flux Ecologie

Engagés pour la nature et l'alimentation.

▸ les 10 dernières parutions

18.12.2024 à 11:49
Patrick Le Hyaric
Texte intégral (1049 mots)

Mayotte et nous avec elle pleure ses morts et ses innombrables blessés.

Mayotte manquait déjà de tout. Le cyclone tropical Chido lui a enlevé ce qui lui restait. Des vies d’abord, à tel point que les autorités sont incapables de dire à cette heure le nombre de victimes. Paysage d’apocalypse, les bidonvilles ont été transformés en cimetières. Les toits des fragiles habitations se sont envolés comme des feuilles de papier, jetant par milliers les familles dans des rues et des chemins encombrés d’un innommable fatras d’arbres déchiquetés, de planches broyées et de tôles tordues. 

Le département le plus pauvre de la sixième puissance mondiale s’est transformé en espace fantôme de désolation et de larmes. La violence du vent, excitée par le réchauffement de l’océan, s’est vue grossie de la précarité humaine, du chômage, de la pauvreté qui frappe les trois quarts des habitants, du manque d’eau potable et du choléra. Voici qui rend ridicules les moulinets d’un ancien ministrion de l’Intérieur, du nom de Darmanin, qui, en ces lieux il y a plusieurs mois, bave aux lèvres et poigne de fer, vantait à la télévision ses mérites de destructeur de bidonvilles et de soldat-chef de la « croisade » contre les migrants. Et, l’actuel ministre, fait savoir son obsession pour l’archipel : L’immigration. Abject ! 

Ceux qui, depuis quelques heures, versent leurs petites larmes de crocodile et se font filmer la mine sombre, tantôt dans des cellules de crise, tantôt dans des déplacements mis en scène, tantôt dans des prises de parole calibrées… Tous ceux-là sont les mêmes qui ont laissé Mayotte se délabrer, s’affaisser, s’appauvrir jusqu’à la tragédie. Ce sont les mêmes qui veulent nous endormir de leurs funèbres musiques austéritaires et leurs refrains sur la nécessité d’amaigrir l’État jusqu’à l’os. 

Les mêmes qui ont déchiré sans les lire les rapports qui alertaient sur la nécessité de mettre en place des dispositifs de prévention des risques naturels. Les mêmes qui ont détruit les quelques structures de prévention des risques qui existaient. Les mêmes qui ont toléré la vie chère à Mayotte et refusé les convergences des droits sociaux entre les Mahorais et les autres Français. Les mêmes qui ont bloqué l’alignement du Smic et des minimas sociaux de Mamoudzou sur ceux de Paris. Ils ont sali la République qui a négligée une partie d’entre nous.

Du reste, ceux qui viennent au secours des populations mahoraises ne sont pas ceux qui apparaissent sur les écrans avec leurs beaux costumes et leurs mots ronflants, mais les agents publics, de l’hôpital, des écoles, de la gendarmerie, des pompiers, de l’armée, de l’équipement, des services préfectoraux aux côtés des grandes associations de solidarité. Ceux que les puissants traitent, en temps normal, de « feignasses » ont agi bien avant toute causerie et toute visite ministérielle. 

Les mêmes qui vilipendent les services publics sont ceux qui détricotent tout projet, aussi maigre soit-il, de transition environnementale, comme cela se passe en ce moment même au Parlement européen et à la Commission européenne. 

Ils n’ont que faire des êtres humains. Mayotte n’est pour eux qu’un lointain point sur la carte, un laboratoire expérimental de la remise en cause du droit du sol. Mais surtout, pour eux, Mayotte n’est qu’une colonie stratégique au large de Madagascar, au cœur du canal du Mozambique où circule le pétrole, et en Indo-pacifique où, en ces troubles temps, on dépoussière les canons du nationalisme et des guerres. Pour les pouvoirs au service de la haute bourgeoisie, Mayotte est une « zone géostratégique », et non un espace de vie humaine, animale et végétale. 

L’ampleur des catastrophes et les terribles effets de celles-ci ne peuvent être pensés sans prendre en compte les rapports sociaux de domination. Un cyclone est d’autant plus puissant que le mode de production capitaliste et le traitement colonial laissent béantes les portes des désastres annoncés. Le capitalocène est le nom de cette ère où un système économique engendre et accentue des perturbations qui compromettent les conditions d’habitabilité de notre planète. 

