11.02.2021 à 00:00
Josh Dean
Une femme disparaît C’était le 27 janvier 2013. La jeune Elisa Lam, 21 ans, est descendue d’un train en provenance de San Diego dans le centre-ville de Los Angeles, a rassemblé ses affaires et s’est rendue dans un hôtel situé sur Main Street. Comme presque tous les jours au cours de l’hiver à Los Angeles, le temps était ensoleillé et […]
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C’était le 27 janvier 2013. La jeune Elisa Lam, 21 ans, est descendue d’un train en provenance de San Diego dans le centre-ville de Los Angeles, a rassemblé ses affaires et s’est rendue dans un hôtel situé sur Main Street. Comme presque tous les jours au cours de l’hiver à Los Angeles, le temps était ensoleillé et la température avoisinait les 15°C – le genre de temps qui donne envie aux gens de ne plus jamais repartir. Sous ce chaud soleil d’hiver, dont les rayons étirent les ombres et adoucissent le paysage urbain, il est possible de ne pas tout à fait se rendre compte que ce district de 54 pâtés de maisons est l’un des plus troublés de la ville.
Mais même ainsi, Elisa a dû passer tout près des signes évidents de son délabrement : de vieilles tentes plantées sous des auvents, des abris faits de toiles attachées à des lampadaires, et des hommes avachis dormant sur des cartons aplatis. Cette partie du centre-ville, qui abrite une grande partie des toxicomanes et des citoyens les plus défavorisés de la ville, est connue pour être malfamée. La police la considère comme une « zone de confinement » pour les sans-abris. Sur les cartes, la zone est même appelée skid row, un endroit où tout peut déraper. Et Main Street se trouve en plein cœur du quartier.
Les choses évoluent, pas à pas, à mesure que les promoteurs immobiliers inaugurent de nouvelles résidences, des bars à cocktails chics et des menus dégustations facturés plusieurs centaines de dollars. Mais ces aimants à gentrification sont épaule contre épaule avec les camps précaires et les soupes populaires, et les vieilles tours art-déco ainsi que les grands hôtels qui bordent Main Street offrent pour une bonne part des chambres simples, où les autorités locales entassent et délogent à tour de rôle les résidents miséreux. L’hôtel de Lam – dont ses propriétaires disent qu’il s’agit en réalité d’un hôtel-boutique – était un incontournable de Main Street, et il occupe plusieurs étages d’un de ces bâtiments.
Il fut un temps, le Cecil Hotel était un endroit prestigieux garni de 700 chambres réparties sur 14 étages, mais il s’est peu à peu décomposé. Cela, Lam n’en savait probablement rien. Comme beaucoup d’autres voyageurs de passage dans le centre-ville de L.A., elle avait probablement choisi l’endroit d’après de simples photos trouvées en ligne : les chambres paraissent décentes et le hall, pavé de marbre et décoré de cuivre, est même plutôt impressionnant. Elle prévoyait d’y séjourner quatre nuits : elle arriverait le 31 janvier avant d’enchaîner avec ce qu’elle appelait un « tour de la côte ouest ». Ni la taille, ni le standing exécrable de l’hôtel ne semblaient la déranger outre-mesure. Voici ce qu’elle écrivait sur Tumblr : Il fut construit en 1928, d’où le thème art-déco. Donc oui, c’est un endroit classe, mais comme il se trouve à L.A., naturellement, il a mal vieilli. Je suis sûre que c’est ici que Baz Luhrman devrait filmer Gatsby le Magnifique.
Elle avait intitulé ce message : « #youpiiii il fait beau ». Lam était canadienne, et elle avait passé du temps ces trois dernières années comme étudiante à l’université de la Colombie-Britannique à Vancouver, mais à cause de son combat contre la dépression, elle a manqué plus de cours qu’elle n’en a suivi. Ce voyage en Californie devait faire office de pause, c’était un séjour prévu de longue date qu’elle surnommait son « aventure éclair ».
Ses parents, des immigrés originaires de Hong Kong, n’étaient pas vraiment partants, mais Elisa se sentait largement capable de voyager seule. Elle prenait le bus ou le train pour se déplacer, revenait chaque soir de son périple et postait ponctuellement des photos sur Facebook. À San Diego, elle était allée au zoo et dans un ancien bar clandestin, où elle avait perdu le Blackberry qu’elle avait emprunté à une amie. À Los Angeles, elle a assisté au tournage de l’émission de Conan O’Brien et a exploré la ville à pied.
L’après-midi du 31 janvier, Elisa Lam a traversé quelques pâtés de maison pour se rendre dans une librairie, où elle a acheté des livres ainsi que des CD qu’elle comptait offrir à ses proches une fois rentrée chez elle. « Elle était très extravertie, très vive, très aimable », rapportait quelques jours plus tard Katie Orphan, la gérante de la boutique. Lam craignait que ses achats ne soient trop lourds à transporter pendant le reste de son voyage. Ce soir-là, on l’a aperçue dans le hall du Cecil Hotel. Ensuite, Elisa Lam a disparu.
Une semaine plus tard, le 6 février, des inspecteurs de la division homicide du LAPD ont tenu une conférence de presse. Ils demandaient l’aide des citoyens pour éclaircir la mystérieuse disparition d’une touriste canadienne de 21 ans, qui avait été vue pour la dernière fois au Cecil Hotel durant la nuit du 31 janvier. La police a décrit la touriste en question, Elisa Lam, comme une « femme asiatique d’origine chinoise » aux cheveux noirs et aux yeux bruns, mesurant 1 m 52 et pesant 52 kg. Dans un communiqué de presse affichant une photo récente de Lam – souriante, portant des lunettes, ses mains enfoncées dans les poches d’un sweatshirt à capuche en tartan rose et bleu –, le LAPD a déclaré que la disparition de Lam était « suspecte et laissait penser à un crime ».
Le département a invité quiconque qui possèderait un indice à se manifester. Les parents de Lam ont commencé à se faire du souci pour leur fille après qu’elle ne leur a pas donné de nouvelles le 1er février, stoppant leur rituel du coup de fil quotidien. Au moment où le LAPD a annoncé la disparition d’Elisa, sa famille s’était déjà rendue en ville pour quelques jours afin de faire avancer les recherches. « Ce qui est inhabituel, c’est qu’elle téléphonait à ses parents tous les jours », a déclaré le porte-parole de la police. « Les échanges se sont arrêtés net. » Les Lam étaient présents lors la conférence de presse, debouts derrière le lieutenant Walter Teague tandis qu’il informait les reporters. « Il n’y a plus aucune communication », dit-il. « Cela inquiète sa famille et moi-même, aussi poursuivons-nous l’enquête. »
Malgré la conférence de presse, l’affaire n’a pas fait beaucoup de bruit. On lui a prêté plus d’attention au Canada qu’à Los Angeles, où la disparition d’une jeune femme, bien que n’étant pas monnaie courante, n’est pas non plus un fait exceptionnel. Et au vu de l’absence de nouveaux éléments au fil des jours, la couverture médiatique a simplement cessé. Du moins jusqu’au 13 février, quand le LAPD a sollicité une fois de plus l’aide des citoyens. Cette fois, la police a diffusé une vidéo. Ils ne l’ont pas confirmé à l’époque, mais elle avait été enregistrée par la caméra de surveillance de l’ascenseur du Cecil Hotel, au petit matin du 1er février. Il s’agissait du dernier enregistrement dans lequel Elisa Lam apparaissait. Et il était si étrange, si effrayant et si inexplicable que sa diffusion a chamboulé l’affaire du tout au tout. La vidéo dure 3 minutes et 59 secondes. On y voit Elisa Lam – et elle seule – entrant dans l’un des ascenseurs de l’hôtel le 31 janvier, peu après minuit.
La bande débute avec Lam qui entre dans l’ascenseur. Elle est vêtue de façon décontractée : un sweatshirt à capuche rouge, un short noir et des sandales. Elle se penche en avant à l’intérieur de la cabine pour examiner les numéros inscrits sur les boutons. Elle appuie sur l’un d’eux, situé en bas à gauche du panneau, et se redresse brusquement avant de se placer dans le coin droit de l’ascenseur – certainement en attendant qu’il se mette en marche. Il n’y a rien d’inhabituel à cela. C’est ce que font les gens lorsqu’ils entrent dans un ascenseur. De plus, Lam ne portant pas ses lunettes, il est logique qu’elle ait dû s’approcher des numéros pour parvenir à les lire.
Toutefois, quelques secondes s’écoulent sans que la porte ne se referme. C’est là que Lam fait un pas en avant – à 19 secondes – et se penche vers la porte ouverte avec beaucoup de précaution. Elle inspecte le hall, d’abord à droite, puis à gauche, et ce d’une manière qui semble exagérée, comme quelqu’un qui sur-jouerait son rôle dans un film d’amateurs. Puis elle se précipite à nouveau dans l’ascenseur. Quoi qu’elle ait vu ou entendu, cela semble l’avoir effrayée, et Lam se terre dans le coin droit à l’avant de l’ascenseur, où il serait difficile d’être aperçue par qui que ce soit depuis l’extérieur. Elle ne s’y cache pas bien longtemps. À la 40e seconde, elle regarde une fois de plus à l’extérieur, observant cette fois-ci le côté droit du hall, pendant dix secondes. C’est là que son comportement devient très étrange.
Il y a tant d’éléments étranges et dérangeants dans cet enregistrement qu’il est difficile de savoir par où commencer.
Lam sort de l’ascenseur, y retourne, en ressort, fait une série de pas, et disparaît de l’image en sortant de la porte ouverte par la gauche. Son bras droit pend et on l’aperçoit sur l’image à plusieurs reprises : il est donc évident qu’elle se tient debout, à gauche de la porte ouverte de l’ascenseur. Elle y reste jusqu’à 1 : 30, puis pénètre à nouveau dans l’ascenseur, les mains levées, et appuie sur plusieurs boutons – et même sur tous, à première vue, en insistant sur les boutons en bas à gauche, où se situe le bouton servant à fermer les portes. Celles-ci ne se fermant pas, Lam regagne le hall, et à environ deux minutes de visionnage, elle exécute les gestes qui ont le plus perturbé le public.
Lam regarde attentivement sur la droite, le long du hall, et commence à agiter ses mains, comme si elle dirigeait un orchestre ou tentait de dissiper un nuage de fumée dans l’air. Elle agite ses bras, les poignets souples, puis se tord les mains. Quiconque regarderait cette vidéo pour la première fois et sans son supposerait qu’elle est en train de parler à quelqu’un, à la voir ainsi. Mais personne ne se montre. À 2 : 28, elle sort du cadre pour la première fois, fait une série de petits pas presque titubants, puis disparaît dans le couloir. L’ascenseur se ferme enfin et part sans elle. La vidéo continue alors pendant une minute et demie de plus – un simple plan sur un ascenseur vide. Il y a tant d’éléments étranges et dérangeants dans cet enregistrement qu’il est difficile de savoir par où commencer.
