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L’OBSERVATOIRE DE L’ANTHROPOCÈNE est un outil de documentation et d’information sur des thématiques diverses (énergie, climat, ressources, risques systémiques, biodiversité …).

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06.03.2025 à 16:30
oamaster
Texte intégral (541 mots)
Térence (*)

Une conscience élevée rend difficile l’espoir, la motivation, l’engagement dans des projets, la prise d’initiative.

On perçoit, grâce à la conscience, la perfection ou du moins le bien, on sait qu’il est possible selon les lois du Réel.

Mais la raison lucide indique clairement que le cours pratique des événements est toujours très en deçà de ce bien possible (euphémisme). Pire, les événements ne semblent pas aléatoires et moyens mais plutôt tournés vers le pire. L’Histoire, c’est surtout l’histoire du mal et de la barbarie.

Donc la raison lucide perçoit encore plus cruellement l’écart entre l’idéal et la fange des événements.

L’actualité du monde, particulièrement morose et désespérante aujourd’hui, sidère les gens de bien, semble leur indiquer que, quelques soient leurs microscopiques efforts individuels et collectifs, des forces bien plus puissantes -la guerre, la bombe nucléaire, le réchauffement climatique, l’extrême-droite, les GAFAM, …- se chargeront de les anéantir et de laisser l’Humanité en ruine. A quoi bon planter un arbre fruitier si une bombe atomique le réduit en cendre ou si le réchauffement climatique le fait mourir de soif ?

Comment garder alors la motivation d’agir dans le monde ?

Gandhi sacrifie sa vie à l’indépendance de l’Inde et à la sagesse de ses habitants, pour finir assassiné dans une guerre civile entre musulmans et hindouistes qui provoque la partition Inde-Pakistan, aujourd’hui sanctionnée par deux arsenaux nucléaires qui se menacent de destruction mutuelle assurée.

Aujourd’hui, un Premier indien, Modi, d’extrême droite populiste, préside aux destinées du pays de la méditation, alors que Gandhi était de gauche.

Le bilan historique de l’engagement des individus et des collectifs est amer.

J’en conclus que la sagesse supérieure implique un grain de folie pour rendre possible l’engagement dans le monde.

En dépit de la raison pessimiste (avec raison !), une volonté optimiste doit animer l’âme du sage.

Mais plus largement, ce grain de sagesse-folie existentiel doit animer les âmes des femmes et hommes politiques, des militants, des activistes, des fonctionnaires, des entrepreneurs, de tous ceux qui prennent des initiatives et se lancent dans des projets, malgré les démentis historiques du Réel.

La condition humaine impose aux êtres humains de ne pas succomber à leur raison pessimiste, pour prendre le risque de faire le bien, malgré tout.



26.02.2025 à 12:17
oamaster
Texte intégral (1480 mots)

deepltraduction Josette – article original d’Olivier Milman paru dans The Guardian

Tollé alors que Trump retire son soutien à la recherche qui mentionne le « climat »

Le gouvernement américain supprime les fonds alloués à la recherche nationale et internationale sur fond d’avertissements concernant la santé et la sécurité publique.

Oliver Milman

L’administration Trump supprime le soutien à la recherche scientifique aux États-Unis et à l’étranger qui contient un mot qu’elle trouve particulièrement gênant, à savoir « climat ».

Le gouvernement américain retire les subventions et autres aides à la recherche qui font ne serait-ce que référence à la crise climatique, ont déclaré des universitaires, dans le cadre de la guerre éclair menée par Donald Trump contre les réglementations environnementales et le développement des énergies propres.

M. Trump, qui a déclaré que la crise climatique était un « gigantesque canular », a déjà supprimé les mentions du changement climatique et du réchauffement planétaire sur les sites web du gouvernement et a ordonné l’arrêt des programmes qui font référence à la diversité, à l’équité et à l’inclusion. Un gel généralisé du financement des travaux scientifiques soutenus par le gouvernement fédéral a également été imposé, plongeant la communauté scientifique américaine dans le chaos.