Le comportement colonial détourne regards et projecteurs sur l’immigration et la stigmatise pour mieux laisser les populations vivre dans la misère et des habitats plus que précaires, privées d’eau potable, de services de santé, d’écoles et de services publics. C’est abominable. C’est insupportable. 

Si les pouvoirs publics de notre pays avaient une autre conception de leur rôle, ils auraient pu depuis longtemps engager le vaste chantier d’adaptation de l’île aux risques naturels, ils auraient dépollué l’eau, stoppé la déforestation, reconstruit les réseaux. Autant d’actions qui tournent le dos à la restriction austéritaire des crédits publics et au colonialisme. 

Toutes et tous Mahorais

Soyons solidaires immédiatement pour apporter les aides indispensables aux Mahorais, avec les associations et les municipalités. Dans l’immédiat, il faut gagner la course contre la montre engagée contre la faim, la soif, les maladies, le soin aux blessés. Agissons pour obtenir une solidarité européenne et, au-delà, la solidarité internationale. Surtout, soyons solidaires dans un combat qui doit être engagé pour obtenir les moyens d’une reconstruction du département. 

Il faudra tout réparer, tout reconstruire : les maisons et la nature, les champs et les êtres humains.

Mayotte n’est sans doute pas Notre-Dame de Paris qui a fait l’objet de tant d’engagements financiers, politiques, techniques et humains. Mais la situation de Mayotte exige un engagement de plus grande ampleur et avec la même diligence.

13.12.2024 à 11:19
Patrick Le Hyaric
Texte intégral (696 mots)

Nous sommes ici devant un cas d’école. Le 22 novembre 2024, deux jeunes militants des Soulèvements de la Terre, Léna Lazare et Basile Dutertre, étaient traînés devant le tribunal judiciaire de Paris. Pour quelle raison ? Ils ne se sont pas présentés en 2023 devant la commission d’enquête parlementaire créée après la manifestation contre les mégabassines de Sainte-Soline. 

Les peines requises sont ahurissantes : deux mois de prison avec sursis, 1 500 euros d’amende ainsi qu’un an d’interdiction de droits civiques contre Léna Lazare ; quatre mois de prison avec sursis, 3 000 euros d’amende et deux ans d’interdiction de droits civiques contre Basile Dutertre.

Cette poursuite et ces condamnations constituent une première et une originalité à plusieurs titres. Ces deux militants sont les premières personnes, sous la VRépublique, poursuivies pour ne pas s’être présentées devant une commission d’enquête parlementaire. Par ailleurs, c’est la première fois depuis 1945 qu’une association est convoquée devant une commission d’enquête pour répondre de l’organisation d’une manifestation. Pourquoi avoir choisi ces deux militants au sein d’une manifestation de plusieurs milliers de personnes ?

Enfin, une commission d’enquête parlementaire n’a pas le pouvoir d’auditionner des militants politiques ou associatifs alors qu’un procès est en cours ; ce qui était le cas au tribunal de Niort dans les Deux-Sèvres où Basile Dutertre et huit autres militants étaient appelés à comparaître. À l’évidence, le principe de séparation des pouvoirs est jeté par-dessus bord.

On sait que l’objectif essentiel de cette commission d’enquête visait à mettre sur le dos des Soulèvements de la Terre les incidents et les violences survenues lors de la manifestation du 25 mars 2023. Rappelons que 200 manifestantes et manifestants y ont été blessés, dont 40 gravement. Deux activistes se sont retrouvés dans le coma.

Il est intéressant de se remémorer les paroles « fortes » du ministre de l’Intérieur de l’époque, M. Darmanin. Devant la commission d’enquête, sous serment, il n’a pas hésité à prétendre que « les gendarmes n’avaient pas bougé de leur ligne », alors que tout le monde a vu le contraire. Ce même Darmanin avait bien prévu quelque chose, car trois jours avant la manifestation, il déclarait qu’il y aurait « des images difficiles ». Répondra-t-il de ses mensonges ? Du reste, il ne serait pas le seul « puissant » à avoir menti devant une commission d’enquête parlementaire ces dernières années.

