09.09.2025 à 02:00
À la recherche de l’humanité perdue…
Ploum
Texte intégral (2079 mots)
À la recherche de l’humanité perdue…
La mort ou le retour de la lucidité
Drmollytov est une bibliothécaire qui a été très gravement blessée dans un accident de moto, accident où son mari a perdu la vie.
Après une période de convalescence et de deuil, elle tente de reconstruire sa vie et, graduellement, elle prend conscience de la frénésie consumériste dans laquelle est engagée toute personne « normale ». Depuis le désir de shopping aux réseaux sociaux en passant par les abonnements aux services de streaming.
Au plus elle fait du nettoyage dans sa vie, au plus elle retrouve du temps et de l’énergie. Au moins elle éprouve le besoin « d’être vue ». Il faut dire que de poster uniquement sur Gemini, ça n’aide pas pour la visibilité !
- view from the present (drmollytov.smol.pub)
- Rappel pour celleux qui ne savent pas ouvrir les liens Gemini comme ici au-dessus : Gemini, le protocole du slow web (ploum.net)
Une phrase m’a marquée sur son dernier billet posté sur Gemini : « Mon seul regret avec les réseaux sociaux, c’est d’avoir été dessus tout court. Ils ont vidé mon énergie mentale, dévoré mon temps et je suis certaine qu’ils ont extrait une part de mon âme. » (traduction très libre).
Je me rends compte qu’il ne suffit pas de se libérer des mécanismes d’addiction des réseaux sociaux. Il faut également conscientiser à quel point ils ont déformé, détruit, dénaturé nos pensées, nos relations sociales, nos motivations. Pire : ils nous rendent objectivement stupides ! Depuis 2010, le QI moyen est en train de descendre, ce qui n’était jamais arrivé depuis l’invention du QI (quoi qu’on pense de cet outil).
Les réseaux sociaux sont intrinsèquement liés au smartphone. Ils ont réellement explosé lorsqu’ils se sont optimisés pour la consommation passive sur un petit écran tactile (chose à laquelle Zuckerberg ne croyait pas du tout). À l’inverse, l’addiction aux réseaux sociaux a créé une demande continue pour des smartphones toujours plus brillants et prenant des photos toujours plus susceptibles de générer des likes.
Comme le souligne Jose Briones, ces interactions permanentes sur une plaque de verre lisse, les écouteurs vissés sur les oreilles, nous font perdre la conscience du tactile, de la matérialité.
Au-delà de notre addiction aux chiffres colorés
Quand on a été addict, quand ou y a cru vraiment, quand on y a investi énormément de soi, il ne suffit pas d’arrêter de fumer pour être en bonne santé. Arrêter, ce n’est que le premier pas nécessaire et indispensable. Mais il reste un long chemin à parcourir pour se reconstruire par après, pour retrouver l’humain qui a été blessé, enfoui.
L’être humain que, finalement, peu de monde a intérêt à ce que vous retrouviez, mais qui est là, enfui sous des notifications incessantes, sous la consultation compulsive de vos likes, de vos statistiques, de vos abonnés. Pour Jose Briones, il a fallu plus de trois ans sans smartphone pour que se calme son angoisse… de ne pas avoir de smartphone !
Cela fait des années que je n’ai plus de statistiques sur les fréquentations de ce blog. Parce que ce n’est pas très éthique, mais, surtout, parce que cela me rendait fou, parce que ma santé mentale en pâtissait incroyablement. Parce que je n’arrivais plus à être satisfait de mon écriture autrement que par le nombre de lecteurs que ça me ramenait. Parce que de simples statistiques détruisaient mon âme.
Comme le dit le blog This day’s portion, vous n’avez pas besoin de statistiques !
Et si le réseau Mastodon est très loin d’être parfait, il est assez simple d’y trouver une instance qui ne vous espionne pas. La majorité ne le fait d’ailleurs pas. Au contraire de Bluesky qui traque toutes vos interactions à travers la société Statsig. Statsig qui vient d’être rachetée par OpenAI, le créateur de ChatGPT.
On dirait que Sam Altman tente de faire comme Musk et de gagner de l’influence politique en noyautant les réseaux sociaux centralisés. On s’est foutu de la gueule de Musk, mais force est de constater que ça a très bien fonctionné. Et que, comme je le disais en 2023, ce n’est qu’une question de temps avant que ça arrive à Bluesky qui n’est pas du tout décentralisé, contrairement à ce que répète le marketing.
Mais le pire avec toutes ces statistiques, toutes ces données, c’est que nous sommes les premiers à vouloir les récolter et à nous vendre pour les optimiser et les consulter sur de jolis graphiques colorés affichés sur nos plaques de verre lisse et brillante.
L’inhumanité d’un monde qui se vend
Je ne cesse de répéter ce qu’articule justement Thierry Crouzet dans son dernier article : les marketeux ont imposé leur vision du monde, forçant les artistes, les intellectuels et les scientifiques à devenir des commerciaux, ce qui est l’antithèse de leur nature profonde. Car artistes, intellectuels et scientifiques ont en commun d’être dans une quête, peut‑être illusoire, de vérité, d’absolu. Là où le marketing est, par définition, l’art du mensonge, de la tromperie, de l’apparence et de l’exploitation de l’humain.
Cette destruction mentale enseignée dans les écoles de commerce est également à l’œuvre avec l’IA. Il faudra des années pour que les personnes addicts à l’IA puissent, si tout va bien, retrouver leur âme d’humain, leur capacité de raisonnement autonome. Les développeurs qui dépendent de Github sont en première ligne.
- Github, l'IA et les fours à micro-ondes (mart-e.be)
- We need to talk about your Github addiction (ploum.net)
En espérant que nous puissions arriver à redevenir des humains sans devoir recourir à la solution extrême décrite par Thierry Bayoud et Léa Deneuville dans l’excellente nouvelle « Chronique d’un crevard », nouvelle présente dans le Recueil de Nakamoto, que je recommande chaudement et présenté ici par Ysabeau. Et, oui, les nouvelles sont sous licence libre.
- Note de lecture le Recueil de Nakamoto (nouvelles) (ysabeau)
- Le recueil de Nakamoto (pvh-editions.com)
L’idée derrière Chronique d’un crevard m’a rappelé mon propre roman Printeurs. Ça serait chouette de voir les deux univers se rejoindre d’une manière ou d’une autre. Car c’est ça toute la beauté de la création artistique libre.
De l’art comme instinct de survie
De la création artistique tout court, devrais-je dire, jusqu’au moment où les juristes d’entreprise ont réussi à convaincre les artistes qu’ils devaient être des maniaques de la « protection de leur propriété intellectuelle » ce qui les a transformés en victimes de la plus formidable arnaque de ces dernières décennies. Tout comme les marketeux, les juristes d’entreprise sont, par essence, des gens qui vont t’exploiter. C’est leur métier !
Seule la technique change : les marketeux mentent et te promettent le bonheur, les juristes menacent et corrompent. Les deux ne cherchent qu’à augmenter le bénéfice de leur employeur. Les deux ont réussi à convaincre les artistes d’éteindre leur humanité pour devenir eux-mêmes marketeux et juriste, de faire du « personal branding » et de la « propriété intellectuelle ».
À ce propos, Cory Doctorow explique très bien sur quelle illusion s’est construite la fameuse « propriété intellectuelle » et à quel point ceux qui l’ont conçue savaient très bien que c’était une arnaque à l’échelle planétaire pour tenter de transformer le monde entier en une colonie étatsunienne.
