17.11.2025 à 01:00
Ploum
Certains d’entre vous me lisent en étant abonnés via RSS ou via la newsletter. D’autres tombent par hasard sur certains de mes billets lorsque ceux-ci sont partagés sur des forums ou des réseaux sociaux. Peut-être que ce billet est le premier que vous découvrez de ce blog ! Si c’est le cas, bienvenue !
Mais il existe une troisième catégorie de lecteurs et lectrices : celles et ceux qui, tout simplement, se décident à aller de temps en temps sur ce site pour voir si j’ai publié des articles et si les titres les intéressent.
Étant moi-même accro au RSS, fréquentant des blogueurs qui parlent de leur nombre d’abonnés, de leurs mailings-listes, j’oublie trop souvent que cette simple solution est possible. C’est un lecteur qui me l’a expliqué lors d’une séance de dédicaces :
— Je suis ton blog depuis des années, j’ai presque tout lu depuis au moins 10 ans !
— Ah, génial. Tu es abonné au RSS ?
— Non.
— À la mailing-liste ?
— Non.
— Tu me suis sur Mastodon ?
— Non, je n’utilise pas les réseaux sociaux.
— Comment tu fais alors pour me suivre ?
— Ben, de temps en temps, je me demande si t’as écrit un article et je tape « www.ploum.net » dans la barre de mon navigateur et je rattrape mon retard.
— …
Enfoncé le ploum ! Lorsqu’on est le nez dans le guidon comme moi, on oublie parfois la simplicité, la liberté du web. Influencé malgré moi par une faune linkedinesque de junkies des statistiques, j’oublie trop souvent qu’un billet de blog s’adresse aussi (et même avant tout) à des personnes qui ne me connaissent pas, qui n’ont pas lu tous mes billets depuis 6 mois, qui ne savent pas ce qu’est le protocole Gemini.
Le papillonnage, la sérendipité sont l’essence de l’être humain. Et, cerise sur le gâteau, il est impossible de comptabiliser, de quantifier ce genre de lecteurs. Un usage autrefois normal, mais aujourd’hui incroyablement rebelle et anticapitaliste du web. Un usage technopunk !
Non, je n’ai jamais porté de crête colorée ni de veste à clous. Mais je roule à vélo ! D’ailleurs, mon dernier roman s’intitule « Bikepunk ».
Dans son livre « L’odyssée du pingouin cannibale », le dandy punk Yann Kerninon fait une analyse intéressante du mouvement punk. Si celui-ci était indéniablement provocant et choquant dans les années 70, il est devenu ensuite la norme. Hurler, baiser et se bourrer la gueule ne sont que des choses normales, divertissantes. Kurt Cobain, héritier du mouvement punk, s’est suicidé lorsqu’il a compris que sa rébellion, son dégoût du système n’était qu’un énième spectacle consolidant le système en question.
La crête colorée n’est plus choquante, au contraire, elle rapportera des likes sur Instagram ! Ce qui devient punk, ce qui choque, c’est d’envoyer chier toutes les métriques, de refuser les diktats (des réseaux) sociaux, d’utiliser un dumbphone, de ne pas être sur Whatsapp, de ne pas être au courant des résultats des matchs de foot ni même du nom de l’émission de télé à la mode.
Essayez et vous verrez que votre entourage vous regardera avec un air d’incompréhension totale. De choc !
Alors que si vous hurlez « No Future » sur une place, je suis sûr que les passants vous filmeront pour récolter des likes.
La philosophie punk, à la base, c’est le refus total de la mode, de la tendance. Être technopunk, c’est donc se passionner pour les technologies vieilles, ennuyantes, sans budget marketing.
Terence Eden parle de ces technologies ouvertes qui existent en arrière-plan, n’attendant que l’occasion propice pour révéler leur utilité. La radio amateur. Les QR codes, qui ont soudain été popularisés durant la pandémie, parce que soudainement nécessaire.
Il en est de même selon lui pour le Fediverse : personne ne le remarque encore. Mais il est là et le restera jusqu’au moment où on aura besoin de lui. Le rachat de Twitter aurait pu être ce moment. Cela n’a pas été le cas. C’est pas grave, ce sera pour la prochaine fois.
Car les gens sont des moutons crétins. Celleux partis de Twitter sont allés sur Bluesky juste parce que le marketing prétendait que c’était « décentralisés ». Et puis c’était nouveau tout en étant exactement pareil.
J’avais, à l’époque alerté sur le fait que Bluesky était aussi décentralisé que la cryptomonnaie Ripple : c’est-à-dire pas du tout.
À ce tarif, Facebook est également décentralisé : ben oui, leur infrastructure repose sur des serveurs redondants décentralisés. Vous croyez que j’exagère ?
Patatas vient de découvrir que l’équipe Bluesky travaille en secret sur des algorithmes pour cacher certaines réponses qui ne plaisent pas.
Et comme le dit Patatas, il y a bien des tentatives de créer des solutions indépendantes pour se connecter au réseau BS, mais, premièrement, c’est très compliqué et, deuxièmement, presque personne ne les utilisera et donc c’est comme si elles n’existaient pas.
Je le dis depuis 2023 : Bluesky n’est pas décentralisé et ne peut, pas sa conception même, pas l’être. Le protocole AT n’est qu’un écran de fumée pour faire croire aux programmeurs qui ne creusent pas trop que la décentralisation future est crédible. C’est un outil marketing.
C’est pareil pour le protocole XMPP, qui permet de chatter de manière décentralisée depuis 20 ans. Les gens préfèrent Whatsapp ? Pas grave, XMPP attendra d’être vraiment indispensable. Ou cette mode absurde de passer les salons de discussions sur des technologies propriétaires, y compris pour les communautés Open Source. Slack, Telegram maintenant Discord. La plus-value par rapport à un serveur IRC est à peu près nulle. C’est juste du marketing ! (oui, mais les émojis sont plus jolis… ta gueule !)
C’est aussi pour cela que j’aime tellement le réseau Gemini. C’est littéralement technopunk !
