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Le 21 novembre 2025
Jean-Luc Mélenchon entre en campagne électorale dans la perspective de l’élection présidentielle, que celle-ci ait lieu à échéance, c’est-à-dire en mai 2027, ou que le régime de Macron, pas seulement le fusible Lecornu, s’effondre avant. Le chef de FI a sans doute des informations que nous n’avons pas sur cette possibilité, d’où, hypothèse que nous avançons, qu’il prend les devants.
On peut différencier deux types d’interventions de sa part. Il commence par la réunion tenue au siège du POI sur « le moment politique » avec son premier cercle militant. On se souvient que le développement des aspirations démocratiques dans le fonctionnement interne de France Insoumise avait conduit Mélenchon à se séparer brutalement d’une partie de sa direction historique, le groupe de députés autour d’Alexis Corbière et Clémentine Autain qui devait entraîner l’émergence du mouvement l’Après. Le POI lambertiste devait servir dans cette opération de police politique.
En faisant du PS le bouc émissaire qui a permis l’éclatement du NFP, FI défend devant ses militants que toute reconstitution d’un Front de la gauche dans les élections municipales puis présidentielles serait une impasse. La publication vidéo qui a été faite à l’issue de cette réunion a fait l’objet d’une coupure pour le moins significative stratégiquement : il y clouait au pilori le « traître Hollande ». Le mandat présidentiel de ce dernier a pour le moins laissé de mauvais souvenirs dans l’électorat du PS et de la gauche en général.Cette partie de la vidéo a été purement et simplement coupée. Mélenchon prend de front le PS en tant que tel et met tout le monde dans le même sac, alors qu’Olivier Faure est apparu dans la période NFP comme la gauche du PS contre l’héritage du hollandisme. Donc aucune fenêtre possible sur l’Unité : c’est justifié par l’impossibilité au stade actuel du néo-libéralisme d’un réformisme de type social-démocrate. D’ailleurs, dit-il, partout dans la séquence historique qui s’achève, ce qui reste de la IIème Internationale ouvrière entre dans des combinaisons politiques avec la droite. Mélenchon exprime là une faiblesse de sa propre position face à ses militants : la logique du NFP, appuyée sur une mobilisation forte du prolétariat, permettait d’entraîner le PS plus loin et attisait sa crise interne.
Sur les questions internationales l’orateur intervient sur le génocide du peuple palestinien : « les malheureux… qui continuent d’être bombardés jours et nuits » dit-il. Et les malheureux ukrainiens qui subissent les mêmes choses jours et nuits, il ne connaît pas… récemment, il affirmait que Zélensky entraînait son peuple dans une impasse et il réclamait sa destitution. Rien de changé dans ses positions internationales pro-poutiniennes.
Sur la situation française, la stratégie précédente, c’était la recomposition unitaire de la gauche. Par la méthode du front commun, dit-il, on pensait avoir trouvé la méthode : chaque formation retrouvait une représentation dans le cadre d’un programme minimum pour gouverner. Tout repart à la division, dont il attribue la responsabilité aux autres, principalement au PS.
S’inspirant de la victoire de Mandani à New York, il affirme qu’il est possible de gagner contre tout le monde, sur une ligne de rupture. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la candidature de Louis Boyard à Villeneuve Saint-Georges en 2024 contre tout accord à gauche, sur des questions locales sur lesquelles il était possible de défendre des positions communes, aura été un échec. Elle était un test national de la direction nationale de FI pour prendre des mairies de grandes villes comme Grenoble, Lille ou Lyon dans la perspective de la présidentielle. La réalité dans les communes à l’étape actuelle, c’est l’éclatement de la représentation à gauche, générée par FI. A Perpignan, ce sont trois listes différentes à gauche contre les néo-fascistes du RN.
