31.05.2025 à 16:39
Sotsialnyi Rukh, une organisation socialiste ukrainienne. Textes et documents aux éditions Syllepse.
aplutsoc
Texte intégral (1510 mots)
Présentation
Les éditions Syllepse viennent de publier, avec les Brigades Éditoriales de Solidarité et le comité français du RESU, sous la forme d’un recueil de documents, une présentation des positions et du combat mené par le Sotsialnyi Rukh (Mouvement social) ukrainien dans le contexte de la guerre d’agression et d’anéantissement menée par Poutine.
Nous invitons nos amis et lecteurs à faire connaître ces documents disponibles gratuitement qui témoignent du combat difficile mais significatif d’un mouvement socialiste démocratique et autogestionnaire dans la lutte simultanée contre l’agression impérialiste russe et pour la défense des revendications populaires face à un pouvoir néolibéral.
TABLE DES MATIÈRES
- Une perspective socialiste dans une Ukraine en guerre, une introduction par Patrick Le Tréhondat – Page 5.
- La gauche devrait soutenir une paix juste pour l’Ukraine, pas un accord Trump-Poutine visant à apaiser l’agresseur. Entretien avec Denys Pilach – Page 9.
- La société ukrainienne dans la quatrième année de résistance à l’invasion russe : points d’unité et de division, par Vitaliy Dudin – Page 27.
- Pour une Ukraine sans oligarques ni occupants ! Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 3 février 2025 – Page 41.
- La question du logement. Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 25 novembre 2024 – Page 49.
- L’état prend-il encore soin de nous ? Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 11 août 2023 – Page 51.
- La guerre et l’avenir de l’Ukraine et de la gauche. Résolution adoptée à la Conférence de Kyiv du 17 septembre 2022 – Page 55.
- Pas de chauvinisme dans la politique linguistique. Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 23 octobre 2022 – Page 65.
- Pour une mobilisation juste socialement. Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 26 août 2024 – Page 67.
- Les droits du travail sont mis à mal. Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 15 mars 2022 – Page 69.
- La lutte des classes n’est pas terminée dans la guerre en cours. Entretien avec Denys Pilach Avril 2022 – Page 71.
- Victoire et haine de l’ennemi. Par Zakhar Popovitch Mai 2022 – Page 81.
- Notre objectif principal est maintenant de gagner cette guerre. Interview de Viktoriia Pihul dans Links Juillet 2022 – Page 89.
- Déclaration de constitution du Sotsialnyi Rukh adoptée lors de l’assemblée constitutive du 13 juin 2015 – Page 101.
Télécharger le livre sur le site des Éditions Syllepse
Une perspective socialiste dans une Ukraine en guerre
une introduction par Patrick Le Tréhondat, membre des Brigades éditoriales de solidarité et du Comité français du RESU.
Huit mois après le début de la guerre à grande échelle, Sotsialnyi Rukh (Mouvement social) réunissait ses militant·es en conférence nationale à Kyiv. Cet événement, qui s’est tenu le 17 septembre 2022, dans des conditions très difficiles, se devait de faire le point de la situation et fixer la feuille de route de l’organisation. Tirant le bilan des mois passés depuis le 24 février 2022, Sotsialnyi Rukh soulignait que « la société civile avait été contrainte de remplir le rôle de l’État et, au lieu d’attendre une assistance de sa part, d’assumer presque toutes ses fonctions sociales ».
La guerre, poursuivait la déclaration, avait « conduit à de nouvelles formes d’auto-organisation et de politique populaire »:
La mobilisation du peuple sur la base de la guerre de libération nationale a renforcé le sentiment d’implication populaire dans une cause commune et la conscience que c’est grâce aux gens ordinaires, et non aux oligarques ou aux entreprises, que ce pays existe. La guerre a radicalement changé la vie sociale et politique en Ukraine, et nous ne devons pas permettre la destruction de ces nouvelles formes d’organisation sociale, mais les développer.
Parmi les revendications mises en avant, Sotsialnyi Rukh insistait sur la nécessité de « la nationalisation des entreprises clés sous contrôle ouvrier » et de « l’ouverture des livres de compte dans toutes les entreprises, quelle que soit la forme de propriété et l’implication des salariés dans leur gestion, création d’organes et de comités élus séparés pour la réalisation de ce droit ».
L’organisation fixait ainsi une orientation politique autogestionnaire pour le contrôle et la gestion de la société par la population, une nécessité face à un pouvoir oligarchique déficient dans les tâches de la défense du pays.
Ainsi, dans une interview donnée, lors de son passage à Paris en novembre 2022, Katya Gritseva, membre de cette organisation, observait que « beaucoup de gens étaient volontaires » :
Ils s’engagent dans l’aide mutuelle, créent des organisations extra-étatiques pour pallier les carences d’un État peu préparé à une telle situation. Cette dynamique d’auto-organisation est contradictoire avec le retour des conservateurs, voire de l’extrême droite. Pour la gauche, il agit d’agir en faveur de cette dynamique, d’aider les travailleurs, les gens, sans prétendre leur donner des leçons à la manière des staliniens.
Depuis, contre vents et marées, Sotsialnyi Rukh a maintenu cette orientation socialiste tout en participant de toutes ses forces à la résistance anti-impérialiste contre l’agresseur russe. Nombre de ses militant·es se sont engagé·es dans les forces armées et l’organisation organise en permanence des collectes de fonds pour leur apporter un soutien matériel (notamment pour l’achat de drones).
Sotsialnyi Rukh apporte également une aide aux soldat·es dans la défense de leurs droits sociaux, en particulier par l’animation d’une hot-line pour répondre à leurs questions et les aider à résoudre leurs problèmes face à une hiérarchie trop souvent autoritaire.
Sotsialnyi Rukh est une petite organisation, mais ce n’est pas un groupuscule. En son sein, sensibilités marxistes et libertaires, par exemple, se mélangent. Ses militant·es sont inséré·es dans le mouvement syndical, dans les deux confédérations FPU et KVPU, mais aussi dans les syndicats indépendants comme celui du personnel soignant Soyez comme nous, le syndicat étudiant Priama Diia ou encore le syndicat des locataires.
Sotsialnyi Rukh impulse partout où il le peut l’auto-organisation démocratique des exploité·es et des dominé·es face au pouvoir ukrainien qui, au service des classes dominantes, détruit pas à pas les acquis sociaux du prolétariat ukrainien et est par trop souvent inefficace. Il revendique le contrôle et la gestion des entreprises par les salarié·es mais aussi, par exemple, celui des abris antiaériens par la population à la suite de graves dysfonctionnements qui ont mis en danger ceux et celles qui cherchaient un refuge lors de bombardements.
Sotsialnyi Rukh prête également une attention soutenue à la formation de ses membres et aux débats d’idées. Malgré la guerre, il apporte sa part à une vie intellectuelle vivace et critique. Il organise régulièrement des conférences sur des sujets les plus divers, comme la défense des droits des travailleur·euses, l’histoire du mouvement ouvrier ukrainien ou encore celle du mouvement révolutionnaire en Amérique du Sud. Tous ces forums publics sont également diffusés en ligne. Les conférencier·es viennent parfois d’autres pays, car Sotsialnyi Rukh s’affirme comme une organisation internationaliste qui n’oublie pas, même en période de guerre de commémorer le massacre de Tian’anmen par la bureaucratie chinoise, de saluer une grève des travailleur·euses britanniques, de publier des informations sur les luttes ouvrières ou anticoloniales dans le monde (Géorgie, Palestine, Argentine, États-Unis…).
Dans la douloureuse lutte de libération nationale que mène l’Ukraine, malgré les trahisons et les abandons occidentaux, Sotsialnyi Rukh défend une perspective socialiste qui combine à la lutte existentielle du pays l’émancipation sociale par l’autodétermination et l’auto-organisation des masses ukrainiennes. Ce recueil illustre ce combat mais aussi cette démarche concrète (et ses voies transitoires) pour un socialisme démocratique d’autogestion. Son expérience, ses pratiques sociales et écrits politiques constituent pour les gauches internationales un acquis inestimable dans leur entreprise d’élaboration d’un programme pour l’émancipation au 21e siècle.
30.05.2025 à 13:26
Sur les origines de Militant et du Socialist Party. Par Sean Matgamna.
aplutsoc
Texte intégral (7507 mots)
Présentation
A l’occasion de la disparition en avril dernier de Peter Taaffe, figure historique centrale du Militant puis du SP (CWI), Sean Matgamna revient sur la trajectoire de ce courant et d’un de ses dirigeants centraux. Nous soulèverons par la suite dans un autre article un certain nombre de questions au regard des critiques développées par Matgamna vis-à-vis de Ted Grant et son courant.