Les chercheurs ont déclaré que les travaux mentionnant le climat étaient particulièrement visés. Un scientifique de l’environnement travaillant dans l’ouest des États-Unis, qui n’a pas souhaité être nommé, a déclaré que la subvention qui lui avait été accordée par le Ministère des Transports pour des recherches sur l’adaptation au climat lui avait été retirée, jusqu’à ce qu’il renomme son programme en supprimant le mot « climat ».

« J’ai toujours la subvention parce que j’ai changé le titre », a déclaré le scientifique. « On m’a dit que je devais le faire avant que le titre de la subvention ne soit publié sur le site web du Ministère américain des Transports pour pouvoir la conserver. On m’a expliqué que les priorités de l’administration actuelle n’incluaient pas le changement climatique et d’autres sujets considérés comme ‘woke’. »

Le chercheur s’est dit « choqué parce que la subvention avait déjà été accordée et que j’aurais risqué de la perdre. Je suis très préoccupé par le fait que la science soit influencée par la politique. Si les chercheurs ne peuvent pas utiliser certains mots, il est probable qu’une partie de la science sera biaisée ».

Les références au climat sont également supprimées ailleurs. Les supports de cours du Centre national de formation à la préparation aux catastrophes de l’université d’Hawaï supprimeront les mentions du « changement climatique », comme le montrent des courriels divulgués par le Guardian. Les modifications, à la demande de l’administration Trump, affectent une douzaine de supports de cours différents.

« Plus précisément, les références au ‘changement climatique’ et au DEI (Diversité, équité et inclusion) ont été supprimées ou révisées pour s’aligner sur les nouvelles priorités », a écrit un administrateur du centre. « Veuillez faire preuve de prudence lorsque vous faites référence à ces sujets pendant vos cours. »

L’animosité de l’administration à l’égard de la recherche sur le climat s’est même étendue à l’étranger par le biais du programme d’échange américain Fulbright, qui offre environ 8 000 bourses par an à des enseignants et à des universitaires américains et étrangers.

Kaarle Hämeri, chancelier de l’université d’Helsinki en Finlande, a déclaré que les intitulés des bourses Fulbright avaient été modifiés pour supprimer ou modifier les mots « changement climatique », ainsi que « société équitable », « sociétés inclusives » et « femmes dans la société ».

Kaarle Hämeri a déclaré qu’une subvention accordée à son université avait déjà été retirée en raison des changements qui, selon lui, sont également imposés dans d’autres pays participant au programme Fulbright. Fulbright et le département d’État américain ont été interrogés sur l’étendue des interdictions de formulation.

« Je comprends que ces actions sont dues à des changements de priorités au sein du gouvernement américain », a déclaré M. Hämeri. « Cela va nuire à la recherche dans plusieurs domaines importants, d’autant plus que dans de nombreux cas, les chercheurs américains sont parmi les meilleurs dans leur domaine.

À la National Science Foundation (NSF), une agence fédérale de 9 milliards de dollars qui soutient la recherche en sciences et en ingénierie, des équipes ont passé au peigne fin des projets actifs à la recherche de dizaines de mots, dont « femmes », « biaisé » et « égalité », susceptibles de violer l’interdiction de certaines subventions décrétée par Trump.

La NSF, qui vient de licencier environ 10 % de ses effectifs, n’a pas répondu à la question de savoir si le climat figurait également sur la liste des mots interdits. Quoi qu’il en soit, des subventions soutenant toute une série de travaux scientifiques ont été gelées dans le cadre de cette mission zélée visant à instaurer une langue de bois parmi les scientifiques, en dépit d’une décision de justice exigeant l’annulation du gel.

« La NSF s’efforce de procéder rapidement à un examen complet de ses projets, programmes et activités afin de se conformer aux décrets existants », a déclaré un porte-parole de la fondation.

Le gel des subventions a bouleversé les travaux scientifiques des agences fédérales, des hôpitaux et des universités, remettant en question l’avenir de centaines de millions de dollars investis dans la recherche.

« Les personnes les plus vulnérables de notre société en termes de santé et de sécurité publique sont maintenant encore plus menacées », a déclaré Jennifer Jones, directrice du centre pour la science et la démocratie de l’Union des scientifiques préoccupés (Union of Concerned Scientists).

