16.11.2024 à 10:12
Top Grolles – Ou l’aéronavale en 1940
Un odieux connard
Si les Américains ont Top Gun, la France aussi dispose d’une force aéronavale. En 1940, lors d’une opération oubliée, ses pilotes montrèrent qu’ils en avaient encore sous la semelle. D’une manière qui… enfin… disons que si on en fait un film un jour, on l’appellera plutôt « Top Grolles ».
Bon visionnage.
04.11.2024 à 09:58
Le Petit Théâtre des Opérations tome 5 arrive ! Et le dico des méchants.
Un odieux connard
Texte intégral (905 mots)
Voici venir le beau mois de novembre. Et comme l’année passée, c’est le mois où arrive, ô, joie, le dernier volet du Petit Théâtre des Opérations !
J’enfile donc mes gros sabots de commercial, pour vous résumer en quelques mots : ce tome 5 reprend la même formule que les tomes précédents, à savoir des histoires improbables (mais vraies) en 5-6 pages, ainsi que des anecdotes en 1 page, sauf que cette année, il y a un petit changement. Toutes les histoires ont le même héros : Adrian Carton de Wiart. Un Belge qui s’est engagé dans l’armée anglaise où il est devenu une légende. Pour vous la faire courte : à 60 ans, avec un œil et un bras en moins, il dirigeait encore des commandos et survivait à des crashs d’avions sans souci. Et ça, c’est juste un extrait de sa vie palpitante. Donc, n’hésitez pas à aller faire un bisou à votre libraire (qui vous aime, vous le savez), et à récupérer ce bel ouvrage qui sort ce 6 novembre !
Et si vous voulez encore plus d’aventures et des illustrations de monsieur le chreu… le chni… l’autre, là, sachez qu’est sorti ce 30 octobre Le Dictionnaire jubilatoire des méchants de l’histoire. Comme son nom l’indique, il s’agit de proposer une liste (brève, l’histoire est riche) de gens qui ont vraiment existé et qui auraient pourtant fait de l’ombre aux salauds du cinéma. Alors certes, on y cause de vos dictateurs préférés (on devrait en faire des cartes à collectionner), mais aussi de traîtres, d’assassins plus ou moins subtils et autres larrons qu’il ne faisait pas bon croiser. Tenez, savez-vous qu’au XVIème siècle, une sympathique noble hongroise décida d’ouvrir une école pour jeunes filles pour mieux avoir une réserve de sang frais à disposition pour ses bains ? Que le célèbre pirate Barberousse avait attaqué une ville italienne juste pour essayer d’enlever une aristocrate bien précise au motif que selon lui, avec un petit ruban, elle ferait un super cadeau pour son sultan ? Ou encore qu’un bourreau qui torturait des soldats français en Indochine… était en fait lui-même un Français qui après la guerre, décida que ouais, bof, en fait je vais rentrer en France reprendre une carrière de fonctionnaire pour le pays que je combattais ? Tout ça, et bien d’autres personnages plus ou moins sympathiques, c’est là-dedans :
Voilà.
C’est à peu près à ce stade que je suis supposé vous dire « Vous savez désormais que demander ou offrir à Noël » afin de vous pousser à me verser des millions de pétrodollars, mais hein, hola, non, moi, je ne fais pas ce genre de choses. Ahem.
Je vais donc dire : bonne lecture. Hop.
21.10.2024 à 10:49
Fantôme, l’homme en slip du Bengale – Partie 2
Un odieux connard
Texte intégral (5154 mots)
Dans un précédent article, je me permettais de partager avec vous cette fabuleuse découverte qu’était la bédé Fantôme, l’homme masqué du Bengale. Vous y découvriez les aventures palpitantes d’un homme certes masqué, mais surtout en slip, qui poursuivait des braqueurs pour ensuite les laisser partir pour cause de mariage (si, si). Oui, Fantôme a un sens de la justice bien à lui. Et c’est pour cela qu’on l’aime.
Aussi, permettez-moi de poursuivre, car dans cette bédé, il n’y avait pas une aventure mais bien plusieurs. Oui : nous sommes gâtés.
Passons donc à la prochaine odyssée du slip le plus moite de la jungle : Révolte au Bengale.
Panique au Bengale : l’armée se soulève et commence à tout cramer, comme l’indiquent les flammes dans la case. Le docteur Lua nouvellement élu est, pardonnez mon jargon technico-politique, « dans la grosse merde ». Mais alors, comment réagit-il à la nouvelle de ses officiers qui sortent de leurs casernes avec soldats et tanks en hurlant « à bas la démocratie » ?
Eh bien, en déclarant très sobrement « L’armée me cause du souci. »
Si vous avez à la main un mug alors que vous lisez ces lignes, videz-le, tendez-le vers votre écran et déclarez d’une voix forte « Pour l’euphémisme de l’année, docteur Lua, je vous remets cette coupe« . Vous me direz « Ce n’est pas une coupe, c’est un mug ». Oui, et figurez-vous que ce n’est pas un « souci », c’est un coup d’état. Donc pas d’inquiétude, on reste dans le thème.
Heureusement, pour sauver la démocratie, le docteur Lua sait vers qui se tourner : Fantôme.
Fantôme, qui était donc tranquillement dans sa petite salle du trône personnelle à attendre le client.
Notez qu’aller chercher un type assis sur un trône pour aller sauver la démocratie, c’est, disons, cocasse. J’imagine bien les deux gardes du fond apprenant que c’est leur patron qu’on vient quérir pour sauver le résultat des urnes.
« Attendez m’sieur Fantôme, c’est quoi cette histoire de démocratie ? On a le droit de vote ici ? Il y a des élections pour votre poste bientôt ?
– N’y prête pas attention, Mamadou. C’est une histoire pour gens qui savent lire.
– Mais ? Je m’appelle Frédéric et… attendez, vous ne seriez pas juste une espèce de gros facho ?
– Qu’est-ce qui t’as mis sur la piste ? Les bottes Hugo Boss ? Les crânes sculptés sur mon trône ? »
Bon, on va dire que tout le monde est un peu tête en l’air au Bengale (oui, moi aussi, j’aime les euphémismes ; maintenant, reposez ce mug, je me sens insulté).
Le Président Lua en premier, donc, puisque pour lutter contre le méchant général Libu, il compte sur Fantôme. En deux-deux, notre héros se retrouve ainsi face au nouveau chef du Bengale. À qui Fantôme annonce qu’il va tenter d’arrêter le méchant. Le docteur Lua pose donc une question cruciale :
Fantôme aurait répondu « Non, je vais me planter comme une grosse buse », c’eut été plus étonnant. Et pourtant, vu le niveau de l’interrogation, c’eut aussi été mérité. Passons cependant pour aller droit à la question qui vous brûle tous les lèvres : comment un mec seul et en slip peut-il arrêter toute une armée en train de mettre la capitale à feu et à sang ?
AVEC UNE CAMPAGNE DE PRESSE.
Mais comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? C’était pourtant évident ! Deux articles intitulés « La guerre, c’est pas bien ! », une quinzaine de tweets plus ou moins mous avec le hashtag #PrayForBengale, et zou, l’armée va se retirer, c’est sûr ! Visiblement, entre le fait qu’on va chercher un type sur son trône pour faire barrage à l’extrême-droite et le fait qu’il ne lutte qu’avec de la com’ et des tweets foireux, plus le temps passe, plus je pense que sous le masque de Fantôme se cache Emmanuel Macron.
Si j’étais le docteur Lua, je commencerais à surveiller fort mon assemblée : c’est un coup à la retrouver toute dissoute. Notez d’ailleurs qu’il fait une tête qui signifie « Est-ce que je viens bien d’entendre ce coprolithe verbal ? »
Heureusement pour le lecteur, la campagne de presse ne sert à rien et Fantôme est obligé d’aller coller ses phalanges sur d’autres phalanges (mais pas les mêmes) pour mieux convaincre l’armée de rentrer dans ses casernes. Mais bon, vite fait : en deux pages, Fantôme localise le camp du méchant, neutralise les gardes à coups de mandales, puis fait prisonnier le vilain putschiste avant de le fourrer dans une voiture. Pour d’obscures raisons, tout du long, Fantôme promène le docteur Lua avec lui, tant les missions commandos, c’est plus facile avec le Président qui se trouve deux mètres derrière vous.
En tout cas, c’est la victoire, et ça fanfaronne grave à bord du véhicule qui ramène le méchant.
Alors, je ne sais pas vous, mais quand Fantôme pointe son gros doigt en lançant « la démocratie est sauvée », disons que j’ai l’impression qu’il est plus en train de menacer la mère du vilain que de saluer la victoire de la liberté. Idem, lorsqu’il rit, le dessinateur a oublié de le faire sourire. Résultat, on a un Fantôme qui a l’air plus proche de la colline du crack que du défilé de la victoire bengalais.
Mais bon, l’heure de la paix est revenue, hein. Et pour votre information, c’est midi douze.
Cependant, la montre du méchant Libu doit retarder, puisqu’il en est encore aux menaces. Va-t-il se calmer ? Comment ? Vite !
Notez comme Libu se met soudain à paniquer lorsqu’on mentionne le juge. Je pense que le véritable dialogue a sauté à l’impression.
« Ben pourquoi tu réagis comme ça Libu ?
– C’est-à-dire… qu’un juge quoi ! Jusqu’ici, j’étais prisonnier d’un type en slip avec des bottes de nazi, coincé dans une bagnole qu’il venait d’arrêter au fin fond de la jungle… je pensais que j’allais soit A) être exécuté froidement, soit B) être violé chaudement, soit C) un savant mélange des deux dans un ordre encore à déterminer Mais là, un juge, merde alors ! Si ça se trouve, il va me faire un rappel à la loi ou un stage de citoyenneté ! Pitié, Fantôme : repensez aux autres options ! »
La démocratie est sauvée, Libu est condamné à 6 mois de prison avec sursis, et ainsi s’achève cette palpitante aventure.
Passons à l’histoire suivante, Le Désert de la mort (ça fait peur !) qui débute à New York, comme son nom ne l’indique pas. Voici donc la première page.
Notez que Fantôme, comme toujours, a une tenue très discrète avec ses quinze couches de vêtements alors que les gens autour de lui sont en t-shirt. Qui pourrait penser qu’il est suspect ? Fantôme, tu es vraiment trop fort !
Quant au dialogue, à base de : « On y va si tu veux, non en fait ça me fait chier, bon allons-y« , je crois qu’il ne manque qu’une bulle de pensée avec « *soupir* Quelle connasse. » pour que le tableau soit complet. Fantôme vit au fin fond du Bengale et passe ses journées sur un trône avec des crânes : vous pensez bien qu’aller chez Pimkie, ça lui brise un peu les roudoudous.
S’ensuit alors la scène que voici, et qui n’a foutrement aucun sens. En gros, non loin de notre héros le type en noir ci-dessous aborde le type en tenue à carreaux en pleine rue en lui disant tout de go « Je veux voir ton chef ». Et voici ce qu’il se déroule
Notez déjà que le « chef » trainait juste à côté. Et que sitôt qu’il débarque… comment dire ?
Lecteurs, n’oubliez pas : quand vous demandez à voir quelqu’un, attendez qu’on vous introduise auprès de lui et qu’il vous demande le motif du rendez-vous pour lui sauter à la gorge en hurlant « PAS DE QUESTIONS, COMPRIS ? ». C’est bien naturel.
Mieux encore, alors qu’une baston éclate à un mètre d’eux et que l’un des forbans atterrit dans les bras de Fantôme (dont le vrai nom est « Kit », en référence au fait qu’il lui manque clairement des pièces), que fait Diana ? Elle hurle ? Elle panique ? Elle l’aide ?
Non, elle aperçoit une copine et donc pendant que ça se savate, ça donne du :
« Oh ben Carol ?
– Bonjour Diana !
– On se fait la bise ?
– Allez ! Smouac, smouac ! Tiens, je t’ai présenté mon mari ?
– Ah ben non, dis ? »
MAIS ? IL Y A DES GENS QUI SE COLLENT DES POINGS DANS LA GUEULE JUSTE À CÔTÉ DE VOUS !
Mais chez Fantôme, les femmes sont ainsi : elles ne sont là que pour se plaindre, parler mariage, faire les magasins et claquer la bise aux copines. Mes lectrices, qui connaissent la rudesse d’une vie où il n’y a que ces quatre actions possibles, approuveront (ou alors elles se plaindront, cf action 1). Soyez fortes, les filles.
Toujours est-il que pendant que ces dames parlent mariage et s’en plaignent dans un magasin entre deux bises, Fantôme, lui, trouve cette baston louche. Et en enquêtant, remonte la piste de ces gangsters, qui forcent un pilote d’essai local à utiliser les avions militaires qu’il teste… pour livrer leurs marchandises aux trafiquants. Ni une, ni deux, Fantôme se déguise en journaliste pour se rendre sur place.
Bon, déjà, notez que quand Fantôme se déguise, c’est juste sa tenue-pas-du-tout-suspecte habituelle. Ensuite, dans l’armée, on ne transporte pas des caisses avec des camions, mais avec des tanks, principalement pour faire chier Greta Thunberg (l’armée est comme ça). Enfin, l’armée n’en a rien à foutre de ce qu’elle charge dans ses propres avions et n’ouvre rien : elle charge du, je cite, « n’importe quoi« . Et en bordel s’il vous plait.
Deux cases, rien ne va. C’est formidable.
Note pour moi-même : penser à appeler l’armée lorsque je voudrai déménager. Apparemment, ils sont très serviables (sauf si on est Greta Thunberg, concentrez-vous un peu). Si vous en doutez, voilà ce qu’il se passe lorsque le pilote menacé opère.