Marketeux et juristes ont réussi à convaincre les artistes de haïr ce qui fait la base de leur métier : leur public, renommés « pirates » dès qu’ils ne passent pas entre les barrières Nadar du corporatisme de surveillance. Ils ont réussi à convaincre les scientifiques de haïr ce qui fait la base de leur métier : le partage sans restriction de la connaissance. Le fait que la plus grande base de données scientifiques du monde, Sci-hub, soit considérée comme pirate et interdite partout dans le monde dit tout ce que vous avez besoin de savoir sur notre société.
Le capitalisme de surveillance pourrit tout ce qu’il touche. Tout d’abord en rendant difficile la vie des contestataires (ce qui est de bonne guerre), mais, surtout, en achetant et corrompant les rebelles qui réussissent malgré tout. Devenu millionnaire, cet artiste antisystème deviendra le premier soutien du système en question et adaptera son slogan : « Soyez rebelles, mais pas trop, achetez mes produits dérivés ! ».
Tout comme le surréalisme a été la réponse artistique et intellectuelle au fascisme, l’art seul peut sauver notre humanité. Un art brut, tactile, sensoriel. Mais, avant toute chose, un art libre qui se partage, qui se diffuse et qui envoie se faire foutre les notions de propriétés virtuelles.
Un art qui se partage, mais force le public à partager également, à retrouver l’essence de notre humanité : le partage.
- Photo d’illustration prise par Diegohnxiv et représentant une fresque en l’honneur de SciHub à l’université de Mexico
- Printeurs et Le recueil de Nakamoto sont commandables chez votre libraire indépendant préféré ! Les ebooks sont sur libgen, au moins pour Printeurs. Je le sais, c’est moi qui l’ai uploadé.
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.
03.09.2025 à 02:00
How I fell in love with calendar.txt
Ploum
Texte intégral (1587 mots)
How I fell in love with calendar.txt
The more I learn about Unix tools, the more I realise we are reinventing everyday Rube Goldberg’s wheels and that Unix tools are, often, elegantly enough.
Months ago, I discovered calendar.txt. A simple file with all your dates which was so simple and stupid that I wondered 1) why I didn’t think about it myself and, 2) how it could be useful.
I downloaded the file and tried it. Without thinking much about it, I realised that I could add the following line to my offpunk startup:
!grep `date -I` calendar.txt --color
And, just like that, I suddenly have important things for my day everytime I start Offpunk. In my "do_the_internet.sh", I added the following:
grep `date -I`calendar.txt --color -A 7
Which allows me to have an overview of the next seven days.
But what about editing? This is the alias I added to my shell to automatically edit today’s date:
alias calendar="vim +/`date -I` ~/inbox/calendar.txt"
It feels so easy, so elegant, so simple. All those aliases came naturally, without having to spend more than a few seconds in the man page of "date". No need to fiddle with a heavy web interface. I can grep through my calendar. I can edit it with vim. I can share it, save it and synchronise it without changing anything else, without creating any account. Looking for a date, even far in the future, is as simple as typing "/YEAR-MONTH-DAY" in vim.
Recurring events
The icing on the cake became apparent when I received my teaching schedule for the next semester. I had to add a recurring event every Tuesday minus some special cases where the university is closed.
Not a big deal. I do it each year, fiddling with the web interface of my calendar to find the good options to make the event recurrent then removing those special cases without accidentally removing the whole series.
It takes at most 10 minutes, 15 if I miss something. Ten minutes of my life that I hate, forced to use a mouse and click on menus which are changing every 6 months because, you know, "yeah, redesign".
But, with my calendar.txt, it takes exactly 15 seconds.
/Tue
To find the first Tuesday.
i
To write the course number and classroom number, escape then
n.n.n.n.n.n.nn.n.n.n.nn.n.n.n.n.
I’m far from being a Vim expert but this occurred naturally, without really thinking about the tool. I was only focused on the date being correct. It was quick and pleasant.
Shared events and collaboration
I read my email in Neomutt. When I’m invited to an event, I must open a browser to access the email through my webmail and click the "Yes" button in order to have it added to my calendar. Events I didn’t respond show in my calendar, even if I don’t want them. It took me some settings-digging not to display events I refused. Which is kinda dumb but so are the majority of our tools those days.
With calendar.txt, I manually enter the details from the invitation, which is not perfect but takes less time than opening a browser, login into a webmail and clicking a button while waiting at each step the loading of countless of JavaScript libraries.
Invitations are rare enough that I don’t mind entering the details by hand. But I’m thinking about doing a small bash script that would read an ICS file and add it to calendar.txt. It looks quite easy to do.
I also thought about doing the reverse : a small script that would create an ICS and send it by email to any address added to an event. But it would be hard to track down which events were already sent and which ones are new. Let’s stick to the web interface when I need to create a shared event.
Calendar.txt should remain simple and for my personal use. The point of Unix tools is to allow you to create the tools you need for yourself, not create a startup with a shiny name/logo that will attract investors hoping to make billions in a couple of years by enshitifying the life of captive users.
And when you work with a team, you are stuck anyway with the worst possible tool that satisfies the need of the dumbest member of the team. Usually the manager.
With Unix tools, each solution is personal and different from the others.
Simplifying calendaring
Another unexpected advantage of the system is that you don’t need to guess the end date of events anymore. All I need to know is that I have a meeting at 10 and a lunch at 12. I don’t need to estimate the duration of the meeting which is, anyway, usually only a rough estimation and not an important information. But you can’t create an event in modern calendar without giving a precise end.
Calendar.txt is simple, calendar.txt is good.
I can add events without thinking about it, without calendaring being a chore. Sandra explains how she realised that using an online calendar was a chore when she started to use a paper agenda.
Going back to a paper calendar is probably something I will end up doing but, in the meantime, calendar.txt is a breeze.
Trusting my calendar
Most importantly, I now trust my calendar.
I’ve been burned by this before: I had created my whole journey to a foreign country on my online calendar only to discover upon landing that my calendar had decided to be "smart" and to change all events because I was not in the same time zone. Since then, I actually write the time of an event in the title of the event, even if it looks redundant. This also helps with events being moved by accident while scrolling on a smartphone or in a browser. Which is rare but happened enough to make me anxious.
I had the realisation that I don’t trust any calendar application because, for events with a very precise time (like a train), I always fall back on checking the confirmation email or PDFs.
It’s not the case anymore with calendar.txt. I trust the file. I trust the tool.
There are not many tools you can trust.
Mobile calendar.txt
I don’t need notifications about events on my smartphone. If a notification tells me about an event I forgot, it would be too late anyway. And if my phone is on silent, like always, the notification is useless anyway. We killed notifications with too much notification, something I addressed here :
I do want to consult/edit my calendar on my phone. Getting the file on my phone is easy as having it synchronised with my computer through any mean. It’s a simple txt file.
Using it is another story.
Looking at my phone, I realise how far we have fallen: Android doesn’t allow me to do a simple shortcut to that calendar.txt file which would open on the current day. There’s probably a way but I can’t think of one. Probably because I don’t understand that system. After all, I’m not supposed to even try understanding it.
Android is not Unix. Android, like other proprietary Operating System, is a cage you need to fight against if you don’t want to surrender your choices, your data, your soul. Unix is freedom: hard to conquer but impossible to let go as soon as you tasted it.
I’m Ploum, a writer and an engineer. I like to explore how technology impacts society. You can subscribe by email or by rss. I value privacy and never share your adress.
I write science-fiction novels in French. For Bikepunk, my new post-apocalyptic-cyclist book, my publisher is looking for contacts in other countries to distribute it in languages other than French. If you can help, contact me!