Les parties entre crochets […] sont des ajouts de notre fait pour aider à la compréhension des lecteurs non avertis des particularités de cette tranche de l’histoire du mouvement révolutionnaire.
Document
J’ai assez bien connu Peter Taaffe [né le 7 avril 1942], décédé le 23 avril 2025, à une époque où il était à Liverpool et pendant sa première année et demie à Londres en tant que secrétaire national de la Revolutionary Socialist League, plus connue sous le nom de Militant Tendency, qui était alors la section en Grande-Bretagne de la Quatrième Internationale (« Mandeliste ») (« United Secretariat / Secrétariat Unifié ») [ jusqu’à son expulsion au congrès mondial de 1965].

J’ai été un membre pas tout à fait convaincu de la RSL pendant environ 18 mois, jusqu’en octobre 1966, lorsque j’ai dit au Comité national élargi (ENC) de la RSL que Rachel Lever, Phil Semp et moi partions, et Rachel et moi avons alors quitté la réunion.
Le Comité national élargi était en réalité un regroupement national de la RSL. Toutes les réunions du Comité national étaient des CN élargis ; le CN n’était donc qu’une sorte de franchise différentielle en cas de vote. La RSL était dirigée par un petit organe de cinq personnes, appelé le Secrétariat.
Peter Taaffe est devenu secrétaire de la RSL début 1965. Il avait environ un an de moins que moi, il devait donc avoir 22 ans à l’époque [L’auteur de ces lignes est né en 1941]. Pendant une trentaine d’années, il a été au cœur du Militant, avec, ou plutôt sous la direction de Ted Grant ; puis, pendant trente années supplémentaires, son propre oracle, sans Ted Grant, au cœur du Socialist Party.
Peter signifie « roc », comme le savent tous les catholiques et ex-catholiques, et Taaffe était le pilier organisationnel du Militant. Son nom de parti préféré était Tom Peters.
Avant lui, le groupe avait eu comme secrétaire Jimmy Deane, électricien et père de plusieurs familles. Deane consacrait son temps libre à la RSL, mais il en avait peu. L’histoire du groupe dans les années 1950 et après fut celle de Grant. C’est Grant qui prit la parole au nom du Militant lors du congrès du Parti travailliste de 1983, alors qu’ils étaient sur le point d’être exclus du Parti.
Grant avait été le « théoricien » de la WIL [Workers International League, non reconnue au congrès de fondation de la QI en 1938] et du RCP [Revolutionary Communist Party, section britannique de la QI, né en 1944 de la fusion des diverses fractions sous la houlette de la WIL qui, seule face à ces rivales, avait subi avec succès le test de la guerre], les groupes trotskistes britanniques de la fin des années 1930 et des années 1940. Avec le principal organisateur du WIL-RCP, Jock Haston, et d’autres, après 1945, il s’était farouchement opposé à un tournant vers le Parti travailliste, qui avait formé un gouvernement majoritaire cette année-là.
Un groupe autour de Gerry Healy se sépara du RCP en 1947 et rejoignit le Parti travailliste. Il existait alors deux groupes reconnus par la Quatrième Internationale en Grande-Bretagne : James P. Cannon, aux États-Unis, et Michel Pablo, [secrétaire] de la Quatrième Internationale, soutenaient Healy.
En 1949, Haston et Millie Lee souhaitaient quitter le parti et rejoindre le Parti travailliste, se tournant vers le réformisme. Grant annonça que, bien que toujours opposé à toute activité au sein du Parti travailliste, il la recommandait désormais comme une concession à Haston. Grant perdit toute crédibilité, et Haston démissionna malgré tout.
Les groupes se réunirent en 1949-1950 sous la direction de Gerry Healy. Healy expulsa ses opposants politiques de tous bords. Lors d’une conférence, il fit preuve d’une nouvelle brutalité en criant à Grant : « Retourne à ton fumier, Grant ! » Bill Hunter, que les récents membres du RCP considéraient comme leur homme d’organisation et successeur de Haston, changea de camp et se rallia à Healy.
Lors du Troisième Congrès de la Quatrième Internationale en 1951, Congrès de refondation de la QI, Ernest Mandel proposa l’expulsion de Grant, et celui-ci le fut. Après cela, Grant se retrouva désemparé, ayant perdu Jock Haston, l’« organisateur ». Grant publia un tout petit magazine, The International Socialist , et fit partie du groupe Socialist Current.
Les Healyistes, le plus grand groupe trotskiste [en GB], faisaient partie du « Comité international de la Quatrième Internationale » de James P. Cannon, formé après une scission avec Mandel et Pablo en 1953. Le groupe pro-Pablo en Grande-Bretagne devint membre du Parti communiste. Ils jouissaient d’une grande visibilité au sein du Parti travailliste de St Pancras jusqu’à leur exclusion en 1958 et leur adhésion ouverte au PC.
Les Healyistes racontaient une histoire malicieuse : pendant la crise du stalinisme de 1956-1957 [sous le double effet de la Révolution hongroise et du rapport Khrouchtchev] , Michel Pablo passa une annonce dans l’hebdomadaire travailliste de gauche Tribune, invitant ceux qui souhaitaient former une section de sa « Quatrième Internationale » à y répondre. L’annonce fut publiée, et Grant prit la tête de la section britannique de la Quatrième Internationale (Secrétariat international), la Ligue socialiste révolutionnaire (RSL). Grant dut se séparer de certains membres de Socialist Current, comme Sam Levy, pour rejoindre la QI de Pablo. Socialist Current continua de paraître pendant des décennies.
Pablo publiait une revue de la Quatrième Internationale en anglais, pour laquelle Pierre Frank rédigeait une série d’articles sur l’histoire du trotskisme britannique. Il en était arrivé au « RCP et à sa direction empirique » lors du rapprochement entre Grant et Pablo ; et là s’arrêtait, selon Frank, l’histoire du trotskysme britannique.
La RSL semblait avoir beaucoup d’atouts, avec environ 70 membres présents à sa conférence fondatrice. Avec l’aide de la QI de Pablo, Grant publia un magazine bimestriel, Workers’ International Review , et un journal bimensuel, Socialist Fight. Le groupe comptait deux membres permanents, Grant et John Fairfield.
Mais ce sont les Healyistes qui ont recruté et grandi. La RSL s’est disloquée. Des divergences sur les « perspectives économiques » sont apparues. Grant s’est retrouvé dans la même situation que dans le RCP.
Tout comme Cannon avait la minorité Healy pour fidèle, Pablo et son Internationale utilisaient les « loyalistes » comme fraction. La figure équivalente au rôle de Healy au sein de la RSL s’appelait Pat Jordan. Sa fraction « loyaliste de la QI » s’est scindée en 1959, je crois, et la RSL a décliné. John Fairfield, l’autre membre permanent avec Grant, a rejoint le groupe Jordan. Il est devenu posadiste pendant un temps, partisan de la Troisième Guerre mondiale parce qu’elle favoriserait le « communisme ». Puis Fairfield a viré à droite. Il est finalement devenu fasciste.
Socialist Fight est devenu un mensuel dupliqué. Le premier numéro de SF que j’ai vu, début 1960, titrait en première page « Le socialisme, seule voie », ou quelque chose d’intemporel du même genre.
Ted Grant avait besoin d’un organisateur. Il en avait toujours eu besoin. C’est là qu’intervint Peter Taaffe. En tant que secrétaire de la RSL, Taaffe sillonnait le pays avec Grant et présidait ses réunions. C’était une façon de se faire connaître, du moins c’est ce qu’on m’a laissé entendre.
James P. Cannon aurait déclaré, du vivant de Trotsky, que Trotsky était son cerveau. Taaffe aurait pu dire la même chose de Grant.
Je me souviens du moment où, le premier jour, un samedi, d’une compétition de deux jours de la RSL réunie en Comité National élargi en 1966, j’ai décidé de quitter la RSL. C’est un discours de Peter Taaffe qui m’a décidé. Rachel Lever et moi avions rédigé un document essentiel, à la suggestion de Grant et Taaffe. Il existait physiquement sur des stencils, mais les dirigeants bloquaient sa diffusion. Après avoir essayé diverses tactiques, ils ont opté pour la formule suivante : le diffuser uniquement au CN.
Chicanerie
Raisonnable ? Mais le CN ne s’est jamais réuni, sauf en CN élargi, en assemblée. Il s’agissait en fait d’une proposition visant à discuter du document lors d’une future assemblée, mais de ne laisser qu’une petite partie de la réunion le lire avant la discussion. Il s’agissait d’une manœuvre bureaucratique désespérée de la part de personnes qui me semblaient habituellement très incompétentes.
