20.01.2021 à 00:25
Ulyces
Cliquez sur les titres bleus pour lire l’article correspondant. Au cœur du monde fou de la Maison-Blanche sous Trump Après avoir évincé ses conseillers les moins dociles, Donald Trump multiplie les embardées. Le Président est en roue libre. Un parrain à la Maison-Blanche : comment Trump s’est appuyé sur la mafia pour réussir Dans le livre […]
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Après avoir évincé ses conseillers les moins dociles, Donald Trump multiplie les embardées. Le Président est en roue libre.
Dans le livre Un parrain à la Maison-Blanche, le journaliste d’investigation Fabrizio Calvi revient sur les anciens liens du président américain avec la mafia.
Critiqué pour la pauvreté de son vocabulaire et ses réflexions à l’emporte pièce, Trump affirme pourtant être un champion des tests de QI.
Crédits : Ulyces
Un portrait saisissant de Donald Trump en 1990, business man alors sur le déclin et en plein divorce avec Ivana Trump.
La concurrence est rude.
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La photo d’un père salvadorien et de sa fille, noyés à la frontière la semaine dernière, accuse la politique migratoire américaine.
Pour contrer les menées russes et chinoises dans l’Arctique, Donald Trump envisage d’acheter le Groenland au Danemark.
Alors le Congrès se demande si la maladie de Lyme a été créée par le Pentagone, la vulnérabilité des installations où sont conservés les virus est pointée du doigt.
En soutenant l’opposition vénézuélienne face à Maduro, les USA cherchent à se faire un nouvel allié en Amérique du Sud.
Crédits : Unsplash
Washington est en train d’intensifier grandement sa présence en Somalie. Et ce n’est pas sans agenda.
Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft sont trop gros. Peut-on légalement les faire éclater ?
Au mépris des efforts de limitation des armements, les États-Unis sont en train de préparer leur armée pour la guerre dans l’espace.
En couplant les dernières avancées des neurosciences et les nouvelles technologies, l’US Army imagine déjà la soldat augmenté de 2050.
Non seulement les satellites pullulent dans l’orbite terrestre, mais ils commencent à se menacer les uns les autres.
Au lieu d’ouvrir des conflits par les obus, les États se lancent dorénavant de discrètes mais fréquentes attaques informatiques. Et les tensions grimpent.
Les interrogatoires de la CIA étaient brutaux et bien pires que ce que l’agence prétendait. Il se pourrait qu’ils continuent.
Crédits : White House
Jeff Bezos, en plus de briguer le projet JEDI du Pentagone, a déjà commencé à vendre un système de reconnaissance faciale à la police d’Orlando et du comté de Washington, dans l’Oregon.
Fervent patriote en chemise à fleurs, le jeune Palmer Luckey veut doter l’armée américaine de la meilleure intelligence artificielle.
Avec Palantir, un ex-partenaire d’affaires d’Elon Musk aux positions très controversées fournit aujourd’hui des technologies à la DGSE.
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Depuis sa décision de se retirer de l’Accord de Paris, le reste du G20 se ronge les ongles en pensant au futur.
Alors qu’Alexandria Ocasio-Cortez pousse sans relâche son projet de Green New Deal aux USA, il fait sa place en France et ailleurs en Europe.
Les récents désastres climatiques pointent tous le même suspect du doigt. L’urgence climatique va-t-elle causer la perte du capitalisme au profit de la survie de l’humanité ?
Malgré le scandale que chaque bavure policière provoque, des agents américains continuent d’opérer avec une violence hors de toute proportion.
Alors que les algorithmes colonisent l’administration et la police, leurs biais racistes apparaissent au grand jour.
Des médecins de Harvard ont démontré que, parmi les cas qu’ils ont étudiés, 64 patients afro-américains auraient pu être inscrits sur liste d’attente de greffe rénale si leur dossier avait été traité par le même algorithme que celui des personnes blanches.
Reconnu coupable de viol, le producteur Harvey Weinstein a longtemps profité d’une incroyable impunité à Hollywood.
Crédits : Ulyces
Dans le cadre de la politique de « tolérance zéro » contre l’immigration clandestine mise en place par l’administration Trump, plus de 1 000 enfants ont été séparés de leurs parents depuis 2017.
La surveillance de masse n’est pas une fatalité. Partout, le lanceur d’alerte Edward Snowden voit germer des idées pour la combattre.
La République indépendante de Californie n’existe pas, mais elle a une ambassade en Russie depuis le 18 décembre 2016. L’ambition de ses ambassadeurs ? La sécession.
« Swatter », cela veut dire appeler le numéro d’urgences et feindre une situation grave dans l’espoir de provoquer une intervention de la police, et plus précisément du SWAT (Special Weapons and Tactics).
De plus en plus de médecins avertissent sur la dangerosité du vaping. Les récentes tragédies aux USA tendent à leur donner raison.
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C’est officiel, Tesla est le constructeur automobile le plus cher du monde en Bourse. En reprenant l’entreprise il y a 16 ans, Elon Musk a fait mieux que réussir son pari.
Tout le monde ne connaît pas la crise. D’après le magazine Forbes, Jeff Bezos possède désormais une fortune de plus de 200 milliards de dollars (169 milliards d’euros). La hausse des cours d’Amazon lui a permis d’amasser 74 milliards de dollars rien qu’en 2020.
Les grandes fortunes lancent volontiers des opérations caritatives pour lutter contre la pauvreté. Mais elles refusent de payer plus d’impôts.
Plus jeune self-made milliardaire de tous les temps, Kylie Jenner s’est servie d’Instagram pour accumuler une richesse mirobolante en un temps record.
Crédits : Ulyces
Les 1 % les plus riches des États-Unis ont leur colonie de vacances : un club très privé où s’encanailler à l’abri des regards.
La génération des anciens de PayPal a passé le flambeau à celle des anciens d’Airbnb et Uber, qui perpétue une tradition délétère. Quand la Silicon Valley a de faux airs de mafia.
La distinction sociale marche à plein sur internet. Pour préserver l’entre-soi en ligne, les riches ont fondé une flopée de réseaux sociaux.
L’ex-compagne de Jeffrey Epstein doit faire face à la justice dans une affaire de pédocriminalité qui implique de hautes personnalités.
C’est une idée étrange qui persiste outre-Atlantique : depuis 1962, les Canadiens et les Américains mettent de l’ananas sur leurs pizzas.
Couverture : Joe Biden VS Donald Trump (DR/Unsplash)
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19.01.2021 à 00:04
Servan Le Janne
C’est une première en France. Pour son édition 2021, le Guide Michelin a récompensé d’une étoile le restaurant vegan ONA (pour « Origine non animale »), ouvert par la cheffe Claire Vallée à Arès en Gironde, en 2016. Une reconnaissance sans égale pour le restaurant éthique, qui officialise en quelque sorte le respect du monde […]
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C’est une première en France. Pour son édition 2021, le Guide Michelin a récompensé d’une étoile le restaurant vegan ONA (pour « Origine non animale »), ouvert par la cheffe Claire Vallée à Arès en Gironde, en 2016. Une reconnaissance sans égale pour le restaurant éthique, qui officialise en quelque sorte le respect du monde de la haute gastronomie pour une cuisine aussi raffinée qu’engagée.
« J’ai été prévenue jeudi soir par le guide Michelin et là, c’est comme si un train m’était passé dessus. Je ne me rends pas compte », a confié la restauratrice de 41 ans. Elle a d’ailleurs été auréolée d’une seconde étoile, verte celle-ci, qui récompense des restaurants écoresponsables. « Deux d’un coup, c’est beaucoup ! » Peut-être est-ce un signe que l’ère vegan est bien arrivée.
Au fond de la poubelle, une forêt d’ailes déplumées et de pattes inertes émerge d’un informe duvet jaune, parsemé de morceaux de coquilles. Dans ce charnier de canetons, quelques becs piaillent désespérément. Personne n’entend leur cri au domaine de la Peyrouse, une exploitation située à Coulounieix-Chamiers, en Dordogne, et rattachée au lycée agricole de Périgueux. En 2019, son foie gras a reçu la médaille d’or au concours général agricole. Pour le produire, les femelles sont pourtant envoyées au bac équarrissages où, à peine sorties de l’œuf, elles meurent de faim ou d’étouffement. Leur foie est trop petit ou trop nervuré pour être utilisé. Près de 35 % des éclosions sont ainsi perdues.
De leur côté, les mâles sont élevés quelques semaines avant d’être gavés à la pompe pneumatique. En 2018, 30 millions de canards et 260 000 oies ont reçu ce traitement dans l’Hexagone, ce qui a envoyé à la mort quelque 16 millions de femelles. Selon la directive européenne du 20 juillet 1998, « les méthodes d’alimentation et les additifs alimentaires qui sont source de lésions, d’angoisse ou de maladie pour les canards, ou qui peuvent aboutir au développement de conditions physiques ou physiologiques portant atteinte à leur santé et au bien-être ne doivent pas être autorisés. » Mais le texte n’a jamais été transposé en Hongrie, en Bulgarie, en Espagne, en Belgique et en France.