Quoi ? C’est compliqué ? Faut faire un effort ? C’est pas joli ? C’est élitiste ? Et tu crois qu’entretenir une crête colorée sur le sommet de son crâne, c’est à la portée de tout le monde ? Bien sûr qu’être technopunk ça demande un effort. Tu voudrais que tout soit facile, sans apprendre et joli justement dans l’esthétique à la mode que t’impose un marketeux défoncé ? Mais retourne dans les jupes de Zuckerberg !
Devoir apprendre et pouvoir apprendre sont des éléments indissociables de la low-tech !
La ligne de commande, ça aussi c’est punk. C’est pas joli, mais c’est hyper efficace : toute personne qui te voit utiliser ton ordinateur part en hurlant. Tes proches font venir un exorciste.
C’est pas pour rien que j’ai créé un navigateur web et gemini qui fonctionne en ligne de commande. Il s’appelle… Offpunk !
Oui, je lis les blogs et le web en ligne de commande. Rien à battre de vos polices de caractères choisies avec amour, de vos mises en pages CSS, de vos javascript pourris. On n’a de toute façon pas les mêmes goûts !
La philosophie punk, opposition frontale au Thatcherisme, est indissociable de la politique. Et la technologie est complètement politique. Les GAFAM sont désormais complètement fascistes, comme le résume très bien mart-e.
Tu te disais ptêtre parfois que si t’avais vécu sous Pétain en 43, t’aurais été résistant. Ben si tu utilises les GAFAMs parce que plus facile/plus joli/tout le monde le fait/pas le choix, j’ai le regret de t’informer que non. T’es pas du tout résistant. En fait, tu es en train de mettre une affiche « travail - famille - patrie » sur la porte de ta maison. Exactement pour les mêmes raisons que ceux qui l’ont fait à l’époque.
C’est pas pour rien que le genre dystopique qui a accompagné l’essor d’Internet s’appelle… Cyberpunk. « Cyberpunk » est également le nom d’un récent essai d’Asma Mhalla qui décrit parfaitement la situation : nous vivons dans une dystopie fasciste avec une idéologie très assumée et si tu n’en ressens pas les effets, c’est juste que t’es pas encore dans les populations visées, que tu te plies bien à tout, que t’as ton petit compte Gmail, Whatsapp, Facebbok et Microsoft pour bien faire comme tout le monde en espérant que ta blancheur de peau, ton hétérosexualité cisgenre et ton compte en banque te permettent de passer entre les gouttes.
T’as essayé de n’avoir aucun de ces comptes ? De ne pas avoir un smartphone Apple ou Android ? Et bien tu verras comme de simples choses comme payer un ticket de bus ou ouvrir un compte en banque sont compliquèes, comme tu deviens un paria pour ne pas simplement obéir aux règles édictées par une poignée de multinationales fascistes !
À propos de cyberpunk, la version audio de mon roman Printeurs est désormais gratuite sur Les Mille Mondes :
Syfy le décrit comme « encore plus sombre et anticapitaliste » que le Neuromancien de Gibson. Et il est sous licence libre, disponible sur toutes les bonnes plateformes pirates. Parce que Fuck Ze System !
Bon, après, si t’es un bourgeois qui peut se permettre de lâcher une tite pièce, n’hésite pas à le commander chez ton libraire ou sur le site PVH.
Parce que les livres papiers et les libraires, ça, c’est vraiment hyper technopunk, mon adelphe !
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.
14.11.2025 à 01:00
Ploum
Je sais que vous allez être fortement sollicités pour les dons durant la période qui vient. Mais je sais que vous allez certainement devoir trouver des cadeaux en urgence. Je vous propose un échange : vous soutenez Ploum et, en échange, je vous aide à trouver les cadeaux que vous allez offrir durant les fêtes !
Car je n’ai pas besoin de dons ni de soutien financier. Non, j’ai besoin que vous achetiez mon livre Bikepunk avant la fin de l’année.
Les critiques sur mon roman Bikepunk ont été très positives. Inspirant même des réflexions philosophiques.
Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est l’engouement des lecteurs et des lectrices. J’ai reçu des dizaines de messages parfois accompagnés de photos de voyage à vélo inspirés par la lecture du livre. J’ai reçu des témoignages de personnes ayant acheté un vélo suite à leur lecture. Le livre a donc un effet dont je n’osais rêver : il encourage la pratique du vélo. Cela me donne envie qu’il ait une diffusion encore plus large.
Dans le monde de l’édition francophone, un livre a une première vie comme « grand format ». Il coûte aux alentours de 20€. S’il se vend bien, il sera édité un an ou deux plus tard au format poche, sur du papier de moins bonne qualité, avec moins de fioritures dans la mise en page et pour un prix généralement en dessous de 10€.
Ce format poche permet au livre de devenir accessible à un lectorat beaucoup plus large, à plus de librairies, de bibliothèque. Bref, je rêve que Bikepunk soit édité au format poche.
La bonne nouvelle, c’est que les discussions en ce sens sont en cours. Mais le critère majeur qui influence l’éditeur poche est le nombre de ventes durant sa première année. Et c’est là que vous pouvez vraiment m’aider et me soutenir : en achetant un exemplaire de Bikepunk « grand format » pour vous ou pour offrir avant la fin de l’année. Chaque exemplaire vendu accroît la probabilité de voir le livre sortir au format poche.
Alors oui, le grand format est plus cher. Mais dans le cas de Bikepunk, je vous garantis que la couverture de Bruno Leyval et la mise en page en font un magnifique objet à offrir. À quelqu’un d’autre ou à vous-même.
En achetant Bikepunk, vous faites la promotion du vélo, vous avez un cadeau de moins à trouver, vous me soutenez, mais vous soutenez également les éditions PVH, qui éditent de la littérature sous licence libre ! Et je peux vous assurer que ce n’est pas évident tous les jours. Chaque livre vendu fait réellement la différence pour un petit éditeur qui doit gérer les « retours » (à savoir être forcé de racheter les invendus des librairies quand ces dernières veulent faire de la place dans leur stock, le monde du livre est une jungle !)