J’ai décidé de partir lorsque Taaffe a prononcé un discours justifiant leur proposition en se référant à la pratique du Parti travailliste. « C’était parfaitement démocratique », a-t-il déclaré. « C’est ainsi que le Parti travailliste procédait. » L’ensemble des membres l’ont accepté. J’aspirais à quelque chose de plus élevé que le Parti travailliste et j’ai décidé que je n’étais pas dans la bonne organisation.
Mais la RSL allait connaître des succès inattendus. Les partisans de Healy, la SLL, étaient de loin le groupe le plus important de l’aile jeune alors dynamique du Parti travailliste, les Jeunes Socialistes (plus tard rebaptisés Jeunes Socialistes du Parti Travailliste, LPYS). L’hebdomadaire de la SLL, The Newsletter , fut interdit [au sein du Labour] début 1959, date à laquelle la SLL fut déclarée et immédiatement interdite (le groupe n’avait auparavant pas de nom officiel). Leur mensuel jeune, Keep Left, fut interdit, je crois, en juillet 1962.
La SLL décida de quitter le Parti travailliste, dans lequel elle était plongée depuis 1947, à la veille d’un nouveau gouvernement travailliste. (Le Parti travailliste prend le pouvoir en octobre 1964).
La SLL a elle-même provoqué ses expulsions locales. Les anciens membres de la SLL du Parti travailliste (je pense à Ted Knight, en 1965) ont déclaré que Healy adoptait la bonne tactique pour « la jeunesse ». Pendant les trois années qui ont suivi, tout ce que les Healyistes ont fait l’a été au nom des « Jeunes Socialistes ».
Ce qui s’est passé au sein du mouvement de jeunesse travailliste après le départ des partisans de Healy fut étrange et, pour la RSL, bénéfique. Lors de la première conférence de la jeunesse travailliste post-Healy, la direction travailliste a tenté de la dévaloriser. Elle a décrété des changements : le comité national de la jeunesse travailliste serait fédéral et non élu lors de la conférence ; la jeunesse travailliste ne pourrait pas débattre des grandes questions politiques ; etc.
Mais la conférence ne s’est pas laissée faire. Les délégués ont défié la direction travailliste et ont discuté de politique générale, risquant ainsi la fermeture des YS. La direction travailliste a fait marche arrière. Les YS ont été autorisés à poursuivre leurs travaux.
L’élément central, je crois, était que l’ancienne aile gauche du Parti travailliste avait pris le contrôle, après la mort soudaine du leader travailliste [ultra-droitier] Hugh Gaitskell en janvier 1963, et qu’ils voulaient éviter les expulsions et un régime interne strict comme par le passé.
Nye Bevan [considéré comme le père fondateur de l’équivalent britannique de notre Sécu : le NHS en 1946] était mort, mais Harold Wilson, un ancien partisan de Bevan, devint chef du Parti travailliste en février 1963. Les partisans de Healy avaient voulu partir, semant le trouble autant que possible. Mais la RSL était toujours au sein des YS. Elle était le partenaire minoritaire des partisans de Cliff (alors International Socialism, aujourd’hui SWP) dans une publication de jeunesse anti-Healy, Young Guard .
Le nom vient du mouvement de jeunesse du Parti socialiste belge, la Jeune Garde [où alors les militants trotskystes belges autour d’Ernest Mandel étaient fort actifs]. Après une grève générale en Belgique fin 1960 et début 1961, nous étions tous devenus aussi « belges » que possible.
Young Guard a été fondée en 1961 par IS, la RSL et d’autres. C’était un petit journal attrayant, mais politiquement grossier et médiocre. Son seul atout était d’être véritablement un journal de jeunesse (l’organe jeune de la SLL, Keep Left, ne l’était pas). Étonnamment, la RSL, alors section britannique de la Quatrième Internationale, était quasiment absente politiquement de Young Guard, à l’exception de Keith Dickinson, nommé directeur commercial. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais c’était ainsi.
Peter Taaffe était un loyaliste conservateur, qui tentait de justifier la plupart des événements du passé (et il y avait beaucoup à justifier). Mais le rôle de Young Guard et de la RSL dans ce mouvement était l’une des rares erreurs qu’il reconnaissait. Il n’avait pas participé aux décisions, disait-il. (Plus tard, il a eu tendance à rétrograder quelque peu son engagement politique).
Mais IS [le groupe de Tony Cliff] quitta le Parti travailliste en 1967, et la RSL se retrouva seule, parmi les marxistes autoproclamés, au sein des LPYS. Ils obtinrent la majorité au comité national des LPYS, alors encore fédéral, en 1969. À partir de cette date, ou du départ de IS, la RSL fit des YS une importante école de formation politique et de recrutement pour la RSL. Naturellement, l’organisation recruta et se développa.
C’était une affaire extraordinaire que de voir la RSL contrôler le mouvement de jeunesse du Parti travailliste pendant vingt ans. (La direction travailliste a sévèrement restreint les LPYS en 1987 et les ont fermé en 1991.) Andy Bevan, du Militant (sans lien de parenté), a été le représentant officiel permanent du mouvement de jeunesse du Parti travailliste de 1976 à 1988. Je ne connais aucune comparaison dans l’histoire du mouvement ouvrier, aucune analogie même.
Toute affirmation de la RSL selon laquelle elle aurait tourné les LPYS vers l’extérieur et en aurait fait un « mouvement de masse » est pure fiction. Non, ce n’est pas le cas ! Les YS version RSL sont devenues une secte RSL rabougrie, sous le régime du Militant, bien qu’importante, comparée à ce qu’elle était auparavant.
C’était l’époque du mouvement contre la guerre du Vietnam. Militant avait une haute appréciation des staliniens au Vietnam, mais les LPYS n’ont pas rejoint le mouvement !
C’était aussi l’époque de la grande révolution culturelle des jeunes (la pilule séparait sexe et procréation, etc.), mais là encore, les Young Socialists n’y ont pas adhéré, même d’un point de vue de liberté élémentaire. Le gouvernement Wilson (en fait, Roy Jenkins, de la droite du gouvernement travailliste, alors ministre de l’Intérieur) avait légalisé les relations homosexuelles en 1967, mais les Young Socialists sont restés fidèles à leur vieille attitude prohibitive. Sous le contrôle quasi total de la RSL, les Young Socialists rejetaient des résolutions que les Jeunesses du Parti Libéral, voire les Jeunes Conservateurs à l’époque, auraient adoptées. Ils étaient dominés par la moralité d’un Sud-Africain âgé et probablement opprimé, Grant, et d’un Peter Taaffe suffisant qui incarnait les valeurs morales dont la classe ouvrière avait commencé à s’éloigner.
L’acceptation par le Parti travailliste des YS dirigés par la RSL était remarquable. En partie, comme je l’ai dit, cela s’explique par le fait que les dirigeants du Parti travailliste étaient d’anciens partisans de Bevan qui souhaitaient un régime travailliste plus tolérant. En partie, c’est la politique étrange de Militant qui a assuré leur sécurité.
J’ai été témoin d’une étrange expérience lors de la conférence des LPYS en 1974. C’était un rassemblement de la RSL. Seule une minorité des participants étaient de véritables délégués votants des LPYS ; les autres étaient des « observateurs » de la RSL.
Les orateurs avaient tous suivi la même école d’éloquence et utilisaient les mêmes gestes « théâtraux » même pour des choses qui n’en avaient pas besoin. Ils étaient plus nombreux à parler avec l’accent de Liverpool qu’ils n’auraient pu le faire.
Le comité national des LPYS a recommandé le vote de chaque motion. Autrement dit, le « centralisme démocratique » de la RSL était à l’œuvre, et il était intrusif. Mais c’était aussi drôle, si l’on pouvait « oublier » un instant ce qu’ils faisaient subir aux jeunes.
Un jour, le président de séance oublia d’indiquer à la conférence ce que le CN recommandait. Lorsqu’il appela les délégués au vote, aucune main ne bougea. Puis il se souvint de répéter ce que le CN recommandait et reprit le pouvoir de faire voter les délégués.
Il restait, au début, un petit groupe de « tribunistes ». Le président n’arrêtait pas de rappeler à la conférence que les tribunistes bénéficiaient de droits qu’ils avaient refusés au Militant lorsqu’ils étaient majoritaires. C’était vrai, mais c’était inélégant, gratuit, peu subtil et même horrible à regarder.
L’opposition « tribuniste » a fini par disparaître. Le principal autre groupe d’« opposition » (avant l’intervention de Workers’ Fight, précurseur de Workers’ Liberty) était une petite scission de la RSL elle-même, la RSL sous amphétamines, pour ainsi dire. Leurs « discours » allaient accélérer la radicalisation du mouvement ouvrier que Militant et la majorité des LPYS annonçaient toujours imminente. Nul besoin d’être psychiatre pour comprendre que leur leader était aussi fou que le chapelier proverbial. Ils n’ont pas recruté, et ils ont fini par devenir trop vieux pour les YS et ont cessé d’y exister. (Plus tard, ils ont perdu leur radicalisme et ont publié le très fatigué magazine de gauche travailliste, Briefing ).