En revanche, la loi autorise l’élimination des femelles par gazage ou broyage, auxquels le domaine de la Peyrouse a donc préféré l’entassement. « Les pratiques de cet établissement constituent un délit », pointe Sébastien Arsac, porte-parole de L214. Dans une vidéo publiée mercredi 11 décembre, cette association de défense des animaux dévoile des images tournées au sein de l’établissement en octobre et novembre. Elles ont été transmises à la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCSPP) qui a constaté, lors d’une inspection, « le recours à une méthode non réglementaire d’euthanasie par asphyxie des canettes à l’issue du sexage ».
Mis en demeure de se conformer à la législation, le domaine de la Pérouse s’est semble-t-il exécuté. « Dès l’éclosion suivante, le 26 novembre, la DDCSPP a constaté la mise en œuvre de dispositions conformes à la réglementation garantissant l’euthanasie immédiate », a appris Le Monde. Pour le montrer, le directeur de l’exploitation, François Héraut a reçu les caméras de France 3. « Quelle que soit la méthode d’euthanasie c’est une phase douloureuse, peu glorieuse et très mal comprise du grand public », indique-t-il avant d’ouvrir la porte de la salle où les canetons sont désormais broyés. Mais il refuse de laisser ce grand public examiner cette pratique, en demandant aux journalistes d’arrêter de filmer.
François Héraut a raison. Quelle que soit la méthode d’euthanasie c’est une phase douloureuse, peu glorieuse, voire carrément écœurante pour beaucoup de Français. Selon un sondage de 2017 réalisé par l’institut Yougov à la demande de L214, 58 % d’entre eux sont favorables à l’interdiction du gavage contre 51 % en 2015, 47 % en 2014 et 44 % en 2013. Si le foie gras « fait partie du patrimoine culturel et gastronomique protégé en France », aux termes de l’article L654-27-1 du code rural et de la pêche maritime, l’article L214-1 du même code énonce quant à lui que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». L’association lui doit d’ailleurs son nom.
Crédits : L214
Or, les canards mulards gavés au domaine de la Peyrouse et ailleurs « sortent du laboratoire », observe Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214. Leur espèce a été élaborée par l’homme en sorte qu’ils ne savent pas voler et que leur foie développe une stéatose hépatique. « Ça peut virer en cirrhose », ajoute Brigitte Gothière. L’association demande donc l’interdiction du gavage mais aussi, plus largement, une réduction de la cruauté faite aux animaux. « Il faut qu’on réussisse à sortir d’un système qui les tue pour les manger », estime la co-fondatrice. En une minute, 2400 bêtes périssent dans les abattoirs français.
Tout êtres sensibles qu’ils sont d’après l’article L214-1, les animaux « sont soumis au régime des biens », précise l’article 515-14 du code civil. On peut donc en être propriétaire et « sous réserve des lois qui les protègent » disposer de leur mort. C’est pourquoi Brigitte Gothière juge que « nos lois doivent évoluer de façon à permettre aux animaux de prendre leur place pleine et entière. Ça ne veut pas dire donner un droit de vote aux poules mais leur accorder une considération équivalente. D’ailleurs, des juristes s’intéressent à la question. »
Michael Mansfield ne peut pas toujours gagner. Surnommé « Moneybags Mansfield » pour sa capacité à empocher le pactole lors de procès médiatisés, cet avocat britannique a signé une tribune, le 3 décembre 2019, appelant à voter pour les travaillistes aux élections législatives britanniques, seuls à même de garantir « un futur promettant une éducation, une santé, des emplois et des logements décents, ainsi que des solutions durables à la crise climatique ». Hélas pour lui, la gauche a subi une défaite cinglante. Alors l’homme de 77 ans s’est lancé un autre défi, lui aussi très compliqué. Il plaide pour l’interdiction de la viande : « Vu les préjudices que la consommation de viande fait à la planète, il n’est pas absurde de penser que ce sera un jour illégal. »
Si cette perspective peut sembler surréaliste, il en allait de même il y a quelques années pour l’interdiction de fumer à l’intérieur, appuie-t-il. « Nous savons que les 3 000 plus grosses entreprises au monde sont responsables de plus d’1,5 billion de livres de dommages à l’environnement, et la viande et les produits laitiers sont en tête de liste. Nous le savons parce que les Nations unies nous l’ont appris. » L’avocat se réfère à un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) paru en août 2019. Ce document recommande de manger plus d’aliments à base de plantes afin de « mitiger et d’atténuer » le dérèglement climatique, tout en engendrant « des bénéfices pour la santé humaine ».
Michael Mansfield
Crédits : Brian O’Neill
Les assiettes française avaient beau recevoir 12 % de viande en moins en 2016 qu’en 2007, selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), les végétariens ne représentent que 2 % de la population. La tendance est à la baisse ailleurs en Europe. Une étude publiée par la revue Nature en 2018 affirme que les habitants des pays occidentaux doivent réduire de 90 % leur consommation de viande au profit des fruits et des légumineuses de manière à de minimiser l’impact de l’alimentation humaine sur l’environnement. « Un régime végétarien est la meilleure façon de réduire votre impact sur la planète », observe un des chercheurs impliqués, Joseph Poore.
Encore faut-il le pouvoir. Atteinte par les symptômes de l’arthrite auto-immune dès l’âge de 2 ans, l’Américaine Mikhaila Peterson a tout essayé pour se soigner. Après avoir eu les chevilles et les hanches remplacées à 17 ans et avoir essayé une tonne de médicaments, elle a décidé d’éliminer des aliments. Peu à peu, elle s’est rendue compte que seule la viande ne provoquait pas d’éruptions cutanées. Elles a donc adopté un régime uniquement carné qui, malgré son manque de diversité, réglait bien ses problèmes.
« J’ai une théorie », sourit-elle. « Dans le corps, les plantes libèrent des protéines qui peuvent traverser l’intestin de certaines personnes et passer dans le sang. C’est ce qui entraîne des réactions inflammatoires. » Ces protéines seraient aussi responsables des intolérances au gluten. Et Mikhaila Peterson y est visiblement si sensible qu’elle a dû se contenter de viande, où elles ont déjà été digérées par un animal. Cela dit, le « régime du lion » adopté par la jeune femme risque d’entraîner des graves désordres sur le long terme.
Mikhaila Peterson
« Physiologiquement, c’est une très mauvaise idée », affirme le spécialiste de l’écologie microbienne américain Jack Gilbert. « Vos cellules risquent de manquer d’acides gras, vous pouvez avoir des problèmes cardiaques et tout votre microbiote sera dévasté. » Les apports en protéines, glucides et les graisses contenus par la viande peuvent en revanche être trouvés dans les végétaux. Sauf cas extrême, comme celui de Mikhaila Peterson, il vaut donc mieux manger de tout, sauf de la viande, que le contraire.
« On sait se nourrir autrement », défend Brigitte Gothière. Une telle conversion peut passer par l’émotion ressentie devant des vidéos comme celle du domaine de la Peyrouse, mais « cette émotion nous guide dans notre raisonnement car il y a quelque chose d’injuste dans le fait de manger des animaux », ajoute-t-elle. « Nous ne sommes pas en situation de survie mais nous faisons passer notre envie de manger un steak avant la nécessité de ne pas infliger de souffrance à un animal. »
Une interdiction de la viande porte toutefois le risque de « provoquer une réaction défensive qui aliénerait à la cause des gens qui pourraient être convaincus que nous devons faire quelque chose contre le dérèglement climatique », considère Lorraine Withmarsh, professeure de psychologie environnementale à l’université de Cardiff. S’il y a donc quelque chose à bannir, c’est le modèle agricole qui engendre le plus de souffrance animale et les plus grands dégâts sur la planète. Et les consciences suivront.
Couverture : Stijn te Strake
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18.01.2021 à 00:10
Servan Le Janne
C’est une légende vieille comme Hérode. « Je détesterais mourir deux fois, c’est si ennuyeux », aurait soufflé le prix Nobel de physique Richard Feynmann, sur son lit de mort, en 1988. À l’époque, María Blasco venait d’obtenir son diplôme de biologie à l’Université autonome de Madrid. Quittant le « désert scientifique » espagnol pour continuer ses recherches […]
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C’est une légende vieille comme Hérode. « Je détesterais mourir deux fois, c’est si ennuyeux », aurait soufflé le prix Nobel de physique Richard Feynmann, sur son lit de mort, en 1988. À l’époque, María Blasco venait d’obtenir son diplôme de biologie à l’Université autonome de Madrid. Quittant le « désert scientifique » espagnol pour continuer ses recherches sur le vieillissement aux États-Unis, elle y a trouvé une philosophie. « Je suis d’accord avec Feynman quand il disait que nous ne sommes qu’au tout début de l’histoire de la race humaine », glisse-t-elle aujourd’hui dans son laboratoire, situé derrière la façade en verre du Centre national de recherches oncologiques de Madrid (CNIO).
