01.04.2025 à 11:26
la Rédaction
par Roger Martelli
Marine Le Pen n’a pas été destituée ce 31 mars 2025, puisqu’elle reste députée – contrairement à ce qui se dit parfois, tel Jean-Luc Mélenchon dans un tweet. Mais elle ne sera pas présente au scrutin jugé le plus décisif de la scène publique française, alors que tout tourne depuis quelques années autour de la possibilité de son accession à la plus haute fonction de l’État.
Une loi n’est pas bonne par cela seul qu’elle est votée. Celle qui écarte la figure de proue du Rassemblement national est une adaptation de la loi européenne. On peut certes se demander s’il n’était pas risqué d’imposer de façon mécanique un principe d’inéligibilité immédiate qui contredit l’idée que, tant qu’un individu n’est pas définitivement jugé coupable, il est présumé innocent. Le Parlement français aurait pu, s’il l’avait voulu, s’écarter de la norme édictée à Bruxelles et à Strasbourg. Mais une large majorité a voté le texte et il a donc force de loi, valable pour tout individu quel qu’il soit.
Il est étonnant d’entendre, de l’extrême droite de l’arc politique jusqu’à sa gauche, des propos expliquant que la décision des juges n’est pas démocratique. La production de la loi est certes une affaire de démocratie et il serait d’ailleurs bon qu’elle soit plus encore l’objet de délibération et d’appropriation citoyennes. Un juge peut se poser la question de savoir comment il met en œuvre la loi avec justice, mais il n’a pas, au moment où il siège, à juger du caractère démocratique ou non de la loi elle-même. Il ne juge pas au nom de la démocratie en général, mais au nom de la loi et donc au nom du peuple souverain qui a décidé de la loi, directement ou indirectement. Le RN s’est moqué ouvertement de la loi en s’appropriant des biens publics : il est donc normal que ses responsables soient sanctionnés, au nom de la loi, au nom du peuple français.
Ce n’est pas au juge de décider de la loi. En sens inverse, ni le gouvernement ni le législateur ni l’opinion publique n’ont à dicter au juge la manière de se prononcer. C’est le propre des régimes autoritaires d’user de l’argument que leur élection par le peuple les légitime à dire la loi. À ce titre, ils pourraient décider de qui respecte la loi et qui l’enfreint, qui il convient de punir et quand il ne le faut pas. C’est trop souvent au nom du peuple qu’ont pu être commises et légitimées les pires infamies.
La démocratie souffre de trois tentations dont on ferait mieux de se garder : penser que la souveraineté populaire est au-dessus du respect des droits universels et fondamentaux de la personne ; considérer que la justice est entièrement soumise à la volonté du peuple souverain ; estimer enfin que le recours permanent à la justice est une façon comme une autre de régler les différends politiques.
Ce 1er avril, à Montreuil (93), le député de la Somme lance quelque chose. Un « coup », comme il les aime. « Notre France ! » pour slogan – qui n’est pas sans faire écho à la « nouvelle France » mélenchonienne – et un clip pour l’annoncer. Sans doute développera-t-il à la tribune ce soir ce qu’il esquisse dans sa production-maison… On y voit d’abord, au travers de la petite lorgnette d’un écran de télévision, les Musk, Milei, Trump, Le Pen (et son éternel meilleur ennemi Bernard Arnault). On y voit nos dirigeants se vautrer dans le populisme, promouvoir le capitalisme outrancier et la guerre, stigmatiser les musulmanes… Puis ce message : « Le match est lancé… Et nous pouvons l’emporter ». François Ruffin appelle a « retrouver nos couleurs » – et la première qui s’affiche est celle du fluo d’un gilet jaune. Les images s’enchaînent, des manifestations contre la réforme des retraites à la « victoire » du Nouveau Front populaire aux législatives anticipées de 2024. « C’est le moment des grands bouleversements. Nous avons le choix : les saisir, ou les subir. » Le timing, au lendemain de la condamnation de Marine Le Pen à l’inéligibilité, n’est certainement pas un heureux hasard. Voilà un moment qui ressemble à un lancement de campagne… présidentielle ?
L.L.C.
