08.04.2025 à 15:28
Loïc Le Clerc
L’Ukraine, les droits de douane de Trump, Gaza ? Et si le véritable péril, c’était une broche avec de la viande autour ?
« La bataille du gouffre de Helm est terminée, la bataille de la terre du Milieu est sur le point de commencer. »
Le Seigneur des anneaux
Alors que la guerre menace de partout et sous diverses formes (militaire depuis Moscou, commerciale depuis Washington), un maire se lève et prend les armes, les vraies. Le 7 avril, sur l’antenne de RMC, Lionel Ollivier, premier citoyen de Clermont (Oise), socialiste de la première heure, a lancé un appel qui n’est pas sans rappeler un certain général…
« J’ai cinq barber shops pour 10 000 habitants. J’ai à peu près cinq kebabs également. Et, effectivement, j’ai pas la main puisque ce sont les propriétaires des murs qui choisissent les commerces en question. Et, à un moment donné, bon, bah, il faut avoir des commerces divers et variés. Il n’y a pas simplement à avoir que des kebabs ou des barber shops. À un moment donné, je ne suis pas sûr qu’il y ait une viabilité au niveau économique. Ça m’arrive de me promener dans la ville et je ne peux pas dire qu’il y ait énormément de clients. »
On sent déjà l’air du Chant des partisans partir du fond des campagnes, tel un murmure porté par le vent de la résistance… Le journaliste de RMC, véritable Camille Desmoulins des temps modernes, interroge la pertinence d’une telle information : « C’est le même constat un peu partout en France et certains de ces commerces, c’est uniquement pour blanchir de l’argent. »
Que fait la police ? Le fisc ? Élise Lucet ?
Lionel Ollivier, lui, ne « s’avance pas sur ce terrain-là », préférant « rester positif et lutter contre la fatalité. Qu’il y ait du trafic de drogues sur la commune, bon, je ne suis pas non plus un Bisounours, ça doit très certainement exister, il n’y a pas de souci. Mais moi, ce qui m’intéresse, c’est de maintenir à tout prix des commençants locaux, commerces de qualité. »
« Il n’y a pas de souci » avec le trafic de drogues… Passons. Et admirons plutôt cette opposition majestueuse entre « kebabs et barber shops » et « commerçants locaux, de qualité »… Que s’appelerio du racisme ?
« Étonnamment », le maire de Clermont ne parle pas du McDonald’s ni des nombreuses pizzerias (plus que cinq…) qui parsèment sa bourgade – quid des restaurants asiatiques ? Le grand remplacement n’est pas américain ou italien, il est arabo-musulman. Et il se déroule dans le silence assourdissant des médias et des pouvoirs publics !
Sauf RMC qui en remet une couche en donnant la parole à une experte : Éléonore Lemaire, chanteuse lyrique et prof d’aïkido. Elle réagit et, éloignez les enfants, c’est très très puissant : « Comment c’est possible en amont qu’ils s’installent autant ? » [La suite de sa réaction a été coupée par la parole bien plus intéressante de deux mâles blancs, ndlr]
Heureusement, le Charles Martel de l’Oise veille au grain. On l’attend en 2026 pour libérer Paris et ses 467 kebabs !
08.04.2025 à 14:51
Melaine Fanouillère
Et c’est parti pour la saison 5 du podcast L’Actu des Oublié.e.s, notre rendez-vous en terre de luttes !
Les oublié.es. Les invisibles, les précaires pris.es dans l’œil du cyclone capitaliste. Les peuples dont l’existence est menacée, celles et ceux qui lèvent le poing dans l’ombre, oublié.es des caméras et des micros. Leur résistance quotidienne, leur soulèvement spontané, leurs expériences sociales soufflent un espoir déterminé, sèment les graines des pratiques futures, s’érigent avec courage en rempart contre l’obscurantisme. Quand un peuple ou une portion du peuple retrouve sa liberté de parole, conquiert des espaces où se réunir et expérimente l’auto-organisation, la transformation sociale commence.
L’instant révolutionnaire où l’expérience sociale font dire à des millions de personnes « Nous ne reviendrons pas à la normalité ». Voilà ce que raconte l’Actu des Oublié.e.s, pour tendre et finalement soulever un espoir internationaliste face à la violence néo-libérale pour prendre soin de nous, des terres et de la diversité du vivant.
