Durant l’examen au Sénat de la mission budgétaire dédiée à l’agriculture vendredi soir, la chambre haute a voté pour supprimer les crédits de l’Agence bio, estimant que ses missions pouvaient être reprises par d’autres opérateurs comme l’établissement public FranceAgriMer, « ou réinternalisées par les services du ministère de l’Agriculture ».
« Cette suppression, voulue par la droite sénatoriale et à laquelle ne s’est pas opposée la ministre de l’Agriculture, serait un coup très dur pour la transition alimentaire et agricole », s’est insurgé Jean Verdier, le président de l’Agence bio. « C’est la transition alimentaire et agricole qu’on assassine » a réagi à son tour auprès Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio.
Après l’attaque en règle du premier ministre contre l’Office français de la biodiversité, la suppression des crédits de l’Agence Bio dessine une volonté politique de casser tout ce qui gêne la domination des firmes de l’agrochimie et propose des alternatives à l’agriculture intensive et dessine des pistes vers une transition agroécologique de la production alimentaire.
Ce vote de l’amendement de la droite sénatoriale au Sénat a suscité une levée de boucliers pour défendre l’Agence bio, menacée de disparaître avec l’aval du gouvernement.
L’ensemble des acteurs de la filière biologique ont appelé lundi le gouvernement à maintenir l’Agence bio, et à « Ne pas casser » cet outil au service de la transition agricole et alimentaire.
Le président de cette plateforme nationale, créée en 2001 pour promouvoir une agriculture sans pesticide et engrais de synthèse, a dénoncé auprès de l’AFP une attaque en règle « contre la transition alimentaire et agricole », objectif pourtant affiché par le gouvernement.
Le bio « est l’affaire de tous », ont réagi ensemble les administrateurs et responsables des organisations de la filière réunis au sein de l’Agence bio, parmi lesquels des représentants de l’association des producteurs (Fnab), des chambres d’agriculture, de la Coopération agricole ou des distributeurs (Carrefour, La Vie Claire).
« Il y a une agence dédiée à cette agriculture d’intérêt général qu’il ne faut pas casser en dispersant son patrimoine et son expertise aux quatre vents. Alors que le bio est en croissance chez tous nos voisins, en particulier l’Allemagne, ne prenons pas l’autoroute de l’histoire à contresens ! », ont-ils écrit dans un communiqué commun.
Producteurs comme ONG ont souligné le « succès » et « l’efficience » du travail de l’agence, considérée comme indispensable à une filière dans la tourmente depuis 2021, quand le marché a commencé à se retourner sous l’effet de l’inflation après des années de croissance à deux chiffres.
– « Inconsistance » –
La proposition, initiée par le sénateur LR Laurent Duplomb, a reçu un accueil bienveillant de la ministre Annie Genevard, qui a rendu un « avis de sagesse », ni favorable ni défavorable, à cette mesure, jugeant l’idée « pertinente ».
« Cet amendement implique une annulation de crédits à hauteur de 2,9 millions d’euros », a-t-on précisé lundi au ministère, soulignant que toute « rationalisation » ne pourrait « être réalisée sans une réflexion approfondie et partagée ».
« Des économies de bouts de chandelle » dénoncées par le communiqué du secteur, qui reviendraient à « passer un plan social pour les 23 salariés de droit privé » de l’Agence bio et à « supprimer le seul lieu d’expression et de concertation national de l’ensemble de la filière ».
« L’adoption de l’amendement du sénateur Duplomb visant à supprimer l’Agence bio, avec l’aval du gouvernement, est un message contre toutes celles et ceux qui défendent une agriculture qui travaille avec la nature » a dénonce la Confédération paysanne, pour qui « La priorité actuelle des décideurs publics doit être de soutenir l’agriculture biologique pour sortir durablement de la crise. L’État devrait ainsi s’employer, par tous les moyens, à respecter et à atteindre les 20% de bio dans la restauration collective, et à mettre en place des politiques publiques réellement favorables à l’accompagnement des paysan·nes bio ».
De leur côté, la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, et les Jeunes Agriculteurs ont dénoncé dans un communiqué « un vote incompréhensible ». Ils dénoncent tant la forme, à savoir le fait qu’il n’y a eu selon eux « aucune consultation préalable », que le fond, évoquant les « grandes difficultés » de l’agriculture biologique.
L’agence Bio, rappelle son président Jean Verdie assure « trois missions » spécifiques « difficilement transférables » : un « observatoire du marché », la « communication et pédagogie à destination du public » et la « structuration des filières au travers du Fonds Avenir bio, doté de 18 millions d’euros ».
La Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) a dénoncé « l’inconsistance du gouvernement sur les questions agricoles », alors que le ministère (sous Marc Fesneau) avait au contraire augmenté les enveloppes de communication de l’agence.
L’objectif de l’Etat, réaffirmé en avril dernier, est d’atteindre 18% de la surface agricole utile en bio d’ici 2027, contre environ 10% aujourd’hui.
En 2023, le marché du bio représentait 12 milliards d’euros, relativement stable en valeur (du fait d’une hausse des prix de 7,7%) en dépit d’une baisse significative des volumes écoulés, selon des chiffres de l’Agence bio. La part du bio dans les achats alimentaires des Français a reculé à 5,6% en 2023, contre 6,4% en 2021.