Que signifie parler des problèmes de fond sur la crise économique, politique et morale que traverse le pays avec Alain Duhamel ? Chroniqueur, éditorialiste spécialisé dans l’histoire de la Vème République et des crises qui l’ont traversé, il a toujours pris le parti de la stabilité des institutions. Les militants de ma génération peuvent se souvenir qu’entre 1978 et 1981, alors qu’il était question de réaliser l’unité pour virer Giscard D’Estaing, Alain Duhamel avait pris le parti de Rocard contre Mitterrand. Pour lui, les deux crises sérieuses que la Vème République a rencontré en 1961 avec la guerre d’Algérie et en mai 1968 ont pu être surmontées, il y avait un homme d’exception, le général De Gaulle. C’était 15 ans après la guerre et le rôle qu’il y avait joué contre le fascisme. Là dans des conditions radicalement différentes, nous sommes en face « d’un dysfonctionnement total ». De plus, Macron par sa témérité, en procédant à la dissolution de la chambre n’a fait qu’approfondir cette crise. Ce qui hante la pensée d’Alain Duhamel, ce vieux conseiller politique de la bourgeoisie, c’est qui va sauver la baraque : il pose la question de l’émergence d’une personnalité d’exception, appuyée sur une force politique pour régler à la fois la crise de la gauche et de la droite, en évitant l’écueil de l’extrême droite.
On ne peut que conseiller de regarder cette vidéo. Il y a une vieille illusion que draine l’extrême gauche française sur Mélenchon : il serait un réformiste un peu plus radicalisé que les autres. Il suffirait donc de s’appuyer sur lui et de pousser plus à gauche. Est-ce que Mélenchon tourne en ce sens dans la situation ? Je pense que non.
Tout d’abord, l’échange entre les deux hommes est d’une sérénité et d’une courtoisie exquise, au passage la journaliste se fera poliment envoyer promener alors qu’elle cherchait à susciter la polémique à propos du « Mélenchon infréquentable ». Les deux protagonistes commencent par se féliciter pour l’esprit d’unité nationale qui a régné lors de la cérémonie d’hommage aux victimes du 13 novembre 2015. « Il n’y a pas l’ombre d’une division entre nous… C’est quelque chose qu’il faut qu’on protège… », dira Mélenchon.
Va suivre une partie de « passe-moi le sel, je te passerai le poivre ! »
Pour Duhamel l’unité réalisée « entre les deux gauches » s’est faite sur les positions de Mélenchon, alors que la gauche dite « réformiste » (PS, Verts, PCF) s’y est provisoirement ralliée pour sauver et gagner des positions dans les législatives. Passé cet épisode, la division est revenue. Mélenchon approuve le diagnostic de Duhamel. Il ajoute : nous voulions reconstruire une grande force de gauche, pour la première fois de l’histoire, nous passons devant la social-démocratie et nous imposons des candidatures communes. Les autres nous quittent. Donc aujourd’hui, nous en tirons les leçons. Il faut une autre stratégie. C’est le refus de tout front commun, l’unité de la base au sommet sur un programme d’urgence sociale…
Après différents échanges sur les retraites, sur le modèle de notre Sécurité sociale, sur la natalité, Duhamel dit reconnaître que la politique de Mélenchon a sa cohérence, même s’il est en désaccord avec le modèle de société proposé. Nous sommes à quelques mois du débat où se prendront les orientations. Duhamel pose les questions : est-ce que d’ici le 1er tour des élections présidentielles, y aura-t-il une candidature unique de la gauche ? Cela n’en prend pas le chemin. Comme il ne fait aucun doute que le candidat FI sera en tête de la gauche, le report républicain sera-t-il possible au second tour ? Dans le meilleur des cas, il faudra un front républicain contre le RN. Par ailleurs, affronter une élection présidentielle, nécessite un charisme que Mélenchon possède. Y aura-t-il d’ici mai 2027 l’émergence d’une personnalité politique possédant ces qualités, cela lui semble improbable. Tout cela sous l’œil goguenard de Mélenchon. Entouré de crises internationales (Duhamel est le seul à faire allusion à l’Ukraine !), économiques et morales, nous serons dans une situation de chaos. Dans l’histoire, c’est la gauche « réformiste » qui a su gagner les conquêtes sociales, Duhamel conclut en disant que Mélenchon est le premier à avoir inversé le rapport au profit de la gauche de rupture.