Depuis au moins trois ans, la Géorgie vit révolte sur révolte. Plusieurs causes sont à la racine de la colère, mais la cible est la même : le parti politique au pouvoir, Rêve Géorgien, qui entretient un régime corrompu, homophobe et de plus en plus soumis aux exigences de Vladimir Poutine. Cet hiver, les manifestations devant le parlement ont repris, de la capitale Tbilissi jusqu’au provinces les moins attendues.
Pour commencer 2025, deux épisodes sont consacrés à la Corée du Sud et au mouvement massif pour la destitution de l’actuel président Yoon Suk-Yeol, incarnation de l’extrême droite néo-libérale, anti-féministe revendiqué et lié aux cercles évangélistes et complotistes. Le 3 décembre, celui-ci déclarait la loi martiale, l’interdiction de toute activité politique et la paralysie du parlement ; mais la société civile dans toutes ses composantes réagit spontanément pour l’empêcher d’agir. Un mois plus tard, la bataille politique fait rage pour obtenir sa destitution définitive et son arrestation.
Pour commencer 2025, deux épisodes sont consacrés à la Corée du Sud et au mouvement massif pour la destitution de l’actuel président Yoon Suk-Yeol, incarnation de l’extrême droite néo-libérale, anti-féministe revendiqué et lié aux cercles évangélistes et complotistes. Le 3 décembre, celui-ci déclarait la loi martiale, l’interdiction de toute activité politique et la paralysie du parlement ; mais la société civile dans toutes ses composantes réagit spontanément pour l’empêcher d’agir. Un mois plus tard, la bataille politique fait rage pour obtenir sa destitution définitive et son arrestation.
À l’occasion de la journée mondiale pour l’élimination des violences faites aux femmes et aux minorités de genre, nous partons en Inde où la colère s’est répandu dans le pays en août dernier à la suite d’un viol et meurtre à l’hôpital de Kolkata. Les femmes indiennes sont alors sorties dans les rues pour reconquérir la nuit et les espaces dans lesquelles elles sont exclues, humiliées, violentées.
L’Indonésie a connu en août dernier une semaine d’insurrection pour dénoncer l’oligarchie qui s’installe au pouvoir. La spontanéité du mouvement, sa force et sa victoire rapide, mais aussi la répression à laquelle il a fait face, témoigne de la puissance actuel du mouvement anti-autoritaire dans le pays-archipel.
Cinq mois après l’insurrection du 13 mai, alors que le couvre-feu est toujours en vigueur à Nouméa, retour sur le déroulé du mouvement contre le dégel électoral en Kanaky/Nouvelle Calédonie et la répression coloniale imposée par l’État français.
Cette semaine, nous retournons sur le continent africain où les répliques du séisme provoqué par la jeunesse kényane continuent de se propager. Le Kenya a connu une vague contestataire inédite, en partie victorieuse puisqu’elle s’est soldée par l’abandon de la loi de finances 2024 et l’annulation de celle de 2023… Davantage encore que les victoires, l’énergie débordante et décomplexée de la jeunesse, malgré les tirs à balles réelles ainsi que l’absence de leader et de récupération politique, ont marqué et transformé le rapport à l’engagement politique.
Cet élan ne s’est pas arrêté au Kenya. Alors même que les manifestations se poursuivait à Nairobi, la contestation s’est élargit aux pays voisins, peuplés eux aussi d’une jeunesse de plus en plus nombreuse, laissée pour compte et désabusée par l’impasse que constitue l’économie globale mondialisée.
Des mains s’agglutinent contre les petites grilles des fourgons policiers à la peinture bleue défraichie. Les images d’un pays en proie au chaos font le tour du monde, la violence d’état n’a plus de limite et les arrestations arbitraires se multiplient. Difficile de distinguer ce qui, du régime en place, tient encore ou s’apprête à céder.
Lorsque le président Ruto présente la loi de finances 2024 au Parlement, en juin dernier, la jeunesse kényane déferle dans les rues. Cette protestation inédite, sans leader, joyeuse et déterminée, résiliente et multiforme, symbolise tout autant le rejet des politiques néo-libérales que l’étincelle d’une jeunesse qui cherche à impulser une nouvelle dynamique de lutte au Kenya et au-delà.