L’année passée, je vous avais proposé une petite sélection de livres à offrir.
Cette sélection est toujours valable, mais notez les dernières sorties PVH dont le roman Rush de Thierry Crouzet, le très mystérieux roman de fantasy écrit à 10 mains : Le bastion des dégradés et, traduit pour la première fois en français, le classique de la SF italienne Bloodbusters, par le génial Francesco Verso. Je n’ai encore lu aucun des trois, mais, connaissant personnellement tous les auteurs et ayant entendu certains bruits de couloir, je suis très impatient.
Un gros truc qui aide vraiment PVH, c’est de commander le plus tôt possible. Que ce soit en librairie ou via le site, il y a souvent des retards de distribution indépendants de PVH. Surtout en période de fête. Du coup, le mieux est de commander maintenant sur le site ou d’envoyer un email à votre libraire pour commander le plus vite possible (ce qui vous évite les frais de port).
Pour certains d’entre vous, ça sent la répétition, limite la vente forcée insistante. Je m’en excuse. Mais ce qui semble évident pour quelqu’un qui lit chacun de mes billets ne l’est pas spécialement pour tout le monde. Comme le prouve cette anecdote vécue lors d’un festival récent.
Une personne passe devant moi puis s’arrête devant le carton portant le nom « Ploum ».
— Tu es Ploum ?
— Oui
(la personne sort son téléphone, lance un navigateur et se rend sur mon blog)
— Je veux dire, tu es le ploum qui écrit ce blog ?
— Oui, c’est moi.
— Génial ! Ça fait 20 ans que je lis régulièrement tes articles. Un peu moins maintenant à cause des enfants, mais j’aime beaucoup. Tu fais quoi à un stand de dédicaces ?
— Je dédicace mes romans.
— Ah bon, tu as écrit des romans ! C’est nouveau ?
— À peu près 5 ans.
La moralité de cette histoire, c’est que beaucoup de lecteurs de ce blog ne savent pas ou n’ont pas prêté beaucoup attention au fait que j’écris des romans. Et c’est tout à fait normal, voire souhaitable, de ne pas être au courant de tous mes billets !
Alors, une fois n’est pas coutume, j’aimerais insister là-dessus parce que j’ai besoin de vous. À la fois pour acheter le livre et en faire la promotion autour de vous voire chez votre libraire, en postant une critique sur votre blog ou sur Babelio.
Lorsqu’on n’a ni l’envie ni les moyens de s’offrir des affiches dans le métro parisien, lorsqu’on refuse de financer Bolloré pour apparaître dans le top 10 des points Relay, lorsqu’on n’imprime pas 100.000 exemplaires (dont la moitié seront détruits après un an) pour inonder les présentoirs des librairies, vendre un livre est une véritable gageure !
Mais heureusement, je peux compter sur vous. Alors, un énorme merci pour votre soutien !
Et si vous avez déjà Bikepunk, pourquoi ne pas tester mes autres livres ?
Paradoxalement, je sais que c’est souvent celles et ceux qui ont les fins de mois les plus difficiles qui sont les plus enclins à contribuer aux campagnes de dons des associations, à aider les autres. Je sais également que mettre 20€ dans un livre n’est pas toujours facile. En fait, je me sens incroyablement mal face à des personnes qui hésitent à acheter le livre pour des raisons de budget. J’essaye alors le plus souvent de les convaincre de ne pas l’acheter et de télécharger à la place la version epub pirate (et entièrement légale) ou de l’emprunter. Bref, je suis très mauvais vendeur et c’est une des raisons pour lesquelles je tiens tant à ce que Bikepunk soit édité au format poche : pour qu’il soit moins cher !
J’insiste donc sur un point : cette demande de soutien ne s’adresse qu’à celles et ceux qui peuvent confortablement dépenser 20€ dans un livre ou un cadeau.
Pour les autres, j’ai décidé de « suspendre » 10 exemplaires du livre. Pour bénéficier d’un exemplaire suspendu, il suffit de m’écrire à l’adresse suspendu(at)bikepunk.fr. Pas besoin de vous justifier. Je vous fais confiance et je vous garantis que votre demande restera confidentielle. Malheureusement, je ne peux pas offrir les frais de port, ceux-ci resteront donc à votre charge.
Merci encore et toutes mes excuses pour cet encart publicitaire dans votre flux et bonnes lectures !
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
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07.11.2025 à 01:00
Ploum
On entend souvent que l’IA a des avantages et des inconvénients, mais que c’est un changement de paradigme, qu’il faut l’accepter. Qu’on ne peut pas « refuser en bloc ». Pourtant, le refus en bloc a bien eu lieu avec, par exemple, les NFTs. Et c’était, à mon avis, à raison parce que les NFT n’apportaient rien.
Je prétends que la frénésie d’IA n’est pas du tout un changement de paradigme. C’est même le contraire.
Oui, je le prétends haut et fort, ce qu’on nous vend avec l’IA n’est guère plus utile que les NFT. Tous les « nouveaux usages » sont, dans l’immense majorité, parfaitement stupides, voire hyper dangereux. Et les cas qui seraient potentiellement utiles ne sont tout simplement pas rentables. Si l’internet mobile a été un réel changement de paradigme, les IA ne le sont pas.