Voilà : ils sont deux, mais quand l’un des deux déclare « Dis donc, tu voudrais pas qu’on se pose au milieu du désert sans aucune explication et qu’on décharge toutes nos marchandises à deux ?« , l’autre dit « Ah mais oui mec, pas de problème« . Et l’armée qui voit son prototype d’avion secret se poser n’importe où se contente de dire « Bon ben oké alors. »
Serviables, on vous dit !
Je vous passe les détails, mais notre héros aidé de ses fidèles récitatifs « Et… », « Or… » & co va rapidement distribuer de la mandale à tout ce petit monde et récupérer le chargement avant de remettre les criminels à la police. Ne lui reste plus qu’à retrouver sa femme Diana pour des dialogues d’anthologie.
« Encore ?
– Hé oui.
– Mais te revoilà !
– Oui. »
On dirait des dialogues du Grand Détournement. Qu’est-ce que tu crois qu’il va te répondre quand tu lui dis « Mais te revoilà ! » ? « Ben non en fait, je suis juste un chapeau particulièrement loquace. » ? Diana peut donc s’en retourner à ses magasins, Kit peut continuer à répondre à toutes les questions par « Oui ! » même quand la question est « Mais combien de slips as-tu, en fait, on a l’impression de toujours te voir avec le même ?« .
Ainsi s’achève « Le Désert de la mort », où il y a vaguement eu du désert, aucun mort, et notre héros peut se préparer à sa nouvelle aventure : infiltrer un navire que des trafiquants veulent attaquer. Comme je ne suis pas bégueule, je vous propose immédiatement une image du très habile déguisement de notre héros qui lui permet de passer inaperçu aux yeux de l’équipage.
Et si vous vous posez la question : non, personne à bord ne trouvera quoi que ce soit de suspect à ce type qui porte un masque de braqueur dégueulasse en permanence.
Alors, j’insiste : la prochaine fois que quelqu’un vous dira qu’avant, on lisait quand même des trucs moins cons qu’aujourd’hui, n’hésitez pas à lui glisser dans les mains Fantôme, l’homme masqué du Bengale !
Vous vous ferez un ennemi à vie, mais avoir raison, ça n’a pas de prix.
Bon, sur ce, je vous laisse : je crois que j’ai trouvé mon smiley pour le second tour des prochaines élections.
09.10.2024 à 18:02
L’art du discours
Un odieux connard
Texte intégral (3312 mots)
La vie est emplie de moments douloureux. De ceux qui vous tourmentent bien des années après qu’ils se soient conclus, lorsque votre cerveau dans un instant d’égarement décide d’aller effleurer les cicatrices de votre âme. Alors que vous étiez occupé à tout autre chose, voilà que, ah ! Vous revivez cette humiliation que vous pensiez pourtant derrière vous ; vous entendez encore cette mauvaise réplique qui vous coûta tant ; ou bien vous vous remémorez des moments qui ont été mais jamais plus ne seront, et voilà vos poumons qui s’emplissent d’une mélancolie que vous n’expulserez de votre corps alangui qu’en un long soupir.
Oui, l’existence a son lot de peines et de difficultés.
Alors, bon sang, quel est le con qui a un beau jour décidé d’y ajouter le discours ? Pourquoi ? Qu’avons-nous fait pour mériter cela ? Si Satan existe, a-t-il un micro et un Powerpoint ?
Parlons donc de cette tradition honteuse, qui procure autosatisfaction à qui le prononce, et souffrances sans fin à toutes les oreilles à portée d’audition.
Le discours
Le discours est une forme de communication qui repose sur le principe suivant : alors que tout le monde est heureux, ou tout simplement occupé, voici que soudain, un individu se lève. Il annonce alors d’une voix forte : « Je vais faire un discours », ce qui signifie que tout le monde doit instantanément arrêter de faire ce qu’il faisait (parler, boire, manger, chercher un remède contre le cancer) pour à la place, se coltiner un exposé sur un sujet qu’il n’a généralement pas choisi. Celui qui écoute le discours est appelé « l’auditeur » ou « le public ». Celui qui le prononce est généralement appelé « l’orateur », ou plus sobrement « le mec qui brise les roupettes à la tribune ».
Cela étant posé, passons aux origines de la bête.
Le discours dans l’histoire.
La recherche historique et archéologique quant aux sources de cette tradition en est encore à ses balbutiements. En effet, malgré des moyens conséquents, aucun professionnel n’a jamais retrouvé de témoignage dans lequel quelqu’un s’exclame : « Chouette, un discours ! ». En revanche, on trouve dès les temps les plus anciens des traces de déclarations dont l’ensemble aurait pu tenir en deux lignes. Ne venez pas me dire que c’est faux : c’est le cas des plus grands discours de l’histoire. Si je vous dis Martin Luther King, vous pensez sûrement à son « I have a dream », mais notez qu’à part ça, vous n’en avez pas retenu grand chose. Allez, une ou deux phrases de plus si vous avez bûché, mais c’est bien tout.
Le discours est par ailleurs d’un intérêt limité, puisque par définition, il exige que personne n’interrompe l’orateur. Celui-ci peut donc développer son sujet dans le sens qu’il veut et raconter absolument n’importe quoi, personne ne pourra le contredire. Ainsi, il aura toujours raison pour son auditoire, même s’il a tort. Se montrer pour raconter n’importe quoi, et le tout avec le sourire : le discours est, selon certains archéologues, l’ancêtre d’Instagram.
Dans les deux cas, le monde s’en passerait bien.
Les différents types de discours
Le discours militaire
Popularisé par de nombreux films, il s’agit là d’une harangue durant laquelle un général ou autre meneur d’hommes va se pointer devant sa troupe pour lui expliquer d’une voix forte pourquoi il convient de se mettre sur la gueule avec ceux d’en face sans poser de questions. Ce que les films montrent moins, c’est que quand tu es en l’an mil devant 12 000 pinpins, tu as beau gueuler comme un putois, seuls les deux premiers rangs t’entendent. Le reste se contente donc de répéter « Plus fort ! » « On n’entend rien ! » et tout le monde finit par s’énerver. Ce qui, en soi, est la bonne attitude à avoir avant d’aller planter son épée longue dans le type d’en face qui n’est pas d’accord sur le bon roi/dieu/poste-frontière à respecter (biffez les mentions inutiles). C’est peut-être là le seul véritable discours constructif : il rend tout le monde grognon à un moment où il s’agit de l’être.
Le discours politique
Pour des raisons mystérieuses, il existe encore des gens qui décident de se déplacer pour se rendre à des meetings politiques, grandes messes où un type va venir présenter pourquoi il a raison et tous les autres ont tort, et fera descendre de la tribune toute personne qui tenterait le même exercice en sens inverse. Un meeting politique se déroule généralement comme suit :
- Un type monte sur scène pour dire au public pourquoi il a raison d’être là
- Un autre type monte sur scène pour dire au public pourquoi il a raison d’être là
- Un dernier type, la vedette du moment (généralement le candidat de la campagne en cours) monte sur scène dire au public de voter pour lui
Sachant que le public est déjà convaincu (sinon il ne serait pas là), personne n’a la moindre idée d’à quoi cela sert. On me rétorquera « à montrer qu’il y a du monde derrière le candidat », mais tout le monde sait bien qu’à la fin, le parti derrière le candidat annoncera de toute manière un chiffre de participation imaginaire, qui sera entre 2 et 10 fois celui des autres observateurs.
Certes, le discours politique peut contenir des annonces importantes, qui, elles, retiendront l’attention. Mais alors pourquoi ne pas juste faire les annonces et retirer le discours autour ? Pourquoi doit-on se taper une heure du Président qui cause à 20h pour qu’il annonce en fait ce qui tenait en trois tweets ? Est-il payé à la minute ? Pense-t-il que nous tenir la jambe tel un démarcheur devant Monoprix nous fait plaisir ? S’il avait une heure à tuer, n’avait-il rien de mieux à faire ? Mystère.
Rappelons cette grande règle :
« Si tu as quelque chose à dire, dis-le. Si tu préfères tourner autour du pot façon « Une grande réforme va tomber cet été, écoutez une heure de discours pour savoir laquelle », vous n’êtes pas un homme politique : vous êtes un rédacteur de presse en ligne. »
Rappelons que jamais personne ne s’est exclamé « Flûte, ce discours était trop court ». Sauf, bien sûr, les conseillers politiques de dictateurs communistes encore en train d’applaudir les mains en sang 30mn après la fin d’une explication de dix heures qui pouvait se résumer à « Vos gueules, y a rien à manger« .
Discours de mariage
S’il est un événement qui demande patience et maîtrise de soi pour ne pas utiliser sa chaise comme arme contondante envers le tout venant, c’est bien le mariage. En effet, c’est un moment riche en discours, qui ont pour particularité d’emmerder absolument tout le monde :
- Les mariés, qui en ont déjà eu une palanquée et aimeraient bien bouffer en paix
- Les invités, qui eux aussi, aimeraient pouvoir reprendre leurs activités plutôt que de devoir faire semblant de sourire devant le propos d’un tonton bourré
- L’ensemble des gens qui ne sont pas au courant des 15 blagues que seuls l’orateur et les mariés peuvent comprendre
Raison pour laquelle il aurait pu les garder pour lui, mais visiblement, il a préféré les partager sans aucune explication, et par contre, s’est emmerdé à accompagner le tout d’un Powerpoint. Alors que comme le dit le proverbe « Seules deux choses viennent accompagnées d’un Powerpoint : les gens chiants et Satan ». Or, Satan n’ayant pas été invité, vous savez à quelle catégorie appartient le larron qui glousse seul en faisant défiler des photos floues plus ou moins gênantes accompagnées de commentaires sibyllins.
Discours d’inauguration
Le discours d’inauguration a cela de commun avec tous les autres : personne n’en à rien à carrer. Tout le monde est venu pour le truc à inaugurer et/ou pour la bouffe. Chaque minute passée à discourir fait donc de vous un obstacle entre le but de la soirée et le public, et chaque mot qui sort de votre gorge vous rend un peu plus détestable. Pourquoi passer des heures à écrire un texte qui par définition, va emmerder tout le monde ? Contentez-vous de dire merci aux organisateurs, de résumer en deux phrases le but de la soirée, puis d’annoncer « le buffet est ouvert ». Vous serez alors le héros du peuple, bien plus qu’en 30mn de figures de style sans intérêt.
Accessoirement, n’oubliez jamais que le public qui est là est venu parce qu’il est intéressé. Inutile, donc, de lui expliquer pourquoi c’est intéressant.
Discours d’acteur
Le discours d’acteur a déjà été couvert ici, et rappelons-le, consiste généralement à un numéro d’hypocrisie des plus brillants.
Merci de nous épargner, donc.
Discours de « Pourquoi je quitte ce réseau social »
Comme disait l’autre : ce n’est pas un aéroport, inutile de nous faire une annonce quand tu t’en vas.
Passons maintenant, si jamais vous aviez à faire un discours, à quelques règles essentielles qui pourraient vous sauver la vie, et vous éviter de passer pour l’un de ces buveurs d’âmes qui aspirent toute joie de vivre en vous à chaque fois qu’on les voit passer à la feuille suivante de leur discours (car oui, dans la salle, on se fait chier et on compte en espérant silencieusement toujours que ce soit la dernière feuille).
Les règles du bon discours
Avant tout discours, il convient de lire ces quelques règles. Si vous n’avez pas le temps de les lire, ne demandez pas à autrui le temps de vous écouter.
Avoir un truc à dire
Juste devant le moustique tigre et le frelon asiatique, le type qui répète juste ce qui a été dit plus tôt est le principal nuisible qui parvient à s’infiltrer dans les salles de réunion en France. Il attend généralement que tous les sujets aient été abordés et qu’il soit enfin temps de partir pour s’exclamer qu’il aimerait revenir sur le point numéro 1. De préférence, en l’abordant d’une manière déjà faite.
Il en va de même du discours : si quelqu’un a déjà tenu le propos que vous avez préparé avant vous, dites-le, pliez vos petits papiers, et rangez-les dans votre poche. Car si vous décidez de dire « Zut, le type avant moi a déjà tout dit, tant pis, je le redis », vous pourriez voir lesdits petits papiers se retrouvés insérés dans des endroits beaucoup plus rigolos de votre personne. Ainsi, quelqu’un qui lance « Tout a été dit, je n’y reviens pas » sera toujours un héros pour l’auditoire. Alors que celui qui décide de dire « J’avais préparé un discours, je le fais quand même » ne mérite qu’une lapidation immédiate, de préférence, avec les petits fours les plus proches s’il s’agit d’une inauguration.
Durer peu de temps
Un sage a un jour dit « Une pièce de théâtre qui dure deux heures, c’est du théâtre. Au-delà, c’est de la culturrrre ». Il en va de même du discours : si la salle doit écouter votre voix moins de trois minutes, c’est que vous allez à l’essentiel. Si c’est au-delà, c’est que vous donnez un concert. Si vous ne chantez pas, alors sachez que toute la salle vous hait de toute son âme et espère secrètement qu’une porte de Boeing va tomber du ciel pour en finir avec vous, là, maintenant.
Se chronométrer
« Désolé, j’ai débordé, je n’avais pas pris le temps de me chronométrer ! » dit le connard qui vient de parler largement plus longtemps que prévu. Eh bien mon bon, la règle est simple : si tu n’as pas pris le temps de t’écouter toi-même seul à la maison, pourquoi autrui devrait-il prendre le temps de t’écouter lors d’un événement où il a autre chose à faire ?