08.04.2025 à 11:37
Roger Martelli
L’extrême droite réfléchit à une stratégie gagnante pour 2027. La gauche doit aussi arbitrer.
Au fil des années, Marine Le Pen est devenue une pièce maîtresse de la dynamique d’extrême droite. Elle n’en est pas la seule productrice. De fait, alors même que sa culpabilité est largement admise, cela ne provoque pas un reflux du vote en faveur de l’extrême droite. La force d’une inflexion vers la droite est européenne : elle ne renvoie pas à l’habileté d’on ne sait quel démiurge.
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Mais la probable inéligibilité de la locomotive Le Pen place le Rassemblement national devant un dilemme. Il lui faut souder ses rangs et s’assurer que le noyau des électeurs n’est pas déstabilisé. C’est le but du discours victimaire, du refus d’accepter le moindre chef d’accusation et du recours à la mobilisation militante.
Toutefois, cette mobilisation ne suffit pas à faire une majorité, a fortiori si elle contredit les efforts antérieurs : celui de la « dédiabolisation » (et donc le lissage des aspérités du discours fondateur) ; celui de la dénégation du qualificatif d’extrême droite accolée au frontisme depuis ses origines. On ne devient pas majoritaire sans la force propulsive d’un noyau politique solide, mais on n’atteint pas la majorité si l’on est cantonné aux extrêmes.
On ne met pas en mouvement un électorat sans mobiliser un noyau. Mais on ne fait pas gagner la gauche si on laisse s’incruster l’idée qu’une gauche bien à gauche se réduit à ce qu’on appelle bien vite « l’extrême gauche ».
L’exemple américain pourrait certes légitimer l’idée que la radicalité agressive n’est pas incompatible avec la conquête d’une majorité. Et nul ne peut ignorer la profondeur des ressentiments populaires dont se nourrissent partout les crispations, les repliements et les régressions sociales et démocratiques. Mais les États-Unis ne sont pas la France, où Trump n’a pas la cote et où la trace populaire révolutionnaire n’a pas définitivement capitulé. Marine Le Pen elle-même n’a d’ailleurs pas oublié la mésaventure de son débat d’entre-deux-tours avec Emmanuel Macron en 2017 quand, en confondant radicalité et agressivité, elle avait en fait affaibli son projet et précipité sa large défaite.
Qui, en dehors d’elle, peut rassembler les siens sans rebuter les nécessaires ralliements de second tour ? Au premier tour, faut-il maintenir la diversité des candidatures (Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan) qui mobilise toute la palette de l’extrême droite politique ? Ou faut-il au contraire les rassembler dès le premier tour (modèle RN-« ciottistes » des législatives de 2024) ? Manifestement, l’état-major du RN se laisse un peu de temps pour trancher.
La gauche pourrait réfléchir à un dilemme voisin. Elle a en effet deux problèmes à résoudre conjointement. Comment sortir des basses eaux – sous les 30% – qui restent imperturbablement les siennes depuis 2017 ? Et, pour y parvenir, quelle est la configuration à gauche la plus attractive possible ? Sur le papier, la réponse est simple. On ne met pas en mouvement un électorat sans mobiliser un noyau. Il n’y a donc pas de dynamique large à attendre d’un projet qui ne serait pas franchement à gauche et qui, comme ce fut le cas avant 2017, s’accommoderait de l’abandon de ses grands marqueurs. Mais on ne fait pas gagner la gauche si on laisse s’incruster l’idée qu’une gauche bien à gauche se réduit à ce qu’on appelle bien vite « l’extrême gauche ». Un clou ne chasse pas l’autre…
08.04.2025 à 11:34
la Rédaction
par Roger Martelli
Au fil des années, Marine Le Pen est devenue une pièce maîtresse de la dynamique d’extrême droite. Elle n’en est pas la seule productrice. De fait, alors même que sa culpabilité est largement admise, cela ne provoque pas un reflux du vote en faveur de l’extrême droite. La force d’une inflexion vers la droite est européenne : elle ne renvoie pas à l’habileté d’on ne sait quel démiurge.
Mais la probable inéligibilité de la locomotive Le Pen place le Rassemblement national devant un dilemme. Il lui faut souder ses rangs et s’assurer que le noyau des électeurs n’est pas déstabilisé. C’est le but du discours victimaire, du refus d’accepter le moindre chef d’accusation et du recours à la mobilisation militante.