Si la complexité de la vie n’est pour le moment pas à la portée de ses microscopes, « le jour où nous saurons tout arrivera », assure-t-elle, « et nous serons capable de soigner toutes les maladies, de les prévenir et de vivre bien plus qu’aujourd’hui. » En 2016, la scientifique a publié le livre Mourir jeune à 140 ans. Elle estime aujourd’hui que cet horizon est bien modeste : « La biologie moléculaire n’a commencé qu’à la fin des années 1950. Cela ne fait pas un siècle et nous avons déjà fait des pas de géant. Nous ne pouvons pas imaginer à quoi ressemblera l’humanité quand nous saurons tout. »
María Blasco
Crédits : Poweraxle
María Blasco en sait déjà un peu plus que le commun des mortels. Avec deux collègues du CNIO, Miguel Muñoz-Lorente et Alba Cano-Martin, elle vient de présenter les résultats d’une expérience saisissante. Dans un numéro de la revue Nature Communications paru le 17 octobre 2019, les trois chercheurs expliquent avoir développé des souris qui vivent en moyenne 24 % plus vieilles que les autres. Elles présentaient qui plus est « moins de signes de vieillissement métabolique ».
À partir de travaux antérieurs, l’équipe de Blasco est parvenue à allonger les télomères des rongeurs. Ces morceaux d’ADN placés à l’extrémité des chromosomes, deviennent de plus en plus courts à mesure que les cellules se divisent et se dégradent. Ils ont donc un lien avec le vieillissement. D’autres scientifiques l’avaient déjà montré en renforçant des télomères grâce à une enzyme, la télomérase. Mais cette fois, aucune modification du génome n’a été nécessaire. Des cellules pluripotentes ont été cultivées in vitro pour favoriser la division cellulaire et ainsi allonger les télomères. Elles ont ensuite donné naissance à des souris. « Il y a une chance d’allonger la vie sans altération des gênes », se réjouit María Blasco. La nouvelle arrive trop tard pour Richard Feynmann mais elle va réjouir un autre Américain, Dave Asprey.
Sur l’île de Vancouver, au sud-ouest du Canada, une maison forestière en tôle verte et grise, prolongée par une terrasse en bois, se cache parmi les sapins. Le chemin bordé de lavande fleure bon les vacances ou la retraite spirituelle. On croirait que le temps s’est arrêté. C’est justement ce que souhaite son propriétaire. « Mon but est de vivre jusqu’à 180 ans », lâche d’emblée Dave Asprey, qui n’en a encore que 45. Avec ses lunettes jaunes et sa mèche grisonnante, cet Américain n’a pas l’air plus extraverti que les artistes qui vivent dans le coin. Mais il ne vit pas dans un atelier ou une galerie. « Attention : tout ce qui se trouve dans ce labo peut vous tuer », est-il écrit sur la porte. Et Asprey est prêt à mourir pour réaliser son rêve.
Derrière la porte, au rez-de-chaussée, le parquet est recouvert de machines futuristes. Il y a un grand tube argenté à taille humaine pour la cryothérapie, censée soigner le corps par le froid. À ses côtés, pareil à une cabine de bronzage, un caisson blanc sert à réparer les cellules grâce à la projection de lumières rouges. Pour « activer différentes parties de leur cerveau », les patients peuvent entrer dans une chambre qui, tournant sur elle-même, fait penser à ces simulateurs vidéo qu’on trouve dans les parcs d’attraction. Enfin, une sorte de cabine de pilotage clouée au sol augmente la pression atmosphérique sur demande.
Crédits : Bulletproof
À la sortie de ces appareils, Dave Asprey gobe l’un des 100 suppléments alimentaires qu’il prend chaque jour. Rien ne l’arrête. Chaque mois, il fréquente une clinique de Park City, dans l’Utah, pour qu’un chirurgien prélève un demi-litre de moelle osseuse sur ses hanches. Les cellules souches qui s’y trouvent sont ensuite filtrées pour être réinjectées au niveau de la moelle épinière et du cerveau. À sa demande, les médecins en introduisent aussi dans son cuir chevelu afin d’éviter la calvitie, dans son visage pour lisser les rides et même au niveau de ses organes sexuels, dont la vigueur doit être renforcée. L’efficacité du procédé n’est pas encore prouvée scientifiquement. Mais Dave Asprey a déjà sorti plus d’un million de dollars de sa poche pour soigner son organisme. Et il est prêt à en dépenser beaucoup d’autres.
Aux États-Unis, et notamment en Californie, de plus en plus de cliniques proposent des thérapies de ce type. Partant du principe que les cellules souches que l’on trouve dans l’embryon, le fœtus et le moelle osseuse sont capables de se renouveler, elles promettent de retarder le vieillissement. « C’est une capacité de régénération que l’on possède en étant jeune mais qui se perd ensuite », précise Julien Cherfils, chercheur à l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement (IRCAN). Plus l’âge d’une personne est avancée, moins ses tissus se réparent correctement en cas de lésion. Sauf à administrer des cellules souches : leur activité a déjà permis de restaurer du cartilage. Et elles sont aussi utilisées afin de régénérer le système immunitaire des patients atteints de leucémie.
Mais le vieillissement, tempère Julien Cherfils, « n’est pas qu’un processus cellulaire ». Dave Asprey ne parie d’ailleurs pas seulement sur les cellules souches. Il est prêt à expérimenter à peu près tout ce qui a une chance de fonctionner. Sur son blog, il donne d’ailleurs des moyens simples pour protéger ses télomères : méditer, limiter les contacts avec un environnement pollué, faire de l’exercice et adopter un régime sain. Il conseille aussi de consommer du TA-65, une enzyme censée renforcer les extrémités des chromosomes. Il faut toutefois payer 600 dollars pour une cure de trois mois, dont l’efficacité est sujette à caution.
Ce « biohacker » né au Nouveau-Mexique en a les moyens. Après avoir amassé un peu d’argent dans la Silicon Valley, il a monté un empire dans la santé : sa société de compléments alimentaires Bulletproof Nutrition Inc., qui a levé neuf millions de dollars, est complétée par un podcast, Bulletproof Radio, et cinq livres sur l’optimisation de soi.
Crédits : Bulletproof
Au rez-de-chaussée de la maison de Vancouver, dans la salle où Dave Asprey prépare son corps à vivre 180 ans, le logo de Bulletproof Nutrition Inc. est partout. On retrouve le colibri orange jusque dans la cuisine, sur un appareil bien moins impressionnant : une machine à café. Ce grand brun au nez aquilin et aux joues creusées par des fossettes a commencé son aventure dans l’univers du biohacking en lançant le Bulletproof Coffee en 2014, comme d’autres commencent leur journée par un expresso. La recette qu’il a partagée pour la première fois en 2009 est simple : il suffit de verser du café dans un mixeur avec du beurre et de mélanger le tout. « De petites gouttes de graisse suspendues dans du liquide changent la façon avec laquelle votre corps reçoit l’eau », assure-t-il. « Si vous mangez du beurre et buvez du café à côté, ce n’est pas la même chose. »
La boisson a « un énorme effet sur votre énergie et vos fonctions cognitives », promet le site. « Bulletproof Coffee a aidé beaucoup de monde, que ce soient des PDG ou des athlètes professionnels en passant par des parents débordés, à faire plus de choses satisfaisantes. » Kourtney Kardashian et Jimmy Fallon ont bu quelques-unes des 150 millions de tasses servies d’après l’entrepreneur. Le second en a même parlé comme d’une boisson « délicieuse », « bonne pour vous et votre cerveau ». Aucune étude scientifique n’en prouve pourtant les vertus. Au contraire, toutes les analyses sérieuses du cocktail en pointent l’inanité.
Mais voilà, Dave Asprey sait monnayer le café depuis longtemps. Au lycée, sur son ordinateur, il écoulait des t-shirts ornés de l’inscription « la caféine est ma drogue ». Non seulement il se considère comme « le premier à vendre tout et n’importe quoi sur Internet » mais, à l’entendre, les ingénieurs ont reçu ses enseignements pour tisser la Toile quand il était professeur à l’université de Californie à Santa Cruz. En bon initiateur de la Silicon Valley, il travaillait pour l’entreprise qui hébergeait le premier serveur de Google d’un côté, et prenait de l’ayahuasca de l’autre. Cette quête de soi masquait mal ses problèmes : on lui a tour à tour diagnostiqué un syndrome d’Asperger, des désordres de l’attention, des troubles obsessionnels compulsifs, de l’arthrite, une fibromyalgie, la maladie de Hashimoto et une maladie de Lyme chronique. Pour ne rien arranger, son poids a atteint jusqu’à 130 kilos.