Avoir un minimum d’empathie
L’auditoire vient-il de se taper quinze autres discours ? A-t-il l’air de se faire chier au point de commencer à sérieusement envisager de regarder une série sur Disney+ (un signe qui ne trompe pas) ? Dans ce cas, ayez un minimum de pitié, et laissez tomber. Si au contraire, vous avez décidé de leur parler de l’empathie et de l’importance du vivre-ensemble, mais que vous ne commencez pas par les gens en face de vous, prière de prendre votre gueule et de la faire condamner chez le serrurier le plus proche. Pensez aussi à votre auditoire sur le thème évoqué : est-il intéressé ? Est-ce que la moitié des présents en a quelque chose à carrer de savoir à quel jeu tu jouais avec le marié lors de vos soirées binouzes ? Probablement pas : va t’assoir, garnement.
Pas de Powerpoint.
Il n’y a rien à ajouter de plus. Si vous vous demandez « Pourquoi ? », sachez que tout le monde vous hait.
Vous savez tout. Je conclurai sur cette dernière règle essentielle : avez-vous vraiment besoin de faire un discours ? N’oubliez jamais que le héros de la salle sera toujours celui qui devait en faire un et annonce que ce ne sera pas le cas. Alors, pourquoi le discours existe-t-il ?
Nul ne le sait.
Mais ce qui est certain, c’est que le type qui l’a inventé était un monstre.
24.09.2024 à 10:10
Albert Roche sort en librairie
Un odieux connard
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Peuple !
Étant à l’instant même sous la menace de mon éditeur (il a pris mes réserves de brandy en otage), me voici condamné à vous parler d’une sortie mienne, puisque j’en suis le scénariste, qui arrive ce 25 septembre 2024 en libraire : une bande dessinée dédiée à Albert Roche, le petit chasseur alpin qu’il ne valait mieux pas trop emmerder. Je précise de suite qu’on n’est pas sur le ton du Petit Théâtre, c’est un poil plus sérieux, puisqu’il s’agit d’une nouvelle collection chez Grand Angle dédiée aux héros de ce calibre.
Si ça vous tente, que vous avez besoin d’une idée cadeau, ou que vous voulez juste me donner tout votre argent, voilà la bête :
Avec Éric Stalner au dessin.
Vous avez donc une excellente raison d’aller saluer votre libraire préféré, avant de ressortir de sa boutique avec un peu moins de deniers et encore un peu plus de choses à lire en retard (on vous connait).
La bande-annonce officielle :
Bonne lecture, bon peuple !
09.09.2024 à 13:27
Touche pas à ma poste
Un odieux connard
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En septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne : c’est le début de la Seconde Guerre mondiale.
Ce que l’on sait moins, c’est qu’alors que les troupes allemandes foncent pour s’emparer de Dantzig, elles vont se retrouver face à une résistance inattendue : celle d’un… bureau de poste. Qui, comme vous le verrez ci-dessous, vous fera probablement réfléchir à deux fois la prochaine fois que vous voudrez dire deux mots à votre facteur.
Bon visionnage.
28.08.2024 à 09:54
Alien : Hurluberlus
Un odieux connard
Texte intégral (8331 mots)
– Monsieur ? Monsieur, mais qu’est-ce que vous faites ?
Sitôt interpellée, la silhouette bondit et s’enfuit aussi vite que son pas maladroit le lui permet. En un instant, elle a disparu derrière un bouquet d’arbres dont parvient le rugissement d’une voiture qui démarre en trombe. Le gardien du cimetière, lui, jette sa pelle de rage.
– Encore un !
– Vous dites ? s’étonne une vieille dame venue fleurir la tombe de son mari.
– Regardez-moi ça ! C’est la troisième fois que ça arrive, c’est toujours la même chose. Non mais regardez-moi ce travail !
D’une main tremblante de colère, il désigne une tombe profanée à quelques mètres de là. Et s’y dirige non sans avoir ramassé sa pelle et craché dans ses mains pour se remettre au travail.
– Des pilleurs de tombes ? Ici ? s’étonne la veuve d’une voix où se mêlent la stupeur et la colère.
– Ah, si seulement ! Non Madame, c’est bien pire : voyez ce qu’ils me font. Ils ouvrent les tombes de licences connues et ensuite… ils chient dedans.
Le pied appuyé sur la pierre tombale où l’on peut lire : Alien – Prière de ne plus faire de films, du bout de son outil il remonte un étron encore chaud.
– C’est la troisième fois ! Il y a quelques années, ils étaient venus déterrer une licence pour pondre Alien : Prométheus ! J’avais mis des semaines à tout nettoyer tant c’était dégoûtant. Mais rien à faire : ils étaient revenus pour me larguer un petit Alien : Covenant. Et voilà ! Ces monstres viennent de me laisser une nouvelle merde : Alien : Romulus !
La vieille dame pousse un « Oooooh ! » outré.
– Mais Monsieur le gardien, pourquoi font-ils cela ?
– Je l’ignore mais c’est devenu une mode. Vous voyez ce gigantesque tas de merde là-bas ?
– N’est-ce pas le fumier pour votre jardin ?
– Ooooh non. Ça, ma bonne dame, c’est la tombe de la licence Star Wars.
On se moque, on se moque, mais il est temps de répondre à cette grande question : Alien : Romulus, sauveur d’une licence morte et enterrée, ou nouveau saccage d’une série de films qui n’en demandait pas tant ?
Spoilons, mes bons !
Tout commence dans l’espace, alors qu’un petit vaisseau s’approche de l’épave du Nostromo, remorqueur spatial bien connu des fans de la série Alien. L’engin s’empresse de récupérer un gros morceau à la dérive pour le ramener jusqu’à une station spatiale voisine, où évidemment, vous devinez de quoi il retourne : mais oui, nos amis ne viennent pas de récupérer du métal pour le revendre au poids, mais bien de mettre la main sur un bel alien – ou « xénomorphe » congelé ! Et comme de bien entendu, leur plan est de le réchauffer pour l’étudier.
Alien, c’est un peu comme Jurassic Park : on a l’impression que les types font la même erreur en boucle uniquement pour les besoins du film. Je me demande si nos amis vont ENCORE étudier tout ce petit monde avec une sécurité minimale avant de s’étonner que la bestiole se mette à grignoter des bouts d’un peu tout le monde.
Mais bondissons déjà de quelques années dans le temps, et rendons-nous sur Tourcoing VIII, une planète minière où nous retrouvons notre héroïne : Reine. Une orpheline qui a pour seul compagnon un androïde défectueux que nous baptiserons le Ruquier-3000. En effet, l’être synthétique n’a pour seule et unique compétence… que la génération de calembours et autres jeux de mots. Non, ce n’est pas une blague ou une exagération de ma part : c’est bel et bien dans le film. Je pense que cette licence n’est plus exploitée que pour finir ici en spoiler, je n’arrive pas à m’expliquer un tel choix autrement. On a donc le droit à des trucs du genre :
« J’ai grossi parce que je suis parti à la chasse. La chasse aux calories. »
« Je ne peux pas boire parce que je suis… mineur. »
« J’ai mis une ceinture plus petite pour avoir l’air plus maigre : ça a fait un bide. »
Et j’insiste : ces blagues sont dans le film.
Vivement Alien : Misou-Mizou, qui se déroulera intégralement pendant un spectacle de pétomanes. Mais passons car aujourd’hui est un un grand jour pour Reine : elle a terminé son quota de 12 000 heures de travail ! Elle peut donc officiellement demander à quitter cette planète pourrie pour en rejoindre une paradisiaque : Béthune III. Hélas, lorsqu’elle se présente au guichet de la compagnie Weyland pour faire sa demande, la dame de l’accueil a une mauvaise nouvelle.
– Les quotas viennent d’etre relevés.
– Pardon ? Mais attendez, j’ai fait ma part ! Je veux partir !
– Hélas, en raison de la directive 49-3 du contremaitre McRond, l’âge de votre départ est reculé. Très exactement… de 12 000 heures.
C’est terrible : tous les rêves de Reine de partir avec son Ruquier-3000 pour un monde meilleur s’envolent, en même temps qu’une bordée de jurons impliquant le contremaitre qui a décidé de cela, sa mère, un trou noir et une clé de 12 (plus ou moins dans cet ordre). C’est alors qu’elle reçoit un appel téléphonique de son ami Jean-Jean.
– Reine ? Écoute, si tu veux quitter la planète, j’ai un super plan. Rejoins-moi aux containers, et viens avec ton Ruquier-3000, on se dira tout.
« Tout« , s’exclame donc le Ruquier-3000 tel votre tonton pas drôle en emboitant le pas de notre héroïne jusqu’à la zone dite des containers, où vit une population pauvre qui survit en ramassant les ordures qui trainent dans l’espace. C’est là que vit Jean-Jean, l’un des nombreux ferrailleurs du coin.
– Reine ! Laisse-moi te présenter à mes amis, qui ont tous plus ou moins les mêmes vêtements et la même absence totale de charisme, ce qui ne va pas aider à les reconnaître. Voici donc Jeanne-Pilote !
– Salut, je suis Jeanne-Pilote et je pilote un vaisseau de ferrailleurs.
– Jeanne-Enceinte !
– Bleuarg !
– Jean-Raciste !
– Moi, j’aime pas les Ruquier-3000.
– Ensemble, nous sommes les Jean-Foutres ! Et figure-toi ma petite Reine qu’on a trouvé un truc du tonnerre : une station spatiale à la dérive.
– Que ? Pas un vaisseau ? Une STATION ?
– Oui, les stations sont comme ça : elles ont une fâcheuse tendance à se promener dans l’espace. Bref ! Toujours est-il que cette station semble abandonnée, et contient des capsules de cryogénisation. Soit exactement ce qu’il nous faut ! Car tu sais que le problème, c’est que pour nous rendre sur la magnifique Béthune-III, il y a 9 années de voyage. Mais si l’on pouvait être cryogénisés, ce ne serait plus un problème : on n’aurait qu’à faire un gros dodo pendant que notre vaisseau de ferrailleur fonce tout droit, et pouf pouf, au réveil, on serait à destination !
– Mais… mais Jean-Jean, tu es sûr de ton plan ? Voler, c’est vilain ! En plus, piquer des capsules cryogéniques… c’est pas un truc vaguement compliqué à mettre en marche ?
– Non. Tu branches et pouf pouf, ça marche.
– Ah, bon. En plus, cette station doit appartenir à la société Weyland et être super sécurisée, non ?
– Justement, c’est là qu’on a besoin de ton Ruquier-3000 : c’est un produit défectueux de Weyland Industries, mais un produit Weyland quand même ! Or, les androïdes Weyland peuvent déverrouiller les portes des stations de la société.
– … attendez, vous voulez dire que n’importe quel clodo qui comme moi, mets la main sur un androïde dans une poubelle a soudain accès à 100% des sites sécurisés de la plus grosse société de l’univers ?
– Voilà.
La question bonus étant donc : « Mais pourquoi Weyland balance ses androïdes à la poubelle dans ce cas ?« , mais passons, car je vous rappelle que nous sommes dans un film où il y a du Ruquier-3000 parmi les personnages principaux.
En tout cas, Reine hésite, mais pas longtemps : alors oui, mais non, mais c’est mal, mais en fait vazy, on m’a niqué ma retraite, je nique le capitalisme, gogogo, on y va les petits gars. Et voilà comment une bande de neuneus (même l’androïde est attardé d’après le script, c’est bien fait) s’envole pour l’espace, en direction de la station spatiale qui dérive au-dessus de l’énorme planète minière. À bord, l’excitation est à son comble.
– C’est quand même formidable ! Une station entière, rien que pour nous, juste au-dessus d’une planète entière appartenant à Weyland, et il n’y a pas UN vaisseau de sécurité pour aller s’en occuper ! La voie est entièrement libre sans aucune explication rationnelle ! C’est un peu comme si nous volions au milieu d’un énorme trou dans le script !
– Silence, Jeanne-Pilote, et contente-toi de piloter. Car soyons prudents : dans 36 heures, la station ira s’écraser dans la ceinture d’astéroïdes autour de la planète. Heureusement, récupérer les caissons cryogéniques ne devrait prendre que 30mn.
– Attendez, il y a une ceinture de débris autour de notre planète ?
– Ben oui.
– Des débris attirés là par la gravité ?
– Ben oui.
– Alors pourquoi la station, qui n’est jamais qu’un gros débris, est juste au-dessus de nous au lieu d’être avec le reste ?
La réponse est une bataille qui éclate dans le cockpit, alors que tout le monde se gifle à coups de script dans la gueule. Heureusement, le Ruquier-3000 parvient à calmer tout le monde avec une blague (celle bien connue du rabbin, de l’imam et du lapin qui jouent à Twister). Et alors que tout le monde demande « Mais pourquoi le lapin dit « Uno ?« », la navette arrive à l’un des sas de la station à la dérive. Jean-Jean prend le commandement.
– Bon, les amis, comme dans tous les films précédents, on va faire deux équipes : celle qui reste au vaisseau, constituée de Jeanne-Pilote, Jeanne-Enceinte et Reine, et celle constituée de Jean-Raciste, moi-même et le Ruquier-3000.
– Ouais, les meufs d’un côté, les gars de l’autre, quoi.
Tout ce qui porte couilles arrive donc au sas, que le Ruquier-3000 déverrouille sans problème, selon la logique du « Je peux ouvrir toutes les portes Weyland… parce que. » Sas qui débouche sur un conduit d’aération fort étroit.
– Attendez, pourquoi on n’est pas allés dans un sas normal ?
– … euh…
– Et pourquoi il y a un sas de la taille d’un homme qui mène à on conduit qui lui, ne l’est pas ?
– … alors… oooh, et si on parlait plutôt de la gravité de la station qui va et vient ? Je me demande si ça va servir plus tard dans le scénario !