Peter Taaffe présidait tout cela en tant qu’« organisateur », mais la politique était celle de Ted Grant. Et c’était une politique étrange. Pour la Grande-Bretagne, la RSL appelait à la nationalisation des « monopoles ». Simplement une nationalisation, à la manière du Parti travailliste. Le RCP des années 1940 avait réclamé une nationalisation sous contrôle ouvrier, mais Militant ne l’a pas fait.
Voie pacifique
Je fus surpris de constater que les membres de la RSL se considéraient comme très à gauche en raison du nombre de choses qu’ils souhaitaient « nationaliser ». Il ne s’agissait pas non plus d’une « nationalisation » par un État ouvrier. L’État existant évoluerait pacifiquement et parlementairement vers le socialisme, insistait Militant. (Le plus honnêtement que l’on puisse dire à ce sujet est que la classe dirigeante britannique n’abandonnera le pouvoir que si elle n’a pas le choix d’y résister.)
Ils pensaient que les motions en faveur des nationalisations votées sur un signe de tête par les congrès syndicaux montraient que le mouvement ouvrier britannique était déjà socialiste. Il n’y avait aucune possibilité, ou du moins aucune qu’ils voulaient prendre en compte, que le mouvement ouvrier subisse une défaite sérieuse.
C’est sur le stalinisme qu’ils se sont montrés les plus étranges. Les trotskistes orthodoxes en étaient venus à considérer la révolution socialiste (pour l’instant) comme l’expansion du stalinisme après avoir décidé (Grant en 1947-1948, la majorité de la QI en avril 1949) que les États satellites de la Russie en Europe de l’Est et du Sud étaient des « États ouvriers déformés » (à l’exception de la Yougoslavie qui, pour la QI, n’était pas « déformée »).
Ted Grant, Jock Haston et Millie Lee, membres du WIL et du RCP pendant la Seconde Guerre mondiale, avaient suivi James P. Cannon aux États-Unis dans le virage radical vers le stalinisme. Après l’invasion de la Russie en juin 1941, ils suivirent Cannon dans l’absurdité spectaculaire de déclarer l’armée russe comme étant en quelque sorte « l’Armée rouge de Trotsky ». En réalité, il ne s’agissait ni de l’Armée rouge ni de celle de Trotsky ; c’était celle de Staline. Ils republièrent le témoignage de Cannon lors de son procès pour « sédition » en 1941.
Après la guerre, ils avaient adopté toute une gamme de positions sur la Russie. À un moment donné, ils (c’est-à-dire l’exécutif du RCP) avaient décidé que la Russie était un pays capitaliste d’État. Tony Cliff allait poursuivre et développer ce point de vue.
Les dirigeants du RCP ont ensuite devancé tous les autres trotskistes orthodoxes en proclamant que la Russie, ses satellites et la Yougoslavie, qui s’était brouillée avec Staline en juin 1948, étaient des États ouvriers, dégénérés (la Russie) ou déformés (les autres).
Le Deuxième Congrès de la Quatrième Internationale, en avril-mai 1948, décida que tous les États satellites, à l’exception de la Russie, étaient capitalistes d’État et réactionnaires. Ce n’était pas cohérent, et ils finirent par les qualifier d’« États ouvriers ». Ted Grant était très fier de sa priorité. Les autres trotskistes orthodoxes avaient tendance à écrire des absurdités, mais au moins, ils s’attaquaient au problème ; Jock Haston et le RCP furent les seuls parmi les trotskistes orthodoxes à saluer (dans Socialist Appeal ) le « coup d’État » stalinien en Tchécoslovaquie en février 1948.
Grant s’attendait à des révolutions staliniennes dans tous les pays sous-développés et considérait cette perspective comme extrêmement progressiste. Il s’attendait à une révolution stalinienne progressiste au Portugal en 1974-1975 et, bien entendu, il la prônait.
Au milieu des années 1960, Grant et Taaffe étaient capables de s’emporter contre Roger Protz, qui avait dirigé les premiers numéros de Militant (Le nom de Taaffe apparaissait tout au long du journal comme rédacteur en chef, afin de le mettre en avant, mais il n’avait jamais dirigé le journal). Protz avait résumé une circulaire interne en annonçant que la Syrie et la Birmanie étaient devenues des États ouvriers déformés. (Grant avait des co-penseurs au sein de la QI « mandéliste » au milieu des années 1960, Livio Maitan par exemple, qui pensaient qu’un tel niveau de nationalisations équivalait à un État ouvrier). La circulaire le disait, mais il n’était pas conseillé de le dire publiquement, comme l’avait fait Protz. Ou pas encore.
Je ne sais pas s’il l’a jamais écrit, mais j’ai entendu Grant dire que la propagation du stalinisme incarnait « le mouvement autonome des forces productives ». Ces dernières ne pouvaient attendre que les travailleurs résolvent ce que Trotsky appelait « la crise du leadership ».
Taaffe et Grant avaient une formule : « Les travailleurs ne comprendraient pas ». Cela signifiait qu’ils pouvaient dire tout ce que, selon eux, « les travailleurs » « comprendraient » – aussi peu ou autant qu’ils le souhaitaient. Par exemple, avant Workers’ Liberty, ils avaient, et le SP a toujours, une position sur la question des « deux États » au Moyen-Orient, affirmant qu’Israël avait le droit d’exister. Mais qui le sait ? C’est très impopulaire au sein de la gauche militante, alors ils le dissimulent.
Couverture
La « perspective » de Grant était que le stalinisme était la vague d’avenir dans la majeure partie du monde, et que c’était la révolution en cours. C’était une couverture réconfortante dont il se couvrait. La progression du stalinisme n’était pas une menace : c’était la révolution socialiste. En fait, ils disaient à peu près ce que Max Shachtman et ses camarades du Workers Party [1940-1948] et de l’ISL [1948-1958] disaient à propos de la progression du stalinisme, sauf que là où Shachtman mettait un signe négatif, ils mettaient un signe positif.
Mais le désir de Grant et Taaffe de jouer les prophètes les a parfois trahis. Lorsque les Russes ont envahi l’Afghanistan à Noël 1979, tous les groupes trotskistes, à l’exception de ce qui est aujourd’hui Workers’ Liberty, ont soutenu les Russes (même si certains ont affirmé qu’il aurait été préférable que les Russes n’envahissent pas le pays, mais que nous devrions les soutenir une fois sur place).
Le SWP-US a déclaré que les Russes étaient « partis au secours d’une révolution ». La RSL-Militant n’était pas aussi catégorique au départ. Grant a écrit un long article dans Militant qui dressait un tableau passable de la « Grande Révolution » stalinienne afghane de 1978, 20 mois avant l’invasion. Il démontrait qu’il s’agissait bien d’un coup d’État militaire mené par des officiers afghans formés en Russie, sans soutien populaire : il se distinguait en cela des révolutions staliniennes comme celles de Chine ou de Yougoslavie.
Grant hésita, mais se rallia plus ou moins au retrait russe. Puis, un mois plus tard, Lynn Walsh le corrigea : bien sûr, écrivit-il, de manière ridicule, Grant avait eu l’intention de soutenir la présence russe. La RSL avait eu un mois pour en discuter et, collectivement, avait réussi à oublier ce qui était si particulier et déterminant en Afghanistan avant l’invasion russe : que les officiers staliniens bénéficiaient de peu de soutien en dehors de la petite classe moyenne des villes.
Presque tous les autres trotskystes ont changé d’une attitude pro-russe à une autre en six mois ou un an, à l’exception de Militant, des Spartacistes (et de Workers’ Power et du pauvre Alan Thornett, qui pense que le marxisme revient à connaître un peu les films des Marx Brothers ; mais même les Thornettistes ont changé à un moment donné). Grant et Taaffe, et l’organisation qu’ils avaient créée, ne savaient tout simplement pas faire la différence, pour le marxisme, entre « perspectives » et « perspectives » pour lesquelles on se bat. Ici, ils se sont même trompés sur les perspectives en Afghanistan et sur l’invasion russe.
Pour commémorer Taaffe, ses camarades affirment qu’il est issu d’une « extrême » pauvreté. J’en doute. Il s’agit soit d’un mythe, soit d’une vision de la vie ouvrière vue par des personnes de classes sociales plus élevées.