Crédits : Bulletproof
Pour le réduire, les méthodes classiques ne fonctionnaient guère. Il avait beau faire du sport pendant 90 minutes et se serrer la ceinture, sa silhouette bougeait à peine. « J’étais probablement en mauvaise santé et plus fort, il n’y avait que deux machines que je ne poussais pas à fond à la salle de gym mais je pesais toujours autant », souffle-t-il. Exaspéré par cette discipline stérile, l’informaticien s’est mis à expérimenter sur son corps, dont certains gènes sont ceux « d’inventeurs », explique-t-il en faisant référence à sa grand-mère ingénieure nucléaire. « J’ai aussi de la famille de Roswell, donc il y a de l’extraterrestre et des radiations en moi », plaisante-t-il. Délesté de 22 kilos grâce à un régime à faible teneur en glucide, Asprey a mis toute son attention sur ce que son corps ingère.
Pendant des soirs entiers, après le travail, il s’est documenté sur les médicaments bénéfiques à son organisme. Fort de ces connaissances, il a commencé à fréquenter le Silicon Valley Health Institute et à partager des conseils sur Internet. Dans le milieu de la tech, où la compétition est féroce, d’autres ont commencé à appliquer la logique d’optimisation propres aux start-ups à leur personne, en mesurant scrupuleusement leur alimentation, en se mettant au sport ou en tablant sur la méditation pour améliorer leur forme et, partant, leur productivité. Ce n’est ainsi pas un hasard si le fonds d’investissement Trinity Ventures a investi neuf millions de dollars dans Bulletproof en 2015.
Sur le balcon en bois de sa maison de Vancouver, Dave Asprey agite les bras et parle avec emphase. « Il n’est pas juste que seules les célébrités, les forces spéciales ou d’autres rares personnes aient accès à cette technologie », se lamente-t-il en prenant les accents Démocrates qu’on connaît aux grandes fortunes de la tech. « Cela devrait être – et cela sera disponible pour tout le monde », jure-t-il, comme s’il était à la tête d’une ONG. Pour cela, l’entrepreneur n’espère rien de moins qu’un détricotage en règle de la législation sur la santé. Celle-ci « nous a conduits à la pyramide alimentaire qui entraîne des maladies du cœur, des cancers et du diabète chez un nombre de personnes inégalé », juge-t-il. « Notre système médical est lent à innover, c’est inhumain de dire à quelqu’un qu’il ne peut pas ingérer ce qu’il veut. C’est un droit humain basique. Je ne veux pas gaspiller 150 dollars et une heure de ma vie pour obtenir la permission de prendre une substance. »
Sa femme, docteure, n’est pas d’accord. Peut-être est-elle légèrement effrayée par ses expériences. Ayant appris que l’exposition au froid augmentait la résilience, Asprey a un jour fait la sieste au milieu de blocs de glace. Il s’est réveillé avec une brûlure au troisième degré. Une autre fois, il s’est exposé à de la lumière infrarouge dans l’espoir que cela améliore sa faculté d’apprentissage. Au lieu de quoi il a bégayé pendant plusieurs heures. Les résultats du Bulletproof Coffee sont aussi loin d’être univoques. Tandis que certains internautes se réjouissent d’avoir perdu du poids en en buvant, quantité de consommateurs ont vu leur niveau de cholestérol grimper dangereusement. Selon lui, l’huile d’olive est à proscrire, de même que le kale et les légumineuses présentent des risques d’inflammation. Autant dire que les diététiciens le détestent.
Crédits : Bulletproof
« Cela suit le même schéma que les autres régimes à la mode », peste une spécialiste, Abby Langer. « La situation est simplifiée pour promettre une expérience extraordinaire et une perte de poids irréaliste. Cela fonctionne grâce à la psychologie : les gens aiment sentir qu’ils font partie d’un groupe qui a accès à une connaissance secrète. » Les compléments alimentaires recommandés par Asprey pour améliorer le fonctionnement du cerveau n’ont pas davantage fait leur preuve en laboratoire. « L’amélioration cognitive est un jeu à somme nulle », professe le neurologue Murali Doraiswamy. « Quand vous améliorez une fonction, cela se fait en général aux dépens d’une autre. » Dans son empressement à s’appliquer des expériences scientifiques dont l’efficacité n’est pas même démontrée sur des rats, l’Américain ne fait toutefois pas complètement n’importe quoi.
Les travaux sur les cellules souches dont il s’inspire sont prometteurs. Pour avoir transformé une cellule adulte en cellule souche présentant les qualités de celles trouvées dans l’embryon, le Japonais Shinya Yamanaka a reçu le prix Nobel de médecine en 2012. L’année précédente, le chercheur français Jean-Marc Lemaître parvenait avec ses collègues de l’Institut de génomique fonctionnelle (Inserm, CNRS, université de Montpellier) à rajeunir des cellules de donneurs âgés in vitro. Quatre ans plus tard, des scientifiques du Salk Institute of Biological Studies de San Diego ont révèlé avoir augmenté l’espérance de vie de souris de 18 à 27 semaines grâce à cette méthode. L’année suivante, l’Allemand Hartmut Geiger et ses collègues ont employé une protéine pour que les cellules souches âgées de rongeurs produisent autant de globules blancs que des jeunes. Ils espèrent que cela pourra servir à soigner des personnes atteintes de cancers du sang.
« À mon avis, les méthodes à base de cellules souches présentent surtout un intérêt pour les thérapies », observe Julien Cherfils. « On sait qu’elles peuvent aider dans le cadre du traitement de l’arthrose et pour d’autres pathologies, sous certaines conditions, mais il est impossible de généraliser. » Le chercheur suggère donc de trouver des moyens de bien vieillir en prévenant ou en traitant les maladies associées à l’âge plutôt que de viser 180 ans. Mais que leurs visées soient curatives ou non, les recherches alimentent toujours l’espoir de Dave Asprey et de quelques autres. En 2016, l’Américaine Elizabeth Parrish a affirmé avoir rajeuni ses cellules en trouvant un moyen d’en rallonger les télomères, ces morceaux d’ADN dont la taille diminue à chaque division cellulaire. Elle aurait ainsi gagné 20 ans
Parrish s’est appliquée deux thérapies géniques expérimentales à base de télomérase. Cette enzyme qui aurait la propriété de renforcer les télomères a été découverte en 1984 par les Américaines Elizabeth Blackburn et Carol Greider. « Est-ce que nos recherches montrent qu’en maintenant vos télomères vous vivrez des centaines d’années ? » écrit la première dans le livre The Telomere Effect, publié en 2017. « Non, les cellules vieillissent et vous finissez par mourir. » Quant à la deuxième, elle a dirigé les recherches de María Blasco à son arrivée aux États-Unis, au Cold Spring Harbor Laboratory.
La méthode de Parrish présente un risque de cancer, pointe Julien Cherfils. D’ailleurs, un conseiller de l’entreprise de biotechnologies de la quadragénaire, BioViva, s’est dit « très inquiet ». Il « incite vivement à réaliser des études pré-cliniques. » L’expérience menée par María Blasco et ses collègues est moins dangereuse car elle ne passe pas par des modifications génétiques. Mais rien ne prouve pour le moment qu’elle est transposable à l’homme. Dave Asprey est prévenu.
Couverture : Dave Asprey. (Bulletproof Labs)
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15.01.2021 à 01:56
Arthur Scheuer
« Nous aimons vraiment les films », plaide Ryan Reynolds. « On adore ça, mais ce qu’on aime encore plus, c’est faire des films pour les fans [de cinéma ?] que vous êtes », renchérit Dwayne Johnson. Les deux stars hollywoodiennes font partie de la horde d’acteurs.trices et réalisateurs.trices qui vont rejoindre l’écurie Netflix en […]
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« Nous aimons vraiment les films », plaide Ryan Reynolds. « On adore ça, mais ce qu’on aime encore plus, c’est faire des films pour les fans [de cinéma ?] que vous êtes », renchérit Dwayne Johnson. Les deux stars hollywoodiennes font partie de la horde d’acteurs.trices et réalisateurs.trices qui vont rejoindre l’écurie Netflix en 2021. Le 12 janvier, la reine des plateformes de streaming a annoncé la sortie de 71 films dans l’année, à raison d’un nouveau long-métrage par semaine.
À la faveur de la pandémie, en réponse à la multiplication des plateformes et dans l’espoir de conserver son avance sur le géant Disney+, Netflix n’a jamais autant déployé d’efforts pour se faire accepter de l’industrie cinématographique. Le chemin est long, difficile, et il reste encore bien des obstacles à surmonter pour que les studios, le public et la critique lui reconnaissent sa légitimité. Un combat qui sera peut-être gagné en 2021, ou pas.
La tapis rouge va être foulé par les plus grands noms du cinéma, la 91e cérémonie des Oscars va commencer sur les notes d’un medley de Queen, et Steven Spielberg n’a qu’un titre à la bouche : Green Book. C’est dans une véritable campagne en faveur du film de Peter Farrelly que se lance le réalisateur, auprès des 6 000 membres de l’Académie des arts et sciences du cinéma. S’il a probablement succombé au charme de cet Americana moderne, Steven Spielberg a une idée bien précise derrière la tête lorsqu’il vante ainsi les mérites de Green Book.