Heureusement, en deux temps trois mouvements, la fine équipe parvient à se faufiler dans les conduits, à remettre le courant, rétablir la gravité, et met la main sur les cellules de cryogénisation, qui sont aussitôt ramenées au vaisseau. Hélas ! Les machines manquent de cryocarburant : il n’y en a que pour trois ans au lieu de neuf ! Nos amis cherchent une solution.
– Récupérer le carburant des cellules d’à côté ? Car là, on n’en a pris que 5, et il doit y en avoir des centaines dans une station de cette taille !
– … pas con, Reine, mais non : par un incroyable hasard, nous sommes 5 dans notre vaisseau pourri, et il n’y a que 5 cellules ici.
– C’est fou, Jean-Jean ! C’est comme si le script voulait nous emmener ailleurs, car sinon, le film s’arrêtait ici et on repartait heureux !
– Exactement : pour ma part, je détecte du cryocarburant dans un mystérieux laboratoire pas loin. On n’a qu’à aller le siphonner. J’ai un tuyau et un bidon, ça fera l’affaire : en route mauvaise troupe !
Cependant, en chemin, Jean-Raciste n’arrête pas d’emmerder le Ruquier-3000.
– Moi, j’aime pas les androïdes.
– D’accord. Voulez-vous que je vous raconte celle des deux ours qui trouvent une Fiat Punto ?
– Non, j’aime pas les blagues. Et je t’aime pas non plus.
– D’accord. Connaissez-vous celle de Toto qui va acheter des laxatifs mais quelqu’un lui donne un ticket pour ce film ?
– Non plus, et en plus, tu vas mourir.
Ah oui, ça sort un peu de nulle part.
– Pardon ?
– Oui. Reine ne t’a pas dit que les Ruquier-3000 n’étaient pas les bienvenus sur Béthune III ? Sitôt notre mission réussie ici, c’est fini pour toi. Tu seras détruit. Ou désactivé. Bref, tu vas crever comme une grosse merde si nous parvenons à faire avec ton aide ce que nous sommes venus faire ici, con d’androïde.
Personnellement, je suis toujours un grand fan du personnage qui décide d’emmerder au maximum le gars sur qui tout son avenir repose, sans raison, au beau milieu d’une mission cruciale. Là, on a donc du « Sans cet androïde, on ne pourra pas avancer dans la station », avec toutes les minutes un « Sale con d’androïde, si tu nous aides, tu crèves ». Constructif ! Le dialoguiste a probablement un syndrome de Tourette, ou alors je veux bien une explication. Heureusement, le Ruquier-3000 n’est pas le robot le plus turbiné de l’usine, et il se contente de dire « Je suis programmé pour aider Reine. Si elle veut aller sur Béthune III, je l’aiderai qu’importe le prix. Maintenant, connaissez-vous celle du fantôme au slip troué ? »
Ils ne la connaissent pas, il la raconte, elle n’est pas terrible, tout le monde est déçu, mais heureusement, la fine équipe parvient jusqu’à un laboratoire abandonné où l’on passe à des choses plus sérieuses.
D’abord, parce qu’il y a des trous bizarres dans le sol. Sur plusieurs étages, comme si un truc avait tout traversé (ou fait fondre). Ensuite, il y a sur place un androïde détruit qui a visiblement pris cher, puisqu’il a les jambes d’un côté et le torse de l’autre. Et enfin, il y a divers objets scientifiques rigolos, mais surtout, une porte d’accès à la salle avec tout le cryocarburant. Vite ! Nos héros y entrent, mais sitôt qu’ils commencent à récupérer le précieux liquide.. une alarme se déclenche ! Et la porte se referme sur eux.
– Crotte de bique ! s’exclame Jean-Jean. Vite, ma radio ! Allô, les filles ? Jeanne-Enceinte ?
– Bleuarg.
– Tu peux me passer Jeanne-Pilote steuplé ? On a besoin d’aide ! Une porte vient de se verrouiller sur nous, et même le Ruquier-3000 ne peut l’ouvrir. On doit être dans une salle importante pour que ses autorisations ne marchent pas !
Jeanne-Pilote et Reine abandonnent donc le vaisseau pour aller à la rescousse de leurs petits compagnons, et Reine a une idée : s’il faut une autorisation spéciale pour ouvrir cette salle, peut-être que l’androïde détruit du labo en avait une ! Hop, elle récupère un petit disque dans le monsieur mort, et le passe à nos amis au travers de la porte qu…
Pardon ?
Ah oui : la porte est évidemment verrouillée MAIS un poil entrouverte quand même pour permettre cette manœuvre ! C’est l’occasion de dépoussiérer votre boite à « Ça alors ! ».
Les garçons insèrent le disque dans le Ruquier-3000 (non, pas comme ça, galopins), qui se fige car… il se met à jour. Pendant qu’il imite la Playstation V un soir de Noël, Jean-Jean et Jean-Raciste, eux, paniquent un peu, car ils comprennent qu’il y a un problème : le cryocarburant qu’ils viennent de voler servait à refroidir… des centaines de créatures cryogénisées sur des étagères. Et connues des fans de la série : ce sont les fameux « face huggers », des araignées qui pondent les œufs dans les humains, qui ensuite donnent les aliens. Bref, un truc pas ragoutant.
On notera que sans aucune explication, alors que jusqu’ici, ces créatures arrivaient à tomber sur le museau d’un humain et à le paralyser sans problème, dans cette scène, sitôt que Jean-Jean ou Jean-Raciste tournent un peu la tête, les bestioles se contentent de rester accrochées à leur cou en répétant « Rho, allez, une cuiller pour maman ! » en faisant des bruits d’avion. C’est fort pratique, et lorsqu’enfin, une des bestioles va parvenir à pondre dans Jean-Raciste…
Il sauve Jean-Raciste, distribue des mandales aux bestioles avec maestria, déverrouille la porte libérant ainsi ses amis, et les emmène en sécurité, non sans avoir refermé derrière lui. Mais c’est sans compter sur les vilains petits monstres qui parviennent à se précipiter à leur poursuite en défonçant les vitres de la porte du laboratoire! Ce qui, si vous me le permettez, nous ramène probablement 30 ans en arrière, lors de la conception de la station.
Weyland Industries, un vendredi, 16h39.
– … bien, les amis, notre dernier point à l’ordre du jour : le laboratoire à projets ultra-dangereux de la station, qui devra contenir des monstres pour les étudier. Moi je propose qu’on les cryogénise.
– Dans des capsules ?
– Rho, ben non. Non, sinon, ce serait plus difficile que les monstres en sortent. Je propose de juste les foutre sur de petites étagères dont ils peuvent bondir en trois secondes sitôt que la température varie un peu.
– Alors on sécurisé à mort la pièce ?
– Non, moi je pensais… à une porte unique, qui ferme mal, et avec des vitres pas blindées pour que n’importe quelle bestiole puisse passer.
– Alors, en temps normal, je vous dirais bien que c’est complètement con.
– Mais ?
– Mais il est 16h42 maintenant, et la petite sort du collège à 17h, alors hopopop, on dit que c’est bon, et je suis sûr que ça n’aura aucune conséquence.
Aucune.
Evidemment, vous me direz « Mais, attendez ! Les héros sont poursuivis par des dizaines de face huggers qui passent les portes sans problème, ils vont se faire massacrer ! »
Oui, mais non, car pouf pouf, entre deux scènes, les portes redeviennent blindées, la plupart des face huggers partent en vacances à la Bourboule, et soudain, il n’y en a plus qu’un (oui, un seul sur des dizaines) qui parvient à bondir sur Jeanne-Pilote (qui avait rejoint le groupe avec Reine) pour lui glisser son trouloulou dans la gorge, comme ça, sans consentement. Alors que nos héros menacent la bête de mille hashtags, le Ruquier-3000 prend la parole.
– Les donnée de l’androïde détruit que vous avez insérées en moi… j’ai été mis à jour. Je suis désormais intelligent. Enfin, un peu moins con. Et je vous informe que d’après mes analyses, toute tentative de retirer ce monstre de Jeanne-Pilote la tuera, au vu de comment ce bidule lui serre le cou.
– Mais kékonfé alors ?
– Je l’ignore, je suis plus intelligent, certes, mais je ne connais pas ces créatures pour autant. Réactivons l’androïde tout mort par terre… il était de la station, il doit savoir quoi faire.
Et tout le monde de s’activer pour remettre en route l’androïde qui jusqu’ici gisait coupé en deux au milieu de la pièce. Ses circuits rallumés, il pousse un cri.
– Je suis l’unité Caméo, androïde de classe N0st4l-J. Que faites-vous ici ? Vous devez partir !
– On voudrait bien, mais y a une espèce de raie manta qui fait popo dans la bouche de notre copine.
– Une raie manta qui fait pop… mais ? Bougres de con ! C’est un face hugger ! Savez-vous comment cette station a été perdue ? Comme ça ! Une de ces bestioles a pondu dans un humain, et paf, ça a créé un monstre qui a tué tout le monde. Nous avons réussi à l’arrêter, mais la station a été foutue en l’air dans l’affaire. D’ailleurs, le corps de l’alien en question est là, suspendu juste au-dessus de moi, dans cet énorme puits de lumière que vous n’avez pas vu depuis le début alors que ça fait trois scènes que vous êtes là.
– Ah oui, tiens. C’est rigolo, c’est comme si le film était mal réalisé.
– Je n’ose y penser ! En tout cas, le mieux à faire pour votre amie… c’est de la tuer. Car elle est foutue.
Mais nos héros ne veulent pas croire cela ! En lieu et place, ils préfèrent tenter de foutre du cryocarburant sur le petit monstre pour qu’il lâche sa proie, ce qui fonctionne. Et libère Jeanne-Pilote, qui reprend conscience un peu paniquée.
– Aaah ! Mais pourquoi rêvais-je de Dominique Strauss-Kahn ?!
– Du calme, Jeanne-Pilote, c’est fini.
Mais l’unité Caméo n’est pas d’accord. Depuis le coin où elle a été réanimée, elle glapit :
– Ah ! Si j’avais encore un cul, croyez bien qu’il serait sur la commode ! Il y a 60% de chances que ce monstre ait eu le temps de pondre. Vous ne devez pas sortir d’ici avec votre amie.
– Hmmm… si seulement il y avait un moyen de vérifier si le monstre a pondu…
– Comme des rayons X ?
– Oui, exactement…
– Vous voulez dire, comme cet appareil à rayon X portatif que l’on a trouvé une scène plus tôt ?
– C’est ça !
– Cet appareil qui est là, à côté de nous, et qu’on pourrait utiliser immédiatement ?
– Oui… donc SURTOUT, NE LE FAISONS PAS ET N’EN PARLONS PLUS DU FILM !
Oui. Vraiment. Les héros avaient brièvement trouvé une lampe à rayon X permettant de voir au travers du corps humain dans le labo, et avaient même un peu joué avec. Ils l’ont. Elle est là. Elle a été montrée à l’écran.
Mais ils décident de ne pas l’utiliser. C’était juste un rajout pour dire « Vous avez vu comme on s’en branle de notre propre film ? »
De toute manière, en lieu et place de l’utilisation du seul objet pouvant aider, Jean-Raciste annonce : « RENTRONS AU VAISSEAU COMME SI DE RIEN N’ÊTAIT ! »
Ce qui n’est pas du goût du Ruquier-3000, qui maintenant qu’il a été amélioré, trouve cela douteux. Et annonce qu’il vaut mieux abandonner Jeanne-Pilote, voire la buter pour abréger ses souffrances, comme le recommande l’unité Caméo. C’en est trop : Jean-Raciste et Jeanne-Pilote s’enfuient en courant, en verrouillant toutes les portes derrière eux au motif que « C’est pour empêcher le Ruquier-3000 de nous arrêter ! Ce monstre serait prêt à sacrifier une personne pour sauver les autres ! C’est tous ensemble ou rien ! »
Oui, et donc, qui est en train de sacrifier TOUS SES AMIS en les enfermant dans une station spatiale pleine de monstres ?
Mais là encore, le personnage et le script l’ont oublié. Hélas pour nos fuyards, mal leur en prend. Car à peine sont-ils retournés à leur navette pour s’enfuir (en sacrifiant tout le monde, donc, j’insiste, quelle logique) que Jeanne-Pilote est prise de violents maux de ventres. Elle va vite trouver Jeanne-Enceinte.
– Je me sens… mal… comme si… ooh… comme si j’avais mangé chinois à Créteil Soleil !
– Bleuarg ?
– Exactement ! Oh, tu me comprends si… si… BLEUARG AUSSI !
Sauf que Jeanne-Pilote expulse des trucs de sa bouche, mais aussi de son thorax (elle n’est pas très organisée) quand un petit alien sort d’elle. Et dans la confusion, elle met un coup de pied dans les commandes de la navette, qui, et alors là, secouez vigoureusement la boîte à « Ça alors ! », s’envole, revient vers la station, la percute, dirige ainsi la navette vers un hangar, y rentre à la perfection, et s’écrase au bout sans trop de casse… ramenant ainsi les fuyards à bord de la station qu’ils tentaient de fuir, mais par un autre endroit.
Vous avez noté ? Au début du film, Jeanne-Pilote devait se concentrer à mort pour s’amarrer à un sas minuscule.
Maintenant, un coup de pied, et paf, elle déboule dans les gigantesques hangars d’accueil que, hihi, elle avait oublié d’utiliser plus tôt dans le film ! C’est ballot !
À noter qu’en percutant la station, la navette a dévié un poil la trajectoire de celle-ci… et elle ira s’écraser dans la ceinture d’astéroïdes 40mn plus tard au lieu de 36h, comme l’annonce la voix féminine à demie-endormie des haut-parleurs typique des films de science-fiction ! Mais si, vous savez, cette voix qui se sent obligée de tout énoncer à voix haute sans aucune raison, du genre « CODE CORRECT » ou » PORTE DEVERROUILLÉE » alors qu’un écran suffit. Le futur est entièrement en audiodescription, sachez-le.
