URL du flux RSS
L’expertise universitaire, l’exigence journalistique

ACCÈS LIBRE UNE Politique International Environnement Technologies Culture

▸ les 25 dernières parutions

17.11.2024 à 11:36

Et si le retour de Trump n’était pas une catastrophe pour l’Ukraine ?

Tatsiana Kulakevich, Associate Professor of Instruction in the School of Interdisciplinary Global Studies, Affiliate Professor at the Institute for Russian, European, and Eurasian Studies, University of South Florida

L’élection de Donald Trump, connu pour ses propos élogieux envers Vladimir Poutine, est souvent perçue comme une très mauvaise nouvelle pour l’Ukraine. Or ce ne sera pas nécessairement le cas.
Texte intégral (2251 mots)

À l’heure où l’élection du nouveau locataire de la Maison Blanche rebat les cartes de la scène internationale, le soutien américain à l’Ukraine dans la guerre l’opposant à la Russie sera réévalué. En dépit de déclarations ambiguës, Trump devrait être lors de son second mandat un soutien pragmatique envers Kiev pénalisant Moscou.


Le président Volodymyr Zelensky a été l’un des premiers dirigeants mondiaux à s’entretenir avec Donald Trump après sa victoire à l’élection du 5 novembre 2024. À cette occasion, le président ukrainien a exprimé sa confiance dans la « potentialité d’une coopération renforcée ».

Or cet optimisme est loin d’être partagé par la plupart des experts. En effet, bien des observateurs de la politique internationale soulignent que Donald Trump a affiché par le passé une posture critique à l’égard de l’OTAN, a jugé trop élevé le montant de l’aide américaine octroyée à Kiev et a, de surcroît, promis un accord rapide avec Moscou pour mettre fin au conflit. Autant de prises de position qui ont alimenté l’incertitude quant à l’engagement de Washington pour aider Kiev à repousser l’armée russe.

En tant que spécialiste de l’Europe de l’Est, je comprends ces préoccupations, mais je propose toutefois d’en prendre le contre-pied. À mon sens, le retour d’une présidence Trump n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour l’Ukraine.

La mission de l’OTAN face à la Russie ne changera pas de cap

Donald Trump est souvent dépeint comme un dirigeant isolationniste, profondément nationaliste et opposé à tout type d’interventionnisme sur la scène internationale.

Il a alimenté cette image en affirmant, par exemple, que les États-Unis ne défendraient pas, en cas d’attaque russe, un membre de l’OTAN si ce pays ne remplissait pas ses objectifs en matière de dépenses militaires conformément aux engagements de l’Alliance atlantique.


À lire aussi : La victoire de Trump, une bonne nouvelle (paradoxale) pour les Européens ?


Néanmoins, ce constat peut être nuancé par des faits établis et les positions antérieures du Parti républicain.

En décembre 2023, le Congrès américain a adopté une loi bipartisane interdisant à un président de retirer unilatéralement les États-Unis de l’OTAN –, incluant ainsi de fait la sécurité et la stabilité de l’Europe dans l’intérêt des États-Unis. Le co-auteur de ce projet de loi, le sénateur républicain Marco Rubio, s’est imposé ces derniers mois comme un partenaire clé de Donald Trump lors de la campagne électorale et, surtout, vient d’être nommé par ce dernier pour intégrer son futur gouvernement au poste prestigieux de secrétaire d’État.

En outre, les États-Unis et l’Europe demeurent mutuellement des partenaires économiques de premier plan. De sorte que Washington devrait continuer à s’engager dans les enjeux sécuritaires européens aussi longtemps qu’une déstabilisation du Vieux Continent aura des effets sur l’économie mondiale et en particulier celle des États-Unis.

Par ailleurs, il n’est pas du tout certain que la nouvelle administration s’écartera significativement des politiques extérieures menées par celles des présidents Obama et Biden, et par Trump durant son premier mandat. Un consensus existe dans la classe politique américaine sur le fait que la Chine constitue la principale menace pour les États-Unis. Or Pékin a apporté son soutien à Vladimir Poutine après le déploiement des opérations militaires en Ukraine.

La poursuite de la coopération entre les États-Unis et leurs alliés européens renforcerait la position du pays en Asie. Des coopérations militaires directes, à l’instar de l’accord AUKUS signé avec le Royaume-Uni et l’Australie pour fournir à cette dernière des sous-marins à propulsion nucléaire, participent à la stratégie américaine visant à contrer et à contenir la menace chinoise dans le Pacifique. Washington entend également montrer à ses alliés en Asie – tels que le Japon, la Corée du Sud ou Taïwan – qu’il est un partenaire fiable en matière de sécurité en temps de crise.

Trump et Poutine : une affinité à nuancer

L’idée que Donald Trump entretient de bonnes relations avec Poutine a été largement relayée. Lors de sa campagne électorale, le candidat républicain a insisté sur le fait qu’en cas de victoire, il ramènerait la paix en Ukraine avant même son investiture. Il avait aussi qualifié le dirigeant russe de « génie » et d’homme « avisé » pour avoir envahi l’Ukraine.

Poutine a félicité Trump pour sa victoire, saluant le « courage » dont il a fait preuve à la suite de la tentative d’assassinat qui l’a visé lors d’un meeting en juillet 2024. Le Kremlin s’est également dit ouvert au dialogue avec le président étasunien nouvellement élu.


À lire aussi : Avec le retour de Donald Trump, quelle Amérique sur la scène internationale ?


Mais en réalité, la politique conduite par Donald Trump à l’égard de la Russie au cours de son premier mandat a été nettement plus musclée que ses mots le laissent supposer. En effet, il y a de bonnes raisons de penser que la première administration Trump s’est montrée plus dure envers Poutine que l’administration Obama qui l’avait précédée.

Trump avait, par exemple, fourni aux Ukrainiens des missiles antichars alors que l’administration Obama avait refusé de leur transférer de telles armes. De même, en 2018, sous Trump, les États-Unis s’étaient retirés du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en raison des violations du texte par Moscou, alors qu’en 2014, après que la Russie avait prétendument testé un missile de croisière (à longue portée), le président Obama avait accusé Moscou de violer le traité FNI mais n’en avait pas retiré les États-Unis pour autant.

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, avait qualifié le retrait décidé par Donald Trump de décision « très dangereuse ». Et pour cause : le traité FNI empêchait les États-Unis de développer de nouvelles armes et leur liait les mains dans le Pacifique, dans le cadre de leur rivalité stratégique avec la Chine.