Cette vidéo aurait même été perturbante si l’on était tombé dessus par hasard, sans contexte particulier. Elle est tout bonnement glaçante lorsqu’on sait que la personne qui agit d’une façon si bizarre dans un ascenseur qui ne se met pas en marche, a disparu depuis plus d’une semaine d’un hôtel situé dans un quartier peu fréquentable de la ville. À y regarder de plus près, cependant, d’autres indices étranges se manifestent. Premièrement, l’heure a été retirée de l’enregistrement. La vidéo semble également avoir été légèrement accélérée – mais il est impossible de déterminer de combien de temps sans le timecode. Enfin, il semble y avoir une coupure, ce qui laisse à penser qu’il manque un bout d’enregistrement. Bien entendu, ceci est également impossible à prouver. Le LAPD a diffusé la vidéo sans ajouter de commentaire ou d’explication.
Résultat, la vidéo a fait un carton. Elle a fait le buzz aux États-Unis et en Chine, où elle a rassemblé trois millions de vues et plus de 40 000 commentaires dès les dix premiers jours. Il existe à présent des dizaines de versions de la vidéo sur YouTube, dont certaines avec des voix-off et des théories qui viennent s’y ajouter. La version la plus populaire compte presque 12 millions de vues. En quelques heures, des fils de discussion se sont ouverts sur Reddit et Websleuths, deux plateformes de discussion en ligne dont la deuxième est expressément consacrée aux crimes non-élucidés. Des détectives amateurs s’y réunissent pour éplucher les indices et échanger des spéculations parfois raisonnables, mais souvent ridicules. Dans le cas d’Elisa, les premiers commentaires se basaient sur deux conclusions. Soit la jeune Canadienne portée disparue était sous l’influence d’une substance illicite, soit elle flirtait avec quelqu’un qui n’apparaît pas sur l’image. Peut-être même était-ce les deux ? Ces théories ne sont pas particulièrement concluantes, puisqu’on regarde une vidéo sans son.
Mais la façon qu’ont les théories de partir dans toutes les directions devient manifeste dès les dix premiers commentaires sur Reddit, où un utilisateur suggère qu’Elisa semble avoir consommé de « puissantes drogues psychédéliques » et observe que sa prochaine escale était Santa Cruz, une ville qui, dit-il, « est bien connue pour son trafic de drogues ». Partant de là, la conversation en vient à la possibilité (et la plausibilité) de droguer quelqu’un au LSD à son insu par contact de peau. Les gens ont imaginé toutes sortes de choses en visionnant l’enregistrement : qu’Elisa hallucinait, qu’elle traversait un épisode psychotique, qu’elle jouait à cache-cache, qu’elle était menacée à l’arme à feu par quelqu’un qui n’apparaît pas sur la vidéo… Et en suivant le mauvais lien, on tombe facilement sur des théories aberrantes : des esprits malveillants, le diable qui la possède, un agresseur utilisant un dispositif pour se rendre invisible, ou même une expérience du gouvernement pour contrôler l’esprit des gens. Classique.
De nombreux utilisateurs ont remarqué, à 2 : 27, ce qui semble être un troisième pied appartenant à un individu qui n’est pas visible sur l’image. Ce pied est souvent cité lorsqu’on parle d’un mystérieux assassin. Si l’on regarde attentivement, il s’agit certainement de l’ombre du pied de Lam. Mais beaucoup d’internautes la voient comme la preuve qu’il y avait une autre personne dans le hall qui appelait Elisa et cherchait à l’attirer hors de l’ascenseur. C’est à cette personne que Lam parle lorsqu’elle agite ses bras. C’est la seule conclusion possible. Et le propriétaire de ce mystérieux pied, dit-on, a enlevé Elisa, et l’a soit tuée, soit la détient encore quelque part, peut-être même dans l’une des centaines de chambres du Cecil Hotel…
Cinq jours après la diffusion de la vidéo, les clients de l’hôtel se sont plaint auprès des employés que la pression de l’eau était plus basse que d’habitude, et que le peu de liquide qui coulait du robinet leur semblait étrange. Un client a parlé d’un « goût bizarre ». Une autre a affirmé que lorsqu’elle allumait la douche, l’eau qui sortait était noire avant de redevenir claire. Comme beaucoup de bâtiments hauts de l’époque, le Cecil Hotel utilise un système d’approvisionnement en eau par gravité : dans son cas, on trouve quatre réservoirs d’eau de 1 000 gallons (environ 3 800 litres) sur le toit. Et c’est le premier endroit que le réparateur a vérifié lorsqu’il a été envoyé pour trouver la cause du problème de l’eau le matin du 19 février. Le jour suivant, on a entendu dire que le réparateur avait trouvé le cadavre d’une femme dans l’un de ces réservoirs. La presse a immédiatement couché sur papier qu’il pouvait s’agir du corps de Lam, mais le LAPD a refusé de spéculer tant que le légiste n’avait pas fait le travail d’identification.
Et deux jours plus tard, le 21 février, la police a confirmé que le corps était bien celui de Lam. Elle avait été retrouvée dans le fond d’un réservoir rempli d’eau aux trois-quarts, nue, ses vêtements gisant à proximité. Ces derniers – un short (modèle homme, taille M), un t-shirt, des sous-vêtements noirs, des sandales et un sweat à capuche rouge de chez American Apparel – correspondaient exactement à ceux qu’Elisa portait sur la vidéo. La trappe au sommet du réservoir étant trop petite pour que les secouristes y entrent, ils ont utilisé des outils électriques pour découper le bas et accéder au corps. L’opération a duré plusieurs heures. « C’est elle », a annoncé l’agent Diana Figueroa aux journalistes.« Ils l’ont confirmé grâce aux signes distinctifs sur son corps. »
La police a confié à la presse qu’elle envisageait un possible homicide. Le corps de Lam ne présentait aucun signe évident de traumatisme externe, a rapporté un autre porte-parole, qui a ajouté que les inspecteurs soupçonnaient que le corps flottait dans le réservoir depuis le début, plutôt que d’avoir été jeté là récemment. La découverte de Lam dans le réservoir a été une bien sinistre résolution de ce mystère qui a duré trois semaines. Mais au lieu de mettre un terme aux spéculations, les circonstances n’ont fait que les amplifier. Il n’y avait pas de caméras de surveillance sur le toit, et bien que la porte donnant sur le toit n’était pas fermée à clé, le personnel de l’hôtel a assuré qu’elle était dotée d’un système d’alarme.
S’il s’agissait bien d’un meurtre, quelqu’un aurait dû trafiquer cette alarme, grimper en haut d’une échelle de trois mètres à côté du réservoir tout en transportant un corps, ouvrir la trappe et le lâcher dedans sans que personne ne voie quoi que ce soit. Et si ce n’était pas meurtre, alors Lam avait dû faire tout cela seule, c’est-à-dire se rendre sur le toit au beau milieu de la nuit pour escalader un réservoir qu’elle voyait certainement pour la première fois, ouvrir la trappe et, soit y plonger, soit y tomber. Aucune des deux solutions ne paraît sensée.
Le fin mot de l’histoire dépend en grande partie de la façon qu’a chacun de voir le monde. Pour une personne logique ne jurant que par les faits et la raison, l’histoire est toute tracée et rejoint l’hypothèse du LAPD. Pour un esprit fantasque, autrement dit quelqu’un de doté d’une imagination débordante et qui accepte l’existence d’une réalité parallèle ou bien la véracité des théories du complot, l’histoire sera toute autre. C’est parti pour une virée dans les affres du bizarre. Ce qui est évident, c’est que le contexte et les coïncidences ont influencé la manière dont les gens perçoivent l’affaire Elisa Lam. Si une jeune Canadienne avait disparu avant d’être retrouvée morte, disons, dans un hôtel Ibis, l’histoire aurait certes été notable, mais elle n’aurait pas fait long feu. Si la vidéo inexplicablement dérangeante dans l’ascenseur a mis le feu aux poudres, le fait que sa mort soit survenue au Cecil Hotel a largement contribué à rendre l’événement diablement étrange.
Depuis les jours qui ont suivi la disparition de Lam, le Cecil Hotel a été un protagoniste au premier plan de cette histoire, au même titre que la jeune femme qui y a disparu. Et une fois qu’elle a été retrouvée morte, beaucoup d’histoires ont sous-entendu, voire ouvertement affirmé, que l’établissement lui-même avait une part de responsabilité dans cette tragédie. « L’hôtel au cadavre dans son réservoir d’eau a un passé trouble », affichait le gros titre d’un article publié sur le site de CNN, relatant les faits sur la découverte du corps de Lam. « Depuis sa construction en 1927, il a été le théâtre de suicides, de meurtres, de disparitions étranges, et même le refuge de tueurs en série », rapporte un site d’information australien à propos de l’hôtel. « Repaire de meurtriers, de fous dangereux et de fantômes, certains disent que le Cecil Hotel est tout sauf un hôtel lambda : ils disent qu’il est maudit », relate un blog. Un autre le surnomme tout simplement « la centrale des tueurs en série ».
Il est vrai que l’hôtel a été le refuge de certains tueurs en série célèbres. Le Cecil Hotel fut notamment le repaire de Richard Ramirez, dit le « traqueur de la nuit », qui tua au moins 14 personnes durant une odyssée meurtière qui terrorisa Los Angeles durant le printemps et l’été de l’année 1985. Ramirez avait pris l’habitude de retourner au Cecil après un meurtre, et de jeter ses vêtements tachés de sang dans les bennes à ordures derrière l’immeuble, avant de pénétrer dans le hall de l’hôtel nu ou en sous-vêtements. Ce qui n’interpellait personne puisque le Cecil Hotel était dans les années 1980 « un chaos total et constant », d’après les dires du guide touristique et historien amateur Richard Schave.
En 1991, six ans après que Ramirez fut attrapé et condamné à mort, un journaliste autrichien de 41 ans nommé Jack Unterweger séjourna au Cecil Hotel tandis qu’il travaillait pour un magazine autrichien sur une histoire de crime commis à L.A.. Unterweger utilisait son travail de journaliste pour patrouiller aux côté des policiers du LAPD, mais ses escapades étaient en réalité de funestes repérages, car on découvrit qu’Unterweger était également un tueur en série qui étranglait des prostituées. Kim Cooper, la partenaire de Schave sur leurs tournées en bus Esotouric, soupçonne qu’il ait choisi le Cecil Hotel pour son lien avéré avec Ramirez.
Il y eut plusieurs autres morts violentes au Cecil Hotel, dont le viol et le meurtre d’une standardiste en 1964, ainsi qu’au moins trois suicidés. Tous se sont défenestrés, et l’un d’eux a tué le piéton sur lequel il a atterri. Compte tenu du nombre de résidents qui y ont défilé durant un siècle, cela ne semble pas si extraordinaire pour un hôtel de cette taille situé au cœur de la ville, surtout dans un quartier aussi difficile. Les rumeurs selon lesquelles Elizabeth Short – qu’on connaît sous le nom du « Dahlia noir » –aurait séjourné au Cecil Hotel sont probablement infondées, d’après Kim Cooper, qui, étant également auteure, a fait des recherches approfondies sur Short. Short a séjourné non loin, et elle est peut-être passée dans quelques bars sur Main Street, à quelques pas du Cecil Hotel, la nuit de son meurtre notoire. Mais l’histoire s’arrête là.