02.09.2025 à 02:00
Une vie sans notifications
Ploum
Texte intégral (4481 mots)
Une vie sans notifications
Avertissement : Cet article parle de mon expérience avec le Mudita Kompakt, mais, n’étant pas lié à cette firme, je ne répondrai à aucune question concernant cet appareil ni le Hisense A5. Tout ce que j’ai à dire au sujet de cet appareil est dans ce billet. Pour le reste, voyez les nombreuses vidéos et articles sur le Web ou rejoignez le forum de Mudita.
Le grand problème du minimalisme numérique, c’est qu’il n’y a pas une solution satisfaisante pour tout le monde. Sur les forums consacrés au minimalisme numérique, chaque solution est critiquée pour faire « trop » et, parfois par les mêmes personnes, pas assez.
J’ai vu des personnes en quête d’un dumbphone pour soigner leur addiction à l’hyperconnexion se plaindre de ne pouvoir installer Whatsapp et Facebook dessus. D’une manière générale, j’ai suffisamment d’expérience dans l’industrie pour savoir que les humains sont très mauvais pour déterminer leurs propres besoins, ce que j’appelle « le syndrome de la maison de plain-pied à 3 étages ». Je veux tout, mais que ce soit minimaliste.
L’addiction à l’écran
Il y a 6 ans, je pris conscience qu’une grande part de mon addiction à mon smartphone venait de l’écran lui-même. Comme l’a dit un jour un participant à un forum que je fréquente, les écrans sont devenus tellement beaux, les couleurs tellement riches que l’image est plus belle que la réalité. Regarder une photo de paysage aux couleurs saturées et retouchée est plus beau que de regarder le paysage en réalité, avec sa grisaille, son autoroute qui n’apparait pas dans le cadre de la photo, sa pluie fine qui nous rentre dans le cou. Nous n’utilisons plus nos smartphones pour faire quelque chose, ils font partie de notre corps et de notre esprit.
Dans mon cas personnel, se passer d’écran avec un dumbphone ne pouvait convenir, car l’usage le plus important que je fais de mon téléphone est de m’orienter à vélo et, alors que je suis au milieu de la nature, de créer un itinéraire de retour à charger sur mon GPS. Ça et utiliser Signal, le seul chat de ma vie quotidienne.
Pour être franc, le concept de dumbphone me dépasse un peu, car s’il y a bien un truc dont je n’ai pas envie ni besoin, c’est d’être joignable partout tout le temps. Si c’est pour laisser un dumbphone en silencieux dans ma poche, autant ne rien prendre du tout !
Ma quête de sobriété numérique a donc commencé avec l’un des très rares smartphones à écran e-ink, le Hisense A5 (à droite sur la photo d’illustration).
Le Hisense est un produit bon marché de piètre qualité, à destination du marché chinois. S’il ne disposait d’aucun service Google, il est plein de spywares chinois impossibles à désinstaller (mais que je tentais de contenir avec le firewall Adguard, configuré aux petits oignons pendant des heures).
Pendant six ans, j’ai utilisé exclusivement cet appareil. Lors de mon premier voyage avec, un trip en train en Bretagne pour un projet de livre, j’ai été en permanence anxieux à l’idée que « quelque chose se passe mal, car je n’avais pas un vrai smartphone ». Mais, petit à petit, je me suis surpris à moins l’utiliser que son prédécesseur, à accepter ses limites. L’écran e-ink lié à la lenteur et aux bugs du logiciel en partie en chinois ne me donnait pas du tout envie de l’utiliser. Très vite, la couleur des écrans de smartphones m’est apparue comme violente, agressive. Mais que je passe quelques minutes sur un tel écran et, soudain, je retrouve un bon vieux shoot de dopamine, une envie de l’utiliser pour faire quelque chose. Quoi ? Peu importe tant que je peux garder les yeux rivés sur ces lumineuses formes mouvantes.
L’hyperconnexion permanente
Il m’est souvent arrivé de prétendre que le Hisense n’était pas un smartphone pour éviter d’installer une app soi-disant indispensable pour un service dont j’avais besoin ou, tout simplement, pour obtenir une carte papier dans ces restaurants qui ont l’impression d’être à la pointe de la technologie, car ils ont un QR code scotché sur la table. Mais c’était un mensonge. Car le Hisense est, au fond, un smartphone des plus classiques.
J’y avais mes emails, un navigateur web et même Mastodon, que j’ai très vite supprimé, mais auquel je pouvais accéder via Firefox ou Inkbro, navigateur optimisé pour les écrans e-ink.
Mon addiction va beaucoup mieux. J’ai perdu l’habitude d’avoir mon smartphone tout le temps sur moi, ne le prenant pour sortir que si je pense en avoir réellement besoin. Ça n’a l’air de rien, mais, pour certains addicts, sortir sans téléphone est une véritable aventure. Faire l’expérience est une excellente manière de réaliser à quel point on est addict.
Le Hisense a beau être gros et moche, lorsque je l’avais avec moi et que j’avais un temps mort, je vérifiais si je n’avais pas reçu d’emails. Je devais, comme tout smartphone, penser à le remettre en silencieux lorsque j’avais activé la sonnerie, car je voulais être joignable, faire les mises à jour des toutes les apps que je gardais, car je pouvais en avoir potentiellement besoin. Bref, la gestion classique d’un smartphone.
Cela me convenait, mais, les smartphones e-ink n’ayant jamais vraiment percé, je me demandais comment j’allais remplacer un appareil qui présentait des signes de faiblesse (batterie qui se vide soudainement, chargement qui ne fonctionne plus que, intermittence).
C’est alors que j’ai été convaincu par le Kompakt de Mudita.
Mudita est une entreprise polonaise qui cherche à offrir des produits favorisant la pleine conscience. Des réveils au design épuré, des montres et un dumbphone, le Mudita Pure, qui me faisais grandement de l’œil, car basé sur un système entièrement Open Source. Malheureusement, le Pure était trop minimaliste pour moi, car ne permettant pas d’utiliser mon GPS de vélo.
Puis est arrivé le Kompakt.
Basé sur Android, le Kompakt est techniquement un smartphone. En plus petit. Et avec un écran e-ink d’une qualité bien moindre que le Hisense. Et pourtant…
Premiers pas avec le Kompakt
La première chose qui m’a frappée en déballant mon Kompakt, c’est que je n’ai dû créer aucun compte, passer par aucune procédure autre que le choix de la langue. Insérez une carte SIM, allumez et ça fonctionne.
Mudita fait très attention à la vie privée et ne propose aucun service en ligne. Le téléphone est entièrement dégooglisé voire même « décloudisé » (contrairement à, par exemple, Murena /e/OS). Pour la première fois depuis des lustres, je ne devais pas combattre mon téléphone, je ne devais pas le configurer, le transformer.
C’est incroyable comme ça m’a fait plaisir.
Pour être transparent, il faut préciser que les développeurs récupèrent des données anonymisées de debug et que ce n’est, pour le moment, pas désactivable. Une discussion à ce sujet est en cours sur le forum Mudita.
Car, oui, Mudita dispose d’un forum de discussion auquel participe une employée de la firme qui tente d’aider les utilisateurs et se fait le relais vers les développeurs. Un truc qui était la base en 2010, mais qui semble incroyable de nos jours.
Bref, je me suis senti un client respecté, pas une vache à lait. Et je n’en reviens toujours pas.
Outre le forum, ce qui m’a frappé avec le Mudita, c’est qu’il pousse réellement l’idée de minimalisme jusque dans ses retranchements. L’application GPS permet de chercher une adresse et de faire un itinéraire piéton, vélo ou voiture. Et c’est tout. Des options ? Aucune, nada, nihil ! Et vous savez quoi ? Ça fonctionne ! Vu que c’est OpenStreetMap, ça fonctionne très bien et j’ai désinstallé Comaps que j’avais mis par réflexe. L’appareil photo… prend des photos et c’est tout (on peut juste activer/désactiver le flash).

