flux Ecologie

Engagés pour la nature et l'alimentation.

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10.04.2024 à 09:58
Patrick Le Hyaric
Texte intégral (1368 mots)

Le texte présenté lors du dernier Conseil des ministres sous l’intitulé ronflant « projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture » ne poursuit pas l’objectif qu’il prétend. Il constitue une amplification des choix anciens qui poussent les travailleurs paysans dans les difficultés et les souffrances tout en aggravant le recul de la souveraineté alimentaire. Les travailleurs paysans qui ont besoin de prix garantis à la production ne peuvent y trouver leur compte et le « droit à l’alimentation » en quantité comme en qualité est nié.

Ce texte – qui pourrait être soumis au débat de l’Assemblée nationale dès le 13 mai prochain – aurait également dû tirer les leçons des effets pervers et destructeurs de l’insertion à marche forcée de la production de nourriture dans le capitalisme puis dans la mondialisation capitaliste accélérée dès les années 1990. Il n’en est rien.

Alors que nous sommes entrés dans un dangereux carrefour ou le nombre d’agriculteurs diminue chaque jour au point qu’on peut penser qu’il n’en restera moins de 150 000 dans quelques années, que le mal être et la souffrance parcourt les champs et les fermes, que le modèle productiviste capitaliste épuise autant les travailleurs de la terre que la terre elle-même, qu’il est prouvé désormais que l’utilisation des cocktails chimiques pour traiter les cultures sont aussi néfaste aux paysans qu’à la nature le gouvernement propose d’accélérer, de poursuivre la concentration agraire et d’utiliser la production agricole pour produire plus de carburants et d’électricité.

Si elle était approuvée en l’état, cette loi d’orientation accentuerait à coup sûr tous les problèmes que nous connaissons aujourd’hui. 

Son orientation générale vise en effet à accélérer le productivisme capitaliste en faisant fi des conditions humaines et écologiques de la production, du développement des territoires, de la qualité alimentaire et de la lutte pour la vitalité de la biodiversité et pour enrayer les modifications climatiques.

Derrière un langage aguichant, l’article 1 du texte donne le ton ultra-libéral. « L’agriculture, la pêche, l’aquaculture et l’alimentation sont d’intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire ; qui contribue à la défense des intérêts fondamentaux de la nation ». Le concept « d’intérêt général majeur » doit ici être compris comme l’impossibilité de contrarier une production agricole développée à n’importe quelle condition. La pêche industrielle et ses bateaux usines qui racle les fonds marins ne serait pourrait être contestée. C’est le moyen juridique permettant de placer la production au même niveau que l’environnement et le droit du travail pour s’affranchir de certaines contraintes réglementaires.

Dans le même ordre d’idées, et sous couvert de « simplification », d’autres articles ont pour objet de faciliter les projets d’extension d’élevages intensifs de poulets, de porc ou de vaches laitières et des fermes aquacoles. Le membre d’article visant à permettre « d’accélérer les prises de décisions des juridictions en cas de contentieux contre des projets d’ouvrages hydrauliques » dont les mégas bassines dont on sait qu’ils ne profitent qu’à une infime minorité de paysans et épuisent les nappes phréatiques font fi de la démocratie et de l’environnement. Il s’agit donc au nom de la compétitivité internationale, sans rapport avec nos besoins nationaux, d’accélérer et de promouvoir une agriculture de plus en plus industrialisée, insérée dans la guerre économique internationale. 

Derrière le prétendu projet de « la souveraineté alimentaire de La France » le primat revient à la concurrence au sein de l’Union européenne et le respect des traités de libre-échange comme le dit clairement le texte. Celui-ci n’expose que cette souveraineté « s’entend de sa capacité à assurer son approvisionnement alimentaire dans le cadre du marché intérieur de l’Union et de ses engagements internationaux ». Bref, le grand vent du large capitaliste ! 