Crédits : Oscars
Pour le cinéaste, voter en faveur du film distribué par Universal Pictures revient surtout à voter contre Roma, le film d’Alfonso Cuarón distribué par Netflix. Car s’il y a bien un invité qui n’a selon lui pas sa place aux Oscars, c’est la plateforme de streaming, et donc son contenu. Pourtant favori pour recevoir la statuette du meilleur film, Roma s’incline effectivement face à Green Book, mais repart tout de même avec trois Oscars. Netflix n’a pas tout perdu, et cette conclusion semble insoutenable pour Spielberg, qui n’attend que quelques heures après la fin de la cérémonie pour déclarer la guerre à la plateforme.
Non content de la victoire de son protégé, Steven Spielberg s’engage ainsi fin février à évincer Netflix de toutes les cérémonies des Oscars à venir. Le réalisateur est en en effet « persuadé qu’il y a une différence entre la diffusion en streaming et la diffusion au cinéma », comme le rapporte un porte-parole d’Amblin, la société de production du cinéaste. « Il serait heureux que les autres membres du comité de l’Académie rejoigne sa campagne [contre Netflix] », précise-t-il.
Du côté de l’Académie, on confirme qu’une « discussion sur les règles d’attribution des Oscars est en cours et que le comité abordera la question lors de la réunion du mois d’avril ». Prudent sur sa stratégie de communication, Netflix ne répond à ces attaques qu’à travers un tweet, n’ayant besoin de citer personne pour se faire comprendre. « Nous aimons le cinéma. Voilà d’autres choses que nous aimons : en offrir l’accès à ceux qui ne peuvent pas toujours se permettre d’y aller, ou qui vivent dans des villes non équipées. Laisser absolument tout le monde profiter des nouvelles sorties au même moment. Donner plus de moyens aux cinéastes pour partager leur art », rétorque la plateforme le 4 mars 2019.
Concrètement, Steven Spielberg et les studios de cinéma traditionnels ont une longue liste de reproches à faire à Netflix. Le site de streaming aurait ainsi dépensé un budget faramineux dans sa campagne pour les Oscars, estimé à 50 millions de dollars, quand Green Book se serait contenté d’une somme estimée entre 5 et 25 millions. L’un des autres principaux reproches faits aux films de la plateforme est leur faible, voire inexistante, diffusion dans les salles de cinéma. Netflix ne fait pas non plus état de son « box office », et les films sont bien sûr accessibles aux 137 millions d’abonnés à tout moment. Autant d’implications qui sont synonymes de concurrence déloyale pour certains observateurs, et qui déséquilibrent le poids des films dans la course aux récompenses.
Pour d’autres, ces arguments sont infondés et frisent même l’hypocrisie, quand on sait que Jurassic Park, signé Steven Spielberg, est présent dans le catalogue Netflix depuis le 1er mars 2019, comme d’autres de ses films avant. Les chiffres du box office n’ont par ailleurs aucun impact sur les qualifications des films aux Oscars et, chaque année, des longs-métrages n’ayant bénéficié que d’une seule semaine de diffusion cinématographique sont nommés par l’Académie. Avec le développement des plateformes de streaming telles qu’Amazon Prime Video, Hulu et prochainement Disney +, certains affirment donc que ce n’est pas à ces nouveaux acteurs de s’adapter à une industrie cinématographique à la traîne, mais bien aux studios et distributeurs de se réinventer pour continuer d’exister… et pourquoi pas de les concurrencer.
Las de voir le monopole de Netflix s’affirmer, Disney et AT&T (le propriétaire de chaînes câblées et du studio WarnerMedia, auquel est rattaché HBO) ont annoncé leur arrivée sur le marché du streaming. Des démarrages tardifs, mais qui pourraient bien poursuivre la mue de l’industrie du cinéma. Les studios commencent ainsi doucement à vouloir récupérer leurs contenus, obligeant Netflix à trouver une parade à l’amaigrissement inéluctable de son catalogue. La volonté du site de produire plus de films et de séries apparaît dès lors comme un moyen de palier cette désaffection. Début 2019, la plateforme annonçait la production de 90 films dans l’année, avec un budget total de huit milliards de dollars. Un moyen d’assurer le renouvellement constant de son catalogue, mais aussi d’attirer de grands noms du cinéma, en mettant l’accent sur une liberté de création qu’ils ne trouveraient plus au sein des studios traditionnels.
Dans les bureaux de Netflix
Crédits : Netflix
À l’ère du binge-watching sur smartphone, où l’on n’attend plus d’être installé dans les fauteuils des salles obscures pour regarder un film, Netflix dépasse de loin les capacités de production des studios historiques tels que Warner, Disney ou la Twentieth Century Fox. Quand la plateforme de streaming annonce 90 films, Disney n’en promet que 10 et Warner 23 en 2019. Est-ce à dire qu’elle privilégie la quantité à la qualité ? Contre cette idée, le site de streaming promet au moins 20 longs-métrages « premium », avec Martin Scorsese, Steven Soderbergh, Noah Baumbach ou encore Guillermo del Toro derrière la caméra. Avec en plus 35 films de genre et 35 documentaires et films d’animation, Netflix place ses pions, produit des contenus variés, et satisfait une audience toujours plus large, « des plus petits aux grands-parents », quand les grands studios peinent parfois à financer un nombre annuel de productions bien inférieur.
« Quel grand studio aurait produit un film comme Okja, de Bong Joon-ho, qui met en scène un super-cochon et une petite-fille, avec un budget de 50 millions de dollars ? Aucun. Eux ne se préoccupent que du fait de ne pas perdre d’argent. Pas nous », affirme ainsi Ted Sarandos, responsable du contenu chez Netflix. Un argument validé par Martin Scorsese, qui a pu mettre en scène The Irishman, avec Robert DeNiro, grâce à la plateforme de streaming. « Le cinéma des 100 dernières années a disparu. Netflix sait prendre des risques et The Irishman est un film risqué. Pendant cinq ou sept ans, personne n’a voulu le financer… et on se fait tous vieux ! Netflix a pris le risque », déclarait ainsi Martin Scorsese au festival international du film de Marrakech en 2018, alors que Paramount Pictures s’était retiré du projet un an plus tôt.
Soutenir un film tel que Roma était ainsi pour l’entreprise de Los Gatos l’occasion de s’offrir un carton d’invitation au sein des meilleurs festivals de cinéma internationaux. Maintenant que l’œuvre d’Alfonso Cuarón a raflé trois Oscars et deux Golden Globes à Los Angeles, quatre BAFTA à Londres, un Goya en Espagne, le Lion d’Or à la Mostra de Venise, Netflix a réussi un coup qui lui permet presque de faire l’unanimité… sauf en France, où le différend qui oppose le Festival de Cannes à Roma est loin d’être artistique, mais bien économique.
L’exception française est intenable pour Netflix.
Ce récent succès a donné le signe que le site de streaming pouvait aussi soutenir un cinéma d’auteur ambitieux. Une vision que partage naturellement Cannes. Mais le festival est une institution historique qui entretient des liens plus qu’étroits avec les exploitants français. Mécontents de l’épisode cannois de 2017, les distributeurs français ont fait pression pour que l’expérience Okja et The Meyerowitz Stories ne se renouvelle pas en 2018. En compétition officielle, les deux films ne sont jamais sortis en salles, Netflix faisant fi de la réglementation française, et plaçant Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, dans une position extrêmement délicate. « J’ai été lourdement critiqué. J’ai failli perdre mon poste. C’était très violent », confiait-il en avril 2018, alors que la sélection officielle des films en compétition vinait d’être dévoilée, et ne faisait état d’aucun film Netflix.
Cette année-là, suite au scandale de 2017, le Festival de Cannes réclame que les studios dont les longs-métrages sont en compétition s’engagent formellement à les sortir dans les salles françaises. Une prérogative sur laquelle Netflix aurait pu céder, si elle n’impliquait pas un délai de carence de trois ans avant que les films ne puissent être diffusés sur une quelconque plateforme de vidéo à la demande, selon la chronologie des médias française. « Ils auraient pu dire : “Pas de problème, nous allons faire une exception pour le film d’Alfonso Cuarón et accepter qu’il sorte en France.” J’aurais adoré ça, et je continue à les supplier pour qu’ils le fassent. Ils seraient passés pour des héros », déplore Thierry Frémaux, bien qu’il qualifie d’ « absurde » la réglementation sur les trois ans de délai. « D’un point de vue personnel, je pense qu’il est temps de changer cela », précise-t-il.