« Ma prison va craquer », un documentaire diffusé lors de l’émission « Envoyé spécial » du 27 mars. Les journalistes n’ont pu pénétrer dans ce huis-clos qu’à la condition de suivre la députée communiste Elsa Faucillon. Du centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy en région parisienne à la prison d’Oermingen en Alsace, itinéraire d’une France carcérale surpeuplée. Ici, le durcissement de la parole politique prend corps, vient saper des années de travail pour la réinsertion future des détenus. « Promettre aux citoyens qu’ils vont être en sécurité avec des conditions d’incarcération comme celles de la France, c’est un mensonge », assène la parlementaire.
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01.04.2025 à 10:09
Loïc Le Clerc
Sous le choc, quelques minutes après l’annonce de la condamnation de Marine Le Pen, nous avons rencontré Jordan Bardella dans son bureau, au parti. Un entretien poignant et une séquence-émotion d’une rare intensité.
Regards. Hier, lundi 31 mai, Marine Le Pen a été condamnée. Elle est désormais inéligible pour cinq ans. Donc, 2027, la présidentielle, c’est finito pipo comme disent les jeunes. Et vous, Jordan, ça baigne ?
Jordan Bardella. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement Marine Le Pen qui est injustement condamnée : c’est la démocratie française qui est exécutée.
Non mais, ça, c’est votre tweet d’hier…
Ah oui, vous avez raison. [Il sort une fiche de sa poche où il est écrit « éléments de langage, 1er avril 2025 ».] Hier, ce n’est pas seulement Marine Le Pen qui a été injustement condamnée : c’est la démocratie française qui fut exécutée.
Merci Jordan, c’est important, la concordance des temps. J’aimerais revenir sur votre déclaration, il y a quelques mois à peine : « Ne pas avoir de condamnation à son casier judiciaire est la règle numéro 1 lorsqu’on souhaite être parlementaire de la République. Cela vaut pour tout le monde. » Ça dit quoi maintenant ?
Tout le monde n’est pas Marine Le Pen, enfin !
Okay… Le RN, que vous présidez…
Oui, c’est moi le président. [Rires puérils]
… oui… le RN, donc, a récemment supprimé de son site internet une partie du programme 2022 de Marine Le Pen. Tout le livret « Défense » a disparu. On pouvait y lire des choses comme « La Russie, c’est super, l’Allemagne, c’est caca ». Un commentaire ?
Non mais, ça, c’est dans le programme de Marine. Je ne suis pas Marine, comme vous pouvez le constater. [Il regarde par la fenêtre. Le vent fait bruisser les feuilles des arbres.] J’ajoute que Marine n’est pas moi, non plus. Je sais, c’est un peu technique mais c’est sincère.
Très bien. Prenons donc votre programme alors, celui des législatives 2024 intitulé « Bardella premier ministre ». Une des mesures proposait de « mettre en place, en plus des peines planchers, la limitation de la possibilité des aménagements et réductions de peine ». Rappelons que Marine Le Pen vient d’être condamnée à 4 ans de prison, dont deux ans ferme, aménageables avec un bracelet électronique…
Je vois pas le rapport. [Il regarde à nouveau sa fiche « éléments de langage.] Ce n’est pas seulement Marine Le Pen qui a été injustement condamnée…
Oui, oui, oui, on a compris, Jordan. Une dernière question si vous le permettez…
En tant que président du Rassemblement national, je le permets.
Ce week-end, sur BFMTV, Marine Le Pen a, et c’est une première, affirmé que vous aviez « la capacité d’être président de la République ». Plutôt cool, non ?
[Il bombe le torse, un torse si musclé qu’un des boutons de sa chemise craque et laisse entrevoir une peau imberbe.] Oh, vous savez… La France c’est un pays à prendre, c’est comme une femme, au fond, et il faut vraiment en avoir envie, et il faut lui montrer tous les jours, et il faut avoir ce projet-là depuis sa naissance.
Vous citez François Fillon ou je rêve ?
Ah pardon. Mauvaise fiche.
[Marine Le Pen entre en trombe dans les locaux du RN. Jordan Bardella met fin à l’entretien. S’en suivent des cris et des larmes. Terrible.]
01.04.2025 à 09:32
Loïc Le Clerc
En 50 jours, le 47ème président américain aura marqué l’histoire par la violence de son action. Un démantèlement accéléré de l’État de droit. La digue tiendra-t-elle plus longtemps ?
***
Ceci est une liste non-exhaustive des abus de l’administration Trump.
Nous mettrons cet article à jour à chaque fois que nécéssaire.