Malgré cela, l’histoire d’Elizabeth Short est étrangement comparable à celle d’Elisa Lam. Comme l’observe Cooper, toutes deux étaient des femmes d’une vingtaine d’années qui voyageaient seules à Los Angeles depuis San Diego, vues pour la dernière fois dans un hôtel du centre-ville, et portées disparues durant plusieurs jours avant d’être retrouvées mortes dans d’atroces conditions. Pour finir, Cooper déclare que « les morts de ces deux malheureuses ont généré beaucoup de spéculation et d’attention de la part des médias ».
L’opinion la plus répandue est qu’Elisa a été tuée. Cela a aussi été ma première intuition : une jeune femme voyageant seule disparaît d’un hôtel douteux au passé tragique dans une rue peu fréquentable de L.A., puis elle est retrouvée morte deux semaines plus tard, flottant dans un réservoir d’eau sur le toit de l’immeuble. C’est une supposition logique. Mais au fil des semaines et sans suspect à l’horizon, l’histoire est devenue plus trouble. Les parents de Lam n’ont jamais dit un mot à la presse et sont retournés sans un bruit à Vancouver pour enterrer leur fille. (Ils ont plus tard porté plainte contre le Cecil Hotel pour « mort injustifiée ». C’est toujours en suspens.) Le LAPD n’a plus donné de nouvelles non plus, et faute d’informations à divulguer, la presse locale a abandonné l’histoire.
Le vide laissé par l’absence de révélations a bientôt été comblé par toutes sortes de parasites : Aux yeux d’Internet, la mort d’Elisa Lam est un mystère non-élucidé ayant laissé derrière lui un indice indéniable : la vidéo . Les forums sont restés très actifs, leurs utilisateurs échangeant des idées et des théories, introduisant toutes sortes de péripéties et repérant des coïncidences troublantes. Tout d’abord, il y avait la tuberculose. Au moment de la disparition d’Elisa, le Centers for Disease Control a envoyé une équipe pour arrêter une épidémie de tuberculose dans ce même quartier de L.A.. « C’est l’épidémie la plus importante depuis une décennie », a annoncé le directeur du Los Angeles County Department of Public Health.
Mis à part ce détail, toutefois, l’épidémie était anodine. Du moins jusqu’à ce qu’Internet ne découvre un fait dérangeant : le nom du test utilisé pour identifier les victimes potentielles aux alentours de L.A. avait été appelé LAM-ELISA. N’importe quel épidémiologiste vous dira que LAM-ELISA est le test standard pour détecter la tuberculose chez les êtres humains, et ce dans le monde entier. Son nom vient de l’association de Lipoarabinomannan, un marqueur cellulaire présent dans la tuberculose, et d’Enzyme-Linked Immunosorbent Assay, une forme de test dans lequel l’échantillon change de couleur si une substance particulière est présente.
Le tueur en série Jack Unterweger
La coïncidence représente tout de même l’indice de trop pour beaucoup d’intéressés. « Qu’est-ce qui peut bien expliquer ce lien complètement fou entre son nom et le test de tuberculose ? » a demandé un utilisateur sur le forum « conspiration » de Reddit, où la discussion sur l’affaire Lam s’est répandue et a attiré de nouveaux internautes.
« C’est beaucoup trop identique pour être une simple coïncidence », a écrit un autre. « Qu’est-ce qu’il se passe, bordel ? » Ensuite, il y avait les similitudes troublantes entre la mort de Lam et Dark Water, un film d’horreur japonais revu par Hollywood en 2005. Dans la version américaine, l’histoire tourne autour de Dahlia, une femme qui emménage dans un vieil immeuble avec sa petite fille, Cecilia, avant de découvrir que le bâtiment est hanté. La fantôme se manifeste dans un ascenseur défectueux, et à travers l’eau sombre qui s’écoule des robinets, de la baignoire et du plafond.
Lorsque le réparateur empoté se trouve incapable d’arrêter la fuite, Dahlia essaie de la réparer elle-même et atterrit sur le toit de l’immeuble, où elle voit le même liquide sombre s’écouler d’un réservoir d’eau. Lorsqu’elle l’ouvre, le corps d’une jeune fille portée disparue y flotte. Les parallèles avec l’affaire Elisa Lam – l’histoire, le nom des personnages, les détails – sont parfaitement étranges.
À chaque fois que je les passe en revue, j’en ai des frissons. Ajoutées au test de tuberculoses, les similitudes semblent presque incroyables. Vous pouvez imaginer la vitesse à laquelle cette histoire s’est propagée en ligne… Pendant des mois, l’affaire a fait énormément de bruit sur Websleuths, me confirme Tricia Griffith, qui gère le site depuis son domicile dans l’Utah. C’était également l’une des plus évoquées dans le forum Mystères non-élucidés de Reddit. Un redditeur dont le pseudo est maroonwave, et le vrai prénom est Elliot, m’a dit que comme beaucoup de gens, c’est d’avoir vu la vidéo qui l’a fait se plonger dans l’affaire. À ce moment-là, dit-il, il imaginait l’histoire d’Elisa comme une histoire de fantôme. « C’était un tel casse-tête d’essayer de savoir comment elle avait pu s’introduire dans le réservoir. Trouver la clé du mystère semblait impossible », dit-il. « Sans compter qu’il y avait énormément d’intox. »
Traduit de l’anglais par Margaux Fichant, Audrey Previtali et Marie-Audrey Esposito d’après l’article « American Horror Story: The Cecil Hotel », paru dans Matter. Couverture : L’ascenseur du Cecil Hotel, par Daniel Shea.
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09.02.2021 à 00:34
Malaurie Chokoualé Datou
C’est la ruée vers Mars. En ce mois de février 2021, ce sont pas moins de trois missions spatiales qui sont lancées vers la planète rouge. Cette semaine, des sondes envoyées par la Chine et les Émirats arabes unis entreront dans l’orbite de notre voisine cosmique, à environ 225 millions de kilomètres de la Terre. […]
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C’est la ruée vers Mars. En ce mois de février 2021, ce sont pas moins de trois missions spatiales qui sont lancées vers la planète rouge. Cette semaine, des sondes envoyées par la Chine et les Émirats arabes unis entreront dans l’orbite de notre voisine cosmique, à environ 225 millions de kilomètres de la Terre. La semaine suivante, c’est le lander Perseverance de la NASA qui atterrira à la surface poussiéreuse de Mars.
Tandis qu’Elon Musk et SpaceX prévoient les premiers pas d’un humain sur Mars pour 2024, on peut déjà imaginer la forme que prendra la lointaine colonisation de la planète rouge, et l’impact physiologique que celle-ci aura sur les générations d’humains qui vivront à sa surface.
Le sol rocailleux a laissé une fine pellicule ocre sur les bottines de Christina Levenborn. Aussi loin que porte son regard, les collines aux teintes vermeilles se succèdent en enfilade désordonnée. Parfois ornés d’harmonieuses strates de couleur, ces monticules encerclent son équipe, qui s’affaire depuis deux semaines dans ce paysage lunaire. Longeant le camion chargé de cartons, Levenborn gravit prestement les marches qui la sépare de l’étrange porte percée d’un hublot, et fait son entrée dans l’installation cylindrique.
Pour la décoratrice d’intérieur d’IKEA, cette structure de sept mètres de diamètre aux murs courbés s’est révélée un challenge de taille. Mais tout a été pensé pour s’ajuster aux besoins des six chercheurs·euses qui travaillent au sein de la station. Car IKEA a créé une gamme de meubles sur-mesure pour décorer la station de recherche, alliant intimité et maximisation de l’espace. « Pour l’intérieur, nous avons apporté des produits sur roulettes s’adaptant à la vie en déplacement, des tabourets, des tables ainsi que des chaises empilables afin de gagner de la place », explique Christina Levenborn.
Établie dans le désert de l’Utah depuis 2001, la Mars Desert Research Station fait office de répétition générale dans la conquête de la planète rouge. En simulant la vie sur Mars, ce laboratoire de recherche spatiale permet à des scientifiques d’analyser la faisabilité d’une telle exploration et à la firme suédoise d’étudier de près l’habitat martien idéal ; afin d’être prêts lorsque l’être humain y aura posé ses valises.
Alors que la NASA envisage avec le plus grand sérieux de débuter la colonisation de Mars d’ici 2028, de grandes zones d’ombre subsistent encore. L’heure du départ approche à grands pas, mais l’environnement particulièrement hostile de la planète soulève encore son lot de questions sur le futur de l’évolution humaine charrié par ces colons de l’espace. En changeant d’environnement, l’espèce aussi va changer. Comme le biologiste de l’évolution et auteur du livre Future Humans Scott Solomon, iels sont nombreux·euses à se demander à quoi ressembleront les futurs êtres humains de Mars.
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Comme les voyages pionniers de Fernand Magellan ou Neil Armstrong en leur temps, la conquête de Mars est un défi sans précédent. Non seulement voyager à travers l’espace comporte des risques pour le corps humain, mais les conditions de vie sur la planète rouge seront particulièrement hostiles.
Pour comprendre les effets des séjours spatiaux sur le corps humain, les jumeaux Mark et Scott Kelly étaient les sujets rêvés. Depuis mars 2016, ces deux astronautes ont fait l’objet d’une étude inédite, afin de comparer leur ADN après un séjour en orbite, d’une durée de 54 jours pour Mark et de 340 jours pour Scott. Au départ, les scientifiques avaient estimé que 7 % de l’ADN de Scott avait été modifié par rapport à son jumeau. Certains de ces changements étaient épigénétiques, c’est-à-dire qu’ils ont modifié de manière réversible l’expression des gènes sans modifier fondamentalement l’ADN. Ainsi, à son retour sur Terre, ces changements ont progressivement disparu.
De gauche à droite, Mark et Scott Kelly. Crédits : Robert Markowitz/NASA
Les scientifiques ont toutefois observé des changements génétiques, des mutations apparues en conséquence de son exposition aux radiations présentes à bord de la Station spatiale internationale, dont le taux est 24 fois plus élevé que sur Terre. Ces modifications sont irréversibles.
Le rayonnement sur Mars est plus dense que sur Terre, à cause de l’absence de champ magnétique et de son atmosphère d’une faible densité, et les colons martien·ne·s seront exposé·e·s à deux types de radiations au cours de leur voyage – solaires et spatiales. « C’est la raison pour laquelle les astronautes ont une limite de temps de séjour dans l’espace, parce qu’ils accumulent des mutations qui augmentent leurs chances de cancer », explique Scott Solomon. La NASA ne tolère pas d’augmentation des risques de cancer supérieure à 3 %, mais la limite de radiations dans le cas d’une mission vers la planète Mars reste encore à déterminer.