Ce qu’on nous vend comme de l’IA n’est, en réalité, rien de plus qu’un robot conversationnel programmé pour nous faire plaisir. Pour dire ce qu’on veut entendre. Comme le dit Tattierantula dans un fil Mastodon : « Au plus on a étudié le domaine, au plus on est susceptible de tomber dans le piège du robot conversationnel. Tout comme un roboticien se sent désolé pour un aspi-robot coincé dans un coin. »
Non, le robot conversationnel n’est pas un truc qui va « changer nos paradigmes ». Oui, un truc peut être à la mode et être complètement con. Non, on ne doit pas être nécessairement « subtil », « mesuré » ou « ouvert à la nouveauté ». Virgile Andreani l’a superbement illustré avec ce pouet sur Mastodon :
Qu'on le veuille ou non, l'astrologie est là pour rester. Certains de nos étudiant·es l'utilisent déjà : ça n'aurait donc pas de sens de lutter contre. Comment en faire un usage responsable et éthique ? Découvrez dès maintenant notre formation aux enjeux de l'astrologie dans un monde qui change, dispensée par des experts indépendants reconnus mondialement : le chef de Astrology Inc, celui de OpenAstrology, et Jean-Michel. Cette formation de trois heures délivrera le diplôme reconnu de Maître Astrologue Ingénieur en Osselets, et offrira aussi un accès exclusif à l'ensemble de vos étudiant·es, employé·es, chômeur·euses, retraité·es, familles, aux Astrology Factories construites sur l'ensemble du territoire avec vos impôts. Tou·tes ensemble vers un futur sous le signe de l'astrologie qui nous permettra sûrement un jour de répondre aux grandes questions de l'humanité comme comprendre comment être plus rationnels ! 🛸✨🔮
J’insiste sur ce point important : les robots conversationnels sont littéralement programmés pour répondre ce que nous voulons lire. Il n’y a aucune notion de « vérité » ou de « réel » dans l’entraînement des IA. Ce sont donc, par essence, des outils ascientifiques. La comparaison avec l’astrologie est parfaitement apte. Et on peut trouver une utilité aux robots conversationnels de la même manière qu’on peut trouver une utilité à jouer au tarot pour lancer une conversation ou imaginer la suite d’une histoire sur laquelle nous bloquons. Ou jouer à pile ou face une décision qui nous fait hésiter.
Même les opposants aux LLMs concèdent que « cela peut avoir une grande utilité, par exemple en médecine ». C’est entièrement faux. Les premiers résultats sont catastrophiques : une perte rapide d’expérience chez les spécialistes utilisant l’IA, une incapacité pour les jeunes générations de se former. Un outil qui n’a aucun fondement épistémologique de vérité ne peut, par définition, pas être utile pour un scientifique.
Et répondre avec une anecdote où « ça a fonctionné » est justement le contraire de la méthode scientifique.
La seule réelle utilité de cette IA serait donc d’offrir une oreille attentive à celleux qui se sentent seul·e·s. Sur ce sujet, un très long article d’Huber Guillaud sur les IAs utilisées comme compagnon de discussion.
Une idée m’a frappée dans ce texte : le fait que les chatbots font disparaître le sentiment de solitude tout comme les mobiles et leurs notifications ont fait disparaître le sentiment d’ennui, ennui pourtant fondamental pour reposer le cerveau.
Mais ce sont les sentiments qui ont disparu ! Exactement comme la coca coupe le sentiment de faim sans pour autant apporter la moindre valeur nutritive. Pour cette raison, elle est massivement utilisée par les pauvres.
Et c’est exactement la même chose pour les usages professionnels, voire scientifiques, de l’IA. Ce papier de Duc Cuong Nguyen et Catherine Whelch insiste sur ce point. Les LLMs sont des outils conversationnels tellement convaincants que même les scientifiques ont l’impression de parler avec d’autres scientifiques compétents. Ils se font alors complètement induire en erreur, car ils ont l’impression d’avoir enfin une oreille attentive qui les comprend.
Pour caricaturer, la hype autour du « prompt engineering » a convaincu une génération de managers et de politiciens qu’il suffit de dire « Tu es un chercheur de génie qui vient de recevoir le prix Nobel de médecine pour avoir guéri le cancer. Explique-moi en cinq phrases ta découverte » pour que ChatGPT nous donne réellement le remède contre le cancer. Et les scientifiques, dont les financements dépendent des politiciens et des managers du privé, sont forcés d’aller dans ce sens, parfois sans s’en rendre compte. Voire, pire, en commençant à réellement apprécier les interactions avec les LLMs, ce que Hamilton Mann compare au syndrome de Stockholm.
La réflexion intellectuelle nécessaire à toute quête scientifique nécessite de longs temps de solitude. Ce que Cal Newport appelle « Deep Work ». Il est nécessaire de s’abstraire des conventions sociales, du charisme humain capable de faire passer des vessies pour des lanternes et de se retrouver seul. Seul face aux données reflétant la réalité, seul face aux longs enchainements logiques.
Les robots générationnels ne sont donc pas un changement de paradigme. Comme les notifications et l’obligation de connexion permanente, ils ne sont qu’un outil de plus pour tenter d’envahir nos réflexions et notre solitude. Ils ne sont qu’une arme de plus dans la guerre que le consumérisme mène contre l’intellectualisme.
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
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01.11.2025 à 01:00
Ploum
Comme le souligne Ed Zitron, toute la bulle actuelle est basée sur 7 ou 8 entreprises qui s’échangent des promesses de s’échanger des milliards d’euros lorsque tous les habitants de la planète dépenseront en moyenne 100€ par mois pour utiliser ChatGPT. Ce qui, pour éviter une cascade de faillites, doit arriver dans les 4 ans au plus tard.
Spoiler : cela n’arrivera jamais.
(oui, Gee m’a convaincu que le spoiler, ce n’était finalement pas si mal et que si spoiler gâche réellement une œuvre, c’est que l’œuvre est merdique)
Tout le monde est en train de perdre une fortune à investir dans une infrastructure IA que personne ne veut payer pour utiliser.
Parce qu’à part deux ou trois managers lobotomisés par les écoles de commerce et tout fiers de poster sur LinkedIn des textes générés qu’ils n’ont même pas lus, ChatGPT est loin d’être la révolution promise. C’est juste ce qu’on veut nous faire croire. Cela fait partie du marketing !
Tout comme on veut nous faire croire qu’avoir une app pour tout nous simplifie la vie alors que si on réfléchit rationnellement, le coût cognitif de l’app est souvent supérieur à l’alternative, mais encore faut-il qu’alternative il y ait.
Et ce n’est pas un hasard si je parle d’apps pour illustrer la bulle IA.
Parce que les apps ont été promues à grand renfort de marketing pour promouvoir indirectement la vente de smartphone. Qu’une gigantesque industrie s’est formée sur le fait que le marché des smartphones était en pleine croissance. Et si la bulle n’a pas explosé, un autre phénomène est arrivé très récemment : la saturation.