Je viens de la classe ouvrière semi-analphabète d’Ennis, une ville de l’ouest de l’Irlande. Mon père a été pompier à l’usine de gaz de Salford pendant 25 ans. La famille l’a rejoint. Je me souviens avoir convoité, et je revois encore, une Histoire des États-Unis en deux volumes à couverture verte à la librairie de Shude Hill, qui, à 37 shillings et 6 pence, était bien trop chère pour moi. C’était la pauvreté, je suppose, mais il y avait un bon réseau de bibliothèques publiques à Manchester. Je n’ai jamais manqué de choses essentielles.
Quand j’ai connu Peter Taaffe pour la première fois, en 1964, il était employé de bureau et faisait la paie de la police de Liverpool. Il portait une veste en velours côtelé, résolument « intellectuelle ». Il était présomptueux, lui aussi.
J’avais été malmené par des policiers en civil dans un commissariat de police parce que j’avais essayé d’inciter les travailleurs à adhérer au syndicat TGWU, mais Taaffe a insisté sur le fait , d’après sa propre expérience, il assurait le versement des salaires de policiers joviaux, que la police était vraiment correcte.
Il y avait toujours chez RSL-Militant une certaine jactance, qu’on disait ouvrière, mais qui en réalité se faisait passer pour une classe moyenne. Dans ma tête, cela se traduisait par les paroles d’une chanson popularisée par The Spinners, un groupe folk de Liverpool.
« Et nous, les pauvres marins, étions debout, debout, debout
Et les terriens couchés en bas, en bas, en bas
Et les marins d’eau douce couchés en bas, en bas, en bas ».
Militant a toujours été « nous, les pauvres marins ».
La véritable pauvreté dont souffraient le plus les classes populaires à la fin des années 1950 et au début des années 1960, en période de « plein emploi », était la pauvreté culturelle croissante et en déclin. Taaffe, dans Militant, se glorifiait de cette pauvreté culturelle de la classe ouvrière, et dans le mouvement YS des années 1960-1980, dirigé par Militant, il s’efforça de la perpétuer parmi les jeunes travailleurs.
À l’époque des YS-Militant, les jeunes travailleurs apolitiques étaient généralement moins étroits d’esprit et stricts que les YS eux-même. Par exemple, il était impossible de faire adopter une résolution lors d’une conférence des YS-Militant pour légaliser le cannabis, bien qu’il soit relativement inoffensif et que de nombreux jeunes travailleurs en consomment. Pourquoi ? Un membre des YS-Militant, ou plusieurs, prononçaient un discours pour la RSL affirmant que la légalisation du cannabis ne ferait que créer un nouveau monopole capitaliste, comme pour l’alcool et le tabac. Ce n’était pas le sujet, mais bon, alors ils voulaient interdire l’alcool et le tabac ? Non, non, camarade, « les ouvriers ne comprendraient pas ».
Mettre fin à la persécution des homosexuels n’était qu’une question de libéralisme, mais cette idée avait été adoptée par les socialistes depuis qu’August Bebel avait proposé au Reichstag en 1898 l’abolition du « paragraphe 175 » anti-homosexuel allemand. Et bien avant cela, je suppose. Mais c’était aller trop loin pour la RSL / YS. Et c’était parfois de l’hypocrisie : des camarades qui fréquentaient des bars gays revenaient avec des histoires de rencontres avec des militants qui, dans leur vie de dirigeants politiques, n’avaient même pas soutenu les réformes libérales sur les droits des homosexuels.
Vulgarité
Ce qui m’a le plus frappé chez Derek Hatton et Tommy Sheridan, qui sont devenus les figures les plus connues de Militant pendant un certain temps [deuxième moitié des années 80], c’est que leur idée de « la belle vie », lorsqu’ils ont choisi celle-ci, était par essence celle d’un travailleur apolitique et assez arriéré : la consommation vulgaire et ostentatoire, à la manière des footballeurs célèbres et autres, était leur idée de « la belle vie ».
Taaffe m’a dit un jour – je crois que Ted Grant était présent – que les gens comme nous, lui et moi, avec notre manque d’éducation formelle, ne devraient pas se donner la peine de lire des auteurs « difficiles » comme Plekhanov. Il avait une éducation bien plus poussée que moi – il me flattait. J’ai supposé qu’ils ne voulaient tout simplement pas que je perde du temps à lire de telles choses. J’ai ignoré ce conseil.
Mais que Taaffe ait ou non parlé littéralement de Plekhanov, Grant était son cerveau. Il y a une dizaine d’années, Peter Taaffe et moi avons échangé des polémiques. Il a fait référence avec mépris à Max Shachtman, qui décrivait la Russie comme une forme de capitalisme d’État. Peter avait milité pendant 50 ans en politique soi-disant marxiste, il était le dirigeant politique et l’organisateur du Socialist Party – et pourtant, il ignorait la différence entre collectivisme bureaucratique et capitalisme d’État pour désigner le stalinisme dont il soutenait l’expansion !
Et qu’avait-il construit ? Il est rare que les trotskystes aient joué un rôle décisif dans l’issue des grandes luttes de classe, mais la RSL-Militant en a eu l’occasion en 1984, lors de la grève des mineurs, et ils y ont joué le rôle réactionnaire.
La grève des mineurs dura un peu plus d’un an et défia le gouvernement Thatcher. Militant était à la tête du conseil travailliste de Liverpool et des principaux syndicats de la ville, confrontés aux coupes budgétaires des Conservateurs. Il aurait pu faire pencher la balance en défaveur de Thatcher si le mouvement ouvrier de Liverpool, dirigé par Militant, s’était joint aux mineurs pour affronter le gouvernement. Les marxistes convaincus de Liverpool auraient cherché une raison, voire un prétexte, pour se joindre au combat contre Thatcher.
Ce n’est pas le cas pour la très marxiste RSL. Ce n’est pas la « voix marxiste du Parti travailliste » sous la direction de son étrange leader, Derek Hatton ! Militant a conclu un accord avec le gouvernement conservateur en juillet 1984, qui a écarté Liverpool du combat en lui accordant l’autorisation de reporter la crise financière à 1985-1986.
Un an plus tard, les mineurs vaincus, Thatcher s’en prit à Liverpool. Fin 1985, le conseil municipal prévoyait de licencier l’ensemble de son personnel pendant quatre semaines, « à titre tactique », puis révéla qu’il avait procédé à des coupes budgétaires de facto et qu’il pourrait combler le déficit restant grâce à des prêts auprès de banques suisses, négociés des mois auparavant. Les partisans de Militant se discréditèrent, se mirent en position de se faire purger par les dirigeants travaillistes, puis quittèrent le Parti travailliste plutôt que de lutter contre la purge.
Taaffe était, si j’ai bien compris, le dirigeant de Militant chargé des relations avec Liverpool, sa ville natale, et le principal conseiller municipal de cette ville, Derek Hatton. Par la suite, « Degsie » et Taaffe gardèrent un silence diplomatique l’un sur l’autre, de ce qui fut l’une des plus grandes débâcles que la gauche britannique ait connues depuis la grève générale de 1926.
Bien que Taaffe ait écrit un livre sur le sujet plus tard (en 1988), ni Militant, ni le SP, ni Taaffe ne se sont jamais pleinement expliqués. Le mouvement ouvrier subit encore les conséquences de la victoire, peut-être évitable, de Thatcher en 1984-1985.
En Irlande, Militant et Taaffe ont connu l’une des trajectoires les plus étranges. La minorité catholique artificielle d’Irlande du Nord s’est mobilisée pour les droits civiques à la fin des années 1960. Le droit civique le plus important qui leur manquait était l’autodétermination nationale.
Les catholiques des Six Comtés y constituaient une minorité plus importante que ne l’auraient été les protestants de toute l’île dans une Irlande unie. Deux des « Six Comtés », Fermanagh et Tyrone, comptaient des majorités catholiques et nationalistes. Les catholiques étaient majoritaires sur la moitié du territoire des Six Comtés et tout le long de la frontière avec les 26 Comtés.
L’IRA provisoire s’est superposée, avec ses idées politiques étroites, à la lutte des catholiques pour les droits civiques, et a canalisé la révolte vers sa propre conception d’une guerre d’Irlande visant à chasser les Britanniques. Elle y est parvenue parce que la minorité catholique et nationaliste des Six Comtés était imprégnée des chants et des légendes de la longue lutte de l’Irlande catholique contre l’Angleterre.
La guerre des Provos fut aussi inattendue pour la RSL-Militant que pour nous. Mais la « question constitutionnelle » allait dominer la politique irlandaise et britannique pendant le reste du XXe siècle et une bonne partie du XXIe.