En 2019, Trump avait signé un texte comprenant des sanctions contre la construction du gazoduc Nord Stream 2 qui devait relier directement, via la mer Baltique, la Russie à l’Allemagne. Le gazoduc, rendu inopérant depuis par un sabotage survenu en septembre 2022, était vertement dénoncé par l’Ukraine car il permettait à Moscou d’exporter son pétrole en contournant les pipelines présents sur le territoire ukrainien et de mettre en œuvre à l’encontre du gouvernement de Kiev un « blocus économique et énergétique ». Ces sanctions contre Nord Stream 2 ne sont que l’une des 52 actions politiques portées par la première administration Trump visant à faire pression sur la Russie.

De son côté, l’administration Biden a d’abord levé les sanctions contre Nord Stream 2 en 2021, avant de les réimposer le 23 février 2022, soit la veille du déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

« Drill, baby, drill » un credo qui risque de malmener le pétrole russe

Près de trois ans après l’invasion russe du territoire ukrainien, la machine de guerre du Kremlin fonctionne toujours grâce aux revenus tirés de l’exportation d’énergies fossiles. Malgré les sanctions occidentales sans précédent visant à restreindre les ventes de pétrole et de gaz russes, de nombreux pays continuent d’importer des hydrocarbures depuis la Russie. L’Inde, par exemple, est devenue à la suite du déclenchement du conflit le plus gros acheteur de pétrole brut russe.

Dans un tel contexte, la politique menée par Trump dans le domaine de l’énergie, même si elle ne visera pas directement Moscou, pourrait tout de même nuire aux intérêts russes. En effet, Trump a promis à plusieurs reprises d’accroître l’exploitation de pétrole et de gaz sur le sol américain. Et même s’il faut du temps pour que cela se traduise par une altération des prix des énergies fossiles, l’augmentation de la production aux États-Unis – déjà premier producteur mondial de pétrole brut – aurait d’importantes conséquences sur le marché mondial.


À lire aussi : Ces politiques climatiques que Trump ne pourra complètement défaire aux États-Unis


Le retour de Trump à la Maison Blanche pourrait également se traduire par une application plus stricte des sanctions pétrolières américaines contre l’Iran, réduisant ainsi la capacité de Téhéran à vendre des armes à la Russie. En effet, l’Iran apporte son soutien à la Russie à la fois diplomatiquement et militairement depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Or depuis 2020, les revenus iraniens provenant des exportations de pétrole ont presque quadruplé, passant de 16 milliards de dollars à 53 milliards en 2023 selon l’Agence d’information sur l’énergie (U.S. Energy Information Administration).

Enfin, toute conjecture sur les décisions que prendra Trump une fois au pouvoir se révèle difficile tant ce dernier s’est toujours montré imprévisible sur la scène politique. Sans oublier que la politique étrangère des États-Unis peut évoluer sur le long cours : il ne faut donc pas s’attendre à des percées immédiates ou à des surprises majeures. Il ressort de tous ces éléments que le bilan du premier mandat Trump permet de contrebalancer les opinions des commentateurs ayant suggéré que sa victoire ne serait pas de bon augure pour l’Ukraine…

The Conversation

Tatsiana Kulakevich ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

17.11.2024 à 11:35

Rwanda, Maroc, Nigeria, Afrique du Sud : les quatre pionniers des nouvelles technologies en Afrique

Thierry Berthier, Maitre de conférences en mathématiques, cybersécurité et cyberdéfense, chaire de cyberdéfense Saint-Cyr, Université de Limoges

Coup de projecteur sur les quatre pays africains qui se veulent les fers-de-lance de la transformation technologique sur le continent.
Texte intégral (2272 mots)
Rue de Kigali, capitale du Rwanda. Le pays aspire à devenir un leader continental voire mondial en matière d’innovation technologique et la machine semble bien lancée. Niels Hanssens/Flickr, CC BY

Le Rwanda a fait le choix de l’innovation au service de son développement économique. Le Maroc, le Nigeria et l’Afrique du Sud ont eux aussi consenti des efforts importants pour devenir des acteurs continentaux de premier plan dans le domaine des technologies de pointe, y compris de l’intelligence artificielle.


À l’instar de ses voisins, le « pays des mille collines » et des Grands Lacs a traversé le XXe siècle au rythme des mutations géopolitiques et des turbulences de la décolonisation. Il a aussi connu l’une des plus grandes tragédies du siècle dernier, le génocide des Tutsi, qui s’est soldé par l’assassinat de près de 1 million de personnes en trois mois en 1994.

Une fois la paix retrouvée, le Rwanda a su se transformer durant le premier quart du XXIᵉ siècle en un territoire tourné vers le progrès technologique. Son ambition assumée : devenir un pôle d’innovation attractif, de niveau continental, et s’élever au rang de nation technologique.

Une ambition impulsée par le gouvernement

Les dirigeants rwandais, au premier rang desquels le président Paul Kagamé, au pouvoir depuis 1994, ont choisi de développer et accompagner la technologie, plutôt que de la subir, en installant des incubateurs d’entreprises et en attirant des investisseurs provenant du monde entier.

Le Rwanda est, avec Maurice, le deuxième pays d’Afrique où il est le plus facile de faire des affaires. Il faut entre trois et six heures pour créer une entreprise et ouvrir un compte bancaire, ce qui est très peu au regard du millefeuille administratif et réglementaire présent en Europe…

Il est également très aisé de recruter des talents bien formés sur le terrain. Tous les ingrédients semblent réunis pour faire du pays une start-up nation au sens américain ou israélien du terme.

Le gouvernement multiplie les coopérations internationales permettant de drainer et de diffuser le progrès technologique sur l’ensemble des provinces du pays. Cette distribution contribue à la stabilité géopolitique du Rwanda, que l’on qualifie parfois de « Suisse de l’Afrique », un pays où il fait bon vivre, au milieu des lacs et des montagnes tout en bénéficiant des meilleures technologies. Devenu un pôle d’influence technologique continental, le Rwanda est entré en compétition avec les autres territoires africains de progrès et de croissance.


À lire aussi : Crise entre la RDC et le Rwanda : ce qu'il faut faire pour éviter une guerre régionale


La santé et l’IA : chasses gardées de l’innovation rwandaise

Ce tissu économique est compatible avec les attentes des citoyens rwandais, notamment en matière de santé publique. Contrairement à d’autres pays africains, la crise sanitaire du Covid-19 a été bien gérée afin de protéger la population sans casser la dynamique de croissance économique.

En 2024, le pays mise beaucoup sur la santé connectée, en réseau, sur l’IA et sur la robotique médicale. Un premier exemple de succès concerne la formation de centaines de chirurgiens à Kigali à la chirurgie mini-invasive et aux opérations complexes robotisées.

