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ARGUMENTS POUR LA LUTTE SOCIALE


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02.10.2025 à 12:02

1er octobre, journée des défenseur-es de l’Ukraine. Sotsialnyi Rukh.

aplutsoc

Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée des défenseurs et défenseuses de l’Ukraine, nous saluons tous ceux et celles qui défendent notre territoire, en particulier nos camarades de gauche, les travailleurs de tous les secteurs et les syndicalistes qui ont quitté leur vie paisible et leur lieu de travail pour se joindre aux rangs des Forces […]
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Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée des défenseurs et défenseuses de l’Ukraine, nous saluons tous ceux et celles qui défendent notre territoire, en particulier nos camarades de gauche, les travailleurs de tous les secteurs et les syndicalistes qui ont quitté leur vie paisible et leur lieu de travail pour se joindre aux rangs des Forces armées ukrainiennes contre l’armée russe. Cette fête célèbre votre courage et votre abnégation, votre capacité à faire passer la liberté et la vie des gens avant votre propre bien-être. C’est grâce à vos efforts que toute la société tient bon.

Le Sotsialnyi Rukh s’efforce d’apporter un soutien complet aux militaires, qu’il s’agisse d’une aide juridique pour obtenir les avantages sociaux auxquels ils ont droit ou d’une aide financière pour répondre à leurs besoins les plus urgents. Nous sommes aidés dans cette tâche par des représentants de réseaux internationaux de solidarité qui sont conscients de la valeur planétaire de la résistance ukrainienne. Il est regrettable que les autorités ukrainiennes, par leurs décisions, compliquent souvent l’accomplissement du devoir militaire en réduisant la protection sociale tant des défenseurs eux-mêmes que des couches populaires dont ils sont majoritairement issus.

Nous espérons que l’expérience acquise dans l’armée sera utile dans la vie civile et renforcera la capacité à lutter collectivement pour un avenir meilleur, tout en introduisant dans la politique une demande de véritable justice.

Défenseurs et défenseuses de l’Ukraine, vous êtes l’espoir de tout le monde libre.

Sotsialnyi Rukh, 1er octobre 2025

Source : RESU / PLT

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01.10.2025 à 23:09

Hegseth et Trump prennent des mesures pour s’assurer la loyauté des hauts gradés de l’armée envers eux par dessus la Constitution. Par Oakland Socialist.

aplutsoc

Il y a quatre jours, Oaklandsocialist mettait en garde contre la réunion imminente de tous les hauts gradés avec Hegseth et Trump. « Attention aux démarches de Trump/Hegseth au sein de l’armée américaine !» écrivions-nous. Nous expliquions qu’il s’agirait d’une mesure visant à garantir la loyauté totale des hauts gradés envers Trump, plutôt qu’envers la Constitution américaine, […]
Texte intégral (905 mots)

Il y a quatre jours, Oaklandsocialist mettait en garde contre la réunion imminente de tous les hauts gradés avec Hegseth et Trump. « Attention aux démarches de Trump/Hegseth au sein de l’armée américaine !» écrivions-nous. Nous expliquions qu’il s’agirait d’une mesure visant à garantir la loyauté totale des hauts gradés envers Trump, plutôt qu’envers la Constitution américaine, c’est-à-dire les instruments traditionnels du pouvoir capitaliste.

Nous expliquions qu’il s’agissait de prendre des mesures pour garantir que les élections de 2026 ne conduisent pas Trump à perdre le contrôle des deux chambres du Congrès. Nous expliquions également que cela impliquait la théorie de l’« exécutif unitaire » de la présidence. (Voir notre article pour plus d’explications et cet article pour une analyse historique de cette idée et de ses conséquences.)

Il était évident que c’était bien de cela qu’il s’agissait. Bien sûr, il serait exagéré d’attendre d’un seul dirigeant syndical ou d’un seul syndicat qu’il lance un tel avertissement. Surtout quand certains syndicats soutiennent le pire candidat de MAGA – Vivek Ramaswamy – au poste de gouverneur de l’Ohio, et sans la moindre protestation de la part d’aucun autre secteur du mouvement syndical. Il serait également exagéré d’espérer que le mouvement socialiste – tel qu’il est – y prête attention.

Après tout, la plupart d’entre eux ont effectivement fait campagne pour Trump l’année dernière. Ils l’ont fait en concentrant tous leurs tirs sur les Démocrates pendant la campagne électorale, sans un seul avertissement quant à ce que Trump et MAGA leur réservaient. Depuis, ils n’ont rien appris. Presque pas un mot sur les droits de douane. Presque pas un mot sur la menace que Trump représente pour les élections de l’année prochaine. Presque pas un mot sur les attaques de Trump contre les médias grand public ou les grands cabinets d’avocats. Oh non ! Cela les ferait passer pour des partisans du Parti démocrate, qu’ils considèrent comme le plus grand danger. Même quelques démocrates commencent à s’inquiéter des actions de Trump concernant les prochaines élections – un peu tard et discrètement, mais au moins ils disent quelque chose.