C’était l’idée la plus fondamentale du marxisme (voir les Thèses du Deuxième Congrès du Komintern sur la question nationale et coloniale par exemple) que ceux qui vivaient dans le pays oppresseur – la Grande-Bretagne avait partagé l’Irlande et luttait pour maintenir cette partition injuste – devaient soutenir les insurgés nationalistes, quelles que soient les complexités, et essayer de s’attaquer aux questions politiques posées.
Mais la RSL-Militant ne reconnaissait même pas la « question constitutionnelle » qui dominait la politique irlandaise. En cela, ils étaient ultra-gauches. Le Socialist Party finirait par se prononcer en faveur d’une Irlande fédérale unie – la seule Irlande unie possible –, mais seulement après la fin de l’insurrection catholique et de l’IRA provisoire et l’arrêt des combats. Ce virage vers une politique d’Irlande fédérale était positif, mais très tardif et donc insuffisant. C’était aussi un commentaire implicite accablant sur ce qu’ils avaient dit et fait pendant les 23 années de guerre.
Tout au long de la guerre, de 1971 à 1994 (ou en Grande-Bretagne 1997, lorsque les dernières bombes de l’IRA provisoire détruisirent une partie du centre de Manchester), le RSL-Militant-SP, dirigé par Peter Taaffe, proposa comme solution au conflit une milice ouvrière s’appuyant sur les syndicats.
Ce n’était pas l’idée de Militant. Elle fut d’abord lancée par les partisans de Healy, puis circula au sein du Parti communiste d’Irlande et du BICO unioniste, mais elle devint la formule de Militant pendant les années de guerre.
Sectarisme communautaire
C’était une bonne et juste idée, pour une société différente. Le sectarisme [communautaire] était profondément ancré en Irlande du Nord et dans le mouvement ouvrier nord-irlandais. L’attribution des emplois et les promotions étaient faites sur des bases sectaires. Le sectarisme communautaire a gagné les syndicats.
Appeler à une force de défense unie protestante-catholique n’était qu’une autre façon d’appeler à l’unité des travailleurs. C’était une bonne chose, mais cela ne pouvait se faire qu’en unissant un large groupe de travailleurs autour d’une solution à la question « constitutionnelle » (orange-verte, protestante-catholique, pour toute l’Irlande).
Pour l’Irlande du Nord, c’était un pur échappatoire. C’était comme les souris qui faisaient sonner le chat. Le chat prédateur ayant tué beaucoup de souris, les souris se sont alors réunies pour décider de la marche à suivre. « Je sais », a dit une souris : « On devrait mettre une cloche au cou du chat, comme ça on saura où il est, et il ne pourra pas s’approcher de nous. » Excellente idée, ont convenu les souris. Mais comment allaient-elles mettre la cloche au cou du chat ? Une brigade de défense des travailleurs d’Irlande du Nord faisait sonner le chat.
Et ils n’étaient même pas sérieux. Lorsque la grève générale orangiste éclata en mai 1974, Militant oublia sa solution miracle et déclara que les deux communautés devaient se défendre elles-mêmes. C’était l’époque des assassinats massifs de catholiques par les protestants et les unionistes.
Taaffe et Grant manquaient de sérieux et de cohérence dans leur dénonciation des « violences de l’IRA ». En mai 1972, un soldat britannique de 19 ans se rendit chez ses compatriotes à Derry. Il fut capturé par les Républicains officiels locaux, les Républicains de « gauche » si j’ai bien compris, et fusillé. C’était un acte stupide et sanglant.
Même Workers’ Fight (ancêtre de Solidarity ), qui critiquait alors le moins possible les Républicains, se sentit obligé de qualifier cet acte « d’odieux, d’une valeur militaire très douteuse », qui « ne pouvait qu’horrifier et démoraliser la population catholique et creuser inutilement le fossé déjà profond entre protestants et catholiques ». La réaction de Militant fut surprenante. De quel droit, demandèrent-ils, la foutue IRA provisoire avait-elle de critiquer les Républicains officiels sur un sujet pareil ?
Militant avait été le fléau de ce qu’il appelait le « terrorisme individuel » (bien que la guerre ne fût pas du « terrorisme individuel », mais une révolte d’une partie de la minorité catholique d’Irlande du Nord). Les Officiels [Official IRA] avaient fait exploser une bombe sur la base militaire d’Aldershot, en février 1972, tuant accidentellement cinq femmes de ménage. Bien sûr, Militant avait dénoncé cela. Qu’était-il arrivé pour que Taaffe et Grant défendent maintenant, en mai 1972, les « terroristes individuels » ? Militant était en pourparlers avec les Officiels, qui allaient devenir le Parti des Travailleurs.
La tragédie de Peter Taaffe fut d’avoir passé 60 ans à enseigner aux travailleurs qu’il rencontrait, non pas le marxisme, mais d’abord la politique étrange et très subjective de Grant, puis un grantisme plus vague, dont certaines aspérités furent adoucies et remplacées par de vagues généralités socialistes, celui du Socialist Party. Ce parti s’appelait et se qualifie encore de marxiste, mais c’était un curieux mélange d’ultra-gauchisme (sur l’Irlande), de travaillisme et de stalinisme. Le marxisme, le socialisme ouvrier, ce n’était pas et ce n’est pas du tout cela.
SM.
Source :
https://workersliberty.org/story/2025-05-26/origins-militant-and-socialist-party
Chronologie
Années 1950 : Ted Grant dirige un petit sous-groupe de trotskistes britanniques issu de l’explosion du RCP.
1964-1965 : Le groupe Grant lance Militant ; Peter Taaffe en devient l’organisateur
Fin des années 1960 : Militant prend le contrôle du mouvement officiel de jeunesse travailliste et le conservera pendant deux décennies.
1982-1983 : La tentative ratée des dirigeants travaillistes de purger Militant contribue à son « âge d’or », atteignant peut-être 8 000 adhérents.
À partir de 1984-1985 : La débâcle du conseil travailliste de Liverpool, dirigé par Militant, discrédite Militant. Les dirigeants travaillistes élaguent le mouvement de jeunesse. Des membres de Militant quittent le Parti travailliste.
1992 : La majorité de Peter Taaffe, qui en 1997 se rebaptisera Socialist Party, expulse Ted Grant et d’autres qui veulent continuer à travailler au sein du Parti travailliste : ils forment Socialist Appeal, puis en 2024 (avec leur propre départ du Parti travailliste) le RCP.
Ce que nous sommes et ce que nous devons devenir, document fondateur de la tendance qui est aujourd’hui Workers’ Liberty, écrit en 1966 comme une critique du RSL-Militant.
30.05.2025 à 12:20
Les gueux et leurs chers amis. Par Alain Dubois.
aplutsoc
Texte intégral (1265 mots)
La vérité c’est le mensonge, la mort c’est la vie ! Orwell réveille-toi, ils sont devenus fous !
____________________
Les décisions récentes concernant la pollution de l’air par les voitures dans les grandes villes (ZFE), l’abrogation de l’interdiction de pesticides particulièrement destructeurs, l’autorisation de mégabassines, de fermes géantes, la reprise des travaux sur l’A69, etc., et bien entendu tout l’appareil policier étatique au service de ces mesures, sont présentées par certains comme des « victoires des gueux » contre l’« écologie punitive ». Il s’agit de mensonges éhontés, dignes du roman d’Orwell 1984, comme « La guerre, c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force ». Ces décisions reflètent la détérioration progressive du rapport de force entre les défenseurs de la biosphère, de la biodiversité et de l’humanité, et le système capitaliste, ses entrepreneurs, ses banques, ses actionnaires, ses cultes, ses polices et ses armées, au bénéfice de ces derniers.
Ce qui est et sera punitif, c’est et ce sera :
- l’augmentation des cancers,
- des maladies cardio-vasculaires et autres pathologies,
- des pandémies,
- des incendies, sécheresses, inondations et autres catastrophes « naturelles »,
- le dérèglement climatique,
- la fonte des glaciers,
- le dégel du permafrost,
- l’élévation du niveau des océans,
- le bouleversement des courants marins,
- et les migrations et conflits dus à ces effondrements écologiques et climatiques, aux famines et à l’insécurité qu’ils entraînent.
Ce qui serait une victoire des gueux, et plus généralement de l’humanité sur les exploiteurs, les dictatures et les guerres, ce seraient la nationalisation sans indemnité ni rachat de toute l’industrie automobile et de tout le parc de véhicules, l’augmentation massive des transports en commun et leur gratuité, la suppression de la propriété privée des voitures individuelles, la réduction drastique de leur nombre et leur mise à la disposition de tous. Ce seraient l’interdiction de la publicité, la destruction de toutes les armes et centrales nucléaires, et les multitudes de changements fondamentaux dans l’organisation et le fonctionnement de notre société pour les mettre au service du bien commun et pas du profit d’une infime minorité s’appuyant sur des régimes dictatoriaux, policiers, militaires, théocratiques. Bref, ce serait sortir du capitalisme, supprimer la Bourse, les organisations financières et politiques internationales, nationaliser les banques, etc.