En ouvrant ce type de formations très spécialisées, le Rwanda attire et fédère un écosystème médical technologique international de haut niveau. L’innovation doit ruisseler ensuite au bénéfice de l’ensemble de la population. Un pouvoir attractif remarquable alors que la compétition mondiale suscite de plus en plus de replis nationaux.

La capitale rwandaise Kigali est en passe de devenir un hub des technologies de pointe, notamment dans le domaine médical.

Un deuxième exemple concerne la robotique aérienne utilisée pour la livraison automatisée de médicaments, de sang et de plasma, entre hôpitaux éloignés ou difficiles d’accès. Les drones médicaux rapprochent les campagnes des villes, et les zones mal desservies des centres hospitaliers urbains, en créant des connexions durables et résilientes.

Pour déployer ces nouvelles routes de drones à usage médical, les autorités ont fait appel à la société américaine ZIPLINE, spécialisée dans le déploiement logistique robotisé et la livraison par drones. Plusieurs partenariats ont permis de déployer des couloirs aériens et des infrastructures de livraison rapides et fiables.

Notons que ce type d’infrastructure reste très difficile à construire en Europe, notamment en raison des nombreux verrous de régulation de l’espace aérien. Quand la réglementation et le principe de précaution deviennent invasifs, l’innovation finit par s’éteindre… Le Rwanda a bien compris cette loi physique et a su adapter son cadre réglementaire aux innovations technologiques.


À lire aussi : L’échiquier mondial de l’IA : entre régulations et soft power


Un troisième exemple est celui de l’IA générative (GPT4) qui fournit un service de télémédecine effectif, complété par un réseau de médecins humains sur le modèle Uber.

La plateforme Doc Africa a été déployée avec succès au Nigéria. Elle permet des téléconsultations dans l’ensemble du pays, validées par un médecin référent, notamment dans les zones rurales difficiles d’accès. Elle s’étendra ensuite à d’autres pays africains, dont le Rwanda en 2025, avec des offres complémentaires tel qu’un carnet de santé numérique universel. Le pays aux mille collines présente toutes les garanties de succès pour le déploiement d’un tel projet.

Au Rwanda, cette percée des technologies de rupture portées par l’IA et la robotique se poursuit et s’étend à d’autres domaines tels que l’agriculture de précision, la logistique, le transport décarboné ou le secteur spatial.

Devenir leader de l’innovation technologique : une compétition régionale

Plusieurs pays africains partagent le même souhait de devenir un leader en matière d’innovation technologique. Il s’agit notamment de l’Afrique du Sud, du Nigeria et du Maroc. Chacun dispose de spécificités économiques, géopolitiques et culturelles qui rendent la compétition très rude entre ces territoires d’innovation.

Dans le domaine de l’IA, l’Afrique du Sud et le Nigeria ont déployé plusieurs centres d’excellence fonctionnant comme de puissants pôles attractifs pour les pays voisins qui s’inspirent de ces modèles de croissance. En outre, la position exemplaire du Maroc doit être saluée – alors qu’en une dizaine d’années seulement, le pays s’est hissé au rang de nation de premier plan pour le développement de l’IA.

Entretien d’Amal El Fallah Seghrouchni, pionnière de l’IA au Maroc, alors que ce dernier souhaite devenir un hub de développement de l’IA sur le continent africain.

Un centre de recherche dédié à l’IA, l’« AI Dôme », a été financé par le roi du Maroc et créé à l’initiative d’Amal El Fallah Seghrouchni, présidente exécutive du Centre International d’intelligence artificielle du Maroc, « AI Movement » et ambassadrice Unesco de l’IA pour l’Afrique, récemment nommée ministre d’État en charge de du numérique et de l’IA. Dès sa création, l’« AI Dôme » a noué de nombreux partenariats avec des pays d’Afrique subsaharienne qui ne disposaient pas encore de stratégie nationale concernant ces nouvelles technologiques, dans une volonté de devenir, à terme, un leader continental sur ces sujets.

L’ambition géopolitique associée au statut de nation technologique ne doit pas être sous-estimée. Développer un soft power technologique attractif en Afrique permet de relever les multiples défis de développement et de croissance, de conquérir les cœurs et les esprits, ainsi que de sceller des alliances géostratégiques dépassant largement le cadre de l’innovation.

Les « diplomaties et soft power » de l’IA, de la robotique, des drones, des télécommunications, des énergies renouvelables, des batteries électriques, du secteur spatial, construisent les consortiums et les alliances.

À l’échelle continentale, les quatre pays compétiteurs se retrouvent en coopération ou en concurrence sur chaque grand projet technologique africain à impact. Chacun d’entre eux dispose de l’écosystème d’investissement adapté, d’une vision stratégique claire, d’une volonté gouvernementale de croissance affirmée et des ressources humaines de haut niveau scientifique compatibles avec les enjeux de recherche et de développement. Les ingrédients sont bien présents dans le chaudron de l’innovation…

Il ne reste qu’à remuer et orchestrer la montée en puissance internationale. Devenir une nation technologique est un projet stratégique global qui s’inscrit dans les grandes dynamiques des convergences technologiques transformant le monde. Le continent africain a parfaitement mesuré l’intérêt de participer activement aux révolutions de l’intelligence artificielle (IA), de la robotique, des nanotechnologies, des biotechnologies, des énergies renouvelables, de la décarbonation, du stress hydrique et du secteur spatial.


À lire aussi : Le Sénégal lance avec succès son premier satellite au service de l'environnement


Les quatre premières nations technologiques africaines sont d’ores et déjà entrées en compétition géopolitique pour devenir le pays leader du continent africain. Cette compétition nécessite des investissements importants, des investisseurs industriels, privés et de l’intelligence économique déployée pour attirer et conserver les meilleurs jeunes talents sur le territoire. De sorte que l’Afrique du XXIe siècle est aussi celle de l’émancipation technologique et de la souveraineté industrielle.

The Conversation

Thierry Berthier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

14.11.2024 à 17:27

Giorgia Meloni sur la ligne de crête face aux États-Unis de Donald Trump

Jean-Pierre Darnis, Professeur des Universités, directeur du master en relations franco-italiennes, Université Côte d'Azur, Chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS, Paris), professeur et membre du CISS de l'université LUISS de Rome, Université Côte d’Azur

Giorgia Meloni recherchera probablement un rapprochement avec Donald Trump ; leur coopération se fera-t-elle au détriment de l’UE ou à son bénéfice ?
Texte intégral (2517 mots)

L’Italie n’a jamais cherché à rompre son lien fort avec les États-Unis, quelles que soient les personnalités au pouvoir à Rome comme à Washington. Cette tendance se poursuivra lors du second mandat de Donald Trump, mais le gouvernement présidé par Giorgia Meloni, qui peine à consacrer 2 % de son budget aux dépenses militaires et qui redoute la hausse des droits de douane qu’a promise le prochain président américain, devra jouer finement au cours de ces prochaines années.