« Cette administration n’a pas de plan pour faire avancer la science, elle a un plan pour éliminer les obstacles à l’industrie pétrolière et gazière. Elle veut revenir à une époque où les enfants ont la polio, où les rivières sont en feu et où les villes sont recouvertes de pollution ».

Selon Mme Jones, le gouvernement américain pourrait suivre l’exemple de la Floride, où les républicains ont interdit toute mention du changement climatique dans les lois de l’État. « Je vis dans un État où le changement climatique nous menace plus que jamais, mais les employés de l’État n’ont pas le droit d’en parler », a-t-elle déclaré. « Cette administration veut que les scientifiques se sentent menacés. Nous avons déjà vu cela auparavant, mais Trump le fait à une échelle sans précédent aujourd’hui. »

L’attaque contre la science « semble très personnelle en ce moment » et pourrait dissuader une nouvelle génération de jeunes scientifiques de se lancer dans leurs domaines de recherche, selon Joanne Carney, responsable des affaires gouvernementales à l’Association américaine pour l’avancement des sciences (American Association for the Advancement of Science).

« Nous pourrions assister à une réduction de pans entiers de la recherche scientifique, ce qui ralentirait notre capacité à comprendre le monde naturel et à élaborer des politiques visant à protéger la société et la sécurité nationale », a déclaré Mme Carney.

« Nous sommes préoccupés par le signal que cela envoie aux jeunes étudiants intéressés par les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, qui pourraient penser qu’ils n’ont pas d’avenir aux États-Unis », a-t-elle ajouté. « Nous avons besoin d’investissements plus importants dans les sciences et les technologies pour être un leader mondial à l’heure actuelle. Nos adversaires en seront très heureux ».



17.02.2025 à 12:50
oamaster
Texte intégral (1415 mots)

Nous reproduisons ici un post de Susan C Pettybaker dans le groupe FB « Liz Cheney/Adam Kinzinger Against Trump »


Je n’ai pas souvent l’habitude de remercier Elon Musk

Bernie Sanders

Des nouvelles de Bernie Sanders :

Je n’ai pas souvent l’habitude de remercier Elon Musk, mais il a fait un travail exceptionnel en démontrant un point que nous avons fait depuis des années – et c’est le fait que nous vivons dans une société oligarchique dans laquelle les milliardaires dominent non seulement notre politique et les informations que nous consommons, mais notre gouvernement et la vie économique aussi.

Cela n’a jamais été aussi clair qu’aujourd’hui.

Mais étant donné les nouvelles et l’attention que M. Musk a reçue ces dernières semaines alors qu’il démantèle illégalement et inconstitutionnellement les agences gouvernementales, j’ai pensé que c’était le bon moment pour poser la question que les médias et la plupart des politiciens ne semblent pas poser : qu’est-ce que lui d’autres multimilliardaires veulent vraiment ? Quelle est leur fin de jeu ?

À mon avis, ce que Musk et ceux qui l’entourent s’efforcent agressivement n’est pas nouveau, ce n’est pas compliqué et ce n’est pas nouveau C’est ce que les classes dirigeantes à travers l’histoire ont toujours voulu et ont cru qu’elles étaient de droit : plus de pouvoir, plus de contrôle, plus de richesse. Et ils ne veulent pas que les gens ordinaires et la démocratie se mettent en travers de leur chemin.

Elon Musk et ses compagnons oligarques croient que le gouvernement et les lois sont simplement un obstacle à leurs intérêts et à ce à quoi ils ont droit.

En Amérique pré-révolutionnaire, la classe dirigeante gouvernait par le « droit divin des rois », la croyance que le roi d’Angleterre était un agent de Dieu, à ne pas être remis en question. Dans les temps modernes, les oligarques croient qu’en tant que maîtres de la technologie et en tant qu’individus à haut QI, c’est leur droit absolu de gouverner. En d’autres termes, ils sont nos rois modernes.