Toutefois, cette mobilisation ne suffit pas à faire une majorité, a fortiori si elle contredit les efforts antérieurs : celui de la « dédiabolisation » (et donc le lissage des aspérités du discours fondateur) ; celui de la dénégation du qualificatif d’extrême droite accolée au frontisme depuis ses origines. On ne devient pas majoritaire sans la force propulsive d’un noyau politique solide, mais on n’atteint pas la majorité si l’on est cantonné aux extrêmes.
L’exemple américain pourrait certes légitimer l’idée que la radicalité agressive n’est pas incompatible avec la conquête d’une majorité. Et nul ne peut ignorer la profondeur des ressentiments populaires dont se nourrissent partout les crispations, les repliements et les régressions sociales et démocratiques. Mais les États-Unis ne sont pas la France, où Trump n’a pas la cote et où la trace populaire révolutionnaire n’a pas définitivement capitulé. Marine Le Pen elle-même n’a d’ailleurs pas oublié la mésaventure de son débat d’entre-deux-tours avec Emmanuel Macron en 2017 quand, en confondant radicalité et agressivité, elle avait en fait affaibli son projet et précipité sa large défaite.
Qui, en dehors d’elle, peut rassembler les siens sans rebuter les nécessaires ralliements de second tour ? Au premier tour, faut-il maintenir la diversité des candidatures (Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan) qui mobilise toute la palette de l’extrême droite politique ? Ou faut-il au contraire les rassembler dès le premier tour (modèle RN-« ciottistes » des législatives de 2024) ? Manifestement, l’état-major du RN se laisse un peu de temps pour trancher.
La gauche pourrait réfléchir à un dilemme voisin. Elle a en effet deux problèmes à résoudre conjointement. Comment sortir des basses eaux – sous les 30% – qui restent imperturbablement les siennes depuis 2017 ? Et, pour y parvenir, quelle est la configuration à gauche la plus attractive possible ? Sur le papier, la réponse est simple. On ne met pas en mouvement un électorat sans mobiliser un noyau. Il n’y a donc pas de dynamique large à attendre d’un projet qui ne serait pas franchement à gauche et qui, comme ce fut le cas avant 2017, s’accommoderait de l’abandon de ses grands marqueurs. Mais on ne fait pas gagner la gauche si on laisse s’incruster l’idée qu’une gauche bien à gauche se réduit à ce qu’on appelle bien vite « l’extrême gauche ». Un clou ne chasse pas l’autre…
Dimanche, c’était aussi le Attal Show devant 8000 personnes à la cité du cinéma, à Saint-Denis. On a retenu sa jolie punchline à l’égard de Marine Le Pen : « Tu voles, tu payes ». Mais il n’a pas fait que des bons mots. Gabriel Attal s’est surtout affirmé en leader. Taclant implicitement le premier ministre, Retailleau et Darmanin et, explicitement et à deux reprises, les LR. Visiblement, Attal n’a pas l’intention de chercher une alliance avec ses amis du « socle commun ». Il a voulu reprendre le ton de la campagne de 2017 – « C’est notre projet », a-t-il osé – mais en version encore plus à droite sur l’immigration, sur la justice, sur le social. Attal a une idée : remettre en cause la retraite par répartition au profit d’une retraite par capitalisation car la démographie l’imposerait – à l’heure de la fébrilité boursière, excellent timing ! Il entend lancer un référendum pour baisser les charges sociales sans augmenter ni les impôts ni les charges patronales. Donc baisser les sécurités sociales… Bref, Attal est franchement de droite et en concurrence avec Édouard Philippe et Bruno Retailleau. Qu’ils s’entre-déchirent !
C.T.
« Kiffe ta race sur scène #2 », ce mardi soir à 20h au théâtre du 13e ART (Paris, 13ème). Grace Ly et Rokhaya Diallo remontent sur les planches pour une nouvelle édition live de leur podcast « Kiffe ta race ». Comment être antiraciste de façon efficace en 2025 ? Manger des nouilles asiatiques sans être asiatique, est-ce de l’appropriation culturelle ? Trouver les femmes noires très belles, est-ce du fétichisme ? On pense et on rit avec les deux queens de l’antiracisme ! Pour réserver vos places, suivez le lien !
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07.04.2025 à 14:11
la Rédaction
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