En conclusion, je dirais qu’il y a pour l’un et l’autre la nécessité du recours à la stabilité que, malgré tout, la Vème République permet, alors que l’histoire sociale depuis 1958 n’est faite que d’affrontements avec les forces du travail ; les aspirations ont pu être jugulées par les institutions et par la politique des partis ouvriers qui en respectaient le cadre. Mélenchon est sur une ligne gaullienne contre la République des partis. Le parti, disait-il dans un interview précédent, c’est la classe. Le mouvement, c’est le rapport direct du peuple du guide…
Le discours radical dans la forme de Mélenchon me fait penser à la phrase de ce personnage du Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ! » Cela ne l’empêche pas de tresser des lauriers au Charles de Gaulle de la fin de la guerre d’Algérie, en justifiant le caractère autoritaire du nouveau régime. Méditons cet extrait d’interview de Charlotte Girard, qui a été un membre fondateur de PRS (Pour la République Sociale), puis sa responsable de campagne dans la période du Front de Gauche :
« En réalité, je ne suis pas sûre qu’il arrive à penser en dehors de la Vème République. Je pense qu’il n’a jamais cru à la VIème République, c’est un vrai homme de la Vème, il en connaît tous les recoins, tous les personnages, il sait en jouer. Il adore les ors de la République, il a toujours adoré cela. Il n’est pas dans une configuration intellectuelle qui rende possible une vraie sortie du système. En théorie, oui, mais en pratique, non. »
RD, le 21/11/2025.
Notes :
1) Le moment politique, 9 novembre : https://www.youtube.com/watch?v=r0H4V7of6Bo
2) Meeting à Saint Pierre des Corps, 16 novembre : https://www.youtube.com/watch?v=JqCNpXXTDhI&t=6582s
3) Duhamel-Mélenchon, vendredi 14 novembre : https://www.youtube.com/watch?v=fho6z70rBOQ
20.11.2025 à 20:35
aplutsoc2
Le nouveau « CEMA » (chef d’état-major des armées), le général Fabien Mandon, a fait des vagues en disant devant le congrès des maires de France que « La Russie se prépare à une confrontation à l’horizon 2030 avec nos pays. », « Ce qu’il nous manque, c’est la force d’âme », « Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à perdre ses enfants, (…) si on n’est pas prêts à ça, alors on est à risque ».
Ces propos ne sont pas isolés et sont distillés préférentiellement devant les maires : voici quelques semaines le préfet de l’Allier expliquait doctement au Congrès départemental des Maires ruraux qu’on allait vers la guerre, alors fini la rigolade, fini les subventions, et en avant vers les fermetures d’écoles !
Les maires n’ont pas aimé, et on les comprend. Bien entendu, le CEMA parle pour Macron et en accord avec lui, comme les préfets, mais Macron lui-même se garde d’aller aussi loin : est-ce parce que la continuité précaire de l’exécutif dont il est le chef dépend du RN, un parti de la V° République structurellement, historiquement, et financièrement, lié à … Moscou ?
A Aplutsoc, nous n’avons aucun état d’âme, car il faut en finir avec ce type d’états d’âmes, à envisager la guerre, et une politique militaire démocratique, prolétarienne, révolutionnaire et féministe. Et c’est précisément pour cela que nous devons caractériser les propos du CEMA et en général ce type de discours comme totalement contre-productifs, et analyser pourquoi ils le sont.
Totalement contre-productif, pas seulement parce qu’évidemment, çà permet de déclencher un concert d’imprécations soi-disant « pacifistes » , où une grande partie de la gauche et de l’extrême-gauche débite ce qu’elle prend pour de l’internationalisme, et adopte la posture faussement héroïque du « Non à la guerre ».
Totalement contre-productif, pas seulement parce qu’évidemment, ça permet de déclencher aussi le concert de l’extrême droite et des prétendus souverainistes, qui n’ont pas manqué de réciter, sur CNews, que le « vrai danger » n’est pas russe, mais noir et arabo-musulman !