Outre les radiations, la micro-gravité sur Mars est un défi pour l’industrie spatiale. En effet, elle n’équivaut qu’à 38 % de celle de la Terre, si bien qu’un être humain de 75 kg ici-bas ne pèserait pas plus de 28 kg sur Mars. Les conséquences de cette micro-gravité sur le corps humain à long terme sont encore à l’étude, mais des recherches ont déjà été menées sur les astronautes en poste dans la Station spatiale internationale, faisant état de différents effets secondaires, globalement temporaires. À leur retour sur Terre, des astronautes ont présenté des troubles de la vision, une perte du goût, des os fragilisés ou encore des pertes d’équilibre, mais les scientifiques n’ont pas encore pu établir formellement que la faible gravité sur Mars aurait des effets similaires.
Crédits : NASA
Face à ces nombreux défis et aux forces évolutives en présence, Scott Solomon suggère que les colons martien·ne·s n’auront d’autres choix que de s’adapter pour survivre en terre hostile, donnant naissance à une nouvelle espèce humaine.
Afin de prédire à quoi ressembleront les êtres humains du futur, les biologistes mettent en parallèle leurs connaissances de l’évolution et des forces évolutives qui rythmeront l’avenir de l’espèce humaine. Mais force est de reconnaître qu’iels travaillent à tâtons. « Il est très difficile de faire des prédictions sur le résultat de la sélection naturelle, par exemple », explique Scott Solomon. « Il est beaucoup plus simple de dire que celle-ci fonctionnera d’une certaine manière dans certaines circonstances. »
Fasciné par l’évolution humaine depuis l’université, Solomon a commencé à s’intéresser à l’évolution récente et future de l’être humain il y a plusieurs années, quand il était professeur de biologie. Un jour, il avait demandé à ses élèves s’iels pensaient que l’évolution était encore en cours et comment. « J’ai vu leur intérêt, ils posaient plein de questions, ils donnaient leur avis », se souvient-il. « C’est là que je me suis dit que c’était un sujet intéressant et je me suis plongé dedans. »
À l’époque, le jeune biologiste s’est rendu compte que bien peu de scientifiques se posaient cette fameuse question, compilant les travaux issus de différentes disciplines. « Mon travail consiste à rassembler des pièces issues de la génétique, de l’anthropologie, de la psychologie, de la médecine, de la microbiologie ou encore de l’épidémiologie pour constituer mon puzzle », résume-t-il. « Compiler toutes ces informations me donne matière à réfléchir à cette question. »
Crédits : Scott Solomon/Twitter
Dans son livre publié en 2016, Scott Solomon s’est demandé ce qu’il faudrait pour qu’une nouvelle espèce humaine voie le jour, et il est arrivé à la conclusion que la situation terrestre actuelle n’était pas propice à cette naissance. Autrefois relativement isolée aux quatre coins de la planète, la population humaine n’en finit pas de se mélanger. Plus que jamais dans l’histoire de son espèce, elle suit le cours de la mondialisation et se tient rarement tranquille.
Or, la clé du processus d’apparition d’une nouvelle espèce est « l’isolement d’une partie de la population » durant une très longue période. Les scientifiques sont à l’heure actuelle incapables de préciser la durée de cet isolement et le nombre de protagonistes nécessaires à la naissance d’une espèce. Les Amérindien·ne·s ont été isolé·e·s du monde pendant 10 à 20 000 ans, mais n’ont pas évolué en une espèce humaine différente, preuve de la longueur substantielle du processus.
Dans le contexte d’homogénéisation actuel, il y a donc peu de chance qu’une telle évolution survienne sur Terre. Le biologiste entrevoit toutefois des chemins différents, encore dissimulés sous des branchages, attendant patiemment d’être déblayés. « L’édition génomique pourrait potentiellement nous amener sur une voie complètement différente », s’exclame Scott Solomon. En effet, des populations humaines différentes pourraient être créées suivant des manipulations du génome humain. Dans un futur indéterminé, l’être humain pourrait ainsi guider lui-même son évolution et façonner des êtres post-humains.
Enfin, d’après Solomon, la conquête spatiale pourrait donner naissance à « de multiples espèces humaines évoluant dans différentes parties du système solaire » ; cette coexistence serait une première depuis la disparition des Néandertaliens.
Pour le biologiste, cette nouvelle espèce dépendra tout d’abord des membres fondateurs·rices de cette nouvelle colonie ; c’est ce qu’il appelle « l’effet fondateur ». En effet, un groupe isolé et restreint d’êtres humains va transmettre ses gènes à de nouvelles générations, sans être nécessairement représentatif de la planète bleue. « Par exemple, si tous les astronautes envoyés sur Mars ont les cheveux roux, Mars sera la planète rouge à plusieurs égards », développe Scott Solomon.
Crédits : SpaceX
Le biologiste a émis une série de suppositions sur l’évolution physique de ces Martiens. D’après lui, la probabilité que l’être humain reste le même sur Mars que sur la Terre est proche de zéro. Par leur isolement, les colons pourraient tout à fait créer une nouvelle espèce humaine, car la « sélection naturelle sera très forte » et les mutations nombreuses. En outre, cette évolution pourrait être « rapide » car si une mutation est bénéfique pour l’être humain – comme le fait de mieux tolérer les radiations par exemple –, elle sera rapidement transmise aux générations suivantes.
Les corps des colons martien·ne·s pourraient ainsi devenir plus robustes et plus forts pour faire face aux conditions martiennes. En effet, face à la perte de masse osseuse liée à la micro-gravité, l’évolution pourrait sélectionner celles et ceux qui ont naturellement des os plus denses et des muscles plus imposants. Pour faire face aux fortes doses de rayons ultraviolets, Solomon envisage que les futur·e·s habitant·e·s de Mars pourraient avoir « la peau plus sombre que quiconque sur Terre », à cause d’une augmentation de la production de mélanine.
En attendant, afin de permettre à l’humanité de s’installer durablement sur la Lune et sur Mars, des scientifiques travaillent d’arrache-pied pour trouver une solution capable de bloquer les radiations, à l’image de la combinaison anti-radiations du héros incarné par Matt Damon dans Seul sur Mars. « On pourrait aussi imaginer vivre sous la surface de Mars et ne jamais en sortir, là on n’aurait pas beaucoup d’exposition aux radiations », poursuit Solomon, que cette idée laisse dubitatif, car les colons spatiaux devront tout de même faire pousser des cultures en surface. « Et puis je pense que psychologiquement, il sera difficile pour les gens de vivre constamment sous terre. »
Crédits : NASA
L’édition génomique pourrait également permettre aux aventuriers·ères des étoiles de s’adapter aux conditions sur Mars, en leur permettant de résister aux radiations, ou réduire la quantité d’oxygène dont iels ont besoin pour vivre. Le problème dans l’immédiat est « qu’on n’en sait pas encore assez sur notre propre génome pour être assez confiant dans le fait que si nous faisons un changement, cela n’aura pas de conséquences imprévues », précise Solomon, qui appelle à davantage de compréhension biologique et éthique avant tout. Pour le biologiste, ce n’est toutefois plus qu’une question de temps avant que l’être humain influence sa propre évolution avec cette technologie, aussi balbutiante soit-elle.
Couverture : Laboratory Equipment.
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08.02.2021 à 00:09
Denis Hadzovic
La rumeur est de retour pour boucher le port de Marseille. Le 5 février 2021 sur Twitter, le journaliste foot de Canal+ Matthias Manteghetti a annoncé sans conditionnel que la vente de l’OM au prince saoudien Al-Walid ben Talal était proche : il évoque notamment un montant de 480 millions d’euros, le retour d’Ocampos, l’intervention […]
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La rumeur est de retour pour boucher le port de Marseille. Le 5 février 2021 sur Twitter, le journaliste foot de Canal+ Matthias Manteghetti a annoncé sans conditionnel que la vente de l’OM au prince saoudien Al-Walid ben Talal était proche : il évoque notamment un montant de 480 millions d’euros, le retour d’Ocampos, l’intervention d’Emmanuel Macron dans les discussions et un changement de nom du stade Vélodrome.
A suivre toute la journée sur IS+ et Canal+, nos infos et détails sur la #VenteOM :
-Montant de la vente approcherait les 480M€(McCourt en espérait 600).
-Augmentation de capital 2020 : chapeautée par les repreneurs.
-L.Campos ferait partie du projet. Il est à Marseille. #OM 1/2— Matthias Manteghetti (@MManteghetti) February 5, 2021
Une annonce officiellement démentie le jour-même par Frank McCourt, l’actuel détenteur du club, qui estime que ces rumeurs persistantes ont « pour seul objectif de déstabiliser un projet dans lequel [il] s’est investi personnellement depuis plus de quatre ans ». Des rumeurs à ce point persistantes qu’elles n’en seront peut-être bientôt plus du tout.
Une lame d’acier fendra bientôt le ciel saoudien. Au pays du sabre, cette tour pointue comme une dague est en train d’être construite à Djeddah, sur les bords de la mer Rouge. Moyennant 1,3 milliard d’euros, l’édifice de 1 001 mètres doit devenir le plus haut de la planète. Avec lui, le prince Al-Walid ben Talal espère se tailler une part plus importante encore du gâteau en Arabie saoudite. Mais ses ambitions sont loin de se limiter à son pays.
Le média italien TuttoMercatoWeb assure qu’Al-Walid ben Talal, dont la fortune s’élève à 17,3 milliards d’euros selon Forbes, pourrait racheter l’Olympique de Marseille. Selon le journaliste Marco Conterio, les négociations sont en cours entre les deux parties avec un budget de 250 millions d’euros évoqué. Il ajoute également qu’en cas d’accord, « et sans le fair play financier », un budget maximal pour le mercato serait préparé.
Des négociations qui coinceraient à plusieurs endroits. Tout d’abord, le propriétaire actuel, Frank McCourt, souhaiterait garder des parts dans le club en cas de revente, à l’image de ce qu’avait fait Margarita Louis-Dreyfus lorsqu’elle avait vendu à l’investisseur américain. Or les Saoudiens entendraient posséder entièrement le club sans avoir à dépendre d’actionnaires, explique Thibaud Vézirian, journaliste du groupe Canal. « Les négos suivent leur cours », insiste Geoffroy Garétier, lui aussi journaliste à Canal +.
Crédits : Rodolfo Manabat
Pour George Malbrunot, ces déclarations sont crédibles. Le reporter au Figaro et spécialiste du Moyen-Orient explique que le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane (MBS) ne serait pas totalement opposé au rachat de l’OM par Al-Walid ben Talal. « Il y a un homme de MBS qui contrôle les activités du groupe Ben Talal. Walid est sous contrôle. Il a pu présenter un dossier de rachat d’un club de foot à l’entourage de MBS », selon un homme d’affaires français dans le Golfe cité par Malbrunot.
Mais à en croire Jean-Baptiste Guégan, professeur de géopolitique du sport à l’ESJ Paris, la relation entre Al-Walid ben Talal et MBS est tendue. Depuis qu’il a été enfermé au Ritz-Carlton pendant la purge anti-corruption lancée par MBS et son fils en 2017, le milliardaire n’est plus libre de ses mouvements. C’est pourquoi « personne ne peut affirmer qu’Al-Walid ben Talal a la possibilité de racheter l’OM », explique Jean-Baptiste Guégan à So Foot.