Au travers de « groupements fonciers agricoles d’investissement, » c’est le grand saut visant à mettre de plus en plus de terre entre les mains du capital financier. Cette proposition vise à permettre aux capitaux privés extérieurs à la production agricole de s’accaparer des terres pour les louer à des agriculteurs. Ceux-ci seraient ainsi placés sous la coupe du capital vorace en dividendes à partir du travail et de la nature. Voilà la légalisation d’une exploitation encore plus grande des terres, des animaux et des travailleuses et travailleurs. C’est l’organisation de l’accaparement des terres par les forces de l’argent à l’opposé de l’usage des terres dans le cadre d’une multitude d’exploitations familiales à taille humaine pour une agriculture nourricière durable et une alimentation de qualité. Ainsi est préparée une nouvelle version de la rente foncière. Un débat sur la propriété des terres, la nature de leur utilisation ou exploitation serait bien utile. N’est-elle qu’un capital ou un outil de production à exploiter au risque de la rendre stérile ou est-elle un bien commun dont il faut prendre le plus grand soin ? Il conviendrait de revenir à une régulation de l’accès à la terre. De ce point de vue, la modernisation et la démocratisation des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) devraient être mises à l’ordre du jour afin de permettre à plus de jeunes de s’installer sous différents statuts y compris en leur donnant, pour un temps donné, un droit d’usage gratuit des terres nécessaires à une production agro-écologique. Ceci n’est possible qu’en changeant le rôle des banques dans l’installation des jeunes et pour l’annulation ou la renégociation des dettes qui enserrent nombre de paysans. Cela ne serait évidemment pas suffisant sans la création d’offices publics par filières de production qui veillerait à une rémunération du travail et des investissements par des prix de base garantis des productions à la ferme. Ceux-ci pourraient être d’ailleurs différenciés selon une quantité de production par exploitation afin de défendre l’agriculture paysanne et soutenir la nécessaire planification agro-écologique.

Une telle loi ne peut non plus faire abstraction des secteurs industriels, agro-chimiques et commerciaux qui profitent tant du travail paysan.

Le temps est court d’ici le début de la discussion parlementaire, mais l’intervention citoyenne auprès des députés est possible pour obtenir une loi permettant à la fois aux paysans de vivre mieux, de leur reconnaître un statut tout en engageant un processus faisant du droit à l’alimentation de qualité pour toutes et tous un droit réel.

Le 9 avril 2024.

Image by 🌼Christel🌼 from Pixabay.

04.04.2024 à 11:46
Fabrice Savel
Lire plus (219 mots)

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Au sommaire :

– Le cri de la terre, par Patrick Le Hyaric

– Reportage dans le Pas-de-Calais. La montée des eaux, ses dégâts, ses traumatismes et ses leçons

– Manon Pengam : « Les doléances révèlent la capacité des citoyens à dire ce qui doit changer »

– Mercosur. Multinationales de l’automobile contre multinationales de la viande

– Relever les défis de l’insécurité alimentaire avec l’Organisation Mondiale des Cités et Gouvernements locaux Unis (CGLU)

De Vitry à Barjac en passant par Villejuif et Nantes, les initiatives des collectivités et des territoires pour le droit à l’alimentation.

22.03.2024 à 11:31
La Terre
Texte intégral (1296 mots)

Le Rapport mondial 2024 des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, publié par l’UNESCO pour le compte d’ONU-Eau, souligne que les tensions liées à l’eau exacerbent les conflits à l’échelle mondiale. Pour préserver la paix, les États doivent renforcer la coopération internationale et les accords transfrontaliers.

Selon le nouveau rapport, publié par l’UNESCO pour le compte d’ONU-Eau, 2,2 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à des services d’eau potable gérés de manière sûre. Ce chiffre atteint 3,5 milliards de personnes s’agissant de l’accès aux services d’assainissement. L’objectif des Nations Unies de garantir cet accès à tous d’ici 2030 est donc très loin d’être atteint. Et il est même à craindre que les inégalités continuent de s’accroître dans ce domaine.

En effet, entre 2002 et 2021, les sécheresses ont touché plus de 1,4 milliard de personnes. En 2022, environ la moitié de la population mondiale a connu une grave pénurie d’eau pendant au moins une partie de l’année et un quart a été confronté à des niveaux « extrêmement élevés » de stress hydrique, utilisant plus de 80 % de son approvisionnement annuel total en eau douce renouvelable. Le dérèglement climatique menace d’augmenter encore la fréquence et la gravité de ces phénomènes avec des risques accrus sur la paix sociale.

Les filles et les femmes sont les premières victimes du manque d’eau

La première conséquence est la détérioration des conditions de vie des populations, avec une hausse de l’insécurité alimentaire et des risques sanitaires. La rareté de l’eau a également un impact sur le développement social, en particulier sur les filles et les femmes. Dans de nombreuses zones rurales, elles sont en première ligne pour la collecte de l’eau, consacrant jusqu’à plusieurs heures par jour à cette tâche. La réduction de l’approvisionnement en eau exacerbe ce fardeau, compromettant alors leur accès à l’éducation, leur participation à la vie économique et leur sécurité. Cela peut notamment contribuer à un taux d’abandon scolaire plus élevé chez les filles que chez les garçons.