Et ce n’est pas seulement le pouvoir. C’est une richesse incroyable. Aujourd’hui, Musk, Bezos et Zuckerberg ont une valeur combinée de 903 milliards de dollars, soit plus que la moitié inférieure de la société américaine – 170 millions de personnes. Depuis que Trump a été élu, incroyablement, leur richesse a grimpé en flèche. Elon Musk est devenu plus riche de 138 milliards de dollars, Zuckerberg est devenu 49 milliards de dollars et Bezos est devenu 28 milliards de dollars plus riche. Ajoutez le tout et les trois hommes les plus riches d’Amérique sont devenus 215 milliards de dollars plus riches depuis le jour des élections.

Pendant ce temps, alors que les très riches deviennent beaucoup plus riches, 60 % des Américains vivent leur salaire à leur salaire, 85 millions ne sont pas assurés ou sous-assurés, 25 % des personnes âgées essaient de survivre avec 15 000 $ ou moins, 800 000 sont sans abri et nous avons le taux de pauvreté infantile le plus élevé de presque tous les grands pays sur terre.

Pensez-vous que les oligarques s’en foutent de ces gens ? Croyez-moi, ils ne le font pas. La décision de Musk de démembrer l’US AID signifie que des milliers des personnes les plus pauvres dans le monde mourront de faim ou mourront de maladies évitables.

Mais ce n’est pas seulement à l’étranger. Ici, aux États-Unis, ils vont bientôt s’attaquer aux programmes de santé, de nutrition, de logement et d’éducation qui protègent les personnes les plus vulnérables de notre pays – afin que le Congrès puisse leur accorder d’énormes allègements fiscaux et à leurs compagnons milliardaires. En tant que rois des temps modernes, qui croient avoir le droit absolu de gouverner, ils sacrifieront, sans hésitation, le bien-être des travailleurs pour protéger leurs privilèges.

De plus, ils utiliseront les énormes opérations médiatiques qu’ils possèdent pour détourner l’attention de l’impact de leurs politiques pendant qu’ils « nous divertissent à ” Ils mentiront, mentiront et mentiront. Ils continueront à dépenser des sommes énormes pour acheter des politiciens dans les deux grands partis politiques.

Ils mènent une guerre contre la classe ouvrière de ce pays, et c’est une guerre qu’ils veulent gagner.

Je ne vais pas me moquer de vous – les problèmes auxquels ce pays est confronté en ce moment sont sérieux et ils ne sont pas faciles à résoudre. L’économie est truquée, notre système de financement de campagne est corrompu et nous luttons pour contrôler le changement climatique – entre autres questions.

Mais c’est ce que je sais :

La pire crainte de la classe dirigeante dans ce pays est que les Américains – Noirs, Blancs, Latino, urbains et ruraux, homosexuels et hétéros – se réunissent pour exiger un gouvernement qui nous représente tous, pas seulement les riches.

Leur cauchemar est que nous ne nous laisserons pas diviser par la race, la religion, l’orientation sexuelle ou le pays d’origine et que nous aurons ensemble le courage de les assumer.

Est-ce que ce sera facile ? Bien sûr que non.

La classe dirigeante de ce pays vous rappellera constamment qu’elle a tout le pouvoir. Ils contrôlent le gouvernement, ils possèdent les médias. « Vous voulez nous affronter ? Bonne chance,” diront-ils. « Il n’y a rien que vous puissiez y faire. ”

Mais notre travail aujourd’hui est de ne pas oublier les grands luttes et sacrifices que des millions de personnes ont menés au cours des siècles pour créer une société plus démocratique, plus juste et plus humaine :

* Renverser le roi d’Angleterre pour créer une nouvelle nation et auto-gouverner. C’est impossible.

* Établissement du suffrage universel. C’est impossible.

* Mettre fin à l’esclavage et à la ségrégation. C’est impossible.

* Accordant aux travailleurs le droit de former des syndicats et de mettre fin au travail des enfants. C’est impossible.

* Donnant aux femmes le contrôle de leur propre corps. C’est impossible.

* Passage de lois visant à instaurer la sécurité sociale, l’assurance-maladie, Medicaid, un salaire minimum, l’air pur et les normes C’est impossible.