Non pas que ces bouleversements « impossibles » empêcheraient l’effondrement bio-géo-climatique qui est désormais inéluctable dans les prochaines décennies en raison des points de non-retour déjà atteints et dépassés, et de l’inertie des processus autodestructeurs en cours, mais cela permettrait aux populations qui y survivront de se préparer à gérer cet « après » sans la férule des gouvernants actuels de la planète.
Qu’actuellement, lors de la crise la plus menaçante pour la survie de l’humanité que celle-ci ait subie dans toute son histoire, les « opinions » concernant l’environnement, le climat, l’agriculture, l’habitat, les transports, fondées sur des diagnostics au doigt mouillé ou imposées par les dirigeants actuels du monde puissent être acceptées par beaucoup (médias, intellectuels, personnes diverses investies d’une certaine « notoriété »), et présentées comme opposables aux connaissances scientifiques, montre que l’humanité n’est pas encore sortie des âges obscurs, et n’en sortira peut-être jamais avant son extinction.
Bien entendu, aucune organisation, aucun politicien ou militant ne pourraient formuler de telles affirmations et exigences, mais il faut se féliciter de ce que certains responsables puissent encore écrire et diffuser des « coups de gueule » comme celui-ci :
« Un cauchemar à la Don’t Look Up (1), mais pour de vrai.
Vous savez pourquoi ? Parce que si l’écologie perd, c’est toute l’humanité qui perd.
Quand il n’y aura plus d’eau, plus de biodiversité, plus d’arbres, plus de terres cultivables et plus d’air respirable, c’est la planète qui ne sera plus habitable.
Au mépris total de la science, de la santé de la population, de la préservation de nos conditions de vie et de l’avenir de nos enfants, la ligue anti-écologie s’est lancée dans une croisade folle, où elle a réussi successivement à :
• faire passer en force la loi Duplomb, ses pesticides tueurs d’abeilles, ses mégabassines et ses fermes-usines à 85 000 volailles ;
• utiliser tous les recours imaginables pour faire revenir sur l’A69 les engins de chantier qui détruisent des arbres centenaires et des espèces protégées ;
• vider de sa substance le dispositif “zéro artificialisation nette” pour bétonner toujours plus la nature et nos paysages ;
• supprimer complètement les ZFE au lieu de les améliorer pour les classes populaires, qui sont surreprésentées dans les 40 000 morts annuels causés par la pollution de l’air.
Les climatosceptiques responsables de cette “performance” sont les représentants français de Donald Trump.
Ils s’appellent LR, RN et “bloc central” (quelle blague : quand on sait que ces derniers votent contre leurs propres mesures comme les ZFE, leur débandade idéologique honteuse n’en finira donc jamais).
Ensemble, ils forment la nouvelle alliance anti-écologie.
Quelles autres dingueries nous réservent-ils encore pour accélérer l’effondrement écologique et rendre la planète inhabitable pour nos enfants ?
Je regarde mon fils en écrivant ce message et j’ai sincèrement peur de la réponse à cette question.
Et même si nous devons être les seuls à avoir ce courage, ils nous trouveront toujours en travers de leur chemin pour défendre celles et ceux qui n’ont pas de voix : les générations à venir, et plus généralement, le vivant, tout simplement.
La météorite n’est pas pour demain, elle est pour maintenant.
Marine Tondelier. »
(1) Film Netflix inspiré par le thème de l’actuelle crise climatique dont personne ne se soucie vraiment malgré le consensus scientifique, qui évoque la chute prochaine d’une grande comète qui va complètement ravager la terre et tuer tous ses habitants, et la difficulté que rencontrent les scientifiques qui l’ont découverte pour prévenir le monde face à la désinformation, au déni et aux sarcasmes du monde médiatique et politique comme du grand public, ainsi qu’à la cupidité et à l’inaction de la présidente des États-Unis sous la coupe du puissant créateur d’une grande entreprise technologique. (Wikipedia).
Billet rédigé et publié le 30 mai 2025 par Alain Dubois, publié originellement sur son blog L’Herbu ainsi dans une version légèrement modifiée sur son blog Mediapart.
28.05.2025 à 23:49
Le PS demande que la Belgique reconnaisse urgemment le génocide en cours à Gaza.
aplutsoc
Texte intégral (803 mots)
Présentation
Dans la rubrique « tout le monde déteste le génocide », on a aussi trouvé la prise de position du PS francophone de Belgique datée du 13 mai dernier. Celle-ci illustre l’ampleur des prises de position dans l’ensemble de la gauche, au sens large, contre la politique meurtrière menée par le gouvernement de Netanyahou, Ben Gvir, Smotrich qui vise à écraser sinon expulser l’ensemble de la population palestinienne de Gaza.
Le paradoxe se pose ainsi : alors que ce mouvement international traverse tous les pays, soulève la jeunesse et obtient un large soutien dans le mouvement ouvrier, pourquoi reste-t-il si ineffectif ?
Document
Depuis plus de dix-huit mois, la bande de Gaza est le théâtre d’une tragédie humaine d’une ampleur sans précédent. Plus de 52.000 Palestiniens et Palestiniennes : enfants, femmes, civils, soignants, journalistes…ont été tués. Des hôpitaux sont détruits, les écoles ciblées, la famine est utilisée comme arme de guerre, et plus de 80 % de la population est déplacée de force. Depuis mars, les autorités israéliennes ont également imposé un blocus quasi-total de l’aide humanitaire vers Gaza. Les convois humanitaires sont bloqués ou attaqués, les humanitaires ciblés, et les civils pris au piège.
Ce vendredi 16 mai marquera une nouvelle étape dans l’escalade de la violence, avec la mise en œuvre du « plan israélien de reconquête », d’occupation de la bande de Gaza et de déplacement de la population palestinienne. Dans ces circonstances, affirme Paul Magnette, « il n’y a plus de doute sur le fait que les opérations menées contre le peuple palestinien par le gouvernement Netanyahou constituent un génocide, tel que défini à l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 09 décembre 1948 ».
C’est la raison pour laquelle le PS demande aujourd’hui que la Belgique, via son gouvernement fédéral, reconnaisse urgemment et officiellement le génocide en cours à Gaza et prenne les mesures préventives nécessaires conformément au droit international.
Les Socialistes veulent également la reconnaissance par la Belgique du régime d’apartheid qu’Israël impose aux Palestiniens.
Pour ce faire, ils déposeront cette semaine une proposition de résolution qui vise à faire reconnaître officiellement que les actes commis à Gaza relèvent du génocide, au sens de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et à engager la Belgique à prendre des mesures diplomatiques, juridiques, humanitaires telles que :
- Rappeler sans délai notre ambassadeur auprès d’Israël ;
- Condamner fermement et publiquement ces actes, interpeller Israël dans les enceintes internationales ;
- Continuer à soutenir les procédures engagées devant la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale ;
- Envisager des sanctions, notamment économiques, à l’égard d’Israël ;
- Interdire de commercialiser des produits et des services provenant de territoires occupés et dont la production et/ou la fourniture résulte de situations nées de violations graves du droit international humanitaire.
- Suspendre toute coopération militaire, sécuritaire ou technologique avec l’État d’Israël, tant que des actes susceptibles de constituer un génocide sont perpétrés ;
- Suspendre de l’accord d’association UE-Israël sur la base de l’article 2 qui impose aux parties à l’accord le respect des droits humains et des principes démocratiques comme élément essentiel de l’accord.”
- Imposer un embargo européen sur les armes à destination d’Israël, appuyer des sanctions contre les responsables impliqués ;
- Renforcer sans délai l’aide humanitaire belge à destination de la population de Gaza ;
- Reconnaître l’État de Palestine, comme une condition concrète à une paix juste et durable ;
- Réaffirmer l’attachement de la Belgique à la solution à deux États ;
- Reconnaître que les politiques systématiques de domination, de fragmentation territoriale, de discrimination raciale et de dépossession imposées par Israël au peuple palestinien, y compris à Gaza, relèvent du crime d’apartheid au sens du droit international, et d’agir en conséquence dans les enceintes internationales.