La relation avec les États-Unis est une composante fondamentale de la politique étrangère de la République italienne, dont l’atlantisme est un facteur constitutif et jamais remis en cause depuis la Seconde Guerre mondiale. Le choix du camp occidental, celui de la démocratie libérale et d’une défense intrinsèquement conçue au sein de l’OTAN constituent les repères de cet engagement présenté comme indéfectible pour Rome.

L’atlantisme est toujours apparu comme une condition sine qua non pour accéder au gouvernement en Italie, spécialement pour des forces politiques nouvelles. Ce fut le cas de l’actuel gouvernement : à son arrivée aux affaires en octobre 2022, Giorgia Meloni, la dirigeante de Fratelli d’Italia, s’est empressée d’afficher sa bonne entente avec Joe Biden. Il ne fait nul doute que la présidente du Conseil italien cherchera également à entretenir une bonne relation avec Donald Trump – un modèle pour une partie de la droite italienne depuis son premier mandat.

Les rapports entre la droite italienne et le trumpisme

Au sein de l’actuelle coalition de droite, ce sont avant tout Matteo Salvini et sa Lega qui s’autoproclament paladins pro-Trump en Italie. Cette position est une constante pour la Lega et son leader, et a été maintes fois réitérée lors du gouvernement populiste Lega-M5S de 2018 à 2019, en place lors du premier mandat Trump aux États-Unis.

[Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters The Conversation. Et vous ? Abonnez-vous aujourd’hui pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.]

Il faut cependant relever que les appels du pied de la part de Matteo Salvini n’ont pas été vraiment suivis d’effets côté américain, la relation étatique étant à l’époque gérée par le leader du Mouvement 5 étoiles, Giuseppe Conte. C’est justement le M5S, fondé par Beppe Grillo, qui a longtemps incarné le populisme italien et était à cette époque souvent associé au trumpisme.

Quand Donald Trump est élu en 2016, la droite italienne regarde son cas avec beaucoup d’intérêt, dans un contexte où le leadership exercé par Silvio Berlusconi est déclinant. Cette projection vers Washington représente une nouveauté pour un parti comme Fratelli d’Italia, dont la tradition politique était historiquement caractérisée par des formes variées d’anti-américanisme.

En 2018, le stratège ultra-conservateur américain Steve Bannon établit des contacts avec Matteo Salvini et Giorgia Meloni en vue d’opérer une révolution conservatrice en Europe. Cependant, la défaite électorale de Trump en 2020 puis l’assaut du Capitole par ses partisans le 6 janvier 2021 représentent un tournant : la droite italienne devient beaucoup plus prudente à l’égard de l’ex-président.

Après la nomination de Mario Draghi à la tête du gouvernement italien en 2021, le parti de Giorgia Meloni s’oppose à la coalition transversale qui soutient Draghi tout en cherchant à construire une image de respectabilité en vue des consultations électorales, ce qui passe notamment par une nette réduction des références positives à Trump.

Après l’arrivée de Meloni au pouvoir en 2022, on assiste à un certain réchauffement des rapports avec le Parti républicain. Par exemple, le député Fratelli d’Italia Antonio Giordano était présent lors de la convention républicaine de Milwaukee en juillet 2024, qui voit Donald Trump officiellement nommé candidat du parti. La relative probabilité de la victoire de Trump en 2024 a relancé la volonté italienne de rechercher des connexions avec le camp trumpien, dans une démarche plus pragmatique que véritablement idéologique.

Le retour de Donald Trump : un risque pour l’économie italienne

Après l’annonce de la victoire de Trump, Giorgia Meloni a eu, à l’instar d’Emmanuel Macron, une conversation téléphonique avec l’ex-futur président américain. Plusieurs sujets suscitent une vive inquiétude à Rome.

Tout d’abord, la question du rôle de l’OTAN en Europe apparaît comme fondamentale aux yeux des Italiens, profondément préoccupés par un éventuel retrait américain. L’Italie est un « mauvais élève » de l’OTAN en matière de dépenses militaires avec un budget de la défense qui représente environ 1,5 % de son PIB, bien loin du seuil des 2 % défini comme cible pour l’ensemble des membres en 2006 et exigé par Donald Trump durant son premier mandat.

Ensuite, les milieux économiques italiens redoutent les effets de la mise en place de droits de douane supplémentaires annoncée par Donald Trump. L’Italie tire une grande partie de ses richesses des exportations, et le solde positif de sa balance commerciale est une donnée qui a de nombreuses implications politiques et sociales. Le marché américain est un débouché important pour de nombreux industriels italiens et il convient pour Rome de défendre cet accès, et ce d’autant plus que ces producteurs apparaissent comme autant de clientèles pour les partis de la coalition de droite, en particulier dans le nord de la péninsule.

Cet article est cité dans l’émission « Accents d’Europe », sur RFI, dont The Conversation France est partenaire

En Italie, on craint également les ricochets négatifs d’une guerre commerciale entre Washington et Pékin avec des scénarios dans lesquels une Chine bloquée sur le marché américain déverserait sur l’Europe son trop-plein productif, voire même dans le cas où l’Europe subirait des injonctions américaines dans ses rapports avec la Chine, ce qui irait à l’encontre de l’intérêt de l’UE.

Enfin, il faut également relever que Donald Trump s’est distingué dans le passé par son absence d’intérêt pour l’Afrique. Le gouvernement Meloni a fait du « plan Mattei » pour l’Afrique une priorité de sa politique étrangère et, ici encore, devra probablement privilégier l’échelon européen pour rechercher la continuité de cette action.

Giorgia Meloni va certainement tenter de cultiver une bonne relation avec Donald Trump et ses équipes, en s’appuyant par exemple sur ses rapports avec Elon Musk, qu’elle a rencontré à deux reprises et qui avait également participé à la fête de l’organisation de jeunesse de Fratelli d’Italia, Atreju, en décembre 2023. Cette intervention avait d’ailleurs donné lieu à une interview plutôt décousue qui n’apparaissait pas véritablement comme une plate-forme politique commune, aux delà des positions de Musk et de Meloni en faveur de la natalité.