Il y a d’ailleurs un point commun aux imprécations de droite et aux imprécations de gauche : J.L. Mélenchon comme Sébastien Chenu ne manquent pas d’expliquer soit que la Russie n’est pas un danger, soi que c’est le bellicisme « de l’OTAN » et « de l’UE » qui la rend dangereuse, la pauvre, alors que l’on pourrait l’amadouer – comme le fait Trump, en fait : en essayant de lui livrer l’Ukraine !
Les propos du CEMA qui affolent la galerie en expliquant qu’il va falloir accepter que nos enfants se fassent tuer, ou des préfets qui énervent tout le monde en expliquant qu’il va falloir fermer des écoles car la dette « publique » et la défense nationale l’exigent, sont totalement contre-productifs d’abord et avant tout parce qu’ils ne préparent absolument pas les peuples, dont le peuple français, à la guerre qui vient.
Tout en semblant alarmistes, ils préviennent de fait Poutine qu’on a quatre ou cinq ans, au moins, avant d’être à même de lui tenir tête. L’appareil d’Etat russe est engagé dans une fuite en avant destructrice qui pourrait ne pas attendre autant. Cette guerre européenne dans quatre ou cinq ans semble conceptualisée par nos généraux dans des termes classiques : bref, ils sont encore en retard d’une guerre. Ils commencent à affoler tout le monde en expliquant qu’il va falloir mettre les jeunes dans des tranchées et s’attendre à de grandes offensives, matinées de la fameuse guerre « hybride », mal définie et servant surtout à se faire peur, car elle serait partout et nulle part. En fait, ils ne se préparent pas et ne préparent pas le pays à la guerre qui vient.
La guerre qui vient sera antifasciste, civile et internationale, et concernera autant les Etats-Unis que la Russie : elle a commencé en Ukraine et, à bas bruit comparé à elle, mais réellement, dans les rues des grandes villes américaines.
La guerre qui vient sera cybernétique et faite par des drones, ordinateurs, IA, supposant non pas l’automatisme, mais la conscience humaine émancipatrice de milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes aux commandes, motivés et prenant des initiatives : voila la première leçon ukrainienne !
Macron, le CEMA, les généraux et les préfets qui affolent les gens, ne préparent pas la même guerre que celle que notre camp social devrait, en toute indépendance, préparer. Ils font voter des sommes pharamineuses pour les trusts de l’armement, et promettent, très vaguement, la vente – ce n’est donc nullement désintéressé ! – de 100 Rafales à l’Ukraine pour 2033 voire 2035, alors que le besoin immédiat ce sont, beaucoup moins chers et ne nécessitant nulle « fermeture d’écoles », des drones, des batteries anti-aériennes, du renseignement, de l’aide aux équipes de saboteurs, et des avions non connectés au complexe militaro-industriel US (totalement vérolé par la firme Trump, Poutine and co) !
C’est une autre approche de l’armement, décentralisée, démocratique, et ne reposant pas sur le « gros matos » et sur le nucléaire, qui s’imposerait. Tout cela, tout de suite, éviterait la guerre semi-conventionnelle où « vos enfants iront » dans cinq ans, en renversant Poutine et en ouvrant la voie à la révolution !
Une autre approche aussi des soldats et du commandement. Même si l’encadrement des armées a évolué par rapport aux abrutis des années post-guerre d’Algérie, à laquelle la génération des appelés post-68 s’est durement heurtée et qui les a, en fait, vaincus (et c’est tant mieux), force est de constater que lorsqu’on entreprend de confier au corps des officiers des tâches « éducatives » ou de « liaison école-armée », le résultat est très vite un endoctrinement catastrophique et stupide. D’ailleurs, la préparation à la guerre qui vient ne requiert nul endoctrinement des jeunes. Les jeunes, filles et garçons, n’ont pas à être formatés, coachés, bridés, réveillés, mis au pas.