L’exception française est intenable pour Netflix, qui ne peut se permettre de bouleverser son modèle économique en privant ses abonnés de son propre contenu. « Le Festival de Cannes a choisi de célébrer la distribution plutôt que l’art cinématographique. Nous sommes à 100 % en faveur de l’art cinématographique, comme tous les autres festivals du monde. Nous espérons qu’il va se moderniser, mais s’il choisit de rester coincé dans l’histoire du cinéma, tant pis », lâche alors, cinglant, Ted Sarandos.
OKJA, de Bong Joon-ho, premier long-métrage ambitieux de la plateforme
Si les discussions entre la plateforme et le festival sont toujours en cours, une entente parfaite sera probablement difficile à établir pour l’édition 2019, qui se déroulera du 14 au 25 mai prochains. Le Festival de Cannes pourrait exiger de Netflix qu’il ne sorte en salles que les films récompensés, ou présenter les œuvres telles que The Irishman hors-compétition, puisque la règle de la distribution en salles ne s’impose pas pour cette catégorie.
« J’aime beaucoup Ted Sarandos. Un jour, nous serons de nouveau ensemble sur le tapis rouge. Beaucoup de choses vont changer », promettait Thierry Frémaux à l’aube de l’édition 2018 du festival.
Couverture : Netflix.
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14.01.2021 à 01:00
Servan Le Janne
La ville du futur verra le jour en Arabie saoudite. C’est l’engagement qu’a pris le prince Mohammed ben Salmane en annonçant la construction imminente de The Line, une ville inédite qui s’étendra sur une ligne droite de 170 km, sans rues ni voitures, et sans émissions. Pour l’économiste saoudien Mazen Al-Sudairi, « c’est une nouvelle […]
L’article Voici comment le prince héritier d’Arabie saoudite change radicalement le royaume est apparu en premier sur Ulyces.
La ville du futur verra le jour en Arabie saoudite. C’est l’engagement qu’a pris le prince Mohammed ben Salmane en annonçant la construction imminente de The Line, une ville inédite qui s’étendra sur une ligne droite de 170 km, sans rues ni voitures, et sans émissions. Pour l’économiste saoudien Mazen Al-Sudairi, « c’est une nouvelle ère de civilisation, un nouveau modèle pour une ville propre, convenable et sans carbone ».
The Line n’est que le dernier d’une longue série de projets innovants et d’apparentes transformations apportées au royaume par le prince héritier, depuis son arrivée au pouvoir en 2017.
The Line
Il y a des hommages dont on se passerait volontiers. Sous son foulard blanc tacheté de rouge, Mohammed ben Nayef dissimule mal la peine qu’il a, ce mercredi 22 juin 2017, à recevoir le baisemain de Mohammed ben Salmane. Par cette révérence, la couronne d’Arabie saoudite qui était promise au premier passe sur la tête de son jeune cousin, elle aussi coiffée par la traditionnelle shemagh. Le désaveu porte les habits du respect. Après deux ans et demi de règne, le roi a décidé d’écarter son neveu au profit de son fils. Malade, l’octogénaire remet les clés du royaume entre les mains d’un homme de 32 ans. Présenté comme quelqu’un de fougueux, sinon d’impétueux, le nouveau prince héritier compte bien régner sans partage.
Près de trois ans plus tard, le 7 mars 2020, le New York Times et le Wall Street Journal annoncent l’arrestation de plusieurs membres de la famille royale. Jusqu’ici placé en résidence surveillée, Mohammed ben Nayef est désormais en détention aux côtés du prince Ahmed ben Abdulaziz al Saud, qui est aussi le frère du roi Salmane. Selon une source citée par CNN, ils ont rejoint le fils du roi, Turki bin Abdullah, en prison. Autant dire que Mohammed ben Salmane (MBS) a fait le ménage autour de lui.
En novembre 2017, MBS avait fait arrêter quatre ministres, dix anciens membres du gouvernement et au moins onze princes dont Turki bin Abdullah et le milliardaire Al-Walid ben Talal, un des hommes les plus puissants du royaume. Pour assurer le succès de cette opération menée par le nouveau comité anti-corruption, le Ritz Carlton – où la famille royale à ses habitudes – a été évacué et l’aéroport privé fermé.
Plus jeune prince à diriger le pays depuis sa fondation en 1932, Mohammed ben Salmane est un « homme pressé », juge la journaliste Clarence Rodriguez. Il « ne semble pas manifester un respect excessif pour les personnages âgées de la famille », juge son confrère Olivier Da Lage. Porteur d’un projet économique libéral et ambitieux, Visions 2030, il montre un visage offensif sur la scène internationale et autoritaire en interne. Après avoir annoncé la délivrance de visas de tourisme et un assouplissement du code vestimentaire en septembre 2019, MBS a levé l’interdiction de la Saint-Valentin en février dernier. Et en pleine épidémie de coronavirus (Covid-19), il a décidé de baisser les prix du pétrole national, ce qui n’a fait qu’approfondir la déstabilisation de l’économie mondiale.
Pour ce pays ultra-conservateur, sa nomination était bien plus qu’une révolution de palais.
Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, suivi du prince Mohammed ben Salmane
Crédits : vision2030.gov.sa
Le long des autoroutes qui traversent le désert saoudien, la même pancarte revient de loin en loin. « Remercie Dieu », est-il écrit entre Médine et La Mecque, les deux villes saintes de l’islam, et jusqu’à la capitale, Riyad. Depuis l’unification des tribus de la péninsule sous le sabre de la famille Al Saoud, en 1934, chaque cérémonie de succession offre l’occasion de renouveler le pacte entre les pouvoirs politique et religieux, forgé par le fondateur de la dynastie, Mohammed Ibn Saoud, à la fin du XVIIIe siècle. La dernière intronisation ne fait pas exception.
Lors de son arrivée sur le trône, le roi Salmane s’est posé en garant de la pérennité du régime. « Nous resterons, avec la force de Dieu, sur le chemin droit que cet État a suivi depuis sa création par le souverain Abdel Aziz ben Saoud et par ses fils après lui », déclare le sixième de la lignée à la mort de son frère, Abdallah, en janvier 2015. À peine trois mois plus tard, il renverse pourtant l’ordre de succession en privant son demi-frère, Moukrine, du statut de prince héritier au profit de son neveu, le ministre de l’Intérieur Mohammed ben Nayef (MBN).
Nommé ministre de la Défense, son fils, Mohammed ben Salmane (MBS), arrive en deuxième place. MBS « est l’homme de confiance de son père », remarque le journaliste de RFI Olivier Da Lage, auteur du livre Géopolitique de l’Arabie saoudite. « Quand il était gouverneur de Riyad (de 1955 à 1960 et de 1963 à 2011) puis lorsqu’il est devenu ministre de la Défense (2011-2015) et enfin prince héritier (2012-2015), Salmane a nommé son fils chef de cabinet. » Une fois au pouvoir, il en fait un ministre de la Défense aux attributions élargies. À ce poste, le jeune homme engage l’armée saoudienne au Yémen afin de contrer la rébellion houthiste qui s’y déploie avec l’aide de l’Iran. Cette opération, « Tempête décisive », coalise l’Égypte, la Jordanie, le Soudan, le Maroc et les membres du Conseil de coopération du Golfe (Oman excepté).
Mohammed ben Nayef
Alors encore numéro 2 et prince héritier, le « Monsieur sécurité » du royaume donne son accord à l’intervention. Fils d’un ancien ministre de l’Intérieur, MBN lui a succédé en 2012, après des formations auprès du FBI et de Scotland Yard. Réputé pour sa participation au démantèlement de groupes terroristes et sa politique de réinsertion de djihadistes, il est aussi connu pour son travail de sape de l’opposition. En 2011, « Ben Nayef est intervenu pour éviter que le Printemps arabe ne souffle en Arabie saoudite », résume Clarence Rodriguez, journaliste française qui a passé 12 ans dans le pays, auteure du livre Révolution sous le voile.
Il apporte aussi tout son soutien à la répression meurtrière employée par le gouvernement du Bahreïn contre les contestataires. Depuis, le blogueur Raif Badawi croupit en prison, de même qu’Ali Mohammed al-Nimr, condamné à mort pour avoir participé à des manifestations dans l’est du pays. Son oncle, le clerc chiite Nimr Baqr al-Nimr passe par l’épée en janvier 2016. En réaction, l’ambassade d’Arabie saoudite en Iran est incendiée, ce qui entraîne la rupture des relations diplomatiques entre les deux États. « Comment avoir un dialogue avec un régime basé sur une idéologie extrémiste ? » se défend MBS, en qualité de ministre de la Défense du si modéré royaume wahhabite…
Ce conflit ouvert n’arrange rien. Pour ne pas céder des parts de marché à son rival, Riyad maintient le volume de sa production de pétrole, ce qui a pour effet d’entraîner le prix du baril au-dessous des 35 dollars. Une situation difficilement tenable puisque plus de 70 % des revenus proviennent de l’or noir. En avril, Ben Salmane présente son projet « Visions 2030 » pour diversifier et réformer l’économie saoudienne sur un modèle « thatchérien ». L’annonce crée quelques remous dans un pays où 3 des 5,5 millions d’employés seraient fonctionnaires.