Le 13 mai 2025
Source : https://www.ps.be/genocide-gaza
28.05.2025 à 22:36
A propos du congrès du Parti Socialiste. Par VP.
aplutsoc
Texte intégral (1408 mots)
Le congrès du Parti Socialiste, à Nancy les 13-15 juin, n’est pas important seulement pour le Parti Socialiste. Le fait même qu’il attire l’attention et suscite les commentaires atteste d’un fait : la liquidation du PS, à laquelle conduisait la présidence Hollande, s’est vraiment dessinée, c’est vrai, mais elle n’a pas eu lieu. Macron a été le produit de la présidence Hollande. Dans ce processus, les « vieux partis », PS mais aussi PCF (et même PG !) devaient disparaître, remplacés par les ligues plébiscitaires de Mélenchon, Macron et Le Pen. Mais la lutte des classes a ses pesanteurs et la politique ignore le vide.
Le score microscopique d’Anne Hidalgo (1,7%) en 2022 ne signifiait pas la disparition pure et simple du PS, mais qu’il ne pouvait pas réémerger comme force nationale en s’inscrivant dans la continuité de la présidence Hollande, qui s’était terminée par l’état de siège et la loi El Khomri contre le code du travail, le tout produisant Macron. La base électorale du PS, aux présidentielles de 2022, a voté Mélenchon pour tenter d’éviter un second tour Macron/Le Pen et minimiser le risque Le Pen, mais les élus locaux et les liens sociaux n’avaient pas disparu.
Olivier Faure, de syndic de liquidation, s’est transformé en gardien du squelette amaigri puis finalement en défenseur de l’unité à gauche lors du moment stratégique de la dissolution décidée par Macron le 9 juin 2024. Il a pu en effet jouer ce rôle, dans la formation du NFP puis dans la proposition démocratique et légitime, qui s’est imposée de façon unitaire, de Lucie Castets pour former un gouvernement, parce qu’aux Européennes la question ukrainienne avait placé la liste formée avec Place publique en tête de la gauche. Lors de la dissolution, la poussée d’en bas a alors voulu et imposé une unité dans laquelle le PS, comme parti historiquement constitué, devait retrouver sa place, et qui ne pouvait exister qu’avec sa présence : et c’est ainsi que fut évité l’exécutif Macron/Bardella (dans le même temps, Raphaël Glucksmann s’opposait à la réalisation de l’unité imposée à LFI, avec LFI comme motif).
L’étrangeté de ce congrès est la hargne commune vouée à Olivier Faure par ses droitiers internes et par Mélenchon à l’extérieur. Il est croquignolet de voir les adversaires du NFP, telle Carole Delga ou le toujours condamné car toujours délinquant Jean-Christophe Cambadélis, dauber avec François Hollande contre les soi-disant capitulations d’Olivier Faure devant LFI, alors que LFI a rarement rencontré un tel adversaire véritable lui imposant unité et enveloppement – pour ses raisons propres : exister et faire exister son parti en tant qu’opposition parlementaire.
Les adversaires d’Olivier Faure l’accusent de faire dépérir le PS qui est passé, parait-il, de près de 90 000 cartes en 2018 à guère plus de 30 000 aujourd’hui, mais ses partisans disent qu’en 2018 les non cotisants depuis 3 ans étaient toujours comptés et ont été rayés depuis, et laissent entendre que c’est la campagne Hidalgo , s’inscrivant dans l’héritage hollandais, qui a encore fait fuir du monde et qu’il y a en réalité rebond depuis 2024. Rebond réel, en outre, du MJS (Mouvement des Jeunes Socialistes), où s’est affirmée la jeune dirigeante Emma Rafowicz.
La presse bourgeoise déplore consciencieusement que le PS n’ait finalement pas fini sa « mue », sans vouloir avouer que, dans son cas, comme pour bien d’autres PS comme par exemple en Italie, la mue était la disparition : ainsi, dans Le Figaro, les dirigeants d’un Think Tank néolibéral, l’ « Institut de recherches économiques et fiscales », se lamentent en ces termes :
« Sur le fond des contributions, et en bref, nous trouvons tout ce qui fait l’essence du socialisme, repeint aux couleurs de l’écologisme anticapitaliste et du féminisme woke : l’étatisme, les dépenses multiformes, la fiscalité accrue, la multiplication de nouveaux droits, la planification tous azimuts. C’est 1981 en pire. »
Et de déplorer qu’au lieu d’être réellement « social-démocrate » c’est-à-dire libéral capitaliste, le PS revienne au sens ancien du mot « social-démocrate » : partisan de la construction du socialisme par la voie démocratique, réformiste ! (rappelons au passage qu’encore avant, avant 1914 en fait, « social-démocrate » voulait dire révolutionnaire, et était l’étiquette de Lénine, Trotsky, Luxembourg ou Martov).
Certes, nous sommes vaccinés contre les phrases « social-démocrates » ou réformistes ainsi définies, qui ont abouti au réformisme sans réforme et avec contre-réformes anti-sociales et anti-démocratiques. Mais il n’est pas indifférent de voir que les milieux capitalistes n’ont pas confiance dans le PS actuel parce que du réformisme, même douteux, c’est trop risqué pour eux et cela donne trop prise à la pression d’en bas. Aucune contribution ne préconise de vraies économies budgétaires, déplore notre think tank !
Le message de cet article du Figaro est en effet le suivant : les trois motions de ce congrès sont toutes aussi mauvaises les unes que les autres du point de vue des besoins du capital. Autrement dit, même celle des secteurs voulant préserver au maximum la continuité avec Hollande, la motion Mayer-Rossignol, a dû mettre de l’eau dans son vin fort aigre. Et la motion du « milieu », de Boris Vallaud, ne fait que répéter le même refrain tiède – tiède, certes, mais pas aligné sur la casse des services publics et le renforcement de la V° République …
Sur les résultats du vote interne, je citerai cette bonne synthèse faite par le camarade Jérôme Sulim, ancien militant socialiste adjoint au maire de Saint-Herblain (Loire-Atlantique), aujourd’hui membre de l’Après :
23 000 votants se sont déplacés pour départager Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol et Boris Vallaud.
Ce faible nombre de militants et militantes explique le paradoxe suivant : Il reste encore 39% de votants pour approuver une ligne social-libérale portée par N. Mayer Rossignol et Hélène Geoffroy soutenu par un Jérôme Guedj qu’on a connu plus inspiré, alors que cette orientation est repoussée par l’électorat de gauche.
Il est vrai aussi que les tenants de ce positionnement ont pu utiliser un épouvantail bien commode, JLM qui leur a servi sur un plateau le combustible pour nourrir leur ressentiment contre le NFP, et ainsi faire rêver à un retour fantasmé à l’hégémonie du PS sur toute la gauche et l’écologie.
Boris Vallaud et ses soutiens détiennent avec leur 18% les clés de ce congrès face à Olivier Faure (42%) et Nicolas Mayer Rossignol (39%).
Leur responsabilité est grande et ne concerne pas que les équilibres internes au sein du PS.
Selon leur choix, le NFP peut rebondir ou s’épuiser dans des divisions délétères préparant les lendemains qui déchantent.
J’espère qu’ils en auront pleine conscience au moment du choix.
C’est très juste. Le problème n’est pas que Vallaud avec ses 18% soit un « faiseur de roi », une direction collective est tout à fait concevable, mais qu’il fasse pencher la balance pour ou contre l’unité face au RN et à Macron. Enjeu qui le domine largement, et pression qui n’est pas que celle des adhérents, mais des forces sociales majoritaires qui ont absolument besoin d’unité et de démocratie.
VP, le 28/05/2025.
26.05.2025 à 12:06
Post de Priama Diia après les bombardements de résidences étudiantes et appel à collecte.
aplutsoc
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Traduction de la capture d’écran réalisée sur le compte Telegram de Priama Diia
A l’attention des résidents du dortoir, veuillez vous mettre immédiatement à l’abri et rester calme.
Concernant le dortoir n°7 : Dieu merci, aucun décès n’a été enregistré. Les services nécessaires sont déjà à l’œuvre sur place, fournissant l’assistance nécessaire. Nous vous demandons de ne pas diffuser d’informations inutiles afin de ne pas semer la panique parmi les résidents.
Nous demandons également à tous ceux qui sont intéressés de se présenter au dortoir n°7 demain (25/05/2025) à 10h00 pour une assistance sur place. Si vous le pouvez, apportez avec vous : de l’eau, des gants, des sacs poubelles, des pelles, etc., tout ce qui peut aider à nettoyer les débris.
Collecte urgente pour aider les étudiants des auberges n° 7 et n° 6 :
Cette nuit, suite aux bombardements russes, les dortoirs du Taras Shevchenko studmistečka de l’Université nationale de Kiev ont été endommagés. Heureusement pas de victimes mais il y a des victimes ailleurs dans Kyiv.
Nous vous encourageons à soutenir les résidents !
Pour participer à la collecte de soutien :
× Monobank : https://send.monobank.ua/jar/6keey7RLD
× 4441 1111 2427 9575
Source : RESU France.
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