans l'archaïsme, non plus une réaction au présent contre la ligne du temps, mais le principe (arkhè) d'un temps autre, d'un "contre-temps", celui de la Commune. C'est en portant son attention non pas à la place d'une émeute par rapport à son avant et son après, soit son sens dans l'ordre linéaire du temps, mais relativement à elle-même, dans son immanence même, que Rambeau nous permet de saisir en quoi l'émeute est porteuse, plus que d'une réaction et d'une résistance, des fermentations de l'idée révolutionnaire. Si Tiqqun pose l'image d'un communisme sans cesse différé par les dispositifs qui en refoulent la présence ; Rambeau active un originaire paradoxal, un principe d'ancienne nouveauté, une substance émeutière toujours contemporaine aux appareils de répression d'État - au point d'en être, selon Foucault, la véritable origine : l'origine de l'État même, c'est la résistance.
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19.05.2024 à 21:00
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Ce lundisoir, on parle du dernier livre de Mark Fisher, Par delà-étrange et familier, dont la traduction vient de paraître aux éditions Sans Soleil. Sans Mark Fisher mais avec lui en esprit, accompagné de Lovecraft, David Lynch, Philipp K. Dick, Vincent Chanson, Guillaume Heuguet, Clémence Agnez et Julian Guazzini, on se demande comment l’imagination peut transformer le réel en y échappant, comment la critique culturelle peut être politique aujourd’hui, et ce qui fait que la science-fiction, le fantastique suscitent un engouement intellectuel ces dernières décennies. C’est aussi l’occasion d’échanger sur les potentialités émancipatrices de la fiction, les pièges et ressources de la nostalgie, le refus de toute clôture dans l’interprétation.
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