Souvenons-nous des Alexandre Benalla, Vincent Bolloré ou Marlène Schiappa : toujours ce « deux poids, deux mesures », selon que vous serez puissant ou misérable ! C’est le président de la commission d’enquête, M. Hetzel, député Les Républicains du Bas-Rhin devenu par la suite ministre de l’Enseignement supérieur du gouvernement Barnier, qui a été chargé d’exécuter ces basses œuvres contre des jeunes qui défendent l’intérêt général. 

Ce sont ces raisons qui ont conduit Léna et Basile à ne pas se rendre devant la commission d’enquête parlementaire, tout en répondant à ses questions par écrit.

Ce qui se cache derrière l’activisme de cette commission est l’intention de produire une nouvelle loi anticasseurs instaurant la notion de « provocation à la violence implicite », fondée sur la logique « d’ennemi intérieur », dans le droit fil des lois sur « le séparatisme » et sur l’« apologie du terrorisme »

Pourtant cette jeunesse qui agit pour le climat et la préservation de l’eau ne mène-t-elle pas un combat d’intérêt général ?


Image : Copie d’écran Quotidien

13.12.2024 à 11:00
La Terre
Texte intégral (1338 mots)

Par Audrey Bonn avec Goodplanet.info


Dans une étude publiée cette semaine, l’Université de Bristol compare les mesures de criminalisation de l’activisme environnemental et climatique dans plusieurs pays du monde. En France, le bilan fait état de violences policières particulièrement prononcées. 

Une hausse mondiale des manifestations pour la planète 

Ces dernières années, la prise de conscience environnementale s’est exprimée par une multiplication des manifestations pour l’environnement et le climat dans le monde. Cette augmentation s’est accompagnée « [d’]une criminalisation et [d’]une répression croissante » à l’échelle globale, affirme Oscar Berglund, Maître de conférences en politique publique et sociale internationale à l’école d’études politiques de l’université de Bristol. Il est l’auteur principal de l’étude, intitulée Criminalisation et répression des manifestations climatiques et environnementales qui s’appuie sur les statistiques de l’ACLED et de l’ONG britannique Global Witness. Sur 14 pays étudiés entre 2012 et 2023, il ressort que 20 % des manifestations aboutissent à des arrestations, et 3 % à des violences policières en moyenne.  

Mobilisations pour l’environnement et pour le climat, deux familles distinctes

L’étude distingue deux types de manifestations écologiques. Tout d’abord, les mobilisations environnementales, qui concernant plutôt des causes locales. « Inhérentes au capitalisme et à l’industrialisation » selon le rapport, les manifestations environnementales sont menées par des habitants qui se mobilisent contre l’extraction sur leurs terres et pour l’accès aux ressources essentielles comme l’eau. Les communautés locales sont les premières actrices de ces mobilisations. Elles ont particulièrement lieu dans les pays du Sud, en Australie ou au Pérou par exemple.  

Les mobilisations climatiques sont un second type de mobilisation qui représente la plupart des manifestations menées aujourd’hui dans les pays du Nord. « Non-violentes mais disruptives », elles ont « augmenté depuis les années 2010 » note le rapport. Cette hausse s’explique par une prise de conscience croissante de la population concernant le changement climatique.  

En France, les mobilisations pour la planète restent faibles

En France pourtant, l’environnement mobilise peu. Ainsi, les mobilisations environnementales ne représentent que 0,4 % des manifestations dans l’Hexagone. Leur nombre demeure également faible dans les autres pays étudiés, sans doute car la plupart des enjeux et des conflits sont locaux. En France, les mobilisations très médiatisées de « Sainte-Soline » en sont pourtant une illustration, explique Oscar Berglund. En effet, « il s’agit d’une mobilisation contre un projet spécifique », les mégabassines, et pour la protection des ressources en eau. Quant aux mobilisations climatiques, elles ne représentent que 3 ,8 % des manifestations en France, contre 13 % en Allemagne ou 16,8 % au Royaume-Uni.   

L’étude prend en compte toutes les manifestations dont les revendications ont trait au climat, que ce soit pour sa défense ou au contraire pour s’opposer à des mesures environnementales. On constate alors qu’en France, la contestation de l’action climatique mobilise. En effet, 8 % des manifestations sont menées par des mouvements comme Extinction Rebellion ou Greenpeace, et un tiers par des « groupes comme les Jeunes Agriculteurs » et d’autres syndicats agricoles.  