En ces temps difficiles le désespoir n’est pas une option. Nous devons nous battre de toutes les façons possibles.

Nous devons nous impliquer dans le processus politique – nous présenter aux élections, nous connecter avec nos législateurs locaux, étatiques et fédéraux, faire des dons aux candidats qui vont se battre pour la classe ouvrière de ce pays. Nous devons créer de nouveaux canaux de communication et de partage d’informations. Nous devons faire du bénévolat non seulement politiquement, mais aussi construire une communauté locale.

Tout ce que nous pouvons faire, c’est ce que nous devons faire.

Inutile de dire que j’ai l’intention de faire ma part – à la fois à l’intérieur du périphérique et à travers le pays – pour défendre la classe ouvrière de ce pays. Dans les jours, les semaines et les mois à venir, j’espère que vous me rejoindrez dans cette lutte.

Solidaire,

Bernie Sanders



14.02.2025 à 13:59
oamaster
Texte intégral (3330 mots)

Et si la troisième guerre mondiale avait déjà commencé ?. Au travers de cette hypothèse, Albin Wagener – Professeur d’université en Sciences du langage et Sciences de l’information et de la communication – évoque l’étrange période dystopique que nous vivons en ce premier quart du 21ième siècle. Sommes-nous déjà en guerre mondiale ?
Bonne lecture. ObsAnt

Reprise – texte publié le 3 février ici


Et si la troisième guerre mondiale avait déjà commencé ?

Albin Wagener (*)

A première vue, vous pourrez probablement penser que l’auteur de ces lignes est soit en train de traverser un épisode de déprime passagère nourri par un doomscrolling trop intensif, soit qu’il s’aventure bien loin de ses terrains d’expertise habituels. Les deux seraient inquiétants, cela va sans dire.

Pourtant, je souhaite que nous considérions un instant cette hypothèse, mais en oubliant ce que signifient pour nous les première et deuxième guerres mondiales. En d’autres termes, il s’agit d’ôter non seulement le prisme occidentalo-centré qui nous a permis de raconter les deux premières, et également de ne pas lire la situation du vingt-et-unième siècle avec la grille de lecture du vingtième – erreur hélas trop commode pour bon nombre de sujets. En effet, nous avons changé de siècle, et le siècle dans lequel nous nous trouvons voit une explosion de concepts le qualifier : anthropocène, accélérationisme, disruption digitale, ensauvagement, techno-fascisme… autant de termes qui redéfinissent un siècle, avec une vision générale peu optimiste.

Les différentes excroissances de nos sociétés, qui polluent d’une manière ou d’une autre notre rapport aux autres, aux médias, au système social et économique, ou tout simplement à nous-mêmes, semblent en réalité montrer qu’une guerre d’un tout nouveau genre a éclaté il y a quelques années déjà, et que nous n’en avons pas encore conscience – tout simplement parce que le théâtre des opérations n’a rien à voir avec les références atroces héritées du siècle dernier.

Source : https://cheezburger.com/9421135872/yeah-so-helpful

Le retournement récent des géants de la tech de la Silicon Valley, au moment où Donald Trump accédait à nouveau au pouvoir le 20 janvier 2025, constitue l’un des indices les plus importants. En effet, au moment même où le binôme de choc Trump/Musk accédait aux affaires de la première puissance mondiale, tels des Minus et Cortex sous acide et avec les codes de la valise nucléaire, Jeff Bezos et Mark Zuckerberg abandonnaient sans vergogne leur politique de diversité. Une manière éclatant de montrer que, depuis le début, les grands patrons de la tech n’ont soutenu les mouvements #BlackLivesMatter et autres #PrideMonth qu’à partir du moment où cela servait leurs intérêts commerciaux, et que ces mouvements étaient importants pour leurs clients.

Cela peut paraître évident et relativement anodin, si on le formule de cette manière. Mais en réalité, ce volte-face si abrupt, après une bonne quinzaine d’années d’engagements plus ou moins feints sur le sujet, montre tout simplement que les droits humains, le progrès social et la dignité citoyenne sont des concepts qui n’ont absolument ni intérêt, ni valeur, pour ces personnages. Le problème, c’est qu’entretemps, ces patrons nous ont rendus dépendants à leur plateforme, et se sont incrustés si profondément dans nos modes de vie et dans notre culture que nous sommes désormais cognitivement et affectivement liés à leurs produits.