Les forces armées de la guerre qui vient ne gagneront que si toute mise au pas de la jeunesse est détruite. Mais évidemment, ce ne sont pas le président, le CEMA et les généraux de maintenant qui sont capables de miser sur les forces existantes réelles, celles de ces jeunes révoltés par la crise climatique, par le racisme et le sexisme, mobilisés pour sauver Gaza, et dont certains sont allés s’engager et se faire tuer en Ukraine, sans encadrement de scrogneugneu voulant leur inculquer de gré ou de force une prétendue « force d’âme ». Ils ont la force d’âme, ils savent que l’avenir est grave, ils veulent y faire face ! Que l’on arrête de prendre les jeunes pour des idiots !
En fait, nos gouvernants, parce qu’ils ont peur de la guerre antifasciste, démocratique, pour la liberté des peuples, de la guerre climatique et féministe qui vient, lui substituent l’image d’une guerre conventionnelle sous parapluie nucléaire des deux côtés « d’ici quatre ou cinq ans ».
Ils seront détrompés, cela pourrait aller plus vite, et en voulant nous programmer ainsi, ils se font les premiers saboteurs de la préparation à ce qui vient !
Une partie significative du corps des officiers et des généraux et officiers à la retraite, du corps préfectoral et de l’appareil d’Etat, attachée au nucléaire et aux dernières colonies françaises appelées « outremer », vise d’ailleurs en réalité à s’entendre avec Poutine, dans le cadre d’une Europe et d’une France dominées par l’extrême droite et l’union des droites.
Il ne restera alors plus, de la préparation à la guerre appelée de ses vœux par le CEMA, que la mise au pas de la jeunesse et du pays, au nom d’une « force d’âme » qui sera celle de la collaboration avec les Trump et les Poutine !
Et quand Nathalie Artaud cite les fières paroles de l’Internationale, S’ils s’obstinent ces cannibales, A vouloir faire de nous des héros, Ils sauront bientôt que nos balles, Sont pour nos propres généraux, elle oublie juste la conclusion : Paix entre nous, Guerre aux tyrans ! Guerre, oui, guerre : le couplet des généraux de l’Internationale est lui-même un cri de guerre, contre les tyrans !
Se contenter de dire que la Russie n’est pas une menace – avec Trump – contre les peuples d’Europe et du monde, et que tout vaut mieux que la guerre avec les tyrans, n’est pas une posture révolutionnaire, mais bien une forme de l’union sacrée : avec le puissant courant collaborationniste du capitalisme et de l’appareil d’Etat !
La rupture révolutionnaire, la rupture démocratique, l’indépendance de classe, l’auto-organisation, exigent une force politique abordant frontalement la question de la préparation à la guerre comme une nécessité pour notre camp social. Pas de guerre contre les peuples en effet, pas plus contre le peuple russe que contre tout autre : guerre aux tyrans, comme le dit l’Internationale !
Et c’est ainsi que nos enfants ne se feront pas tuer !
VP, le 20/11/25.
18.11.2025 à 20:58
aplutsoc
Mercredi 12 novembre dernier, a eu lieu le vote à l’Assemblée nationale sur l’article du PLFSS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale) « suspendant », ou plus exactement décalant, la contre-réforme des retraites de Macron.
Les députés PS, une majorité des députés du groupe écologiste (sauf 4 abstentions dont Alexis Corbière et Clémentine Autain, François Ruffin votant pour), et d’autre part le RN, ont voté pour. Les députés LFI et PCF, et d’autre part la majorité des LR (25 contre, 8 pour, 9 abstentions) d’Horizons et tous les ciottistes, ont voté contre. Le gros des députés ci-devant macroniens se sont abstenus tout en se disant contre sur le fond. L’article a donc été adopté. Le Sénat a immédiatement entrepris de le liquider.
Selon LFI, c’est une tromperie illustrant la « trahison des socialistes » alliés de Macron, voire du RN, qui auraient « voté pour la retraite à 64 ans ». Selon Olivier Faure, dirigeant du PS, c’est une « victoire importante ».
Remarquons aussi que pour les partisans de l’union des droites, tous les rameaux dits « gaullistes » (Horizons, LR, UDR) qui ont pris position contre, ceci constitue un recul inadmissible. Ils y voient d’autant plus la nécessité d’encadrer le RN, ce dernier n’ayant pas pu faire autrement que voter pour, dans l’union des droites au pouvoir qu’ils appellent au fond de leurs vœux.