Image by Clker-Free-Vector-Images from Pixabay.
« Nous en avons assez »: Sylvie Gustave-dit-Duflo, présidente du conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité (OFB), se dit « en colère » face aux attaques visant l’établissement public. Dans un entretien à l’AFP, la responsable politique, également vice-présidente de la Région Guadeloupe, demande au gouvernement de « soutenir » l’OFB et ses agents.
François Bayrou évoquant la « faute » des agents de l’OFB, Laurent Wauquiez réclamant sa suppression… Comment réagissez-vous aux débats de ces derniers jours?
Sylvie Gustave-dit-Duflo : Nous en avons assez de ce qui se passe depuis plus d’un an et demi à l’encontre de l’OFB et des agents.
Lorsque les agents de l’OFB vont au contact des agriculteurs, c’est pour exercer des missions de contrôle et assurer la qualité des sols, de l’air, de l’eau… Et on sait bien aujourd’hui que préserver la planète c’est préserver notre santé, nos modes de vie. Et aujourd’hui l’établissement et les agents sont pris à partie parce qu’ils exercent ces missions.
Seuls 7,5% des contrôles annuels exercés par l’OFB ont un rapport avec le monde agricole. La probabilité pour qu’une exploitation agricole soit contrôlée par les 1.700 inspecteurs de l’environnement, c’est (une fois tous les) 120 ans.
Lorsque le Premier ministre prend directement à partie l’OFB sans avoir pris la peine de s’intéresser à nos missions, à ses enjeux, c’est inconcevable, c’est une faute.(…)
Aujourd’hui je demande à ce gouvernement de nous soutenir, de nous appuyer et de reconnaître les missions que nous exerçons.
Que ressentez-vous?
Je suis une présidente qui est très en colère puisqu’en 2023 nos agents ont subi l’incendie du siège de Brest; depuis 2024 et la crise agricole c’est plus de 55 agressions vis-à-vis de l’établissement et des agents; on a même eu un agent qui voit sa vie mise en danger parce qu’on lui a déboulonné les pneus de sa voiture.
Et nous avons des réactions timides de nos ministères (de tutelle, Agriculture et Environnement). Où est-ce qu’on a déjà vu une police attaquée de la sorte sans que les autorités compétentes prennent sa défense ?
Un syndicaliste a comparé les demandes de certains agriculteurs à des « dealers » demandant « aux policiers de ne plus venir dans les cités ». Comprenez-vous l’émoi qu’ont pu susciter ces propos ?
Je regrette et je condamne la récente déclaration de ce responsable syndical. Non les agriculteurs ne sont pas des dealers.
Mais la déclaration isolée d’un syndicaliste ne doit pas non plus remettre en cause ses collègues, 1.700 autres inspecteurs de l’environnement et 3.000 collègues pour l’ensemble de l’OFB.
On doit chercher des voies d’apaisement et de non-instrumentalisation. Nous avons des propositions sur la table pour faire avancer le contrôle auprès des agriculteurs. Et ces propositions, notamment la caméra piéton, c’est un travail qui doit être discuté avec nos ministères de tutelle.
Les petites phrases, les tweets trop rapides, ont des conséquences et participent à l’hystérisation du débat. J’aimerais que nos deux ministres défendent davantage encore l’établissement et aillent à la rencontre de nos agents pour mieux les connaître…
Le Premier ministre a critiqué les contrôles « une arme à la ceinture » dans les fermes. Y a-t-il une autre façon de faire?
Qu’un gendarme ou un policier soit armé, c’est intégré dans la conscience collective. Mais la police de l’environnement est une jeune police.
Nos inspecteurs sont habilités à ce port d’arme et lorsqu’ils exercent des contrôles, ils le font dans le cadre des missions : soit une procédure administrative diligentée par le préfet, soit dans le cadre d’une procédure judiciaire diligentée par le procureur. On ne sait jamais à qui l’on a affaire dès lors qu’on est dans une mission de contrôle.
Nous avons commencé à travailler avec nos deux ministères de tutelle pour un port d’arme discret. Néanmoins on ne peut pas désarmer la police de l’environnement. Tous les troisièmes jeudis de septembre, je m’incline devant la stèle des agents qui sont tombés dans l’exercice de leur fonction.
La police de l’environnement c’est encore une fois 7,5% de contrôles agricoles. Pour tout le reste – du braconnage, la lutte contre le trafic illégal d’animaux – nous avons affaire à des gens qui peuvent être dangereux.
Image by GIOVANNI_MARCELLO from Pixabay
Bon Pote
Actu-Environnement
Amis de la Terre
Aspas
Biodiversité-sous-nos-pieds
Bloom
Canopée
Décroissance (la)
Deep Green Resistance
Déroute des routes
Faîte et Racines
Fracas
F.N.E (AURA)
Greenpeace Fr
JNE
La Relève et la Peste
La Terre
Le Lierre
Le Sauvage
Low-Tech Mag.
Motus & Langue pendue
Mountain Wilderness
Negawatt
Observatoire de l'Anthropocène