Guerre cognitive

D’une certaine manière, la troisième guerre mondiale a commencé à partir du moment où nous avons laissé notre attention et notre cognition devenir le nouveau théâtre des opérations de nos agresseurs. Ces agresseurs ont toujours eu pour but de coloniser notre temps d’attention, quelle que soit notre classe sociale, notre inclinaison politique ou nos préférences. Et on aurait tort ici de ne viser que les réseaux sociaux, ce qui serait particulièrement commode.

https://medium.com/mind-talk/the-mental-tug-of-war-a-study-of-cognitive-dissonance-and-its-consequences-e709db3d5d61

Car évidemment, il ne s’agissait pas simplement de nous forcer à nous inscrire sur un réseau, d’y publier des photos ou de s’y faire des amis : il s’agissait de nous rendre dépendant à un tout nouveau mode de vie, entre commandes inopinées sur internet à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, discussions anodines transformées en micro-scandales et en cyber-harcèlement, nouvelles formes de séduction, captation de l’attention par des vidéos courtes conduisant à un reformatage cognitif, commandes vocales connectées colonisant nos espaces domestiques… absolument rien n’a échappé aux récents développements technologiques. Notre attention est devenue une ressource que l’on se dispute, et que nous vendons bien volontiers, pensant qu’il ne s’agit que de transactions anodines basées sur le divertissement.

Car dans ce pacte faustien, les avatars du divertissement suffisent à nous vendre n’importe quoi, à nous soumettre et à nous garder tranquilles, captifs dans ces petites bulles de facilité et de confort, qui après tout ne nous font pas réellement de mal. Et puis est-ce si grave d’offrir ainsi nos données personnelles, dont on n’avait pas réellement conscience avant cette époque ? En quoi cela pourrait-il être dangereux ?

Guerre environnementale

Tandis que nous sommes confits dans la douce quiétude de ce monde ultraconnecté aux services si agréables, et que notre terrain cognitif et affectif devenait désormais domestiqué, une autre guerre a pu ouvertement se déclencher : la guerre environnementale. Bien sûr, elle n’a pas démarré au vingt-et-unième siècle, loin s’en faut ; cela fait plusieurs décennies que les lobbies pétroliers et les politiques ultraconservateurs bataillent pour reculer les mesures permettant de lutter contre le changement climatique.

knowyourmeme.com

Mais cette fois, cela va plus loin : la guerre est menée au grand jour, à grands renforts de propos climatodénialistes ouvertement relayés dans des émissions à fort taux d’audience, alors même que les scandales sanitaires et environnementaux ne font que s’accumuler. Mais peu importe : le changement climatique est la faute des écologistes, les dégâts environnementaux sont la faute des agences chargées de surveiller l’environnement, et les catastrophes naturelles sont de la responsabilité des météorologues.

Cette guerre est menée contre ce qui nous fait vivre en tant qu’espèce et nous relie à tout le vivant : notre planète, tout simplement. Il ne s’agit pas ici que de réchauffement global, mais également de pollution environnementale ou d’agressions répétées et incessantes contre la biodiversité. Après avoir fait de notre mental leur meilleur allié, ces mêmes forces au capital important, dominantes économiquement, ont poursuivi leurs attaques contre notre monde – des attaques déjà largement entamées au moment des grandes colonisations occidentales du dix-neuvième siècle, avec le même sens aigu de l’impérialisme, du mépris pour tout ce qui n’est pas comme eux, et du goût du massacre.

Guerre médiatique

Mais pour garder captif notre espace mental, cognitif et affectif, et attaquer l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et la terre que nous cultivons, il était bien évidemment nécessaire de contrôler les canaux d’information qui nous auraient permis d’obtenir des informations objectives et des données fiables, susceptibles de nous faire réagir. Ici aussi, la guerre remonte à loin, mais elle a fini par prendre des proportions totalement incroyables depuis le début du vingt-et-unième siècle.