Il ne fait pourtant aucun doute que l’Arabie saoudite développe aujourd’hui une diplomatie du football avec l’implication du Saudi Public Investment Fund, un fonds d’investissement contrôlé par le prince MBS, dans le potentiel rachat du club britannique de Newcastle. Riyad entend ainsi concurrencer ses voisins du Golfe comme le Qatar ou les Émirats Arabes Unis. Sa stratégie en la matière à mis du temps à se dessiner, mais elle prend aujourd’hui des contours assez nets.
Le nom du prince saoudien a été évoqué une première fois en 2014. Six ans en arrière, l’investisseur souhaitait déjà racheter le club phocéen, mais cela n’a pas abouti. La rumeur a été lâchée par L’Équipe, le lendemain d’une victoire de l’OM face à Bordeaux, alors que la mi-saison n’avait même pas encore été atteinte. À cette époque, Al-Walid ben Talal était déjà la 35e fortune mondiale et aurait été en contact avec un ou plusieurs dirigeants du club, d’après TuttoMercatoWeb. L’Europe découvrait alors l’identité de ce richissime inconnu.
Al-Walid ben Talal est né à Djeddah en 1955. Il est le petit-fils du roi Ibn Saoud, fondateur de l’Arabie saoudite. Après avoir obtenu un diplôme d’administration des entreprises en Californie en 1979, il a bâti sa richesse dans l’immobilier. Ses projets ont fleuri alors que les revenus du royaume s’envolaient grâce au pétrole. En 1980, avec 30 000 dollars en poche, Al-Walid ben Talal a lancé la société Kingdom Establishment for Commerce and Trade. Sa spécialité : la promotion immobilière et le développement de grands projets dans le domaine de la construction. Au fil des ans, il a investi dans différents secteurs à travers le monde et a construit sa fortune.
Alors qu’Al-Walid ben Talal débutait le chantier de la Jeddah Tower, en 2011, l’émir qatari était occupé à racheter le Paris Saint-Germain, pour imiter la couronne des Émirats arabes unis, qui avait absorbé Manchester City en 2008. Mais l’Arabie saoudite ne s’est véritablement intéressée au football qu’après l’accession au pouvoir de MBS, en 2017. Elle a d’abord été accusée d’avoir piraté la chaîne qatarie beIN Sports en 2019. Puis en février, Riyad a ouvert une ligue de football féminine et, en avril, un consortium mené par le Fonds public d’investissement saoudien, piloté par le prince héritier MBS, a affiché son souhait de racheter le club anglais de Newcastle.
Entre-temps, en 2017, Al-Walid ben Talal avait été enfermé au Ritz-Carlton lors d’une grande purge anti-corruption, qui avait mis de nombreux caciques du régime sur la touche. Le milliardaire voyageait un peu partout dans le monde pour rencontrer les chefs d’États de manière officielle et officieuse, ce qui agaçait passablement MBS. « Tu es un homme d’affaires, pas un homme politique, arrête tes rendez-vous », lui a intimé MBS, en ponctionnant six de ses 19 milliards de dollars.
Alors, Al-Walid ben Talal est-il aujourd’hui réellement en capacité de racheter l’Olympique de Marseille ? Pour la source de George Malbrunot, la tutelle de MBS n’empêche pas le projet de rachat : « Al-Walid ne peut plus jouer que la carte hommes d’affaires, s’il veut exister. S’il rachète l’OM, entre la presse, la TV, les droits TV, il sera de nouveau présent dans les journaux », explique l’homme d’affaires.
Dimanche 10 mai, Frank McCourt a démenti la possibilité d’une vente dans les colonnes de La Provence. « Le club peut démentir 1 000 fois, la négo est réelle et chacun est dans son rôle, c’est le business. Je n’ai jamais annoncé que le deal était finalisé, je n’ai jamais annoncé de fake news », rétorque Thibaud Vézirian. La rumeur a d’ailleurs été alimentée par les tractations en coulisse.
Ces dernières semaines, Frank McCourt a fait venir les Britanniques Paul Alridge et Garry Cook au club, deux conseillers qui ont déjà œuvré dans la revente de Manchester City à l’Abu Dhabi United Group, le fonds de la couronne des Émirats arabes unis. Seulement, la mission de Cook se terminera à la fin du mois de mai. D’ici là, les spéculations ont de bonnes chances de continuer.
Couverture : Mauroof Khaleel
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05.02.2021 à 00:10
Servan Le Janne
Maintenant que Joe Biden est président des États-Unis et que les Démocrates ont repris le contrôle du Congrès, le sénateur Bernie Sanders et la représentante Alexandria Ocasio-Cortez pourraient s’accorder une trêve et profiter du temps présent. Mais ce n’est pas le genre de la maison. Préoccupés par le futur, le duo qui incarne la « […]
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Maintenant que Joe Biden est président des États-Unis et que les Démocrates ont repris le contrôle du Congrès, le sénateur Bernie Sanders et la représentante Alexandria Ocasio-Cortez pourraient s’accorder une trêve et profiter du temps présent. Mais ce n’est pas le genre de la maison. Préoccupés par le futur, le duo qui incarne la « nouvelle » gauche américaine presse le président élu de relever le défi écologique. Ils viennent ainsi de l’enjoindre, le 4 février 2021, à déclarer l’état d’urgence climatique.
« Alors que nous faisons face à une crise climatique mondiale, il est impératif que les États-Unis montre la voie au reste du monde en passant d’un système basé sur les énergies fossiles à une énergie durable », a déclaré Bernie Sanders. « La majorité du Congrès doit désormais se dresser contre les industriels des énergies fossiles et leur faire savoir que leurs profits à court terme sont moins important que le futur de la planète. »
En sortant de l’avion, Alexandria Ocasio-Cortez tombe sur un écran vert. Il annonce que l’aéroport de Copenhague, où elle vient d’atterrir ce mercredi 9 octobre 2019, sera neutre en émission carbone d’ici 2030. « Vous voyez ? » commente-t-elle sur Instagram. « Ce n’est pas insensé. L’action climatique n’est pas un problème de technologie ou de capacité, c’est une question de volonté politique. » Dans la capitale danoise, la représentante du 14ᵉ district de New York au Congrès se rend au sommet du C40, un groupe réunissant les maires de 90 grandes villes du monde.
Alors que le sommet des Nations unies pour le climat de septembre présente un bilan décevant, le C40 a déjà affirmé son « engagement en faveur de la protection de l’environnement, le renforcement de l’économie t la construction d’un futur plus équitable en réduisant les émissions. » Pour le bonheur d’Alexandria Ocasio-Cortez il a aussi affirmé soutenir le Green New Deal qu’elle promeut depuis des mois. « Ce sera ma priorité », a annoncé le premier magistrat de Los Angeles, Eric Garcetti.
« Les dirigeants du monde se sont rencontrés à New York le mois dernier et ils ont encore échoué à s’accorder sur une mesure susceptible ne serait-ce que d’enrayer la crise climatique », s’est lamenté la maire de Paris, Anne Hidalgo. « Leur incompétence menace directement les peuples du monde alors que le temps joue contre nous. » Reste maintenant à s’entendre sur les contours de ce Green New Deal et à le faire accepter par les décideurs nationaux. « Si nous travaillons à unir nos forces à échelle globale, nous serons en mesure de vaincre notre plus grande menace et de saisir notre plus grande opportunité », promet Alexandria Ocasio-Cortez.
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En quelques mois, Alexandria Ocasio-Cortez a secoué l’univers feutré du Capitole. Tout juste élue à la Chambre de représentants, la députée américaine tente même de semer ses idées sur les terres arides du Sénat, acquis aux Républicains depuis 2014. Elle pourrait avoir l’impression de prêcher dans le désert, ou contre des moulins, si les médias ne portaient pas ses idées jusqu’à l’autre bout du monde, comme le vent disperse les graines à l’extérieur des champs. « AOC » se sait regardée ce mardi 26 mars 2019. Alors, avec un pull et une humeur assortis au banc vert sombre de l’hémicycle, la jeune femme saisit le micro pour en faire un bâton de pèlerin.
Incrustés dans ce haut-lieu de pouvoir depuis des années, les Sénateurs de la majorité reprochent à cette New-Yorkaise un peu trop verte de prendre le parti de l’élite contre le peuple. Le peuple, ils le connaîtraient bien, pour le pratiquer dans les mines de charbon, là où l’écologie ne ferait guère recette. « Il y a un an, j’étais serveuse dans un restaurant de tacos de Manhattan », répond-elle. « Je n’ai eu une assurance santé pour la première fois qu’il y a un mois. Ce n’est pas une question élitiste, c’est une question de qualité de vie. » Les riches sont-ils les seuls à se soucier de la qualité de l’air et de l’eau ? « Allez le dire aux enfants du Bronx qui souffrent du plus haut taux d’asthme du pays, ou aux familles du Flint dont les enfants ont un taux de plomb qui flambe dans le sang. Les gens meurent. »
Par ces mots, la représentante Ocasio-Cortez défend son Green New Deal, présenté par une résolution le 7 février dernier. « Parce que les États-Unis sont historiquement responsables d’une quantité considérable d’émissions de gaz à effet de serre », rappelle le texte, « et qu’ils causaient encore 20 % des émissions globales en 2014, tout en ayant de grandes capacités technologiques, ils devraient avoir un rôle pionnier dans la réduction de ces émissions à travers une transformation de l’économie. » Le quota de pollution à respecter selon les Accords de Paris ne suffit pas – Donald Trump a de toute manière décidé d’en retirer son pays.
Comme le New Deal devait relancer la machine américaine grippée des années 1930, en ponctionnant les mastodontes de l’industrie, le Green New Deal passe par « des investissements publics dans la recherche et le développement d’énergies propres ». La résolution d’Ocasio-Cortez donne la direction à prendre et laisse les précisions pour plus tard. Alors, afin d’exploiter les potentielles divisions sur le sujet entre Démocrates, le chef des Républicains au Sénat Mitch McConnell a précipité le vote au mardi 26 mars, date à laquelle AOC a appelé les membres de son parti à se contenter de voter « présent ». Ils ont été 43 à le faire contre 57 oppositions.
« Encouragée » par ce résultat, la jeune femme soutenue par le philosophe Noam Chomsky poursuit son plaidoyer à travers une vidéo enregistrée avec l’autrice et journaliste de The Intercept Naomi Klein. Le Green New Deal, explique-t-elle dans ce « message du futur », est « la seule manière d’éviter » que « des millions de gens » soient « confrontés à des pénuries de nourriture et d’eau ». Elle ne parle ainsi plus seulement des enfants de l’Iowa et du Bronx, mais aussi de ceux d’ailleurs. À problème global, stratégie globale : puisque les planètes refusent obstinément de s’aligner, les socialistes américains et européens ont décidé de rassembler leurs efforts.