C’est comme ça pour toutes les applis : en 10 minutes, vous aurez fait le tour de toutes les options et c’est incroyablement rafraichissant.
Bon, parfois, c’est limite trop. Le lecteur de musique affiche vos MP3 et les lit par ordre alphabétique. C’est tout. Ils ont promis d’améliorer ça, mais, au fond, je trouve ça amusant d’être limité de cette façon.
Les choses sérieuses
Si Mudita n’offre aucun service en ligne, la meilleure manière d’interagir avec son téléphone est le Mudita Center, un logiciel compatible Windows/MacOS/Linux. Après l’avoir téléchargé, vous devez brancher votre téléphone à votre ordinateur avec… retenez votre souffle… un câble USB. (sur Debian/Ubuntu, vous devez être membre du groupe "dialout". "sudo adduser ploum dialout", reboot et puis c’est bon)
Un câble ! En 2025 ! Incroyable, non ? Quand je vois comme j’ai dû me battre avec le Freewrite d’Astrohaus qui force l’utilisation de son cloud propriétaire, j’apprécie à outrance le fait de brancher mon téléphone avec un câble.
Avec le Mudita Center, vous pouvez envoyer des fichiers sur l’appareil. Les MP3 pour la musique, les epub ou les pdf, qui seront ouverts dans l’appli E-reader. Pratique pour les billets de train et autres tickets électroniques. Une section est réservée pour transférer les fichiers APK que vous voulez « sideloader ». On s’est tellement fait entuber par Google et Apple qu’on a perdu le droit d’utiliser le mot « installer » en parlant d’un logiciel. Ce mot est désormais privatisé et il faut « sideloader » (du moins tant que c’est encore légalement possible…).
Dans mon cas, je n’ai sideloadé qu’un seul APK : F-Droid. Avec F-Droid, j’ai pu installer Molly (un client Signal), mon gestionnaire de mot de passe, mon appli 2FA, le clavier Flickboard et Aurora Store. Avec Aurora Store, j’ai pu installer Komoot, Garmin, Proton Calendar et l’app SNCB pour les horaires de train. Pas de navigateur ni d’email cette fois ! Je me suis quand même accordé l’application Wikipédia, pour tester.
Tout est petit, en noir et blanc (ça, j’avais déjà l’habitude), mais, dans mon cas, tout fonctionne. Attention que ce ne sera peut-être pas votre cas. Les applis qui ont besoin des services Google, comme Strava, refuseront de se lancer (ce qui ne change pas de mon Hisense). Mon appli bancaire nécessite une caméra à selfie (ce que le Kompakt n’a pas) et je vais devoir trouver une solution de rechange.
Au fait, Mudita ne permet pas de personnaliser la liste des applications. Celles-ci sont classées par ordre alphabétique. Pas de raccourcis, pas d’options. Si c’est perturbant au début, cela se révèle très vite très appréciable, car c’est, une fois encore, un truc de moins à penser, une excuse de moins pour chipoter.
À noter qu’il est cependant possible de cacher des applications. Si vous n’utilisez pas l’app de méditation, vous pouvez la cacher, tout simplement. Simple et efficace.
Les notifications
C’est lorsque j’ai reçu mon premier message Signal que j’ai réalisé un truc étrange. J’ai bien entendu le son, mais je ne voyais pas de notifications.
Et pour cause… Le Mudita Kompakt n’a pas de notifications ! L’écran d’accueil vous montre si vous avez eu des appels ou des SMS, mais, pour le reste, il n’y a pas de notifications du tout !
Mon premier réflexe a été d’investiguer l’installation d’un launcher alternatif, InkOS, qui permet une plus grande configurabilité et des notifications.
Mais… Attendez une seconde ! Que suis-je en train de faire ? Je cherche à refaire un smartphone ! Et si je tentais d’utiliser le Mudita de la manière pour laquelle il a été conçu ?Sans notifications !
Le seul réel problème avec cette approche c’est que les notifications existent, mais que Mudita les cache. On les entend donc, mais on ne peut pas savoir d’où elles proviennent.
Dans mon cas, c’est essentiellement Signal (enfin, Molly pour celleux qui suivent). Dans Signal, j’ai donc configuré un profil de notification qui soit silencieux sauf pour les membres de ma famille proche.
Si j’entends mon téléphone faire un son, je sais que c’est un message de ma famille. Pour les autres, je ne les vois que lorsque je choisis d’ouvrir Signal. Ce qui est exactement ce qu’un système de communication devrait être.
Bien entendu, les choses se compliquent si vous avez plusieurs applications qui envoient des notifications. Il est possible d’avoir accès aux notifications et de les désactiver par applications en utilisant "Activity Launcher" disponible sur F-Droid. C’est un peu du chipotage, mais ça m’a permis de désactiver les notifications « parasites » de tout ce qui n’est pas Signal.
La vie sans notifications
Lorsqu’on accepte ce mode de fonctionnement, le Mudita prend soudainement tout son sens.
J’avais déjà fortement réduit les notifications sur le Hisense. Il était d’ailleurs en silencieux la plupart du temps. Mais, à chaque fois que je consultais l’écran, je voyais les petites icônes. Machinalement, je glissais mon doigt pour faire apparaître le tiroir à notifications et « vérifier » avant de glisser latéralement pour supprimer.
Bon sang que j’ai en horreur ces gestes de glissement des doigts, jamais précis, jamais satisfaisant comme le bruit d’une touche qu’on enfonce. Tiens, le Mudita ne permet d’ailleurs pas de « swiper » dans la liste des applications. Il faut faire défiler avec une flèche. C’est minime, mais j’apprécie !
Mais même si je n’avais pas de notifications sur le Hisense, je vérifiais de temps en temps si je n’avais pas reçu un mail important. Je vérifiais une information sur un site web.
Oh, rien de bien méchant. Une addiction parfaitement sous contrôle. Mais une série de réflexes dont j’avais envie de nettoyer ma vie.
Avec le Mudita Kompakt, l’expérience est très perturbante. Machinalement, je saisis l’appareil et… rien. Il n’y a rien à faire. La seule chose que je peux vérifier, c’est Signal. Je suis ensuite forcé de reposer ce petit écran.
Pas besoin non plus de mettre en silencieux ou en mode avion. Le Kompakt dispose d’un switch hardware « Offline+ » qui désactive tous les réseaux, tous les capteurs, y compris l’appareil photo et le micro. En Offline+, rien ne rentre et rien ne sort de l’appareil. Et quand je suis connecté, je sais que je n’aurai que les appels téléphoniques, les sms et les messages Signal de ma famille proche.
C’est comme un nouveau monde…
Tout n’est pas parfait
On ne va pas se leurrer, le Mudita Kompakt est loin d’être parfait. Il est petit, mais un peu trop gros. Il y a des bugs comme l’alarme qui se déclenche en retard ou pas du tout, comme l’appareil photo qui met près de deux secondes entre la pression sur le bouton et la prise effective de l’image (mais c’est déjà mieux que l’appareil photo du Hisense dont la lentille s’est bloquée après quelques semaines d’utilisation, rendant toutes mes photos irrémédiablement floues).