N’hésitez pas à nous écrire pour nous en signaler d’autres : redaction@regards.fr
***
Une de ses premières décisions a été de gracier les assaillants du capitole – le coup d’État manqué de 2021. On parle de 1250 « otages », comme les appelle Donald Trump. Quatre ans plus tard, le président évoque désormais une « révolution du bon sens ». Mardi 4 mars, devant le congrès américain, Donald Trump jubile. « America is back », lance-t-il avant d’énumérer les centaines de décrets et de mesures déjà pris, « un record destiné à restaurer le bon sens, la sûreté, l’optimisme et la richesse ». Et c’est vrai, il s’agit bien d’une révolution en cours, qui outrepasse les prérogatives présidentielles et même le droit.
Donald Trump « ne blague pas » et commence déjà à semer l’idée qu’il pourrait briguer un troisième mandat en contournant la constitution. N’avait-il pas dit à ses électeurs que le vote de 2024 pourrait être leur dernier ? Le coup d’État, c’est maintenant.
Donald Trump transforme tout ce qu’il touche en plomb. Son ambition est de détruire l’État américain pour ériger une nouvelle société. Des États-Unis « fascistes », où l’argent fait la loi. Y aura-t-il un héritage au trumpisme ? Ou ne restera-t-il que la désolation ? Avant d’avoir à répondre à ces questions, la société américaine doit résister. Le peut-elle seulement ?
31.03.2025 à 16:43
Bernard Marx
Le « conclave » sur les retraites de François Bayrou fait vraiment office de couteau suisse. Mais même après le départ de FO et de la CGT, le banquet continue. Notre chroniqueur éco Bernard Marx suit le dossier pour vous.
Annoncé « sans totem ni tabou » par le premier ministre, le « conclave » lui a d’abord servi à éviter le vote socialiste de la censure. Le rétablissement du tabou sur la question centrale du retour au 62 ans a entraîné, après le départ anticipé de FO, celui de la CGT – et de l’Union patronale des artisans (U2P). Mais la partie de bonneteau continue avec la participation active de la CFDT et du Medef.
Avec leurs collègues conclavistes maintenus, ils ont redéfini les sujets à traiter. Exit le dossier de l’âge de la retraite, bienvenue aux priorités de « l’équilibre financier », de l’effort partagé entre les entreprises et les salariés et de l’amélioration des mécanismes de solidarités.
La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, s’est félicitée que le MEDEF « n’est pas parti en courant » quand elle a fait des propositions pour mesurer la pénibilité dans des métiers. Un simple échange de vue a tempéré la négociatrice du syndicat CFE-CGC Christelle Thieffine.
En fait, la priorité donnée à l’équilibre financier et au partage de l’effort entre les entreprises et les salariés a tout pour frayer la voie aux principales revendications du Medef, soutenues activement par des ténors du socle commun du gouvernement : la capitalisation et la TVA sociale, plus la suppression de l’abattement fiscal plafonné de 10% sur les pensions de retraites.
Sur les antennes de France TV, Marylise Léon a peut-être voulu afficher une autre voie : « La question du financement, a-t-elle expliqué, sera largement traitée par l’emploi des séniors. On a un objectif de progresser de 10 points sur l’emploi des séniors pour arriver à la moyenne européenne. C’est 700 000 personnes en emploi et 10 milliards de recettes en plus ».
La secrétaire générale de la CFDT a-t-elle bien conscience de ce qu’elle a affirmé ?
Les 300 000 personnes maintenues en emploi vont diminuer les dépenses de retraites. Mais vont-ils permettre d’augmenter significativement la croissance, les rentrées fiscales et les recettes des régimes de retraites. Ce n’est pas du tout évident. Ce n’est pas parce qu’on augmente l’emploi des séniors qu’on augmente d’autant l’emploi total et les rentrées de cotisations retraites. L’Insee vient de publier sa photographie de l’emploi pour 2024 : le taux d’emploi des séniors augmente. Mais l’emploi des jeunes se replie. Et la part des personnes en emploi à temps partiel qui avait baissé pendant cinq ans a recommencé d’augmenter. Les courbes ci-dessous montrent clairement que la hausse du taux d’emploi des 50-64 ans depuis 2010 n’a pas empêché une quasi-stagnation du taux d’emploi total.