« C’est un moment très important pour cette idée », se réjouit le militant britannique Colin Hines, qui a fondé le Green New Deal Group, une association de militants anglais en 2007. « En Europe et au-delà, les gens n’en peuvent plus d’être sacrifiés au nom de la concurrence internationale. Leurs préoccupations sont à la fois sociales et climatiques, deux dimensions auxquelles le Green New Deal doit apporter des réponses. »
Bienvenue en « République populaire de Burlington ». Baptisée ainsi par la presse locale lors de l’élection à la mairie de Bernie Sanders, en 1981, la ville du Vermont située au bord du lac Champlain accueille vendredi 30 novembre 2018 l’acte fondateur de Progressive International. Pour l’occasion, le mentor d’Ocasio-Cortez a invité l’ancien ministre des Finances grec Yanis Varoufakis, dont le Mouvement pour la démocratie en Europe (DiEM25) est associé à la nouvelle organisation. « Je porte le message de chacun de nous en Europe pour vos camarades qui luttent afin de reconquérir nos villes, notre monde et notre environnement », déclare l’économiste. « Nous avons besoin que Bernie Sanders se présente à la présidentielle. » Elle aussi présente, Naomi Klein affirme que « n’importe quel candidat voulant se présenter » à la présidentielle de 2020 devrait soutenir le New Green Deal. Et Varoufakis opine.
Crédits : DIEM25
Dans une tribune publiée par le Guardian le 23 avril 2019, celui qui a longtemps bataillé contre l’austérité infligée à son pays par les institutions internationales reprend à son compte le Green New Deal et tente d’en élargir la portée. « Ici en Europe, DieM25 et notre coalition European Spring font campagne sous la bannière d’un agenda d’un Green New Deal détaillé », expose le candidat aux élections européennes en Allemagne. « Au Royaume-Uni, des parlementaires comme Caroline Lucas et Clive Lewis promeuvent une législation similaire. Et aux États-Unis, les militants acharnés du Sunrise Movement travaillent avec des élus comme Alexandria Ocasio-Cortez pour mettre leur proposition sur le devant de l’agenda politique. »
En faisant converger ces luttes, Varoufakis espère récolter 8000 milliards de dollars par an, soit 5 % du PIB mondial, pour les investir dans l’énergie renouvelable et protéger l’environnement en fonction des besoins de chacun plutôt que selon ses moyens. Cet immense plan devrait être financé par un impôt sur les multinationales, dont on sait qu’elles se débrouillent souvent pour en payer le moins possible. En parallèle, propose l’économiste, les banques centrales publiques telles que la Banque européenne d’investissement, la Banque mondiale ou la banque de développement allemande (KfW), pourraient émettre des obligations vertes de manière coordonnée.
« Même si la mise en place technique est compliquée, il faut qu’il y ait une forme de Green New Deal international car le changement climatique n’a pas de frontière », insiste Colin Hines. « Il faut y mettre en valeur le volet social afin que la majorité des gens y trouvent leur intérêt. Je pense que c’est possible car le secteur du développement durable peut à la fois créer des emplois qualifiés et des opportunités d’entreprendre. »
À condition qu’ils coopèrent, les États du monde ont la capacité de produire toute leur énergie de manière renouvelable d’ici 2050, assure une étude de l’université de technologie de Lappeenranta, en Finlande, commandée par le réseau de scientifiques et de parlementaires écologistes Energy Watch Group. Pour le démontrer, les chercheurs ont quantifié les ressources en air, eau et vent qui pouvaient être captées à différents endroits du monde. Ayant aussi passé en revue les questions de stockage, il estiment que des investissement de 699 milliards d’euros par an de 2020 à 2035 et de 488 milliards d’euros de 2035 à 2050 seront nécessaires. Ce n’est donc « pas une question de faisabilité technique mais de volonté politique », concluent-ils.
Colin Hines
Aux États-Unis, le think tank socialiste Data for Progress a tenté de donner une base chiffrée au Green New Deal prôné par Alexandria Ocasio-Cortez. Citant des données de l’Economic Policy Institute, il souligne qu’investir dans l’efficacité des bâtiments et dans un réseau de distribution d’énergies intelligent augmentera le PIB américain de 147 milliards de dollars par an et créera 1,1 million d’emplois dès la première année, alors que les dépenses de santé liées à la pollution sont astronomiques. Sans compter que les ouragans ont coûté 270,3 milliards aux États-Unis et les incendies 18,4 milliards en 2017.
Côté européen, DiEM25 élabore un agenda commun avec différents partis, notamment Génération.s, la formation de Benoît Hamon. Son concurrent aux élections européennes en France, Yannick Jadot, propose lui aussi un Green New Deal dans un entretien accordé au Journal du dimanche le 24 mars. Par ces mots, le candidat d’Europe Écologie Les Verts entend « un plan d’investissement de 100 milliards pour les énergies renouvelables et l’isolation des logements, qui nous permettra, en vingt ans seulement, d’avoir une électricité 100 % renouvelable et ainsi de créer des millions d’emplois ».
En Espagne, le socialiste Pedro Sánchez est le grand vainqueur des élections législatives ce 29 avril 2019. Il propose l’adoption d’un New Deal Verde dans le pays. Et malgré le Brexit, l’idée fait aussi son chemin outre-Manche. C’est même de là qu’elle vient, fait remarquer Colin Hines, qui a fondé le Green New Deal Group il y a 12 ans.
Avec ses longs cheveux blancs sur les oreilles, Colin Hines dénote dans les cortèges de militants écologistes qui, avec Greta Thunberg, réclament des mesures rapides pour la planète. « Voilà des décennies que je suis dans le mouvement », admet-il. Jeune, le Britannique s’intéresse à la croissance démographique et aux problèmes qu’elle charrie. Fondateur de l’association Population Stabilization, il devient l’expert économique de Greenpeace International. « Au départ, nous nous contentions de secouer un drapeau, mais dans les années 1980-1990 nous avons essayé de travailler avec les décideurs pour trouver une solution sans perdre l’équilibre. »
Auteur d’un manifeste pour la relocalisation des activités économiques, mais partisan d’un Royaume-Uni dans l’Union européenne, il rassemble un panel d’activistes autour de l’idée d’une relance par l’écologie. En pleines recherches sur l’économie américaine des années 1930, il reprend à son compte le terme de New Deal. À l’aube de la crise financière de 2008, Roosevelt revient justement à la mode aux États-Unis. Dans le New York Times, l’éditorialiste Thomas Friedman appelle de ses vœux l’émergence d’une « génération plus verte », notant qu’en Angleterre, la température moyenne a été la plus haute jamais relevée depuis qu’on la mesure, en 1659.
Le 15 avril 2007, dans les mêmes colonnes, il exhorte les Américains à adopter un « Green New Deal où le rôle du gouvernement ne serait pas de financer des projets, comme dans le New Deal originel, mais de lancer de la recherche fondamentale, en fournissant des garanties de prêts où cela est nécessaire et en définissant des normes, des taxes et des incitations pour toutes les formes d’énergies propres. » Pour ce journaliste peu suspect de sympathies socialistes, il en va de la position dominante des États-Unis dans le monde. Les membres du Green New Deal Group anglais tiennent d’ailleurs à assurer qu’ils n’ont rien à voir avec lui. « Je ne sais même pas qui est Thomas Friedman », jure alors Richard Murphy, un collaborateur de Colin Hines. « S’il s’est lui aussi servi du terme, c’est une coïncidence complète. »
Crédits : The Intercept
Dans son article de 2007, Friedman remarque alors que Barack Obama est en lice pour la Maison-Blanche, que les États-Unis ont besoin de leur premier président vert. Arrivé au pouvoir en plein crise financière, Obama annonce un plan d’investissement de 150 milliards de dollars en dix ans dans la recherche sur les énergies renouvelables, avec l’espoir de créer cinq millions d’emplois.
À ce « Green New Deal », le Premier ministre britannique Gordon Brown répond par un grand programme de travaux publics de plusieurs milliards. « Il y avait beaucoup d’intérêt pour le sujet », se souvient Colin Hines. Puis le vent a tourné. En contre-point des références à Roosevelt, le parti conservateur de David Cameron exhume le terme « austérité » utilisé juste après la Seconde Guerre mondiale pour en faire la promotion. Les coupes sombres dans les dépenses publiques se succèdent un peu partout en Europe.
En février 2018, une économiste du Green New Deal Group, Ann Pettifor, invite deux confrères américains. Ces collaborateurs d’Alexandria Ocasio-Cortez ramènent à New York l’idée d’un projet de relance par l’écologie sur le modèle Roosevelt. « Avant d’être élue à la Chambre des représentants, AOC a appelé Ann Pettifor et en a discuté avec elle », raconte Colin Hines. Devenue depuis un axe majeure de sa campagne, la mesure trouve un immense écho dans les médias et fait frémir les multinationales. « Elle n’est pas prête de sortir des radars », assure Coline Hines.
Couverture : Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez face à l’urgence climatique.
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03.02.2021 à 00:57
Malaurie Chokoualé Datou
La tête délicatement penchée vers le micro de droite, sa longue queue de cheval légèrement balancée sur le côté, Rosalía jette tour à tour des coups d’œil rieurs à la caméra et au groupe qui l’observe dans un silence amusé. À voix basse, la chanteuse barcelonaise alterne entre les deux bonnettes noires, à tel point que […]
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La tête délicatement penchée vers le micro de droite, sa longue queue de cheval légèrement balancée sur le côté, Rosalía jette tour à tour des coups d’œil rieurs à la caméra et au groupe qui l’observe dans un silence amusé. À voix basse, la chanteuse barcelonaise alterne entre les deux bonnettes noires, à tel point que l’auditeur·rice la sent presque tourner autour de sa tête. Les franges de diamants qui lui coulent des épaules et des bras accrochent la lumière des projecteurs et parachèvent ce tableau hypnotisant.
« Il y a un autre son que j’adore faire quand je danse », susurre Rosalía en joignant les doigts. « Le public ne l’entend peut-être pas, mais il le voit, vous savez, il le sent. » L’air concentré, elle claque des doigts d’un micro à l’autre, avant de terminer sa performance par un petit rire enchanté. En proposant dès 2016 à des célébrités de s’improviser youtubeur·euse ASMR le temps d’une vidéo, W Magazine surfait sur la popularité sur YouTube de ces « massages cérébraux », propices à la relaxation et à l’endormissement.
Les chercheurs·euses Emma Barratt et Nick Davis ont étudié ce phénomène encore méconnu et sont arrivés à la conclusion que la majorité des participant·e·s regardaient des vidéos ASMR pour se détendre ou pour dormir. Iels ont en outre observé une amélioration temporaire des symptômes liés à la dépression. En définitive, l’ASMR est symptomatique d’une partie de la population qui ne sait plus qui vers qui se tourner pour trouver le sommeil.