La recherche du dialogue avec Donald Trump de la part de Giorgia Meloni obéit donc à la nécessité d’une approche transactionnelle pour défendre les intérêts italiens et n’apparaît que de manière limitée comme le résultat d’une convergence idéologique. Il convient de rappeler que le nationalisme de Giorgia Meloni est synonyme d’une méthode, celle qui consiste à considérer l’échelon national comme prioritaire et à penser à l’ensemble des relations bilatérales comme autant de moment de marchandages, ce qui se fait au détriment de l’action multilatérale. En somme, il s’agit d’une conception de la politique étrangère quelque peu étriquée, qui correspond à une vision de jeu à somme nulle.

Côté italien, on essayera probablement de faire jouer les relais de la communauté italo-américaine pour chercher à obtenir le meilleur traitement commercial possible, et il serait certainement avisé côté européen de rechercher une position commune face à l’éventualité de ces marchandages bilatéraux qui pourraient malmener la cohésion de l’Union.

L’importance de la dimension européenne pour l’Italie

Pour le gouvernement italien, à l’exclusion de Matteo Salvini, la dimension européenne est plus que jamais fondamentale, ne serait-ce que comme nécessaire bouclier de protection à l’égard des potentiels effets de bord de la présidence Trump. En ce qui concerne la défense, l’Italie vise désormais à atteindre le seuil des 2 % du PIB consacrés aux dépenses militaires à travers un accroissement du budget européen d’investissement, qui irait alors au-delà des limites fixées par le pacte de stabilité. En matière économique, il convient de rappeler la continuité entre les politiques engagées par Mario Draghi et Giorgia Meloni, un aspect de convergence que l’on retrouve en filigrane de l’intervention de Mario Draghi lors du sommet européen de Budapest le 8 novembre 2024. Pour l’Italie, l’Europe est à la fois un marché stratégique et un apport financier essentiel, en particulier du fait de l’apport essentiel à l’économie nationale du grand plan de relance européen « Next Generation EU ».

Cette importance accordée au cadre économique européen transparait également dans la désignation du ministre italien des Affaires européennes Raffaelle Fitto au poste de commissaire européen chargé de la cohésion et des réformes, avec en sus une vice-présidence exécutive de la Commission. Raffaelle Fitto, 55 ans, qui a commencé sa carrière politique au sein de la Démocratie chrétienne, représente un courant modéré au sein de la droite italienne. Après avoir longtemps appartenu au centre-droit berlusconien, il a rejoint Fratelli d’Italia en 2019. Il apparaît comme une personnalité politique plutôt transversale et consensuelle, comme l’illustre le soutien relatif que lui accorde le Parti démocrate en vue de sa nomination européenne.

La désignation de cet ancien membre du Parti populaire européen (qui regroupe au Parlement européen les partis de la droite traditionnelle) met en évidence une forme de continuité du gouvernement Meloni avec les précédentes majorités de droite en Italie, même si les équilibres des forces entre les trois familles politiques de la droite italienne ont changé depuis l’époque de Silvio Berlusconi.

La volonté de nomination de Raffaelle Fitto à la vice-présidence de la Commission constitue également un signal de dialogue de la part de la présidence Von Der Leyen. On avait déjà relevé combien la cheffe du gouvernement italien avait été soucieuse de cultiver une relation institutionnelle de qualité avec la présidente de la Commission européenne, qu’elle a tenu à associer à des démarches clés pour l’Italie, que ce soit en Tunisie ou en matière de politique africaine.

Le gouvernement italien a joué le jeu de la collaboration et du dialogue avec Bruxelles. Cet aspect a également une traduction politique dans le positionnement du groupe des Conservateurs et réformistes au Parlement européen (CRE), dont les Fratelli d’Italia sont la première force et qui apparaissent aujourd’hui comme une force de complément par rapport à la « majorité Ursula ».

L’élargissement de cette majorité vers l’aile droite suscite une ferme opposition de la part des socialistes européens, qui souhaitent la candidature de Fitto ; dans le même temps, le Parti populaire européen (PPE) rejette la socialiste espagnole Teresa Ribera, qui a hérité du portefeuille de la transition écologique et la concurrence. Dans ce contexte, des doutes pèsent sur la capacité d’Ursula von der Leyen à obtenir la composition de la commission qu’elle souhaite…

Les résultats des élections américaines et le panorama européen – coalition minoritaire en France, instabilité politique en Allemagne – sèment le doute au sein de l’UE. Dans ce contexte, le gouvernement italien apparaît comme relativement stable par rapport aux exécutifs allemands ou français. Ancré dans une dimension européenne plus que jamais nécessaire pour l’Italie, ne serait-ce que d’un point de vue pragmatique, il exprime une capacité de dialogue intra-européenne et transatlantique qui peut constituer une ressource politique dans la phase actuelle.

Certes, la vision trumpiste est certainement centripète en ce qui concerne l’UE, et on peut prévoir une volonté de diviser pour mieux régner de la part de la future administration américaine. La position italienne a toujours été de concilier la dimension transatlantique avec celle européenne, l’une ne devant pas exclure l’autre, et l’exécutif Meloni ne semble pas devoir déroger à cette ligne traditionnelle. Il lui faudra cependant gérer ses propres contradictions entre la revendication nationaliste qui entraîne une posture transactionnelle et les bénéfices du jeu collectif européen dont le Plan de Relance représente le signe le plus manifeste. De ce point de vue, l’institutionnalisation de la relation franco-italienne au travers du Traité du Quirinal représente un outil opportun car ce texte concilie l’approche bilatérale avec la recherche de compromis dans le cadre européen.

The Conversation

Jean-Pierre Darnis a reçu des financements IDEX Académie 5 de l'université Côte d'Azur

14.11.2024 à 17:23

Avec le retour de Donald Trump, quelle Amérique sur la scène internationale ?

Elizabeth Sheppard Sellam, Responsable du programme « Politiques et relations internationales » à la faculté de langues étrangères, Université de Tours

Les autres puissances mondiales doivent revoir leur politique étrangère après l’élection de Trump, dont les premières nominations confirment qu’il appliquera encore sa doctrine « America First ».
Texte intégral (2264 mots)

Face au retour de Trump à la Maison Blanche, les puissances mondiales – partenaires comme adversaires de la prochaine administration – vont revoir leur politique étrangère. En effet, ce second mandat s’inscrira sans doute dans la ligne du premier, caractérisé par le principe d’« America First », et pourrait modifier profondément l’ordre mondial actuel.


La réélection de Donald Trump marque un tournant pour les relations internationales. Son administration, axée sur « l’Amérique d’abord » (« America First ») et un engagement international limité, vise à redéfinir le rôle des États-Unis, se présentant comme « un acteur de paix » donnant la priorité à ses affaires intérieures.