Tout le monde a un smartphone. Celleux qui n’en ont pas n’en veulent pas en conscience. Celleux qui en ont vont le remplacer de moins en moins souvent, car les nouveaux modèles n’apportent plus rien et, au contraire, retirent des fonctions (combien s’accrochent à un vieux modèle pour garder un jack audio ?). L’industrie a fini sa croissance et va se stabiliser dans un renouvellement de l’existant.
Si j’étais méchant, je dirais que le marché du dumbphone a un plus fort potentiel de croissance que celui du smartphone.
Toutes les petites sociétés et les services qui se sont fait convaincre de « développer une app » ne l’ont fait que pour promouvoir la vente de smartphone et, désormais, cela ne sert plus à rien. Elles se retrouvent à devoir gérer trois clientèles différentes : Android, iPhone et celleux sans aucun des deux. Bref, vous pouvez arrêter de « promouvoir vos apps », cela ne vous rapportera rien d’autre que du travail et des coûts supplémentaires. Que cela vous serve de leçon à l’heure où vous « investissez dans l’IA ».
Spoiler : personne n’a compris la leçon.
Mais le capitalisme a besoin de croissance ou, au moins, la croyance d’une croissance future.
C’est exactement ce que promet l’IA et la raison pour laquelle nous sommes gavés de marketing pour l’IA partout, que les nouveaux téléphones ont des « puces IA » et que toutes les apps se mettent à jour pour nous forcer à utiliser l’IA.
Par rapport à l’explosion du mobile, j’observe néanmoins une différence flagrante, fondamentale.
Beaucoup de gens « normaux » n’aiment pas. Les mêmes qui étaient fascinés par les premiers smartphones, qui étaient fascinés par les réponses de ChatGPT sont furieux d’avoir une IA dans Whatsapp ou dans leur brosse à dents. Celleux qui croient le plus en l’IA ne sont pas celleux qui l’utilisent le plus (ce qui était le cas du smartphone), mais celleux qui pensent que d’autres vont l’utiliser !
Mais ces autres ne l’utilisent finalement que très peu. Et ce n’est pas une réflexion éthique ou écologique ou politique.
C’est juste que ça les emmerde. Que même avec du matraquage marketing incessant, ils ont l’impression que ça complique leur vie plutôt que la simplifier. J’observe de plus en plus de gens refuser de faire des mises à jour, tenter de faire durer le plus longtemps possible un appareil pour éviter d’avoir à racheter le nouveau avec des écrans tactiles à la place des boutons. Ce que j’expliquais déjà en 2023.
Nous avons atteint un point de saturation technologique.
Lorsque vous refusez l’IA ou que vous demandez un bouton physique pour régler le volume de la radio dans votre nouvelle voiture, les vendeurs et le marketing se contentent de vous classer dans la catégorie des « ignares qui ne comprennent rien à la technologie » (dans laquelle ils me classent dès que j’ouvre la bouche, et ça m’amuse beaucoup d’être pris pour un ignare technologique).
Mais, à un moment, ces ignares vont devenir une masse importante. Ces non-consommateurs vont commencer à peser, économiquement, politiquement.
L’économie de la merdification (ou « crapitalism » comme l’appelle Charlie Stross) est, sans le vouloir, en train de promouvoir la décroissance et le low-tech !
Chaque système contient en lui les germes de la révolution qui le renversera.
Du moins, je l’espère…
La bulle du web 2.0 a éclaté en laissant en place une énorme infrastructure sur laquelle ont pu prospérer quelques survivants (Amazon, Google) et quelques nouveaux venus (Facebook, Netflix) qui se sont littéralement approprié les restes.
Parfois, une bulle ne laisse rien derrière elle, comme celle des subprimes en 2008.
Qu’en sera-t-il de la bulle IA dans laquelle nous sommes ? Les datacenters construits seront rapidement obsolètes. La destruction sera énorme.
Mais ces data centers nécessitent de l’électricité. Beaucoup d’électricité. Et pour une grande partie, une électricité renouvelable, car c’est la moins chère à l’heure actuelle.
Mon pari est donc que l’éclatement de la bulle IA va créer une offre d’électricité sans précédent. Celle-ci va devenir presque gratuite et, dans certains cas, elle aura même un prix négatif (parce qu’une fois les batteries pleines, il faut bien évacuer la production excédentaire).
Et si l’électricité est gratuite, il devient de plus en plus difficile de justifier de brûler du pétrole. La fin de la bulle IA pourrait également sonner la fin d’une bulle pétrolière qui dure depuis 70 ans.
Comme le dit Charlie Stross, on y est peut–être déjà :
Ça paraît un peu utopiste et, au moment de l’éclatement, ça ne va pas être joli à voir. Ça peut commencer demain comme dans 10 ans. La transition risque de durer plus qu’une poignée d’années. Mais, clairement, c’est un changement civilisationnel qui s’amorce…
On n’y arrivera pas sans douleur. La récession économique va alimenter tous les délires fascistes disposant d’une infrastructure d’espionnage dont l’officier de la Stasi le plus fou n’aurait jamais pu rêver. Mais ptêtre qu’au bout du tunnel, on se dirigera vers ce que Tristan Nitot a décrit dans sa novelette « Vélorutopia ». Il prétend s’inspirer, entre autres, de Bikepunk. Mais je crois qu’il dit ça pour me flatter.
EDIT 9 novembre : ajout du lien de Charlie Stross que j’avais oublié.