Mais revenons à Reine, Jean-Jean et le Ruquier-3000.
– C’est vraiment fou tout ce qu’on peut faire rien qu’en tapant du pied dans des commandes ! s’exclame Reine. En attendant, avec ces conneries, on va devoir essayer de rejoindre le hangar où la navette s’est écrasée. Qui est de l’autre côté de la station, dans la section dite « Romulus ».
Jean-Jean est bien embêté, car lorsqu’il va regarder le couloir qui mène à ladite section… celui-ci est rempli de face huggers qui sautent contre les vitres en faisant des bruits comme « Pouic ! » (ça fait très peur).
– Bon sang, ils vont nous faire pouic à la gorge si on passe par ici !
– Hmmm, si seulement on avait une solution…
C’est sur ces entrefaites que le Ruquier-3000 s’éclaircit la gorge.
– Pas de panique, amis humains. Je sens que votre moral est au plus bas. J’ai donc une blague pour vous : c’est Toto qui est en train de crever comme une merde dans une station spatiale et…
– Oui, non, on va s’en passer. Écoute Ruquier-3000, on a un souci. Tu vois cette porte vitrée ? Tu aperçois derrière, les créatures qui font pouic d’un air menaçant ?
– Je les vois. Et je note que soudainement, alors qu’elles défonçaient les vitres sans problème il y a quelques scènes, maintenant, elles ne le font plus.
– Ah tiens, oui. Un peu comme si ça arrangeait le film. Bon, sinon, t’as pas un moyen de passer ce couloir ?
– Si.
– Oh ! Lequel ?
– Eh bien, je suis un androïde. Je n’intéresse pas ces créatures. Je peux donc passer sans souci, aller chercher la navette et venir vous chercher. Pas besoin de savoir piloter : la navette dispose d’un autopilote.
Reine et Jean-Jean sont bien embêtés.
– Non mais Ruquier-3000, si tu fais ça, le film s’arrête. Mieux vaut donc ne surtout pas y penser, et plutôt chercher un plan de merde. Alors on va… euh… comment ces créatures nous repèrent-elles, Ruquier-3000 ?
– J’ai une subite connaissance de ces créatures, alors qu’il y a deux scènes, j’étais incapable de dire qu’elles agressaient les humains pour y pondre. Grâce au pouvoir des incohérences du scénario, je peux donc vous dire qu’elles vous repèrent au bruit et à la température corporelle.
– Bon ben, on passera sur la pointe des pieds. Et pour la température… on n’a qu’à foutre le chauffage à fond, comme ça, elles ne pourront pas nous voir.
Ce qui est dit est fait, et nos amis s’engagent dans le couloir moite rempli de face huggers qui heureusement, ne les repèrent pas tant qu’ils sont silencieux. C’est alors que soudainement, la radio de Jean-Jean crépite !
Là, vous vous dites « Ah c’est con d’avoir oublié ça : vite, éteins-la ! ». Mais Jean-Jean, tel un gros beauf dans un wagon SNCF, décide de… mais oui, prendre l’appel !
– ALLÔ ? CÉKI ?
– Bleuarg !
– JEANNE-ENCEINTE ! QUE DIS-TU ? TU AS ÉTÉ ASSOMMÉE LORS DU CRASH DE LA NAVETTE ET TU VIENS DE TE RÉVEILLER ? JEANNE-PILOTE EST MORTE, UN TRUC EST SORTI D’ELLE, A FORMÉ UN COCON GÉANT ET VIENT D’EN RESSORTIR PLUS GROS POUR TUER JEAN-RACISTE QUI AVAIT SURVÉCU LUI AUSSI ?
– Bleuarg !
– MAIS JEANNE-ENCEINTE, C’EST PAS POSSIBLE, ÇA FAIT PAS DIX MINUTES QUE LA NAVETTE S’EST CRASHÉE, TU VAS PAS ME DIRE QUE L’ALIEN A EU LE TEMPS DE FAIRE UN COCON ET D’ÉVOLUER COMME UN POKÉMON EN SI PEU DE TEMPS !
– Bleuarg !
– OUI, CE FILM C’EST VRAIMENT DE LA MERDE, ALLEZ JE TE LAISSE JE CROIS QUE J’ENERVE LES AUTRES PASSAGERS QUI M’ENTOURENT !
Evidemment, cette conversation n’est pas réaliste : jamais un gros con qui appelle très fort ne prononce cette dernière phrase. Non, en lieu et place, il lance un appel visio en haut-parleur.
Toujours est-il que les face huggers, eux, décident que ça commence à bien faire et ainsi attirés par le bruit d’un idiot qui ne sait pas raccrocher, coursent nos héros qui parviennent à cavalcader de l’autre côté du couloir, non sans croiser les corps de scientifiques plus ou moins boulottés du temps où la station n’était pas à l’abandon. Une fois la porte refermée derrière eux, nos héros soufflent.
– On a failli y passer ! Ah mais… d’ailleurs pourquoi on est soulagés ? D’où ces créatures ne seraient restées que dans ce couloir très précis ?
Eh bien, parce que c’est le script qui le dit. Vous l’ignoriez, mais le face hugger est en fait une créature très territoriale qui squatte les couloirs et cages d’escalier. Probablement pour vendre du chichon au mépris des valeurs de la République. Mais donc, voilà, hop, pouf-pouf, les face huggers qui s’étaient échappés ne seront quasiment plus mentionnés du film : ils ont leur couloir, ils n’ont besoin de rien de plus.
Nos héros peuvent donc progresser en paix, et retrouver Jeanne-Enceinte, mais celle-ci est de l’autre côté d’une porte verrouillée. Aussitôt, Reine se tourne vers le Ruquier-3000.
– Ruquier-3000 ! Ouvre la porte, vite, que Jeanne-Enceinte nous rejoigne !
– Qu’est-ce qui est jaune et qui attend ?
– Putain, c’est pas le moment !
– La bonne réponse était « Un xénomorphe encore couvert de liquide de son cocon qui se trouve juste derrière Jeanne-Enceinte, et n’attend qu’une chose : qu’on lui ouvre la porte pour nous tuer aussi. »
– Hein ? T’es sûr que c’est pas « Jonathan » ?
Sauf qu’en effet : l’alien est là. Et attend derrière Jeanne-Enceinte en bavant. Or, comme le Ruquier-3000 refuse d’ouvrir pour mettre tout le monde en danger, le xénobousin décide d’attraper Jeanne-Enceinte et de l’emmener avec lui dans les profondeurs de la station pour lui faire des choses que la morale réprouve, comme lui faire écouter 1h30 de Jul.
– C’est odieux ! hurle Reine.
– Oui, en effet. Jul est interdit dans les systèmes colonisés depuis la grande guerre pour le bon goût de…
– Non, Ruquier-3000 ! Je parle de toi qui a refusé d’ouvrir la porte !
– Je comprends. Mais je dois suivre mes directives. Et depuis que vous m’avez inséré la puce trouvée sur l’androïde du labo plus tôt, mon objectif est désormais d’assurer les intérêts de Weyland et de la station. C’est pour cela que nous devons nous mettre en route.
Pour aller où ? Jean-Jean et Reine l’ignorent jusqu’à ce que le Ruquier-3000 les emmène à un laboratoire étrange, rempli de seringues… de liquide noir ! Le fameux liquide noir vu dans Prometheus, et qui a des effets différents et incohérents en fonction des besoins du scénario ! Qu’est-ce qu’il fout là ? L’androïde Caméo apparait sur les écrans.
– En tant qu’officier scientifique de la station, j’ai étudié les xénomorphes. Ils résistent à tout ! Or, les humains, eux, ne résistent à rien, ce qui pose problème dans les colonies où nous perdons trop de travailleurs… alors, j’ai extrait ce liquide, à la base de l’ADN des aliens, et je pense que nous pouvons le mêler à l’ADN humain pour faire des êtres plus forts, plus résistants ! Capables de coloniser des systèmes ou d’explorer l’univers sans…
– Pardon : vous voulez dire, exactement comme des androïdes ?
– Exactement ! Imaginez ce… attendez ? Vous vous foutez de ma gueule, Reine ?
– C’est pas moi, c’est le film.
En effet, voilà pour le gros rebondissement : cette station visait à créer des travailleurs plus forts… qu’en fait, dans l’univers d’Alien, les humains ont déjà. L’équipe du film a réussi l’exploit d’oublier son propre univers, au point de coller à la tête du projet pour créer des surhommes… un surhomme androïde. Une idée brillante, qui d’après ce que je lis, était de Ridley Scott.
Ridley Scott ne sucre plus les fraises : il les assaisonne par Canadair.
Enfin, c’est pas tout ça, mais revenons à nos héros.
– Qu’est-ce qu’on fait maintenant, Ruquier-3000 ?
– Mes nouvelles directives me disent que nous devons évacuer ces précieux échantillons et les ramener sur la colonie minière de Tourcoing VIII. Prenez-les. Et prenez ces armes, aussi, qui trainaient dans le labo.
– D’accord.
– Maintenant, nous devons nous frayer un chemin jusqu’à la navette des ferrailleurs, où nous la mettrons en autopilote pour partir.
– D’accord. Quelle incroyable coïncidence qu’elle se soit crashée pile dans un hangar, et le tout, sans être endommagée autrement qu’avec un peu de peinture rayée !
– Oui hein ?
La fine équipe peut donc repartir à l’aventure, et constate en chemin qu’une partie de la station a été colonisée par les xénomorphes, et ça ne date pas d’aujourd’hui.
– Dis donc, l’androïde Caméo se serait pas foutu de notre gueule quand il a dit qu’ils avaient arrêté l’unique xénomorphe qui avait saccagé la station ?
– Les gens qui font ce film oublient leur propre univers ; tu ne crois pas qu’ils se souviennent de leurs dialogues ?
Toujours est-il qu’en chemin, alors que nos amis avancent dans les couloirs qui sentent le petit alien qui n’aime pas la douche, ils repèrent des mouvements. Mais surtout, entendent un cri : c’est Jeanne-Enceinte ! Qui est collée à un mur au milieu de cadavres au bide troué qui ont servi de mères porteuses à d’autres créatures.
– Jeanne-Enceinte, ça va ?
– Bleuarg !
– Surtout, que personne ne lui demande si une créature en a profité pour lui pondre dans la gueule !
« D’accord ! » s’exclament Jean-Jean et le Ruquier-3000, tant ce n’est pas une information cruciale. De toute manière, ils sont bien vite dérangés par les xénomorphes locaux qui viennent voir qui se promène chez eux comme ça sans même mettre des patins. Je vous passe les péripéties qui s’ensuivent, mais Jean-Jean se fait manger tout cru, le Ruquier-3000 prend un mauvais coup, et Reine préfère rester à ses côtés que d’accompagner Jeanne-Enceinte qui fuit vers la navette avec les échantillons.
Reine, restée seule avec le Ruquier-3000, en profite pour le redémarrer tout en lui retirant son petit CD de données Weyland, afin qu’il redevienne plus gentil et moins obsédé par les intérêts de la compagnie industrielle (à la place, elle lui installe Doom, c’est plus utile). Puis, lorsqu’une douzaine de xénomorphes viennent se proposer de la boulotter, elle utilise une arme récupérée dans le laboratoire pour leur plomber la gueule. Et comme leur sang est acide, pour éviter qu’il ne troue toute la station, elle coupe la gravité (je vous avais dit que ça servirait !) et ainsi… le liquide se contente de gentiment flotter dans les airs sans rien toucher, merci. Ah, qu’il est sympa, ce sang acide !
On appréciera de savoir que la station dispose d’un bouton « couper la gravité » à chaque porte. Pratique !
Nos héros s’enfuient dans la foulée, et je vous passe les acrobaties à base de « Oh non, la gravité revient ! Non, elle repart ! Comme au début du film ! » (ça alors ! Qui aurait pu penser que ça servirait ?) mais on opinera du chef en découvrant que le Ruquier-3000, jusqu’ici très courtois, se met à traiter les aliens de « sales putes » (véridique) alors que certes, ils te pénètrent contre ton gré, mais ils ne facturent pas. Béotien ! Et surtout, à un moment, alors que Reine va tomber dans le vide, elle est sauvée… par un alien.
Oh ! Quel rebondissement ! Les xénomorphes souhaiteraient donc en fait quelque…
Non, laissez tomber, c’était sûrement un accident de script : après l’avoir sauvée en prenant soin de ne pas blesser Reine, la bestiole se met aussitôt à vouloir la buter. Ah. Bon. Eh bien on va oublier ce que l’on vient de voir, alors. Et poursuivons, car désormais, ce n’est plus que du pan-pan et de la course-poursuite. Comme vous l’imaginez, Reine s’en tire quand même aidée par le Ruquier-3000, tous deux regagnent leur navette de ferrailleur où ils retrouvent Jeanne-Enceinte (qui elle, n’a eu aucun souci en chemin, merci), et ils quittent la station pile-poil quand celle-ci percute les astéroïdes.
Ça alors !
Alien oblige, l’affaire ne peut s’en arrêter là et on a le droit à une dernière séquence sans intérêt :
- Oh non ! Jeanne-Enceinte se sentant en petite forme s’était piquée avec du composé expérimental ! Mais quelle gourdasse !
- Zut, elle a accouché d’un hybride homme-alien très moche, croisement entre un basketteur anorexique et Rocco Siffredi
- Re-zut, l’hybride tue Jeanne-Enceinte et endommage lourdement le Ruquier-3000 !
- Ouf ! L’héroïne parvient avec les moyens du bord à éjecter le monstre dans l’espace !