Crédits : CEDA
L’Arabie saoudite est construite sur des sables mouvants. Garantes de sa prospérité, les énormes réserves de pétrole découvertes dans les années 1930 ont une valeur qui fluctue en fonction des prix du marché. Voilà bientôt trois ans qu’ils sont bas. Mais l’érosion de cette manne essentielle au fonctionnement de l’État est surtout due à une lame de fond : la croissance démographique. Alors qu’il n’utilisait que 5 % de sa production dans les années 1970, le pays en consommait 25 % en 2012. En seulement cinq ans, de 2008 à 2013, la part du brent vendu à l’étranger est passée de 93 % à 84 % du total des exportations. Aujourd’hui, « 65 % de la population a moins de 25 ans », souligne Clarence Rodriguez. Si bien qu’à rythme d’extraction constant, le pays pourrait devenir importateur de pétrole d’ici 2037. Il ne restera alors plus rien des 2 000 milliards de dollars de revenus puisés dans le sol entre 1973 et 2002.
Pour récolter la même somme, le plan Vision 2030 envisage de vendre 5 % des actifs de Saudi Aramco, la compagnie nationale d’hydrocarbures. Sa supervision est assurée par MBS en qualité de président du Conseil des affaires économiques et de développement. « La question de la privatisation de va pas de soi », tempère Olivier Da Lage. « La date d’introduction en bourse du capital est repoussée en permanence. » Clarence Rodriguez invite aussi à la prudence : « Ça paraît compliqué de vendre alors qu’on parle de pénurie du pétrole à venir. Est-ce que vous investiriez sachant que dans quelques dizaines d’années il y aura une raréfaction ? »
Par ailleurs, tous les membres de la famille royale ne sont pas convaincus de l’intérêt de la cession d’une partie de ce fleuron national qui concourt pour 45 % à la richesse du Royaume. Face à la chute des cours, le régime s’était déjà lancé, fin 2015, dans un « plan de transformation nationale » à même d’éviter l’assèchement de son budget. Ayant dû ponctionner 700 milliards dans ses réserves pour couvrir ses pertes au printemps, il avait engagé des mesures comprenant le rapatriement d’avoirs investis à l’étranger, la suspension de chantiers d’infrastructures, et le gel des embauches ainsi que des promotions.
Des coupes sombres avaient également été données dans les subventions de l’eau, de l’électricité et de l’essence, dont les prix ont sensiblement augmenté. « Cette population qui était sous perfusion étatique l’est aujourd’hui beaucoup moins », observe Clarence Rodriguez. « On lui demande de se serrer la ceinture alors que la guerre du Yémen coûte quasiment sept milliards par mois. » Or, et la guerre et l’austérité vont se poursuivre.
Des jets saoudiens au-dessus du Yémen
Crédits : Hassan Ammar/AP
Le plan Vision 2030 « a été rédigé par des cabinets de consultants occidentaux », signale Olivier Da Lage. Pour réduire la dépendance de l’État à sa ressource fossile, il parie sur une industrie minière jusqu’ici délaissée et le développement des énergies renouvelables. Le pays assure qu’il couvrira 10 % de ses besoins énergétiques grâce aux éléments d’ici 2023. En parallèle, la construction d’un nouvel aéroport et d’une route entre Médine et La Mecque devrait participer au doublement du nombre de touristes.
Ces projets s’accompagneront d’une « diminution du nombre de fonctionnaires, des subventions et des allocations diverses ainsi que d’une privatisation des entreprises d’État », selon Olivier Da Lage. Des sacrifices qui auront d’autant plus de mal à passer que, si la famille royale mène grand train, c’est loin d’être le cas de tous. Sur le million d’emplois créés dans le secteur privé entre 2004 et 2014, beaucoup sont occupés par des étrangers. En octobre 2016, l’achat d’un yacht de 500 millions de dollars par le prince Ben Salmane a fait des vagues. « Le mécontentement de la population a amené les autorités à annuler des réductions d’allocations », explique Olivier Da Lage.
Mais depuis, le roi Salmane a réduit tous les contre-pouvoirs qui semblaient pouvoir s’opposer à son fils. Afin de lui donner les coudées franches, il a ainsi remercié le ministre du Pétrole Ali al-Nouaïmi en mai 2017, en poste depuis deux décennies. « Les princes et responsables plus âgés et plus expérimentés qui auraient pu lui faire de l’ombre ont été écartés », constate Olivier Da Lage.
Délesté de certaines entraves, MBS risque d’entrer dans un rapport de force avec sa population. « La remise en cause de l’économie rentière et de l’État-providence peut potentiellement bouleverser les grands équilibres de la société saoudienne », avertit le chercheur David Rigoulet-Roze, auteur lui aussi d’un livre intitulé Géopolitique de l’Arabie saoudite. « Dans les ctrois prochaines années, si rien n’est fait, il peut y avoir une implosion », estime Clarence Rodriguez. Tout dépendra de la capacité du prince à répondre aux aspirations de la jeunesse.
Le prince Ben Salmane
Crédits : AFP/HO/MISK
Plus à l’aise que Donald Trump lors de la danse du sabre, le roi Salmane était moins en verve pendant le reste de la visite du président américain à Riyad, en mai 2017. S’aidant d’une canne pour marcher, l’homme de 81 ans est apparu fatigué. « Son discours n’était pas très audible », se souvient Clarence Rodriguez. Tout le contraire de celui de son fils, dont la voix porte dans le monde. En mars 2017, il s’était rendu aux États-Unis pour préparer la venue de Trump. « Il avait aussi rencontré Vladimir Poutine et François Hollande, à une époque où il ne cachait pas, en privé, vouloir devenir roi », confie la journaliste. Même s’il parle très mal l’anglais, le prince « a donné des interviews à la presse occidentale – ce qui n’est pas très habituel pour les dirigeants saoudiens », pointe Olivier Da Lage. «Ilse présente comme l’incarnation de la modernité, de l’avenir de l’Arabie saoudite. »
En 2016, MBS a conseillé à son père de donner moins d’importance aux oulemas, c’est-à-dire aux théologiens du royaume. Sa nomination est néanmoins intervenue un jour de fête religieuse, une manière de leur donner des gages. « Pour diriger le pays, il faut parvenir à un consensus entre les responsables religieux, les tribus et les hommes d’affaires », indique Clarence Rodriguez. « Il a besoin de l’islam pour asseoir son autorité, c’est l’ADN du pays. » Le pouvoir de la Mutawa, la police religieuse, a été considérablement réduit la même année. Ses officiers « ne peuvent plus arrêter ou détenir des personnes, ni demander leurs cartes d’identité, ni les suivre ».
Selon des témoignages, certains n’hésitaient pas à porter des coups aux femmes en raison de leur tenues. Celles-ci ont désormais le droit de tenir un volant et ont pu voter et se présenter aux élections municipales de 2015. Mais seules 20 candidates ont été élues sur les plus de 2 000 sièges à pourvoir. En mai 2017, le roi a émis un décret autorisant les femmes à se passer de l’autorisation de leur « tuteur » pour voyager, étudier et avoir accès à certains soins. Un aval est toujours indispensable dans l’optique de se marier, porter plainte, travailler, consulter un médecin.
Riyad devra incarner le futur du pays
Pour modéré qu’il soit, le changement « va très vite aux yeux des caciques », relativise Clarence Rodriguez, qui précise par ailleurs que MBS « ne peut pas balayer toute son éducation conservatrice ». Une indication sur les changements à venir sera donnée par son implication dans la Commission de la condition de la femme des Nations unies dont l’Arabie saoudite est membre jusqu’en 2022. Il s’est en tout cas engagé à faire passer de 22 à 30 % le taux de femmes parmi les travailleurs en 15 ans.
Autre illustration de cette politique des petits pas, un concert dans la capitale, en mars 2017, a été autorisé par le pouvoir pour la première fois depuis trente ans. Il fallait toutefois être un homme pour s’y rendre. Deux mois plus tard, lors du remaniement gouvernemental, un ministère du Divertisement a été créé, pavant le chemin à des spectacles de théâtre ou des projections de cinéma, toujours interdits. Si cet élan venait à se conforter, il serait « plutôt une bonne chose pour la jeunesse qui ne voit pour l’heure son salut que sur les réseaux sociaux », considère Clarence Rodriguez.
Aussi, le prince jouit-il d’une bonne réputation auprès des jeunes, ternie par la détérioration de l’économie. « Certains l’idolâtrent, d’autres doutent », dit la journaliste. « Vous avez presque 30 % de chômage dans la jeunesse. » Maintenant qu’il s’est mis une partie des dignitaires religieux à dos et que la guerre au Yémen s’enlise de façon catastrophique dans les affres de la famine et du choléra, le futur souverain n’a pas le droit à l’erreur. « S’il vient à apparaître faible, tout le monde lui tombera dessus », prévient Olivier De Lage.