« A mesure que le stress hydrique augmente, les risques de conflits locaux ou régionaux augmentent également. Le message de l’UNESCO est clair : si nous voulons préserver la paix, nous devons non seulement mieux préserver les ressources en eau mais aussi renforcer au plus vite la coopération régionale et mondiale dans ce domaine », déclare Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO.

Les pénuries d’eau sont également un facteur important de migrations. Or, ces déplacements de populations peuvent contribuer à leur tour à l’insécurité hydrique dans les zones d’accueil, en exerçant une pression supplémentaire sur les systèmes et les ressources en eau, alimentant alors de nouvelles tensions sociales. Une évaluation conduite en Somalie a par exemple fait état d’une augmentation de 200 % des violences sexistes contre des personnes déplacées.

Un besoin urgent d’accords transfrontaliers

La rareté de l’eau peut aussi augmenter le risque de conflits. Dans la région du Sahel, la dégradation des zones humides – souvent due à des projets inadaptés d’aménagement de l’eau– a exacerbé les tensions concernant l’accès à l’eau et aux terres cultivables, déclenchant des troubles locaux.

Alors que 40 % de la population mondiale vit dans des bassins fluviaux et lacustres transfrontaliers, seul un pays sur cinq a conclu des accords couvrant l’ensemble de ses eaux transfrontalières en vue de gérer cette ressource de façon partagée. De nombreux bassins transfrontaliers sont déjà situés dans des zones marquées par des tensions interétatiques actuelles ou passées. Dans la région arabe, sept pays étaient en conflit en 2021, parfois de longue date, avec de vastes implications pour l’approvisionnement en eau, les infrastructures et la coopération potentielle sur les questions liées à l’eau.

« L’eau, lorsqu’elle est gérée de manière durable et équitable, peut être une source de paix et de prospérité. C’est aussi l’élément vital de l’agriculture, le principal moteur socio-économique pour des milliards de personnes », souligne Alvaro Lario, Président du Fonds international de développement agricole (FIDA) et Président d’ONU-Eau.

L’Afrique demeure la plus exposée aux tensions interétatiques liées à l’eau : 19 États sur 22 étudiés souffrent d’une pénurie d’eau, alors même que deux tiers des ressources en eau douce sont transfrontalières. Or, sur les 106 aquifères transfrontaliers cartographiés en Afrique, seuls 7 d’entre eux font à ce jour l’objet d’une coopération formalisée entre pays.

Des progrès concrets dans la coopération dans plusieurs régions

Dans ce contexte, la coopération transfrontalière pour la gestion de l’eau apparait comme un levier puissant de maintien de la paix. En créant les conditions d’un dialogue régulier entre toutes les parties et en instaurant les cadres juridiques appropriés, elle est en capacité de résoudre la plupart des différends relatifs à l’eau, et donc de prévenir l’apparition ou l’exacerbation de conflits à plus grande échelle.

L’Accord-cadre pour le bassin de la Save, signé en 2002 par la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Serbie et la Slovénie, fut le premier accord multilatéral axé sur le développement en Europe du Sud-Est. Il a jeté avec succès les bases d’une gestion durable de la ressource en eau. Deux décennies après sa signature, il apparaît comme un élément clef de la stabilité régionale et est une source de bonnes pratiques pouvant inspirer d’autres régions du monde.
 

Alors que le lac Tchad a diminué de 90 % en 60 ans, générant de nombreux défis économiques et sécuritaires dans la région, le Cameroun, le Tchad, la République centrafricaine, la Libye, le Niger et le Nigeria ont réussi ces dernières années à donner un nouvel élan à la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT). Celle-ci a vu son mandat élargi pour à la fois assurer une utilisation efficace des eaux, coordonner le développement local et prévenir les tensions pouvant survenir entre les pays et les communautés locales. Elle est aujourd’hui l’institution la mieux à même de répondre aux besoins spécifiques du bassin, y compris les questions de développement socio-économique et de sécurité. Ces deux exemples soulignent que, y compris dans des situations complexes, les États sont en mesure de s’engager dans des politiques d’accès à l’eau et de gestion partagée de cette ressource à la fois justes et équitables grâce à la coopération internationale et au soutien du système des Nations Unies.

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