C’est donc fini pour de bon : Reine a survécu, le Ruquier-3000 est lourdement endommagé mais réparable, et notre protagoniste principale met le cap vers Béthune III, avant de se plonger en stase, dans l’espoir d’y commencer une nouvelle vie et…
FIN !
J’ai envie de dire : enfin.
Pan !
Le gardien du cimetière abaisse son fusil encore fumant, et fait basculer le canon d’un geste sec pour charger une nouvelle cartouche. Au loin, une silhouette s’enfuit en poussant des cris de douleur.
– Je te préviens, Ridley Scott, ça commence à bien faire ! s’écrie le gardien. J’ai encore d’autres cartouches de gros sel pour ton cul si tu reviens déféquer par ici !
Au fond de lui, l’honnête travailleur sait bien que ses avertissements ne servent à rien. Il n’est pas sans ignorer que Ridley Scott a une sorte de passion mystérieuse pour la défécation sur licence. Le fusil calé sur un bras, de l’autre, le gardien allume sa lampe en marmonnant.
– Bon, cette fois, qu’est-ce qu’il a déterré pour chier son… oooh, seigneur.
14.08.2024 à 13:50
Fantôme, l’homme en slip du Bengale
Un odieux connard
Texte intégral (6763 mots)
Qui n’a jamais entendu un barbon grogner sur la bêtise des super-héros actuels ? Avant de sous-entendre que tout de même, ça aussi, c’était mieux avant ? Ou que de son temps, bédés et autres dessins animés étaient bien moins idiots ?
Cela tombe bien, puisque vient de tomber entre mes mains un excellent ouvrage : Fantôme, l’homme masqué du Bengale, qui déjà en 1949, se promenait en slip moulant pour aller distribuer de la torgnole.
Alors, était-ce vraiment mieux écrit ? Profitons de cette perle pour répondre à cette grande question.
Et lisons, mes bons !
Permettez-moi de commencer par le commencement, avec les premières cases de notre aventure.
Extrait qui témoigne de toute la magie de Fantôme : ce qu’il se passe dans les cases n’a souvent rien à voir avec les dialogues, et encore moins avec le récitatif en haut de case.
Ici, nous avons donc Michel qui au saut du lit, demande à Roger qui ils doivent surveiller. Là, on s’attend à une réponse, mais pas avec Fantôme ! Car entre temps, il faut imaginer que les deux compères :
- finissent de se raser
- s’habillent
- vont chercher leur équipement
- s’arment
- sortent patrouiller
Et donc, probablement 20 minutes plus tard, Roger répond enfin, bordel : « La délégation de New York« .
Faut pas être pressé.
Heureusement que Michel est complètement con et ne trouve rien de mieux à dire que « Ok ! J’ai pigé ! » même si le lecteur cherche encore ce qu’il y avait à comprendre. Moi aussi, notez, car sachez que la délégation de New York, ainsi que ces deux personnages, n’ont en fait strictement aucun rapport avec la suite de l’aventure.
Quant à Fantôme, le voici.
Quand il n’est pas vêtu de ses plus beaux atours – on y vient – sa tenue pour se camoufler habilement consiste à s’habiller avec trois tonnes de fringues, ce qui n’est pas du tout suspect au Bengale où il fait 35 degrés et où tout le monde est en manches courtes à se demander quel couillon porte une écharpe par une température pareille.
Mais justement : figurez-vous que notre héros aperçoit deux religieux qui débarquent. Or, la nonne et le curé étaient eux-mêmes des filous déguisés ! En réalité, il s’agit de braqueurs de banques.
Mais attention, des braqueurs de banques qui disent « Zut ! » et qui visiblement, sont un peu nerveux saveur « MAIS ROULE BORDEL ! – Allons Simone, du calme. »
Tout cela est bien trop étrange, ce qui met la puce à l’oreille de Fantôme et son cheval qui fait « Prch« .
Fantôme qui porte sa tenue sous ses fringues, et qui lâche tranquillement un « Je sais où ils se cachent ! » confiant, avant de se raviser avec « Ils doivent être dans la jungle ! » seulement une case plus loin. D’où sort-il son tuyau concernant la fuite des vilains ? Sait-il que la jungle, c’est grand ? Et par Daphné Bürki, c’est quoi cette tenue avec petit slip rayé ?
Mystère.
Heureusement, et là encore dans la seconde qui suit, sans aucune explication, Fantôme retrouve les braqueurs dans une baraque en ruine et se présente humblement comme « Fantôme le justicier ».
Personnellement, je serais un braqueur voyant débouler pareil larron, avant même d’ouvrir le feu, j’aurais des questions comme « Mais bordel, qu’est-ce que vous foutez en slip rayé ?« . Hélas, il semblerait qu’en 1949, le slip kangourou zébré soit un accessoire qui ne soulève aucune question. Quelle époque.
S’ensuit une course poursuite d’anthologie.
Où Fantôme n’a même pas à courir, puisque les méchants se prennent tout seuls les pieds dans des poutres qui traînent. Ce que Fantôme, ce gros rabouin, commente laconiquement d’un « Pauvre type !« . Oui, Fantôme est comme ça : quand quelqu’un trébuche, il se fout de sa gueule.
Mal lui en prend car la poutre ainsi secouée en remue une autre, qui elle-même, assomme notre justicier en faisant « Zomp !« .
Oui, les poutres font « Zomp« . Vous l’ignoriez, mais Fantôme est très familier des poutres. Et ne m’obligez pas à enchaîner ici avec une blague sur son slip, car, oooh, je ne mange pas de ce pain-là.
Les braqueurs en profitent en tout cas pour filer.
Notez que le Monsieur est complètement paniqué et qualifie Fantôme de « dangereux » alors qu’on parle d’un type qui est resté immobile avant de se prendre une poutre qui fait zomp sur la truffe. Niveau danger, on est quand même plus proche du hamster que d’Iron Man.
La braqueuse rappelle donc lourdement à son compagnon que c’est pas très très courageux tout ça.
Mais passons, et découvrons ce qu’il se passe quand on fuit au travers du Bengale.
On tombe sur de braves blancs torses poils qui vous saluent.
Mais surtout, profitez de cette case fabuleuse : « Ecoute ! » « Quel cri ! ».
Sauf que personne n’a pensé à écrire le cri. Est-ce un éléphant ? Un lion ? Diego apprenant ce que signifie le mot « salaire » ?
Non, c’est un tigre. Là encore, dessiné dans une position qui sent plus le « Qu’est-ce que c’est que ces branlos ? »que l’animal qui vient de faire trembler le secteur de tout son coffre.
Dans le doute, les méchants tirent, et dans ce bel ouvrage, les tigres font « Ffch ! » (les poutres font bien Zomp, alors calmez-vous).
Mais ouf : c’est un tigre apprivoisé.
Et puis bien apprivoisé puisque même quand on lui tire dessus, il fait juste des bruits bizarres. Nos braqueurs enchainent habilement d’un « Bon, c’est curieux, mais viens dormir.«
Heureusement, le mystérieux type blanc du coin leur prépare un petit méchoui et les réveille. Nos braqueurs , non seulement sont courtois, mais proposent aussitôt… de l’aider.
À quoi ? Là encore, nous ne le saurons jamais.
Mais surtout, page suivante, que se passe-t-il ? Est-ce que nos braqueurs papotent avec l’inconnu ? Est-ce qu’ils mangent ?
Non, il se passe ceci, et je n’ai sauté AUCUNE case. C’est la suite immédiate :
DIABLERIE !
Soudain et sans aucune explication, tout le Bengale est mystérieusement peuplé de braves blancs qui organisent une énorme rave-party, alors qu’il y a deux minutes, le coin était juste peuplé d’un type torse-poil amenant à manger. Toujours est-il que ça s’enjaille lourdement, comme on dit.
À noter qu’en 1949, quand on disait « La petite Paule me plait« , ce n’était pas qu’une damoiselle s’appelait Paule et qu’on y accolait « petite » comme on sait si bien le faire en français.
Non, c’est qu’elle s’appelait vraiment « Petite Paule » de son vrai nom, et on pouvait s’adresser à elle ainsi sans aucun problème.
S’ensuit une scène romantique où chacun des braqueurs rencontre l’amour avec quelqu’un qui dit « C’est la pleine lune ! » (n’attendez pas trop de variété dans les dialogues d’une bédé dont tous les récitatifs sont « Mais… » « Or… » « Et… » « Peu après… » et où Petite Paule est un vrai prénom).
Pendant ce temps, Fantôme, le roi du Bengale, en chie comme un âne pour trouver deux blancs dans un pays où visiblement, il n’y a que ça et où ils rôdent dans les campagnes par groupes de 200 en hurlant « Dansons ! Buvons ! ». Non, lui, il a le seul indigène du secteur qui lui dit qu’il va se renseigner.
En même temps, les enquêtes de Fantôme sont d’autant plus compliquées que les indices comme les cris d’animaux ou les coups de fusils passent à la trappe au moment du dessin.
Qu’importe : Fantôme, remis sur la piste des fugitifs, va pour les tataner. Mais une nouvelle fois, ces derniers parviennent à se retrancher dans un bâtiment dont le gros lâche ne veut pas sortir.
Je vous laisse savourer ce dialogue :
– À ta place, je ne ferais pas ça !
Mais faire quoi en fait ? Puisque justement, il refuse de faire un truc ? Et l’autre de répondre avec une tête de débilet :
– Tu crois ?
… je vous avoue être un peu perdu. Cette bédé est tellement perchée qu’elle pourrait se retrouver avec les éloges de Télérama. Mais qu’importe ! Car lecteur, lectrice, toi qui lances des « Oh ! Que va-t-il se passer ? » et autres « Ah ! Fantôme, vite, voilà les méchants ! » à cette lecture, permets-moi d’en revenir à nos aventures. Car oui, Fantôme débarque finalement bien dans la demeure des forbans.
Alors ? Baston ? Avant ou après la tentative d’arrestation ? Eh bien accrochez-vous à vos sous-vêtements rayés, car, non, Fantôme ne va pas capturer les méchants, ni ces derniers s’enfuir. Non, Quand Fantôme leur tombe dessus… il se passe ceci :
La braqueuse annonce qu’elle aime le type qu’elle a rencontré plus tôt à la fête avant de s’évanouir. Et quelle plus belle réaction que « Oh non ! Elle aime un paysan !«
Ben oui, on est braqueurs, mais on cherche quand même à faire un beau mariage. Se marier à un paysan, faut pas déconner.
Heureusement, tout finit bien puisque la braqueuse retrouve son amant d’un soir, qui aussitôt veut l’épouser (c’est bien normal ; avant même le bisou, on s’épouse : on est en 1949, bande de petits dépravés !)
Quel retournement ! Comment va réagir son ami braqueur ? Se montrer jaloux ? Profiter de tout cela pour fuir ? Ou va-t-il encore se…
Ah ben non. Le pote braqueur se dit que c’est plutôt le moment d’annoncer qu’il va épouser Paule (Petite Paule, mais il est devenu familier, il a lâché le premier prénom).
Mais sinon ? Les braquages ? Le butin ? La justice du Bengale, tout ça ? Fantôme, vite ! Une réaction saine et sensée qui remet ce récit sur les rails ! On compte sur…
Que ?!
Le mec crapahute dans la jungle durant des jours à la poursuite de braqueurs, mais quand il les trouve, il suffit de dire « double mariage » pour qu’il se barre.
Fantôme a-t-il des flashbacks de ses précédentes épouses ? Est-ce que cela lui rappelle qu’il doit de multiples pensions ? Cela explique-t-il pourquoi il vit dans la jungle, loin des huissiers et autres avocats ?
Trop de questions pour un seul slip : ainsi se conclut la première histoire de Fantôme, le justicier du Bengale (mais pas trop).
Et ça, c’était seulement la première histoire de l’album mes petits amis.
Non, vraiment, les comics, c’était mieux avant.
29.07.2024 à 13:29
Mal m’en a Primal
Un odieux connard
Texte intégral (6678 mots)
Ah, les vacances.
Un mot qui à lui seul, évoque repos, siestes et autres après-midis peu productifs à l’ombre de toits écrasés par la chaleur. Une période bénie pour les Guillaume Musso et autres Marc Lévy, qui savent bien que c’est à ce moment-là que leurs ouvrages sont lus sous les parasols.
C’est donc à mon tour de respecter la coutume estivale, en allant chercher une daube qui…
– Vous êtes un peu dur, patron.
– Diego, mon bon, laisse-moi prendre une stature présidentielle.
– C’est-à-dire ?
– Que je prends bonne note de ton avis mais que je m’assois dessus. Maintenant, gueux, va donc quérir ma boite à cigares. Car j’ai dans cette cassette quelque chose que je gardais pour mes congés. Tu devrais mettre ces lunettes de soudeur, d’ailleurs. Car je vais l’ouvrir.
– Pourquoi ? Qu’est-ce qui… oh ! Ah ! Patron ! Mes yeux !
Le filet de lumière qui s’échappe de l’écrin de bois lorsque mes doigts l’entrouvrent tourne bien vite au rouge, alors qu’un rire diabolique et distant roule dans les cieux. Un phénomène bien normal lorsque l’on sort…
– Primal ? Un film avec…
– Si. C’est bien lui.
– NICOLAS CAGE ?
Oui.
Oui, bons lecteurs. Cela faisait fort longtemps que nous n’avions plus parlé de l’homme-qui-fait-des-films-qui-sentent-bon-le-besoin-de-payer-ses-impôts, The Rock lui ayant piqué le titre ces dernières années. J’avais donc gardé en stock cette perle sortie en 2019 et dont le pitch laisse rêveur :
Nicolas Cage, un chasseur, se retrouve piégé sur un cargo avec un détenu psychopathe, un jaguar albinos, et une médecin en t-shirt moulant. Arrivera-t-il à mettre les mains sur tout ce petit monde de manière adaptée ?