Mais revenons aux déchirements qui servent à empêcher l’unité politique de notre camp social.
Jetons aussi, pour cela, un coup d’œil aux positions syndicales.
La CGT, la FSU et Solidaires écrivent dans leur appel à une journée d’action le 2 décembre : « Par notre mobilisation depuis le mois de septembre, nous avons obtenu l’abandon du vol de 2 jours fériés et le décalage de la réforme des retraites, première brèche en vue de son abrogation. » FO rappelle également vouloir l’abrogation.
La CFDT insiste pour dire qu’il y a bien « suspension » et appelle à « faire de cette pause un temps utile en vue de construire un nouveau système ». L’UNSA salue un « pas important qui devra en appeler d’autres ».
Cette « suspension » qui consiste en un « décalage » ne mérite ni des excès d’honneur, ni des excès d’indignité. Cracher dessus en parlant de trahison, c’est mépriser les petits gains revendicatifs qui sont toujours importants pour les travailleurs d’en bas, à la fois matériellement et symboliquement, donc politiquement. Mais il est évident qu’il ne s’agit pas de l’abrogation et que le pouvoir manœuvre. Tout pouvoir capitaliste quand il opère une concession, d’ailleurs, manœuvre !
Toutefois, à cela ne se limite pas la portée de ce sujet. Tout le monde sait qu’il est hyper-politique et touche à la fonction présidentielle et donc à la survie des institutions antidémocratiques de la V° République. Ce petit pas pour les salariés qu’est le décalage de quelques mois pour quelques millions d’entre eux, est une cassure irrémédiable pour le président Macron.
S’il est donc grotesque de hurler à la trahison absolue, il est tout à fait vrai que ce recul a été emballé par Lecornu dans un paquet empoisonné : l’ensemble formé par le projet de budget hérité de Bayrou et par le PLFSS.
Et rappelons l’origine de ce « machin » qu’est le PLFSS : c’est le plan Juppé de 1995 qui l’a institué, plaçant la gestion de l’argent du salaire socialisé de la classe ouvrière sous le contrôle du Parlement. Du point de vue de notre classe, les députés n’ont pas à gérer les comptes de la Sécurité sociale qui devrait être administrée par les élus des travailleurs, actifs, retraités, en recherche d’emploi ou en formation !
Alors, osons poser la question : un député ayant dans son bagage tout ce que porte… Aplutsoc, il aurait fait quoi ce 12 novembre ?
C’est assez simple, mais il fallait y penser : il aurait proposé une loi parlementaire, indépendante, portant, quels que soient les contenus de la loi budgétaire et du PLFSS, sur la suspension de la réforme des retraites.
Et il aurait combattu pour qu’un maximum de députés élus au titre du Nouveau Front Populaire en 2024, première force de cette Assemblée, en fasse autant.
Et peut-être même, du coup, serait-on allé jusqu’à l’abrogation complète, si toutefois la pression sociale, celle de septembre 2025 à laquelle tire un coup de chapeau l’appel CGT/FSU/Solidaires au 2 décembre, contraignait les députés RN à ne pas jouer leur rôle de petits suppôts des lois antisociales…
Si cela n’a pas été fait, ce n’est pas seulement, soyons modestes, parce que nous n’avons pas de députés, mais surtout parce que la désunion qui fait le jeu de l’ennemi est déjà là et qu’il n’y a eu ni l’idée ni la force commune parmi suffisamment de députés, qu’ils soient de l’Après, écologistes, socialistes, insoumis ou communistes, pour imposer ce décalage, cette suspension, voire cette abrogation, comme vote législatif indépendant des manœuvres de l’exécutif.
Mais c’était possible. Et tout reste possible si l’on impose l’unité, dans la grève, dans la rue, comme entre les partis du NFP.