Cette guerre médiatique a permis d’abord d’installer un nouveau régime de parole : le régime de l’opinion. Ce régime n’a pas démarré au moment des réseaux sociaux, qui n’ont fait que l’amplifier : il trouve en réalité sa source dans les quelques talk shows un peu grossiers de la fin du siècle dernier, puis dans l’explosion des chaînes d’information en continu, qui exigent de ses invités des punchlines plus efficaces que de longues démonstrations savantes. Ainsi, dans ce régime de l’opinion, le scientifique expert ne peut rien contre l’éditorialiste toutologue, et le second parvient alors systématiquement a donner à son propos les atours d’une parole rationnelle et fondée, même et surtout lorsqu’elle n’est basée sur rien.

Outre cette reconfiguration des régimes de parole dans l’espace public, médiatique et donc démocratique, d’autres grandes fortunes ont décidé de faire main basse sur plusieurs titres et chaînes de télé, constituant d’immenses groupes de presse qui finissent par soutenir une idéologie dominante, capable de défendre les intérêts financiers, fiscaux et idéologiques des patrons en question. Ainsi, dans ce cas de figure, nous nous retrouvons face à une information qui n’est non pas savamment construite pour nous manipuler de manière grossière, mais qui est plutôt là pour diffuser une petite musique thématique incessante à laquelle nous finissons par nous habituer puis nous conformer, avec des avis sur l’actualité partagés par une majorité si large d’éditorialistes qu’ils doivent forcément avoir raison.

Guerre sociale

La guerre se joue également sur le terrain social. Pendant que nous sommes occupés à nous plonger dans le nid douillet de notre confort cognitif, que nous continuons à adopter des habitudes qui agressent notre environnement, et que nous cédons aux opinions dominantes de certains médias, les mêmes coupables démantèlent, avec plus ou moins de zèle et de subtilité, nos Etats – ou à tout le moins nos régimes de protection et de redistribution, qui permettent aux citoyens de vivre dignement et d’être de véritables acteurs de la démocratie.

https://www.coe.int/fr/web/compass/poverty

Car bien évidemment, il serait illusoire de penser que les patrons des lobbies pétroliers, les patrons des groupes de presse et les patrons de la tech n’aient pas les mêmes objectifs, à savoir : conserver un maximum de richesse de leur côté, les accumuler de manière toujours plus éhontée, année après année – et s’assurer qu’aucun Etat ni aucune politique trop humaniste ne viendra mettre son nez dans cette belle affaire. Ainsi, il faut donc peser suffisamment dans la vie politique des Etats, soit en finançant les programmes de ceux qui promettent de maintenir un système législatif et judiciaire suffisamment permissifs pour maintenir le grand déséquilibre capitaliste, soit désormais en prenant le contrôle de ces Etats – comme c’est le cas avec Elon Musk aux Etats-Unis.

Bien sûr, la brutalité face aux exploités n’a hélas pas attendu le vingt-et-unième siècle ; mais cette brutalité va s’accélérer, avec l’explosion des inégalités, de l’appauvrissement graduel de nos populations, et du sentiment de déclassement des classes moyennes supérieures – que l’on retournera facilement contre les classes qui se trouvent en-dessous d’elles. Et comme nous pouvons déjà le voir aux Etats-Unis, toutes les communautés les plus vulnérables en souffriront encore plus : femmes, personnes trans, enfants, personnes racisées, communautés LGBTQIA+ dans leurs ensemble, personnes handicapées – et je pourrais continuer tant la liste est longue. Ces discriminations vont s’accompagner d’une paupérisation grandissante et de l’articulation de fragmentations de plus en plus grandes entre ces communautés – alors que celles-ci auraient tout intérêt à s’unir pour se retourner contre leurs véritables ennemis.

La 3ème guerre mondiale a déjà commencé

Cette guerre s’attaque à 4 terrains distincts, de manière coordonnée : le terrain de l’intime (via la guerre cognitive), le terrain planétaire (via la guerre environnementale), le terrain de la circulation de l’information (via la guerre médiatique) et le terrain des structures sociales (via la guerre sociale). En d’autres termes, si nous ne repolitisons pas l’ensemble de ces espaces, et que nous théorisons et mettons en mouvement une lutte politique méthodique et intellectuellement fournie, nous risquons toujours de tomber dans les mêmes pièges et les mêmes écueils.