Alors, Nicolas Cage va-t-il capturer un médecin, emmener un criminel au zoo et peloter un jaguar plus ou moins dans cet ordre ?
Spoilons, mes bons !
Notre film commence dans les profondeurs de la forêt amazonienne, alors que Frank Walsh, chasseur de légende, y attend patiemment sa proie.
Si vous imaginez que cela signifie un type l’arme prête et bien planqué, détrompez-vous : Frank Walsh est habillé avec une jolie veste blanche, a laissé son matos à côté de lui dans un sac qu’il doit fouiller bruyamment sitôt qu’il y a du mouvement, et mieux encore, il fume un énorme cigare qui permet d’affoler la truffe de tous les animaux de la forêt magique dans un rayon de cinq kilomètres.
Mais qui sait : peut-être que Frank chasse un félin attiré par le tabac depuis qu’un convoi de Nicorettes lui est tombé sur la gueule ?
C’est ça ou c’est nul dès la première scène, mais vous me connaissez : je n’ose y penser.
Grâce à cette brillante préparation, sitôt qu’un splendide jaguar albinos débarque, voici que Frank se fait instantanément repérer, perd son arme (celle qu’il devait trouver en fouillant dans un sac, donc) et doit planter à la main une seringue de soporododo dans la bestiole qui n’en demandait pas tant. Après avoir brièvement attaqué Frank au cri de « T’aurais pas une petite cigarette, steuplé ? » l’animal finit par s’endormir, laissant notre héros s’exclamer : »Oh, la belle prise. »
Vous me demandez sûrement « Et comment un Nicolas Cage seul va-t-il trimballer un jaguar endormi de 180 kilos au travers de la jungle ? »
C’est une excellente question.
Et la réponse est celle qu’Hollywood sait nous servir avec délice : mais en changeant de scène, bien sûr !
Pouf pouf, le jaguar blanc et moult autres animaux se retrouvent ainsi téléportés dans des cages chargées sur un camion au milieu d’un village de pauvres Brésiliens. Où Frank, après s’être allumé un nouveau cigare, exige que son chauffeur local mette le moteur en route. Hélas, à sa grande surprise, celui-ci refuse.
– Et pourquoi donc ?
– Parce que le jaguar blanc… c’est un animal tueur. Depuis des générations, il massacre femmes et enfants dans la jungle.
Pardon ? La suite du raisonnement ?
Ah non, non, il n’y en a pas. Apparemment, notre brave homme est en train d’expliquer que cette bestiole est un monstre qui tue les villageois depuis fort longtemps et donc… il faut le laisser ici.
Le type a une famille en plus, hein, on nous la montre. Peut-être était-ce une manière subtile de nous faire comprendre qu’il avait trouvé un moyen habile de se débarrasser de ses gosses mais ouah, oh, pfou, l’autre il me prive de mon tueur sauvage. Je ne sais pas si le jaguar avait bien reçu une cargaison de Nicorettes sur la gueule, par contre, c’est clairement le dialoguiste qui s’est mangé les camions.
Toujours est-il que sans que l’on comprenne bien pourquoi le type refuse d’éloigner un danger de son village, Frank décide qu’il fera la route seul.
Un plaisir qu’il aurait bien prolongé, puisque sitôt qu’il arrive au port après une route fort longue, on lui annonce que le navire qui doit le ramener au pays avec sa prise sera plus peuplé que prévu : il va servir au transport d’un prisonnier fort dangereux que des fédéraux américains ramènent en Amérique. Un terrible assassin qui aurait commis des crimes contre l’humanité : meurtre, torture, mettre Despacito dans la tête d’autrui… bref, que des choses monstrueuses.
À bord, toute une petite armée de gros colosses américains est donc chargée de surveiller le détenu qui est enchaîné dans une cage à fond de cale et surveillé en permanence.
Forcément, cela intrigue Frank dès le début de la traversée.
– Bon les gars, c’est qui le gugusse que vous transportez, là ?
– Je crains que l’on ne puisse pas vous le dire, M. Walsh. C’est une information classée.
– ET SI JE TE FAIS UN DOIGT D’HONNEUR, C’EST CLASSÉ ?
Ah mais non, je ne plaisante pas : je vous ai dit que le dialoguiste avait visiblement décidé d’écrire le script tout en étant assis sur une autoroute. Frank propose un marché : « Dis-moi tout ou je te montre mon gros doigt. »
Et le plus fort ?
C’est que… ça marche. Car aussitôt, son interlocuteur déballe tout.
– D’accord : il s’appelle Richard, mais tout le monde l’appelle Riton. C’était un ancien commando qu’on a transformé en agent des services secrets et qui ensuite est devenu assassin pour un gang d’Amérique du sud. Et donc, on le ramène en secret car il est dangereux et connait plein de trucs sales. Et je ne vous parle pas de sa manie de humm-hummer Despacito.
Vous aussi, quand quelqu’un vous dit que quelque chose est secret, faites lui un doigt : dans la foulée, il hochera la tête et vous dira tout. La semaine prochaine, retrouvez Frank Walsh dans « Donne-moi ton code de carte bleue ou je te fais un doigt. »
Son majeur est visiblement très charismatique. Contrairement à son charisme, d’ailleurs, que l’on qualifierait difficilement de majeur.
La conversation continue cependant.
– Et vous, M. Walsh, que faites-vous avec un jaguar blanc ?
– Ben j’vais le vendre au plus offrant. Et vous, pourquoi vous ne transportez pas votre homme en avion ?
– C’est classé.
– J’aaaiiii un doiiiiigt…
– Bon, bon, soit : laissez-nous vous donner tout son dossier médical en détail. De la bouche même du Dr Taylor ici présent, la doctoresse mignonne qui va vous expliquer que le larron a une malformation cardiaque qui l’empêche de passer par les airs.
– Tout s’explique.
Certes. Personnellement, j’aurais demandé si ça n’était pas un problème, une malformation cardiaque pour un commando, mais je suis taquin. Retrouvons donc plutôt Frank alors qu’il descend dans la cale nourrir ses animaux et papoter avec Trouducuz, le gamin chiant qui est à bord puisqu’il est le fils de son père, le capitaine Grotrouducuz.
– Comment vous chassez les animaux senor Walsh ?
– Avez du curare. Ça endort en 30s. Et je ne dis pas ça comme si ça allait resservir dans le film. Tu as d’autres questions ?
– Oui : je vois un perroquet qui n’est pas dans une cage. Il est à vous ?
– Non, il me suit partout, c’est tout. Et il déteste les armes à feu et hurle « cache-le ! » dès qu’il voit un flingue. Là encore, ne me demande pas si ça va resservir.
Frank fait donc sa vie, l’équipage aussi, jusqu’à ce qu’un jour, Riton, enfermé dans sa cage, n’attire l’attention de ses gardes en prétendant être malade.
– Les gars, vous avez noté comme il n’y a pas de toilettes, pas même un seau dans ma cage ?
– C’est le type en charge des décors qui a oublié.
– Ouais ben moi en attendant j’ai un burrito qui… ho… hola ! Holala ! Hooou mon petit bidou !
– Riton, déconne pas ! Pense à ton slip !
– Houla… houlala ! Hooooo bon sang, je crois que je vais accoucher du script de Prométhéus !
– OUVREZ LA CAGE, IL VA TRES MAL !
Mais évidemment, sitôt la cage ouverte, Riton simulait : grâce à une alimentation riche en fibres, son transit est parfait, et il ne feignait la mégachiasse que pour attirer et mandaler ses geôliers. Lorsque le Dr Taylor, appelé sur la radio, arrive, c’est trop tard : la cage est vide, et le corps d’un des deux gardes gît à terre, une balle dans la tête. Le Dr Taylor est formelle : le mort a été tué jusqu’à ce qu’il décède.
Rapidement, les gros bras américains fouillent le secteur et trouvent d’autres corps, ainsi que la salle radio du navire sabotée. Ce qui est embêtant pour appeler à l’aide ou écouter NRJ. Aussitôt, le chef des gros bras américains, Joe, rassemble tout le monde, soldats comme équipage, dans une salle facilement défendable.
– Ecoutez, nous on va fouiller le navire pour retrouver Riton. Les autres, restez bien ici, et surtout, groupés.
– NON.
– M. Walsh ?
– NON car je dois… NOURRIR MES ANIMAUX.
Oui. Un tueur surentrainé est en liberté, mais la priorité de notre génie, c’est de savoir si Kiki aura ses croquettes à l’heure.
– C’est ridicule M. Walsh. Alors vous vous calmez et vous rejoignez tout le monde dans la cale pendant que je fais le briefing. Sinon, je vous latte.
– Bon d’accord.
– Tout de même, c’est ridicule… tsss, qui veut se disperser quand un tueur est en liberté ? Bien, maintenant que nous formons un groupe et qu’il faut absolument que nous évitions de nous disperser… eh ! Jean-Jacques, tu ne voudrais pas aller nous chercher des cacahuètes avec Jean-Jacques ?
Et le plus sérieusement du monde, alors que Joe luttait pour éviter la dispersion de ses troupes, il envoie de lui-même deux types, dont un civil de l’équipage désarmé, se promener seuls juste pour aller chercher de quoi grailler.
C’est fabuleux.
Mais là encore, comme dans les films les mieux inspirés nos héros se dispersent encore plus !
- Les deux gars partis se dispersent en deux groupes de un, le civil s’enfermant dans la cuisine (parce que c’est SA cuisine) pendant que le gros bras attend dehors
- Le civil découvre des singes capturés par Walsh désormais libres dans sa cuisine, et donc, ils appellent sur la radio Walsh et Joe pour qu’ils viennent arrêter ces sales petits primates qui ne respectent pas la chaîne du froid !
– Vite, nous aussi, formons un groupe de deux et quittons le reste de l’équipe pour les rejoindre ! annonce Joe. Des singes en liberté, c’est plus important que tout !
Je vous l’ai dit : grosses priorités.
La situation part en cacahuète, puisque le cuistot énerve très fort les singes qui occupaient sa cuisine, et en meurt. Lorsque Frank arrive sur place avec Joe, il est donc mécontent.
– Raaah, voilà ! Quelqu’un a libéré mes singes !
– Ça vous énerve ?
– Oui. Mais vous savez ce que je supporte encore moins ?
– Non ?
– Rester groupé.
Et hop ! Sans aucune explication rationnelle, Frank décide de fausser compagnie à tout le monde. Tout ça pour aller voir à la cale et constater que… palsembleu ! Les singes ne s’étaient pas évadés tout seuls, les rabouins ! Riton a ouvert les cages de tout ce petit monde, et désormais, serpent, singes et autres jaguars blancs rôdent en liberté à bord !
Mais personne ne les a croisés, hein. Un jaguar dans un couloir, c’est très discret, c’est connu.
Frank Walsh commence donc à ramener dans leur cage les animaux les plus proches, et aperçoit brièvement le jaguar, qui s’enfuit dans une coursive. Frank s’empresse de le suivre, mais sitôt qu’il arrive à ladite coursive, il s’exclame :
– Ce couloir est plein de portes, comment savoir laquelle il a pris ?
On parle de portes fermées, Frank. Donc à part si tu cherches un jaguar qui a filé juste devant toi, ouvert une porte avec ses papattes avant de passer et de la refermer sans la claquer pour ne pas se faire griller, et qui pouffe actuellement derrière, je peeeense que tu peux juste suivre le couloir et tomber dessus.
Mais non : Frank n’y pense pas. Je dirais même qu’il pense peu de manière générale, mais ça, c’est parce que je suis mauvaise langue.
Pendant ce temps, l’équipage continue lui à se disperser pour différents prétextes plus ou moins foireux.
– Eh, Joe ! Y a plus d’eau au robinet. On a donc le choix : soit ne pas boire pendant une heure, le temps que vous attrapiez l’autre coquin, soit encore nous disperser pour aller aux vannes d’eau qui ont été mystérieusement coupées, ce qui ne ressemble pas du tout à un piège.
– D’accord, allez aux vannes d’eau, mais en petit groupe, hein !
À ce stade, si Riton bouche les chiottes du pont 5, Joe dira encore « Rah, c’est une urgence : toi, le plombier, et toi avec la serpillière, allez-y ! »
La situation dégénère encore plus quand le capitaine Grotrouducuz est mordu par un serpent en vadrouille, pendant que Riton court en gloussant un peu partout, tue les militaires qu’il aperçoit, et croise parfois des membres d’équipage qui ne le reconnaissent pas.
Parce que c’est connu : alors que le mec a été emmené à bord devant tout le monde, que c’était le spectacle du jour, et que tout le monde mange ensemble à bord et sait donc qui est qui, impossible de reconnaitre le détenu dont tout le monde parle.
Mais revenons au capitaine Grotrouducuz mordu par un serpent. Car tout grognon et grognant, il est promptement emmené là où les civils sont réunis, et où Frank explique le problème au docteur Taylor.
– Le venin vient d’un de mes serpents. Cela va provoquer en lui de grosses hémorragies, docteur.
– Ah. Que faut-il faire ?
– Ben ? D’après le script, c’est pas vous le docteur ?
– Si, mais apparemment, mon rôle consiste à poser des questions idiotes en t-shirt moulant et… qu’est-ce que vous regardez ?
– La date sur ma monte. Nous sommes encore en 1999 ? Je ne l’aurais pas cru, tiens.