Ce samedi, une partie des comités issus du mouvement du 10 septembre (« Bloquons tout ») avaient lancé l’idée d’une manifestation centrale visant les lieux de pouvoir. Ils ont ainsi indiqué la direction nécessaire à prendre, ce pour quoi nous les avons appuyés. Cela dit, totalement occultée dans les médias (à la différence du 10 septembre) et subissant la pression de la division politique, cette « indication de direction » n’a pas marqué de manière décisive la situation. Elle n’en est pas moins significative, de la braise qui couve et ne demande qu’à se renflammer.
Il y a donc eu à Paris une manifestation plutôt réussie, suscitant une forte inquiétude préfectorale et une concentration policière disproportionnée, de 1000 à 2000 Gilets jaunes pour l’anniversaire de ce grand mouvement social visant le pouvoir central, dans la meilleure tradition française disons-le (celle de 1792 !), suivi d’une AG d’une grosse centaine de participants, suivie par plus de 500 personnes en streaming, le tout très jeune et « abandonné » par l’ensemble des députés, notamment LFI, qui avaient annoncé leur présence, et ne sont finalement pas venus. À quoi il faut ajouter une cinquantaine d’actions diverses dans toute la France.

L’autre évènement de ce samedi a été la tenue d’un forum sur l’école et l’éducation du regroupement formé à Bagneux début juillet pour l’unité du NFP, à Trappes. Or, ledit forum s’est transformé en autre chose à l’initiative des « ténors » et notamment des candidats potentiels à des présidentielles qui s’y sont retrouvés – Marine Tondelier, Lucie Castets, Olivier Faure, François Ruffin, Clémentine Autain : ils ont saisi cette occasion pour promettre une primaire de la gauche pour après les municipales.
On peut s’interroger sur le choix du moment, cet appel unitaire étant au fond accéléré non par l’unité, mais par la division, entre la pression de LFI et de Mélenchon d’un côté, celle de l’aile droite du PS et de la candidature Glucskmann de l’autre. Car en effet l’unité n’est pas un besoin déterminé seulement par le calendrier électoral institutionnel, surtout quand celui-ci est aussi incertain qu’actuellement, mais avant tout par les besoins des plus larges masses. C’est dire qu’elle ne peut en aucun cas faire l’impasse de la mobilisation sociale.
Toute primaire réussie comme toute offensive parlementaire indépendante des manœuvres de l’exécutif ne se feront qu’en étant portées par la mobilisation large et autonome des plus larges masses. Quelles que soient les difficultés, confusions, et tout ce que l’on veut, c’est là le message de la manifestation « anniversaire » des GJ de ce 15 novembre.

Sans attendre le vote de quelque budget que ce soit, préfets, recteurs et directeurs académiques préparent des milliers de suppressions de postes dans l’Éducation nationale, avec l’intention de ne les révéler qu’après le second tour des municipales !
Et Lecornu vient de tendre la main à la majorité plus ou moins LR et LR-compatibles et apparentés, c’est-à-dire à la minorité illégitime, qui tient le Sénat, très mécontente du décalage de la réforme des retraites et des autres « petits reculs » qu’il a dû, du fait du mouvement social de septembre 2025, placer dans le budget (sur les restes à charge, les retraités, etc.). Il leur propose (à l’occasion des « Assises des départements » ce vendredi 14 novembre) la mise en place d’une « allocation sociale unique » fusionnant prime d’activité, RSA, aides au logement, les LR et apparentés voulant y rajouter les Allocations Adultes Handicapés, de Solidarité aux Personnes Âgées, et de Soutien Familial. Il s’agit là d’un projet de Macron de 2017, repris par l’ultra-réactionnaire Wauquiez qui précise « interdit de dépasser 70% du SMIC », contre « l’assistanat ». À l’inverse de la logique socialisante de la Sécu, c’est la logique thatchérienne du recensement étatique, confié aux Départements, des « assistés » avec baisse globale des aides et contrainte sociale au « travail ».
Pas de doute, comme déjà avec le 10 septembre, tout doit et donc tout va rebondir, ces processus se combinant à la crise politique et aux municipales, qui n’y échapperont pas !
Le 18/11/2025.