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
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27.10.2025 à 01:00
Ploum
Je ne peux résister à vous partager cet extrait issu de « L’odyssée du pingouin cannibale », de l’inénarrable Yann Kerninon, philosophe et punk rocker anarchocycliste :
Quand on m’envie d’écrire des livres et d’être un philosophe, j’ai toujours envie de répondre « allez vous faire foutre ». Dans une interview télévisée, le philosophe Kostas Axelos affirmait que ce n’était jamais le penseur qui faisait la pensée, mais bien toujours la pensée qui faisait le penseur. Il ajoutait qu’il aurait bien aimé qu’il en soit autrement. Au journaliste étonné qui lui demandait pourquoi, il répondit avec un léger sourire : « Parce que c’est la source d’une grande souffrance. »
Cette idée que la pensée fait le penseur est poussée encore plus loin par Marcello Vitali-Rosati dans son excellent « Éloge du bug ». Dans cet ouvrage, que je recommande chaudement, Marcello critique la dualité platonicienne qui imprègne la pensée occidentale depuis 2000 ans. Il y aurait les penseurs et les petites mains, les dirigeants et les obéissants, le virtuel et le réel. Ce dénigrement de la matérialité aurait été poussé à son paroxysme par les GAFAM qui tentent de cacher toute l’infrastructure sur laquelle elles s’appuient. Nous avons nos données dans « le cloud », nous cliquons pour passer une commande et, magiquement, le paquet arrive à notre porte le lendemain.
Lorsqu’un étudiant me dit que son téléphone se connecte à un satellite, lorsqu’un politicien s’étonne que les câbles sous-marins existent encore, lorsqu’un usager associe « wifi » et internet, ce n’est pas de la simple ignorance comme je l’ai toujours cru. C’est en réalité le résultat de décennies de lavage de cerveau et de marketing pour tenter de nous faire oublier la matérialité, pour tenter de nous convaincre que nous sommes tous des « décideurs » à qui obéit un génie magique.
Marcello fait le parallèle avec le génie d’Aladdin. Car, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, Aladdin est inculte. Il veut « des beaux vêtements » mais n’a aucune idée de ce qui fait que des vêtements sont beaux ou non. Il ne pose aucun choix. Il est sous la coupe totale du génie qui prend l’entièreté des décisions. Il croit être le maître, il est le jouet du génie.
Je me permets même de pousser l’analogie en faisant appel aux habits neufs de l’empereur : lorsqu’Aladdin sera complètement dépendant du génie, celui-ci lui fournira des habits « invisibles » en le convainquant que ce sont les plus beaux. Ce processus est désormais connu sous le nom de « merdification ».
Le néoplatonicisme de Plotin voulait que l’écrit ne soit qu’une tâche vulgaire, subalterne de la pensée.
Avec ChatGPT et consorts, la Silicon Valley a inventé le néo-néoplatonicisme. La pensée elle-même devient vulgaire, subalterne à l’idée. Le grand entrepreneur a l’ébauche d’une idée, plutôt un désir intuitif. Charge aux sous-fifres de le réaliser ou, pour le moins, de créer une campagne marketing pour modifier la réalité, pour convaincre que ce désir est réel, génial, souhaitable et réaliste. Que son auteur mérite les lauriers. C’est ce que j’ai appelé « la mystification de la Grande Idée ».
Mais ce n’est pas le penseur qui fait la pensée. C’est la pensée qui fait le penseur.
Ce n’est pas la pensée qui fait l’écrit, c’est l’écrit qui fait la pensée.
L’acte d’écriture est physique, matériel. L’utilisation d’un outil ou d’un autre va grandement affecter l’écrit et, par conséquent, la pensée et donc le penseur lui-même. Sur ce sujet, je ne peux que vous recommander chaudement « La mécanique du texte » de Thierry Crouzet. L’absence de cette référence m’a d’ailleurs sauté aux yeux dans « Éloge du bug », car les deux livres sont très complémentaires.
Si toute cette réflexion semble pour le moins abstraite, j’en ai fait l’expérience de première main. En écrivant à la machine à écrire, bien entendu, comme c’est le cas pour mon roman Bikepunk.
Mais le changement le plus profond que j’ai vécu est probablement lié à ce blog.
Il y a 3 ans, j’ai enfin réussi à quitter Wordpress pour faire un blog statique que je génère avec mon propre script.
De manière amusante, Marcello Vitali-Rosati vient de faire un cheminement identique.
Mais ce n’est pas un long processus réflexif qui m’a amené à cela. C’est le fait d’être saoulé par la complexité de Wordpress, de me rendre compte que j’avais perdu le plaisir d’écrire et que je le retrouvais sur le réseau Gemini. J’ai mis en place des choses sans en comprendre les tenants et les aboutissants. J’ai expérimenté. J’ai été confronté à des centaines de microdécisions que je ne soupçonnais pas. J’ai appris énormément sur le HTML en développant Offpunk et je l’ai appliqué sur ce blog. Pour être honnête, je me suis rendu compte que j’avais oublié qu’il était possible de faire une simple page HTML sans JavaScript, sans un thème CSS fait par un professionnel. Et pourtant, une fois en ligne, je n’ai reçu que des éloges sur un site pourtant minimal.
Mon processus de blogging s’est complètement modifié. Je me suis remis à Vim après m’être remis pleinement à Debian. Mes écrits s’en sont ressentis. J’ai été invité à parler de minimalisme numérique, de low-tech.
Mais je n’ai pas rejoint Gemini parce que je me sentais un minimaliste numérique dans l’âme. Je n’ai pas quitté Wordpress par amour de la low-tech. Je n’ai pas créé Offpunk parce que je suis un guru de la ligne de commande.
C’est exactement le contraire ! Gemini m’a illuminé sur une manière de voir et de vivre un minimalisme numérique. Programmer ce blog m’a fait comprendre l’intérêt de la low-tech. Créer Offpunk et l’utiliser ont fait de moi un adepte de la ligne de commande.
La pensée fait le penseur ! L’outil fait le créateur ! Le logiciel libre fait le hacker ! La plateforme fait l’idéologie ! Le vélo fait la condition physique !
Peut-être que nous devrions arrêter de nous poser la question « Qu’est-ce que cet outil peut faire pour moi ? » et la remplacer par « Qu’est-ce que cet outil va faire de moi ? ».
Car si la pensée fait le penseur, le réseau social propriétaire fait le fasciste, le robot conversationnel fait l’abruti naïf, le slide PowerPoint fait le décideur crétin.
Qu’est-ce que cet outil va faire de moi ?