Le forum regorge d’utilisateurs insatisfaits. Pour certains car je pense qu’ils n’ont pas conscientisé les limites du minimalisme numérique, qu’ils espéraient un smartphone complet avec un écran e-ink. Mais, dans d’autres cas, c’est clairement à cause de bugs dans le système pour des cas d’usage qui ne me concernent pas directement, comme les problèmes Bluetooth alors que je suis tout heureux d’avoir un jack audio. Le Kompakt utilise une version très fortement modifiée et dégooglisée d’Android 12 (les téléphones Googe sont à Android 16). Le hardware lui-même est assez ancien (plus que mon Hisense). Ce sont des détails qui peuvent se révéler importants. La batterie, par exemple, tient 3/4 jours, ce qui n’est pas extraordinaire en comparaison avec le Hisense. Une heure de hotspot wifi consomme 10% de batterie là où le Hisense n’en perdait pas 3%.

Malgré ses limites, l’appareil n’est pas bon marché et il est probablement possible de configurer n’importe quel appareil Android pour avoir un écran épuré et pas de notifications. Mais ce qui me plaît avec le Mudita c’est justement le fait que je ne le configure pas. Que je ne cherche pas à comprendre ce que je dois bloquer, que je ne passe pas du temps à optimiser mon écran d’accueil ou le placement des applications.
Ça ne conviendra certainement pas à tout le monde. Il y a certainement plein de défauts qui rendent le Kompakt inutilisable pour vous. Mais pour mon petit cas personnel et pour mon mode de vie actuel, c’est un vrai bonheur (à l’exception de cette saleté d’appli bancaire pour laquelle je n’ai pas encore trouvé de solution).
Accepter de lâcher prise
Car, oui, je vais rater des choses. Je verrai des mails urgents bien plus tard. Je ne pourrai pas chercher une information rapide quand je suis en déplacement. Je ne pourrai pas prendre de belles photos.
C’est le principe même ! Le minimalisme numérique c’est, par essence, ne plus pouvoir tout faire tout le temps. C’est être forcé de s’ennuyer dans les temps morts, de planifier certaines expéditions, de demander une information autour de soi si nécessaire, de se dire, dans certaines situations, que la vie aurait été plus facile avec un smartphone traditionnel.
Si vous n’avez pas effectué à l’avance ce travail de faire le tri entre ce qui est vraiment nécessaire pour vous, ne songez même pas à prendre un téléphone minimaliste comme le Kompakt. Ce téléphone me convient parce que ça fait des années que je réfléchis à ce sujet et parce qu’il est compatible avec mon mode de vie et mes obligations.
Si vous idéalisez le minimalisme sans réfléchir aux conséquences, vous serez frustrés à la première friction, à la première perte de cette facilité omniprésente qu’est le smartphone. Le minimalisme numérique est également un concept très personnel. Quand je vois le nombre d’appareils connectés que je possède, j’ai du mal à dire que je suis un « minimaliste ». Je cherche juste à conscientiser et à faire en sorte que chaque appareil ait pour moi un bénéfice très clair avec le moins possible de désavantages (comme mon GPS de vélo ou mon analyseur de qualité d’air). Je ne suis pas vraiment minimaliste, je pense juste que le smartphone traditionnel a sur ma vie un impact négatif très important que je cherche à minimiser.
Certain·es me disent qu’ils n’ont pas le choix. Comme le dit très bien Jose Briones, c’est faux. Nous avons, pour le moment, le choix. C’est juste que ce n’est pas un choix facile et qu’il faut assumer les conséquences, accepter de changer son mode de vie pour cela.
L’obligation du smartphone
Et, justement, ce qui est le plus effrayant avec cette démarche de tenter de minimiser l’usage du smartphone, c’est de réaliser à quel point il devient presque obligatoire d’en avoir un, à quel point ce choix devient de plus en plus ténu. Des services commerciaux, mais également des administrations publiques considèrent que vous avez obligatoirement un smartphone récent, que vous disposez d’un compte Google, d’une connexion Internet permanente, d’une batterie bien chargée et que vous êtes d’accord d’installer une énième application dessus et de créer un compte en ligne pour quelque chose d’aussi mondain que de payer un emplacement de parking ou accéder à un événement. Un contrôleur de train me confiait récemment que la SNCB planifiait de supprimer le ticket papier pour mettre en avant l’usage de l’app et du smartphone.
Sur les forums minimalistes, j’ai même découvert une catégorie d’utilisateurs qui possèdent un smartphone classique pour aller au travail, par simple peur d’être moqué ou de passer pour un rebelle auprès de leurs collègues. De la même manière, certains refusent d’installer Signal ou d’effacer leur compte Facebook par crainte que cela puisse paraître suspect. Une chose me semble claire : si c’est la peur de potentiellement paraître suspect qui vous retient, il est urgent d’agir maintenant, tant que cette suspicion n’est que potentielle. Installez Signal et GrapheneOS ou /e/OS maintenant pour avoir l’excuse, dans le futur, de dire que ça fait des mois ou des années que vous fonctionnez comme cela.
Dans le cas du smartphone, je constate avec effroi que s’il est théoriquement possible de ne jamais en avoir eu, il est extrêmement difficile de revenir en arrière. Les banques, par exemple, empêchent souvent de revenir à une méthode d’authentification sans smartphone une fois que celle-ci a été activée !
Je souris quand je pense aux fois où mon refus du smartphone m’a valu une réflexion de type : « Ah ? Vous n’êtes pas à l’aise avec les nouvelles technologies ? ». Souvent, je ne réponds pas. Ou je me contente d’un « si, justement… ». Au moins, avec le Mudita, je pourrai le brandir et affirmer haut et fort : je n’ai pas de smartphone !
Vous et moi, nous savons que ce n’est techniquement pas tout à fait vrai, mais ceux qui veulent imposer l’ubiquité du smartphone GoogApple sont, par définition, des ignares technologiques. Ils n’y verront que du feu… Et, pour un temps, ils seront encore forcés de s’adapter, d’accepter que, non, tout le monde n’a pas tout le temps un smartphone.
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
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26.08.2025 à 02:00
Pas de médaille pour les résistants
Ploum
Texte intégral (2218 mots)
Pas de médaille pour les résistants
Si vous voulez changer le monde, il faut entrer en résistance. Il faut accepter d’agir et de se taire. Il faut accepter de perdre du confort, des opportunités, des relations. Et il ne faut espérer aucune récompense, aucune reconnaissance.
Un espionnage pire que tout ce que vous imaginez
Prenez notre dépendance envers quelques monopoles technologiques. Je pense qu’on ne se rend pas compte de l’espionnage permanent que nous imposent les smartphones. Et que ces données ne sont pas simplement stockées « chez Google ».
Tim Sh a décidé d’investiguer. Il a ajouté un simple jeu gratuit sur un iPhone vierge dont tous les services de localisation étaient désactivés. Cela semble raisonnable, non ?
En analysant les paquets, il a découvert la quantité incroyable d’information qui était envoyée par le moteur du jeu Unity. Cela signifie que le concepteur du jeu lui-même ne sait sans doute pas que son jeu vous espionne.
Mais Tim Sh a fait mieux : il a traqué ces données et découvertes où elles étaient revendues. Ce sont des entreprises ayant pignon sur rue qui revendent, en temps réels, les données utilisateurs : position, historique et instantanée, niveau de la batterie et luminosité, connexion internet utilisée, opérateur téléphonique, espace libre disponible sur le téléphone.
Le tout est accessible en temps réel pour des millions d’utilisateurs. Y compris des utilisateurs persuadés de protéger leur vie privée en désactivant les permissions de localisation, en faisant attention voire même en utilisant des containers GrapheneOS : il n’y a en effet aucune malice, aucun piratage, aucune illégalité. Si l’application fonctionne, c’est qu’elle envoie ses données, point à la ligne.