Conscient de ne pas faire l’unanimité, Mohammed ben Salmane est donc en train d’écarter les hommes de pouvoirs qui pourraient entraver ses plans. Le prince Al-Walid ben Talal est visiblement de ceux-là. Après avoir participé à l’acquisition du Plaza Hotel new-yorkais de Donald Trump, le milliardaire s’en était pris, en décembre 2015 au futur président américain en le traitant de « honte pour les États-Unis. » À quoi, l’intéressé avait répondu : « Ce crétin de Ben Talal veut contrôler nos politiciens américains avec l’argent de papa. Il ne pourra pas le faire quand je serai élu. » Le cas échéant, Trump a développé de bonnes relations avec MBS. Et, en octobre 2017, trois officiels de la Maison Blanche, dont le gendre du chef d’État, Jared Kushner, ont été vus en Arabie Saoudite. À croire que Washington ne voit pas d’un mauvais œil la montée en puissance du nouvel homme fort.
Ces signes d’ouverture ne sont pas synonyme de démocratie, comme en atteste le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi en 2018. Depuis, tandis que le pays annonçait la délivrance inédite de visas de tourismes et un assouplissement du code vestimentaire, plus de 30 opposants ont été arrêtés selon les chiffres de l’association Human Rights Watch. « Mohammed ben Salmane a permis la création d’un secteur des loisirs et a autorisé les femmes à voyager et à conduire, mais sous sa supervision, les autorités saoudiennes ont également emprisonné un grand nombre des principaux intellectuels et activistes réformistes du pays, dont certains avaient précisément milité en faveur de ces changements », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch, en novembre 2019. « Une Arabie saoudite réellement réformiste ne soumettrait pas ses principaux activistes à des actes de harcèlement, à la prison et aux mauvais traitements. »
Début mars 2019, en pleine campagne d’arrestations, l’Arabie saoudite a décidé d’augmenter sa production de pétrole en pleine crise économique. Alors que l’épidémie de coronavirus (Covid-19) faisait plonger les bourses mondiales, la mesure a entraîné une baisse du cours de brut de 30 %. Riyad préservait ainsi ses parts de marché au détriment des grandes compagnies pétrolières, qui voyaient leurs valeurs dévisser. Pour Mohammed ben Salmane c’était là-encore un moyen d’affirmer la puissance de sa stratégie résolument offensive.
Couverture : Riyad, de nuit. (Ulyces.co)
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12.01.2021 à 07:16
Denis Hadzovic
Robots autonomes Dans les laboratoires de l’Institut Max-Planck, à Stuttgart, des mouvements minuscules font avancer la science à grand pas. Mercredi 20 mai, les chercheurs allemands ont présenté un robot microscopique qui ressemble à un leucocyte. Produit dans la moelle osseuse, ce globule blanc qui circule dans le sang joue un rôle primordial dans la […]
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Dans les laboratoires de l’Institut Max-Planck, à Stuttgart, des mouvements minuscules font avancer la science à grand pas. Mercredi 20 mai, les chercheurs allemands ont présenté un robot microscopique qui ressemble à un leucocyte. Produit dans la moelle osseuse, ce globule blanc qui circule dans le sang joue un rôle primordial dans la défense de l’organisme face aux infections. En copiant la forme, la taille et les capacités du leucocyte, le nanorobot pourrait révolutionner les traitements de certaines maladies, et même guérir des cancers.
Pour cela, le nanorobot va naviguer directement dans les couches profondes des tissus de l’organisme, comme seul le leucocyte en est capable. Il accédera ainsi à des chemins actuellement hors d’atteinte, explique Metin Sitti, directeur du département des systèmes intelligents de l’Institut Max-Planck. Grâce à ses propriétés magnétiques, le robot peut être téléguidé par les scientifiques une fois propulsé dans les vaisseaux sanguins. Élaboré à partir de micro-particules de verre, l’appareil a un diamètre de 8 micromètres. D’un côté, il est recouvert d’une fine pellicule de nickel et d’or, tandis que l’autre face est dotée de molécules spécifiques qui peuvent reconnaître et combattre des cellules cancéreuses.
« Grâce aux champs magnétiques qu’ils utilisent, nos nanorobots peuvent naviguer à contre-courant dans un vaisseau sanguin artificiel, ce qui est difficile vu la puissance du flux sanguin et l’environnement rempli de cellules. Nos robots peuvent aussi reconnaître des cellules cancéreuses de façon totalement autonome, grâce à leur revêtement qui leur permet de libérer des molécules spécifiques tout en étant en mouvement », explique Yunus Alapan, chercheur et auteur de l’étude. Jusqu’ici, les nanorobots ont permis d’identifier et de localiser plusieurs cancers dans des organismes artificiels.
En 2018, des chercheurs de l’université de l’Arizona avaient déjà développé des nanorobots capables de détruire les tumeurs cancéreuses. L’étude avait permis de tester l’efficacité d’un système robotique autonome sur des souris ayant développé un cancer du sein, de l’ovaire, du poumon ou du mélanome. Le but était d’interrompre le flux sanguin en direction des tumeurs afin de les affaiblir à l’aide d’une protéine responsable de la coagulation sanguine : la thrombine.
Les nanorobots ont provoqué des lésions tissulaires sur les cellules tumorales dans les 24 h après l’injection, sans altérer les tissus sains. L’organisme a ensuite éliminé la tumeur naturellement, mais au bout de trois jours, tous les vaisseaux tumoraux présentaient un thrombus (caillot) qu’il fallait ensuite retirer. La méthode a donc de bonnes chances de fonctionner chez l’être humain mais les chercheurs allemands pensent avoir trouvé une meilleure solution.
Le secteur des nanorobots charrie autant d’espoirs que de dollars. En République tchèque, le directeur de l’Institut de technologie et de chimie de Prague Martin Pumera a déjà levé 11,5 millions d’euros dans le développement de nanorobots. Sa société, Advanced Functional Nanorobotics, espère pouvoir traiter de nombreuses maladies, incluant les problèmes de fertilité, grâce à ses robots tueurs de cancers dont l’efficacité a déjà été prouvée sur des souris. En France, la start-up Eligo Bioscience a levé près de 25 millions d’euros depuis sa fondation en 2014. Cela lui a permis de développer un robot d’une taille de 40 nanomètres, capable de cibler et de tuer certaines souches spécifiques d’une bactérie dans l’intestin. Il s’y connecte puis leur injecte de l’ADN afin de les annihiler.
Si ces sociétés on tout intérêt à vanter leurs solutions révolutionnaires, les scientifiques font preuve de prudence. À l’Institut Max-Planck de Stuttgart, ils prennent quelques pincettes pour évoquer l’efficacité des nanorobots. S’ils ont pu repérer leurs appareils dans des vaisseaux sanguins artificiels grâce à des microscopes, et les guider en utilisant des bobines électromagnétiques, « la résolution des technologies d’imagerie clinique n’est pas assez développée pour traquer les micro-robots à l’intérieur d’un organisme humain », explique Ugur Bozuyuk, coauteur de l’étude. Un seul robot ne serait du reste pas suffisant pour traiter une infection et il faudrait donc en contrôler un multitude pour que l’effet thérapeutique soit suffisant. « Nous en sommes encore loin », reconnaît Ugur.
Pour le moment, les micro-robots ne sont capables de circuler qu’à travers certains tissus faciles d’accès comme l’œil ou le tube digestif. L’environnement y est moins hostile que dans les vaisseaux, où le flux sanguin peut perturber le travail de ces appareils. Or pour atteindre des zones plus profondes de l’organisme, il n’y a qu’un seul chemin : la circulation sanguine, où les capacités de mouvement des robots sont plus restreints.
Les équipes d’Eligo
Ces problèmes ne paraissent pas insurmontables à Martin Pumera et Xavier Duportet, le PDG d’Eligo. Le premier rêve d’un « porteur de médicaments qui traque les cellules malades et, lorsqu’il les atteint, libère des traitements, s’auto-détruit et disparaît. Vous utiliserez mille fois moins de médicaments et limiterez les effets secondaires avec une meilleure qualité de vie des patients soignés. » Le procédé serait le même du côté d’Eligo : « Nos nanorobots pourraient être emballés dans des pilules et être délivrés dans le système digestif où ils pourront bouger librement pour se connecter à la bactérie ciblée », explique Xavier Duportet.
De la même manière, un nanorobot capable de se mouvoir dans les vaisseaux sanguins pourrait approcher une cellule cancéreuse afin d’y injecter de quoi la tuer. Une équipe de chercheurs saoudiens et espagnols vient de montrer comment les tumeurs pouvaient être détruites par un minuscule fil de fer qui dissémine un médicament anti-cancer tout en perforant la membrane de leurs cellules. Ce n’est donc plus qu’une question de temps avant que ces scientifiques saoudiens, espagnols, allemands, américains, français ou tchèques ne trouvent un moyen d’appliquer leur procédé à l’être humain.
Couverture : Shutterstock
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