Différents acteurs et types de violence impliqués dans la criminalisation de l’activisme vert

A la hausse globale des mobilisations climatiques et environnementales répond « une augmentation de la criminalisation et de la répression », explique Oscar Berglund. La réponse aux manifestations « varie beaucoup en fonction des pays » et n’est pas toujours étatique. Ainsi, plus de 2000 activistes écologistes ont été assassinés dans le monde entre 2012 et 2023, selon les données de Global Witness. L’Inde, le Brésil, les Philippines et le Pérou sont les pays étudiés qui comptent « le plus d’incidents violents ».  Au Brésil, 401 manifestants pour le climat et l’environnement ont été assassinés, dont 39% par des tueurs à gages. Toutefois, « en Inde et au Pérou, la police était impliquée dans respectivement 47% et 55% des meurtres », note le rapport. En France, Rémi Fraisse est la seule victime, tué en 2014 par une grenade des forces de l’ordre. 

Les Etats usent également des arrestations contre les manifestants pour le climat et l’environnement. Selon le rapport, c’est en Australie que leur proportion est la plus haute (20,1%) . Suivent le Royaume-Uni (16,8%) et la Norvège (15,1%). Il s’agit également des pays étudiés avec la proportion la plus haute de manifestations climatiques, à l’exclusion de l’Allemagne. 

En France, les violences policières premier symptôme de la criminalisation 

Selon l’étude, la France se situe dans une deuxième catégorie de pays où les taux d’arrestation sont plus faibles, mais où la proportion de violences policières est plus haute. Leur proportion, 3,2 %, y est égal au taux d’arrestations, ce qui la distingue des autres « pays considérés libres et démocratiques ».  

Ces résultats sont à prendre dans leur contexte, rappelle Oscar Berglund. Les données sont obtenues via « la couverture médiatique » des évènements, et ne concernent que les violences commises par les forces de l’ordre dans les manifestations elles-mêmes. En règle générale, « il est évidemment bien plus dangereux d’être un militant écologiste au Brésil qu’en France », rappelle-t-il. 

L’urgence d’ « inverser » la tendance 

Selon les auteurs de l’étude, « la criminalisation des manifestations pour l’environnement et le climat doit cesser » et même « s’inverser dans une certaine mesure ».  C’est au niveau de la législation que doit s’effectuer ce changement radical : la police doit « agir avec plus de tolérance envers les manifestants pour le climat et l’environnement », préconise Oscar Berglund. Son travail rappelle qu’en France, des législations récentes ont justifié l’arrestation de militants écologistes. Par exemple, ceux des Soulèvements de la Terre à Sainte-Soline.  La gouvernement a notamment utilisé la loi contre le séparatisme de 2021 pour dissoudre le mouvement en juin 2023. Le Conseil d’Etat a annulé la décision la même année. 

Selon l’étude, les gouvernements doivent développer une législation se concentrant « sur la lutte contre le changement climatique et la destruction environnementale, au lieu de criminaliser et réprimer les acteurs qui y appellent ». Pour ce faire, le rapport recommande l’arrêt des législations criminalisant les mouvements environnementaux. Il appelle aussi les gouvernements à protéger leurs citoyens contre la violence non-étatique, notamment dans les pays où l’activisme écologique peut conduire à la mort quand il gêne des intérêts privés. 

Enfin, les chercheurs en sciences politiques estiment que les mécanismes de consultation et de « démocratie délibérative », comme une analyse plus poussée des projets d’extraction et de leurs conséquences sur les habitants, ont un rôle majeur à jouer dans la réduction des violences.


Les citations d’Oscar Berglund et extraites du rapport ont été traduites de l’anglais.


Image : https://x.com/lessoulevements

3 / 10

  Bon Pote
Actu-Environnement
Amis de la Terre
Aspas
Biodiversité-sous-nos-pieds

 Bloom
Canopée
Décroissance (la)
Deep Green Resistance
Déroute des routes
Faîte et Racines
 Fracas
France Nature Environnement AR-A
Greenpeace Fr
JNE

 La Relève et la Peste
La Terre
Le Lierre
Le Sauvage
Low-Tech Mag.
Motus & Langue pendue
Mountain Wilderness
Negawatt
Observatoire de l'Anthropocène

 Reporterre
Présages
Reclaim Finance
Réseau Action Climat
Résilience Montagne
SOS Forêt France
Stop Croisières

  Terrestres

  350.org
Vert.eco
Vous n'êtes pas seuls

 Bérénice Gagne