Aimant rappeler qu’il est le premier président depuis les années 1970 à n’avoir déclenché aucune guerre – alors même que les tensions mondiales atteignent un point critique –, Trump hérite d’un monde traversé par de nombreux conflits de grande ampleur, spécialement en Ukraine et au Proche-Orient.

En Asie, sa volonté de réduire l’engagement militaire américain influencera sans doute la réponse de Washington à l’implication de la Corée du Nord en Ukraine et aux tensions entre Taïwan et la Chine.

Ces points chauds mettront à l’épreuve les alliances mondiales, forçant l’administration Trump à jongler entre prudence stratégique et préservation des intérêts de ses alliés. Mais qui Trump considère-t-il comme ses alliés, que veut-il précisément sur le plan de la politique internationale et comment compte-t-il arriver à ses fins ?

Échos du passé et tradition isolationniste américaine

L’isolationnisme est profondément ancré dans la politique étrangère américaine, comme le montre le discours d’adieu de George Washington, en 1784, qui mettait déjà ses concitoyens en garde contre les alliances complexes. Ce principe réapparaît dans la doctrine trumpiste « America First ».

Durant son premier mandat, Trump avait limité l’implication des États-Unis à l’étranger et remis en question les institutions multilatérales, comme l’OTAN, préférant des percées diplomatiques gérées en bilatéral avec les États concernés, à l’instar des accords d’Abraham, ou des actions symboliques telles que l’élimination du général iranien Ghassem Soleimani, conduites sans déployer de troupes.

Bien que cette approche suscite des critiques – notamment dans la mesure où elle tend à fragiliser les alliances existantes –, elle s’inscrit dans une tradition américaine d’autonomie stratégique.

Le second mandat devrait confirmer et renforcer cette orientation : il s’agira, pour Washington, de mettre en garde contre des engagements à long terme qui pourraient compromettre les intérêts américains et de miser sur des alliances temporaires. Trump, en minimisant ses engagements internationaux, souhaite que l’Amérique demeure influente mais non contrainte, n’agissant qu’en fonction de ses propres intérêts.

Amis et ennemis au Moyen-Orient

Au Moyen-Orient, Donald Trump vise à renforcer les alliances de son premier mandat, notamment avec Israël et avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, qui s’est félicité de son retour au pouvoir.

Durant son premier mandat, Trump avait, acte hautement symbolique, transféré l’ambassade de son pays de Tel-Aviv à Jérusalem, répondant ainsi à une vieille demande de la droite israélienne ; il avait également soutenu Israël à travers les accords d’Abraham, qui ont normalisé les relations de Tel-Aviv avec plusieurs nations arabes, tout en isolant l’Iran.

Lors du second mandat, il cherchera sans doute à approfondir ces alliances via des incitations diplomatiques et économiques qui permettraient d’élargir ces accords. Notamment pour satisfaire sa base évangélique, très investie dans le soutien à Israël.

La politique de Trump au Moyen-Orient est aussi marquée par une approche sélective et transactionnelle illustrée par sa coopération avec l’Arabie saoudite. Cette approche est centrée sur des ventes d’armes et la lutte contre l’influence iranienne, et a été mise en œuvre malgré les critiques dont elle a fait l’objet à la suite de l’affaire Khashoggi.

Son approche à l’égard de l’Iran reste quant à elle inflexible. Lors du premier mandat, il avait retiré les États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien et mis en place des sanctions sévères à l’encontre de Téhéran. Il poursuivra sans doute cette ligne dure, privilégiant l’endiguement à la diplomatie. Ce second mandat pourrait donc renforcer un front uni avec Israël et l’Arabie saoudite contre l’Iran.

Enfin, concernant Gaza et le Liban, Trump a promis la paix en demandant à son ami Nétanyahou de mettre fin à ces guerres d’ici à son arrivée au pouvoir, sans commenter particulièrement les opérations israéliennes, lesquelles ne semblent nullement augurer d’une fin prochaine de ces conflits.


À lire aussi : Israël rêve d’un « nouveau Moyen-Orient », mais à quelle réalité se heurtera-t-il ?


Vers une autonomie européenne ?

L’évolution des relations entre les États-Unis et l’Europe face au conflit ukrainien reflète un équilibre délicat entre priorités intérieures américaines et engagements internationaux. Le retour de Trump au pouvoir et son penchant pour la désescalade avec la Russie pourraient modifier le soutien américain envers Kiev, reprenant en partie l’approche initiale de l’administration Biden qui cherchait à éviter toute confrontation directe avec Moscou.

L’échange téléphonique entre Donald Trump et le président Zelensky, consécutif à l’élection du premier le 5 novembre dernier, illustre aussi l’existence de nouvelles influences non conventionnelles en diplomatie, puisqu’Elon Musk y a participé. Même si Zelensky a laissé entendre que son échange avec Trump ne l’a pas laissé « désespéré. », on pourrait assister à une nette réduction du soutien américain à l’effort de guerre ukrainien, ce qui pourrait faire basculer la dynamique régionale en faveur de Moscou. Une perspective qui inquiète les alliés européens de Kiev, particulièrement en Europe de l’Est.

Elle représente également un « signal d’alarme » pour l’Union européenne quant à la nécessité d’acquérir une autonomie stratégique – projet qui a motivé plusieurs récentes déclarations des membres de l’UE.

L’Europe pourrait ainsi se saisir de cette occasion pour renforcer son autonomie au sein de l’OTAN, et ouvrir la voie à des pays comme la France et la Pologne pour prendre les rênes de sa politique de défense.


À lire aussi : La victoire de Trump, une bonne nouvelle (paradoxale) pour les Européens ?


Les personnages clés de la politique étrangère de Trump

Donald Trump a sélectionné des figures fidèles pour occuper des postes clés en politique étrangère et de défense. Marco Rubio, le futur secrétaire d’État, est un homme politique de premier plan, sénateur de Floride, connu pour ses positions conservatrices en matière de politique étrangère et sa rhétorique anti-chinoise virulente. Figure de proue du Parti républicain, Rubio a toujours plaidé en faveur d’une fermeté maximale en matière de sécurité nationale et d’un soutien entier à Israël.

Au poste de secrétaire à la Défense, Trump a nommé Pete Hegseth, animateur de Fox News et vétéran de la Garde nationale. Connu pour ses opinions conservatrices et ses critiques visant la diffusion du « wokisme » dans l’armée, Hegseth n’a qu’une expérience limitée en matière de stratégie militaire internationale, ce qui a suscité des inquiétudes parmi les responsables de la défense quant à sa capacité à diriger Le Pentagone.