À noter également : les données concernant les Européens sont plus chères. En effet, le RGPD les rend plus difficiles à obtenir. Ce qui est la preuve que la régulation politique fonctionne. Le RGPD est très loin d’être suffisant. Sa seule utilité réelle est de démontrer que le pouvoir politique peut agir.
Nous avons tendance à nous moquer de la petitesse de l’Europe, car nous la mesurons en utilisant les métriques américaines. Nos politiciens rêvent de « licornes » et de monopoles européens. C’est une erreur, la force européenne est opposée à ces valeurs.
Comme le souligne Marcel Sel : malgré tous ses défauts, l’Europe est très imparfaite, mais, peut-être, la structure dans le monde la plus progressiste et qui protège le mieux ses citoyens.
La saturation de l’indignation
Face à ce constat, nous observons deux réactions. Le « jemenfoutisme » et l’indignation violente. Mais, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la seconde n’a pas plus d’impact que la première.
Olivier Ertzscheid parle de la saturation de l’indignation. Une indignation permanente qui nous fait perdre toute capacité d’agir.
Je vois beaucoup d’indignation concernant le génocide qu’Israël commet à Gaza. Mais peu ou prou d’actions. Pourtant, une action simple est de supprimer ses comptes Whatsapp. Il est presque certain que les données Whatsapp servent pour cibler des frappes. Supprimer son compte, c’est donc une action réelle. Moins il y aura de comptes Whatsapp, moins les Gazaouis trouveront l’app indispensable, moins il y aura de données pour Israël.
Au lieu de s’indigner, entrez en résistance active. Coupez autant que vous pouvez les cordons. Vous allez perdre des opportunités ? Des contacts ? Vous allez rater des informations ?
C’est le but ! C’est l’objectif ! C’est la résistance, le nouveau maquis. Oui, mais "machin", il est sur Facebook. Quand on entre sa résistance, on y va pas en pantoufle avec toute la famille. C’est le principe même de la résistance : de prendre des risques, d’accomplir des actions que tout le monde ne comprend ou n’approuve pas avec l’espoir de faire changer les choses durablement.
C’est difficile et on ne vous donnera pas une médaille pour cela. Si vous cherchez la facilité, le confort ou si vous voulez de la reconnaissance ou des félicitations officielles, ce n’est pas en résistance que vous devez entrer.
S’arrêter pour penser
Oui, les entreprises sont des poules sans tête qui courent dans tous les sens. Mes années dans l’industrie informatique m’ont permis d’observer que l’immense majorité des employés ne fait strictement rien d’utile. Tout ce que nous faisons, c’est prétendre. Lorsqu’impact il y a, ce qui est extrêmement rare, c’est de permettre à un client de faire « mieux semblant ».
J’ai arrêté de le crier partout, car il est impossible de faire comprendre quelque chose à quelqu’un si son salaire dépend du fait qu’il ne le comprenne pas. Mais force est de constater que tous ceux qui s’arrêtent pour penser arrivent à cette même conclusion.
La merdification des entreprises peut vous toucher de manière la plus imprévue sur un produit que vous appréciez tout particulièrement. C’est mon cas avec Komoot, un outil que j’utilise en permanence pour planifier mes longs trajets à vélo et que j’utilise parfois "on the road", quand je suis un peu paumé et que je veux un itinéraire sûr, mais rapide pour arriver rapidement à destination.
Pour celleux qui ne comprennent pas l’intérêt d’un GPS à vélo, Thierry Crouzet a justement pondu un billet détaillant comment cet accessoire change la pratique du cyclisme.
Mais voilà, Komoot, startup allemande qui se présentait comme un champion de la promotion des voyages à vélo, avec des fondateurs qui promettaient de ne jamais vendre leur bébé a été vendu à un fond d’investissement réputé pour merdifier tout ce qu’il rachète.
- Faut-il quitter Komoot, comme Twitter ou Facebook? (bikinvalais.ch)
- When We Get Komooted (bikepacking.com)
Je n’en veux pas aux fondateurs. Je sais bien qu’à partir d’une certaine somme, on remet tous en question nos promesses. Les fondateurs de Whatsapp souhaitaient, à la base, fortement protéger la vie privée de leurs utilisateurs. Ils ont néanmoins vendu leur application à Facebook, car, de leurs propres aveux, on accepte certains compromis à partir d’une certaine somme.
Heureusement, des solutions libres se profilent comme l’excellent Cartes.app qui a pris le problème à bras le corps.
Il manque encore la possibilité d’envoyer facilement un itinéraire vers mon GPS de vélo pour que ce soit utilisable au quotidien, mais le symbole est clair : la dépendance envers des produits merdifiés n’est pas une fatalité !
De la nécessité du logiciel libre
Comme le démontre Gee, les ajouts de fonctionnalités non indispensables ne sont pas neutres. Elles accroissent considérablement le risque de panne et de problème.
Cette simplification ne peut, par essence, que passer par le logiciel libre qui force à la modularité. Liorel donne un exemple très parlant : à cause de sa complexité, Microsoft Excell utilisera pour toujours le calendrier julien. Contrairement à LibreOffice, qui utilise l’actuel calendrier grégorien.
Simplification, liberté, ralentissement, décroissance de notre consommation ne sont que les faces d’une même forme de résistance, d’une même conscientisation de la vie dans sa globalité.
Ralentir et prendre du recul. C’est d’ailleurs ce que m’a violemment offert Chris Brannons, avec son dernier post sur sa capsule Gemini. Et quand je dis le dernier…
Barring unforeseen circumstances or unexpected changes, my last day on earth will be June 13th, 2025.
Chris avait 46 ans et il a pris le temps d’écrire le comment et le pourquoi de sa procédure d’euthanasie. Après ce post, il a pris le temps de répondre à mes emails alors que je l’encourageais à ne pas le faire.
Le symbole du vélo
On ne peut pas s’en foutre. On ne peut pas s’indigner. Il faut alors, avec les quelques millions de secondes qui nous reste à vivre, agir. Agir en faisant ce que l’on pense être le mieux pour soi-même, le mieux pour nos enfants, le mieux pour l’humanité.
Comme rouler à vélo !
Et tant pis si ça ne change rien. Et tant pis si ça nous fait paraître étrange aux yeux de certains. Et tant pis si ça a certains désavantages. Faire du vélo, c’est entrer en résistance !
Symbole de liberté, de simplification, d’indépendance et pourtant extrêmement technologique, le vélo n’a jamais été aussi politique. Comme le souligne Klaus-Gerd Giesen, le Bikepunk est philosophique et politique !
Cela m’amuse d’ailleurs beaucoup quand on présente l’univers de Bikepunk comme un monde d’où a disparu la technologie. Parce que le vélo ce n’est pas de la technologie peut-être ?
D’ailleurs, si vous n’avez pas encore le bouquin, il ne vous reste qu’à courir faire coucou à votre libraire préféré·e et entrer en résistance !
La photo d’illustration m’a été envoyée par Julien Ursini et est sous CC-By. Plongé dans la lecture de Bikepunk, il a été saisi de découvrir ce cadre de vélo rouillé, debout dans le lit de la rivière Bléone, comme un acte de résistance symbolique. Je ne pouvais rêver meilleure illustration pour ce billet.
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
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23.07.2025 à 02:00
20 years of Linux on the Desktop (part 4)
Ploum
Texte intégral (2419 mots)
20 years of Linux on the Desktop (part 4)
Previously in "20 years of Linux on the Deskop": After contributing to the launch of Ubuntu as the "perfect Linux desktop", Ploum realises that Ubuntu is drifting away from both Debian and GNOME. In the meantime, mobile computing threatens to make the desktop irrelevant.