Pour certains toutefois, le sommeil semble être une nuisance chronophage, alors que la médecine continue à marteler ses vertus. « On ne dort pas assez, mais on pense aller bien », souligne Jöran Albers, co-fondateur de Shleep, une start-up d’experts du sommeil qui veut inciter les entreprises à prendre en compte les nuits de leurs employé·e·s. « Il y a quelques années, je bossais comme un fou et j’en étais donc le parfait exemple, puis j’ai réalisé que quelque chose n’allait pas. »
Crédits : Eight Sleep
Après avoir travaillé pendant plusieurs années au sein du cabinet international de conseil en stratégie et management Bain & Company, Jöran Albers s’est senti empreint d’une grande lassitude. Ses collègues, si intelligent·e·s et préoccupé·e·s de leur santé qu’iels fussent, ne semblaient pas heureux·euses. « J’ai démissionné et je sentais que quelque chose n’allait pas dans le monde de l’entreprise », raconte Albers au Web Summit à Lisbonne, début novembre.
Un ancien camarade de l’Institut européen d’administration des affaires (Insead) lui a alors suggéré d’entrer en contact avec Els van der Helm, une experte du sommeil, passionnée depuis l’adolescence par le sujet. Après un doctorat en psychologie à l’université de Californie à Berkeley, celle-ci a travaillé comme consultante en management pour McKinsey & Company. Le peu de considération donné au sommeil et à ses bienfaits pour les employé·e·s l’a stupéfaite. Quand sa route a croisé celle de Jöran Albers, en 2016, elle avait déjà quitté McKinsey.
Jöran Albers et Els van der Helm ont créé Shleep en 2016
Crédits : Shleep
Tou·te·s deux ont comparé leurs expériences et échangé leurs connaissances. « Au début, j’étais sceptique à l’idée de monter un business autour du sommeil », sourit Jöran Albers. « Mais on a commencé à passer en revue des recherches sur le sujet, et c’est là que j’ai réalisé que c’était un problème majeur, dont personne ne parlait, alors que cela empire chaque année. » Shleep était né.
Selon les fondateurs·rices de Shleep, le problème est toujours royalement ignoré à ce jour. « Deux milliards de personnes continuent de ne pas dormir assez », appuie Albers. Si les données sur lesquelles s’appuient Shleep sont principalement américaines, elles sont la preuve d’une situation que la start-up a décidé de globaliser : nous dormons moins en comparaison avec les décennies précédentes. D’après Shleep, près de 8 % de la population essayait de vivre avec six heures ou moins de sommeil par nuit en 1942. L’année dernière, cette part atteignait 50 %.
En outre, les jeunes sont particulièrement exposé·e·s aux troubles du sommeil. Selon une étude rendue publique en mars 2018 par l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) et la mutuelle MGEN, 82 % des jeunes entre 15 et 24 ans ont déclaré être fatigués durant la journée et 38 % ont admis dormir moins de sept heures par nuit. En outre, selon l’Inserm, 13 % des 25-45 ans considérairent le sommeil comme une perte de temps en 2017.
Pourtant, « le sommeil est crucial pour de nombreuses parties de notre corps et de notre esprit », déclare Aric Prather, scientifique du sommeil à l’université de Californie à San Francisco (UCSF), qui étudie les causes et les conséquences des nuits trop courtes. « Le sommeil est comme le lave-vaisselle du cerveau », explique Prather.
Crédits : Eight Sleep
Non seulement il renforce le système immunitaire, mais il aide à réguler le métabolisme. De plus, il sert à éliminer les toxines qui s’accumulent dans le cerveau et peut prévenir les maladies neurodégénératives, comme Alzheimer ou Parkinson. L’Inserm rappelle en outre qu’un « sommeil insuffisant chez les adolescent·e·s est corrélé à un plus petit volume de matière grise. »
Seulement, il ne suffit pas de se coucher pour se reposer. Chez les jeunes, les chercheurs·euses de l’INSV ont expliqué cette dette de sommeil à la fois par des difficultés à s’endormir et par des réveils impromptus durant la nuit. Ces troubles sont causés non seulement par une exposition intense aux écrans, mais également par un manque d’activité physique et par des rythmes décalés de sommeil entre les jours de la semaine et le week-end.
« Les raisons sont multiples », approuve Albers. « Bien sûr, la technologie joue un rôle majeur dans cette diminution. » Les écrans peuvent avoir des effets nocifs sur le sommeil. D’après une étude menée par des chercheurs de l’université d’Haïfa en 2017, une exposition intense à leur lumière bleue peut entraîner un endormissement retardé et avoir un impact sur la qualité du sommeil. « La solution doit être l’utilisation de filtres qui empêchent l’émission de cette lumière », explique Abraham Haim, l’un des auteurs de l’étude.
Albers rappelle que la plupart des êtres humains ont besoin de dormir sept à neuf heures par jour; une nuit de plus de huit heures de sommeil est par ailleurs conseillée pour les jeunes entre 15 et 24 ans. Une perte de sommeil n’est pas sans effet sur le corps humain, les études sont toutes d’accord sur ce point. Il existe bien des personnes capables de continuer à vivre normalement avec moins de six heures de sommeil mais, d’après Albers, leur nombre ne correspond qu’à 1 % de l’humanité. « Et il est inutile de vous entraîner, vous ne pouvez rien changer à cela car c’est déterminé génétiquement », poursuit le co-fondateur de Shleep.
Crédits : Matthew T Rader
Shleep vend à ses clients des plateformes de coaching du sommeil à destination de leurs employé·e·s et les accompagne dans leur déploiement. Outre l’application qui se charge de guider l’utilisateur·rice dans sa quête du sommeil, ce·tte dernier·ère dispose d’outils pouvant l’aider à se relaxer ou encore d’accès à des webinars sur différents sujets. « Nous mettons également en contact les personnes avec un expert du sommeil si leurs troubles sont importants », ajoute Albers. « Après huit semaines, on observe qu’on peut diminuer la perte de sommeil de 40 % en 8 semaines, et augmenter la qualité du sommeil de 50 % », ajoute-t-il.
Même si les bénéfices d’un sommeil plus long ne sont pas facile à mesurer, « on demande à nos clients de nous communiquer leur productivité et leur performances, avec en moyenne une amélioration notée de 15 % en 8 semaines », ajoute l’entrepreneur – car évidemment, les entreprises s’intéressent davantage au bien-être de ses employé·e·s quand celui-ci les rend plus productif·ve·s.
Shleep part du principe qu’une entreprise a tout à gagner en s’adaptant aux besoins de ses employé·e·s, que ce soit en termes d’efficacité, de bien-être au travail et de productivité. Chacun·e dispose d’une horloge biologique du sommeil différente, et c’est justement cette particularité qui intéresse une autre start-up, Eight Sleep, qui a justement mis la technologie au service du sommeil.
Le monde de la tech n’est pas désarmé face au manque de sommeil. Puisque, selon la formule du poète Hölderlin, « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve », Eight Sleep a créé un lit intelligent. La co-fondatrice de la start-up, Alexandra Zatarain, affirme sentir « une énorme différence » depuis qu’elle s’en sert.
« Quand nous avons commencé il y a quelques années, le concept-même de lit intelligent n’existait pas », rappelle Alexandra Zatarain, qui observe un intérêt grandissant pour les technologies du sommeil.
Aujourd’hui, Eight Sleep voit le nombre d’acteurs dans ce domaine se multiplier. Apparaissent des objets connectés (comme des couettes ou des oreillers), des applications proposant de la méditation guidée, des simulateurs d’aube pour permettre un réveil progressif, et bien d’autres solutions. « On observe le développement d’un mouvement autour du fait que le sommeil améliore la performance, qu’il est naturel, qu’il est gratuit, et que si vous arrivez à l’optimiser vous noterez des bénéfices élevés », conclut Zatarain.
Crédits : Eight Sleep
Eight Sleep est née en 2014 des troubles de sommeil de son PDG, Matteo Franceschetti, par ailleurs conjoint d’Alexandra Zatarain. À l’époque, l’ancien avocat désormais entrepreneur jonglait entre différentes entreprises et voyageait d’un bout à l’autre de la planète. Son sommeil s’en est trouvé affecté. « Il a commencé à étudier différentes solutions, comme le fait de suivre des données liées à son sommeil », raconte Zatarain.
Après avoir essayé toute une série d’applications, qui proposaient par exemple de laisser son téléphone sur son matelas, Franceschetti a réalisé qu’il y avait « un énorme décalage sur le marché ». Il s’est rendu compte « qu’il n’y avait pas de produit permettant d’analyser le sommeil d’un individu avec précision pour changer le comportement ou le facteur qui pouvait l’affecter ». L’idée du projet Eight Sleep a commencé à germer.
L’objectif originel était de pister l’état du sommeil et de collecter des données. Eight Sleep a tout d’abord planché sur la conception d’un accessoire pouvant être placé sur n’importe quel matelas : Smart Tracker, un protège-matelas à la pointe de la technologie, tentant de répliquer ce qui est réalisé au niveau médical. Voyant l’engouement suscité par son premier produit, Eight Sleep a intégré sa technologie directement dans un lit, proposant en outre à l’utilisateur·rice de suivre ses données grâce à une application.
Crédits : Eight Sleep
Le couple voulait à tout prix éviter à l’utilisateur·rice de devoir charger, brancher ou porter quoi que ce soit. « Les prototypes que nous avions faits permettaient simplement d’aller au lit pour recevoir différentes informations », ajoute Zatarain. Quatre ans après le lancement du premier produit, grâce à des capteurs logés dans le matelas, ce dernier est capable de calculer le temps total de sommeil, celui des phases de sommeil, la température du lit, la fréquence cardiaque ou encore la fréquence respiratoire. « Il s’agit une image complète de votre sommeil », résume-t-elle.
Selon Zatarain, la clé du lit est sa capacité à réguler la température. « Même les lits les plus confortables absorbent en général la chaleur du corps beaucoup plus rapidement et celle-ci ne se propage pas dans l’environnement », explique-t-elle. Cette chaleur trouble le sommeil du·de la dormeur·euse. « Vous vous réveillez plus, vous ne pouvez pas rester en sommeil profond aussi longtemps que vous le pourriez », poursuit-elle.
Avec son lit hi-tech, la start-up se targue de résoudre ce problème, car son produit phare, le matelas haut de gamme The Pod (disponible aux États-Unis pour 2 295 dollars), dispose d’une régulation de température personnalisée. Loin des outils technologiques proposés par certaines start-ups, et parce que l’innovation n’a pas toutes les réponses aux problèmes de sommeil, des spécialistes proposent également des solutions simples faciliter l’endormissement.
Si différentes techniques peuvent fonctionner en fonction du profil, de la méditation à la relaxation des muscles un à un, pour remédier à la dette du sommeil chez les jeunes, l’Institut national du sommeil et de la vigilance leur propose une série d’astuces, loin de toute technologie. La pratique quotidienne d’une activité physique, à raison de trente minutes par jour, est tout d’abord vivement conseillée, toutefois pratiquée entre 4 h et 8 h avant de se coucher. Selon le médecin du sport et spécialiste du sommeil Fabien Sauvet, « ceux qui font du sport s’endorment mieux et plus tôt […], les bénéfices du sport se font sentir quand les séances sont régulières ».