En attendant, Frank et le docteur Taylor décident donc de partir chercher des médicaments…
Mais oui ! Là encore, seuls et sans escorte ! Je pense que l’on peut résumer ce film à :
- un évènement arrive (« Il n’y a plus de PQ ! »)
- Joe dit qu’il ne faut surtout pas se disperser
- Quelqu’un dit « Allez steuplé ! »
- Ils se dispersent en formant un groupe de 2 personnes (au mieux)
Je vous passe d’ailleurs toutes les scènes où des Jean-Jacques au service de Joe partent en groupes de deux se faire massacrer dans le navire, tantôt par Riton, tantôt par le jaguar coquin. Mention spéciale à la bonne idée de Joe de laisser uniquement deux types, dont un civil désarmé, sur la passerelle avec toutes les commandes, cartes et outils dont ils ont besoin pour arriver à destination.
Inutile de dire que ces gens se font tuer, et que Riton peut ainsi prendre le contrôle du navire en gloussant. Je pense qu’ils auraient aussi bien pu lui laisser les clés du bateau avec un mot « Amuse-toi bien, lol« , c’eut été plus direct.
Devant tant d’incompétence, une partie de l’équipage du navire décide de s’enfuir dans un canot de sauvetage. En représailles, Joe crève les autres, puis reprend sa traque de Riton. Ce n’est que lorsqu’il tombe sur une porte bloquée qu’il discute enfin avec son camarade (car oui, ils ont encore une fois fait une équipe de deux, pas plus) d’un sujet intéressant :
– Diable ! La porte est verrouillée ! Riton tente de nous interdire l’accès à la timonerie !
– Attendez, on peut bloquer les portes ?
– Mais oui ! Pourquoi faites-vous cette tête ?
– Parce que dans ce cas… pourquoi on n’a pas bloqué les portes de sites essentiels ? Genre la passerelle, la salle des machines…
– Euh…
– Ou même bloqué les portes derrière nous en avançant compartiment par compartiment jusqu’à trouver Riton, Jaja le jaguar & co ?
– Parce que…
– Non parce qu’on aurait commencé par ça, tout serait déjà réglé.
– Caporal Roudoudou, c’est ça ?
– Oui ?
– Vous êtes viré. Je vais plutôt me faire accompagner par… disons, Jean-Jacques.
Et dix mètres plus loin, Joe et Jean-Jacques se font buter par Riton qui les attendait en embuscade. Il n’en faut pas plus pour alerter Frank.
– Bon sang, on est tous en train de se faire tuer les uns après les autres ! Dr Taylor, vous, votre t-shirt moulant, le capitaine Grotrouducuz et son fils, vous restez ici.
– Mais que va-t-on faire sans Joe ? Qui nous dira de nous disperser en petits groupes juste bons à se faire tuer ?
– Je m’en charge : moi et un mécano, on va aller chercher le canot de sauvetage de réserve… en se dispersant en deux groupes de un !
Félicitations.
Et c’est ainsi que Frank tombe sur Riton, se fait vertement latter la gueule, et finit trainé inconscient par ce dernier dans les coursives du navire. Et lorsqu’un groupe de deux gros bras de feu Joe tombe sur eux… un gros bras que nous appellerons Dudule tue l’autre parce qu’il allait tuer Riton ! Un complice ? Un traître ?
– Non, j’ai fait ça parce qu’il faut capturer Riton vivant !
Ah. Mais garder tes potes vivants, non ? Et accessoirement, il n’y avait pas d’autres options ? Comme lui dire « Ne tire pas ! » ou abaisser son arme ? Non : avant même que le mec ne tire, Dudule l’a poignardé à mort. Pour sauver Riton.
Non, vraiment, c’est fabuleux, j’insiste.
Deux mécanos tentent aussi la pire scène du monde : pour piéger Riton, ils coupent tous les systèmes du bord pour l’attirer dans la salle des machines. Où ils n’attendent que tous les deux, et sans armes bien sûr. Lorsque Riton débarque, ils tentent bien de lui péter la mouille, mais un seul des deux, l’autre hurlant : « Ouais, vas-y, casse-lui la gueule ! »
Au lieu de faire un truc vaguement utile, comme, je ne sais pas moi : ramasser l’arme de Riton tombée au sol au début du combat ?
Non, je ne plaisante pas : le mec se contente de gueuler des encouragements à un mètre de son copain (et d’une arme pouvant tout sauver), avant de détaler quand ledit copain se fait tuer par Riton.
– Aaaah, si seulement j’avais pu être utile ! marmonne le mécano en quittant les lieux.
Je propose que l’on gagne du temps, et que tous les personnages secondaires se suicident directement au lieu de faire du n’importe quoi. Le résultat sera le même, mais en moins con malgré tout. On dira que la dépression les a gagnés après qu’ils aient lu le script d’une qualité telle que les auteurs de Game of Thrones saison 8 voulaient l’acheter.
Riton peut donc s’en retourner en paix voir Frank, son prisonnier, qu’il a gardé en vie pour lui extirper une information cruciale :
– Tu as une carte de navigation, Frank. Où est-elle ? Parle ou je te torture !
– Vous allez me faire un doigt ?
– Non pourquoi ?
– Parce que je ne dirais rien.
– Rooh. Allez, dis-moi où est la carte de navigation !
– Mais ? Pourquoi vous me gardez en vie pour ça ? C’est un navire, niveau cartes, il doit y avoir matière ! Vous avez pensé à fouiller la cabine du capitaine ?
– … nan mais je… comment dire ? Moi-même je ne comprends plus bien ce qu’il se passe dans ce film.
– Oooh, allez Riton, faut pas vous laisser aller. Tenez, je suis chic : ma carte de navigation se cache dans ma cabine, sous mon lit.
– Super, merci !
Et Riton de s’en aller en laissant Frank en vie. Frank qui suite à diverses péripéties, s’échappe et regagne la zone où sont regroupés les survivants. Que voici :
- Le capitaine Grotrouducuz, qui a sombré dans le coma
- Le docteur Taylor
- Les t-shirts moulants du docteur Taylor
- Trouducuz
- Dudule, le gros bras un peu con qui a tué son propre compagnon pour sauver Riton
- Frank
- Le mécano qui est juste bon à crier « Ouais, vas-y copain ! »
Et tous décident que puisque Grotrouducuz est foutu, et qu’en plus, ils savent où se cache le dernier canot de sauvetage intact du navire, autant se barrer. Tout ce petit monde va donc sur le pont… lorsque soudain surgit Riton ! Qui se met à mitrailler tout le monde !
Pourquoi ? Les seuls mecs qui tentaient de l’arrêter essayaient de fuir. Pourquoi les retenir ? Mystère.
Mieux encore, le seul fusil d’assaut dont ils disposaient était dans les mains du Dr Taylor (Dudule était occupé à trimballer le canot), docteur qui est militaire, mais qui sitôt qu’elle aperçoit Riton… elle jette son arme en hurlant « HOLALALA NON ! »
Oui, elle jette son arme. Par réflexe. Une militaire.
Dudule, quant à lui, décide de tirer sur Riton, car alors qu’il a tué dix minutes plus tôt un militaire qui voulait faire la même chose, là, soudain, il décide que ouais, en fait, je ne sais plus pourquoi j’ai fait ça.
Ah, quelle tête de linotte !
Bon, dans la foulée, il crève aussi le canot de sauvetage pour ne pas que Riton puisse s’enfuir avec.
– Mais ? Pourquoi ?
– Ben parce que sinon, il nous aurait échappé !
– Mais ? On n’essayait pas s’éloigner de lui justement trois secondes plus tôt ? La raison exacte pour laquelle on a traîné ce canot jusqu’ici ?
– Ah tiens, oui.
– Et puis il aurait fait quoi, dans un canot sans moyen de propulsion ? On n’avait plus qu’à attendre les garde-côtes et à le signaler pour le cueillir.
– Crotte. Mais qui êtes-vous d’ailleurs ?
– Caporal Roudoudou et je… je… vous voulez que je saute à l’eau, c’est ça ? Me faire virer de l’équipe de Joe ne suffisait pas ?
– Voilà, merci.
Plouf, donc, et nos héros se replient promptement jusqu’à la cabine de Frank, qui va chercher son arme à grosses proies : son arc à poulie. Ça va être pratique contre un fusil d’assaut. Vous ne voudriez pas plutôt ramasser une arme sur l’un des quinze morts du navire ? Non ? Ou aller chercher un de tes fusils de chasse, mon petit Frank ?
Non.
Arc à poulie ce sera, pour aller chasser Riton.
Afin de le pousser à sortir de sa cachette, Frank a une idée lumineuse.
– Dr Taylor, vous allez faire du bruit pour l’attirer. Il ne pourra pas résister à votre t-shirt moulant.
– C’est con et sexiste.
– Mais, je suis con et sexiste !
– Alors d’accord.
Le Dr Taylor s’enfonce donc dans les entrailles du navire en faisant des bruits comme « Oooh, j’ai si chaud » et « Ce t-shirt me serre tellement ! », ce qui pousse une érection bientôt suivie par son propriétaire à sortir d’une coursive : c’est Riton !
– Alors, coquinette, on se promène seule ? Je n’y crois pas.
– En même temps, c’est ce qu’on fait tous depuis le début du film, notez.
– C’est vrai, mais là, tout de suite, j’ai décidé de ne pas y croire. Alors, où est Frank ?
– Aha… juste derrière vous !
Car en effet, Frank était en train de l’ajuster à l’arc par derrière après être sorti d’une cachette.
Riton peut donc se retourner en tenant le Dr Taylor, qu’il prend en otage.
– Mais ? Mais putain Dr Taylor, vous êtes complètement conne ? Pourquoi vous lui avez dit où j’étais ?
– Chaipatro.
Non, je suis sérieux : le Dr Taylor dit bien « Il est juste derrière vous ! » ce qui pourrit TOUT le plan qu’ils ont monté. Mais Frank, heureusement, ne fait aucune remarque. Car de toute façon, il est bien trop occupé par un autre souci. En effet, alors qu’il ajuste Riton pour tenter de le toucher sans blesser le Dr Taylor, Dudule le gros bras neuneu surgit derrière lui.
– Frank, baissez votre arc ou je vous tue !
– Hein ?!
– Oui, car je veux Riton vivant ! C’est ma mission !
– Roooh, le relou !
– Oui, mais Riton doit être jugé selon la loi ! Les Etats-Unis ont des règles !
– Comme ne pas tuer ses petits camarades ?
– … nan euh… pas celle-là… bref : POSEZ VOTRE ARME !
– Mais vous savez que je peux tirer autrement que dans sa tête ? Comme votre pote aurait pu ?
– Raaaaaaaah maiiiiiiiiiiiiiiiis ! Arrêtez de souligner tout ça ! Posez votre aaarmeuuuh !
Sauf que Frank refuse.
Il tire une flèche dans Riton, qui lui même tire très fort dans Dudule (qui en meurt), avant de tenter d’aligner Frank qui en a profité pour se carapater tant recharger un arc, c’est un peu long.
Riton emmène donc le Dr Taylor pour la ligoter dans un coin du navire avec Trouducuz qu’il a capturé en chemin, puis appelle Frank sur la radio.
– Frank ? Je sais que tu m’entends ! Regarde ta montre. Qu’est-ce que tu lis ?
– 1999.
– Moi aussi. Et tu sais ce que ça veut dire ?
– Qu’on va se retrouver tous les deux dans une zone déserte du navire pour un duel final durant lequel on s’envoie des patates parce que nos armes sont tombées et glissent au sol ?
– EXACTEMENT.
Aidés de leurs big balls d’Américains fuck yeah, nos héros se donnent ainsi rendez-vous dans la cale pour le duel final, qui tourne vite au pugilat car leurs armes finissent à terre (et glissent, donc). Durant la bagarre, Frank est parvenu à coller une seringue de soporododo à Riton, qui se retrouve ainsi immobilisé (je vous avais dit que le curare servirait ; idem, à un moment, Frank a su que Riton approchait car son con de perroquet s’est mis à brailler à la vue d’une arme à feu). Toujours est-il que c’est la victoire : Frank a capturé le margoulin !
– Bien ! Attendez… je viens de capturer Riton vivant… en plus pendant que je préparais ce combat, j’ai eu un gros coup de moule et j’ai recapturé le jaguar blanc en trois secondes, si, si… j’ai donc gagné ? Ah mais non, je suis con : et si je libérais le jaguar pour qu’il mange Riton ? Allez hop, je fais ça.
Voilà : alors que le mec avait tout gagné, il décide de buter Riton et de remettre le prédateur super dangereux en liberté.
Ce film est extraordinaire. Et je vous rappelle qu’on parle d’un budget en millions !
Frank n’a donc plus qu’à aller libérer Le Dr Taylor et Trouducuz, découvrir que le capitaine Grotrouducuz est sorti du coma comme ça, pif pouf, et à attendre les garde-côtes qui arrivent enfin en hélicoptère voir ce qu’il se passe à bord de ce navire sans propulsion ni radio. Et découvrent ainsi Frank couvert de sang, les habits déchirés, tel un héros de mauvais film.
Tout le monde est récupéré, Le Dr Taylor laisse son 06 à Frank et…
FIN.
1999. Vraiment.
Pour conclure, je ne dirai que deux mots. Deux mots qui résument à la fois le script, le budget, l’incompréhension de comment les deux se sont mêlés, et surtout, qui a pu accepter tout cela ?
Nicolas Cage.
Merci Nicolas. Tu ne nous déçois jamais.
11.07.2024 à 09:27
Tahiti fait du zèle
Un odieux connard
Texte intégral (6678 mots)
En 1914, dans les îles, on se dit que la guerre, c’est loin.
Qui, en Polynésie française par exemple, pourrait s’imaginer les Allemands débarquer ? C’est pourtant ce qui va se passer. Avec deux sites qui vont s’illustrer, mais pas pour les mêmes raisons : Bora-Bora et Tahiti. Je n’en dis pas plus : bon visionnage.
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