- 20 years of Linux on the Desktop (part 1)
- 20 years of Linux on the Desktop (part 2)
- 20 years of Linux on the Desktop (part 3)
The big desktop schism
The fragmentation of the Ubuntu/GNOME communities became all too apparent when, in 2010, Mark Shuttleworth announced during the Ubuntu-summit that Ubuntu would drop GNOME in favour of its own in-house and secretly developed desktop: Unity.
I was in the audience. I remember shaking my head in disbelief while Mark was talking on stage, just a few metres from me.
Working at the time in the automotive industry, I had heard rumours that Canonical was secretly talking with BMW to put Ubuntu in their cars and that there was a need for a new touchscreen interface in Ubuntu. Mark hoped to make an interface that would be the same on computers and touchscreens. Hence the name: "Unity". It made sense but I was not happy.
The GNOME community was, at the time, in great agitation about the future. Some thought that GNOME was looking boring. That there was no clear sense of direction except minor improvements. In 2006, the German Linux Company SUSE had signed a patent agreement with Microsoft covering patents related to many Windows 95 concepts like the taskbar, the tray, the startmenu. SUSE was the biggest contributor to KDE and the agreement was covering the project. But Red Hat and GNOME refused to sign that agreement, meaning that Microsoft suing the GNOME project was now plausible.
- Everyone seems to forget why GNOME and GNOME 3 and Unity happened (liam-on-linux.dreamwidth.org)
- How Microsoft shattered Gnome's unity with Windows 95 (www.theregister.com)
An experiment of an alternative desktop breaking all Windows 95 concepts was done in JavaScript: GNOME-shell.
A JavaScript desktop? Seriously? Yeah, it was cool for screenshots but it was slow and barely usable. It was an experiment, nothing else. But there’s a rule in the software world: nobody will ever end an experiment. An experiment will always grow until it becomes too big to cancel and becomes its own project.
Providing the GNOME desktop to millions of users, Mark Shuttleworth was rightly concerned about the future of GNOME. Instead of trying to fix GNOME, he decided to abandon it. That was the end of Ubuntu as Debian+GNOME.
What concerned me was that Ubuntu was using more and more closed products. Products that were either proprietary, developed behind closed doors or, at the very least, were totally controlled by Canonical people.
In 2006, I had submitted a Summer of Code project to build a GTK interface to Ubuntu’s new bug tracker: Launchpad. Launchpad was an in-house project which looked like it was based on the Python CMS Plone and I had some experience with it. During that summer, I realised that Launchpad was, in fact, proprietary and had no API. To my surprise, there was no way I could get the source code of Launchpad. Naively, I had thought that everything Ubuntu was doing would be free software. Asking the dev team, I was promised Launchpad would become free "later". I could not understand why Canonical people were not building it in the open.
I still managed to build "Conseil" by doing web scraping but it broke with every single change done internally by the Launchpad team.
As a side note, the name "Conseil" was inspired by the book "20.000 leagues under the sea", by Jules Vernes, a book I had downloaded from the Gutenberg project and that I was reading on my Nokia 770. The device was my first e-reader and I’ve read tenths of public domain books on it. This was made possible thanks to the power of opensource: FBreader, a very good epub reading software, had been easily ported to the N770 and was easily installable.
I tried to maintain Conseil for a few months before giving up. It was my first realisation that Canonical was not 100% open source. Even technically free software was developed behind closed doors or, at the very least, with tight control over the community. This included Launchpad, Bzr, Upstard, Unity and later Mir. The worse offender would later be Snap.
To Mark Shuttleworth’s credit, it should be noted that, most of the time, they were really trying to fix core issues with Linux’s ecosystem. In retrospective, it looks easy to see those moves as "bad". But, in reality, Canonical had a strong vision and keeping control was easier than to do everything in the open. Bzr was launched before git existed (by a few days). Upstard was created before Systemd. Those decisions made sense at the time.
Even the move to Unity would later prove to be very strategical as, in 2012, GNOME would suddenly depend on Systemd, which was explicitly developed as a competitor to Upstart. Ubuntu would concede defeat in 2015 by replacing Upstart with Systemd and in 2018 by reinstating GNOME as the default desktop. But those were not a given in 2010.
- systemd, 10 years later: a historical and technical retrospective (blog.darknedgy.net)
- What if Ubuntu were right, a discussion with Jonathan Riddel about KDE (ploum.net)
But even with the benefit of doubt, Canonical would sometimes cross huge red lines, like that time where Unity came bundled with some Amazon advertisement, tracking you on your own desktop. This was, of course, not really well received.
The end of Maemo: when incompetence is not enough, be malevolent
At the same time in the nascent mobile world, Nokia was not the only one suffering from the growing Apple/Google duopoly. Microsoft was going nowhere with its own mobile operating system, WindowsCE and running like a headless chicken. The director of the "Business division" of Microsoft, a guy named Stephen Elop, signed a contract with Nokia to develop some Microsoft Office feature on Symbian. This looked like an anecdotical side business until, a few months after that contract, in September 2010, Elop leaves Microsoft to become… CEO of Nokia.
This was important news to me because, at 2010’s GUADEC (GNOME’s annual conference) in Den Haag, I had met a small tribe of free software hackers called Lanedo. After a few nice conversations, I was excited to be offered a position in the team.
In my mind at the time, I would work on GNOME technologies full-time while being less and less active in the Ubuntu world! I had chosen my side: I would be a GNOME guy.
I was myself more and more invested in GNOME, selling GNOME t-shirts at FOSDEM and developing "Getting Things GNOME!", a software that would later become quite popular.
Joining Lanedo without managing to land a job at Canonical (despite several tries) was the confirmation that my love affair with Ubuntu had to be ended.
In 2010, Lanedo biggest customer was, by far, Nokia. I had been hired to work on Maemo (or maybe Meego? This was unclear). We were not thrilled to see an ex-Microsoft executive take the reins of Nokia.
As we feared, one of Elop’s first actions as CEO of Nokia was to kill Maemo in an infamous "burning platform" memo. Elop is a Microsoft man and hates anything that looks like free software. In fact, like a good manager, he hates everything technical. It is all the fault of the developers which are not "bringing their innovation to the market fast enough". Sadly, nobody highlighted the paradox that "bringing to the market" had never been the job of the developers. Elop’s impact on the Nokia company is huge and nearly immediate: the stock is in free fall.
One Nokia developer posted on Twitter: "Developers are blamed because they did what management asked them to do". But, sometimes, management even undid the work of the developers.
The Meego team at Nokia was planning a party for the release of their first mass-produced phone, the N8. While popping Champaign during the public announcement of the N8 release, the whole team learned that the phone had eventually been shipped with… Symbian. Nobody had informed the team. Elop had been CEO for less than a week and Nokia was in total chaos.
But Stephen Elop is your typical "successful CEO". "Successful" like in inheriting one of the biggest and most successful mobile phone makers and, in a couple of years, turning it into ashes. You can’t invent such "success".
During Elop's tenure, Nokia's stock price dropped 62%, their mobile phone market share was halved, their smartphone market share fell from 33% to 3%, and the company suffered a cumulative €4.9 billion loss
It should be noted that, against all odds, the Meego powered Nokia N9, which succeeded to the N8, was a success and was giving true hope of Meego competing with Android/iOS. N9 was considered a "flagship" and it showed. At Lanedo, we had discussed having an N9 bought by the company for each employee so we could "eat our own dog food" (something which was done at Collabora). But Elop announcement was clearly underderstood as the killing of Meego/Maemo and Symbian to leave room to… Windows Phone!