La Central Intelligence Agency (CIA) sera placée sous la férule de John Ratcliffe, ancien directeur du renseignement national (2020-2021) et fidèle allié de Trump. Le précédent mandat de Ratcliffe avait été pointé du doigt par de nombreux observateurs qui lui reprochaient de tenter de politiser la communauté du renseignement. Dans la prochaine administration, la direction du renseignement devrait être l’affaire de Tulsy Gabbard, transfuge du Parti démocrate connue pour ses positions très compréhensives à l’égard de Moscou dans le conflit russo-ukrainien.

En outre, Trump a choisi le représentant Mike Waltz, un Républicain de Floride et Béret vert de l’armée à la retraite, comme conseiller à la sécurité nationale. Waltz, qui est connu pour ses prises de position hostiles à l’égard de la Chine, apporte une vaste expérience militaire à ce poste. Sa nomination est le signe d’une évolution potentielle vers une position plus agressive en matière de sécurité nationale. Ils doivent tous être confirmés par le Sénat au cours des prochaines semaines.

Rappelons que la première administration Trump a été marquée par des conflits internes. Des figures comme James Mattis (premier secrétaire à la Défense) et Rex Tillerson (premier secrétaire d’État) ont, par exemple, souvent divergé de la ligne présidentielle ce qui a pu créer une politique étrangère parfois incohérente et a abouti à leur limogeage rapide.

Au vu des dernières nominations, la deuxième administration sera sans doute plus alignée, composée d’une équipe choisie pour soutenir pleinement le programme nationaliste du président. Le choix comme cheffe de cabinet de Susan Wiles, première femme à ce poste et soutien de longue date de Trump, souligne cette cohésion qui doit permettre au nouveau président de mettre en œuvre une politique étrangère plus affirmée et plus unilatérale, tout en réduisant les engagements internationaux et favorisant une approche transactionnelle des alliances.

Une reconfigurations de la scène internationale ?

La réélection de Trump pourrait redéfinir la dynamique mondiale à l’heure des conflits touchant l’Europe et le Moyen-Orient ainsi que d’un continent asiatique en proie aux tensions. En plaçant « l’Amérique d’abord », il pourrait pousser ses alliés à repenser leur politique extérieure et notamment à adopter une plus grande autonomie vis-à-vis de Washington.

En Europe, les dirigeants se réunissent déjà pour se préparer à une période d’instabilité, reconnaissant qu’une action décisive sera essentielle.

Les adversaires, eux aussi, pourraient faire preuve de prudence ; l’imprévisibilité de Donald Trump pourrait accroître la pression sur l’Iran, la Corée du Nord et la Chine. Ce nouveau chapitre promet donc une trajectoire turbulente où la capacité d’adaptation tiendra un rôle essentiel.

The Conversation

Elizabeth Sheppard Sellam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

13.11.2024 à 17:13

Comment l’Azerbaïdjan utilise la COP29 pour se donner le beau rôle sur la scène internationale

Brian Brivati, Visiting Professor of Human Rights and Life writing, Kingston University

À la COP29, l’Azerbaïdjan se positionne sur la scène internationale comme un pays pacificateur. Mais ce serait avoir la mémoire un peu courte.
Texte intégral (2304 mots)

À la COP29, l’Azerbaïdjan se positionne sur la scène internationale comme en faveur de la paix. Mais ce serait avoir la mémoire un peu courte, notamment en ce qui concerne le conflit qui oppose le pays avec l’Arménie dans le Haut-Karabakh.


L’Azerbaïdjan accueille cette édition du sommet mondial de l’ONU sur le climat, la COP29, qui se déroule ce mois de novembre 2024. Avec deux problèmes majeurs : aucune discussion sur l’élimination progressive des combustibles fossiles n’est à l’ordre du jour, et la participation de la société civile au sommet est exclue.

Ce n’est pas une surprise. L’Azerbaïdjan a récemment augmenté sa production de pétrole et de gaz, et vise à diversifier son économie en développant l’exploitation minière.

Au lieu de cela, le pays a appelé à une trêve mondiale qui coïnciderait avec la conférence. Dans une lettre ouverte du 21 septembre, le président de la COP29, Mukhtar Babayev, écrivait :

« [La Cop29] est une chance unique de combler les fossés et de trouver des voies vers une paix durable… La dévastation des écosystèmes et la pollution causée par les conflits aggravent le changement climatique et sapent nos efforts pour sauvegarder la planète ».

L’Azerbaïdjan se positionne ainsi comme un artisan de la paix. Ce qui contraste fortement avec le bilan du pays en matière d’agressions militaires, de violations des droits de l’homme ou même de violations du droit international, qui l’ont amené à faire face à des allégations de génocide.

Autrement dit, l’Azerbaïdjan utilise à la fois la COP29 pour « écoblanchir » (greenwashing) et « pacifier » son image sur la scène internationale, en dépit de ses ambitions territoriales expansionnistes.

Les offensives de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh

En septembre 2020, l’Azerbaïdjan a lancé une guerre de six semaines dans le Haut-Karabakh, une région frontalière revendiquée à la fois par l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui a fait plus de 7 000 victimes. L’Azerbaïdjan a ainsi pu récupérer la plupart des territoires qu’il avait perdus lors des conflits précédents. Un cessez-le-feu a finalement été négocié par la Russie, mais les tensions ont persisté.

En 2023, l’Azerbaïdjan a lancé une nouvelle opération militaire et repris rapidement le contrôle du reste de la région. L’offensive a forcé plus de 100 000 Arméniens de souche à fuir. Le Haut-Karabakh, qui avait déclaré son indépendance vis-à-vis de l’Azerbaïdjan en 1991, a été officiellement dissous) en janvier 2024. Une enquête récente a montré que de nombreuses maisons de la région ont été pillées depuis.

Une carte montrant l’emplacement du Haut-Karabakh
La région montagneuse enclavée du Haut-Karabakh fait l’objet d’un différend territorial de longue date entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Nemanja Cosovic/Shutterstock

Deux juristes internationaux, Juan Ernesto Mendez et Luis Moreno Ocampo, ont conclu que les campagnes militaires menées par l’Azerbaïdjan en 2020 et 2023 dans le Haut-Karabakh constituaient un génocide.

Juan Ernesto Mendez a souligné que la stratégie de l’Azerbaïdjan consistait à infliger des « dommages corporels ou mentaux graves » aux Arméniens. Luis Moreno Ocampo a insisté sur le recours à la famine, au refus d’aide médicale et aux déplacements forcés. Il a comparé les tactiques de l’Azerbaïdjan au génocide arménien pendant la Première Guerre mondiale et à l’Holocauste.

[Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters The Conversation. Et vous ? Abonnez-vous aujourd’hui pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.]

Les forces azerbaïdjanaises auraient systématiquement recouru aux violences sexuelles contre les Arméniens pendant le conflit du Haut-Karabakh, faisant circuler des messages encourageant le viol et le meurtre de femmes arméniennes. Les organisations de défense des droits humains ont également fourni des témoignages poignants sur les violences physiques et psychologiques subies par des centaines d’otages arméniens toujours détenus.

De nombreux éléments du conflit ne sont toujours pas résolus. En position de faiblesse militaire, le premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, a proposé un traité de paix en mai 2024. Cela impliquait de céder aux principales demandes de l’Azerbaïdjan, notamment que le Haut-Karabakh soit reconnu comme faisant partie de l’Azerbaïdjan.

Malgré ces concessions faites par l’Arménie, l’Azerbaïdjan a refusé de s’engager dans des pourparlers pour la paix. Au lieu de cela, il a formulé une série de nouvelles demandes, dont notamment des modifications de la constitution arménienne.

L’Azerbaïdjan joue également un rôle dans d’autres conflits autour du globe. Deux jours avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, Moscou et Bakou ont signé un accord qui, selon le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, « porte nos relations au niveau d’une alliance ». L’alliance russo-azerbaïdjanaise a fait de l’Azerbaïdjan un canal essentiel pour contourner les sanctions occidentales.

Les exportations de pétrole russe vers l’Azerbaïdjan ont quadruplé après l’invasion, permettant à l’Azerbaïdjan de répondre à ses besoins énergétiques nationaux et d’exporter le reste. En fait, le commerce général de l’Azerbaïdjan avec la Russie a augmenté de 17,5 % en 2023, atteignant 4,3 milliards de dollars américains (4,1 milliards d’euros).

Au-delà des tentatives de « peacewashing » (pour tenter de faire oublier son implication militaire dans plusieurs conflits) de l’Azerbaïdjan, le fait que le pays accueille la COP29 est aussi un cas clair de « greenwashing » (écoblanchiment). L’Azerbaïdjan dépend de la production d’énergies fossiles et ne s’est pas engagé à éliminer progressivement le pétrole et le gaz.

Certes, le pays tente d’attirer les investissements étrangers dans les énergies renouvelables afin de diversifier son économie. BP a signé un accord avec l’Azerbaïdjan en 2021 pour construire une centrale solaire à Jabrayil, près du Haut-Karabakh. D’autres investisseurs internationaux, dont des entreprises des Émirats arabes unis, participent également à des projets solaires dans la région de Bakou.

Mais la véritable source de diversification économique est l’exploitation minière, une industrie qui appartient en grande partie à la famille d’Ilham Aliev. Les immenses ressources minières du Haut-Karabakh, qui comprennent de l’or, de l’argent et du cuivre, sont exploitées depuis que l’Azerbaïdjan a repris le contrôle de la région en 2020.

Réprimer les opposants au régime

Le régime azerbaïdjanais est une dictature arbitraire. Caucasus Heritage Watch, un programme de recherche américain qui surveille le patrimoine culturel en danger dans le Caucase du Sud, a documenté la destruction de milliers de sites du patrimoine chrétien dans tout l’Azerbaïdjan. La communauté LGBTQ+ fait également l’objet d’une discrimination systématique.

La dissidence intérieure a été réprimée avant même la tenue de la COP29, de nombreux militants et opposants politiques ayant été arrêtés ou harcelés. Des manifestations en faveur de l’environnement, notamment une manifestation en 2023 contre la construction d’un barrage destiné à permettre l’exploitation minière dans l’ouest du pays, ont été violemment réprimées.

Des personnalités de premier plan, dont le Dr Gubad Ibadoghlu, éminent militant anticorruption et chercheur invité à la London School of Economics, ont été arrêtées. Au moins 25 journalistes et militants sont également détenus pour des motifs politiques.

Les médias critiques à l’égard du régime, tels que Abzas Media, Toplum TV et Kanal 13, ont également fait l’objet de pressions intenses ou ont été fermés. Les journalistes indépendants et les militants de la société civile ont tout bonnement été exclus de la COP29.

La « diplomatie du caviar » menée par l’Azerbaïdjan est la raison pour laquelle vous n’avez peut-être jamais entendu parler de tout cela. Cette stratégie consiste à courtiser les journalistes et les fonctionnaires occidentaux. Grâce à leur aide tacite, l’Azerbaïdjan a pu se mettre à l’abri de tout contrôle et attirer les investissements européens dans ses infrastructures.

Ilham Aliev n’a cessé de répéter que la capitale de l’Arménie, Erevan, est une « ville azerbaïdjanaise ». Cela reflète une stratégie plus large de révisionnisme historique et de négation du génocide, visant à récupérer des territoires sur la base des frontières présoviétiques.

Ces ambitions territoriales sont remises à plus tard tant que se déroule la COP29. Mais la conférence pourrait bien être le prélude à une reprise de la guerre dans le Caucase du Sud.

The Conversation

Brian Brivati ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

12 / 25

 

  GÉNÉRALISTES
Ballast
Fakir
Interstices
Lava
La revue des médias
Le Grand Continent
Le Monde Diplomatique
Le Nouvel Obs
Lundi Matin
Mouais
Multitudes
Politis
Regards
Smolny
Socialter
The Conversation
UPMagazine
Usbek & Rica
Le Zéphyr
  CULTURE / IDÉES 1/2
Accattone
Contretemps
A Contretemps
Alter-éditions
CQFD
Comptoir (Le)
Déferlante (La)
Esprit
Frustration
 
  IDÉES 2/2
L'Intimiste
Jef Klak
Lignes de Crêtes
NonFiction
Nouveaux Cahiers du Socialisme
Période
Philo Mag
Terrestres
Vie des Idées
Villa Albertine
 
  THINK-TANKS
Fondation Copernic
Institut La Boétie
Institut Rousseau
 
  TECH
Dans les algorithmes
Goodtech.info
Quadrature du Net
 
  INTERNATIONAL
Alencontre
Alterinfos
CETRI
ESSF
Inprecor
Journal des Alternatives
Guitinews
 
  MULTILINGUES
Kedistan
Quatrième Internationale
Viewpoint Magazine
+972 mag
 
  PODCASTS
Arrêt sur Images
Le Diplo
LSD
Thinkerview
 
  Pas des sites de confiance
Contre-Attaque
Issues
Korii
Positivr
Regain
Slate
Ulyces
🌞