Comme l’écrit Michael Zemmour avec beaucoup de modération : « Si l’on regarde froidement les choses, il n’est pas certain que la hausse du taux d’emploi des seniors soit une source d’enrichissement si importante pour le pays, ni qu’il faille s’y accrocher quel qu’en soit le prix politique et social ».
Ce n’est effectivement pas ainsi que la France sortira de son enlisement économique, social et politique.
31.03.2025 à 13:44
Catherine Tricot
Marine Le Pen a été condamnée à l’inéligibilité et ne sera pas candidate à la présidentielle. C’est un coup de tonnerre.
Marine Le Pen a donc été condamnée à 4 ans de prison, dont deux ans ferme, aménageables avec un bracelet électronique, 100 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité de 5 ans assortie d’une exécution immédiate. En clair, Marine Le Pen se voit dans l’incapacité de se présenter à la prochaine élection présidentielle.
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C’est donc un jugement sans « laxisme » : les prévenus du procès en détournement de fonds européens ont tous été déclarés coupables, la plupart avec des peines de prison ferme. Les juges ont appliqué la loi votée par les députés en 2016, lesquels ont rendu obligatoire – et non automatique – la peine d’inéligibilité et l’exécution immédiate en cas de détournement de fonds.
Sitôt le verdict tombé, le leader Hongrois Viktor Orban tweete « Je suis Marine », le Kremlin déplore « une violation des normes démocratiques ». Dans le monde entier, l’ultra-droite marque son soutien au RN. Le jugement a un écho national et international.
Avant même le prononcé des peines, Marine Le Pen avait rejoint le siège du parti et son président Jordan Bardella. Les dirigeants du RN vont contester ce jugement, le déclarant partisan. Ils alimenteront la campagne planétaire contre la justice, son autonomie et sa fonction de garant du droit et des institutions.
La droite divisée, la crédibilité de Bardella incertaine, le niveau à atteindre pour accéder au second tour s’abaisse et la perspective de victoire paraît moins bouchée. Jean-Luc Mélenchon en tirera argument. Raphaël Glucksmann aussi.
Ce jugement est un tremblement de terre pour le RN, mais il l’est pour tout l’espace politique. Il est un peu l’équivalent de l’affaire Strauss-Kahn qui redistribua les cartes pour 2012.
Le RN va bien sûr mettre en selle un candidat. Il y a fort à parier que ce sera Jordan Bardella. Mais son très jeune âge (29 ans) et son positionnement à la croisée du RN, de Reconquête et des LR modifient la donne. Bardella a peu convaincu lors des législatives, pas plus qu’il ne s’impose parmi les cadres du RN. Il n’occupe pas exactement le même espace politique que Marine Le Pen. Mis en place pour rallier la bourgeoisie réactionnaire et les électeurs âgés, il devait bloquer Marion Maréchal. Le voilà en première ligne : les équilibres sont modifiés. La force de Marine Le Pen était du côté des catégories populaires, les plus nombreuses. Avec un tout autre profil, Bardella ne part pas avec les mêmes chances de victoire. Malgré une cote de popularité équivalente à celle de Marine Le Pen, son élection est loin d’être aussi crédible.
Bien des prétendants à l’Élysée vont se sentir rassérénés. Chassant sur les mêmes terres, Retailleau et Zemmour vont disputer la place au jeune homme au nom de l’expérience. Sur cette base, l’alliance du « bloc central » va en prendre un coup. La lutte entre Philippe et Retailleau prend corps.
À gauche, ceux qui ne veulent pas d’une candidature de rassemblement vont y trouver arguments. La droite divisée, la crédibilité de Bardella incertaine, le niveau à atteindre pour accéder au second tour s’abaisse et la perspective de victoire paraît moins bouchée. Jean-Luc Mélenchon en tirera argument. Raphaël Glucksmann aussi. Les forces d’entropie à gauche vont pouvoir se libérer. Audacieux et dangereux calculs : Marine Le Pen sort du jeu alors que l’extrême droite est en ascension, en Amérique comme partout en Europe. En France, ils sont nombreux à pouvoir et vouloir reprendre ces idées, au-delà du RN.
31.03.2025 à 13:35
la Rédaction
par Catherine Tricot
Marine Le Pen a donc été condamnée à 4 ans de prison, dont deux ans ferme, aménageables avec un bracelet électronique, 100 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité de 5 ans assortie d’une exécution immédiate. En clair, Marine Le Pen se voit dans l’incapacité de se présenter à la prochaine élection présidentielle.