Well, Elop promised that, despite moving to Windows Phone, Nokia would release one Meego phone every year. I don’t remember if anyone bought that lie. We could not really believe that all those years of work would be killed just when the success of the N9 proved that we did it right. But that was it. The N9 was the first and the last of its kind.
Ironically, the very first Windows Phone, the Lumia 800, will basically be the N9 with Windows Phone replacing Meego. And it would receive worse reviews that the N9.
At that moment, one question is on everybody's lips: is Stephen Elop such a bad CEO or is he destroying Nokia on purpose? Is it typical management incompetence or malevolence? Or both?
The answer comes when Microsoft, Elop’s previous employer, bought Nokia for a fraction of the price it would have paid if Elop hasn’t been CEO. It’s hard to argue that this was not premeditated: Elop managed to discredit and kill every software-related project Nokia had ever done. That way, Nokia could be sold as a pure hardware maker to Microsoft, without being encumbered by a software culture which was too distant from Microsoft. And Elop goes back to his old employer as a richer man, receiving a huge bonus for having tanked a company. But remember dear MBA students, he’s a "very successful manager", you should aspire to become like him.
Les voies du capitalisme sont impénétrables.
As foolish as it sounds, this is what the situation was: the biggest historical phone maker in the world merged with the biggest historical software maker. Vic Gundotra, head of the Google+ social network, posted: "Two turkeys don’t make an eagle." But one thing was clear: Microsoft was entering the mobile computing market because everything else was suddenly irrelevant.
Every business eyes were pointed towards mobile computing where, ironically, Debian+GNOME had been a precursor.
Just when it looked like Ubuntu managed to make Linux relevant on the desktop, nobody cared about the desktop anymore. How could Mark Shuttleworth makes Ubuntu relevant in that new world?
(to be continued)
Subscribe by email or by rss to get the next episodes of "20 years of Linux on the Desktop".
I’m currently turning this story into a book. I’m looking for an agent or a publisher interested to work with me on this book and on an English translation of "Bikepunk", my new post-apocalyptic-cyclist typewritten novel which sold out in three weeks in France and Belgium.
I’m Ploum, a writer and an engineer. I like to explore how technology impacts society. You can subscribe by email or by rss. I value privacy and never share your adress.
I write science-fiction novels in French. For Bikepunk, my new post-apocalyptic-cyclist book, my publisher is looking for contacts in other countries to distribute it in languages other than French. If you can help, contact me!
23.05.2025 à 02:00
Reducing the digital clutter of chats
Ploum
Texte intégral (1490 mots)
Reducing the digital clutter of chats
I hate modern chats. They presuppose we are always online, always available to chat. They force us to see and think about them each time we get our eyes on one of our devices. Unlike mailboxes, they are never empty. We can’t even easily search through old messages (unlike the chat providers themselves, which use the logs to learn more about us). Chats are the epitome of the business idiot: they make you always busy but prevent you from thinking and achieving anything.
It is quite astonishing to realise that modern chat systems use 100 or 1000 times more resources (in size and computing power) than 30 years ago, that they are less convenient (no custom client, no search) and that they work against us (centralisation, surveillance, ads). But, yay, custom emojis!
Do not get me wrong: chats are useful! When you need an immediate interaction or a quick on-the-go message, chats are the best.
I needed to keep being able to chat while keeping the digital clutter to a minimal and preserving my own sanity. That’s how I came up with the following rules.
Rule 1: One chat to rule them all
One of the biggest problems of centralised chats is that you must be on many of them. I decided to make Signal my main chat and to remove others.
Signal was, for me, a good compromise of respecting my privacy, being open source and without ads while still having enough traction that I could convince others to join it.
Yes, Signal is centralised and has drawbacks like relying on some Google layers (which I worked around by using Molly-FOSS). I simply do not see XMPP, Matrix or SimpleX becoming popular enough in the short term. Wire and Threema had no advantages over Signal. I could not morally justify using Whatsapp nor Telegram.
In 2022, as I decided to use Signal as my main chat, I deleted all accounts but Signal and Whatsapp and disabled every notification from Whatsapp, forcing myself to open it once a week to see if I had missed something important. People who really wanted to reach me quickly understood that it was better to use Signal. This worked so well that I forgot to open Whatsapp for a whole month which was enough for Whatsapp to decide that my account was not active anymore.
Not having Whatsapp is probably the best thing which happened to me regarding chats. Suddenly, I was out of tenths or hundreds of group chats. Yes, I missed lots of stuff. But, most importantly, I stopping fearing missing them. Seriously, I never missed having Whatsapp. Not once. Thanks Meta for removing my account!
While travelling in Europe, it is now standard that taxi and hotels will chat with you using Whatsapp. Not anymore for me. Guess what? It works just fine. In fact, I suspect it works even better because people are forced to either do what we agreed during our call or to call me, which requires more energy and planning.
Rule 2: Mute, mute, mute!
Now that Signal is becoming more popular, some group chats are migrating to it. But I’ve learned the lesson : I’m muting them. This allows me to only see the messages when I really want to look at them. Don’t hesitate to mute vocal group chats and people with whom you don’t need day-to-day interaction.
I’m also leaving group chats which are not essential. Whatsapp deletion told me that nearly no group chat is truly essential.
Many times, I’ve had people sending me emails about what was told on a group chat because they knew I was not there. Had I been on that group, I would probably have missed the messages but nobody would have cared. If you really want to get in touch with me, send me an email!
Rule 3: No read receipts nor typing indicators
I was busy, walking in the street with my phone in hands for directions. A notification popped up with an important message. It was important but not urgent. I could not deal with the message at that moment. I wanted to take the time. One part of my brain told me not to open the message because, if I did, the sender would see a "read receipt". He would see that I had read the message but would not receive any answer.
For him, that would probably translate in "he doesn’t care". I consciously avoided to open Signal until I was back home and could deal with the message.
That’s when I realised how invasive the "read receipt" was. I disabled it and never regretted that move. I’m reading messages on my own watch and replying when I want to. Nobody needs to know if I’ve seen the message. It is wrong in every aspect.

Rule 4: Temporary discussions only
The artist Bruno Leyval, who did the awesome cover of my novel Bikepunk, is obsessed with deletion and disappearance. He set our Signal chat so that every message is deleted after a day. At first, I didn’t see the point.
Until I understood that this was not only about privacy, it also was about decluttering our mind, our memories.
Since then, I’ve set every chat in Signal to delete messages after one week.

This might seem like nothing but this changes everything. Suddenly, chats are not a long history of clutter. Suddenly, you see chats as transient and save things you want to keep. Remember that you can’t search in chats? This means that chats are transient anyway. With most chats, your history is not saved and could be lost by simply dropping your phone on the floor. Something important should be kept in a chat? Save it! But it should probably have been an email.
Embracing the transient nature of chat, making it explicit greatly reduce the clutter.
Conclusion
I know that most of you will say that "That’s nice Ploum but I can’t do that because everybody is on XXX" where XXX is most often Whatsapp in my own circles. But this is wrong: you believe everybody is on XXX because you are yourself using XXX as your main chat. When surveying my students this year, I’ve discovered that nearly half of them was not on Whatsapp. Not for some hard reason but because they never saw the need for it. In fact, they were all spread over Messenger, Instagram, Snap, Whatsapp, Telegram, Discord. And they all believed that "everybody is where I am".
In the end, the only real choice to make is between being able to get immediately in touch with a lot of people or having room for your mental space. I choose the latter, you might prefer the former. That’s fine!
I still don’t like chat. I’m well aware that the centralised nature of Signal makes it a short-term solution. But I’m not looking for the best sustainable chat. I just want fewer chats in my life.
If you want to get in touch, send me an email!
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