En énonçant cette question à haute voix, je soupçonne que nous verrons d’un autre œil l’utilisation de certains outils, surtout ceux qui sont « plus faciles » ou « que tout le monde utilise ».
Qu’est-ce que cet outil va faire de moi ?
En regardant autour de nous, il y a finalement peu d’outils dont la réponse à cette question est rassurante.
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
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14.10.2025 à 02:00
Ploum
Où je parle de hockey sous-marin, d’avions militaires et du pourrissement des oranges punks.
C’est un fait historique peu connu, mais j’ai, brièvement, été arbitre sportif. J’ai en effet arbitré des matchs de première division belge de hockey subaquatique (si, c’est un sport qui existe). Bon, en réalité, j’ai été arbitre parce que chaque équipe de division 2 devait envoyer des joueurs arbitrer des matchs de division 1. Mais, au final, je l’ai quand même fait.
Je me souviens d’un match particulièrement important entre les deux meilleures équipes de Belgique qui s’affrontaient pour le titre de champion de Belgique.
En hockey subaquatique, il y a normalement deux arbitres dans l’eau. Mais, lors de ce match, le second arbitre s’avéra dépassé et, à chaque action, me faisait le geste signifiant "je n’ai pas vu l’action" (étant équipés de masque et de tubas, les arbitres communiquent par gestes codifiés).
Je me suis donc retrouvé à arbitrer presque seul ce qui était probablement le match le plus important du championnat. Malgré mon manque d’expérience, j’ai très vite compris que la seule manière de garder le contrôle d’un match très engagé était de prendre des décisions fermes avec assurance. Le palet était sorti après une mêlée confuse ? Pas le temps d’analyser au millimètre qui était le dernier joueur à l’avoir touché : je devais simplement prendre une décision. Quoi que je décide, l’autre équipe allait réclamer. C’est d’ailleurs arrivé très vite. En hockey subaquatique, seul le capitaine peut, en théorie, s’adresser à l’arbitre. Un joueur est venu, en se plaignant. J’ai fait le geste de demander s’il était capitaine et, comme ce n’était pas le cas, je l’ai exclu pour 3 minutes. Il s’est mis à hurler, J’ai rajouté 2 minutes d’exclusion. C’était particulièrement sévère. Mais, à partir de ce moment, plus aucune de mes décisions n’a été contestée.
J’ai essayé de les rendre les plus justes possible et le match s’est très bien déroulé.
J’ai appris une chose importante : l’arbitrage n’est pas une discipline scientifique. Est-il physiquement possible de déterminer exactement quelle a été la dernière crosse à toucher le palet avant qu’il sorte ? À partir de quand exactement un shoot est-il considéré comme dangereux ? Même la frontière entre un goal et un sauvetage de justesse sur la ligne possède un certain degré d’arbitraire.
Pour prendre une décision juste, l’arbitre peut utiliser son intuition humaine. Si un défenseur a foncé vers un attaquant et que le palet est sorti, on peut, dans le doute, estimer que la sortie est la faute du défenseur. L’arbitre peut également « sentir » l’aspect volontaire ou non d’une faute.
Mais tout cela n’était possible que parce que, contrairement au football, le hockey subaquatique n’est pas équipé de caméras qui scrutent tout au ralenti. Le football qui est devenu un sport que je trouve absolument impossible à apprécier : après avoir marqué un goal, les joueurs se tournent désormais vers l’arbitre et attendent pour savoir s’il n’y avait pas eu un hors-jeu millimétré 5 minutes plus tôt. Le tout est analysé en coulisse par un type devant un ordinateur qui transmet ses décisions dans l’oreillette de l’arbitre. Ou plutôt les décisions prises par un ordinateur.
L’aspect humain du jeu a complètement disparu et prend les attributs d’une décision pseudoscientifique, tentant de découvrir une « vérité ». Or, scientifiquement, il n’y a pas de vérité possible. Le hors-jeu se déclare au moment où le ballon quitte le pied du passeur. Ce moment n’existe pas. Le ballon se déformant, je mets au défi quiconque de déterminer la milliseconde exacte de cet événement. Il en est de même pour décider si une ligne à été franchie ou non. À partir de quel millimètre peut-on dire qu’une sphère a franchi une ligne tracée sur des brins d’herbe ? Rien que le placement des caméras et l’éclairage du stade vont influencer la décision. Même en cyclisme il est parfois incroyablement difficile de déterminer quel vélo a franchi la ligne en premier. Et la décision est alors prise sans appel possible.
Scientifiquement, c’est très compliqué de tracer une limite exacte. Un de mes profs de polytechnique disait que les appareils à aiguille sont toujours plus précis que les afficheurs numériques, car on peut voir la mesure « réelle » … quitte à bouger un peu la tête pour qu’elle corresponde à ce que l’on veut !
Pour mesurer scientifiquement, il faut poser des hypothèses, discuter, prendre plusieurs mesures, répéter une expérience. Humainement, au contraire, il est possible de prendre la décision qui parait la plus juste possible sur le moment même. La décision pourra toujours être discutée par après, mais, dans le feu de l’action, c’est celle qui a été prise.
Et même si les décisions ne sont pas parfaites, le fait qu’elles paraissent justes à première vue va créer une relation de confiance envers l’arbitre. L’arbitre se sentira responsable et utilisera son intuition pour préserver sa réputation. Lorsque j’ai arbitré ce fameux match de hockey, je n’ai jamais cherché à prendre la décision la plus exacte, mais toujours la plus juste.
Mais la machine ne permet plus la justesse. La justesse s’efface au profit d’une arbitraire exactitude. L’arbitre obéit désormais à des instructions qui lui sont soufflées dans l’oreillette. Il ne peut plus prendre de décisions. Il ne peut plus prendre de décisions, mais, paradoxalement, il en reste responsable.
Il n’y a pas que les arbitres de sport. Les pilotes de chasse sont désormais confrontés au même problème.