Selon l’INSV, il faudrait en outre « adopter des rythmes réguliers » permettant de synchroniser le rythme veille-sommeil et l’horloge biologique, « en limitant grasse matinée et sieste prolongée » et instaurer « couvre-feu digital » une heure avant de dormir, préférant des activités d’autant plus relaxantes, « comme la lecture ou la musique ». De plus, les excitants comme le café ou le thé retardant l’endormissement, l’Institut recommande de les limiter après 15 h.
La co-fondatrice de la start-up Eight Sleep, Alexandra Zatarain.
Enfin, l’environnement doit être propice au sommeil; de la lumière au bruit, rien ne doit lui nuire au cours de la nuit et maintenir une température de 19°C dans la chambre est idéal en ce sens. De plus, « le lit doit être réservé au sommeil », alerte la pneumologue Maria Pia d’Ortho pour l’INSV. « Ce type de comportement favorise l’ insomnie sur le long terme ».
Enfin, changer ses mauvaises habitudes de sommeil est un processus long qui se réalise pas à pas. « Si vous avez été vous coucher à 1 h pendant des années, il ne faut pas vous attendre à vous endormir à 21 h comme par magie », explique Albers. « Cela ne marchera pas pour tout le monde. » Pour lui, nous sommes sur le point d’entrer dans une révolution du sommeil. Pour le prouver, il tente un parallèle avec la série Mad Men, dans laquelle des publicitaires machistes aux réflexions cyniques ne travaillent jamais sans leurs clopes ou leur verre de whisky.
« Complètement normale dans les années 1960, une situation pareille serait difficilement acceptable aujourd’hui », explique Albers, qui pense entrevoir un chemin similaire pour le sommeil. « Dans 5, 10, 15 ans, on regardera en arrière en se demandant à quoi on pensait à ne dormir pas assez, car c’est la chose la plus bête qui soit. »
Couverture : Ben Blennerhassett
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01.02.2021 à 00:21
Servan Le Janne
Aung San Suu Kyi a été arrêtée par l’armée birmane. C’est ce qu’affirme ce lundi 1er février le porte-parole du parti au pouvoir : la dirigeante a été placée en détention, aux côtés de plusieurs hauts représentants de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), et les militaires ont transféré le pouvoir à leur commandant […]
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Aung San Suu Kyi a été arrêtée par l’armée birmane. C’est ce qu’affirme ce lundi 1er février le porte-parole du parti au pouvoir : la dirigeante a été placée en détention, aux côtés de plusieurs hauts représentants de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), et les militaires ont transféré le pouvoir à leur commandant en chef avant de déclarer le pays en état d’urgence pour un an.
Selon Myo Nyunt, Aung San Suu Kyi serait détenue dans la capitale, Naypyidaw, et l’armée aurait organisé un véritable « coup d’État ». Une tempête soudaine qui drape l’avenir de la Birmanie un peu plus dans le flou. Pour avoir une idée de ce qui peut advenir, il faut regarder dans son passé, récent et plus lointain.
Avec une régularité glaçante, les coups de pelles retournent la terre birmane. À côté du groupe de bouddhistes occupé à creuser, dix de leurs voisins rohingyas attendent la mort attachés les uns aux autres. En cette fin août 2017, un « nettoyage ethnique » démarre selon les Nations Unies dans l’État d’Arakan, à l’ouest du pays. Une semaine après le début de l’offensive des forces de sécurité du Myanmar, quelque 47 000 personnes ont déjà fui vers le Bangladesh voisin. À Inn Din, non loin de la frontière, dix corps sont retrouvés dans une fosse commune le matin du 2 septembre. Deux ont été battus à mort par des civils, et le reste a été tué par les balles de l’armée.
Il y avait « une tombe pour dix personnes », décrit Soe Chay, un soldat à la retraite de la communauté bouddhiste du village qui dit avoir été témoin de cet affreux enterrement. D’après lui, les soldats ont tiré sur chaque homme deux ou trois fois. « Alors qu’ils étaient inhumés, certains faisaient encore du bruit, d’autres étaient déjà morts. » Son témoignage a été recueilli par deux journalistes birmans de l’agence Reuters, Wa Lone et Kyaw Soe Oo. Au moment de la parution de leur article, en février 2018, 690 000 Rohingyas ont fui. Il ne reste aucun des 6 000 membres de cette communauté à Inn Din, mais le duo est parvenu à mettre un visage et un nom sur les dix hommes enterrés. Ils s’appelaient Abul Hashim, Abdul Malik, Nur Mohammed, Rashid Ahmed, Habizu, Abulu, Shaker Ahmed, Abdul Majid, Shoket Ullah et Dil Mohammed.
Lorsque le monde les découvre, Wa Lone et Kyaw Soe Oo croupissent en prison. Arrêtés le soir du 12 décembre, ils ont été transportés vers un centre d’interrogatoire avec des cagoules noires sur le visage. D’après leurs témoignages, ils ont été privés de sommeil pendant trois jours et Kyaw Soe Oo raconte avoir été forcé à rester à genoux trois heures durant. La police nie. Puis, un an et un jour après la découverte de la fosse d’Inn Din, les reporters sont condamnés à sept ans de prison par un tribunal de Yangon (ex-Rangoun). La justice les accuse notamment d’avoir été en possession de « documents confidentiels » pouvant être utilisés par « des ennemis de l’État et des organisations terroristes ». Au cours de l’enquête, un témoin a raconté avoir vu la police glisser des documents sur eux pour leur tendre un « piège ».
Mardi 7 mai 2019, après plus de 500 jours de détentions ponctués par une campagne internationale en leur faveur, Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont finalement été libérés dans le cadre d’une procédure d’amnistie. Encerclé par une nuée de confrères à sa sortie de prison, le premier a déclaré avoir « hâte de retourner à la rédaction » et de « revoir [s]a famille et [s]es collègues ». La tâche devrait lui être facilitée par le prix Pulitzer qu’il a reçu avec son collègue pour l’enquête sur Inn Din. Célébrés par l’Unesco, les deux hommes figurent aussi parmi les personnalités de l’année 2018 du magazine Time. Et la grâce qui leur a été accordée marque « un pas vers une plus grande liberté de la presse et un signe de l’engagement du gouvernement en faveur de la transition démocratique en Birmanie », se félicitent les Nations Unies.
Toutes les barrières ne sont néanmoins pas levées pour que la Birmanie emprunte un chemin démocratique, loin s’en faut. Selon l’Assistance Association for Political Prisoners, 25 prisonniers politiques sont encore derrière les barreaux et 283 autres attendent un jugement. L’association en faveur de la liberté d’expression Athan déplore du reste que 173 affaires de diffamation soient passées devant les tribunaux en vertu d’une loi votée en 2013 qui est utilisée pour « étouffer les critiques des autorités de la part des journalistes et des citoyens », juge l’ONG Human Rights Watch. Or, 140 de ces procès ont été ouverts sous le gouvernement d’Aung San Suu Kyi, une Prix Nobel de la paix au pacifisme aujourd’hui bien relatif.
L’exode birman n’en finit plus. Au Bangladesh voisin, où 700 000 personnes ont afflué depuis le 25 août 2017, il y avait déjà près de 26 000 réfugiés dans des camps en 1997. À l’époque, le régime militaire en place à Rangoun impose son joug sans partage. Contraint d’organiser des élections en 1990, après un soulèvement, il en a invalidé les résultats et mis la vainqueure, Aung San Suu Kyi, en résidence surveillée. Lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, cette fille d’un acteur de l’indépendance profite de sa libération pour prendre la plume en 1997. Pour mettre en lumière l’autoritarisme de la junte, le New York Times lui ouvre ses colonnes.
« Ceux d’entre nous qui ont décidé de travailler pour la démocratie », écrit-elle dans la tribune, « ont fait ce choix avec la conviction que le danger de se soulever pour les droits humains élémentaires dans une société répressive était préférable à la sécurité offerte par une vie silencieuse dans la servitude ». Tête de proue d’un mouvement non-violent, elle croit savoir que « la cause de la liberté et de la justice trouve des échos favorables dans le monde. Partout, peu importe les couleurs de peau ou les croyances, les gens comprennent le besoin humain pour une vie qui va au-delà de la satisfaction de désirs matériels. » Cet appel à la communauté internationale est donc baptisé « s’il vous plaît, utilisez votre liberté pour promouvoir la nôtre ».
Une décennie de lutte plus tard, la junte accepte sous la pression de la rue de réformer la constitution de manière à organiser des élections. Aung San Suu Kyi devient ainsi députée en 2012. À ce poste, alors que l’association Human Rights Watch dénonce une « campagne de nettoyage ethnique », elle refuse de qualifier ainsi les violences contre les musulmans. Comme elle a été mariée à un étranger, la constitution empêche l’ancienne opposante de briguer le poste de présidente. En 2016, elle devient donc conseillère spéciale de l’État et ministre des Affaires étrangères.
Les diplomates étrangers qui plaidaient la cause de Wa Lone et Kyaw Soe Oo n’ont donc guère été étonnés de sa réticence à les soutenir. Irritée par leur lobbying, elle s’est longtemps bornée à s’en remettre à la justice pour tout ce qui concerne ce qu’elle appelle pudiquement « le problème d’Arakan ». Après leur condamnation, le 13 septembre 2018, l’ancienne opposante a assuré, lors du Forum économique mondial de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est à Hanoï, qu’ « ils n’ont pas été emprisonnés parce qu’ils étaient journalistes ».
Alors que l’on pouvait s’attendre à ce que des tensions apparaissent au sommet de l’État entre Aung San Suu Kyi et l’armée, leurs positions semblent au contraire s’aligner, en sorte que la presse américaine ne cesse de pointer sa « déchéance » et qu’Amnesty International lui a retiré un prix. À en croire le journaliste Aung Naing Soe, les critiques qui la visent ou qui visent son parti, La Ligue nationale pour la démocratie (LND), « exposent à des problèmes, surtout quand il est questions des Rohingyas ». Au Comité de protection des journalistes birmans, on souligne même que les reportages sur les violations des droits humains par les militaires entraînent plus de « problèmes » que par le passé.
Un camp de l’État d’Arakan
Crédits : DFID – UK Department for International Development
Alors que 700 000 personnes ont maintenant fui l’Arakan, les élections qui doivent se tenir fin 2020 ont peu de chance d’apaiser les tensions. « Parce que le rapatriement des Rohingyas est largement impopulaire, le sujet sera politisé par les partis qui chercheront à capitaliser sur les conflits latents qui conduisent à la violence », pressentent les chercheurs Mary Callahan et Myo Zaw Oo, dans un rapport publié par l’American Institute for Peace en avril. Vainqueure de 79 % des sièges lors du scrutin de 2015, la LND a d’autant plus de chance de conserver sa majorité qu’elle réalise ses moins bons scores dans les zones où vivent beaucoup de minorités, comme l’Arakan. Lequel Arakan a été déserté par ses musulmans.
Dans cet État où une guérilla s’organise, la Chine fait pression pour reprendre le chantier de barrage qu’elle a lancé avec l’appui d’Aung San Suu Kyi. Avant les élections de 2020, les sujets ne manquent pas pour Wa Lone et Kyaw Soe Oo.
Couverture : Chinh Le Duc
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