C’est donc un jugement sans « laxisme » : les prévenus du procès en détournement de fonds européens ont tous été déclarés coupables, la plupart avec des peines de prison ferme. Les juges ont appliqué la loi votée par les députés en 2016, lesquels ont rendu obligatoire – et non automatique – la peine d’inéligibilité et l’exécution immédiate en cas de détournement de fonds.
Sitôt le verdict tombé, le leader Hongrois Viktor Orban tweete « Je suis Marine », le Kremlin déplore « une violation des normes démocratiques ». Dans le monde entier, l’ultra-droite marque son soutien au RN. Le jugement a un écho national et international.
Avant même le prononcé des peines, Marine Le Pen avait rejoint le siège du parti et son président Jordan Bardella. Les dirigeants du RN vont contester ce jugement, le déclarant partisan. Ils alimenteront la campagne planétaire contre la justice, son autonomie et sa fonction de garant du droit et des institutions.
Ce jugement est un tremblement de terre pour le RN, mais il l’est pour tout l’espace politique. Il est un peu l’équivalent de l’affaire Strauss-Kahn qui redistribua les cartes pour 2012.
Le RN va bien sûr mettre en selle un candidat. Il y a fort à parier que ce sera Jordan Bardella. Mais son très jeune âge (29 ans) et son positionnement à la croisée du RN, de Reconquête et des LR modifient la donne. Bardella a peu convaincu lors des législatives, pas plus qu’il ne s’impose parmi les cadres du RN. Il n’occupe pas exactement le même espace politique que Marine Le Pen. Mis en place pour rallier la bourgeoisie réactionnaire et les électeurs âgés, il devait bloquer Marion Maréchal. Le voilà en première ligne : les équilibres sont modifiés. La force de Marine Le Pen était du côté des catégories populaires, les plus nombreuses. Avec un tout autre profil, Bardella ne part pas avec les mêmes chances de victoire. Malgré une cote de popularité équivalente à celle de Marine Le Pen, son élection est loin d’être aussi crédible.
Bien des prétendants à l’Élysée vont se sentir rassérénés. Chassant sur les mêmes terres, Retailleau et Zemmour vont disputer la place au jeune homme au nom de l’expérience. Sur cette base, l’alliance du « bloc central » va en prendre un coup. La lutte entre Philippe et Retailleau prend corps.
À gauche, ceux qui ne veulent pas d’une candidature de rassemblement vont y trouver arguments. La droite divisée, la crédibilité de Bardella incertaine, le niveau à atteindre pour accéder au second tour s’abaisse et la perspective de victoire paraît moins bouchée. Jean-Luc Mélenchon en tirera argument. Raphaël Glucksmann aussi. Les forces d’entropie à gauche vont pouvoir se libérer. Audacieux et dangereux calculs : Marine Le Pen sort du jeu alors que l’extrême droite est en ascension, en Amérique comme partout en Europe. En France, ils sont nombreux à pouvoir et vouloir reprendre ces idées, au-delà du RN.
Ce mardi, la proposition de loi de holding chapeautant France Télévision et Radio France revient à l’Assemblée nationale. L’occasion pour l’ensemble des syndicats des deux groupes de faire grève pour affirmer leur opposition au projet. La ministre de la culture/maire du 7ème arrondissement de Paris Rachida Dati l’a réaffirmé dans une interview au Parisien : elle veut aller jusqu’au bout de sa réforme et ne veut rien céder sur le sujet. Problème : personne n’y croit vraiment. La gauche est vent-debout, les ex-ministres de la culture, de gauche comme de droite, aussi, les centristes voient bien que ça va être compliqué et le RN veut privatiser le tout donc risque de s’abstenir. Bref, ça sent le sapin pour cette réforme qui, de toutes les façons, est dénuée de sens autre que celui de faire des économies.
P.P.-V.
« Le concept le plus pervers de l’extrême droite… et ses idiots utiles », de Clément Viktorovitch. L’expert ès rhétorique décortique le concept de « racisme anti-blancs », qu’il distingue des agressions racistes qui peuvent exister contre des Blancs sans faire système. Il montre l’enjeu de ce concept porté par l’extrême droite et repris par la droite – et par Fabien Roussel. Bien argumenté.
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