Le F-35 est un avion tellement complexe qu’il est devenu tout bonnement inpilotable. Le 27 août 2025, un appareil s’est écrasé. Le train d’atterrissage était bloqué en position semi-ouverte et le pilote a tenté une série de « touch down », une procédure vieille comme l’aviation et que Buck Danny utilise notamment dans Prototype FX-13, un album de 1961, pour résoudre le même problème.
Buck Danny n’avait pas un ordinateur hyper complexe à son bord et il sauve finalement l’avion. En 2025, l’ordinateur a considéré que la procédure était un atterrissage classique. L’avion s’est mis en mode « roulage au sol » alors qu’il était en train de redécoller. En mode roulage à plusieurs centaines de mètres d’altitude, l’engin était bien entendu ingouvernable, forçant l’éjection du pilote.
Un problème mécanique prévisible et « classique » s’est transformé, grâce aux ordinateurs en catastrophe.
Comme ce prof d’électronique qui, pour justifier l’importance de l’électronique moderne, nous avait expliqué que grâce à l’électronique, sa voiture avait pu être réparée en moins d’une heure le jour même de son départ en vacances. La panne en question ? Un défaut du capteur électronique qui inventait de fausses pannes.
Plus besoin d’avoir un problème réel. Désormais, tout est automatisé ! En 2024, un pilote s’est éjecté de son F-35, car, malgré plusieurs reboot, son casque connecté indiquait des erreurs critiques.
Problème : après l’éjection du pilote, l’avion a continué à voler correctement pendant de très longues minutes. Il semblerait que son casque avait un simple bug informatique.
La subtilité de l’histoire c’est que le pilote en question voit désormais sa carrière mise entre parenthèses et est poursuivi pour abandon d’avion fonctionnel. Sauf qu’il a suivi à la lettre la procédure relative aux messages d’erreur affichés dans son casque.
Non seulement la complexité crée artificiellement des problèmes, mais elle empêche les humains d’acquérir de l’expérience et de prendre des décisions. Nous n’avons plus des pilotes qui « sentent » leur avion, mais des opérateurs suivants des procédures informatisées. C’est pareil quand mon garagiste me dit que l’erreur 550 de mon véhicule force à un retour chez le concessionnaire. Lequel n’a, au final, fait que remplacer une durite, ce que mon garagiste indépendant aurait pu faire directement si le logiciel ne l’en avait pas empêché.
Si vous lisez ce blog, vous avez conscience de l’espionnage permanent dont nous sommes victimes. Et l’une des conséquences directes de cet espionnage, c’est que tout peut désormais être scruté même longtemps après. Toutes les décisions peuvent être discutées pour savoir si, scientifiquement, c’était bien la bonne décision.
Le foot, encore lui, est l’exemple parfait : après 90 minutes de match suivent des heures voire, dans certains cas, des journées entières de discussions entre des types qui regardent chaque image au ralenti pour conclure que l’arbitre, l’entraîneur ou les joueurs ont pris de mauvaises décisions.
Qu’on soit arbitre, pilote de chasse ou simple citoyen, la seule stratégie possible pour un humain raisonnable est donc de ne plus prendre de décisions (ce qui est déjà une décision en soi).
Nous nous sommes fait avoir. Nous servons la machine aveuglément, n’en tirant aucun bénéfice lorsque tout va bien et en nous faisant taper sur les doigts lorsque tout va mal. Ce qui sert d’excuses à mettre encore plus de machines dans l’histoire.
Nous sommes devenus cet assemblage biologiquement mécanique absurde et contre nature qu’Anthony Burgess appelle « L’orange mécanique » (la signification du titre est en effet parfaitement explicite dans le livre, bien plus que dans le film).
Et si vous pensez que l’IA peut vous dépasser, c’est parce que, justement, vous agissez comme une IA, comme une orange mécanique. Par définition, ChatGPT surpassera toujours en intelligence celleux qui font confiance à ChatGPT.
Comme le disait l’inénarrable Yann Kerninon en 2017, il faut juste arrêter de nous prendre pour des machines. Redevenir des humains. Des oranges biologiques qui pourrissent et crèvent, mais qui sont, juste avant, pleines de saveurs et de vitamines.
Andreas raconte son expérience avec un de ses collègues incapable de résoudre un problème particulier (ce qui arrive à tout le monde, surtout quand on a le nez dans le guidon). Mais la particularité, c’est que le collègue en question n’a jamais cherché à résoudre le problème. Il cherchait à ce que ChatGPT lui donne la réponse.
Lorsqu’Andreas a compris la cause du problème en question, il a tenté de l’expliquer à son collègue, mais ce n’est que lorsque ce dernier a donné l’explication à ChatGPT et que ChatGPT a acquiescé qu’ils ont pu enfin avancer.
Andreas conclut avec le fait que le cerveau est un muscle. Moins on l’utilise, plus il s’atrophie et plus l’acte de penser devient douloureux et moins on a envie de l’utiliser (et donc plus il s’atrophie).
J’en profite pour rappeler que ChatGPT et consorts sont littéralement des machines à reformuler vos questions, à acquiescer à tous vos biais cognitifs. Mais Olivier Ertzscheid l’explique mieux que moi dans ce court billet « 3 minutes chrono »
Mais là où Andrea est trop optimiste est lorsqu’il imagine que savoir penser va devenir une qualité rare et enviable sur le marché du travail.
Rare, oui.
Enviable, certainement pas. Car penser, c’est remettre en question. Le capitalisme actuel me fait penser à la guerre 14-18. Les travailleurs sont la chair à canon. Les intellectuels sont les pacifistes, les objecteurs de conscience. En tentant de remettre en question l’épouvantable boucherie dont ils étaient témoins, ils n’ont gagné que le droit de se faire fusiller.
Questionner, se rebeller, c’est être un perdant !
Comme je le disais : on ne reçoit pas de médailles pour résister. C’est même plutôt le contraire : les médailles sont là pour récompenser ceux qui perpétuent le système sans poser de questions.
Refuser de devenir une orange mécanique, c’est accepter de pourrir. C’est même le célébrer en s’enfonçant des clous de girofle dans la chair pour que ce pourrissement sente bon.
En plus, ça donne un look punk, vous ne trouvez pas ?
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
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