Car nous n’avons pas la puissance financière – et donc, de ce fait, pas la puissance d’influence capable de faire basculer un pays, une loi, une ligne éditoriale ou un code pour une nouvelle application. Si cette troisième guerre mondiale a déjà commencé, ce n’est pas tant par ses thématiques (dont certaines sont relativement anciennes) que par la concaténation de l’ensemble de ces terrains : nous sommes attaqués partout, en même temps, et cette guerre se joue désormais à un niveau trans-continental jamais atteints. Elle est menée par un tout petit pourcentage de la population mondiale contre l’intégralité de l’espèce humaine – et contre l’intégralité des espèces vivantes présentes sur la planète, cela va sans dire.

Dans cette guerre, nous n’avons pas vraiment d’alliés, mis à part nous mêmes. Nous sommes des milliards, certes, mais nous sommes faciles à berner, car l’intégralité des structures qui nous relient les uns aux autres, ainsi qu’à nous-mêmes, se retrouvent corrompues de manière brutale, insidieuse et indigne par des individus qui n’ont pour nous ni considération, ni reconnaissance, ni respect. Nous ne sommes que des instruments dans l’accroissement de leurs richesses. Nous sommes les munitions des armes qu’ils dirigent contre nous, comme les réseaux sociaux par exemple – au sein desquels nous sommes si prompts à nous diriger les uns contre les autres, au détour d’un commentaires, d’une republication ou d’un émoji mal placé.

https://outrider.org/climate-change/articles/climate-change-memes-are-helping-people-cope-eco-anxiety

Nous devons pouvoir faire autrement. Mais cela implique, entre autres, de faire probablement des choix radicaux sur l’ensemble de ces quatre théâtres d’opération. Des choix qui demandent sevrage, courage, et probablement une théorisation claire qui permet d’expliciter, de parler, de donner à comprendre et à apprendre auprès de nos pairs. Nous devons relier l’ensemble de ces problématiques, car en face, c’est donc bel et bien un fascisme d’un nouveau genre qui se dresse face à nous – une forme de radicalité violente, inhumaine et discriminatoire qui va désormais chercher, coûte que coûte, à nous imposer un ordre brutal.

Ils le feront en nous mettant en situation de surcharge mentale, en laissant brûler notre planète, en nous abreuvant d’informations fausses et en détruisant ce qui fait de nos sociétés, déjà si imparfaites et passablement injustes, des espaces de solidarité et de dignité. Bien sûr, il ne s’agit pas de dire que cette troisième guerre mondiale doive évacuer de l’esprit les guerres réelles et leurs atrocités qui se multiplient à travers le monde ; mais toutes ces guerres sont liées. Et dans tous ces cas de figure, des personnes réelles peuvent se retrouver privées de droit, en danger pour leur vie ou celle de leurs proches, obligées de survivre dans des situations de vulnérabilité inimaginables.

Cette guerre, c’est probablement l’enjeu de ce siècle. Parce que nous n’avons jamais aussi clairement vu nos ennemis. Ils ne sont jamais aussi clairement sortis du bois, préférant laisser les Etats en faillite au lieu de participer à leur sauvegarde – parce que leur but n’a jamais été l’équilibre économique des Etats, contrairement à ce que la bonne doxa néolibérale souhaite faire penser. Le but est de brûler l’intégralité de ce qu’ils peuvent brûler, tant qu’ils le peuvent encore, et d’amasser jusqu’aux derniers grammes de profit matériel, de l’ôter de nos mains, jusqu’à ce que nous ayons suffisamment de rage pour nous entretuer, mais pas assez d’énergie pour nous liguer contre eux.

Bibliographie

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Wallenhorst, Nathanaël (2023). A critical theory for the anthropocene. Springer.

Zuboff, Shoshana (2019). The Age of Surveillance Capitalism: The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power. PublicAffairs.




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