La réunion militaire a eu lieu et a confirmé tout ce que nous avions écrit. Lors de la réunion des hauts gradés aujourd’hui, Hegseth a donné le ton à Trump, en disant aux généraux que s’ils n’adhéraient pas totalement à son programme, ils devraient démissionner. Trump a poursuivi sur sa lancée. Il a déclaré que les villes américaines sont « des endroits très dangereux, et nous allons les redresser une par une. Et cela va être un point crucial pour certaines personnes présentes dans cette salle. C’est aussi une guerre. C’est une guerre intérieure. J’ai dit [au secrétaire à la Défense Pete Hegseth] que nous devrions utiliser certaines de ces villes dangereuses comme terrains d’entraînement pour nos militaires – [pas seulement] la Garde nationale, mais aussi nos militaires, car nous allons bientôt intervenir à Chicago. »

Il en a dit beaucoup plus (que nous analyserons la semaine prochaine), mais l’objectif principal de la réunion était de garantir que lorsque Trump ordonnera à l’armée de violer la Constitution américaine, il obtiendra une obéissance absolue sur toute la ligne. Leur capacité à y parvenir dépendra en grande partie de la manière dont les soldats obéiront sans hésitation aux ordres. Cela dépendra en grande partie de l’ampleur de la résistance ouvrière. À en juger par toutes les performances, une telle résistance devra se développer de manière semi-spontanée et organique, car les dirigeants de la classe ouvrière – les dirigeants syndicaux – ne feront rien pour l’organiser, et la gauche socialiste, qui n’est en grande partie que la « couverture de gauche » des dirigeants syndicaux « progressistes » (lorsqu’ils n’affichent pas leurs références « révolutionnaires »), ne le fera pas non plus… même si elle avait des racines dans la classe ouvrière, ce qui n’est heureusement pas le cas.

Il appartient donc aux socialistes issus de la classe ouvrière de se préparer dès maintenant. Une étape importante consiste à trouver des syndicalistes prêts à organiser des groupes de base au sein des syndicats, désireux et capables de s’organiser pour une véritable transformation de nos syndicats. Ce n’est pas une tâche facile, certes, mais cela n’a jamais été aussi nécessaire.

Le 01/10/2025.

Source : https://oaklandsocialist.com/2025/10/01/hegseth-trump-take-step-to-ensure-military-brass-loyalty-to-them-over-constitution/

Nota : L’intégrale du discours prononcé par Peter Hegseth le 30 septembre 2025 devant la crème des généraux de l’armée US est disponible sur Le Grand Continent.

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01.10.2025 à 23:00

Le meurtre de Charlie Kirk et la répression à venir. Par Oakland Socialist.

aplutsoc

Note : Ceci est le deuxième volet d’une série de deux articles sur le meurtre de Charlie Kirk et ses conséquences. Le premier, qui explique notamment la nature violente de ses idées politiques, s’intitule « Le meurtre de Charlie Kirk : mythes et réalité ». Le triumvirat Trump/Vance/Stephen Miller utilise le meurtre de Charlie Kirk pour accélérer et intensifier […]
Texte intégral (2452 mots)

Note : Ceci est le deuxième volet d’une série de deux articles sur le meurtre de Charlie Kirk et ses conséquences. Le premier, qui explique notamment la nature violente de ses idées politiques, s’intitule « Le meurtre de Charlie Kirk : mythes et réalité ».

Le triumvirat Trump/Vance/Stephen Miller utilise le meurtre de Charlie Kirk pour accélérer et intensifier ses plans répressifs. Interrogé sur la contradiction entre les propos de ses partisans et la déclaration selon laquelle « le discours de haine est une liberté d’expression », Trump a déclaré : « Pam Bondi s’en prendrait probablement à des gens comme vous ! Parce que vous me traitez si injustement ! C’est de la haine !… Peut-être qu’ils s’en prendront à ABC… Nous voulons que tout soit juste. Ce n’est pas le cas. Et la gauche radicale a causé d’énormes dommages au pays, mais nous y remédions.»

Après avoir fait pression sur CBS pour que l’émission de fin de soirée soit retirée de l’antenne, l’administration Trump a réussi à faire licencier Jimmy Kimmel. À qui le tour ? Bien sûr, lorsque l’humoriste noire Amber Ruffin a été exclue du dîner des correspondants de la Maison-Blanche pour avoir provoqué la colère de Trump, cela s’est passé sans que personne ne s’en aperçoive. Comme toujours, les attaques contre les Noirs passent généralement inaperçues.

Voici Stephen Miller, probablement le cerveau derrière cette organisation, premier à canoniser saint Charlie Kirk : « Le dernier message que Charlie m’a envoyé était… Nous devons mettre en place une stratégie structurée pour traquer les organisations de gauche qui promeuvent la violence dans ce pays… » Miller a poursuivi en parlant de la gauche : « Les campagnes de doxxing organisées, les émeutes organisées, la violence de rue organisée, les campagnes de déshumanisation organisées, la publication d’adresses publiques, combinées à des messages, visent à déclencher et à alimenter la violence… » Il a également affirmé que la gauche « est un vaste mouvement terroriste intérieur. Dieu m’en est témoin, nous allons utiliser toutes les ressources dont nous disposons au ministère de la Justice, au ministère de la Sécurité intérieure et dans tout le gouvernement pour identifier, perturber, démanteler et détruire ces réseaux et rétablir la sécurité en Amérique… Cela arrivera et nous le ferons au nom de Charlie.»

On le voit maintenant : une nouvelle loi répressive a été adoptée sous le nom de « loi Charlie Kirk » !

Quand les Républicains pratiquent la projection
En psychologie, le phénomène de projection désigne le fait de projeter sur autrui des pensées et des sentiments que l’on éprouve soi-même. On ne saurait trouver de meilleur exemple de projection politique que ces propos de Trump et Miller. Mais ils sont plus que cela. Ils témoignent d’une volonté manifeste d’intensifier la répression gouvernementale, non seulement contre la gauche socialiste, mais aussi contre le Parti démocrate. Ceci doit être interprété à la lumière de l’intention manifeste de l’administration Trump d’annuler les élections de 2026, si elle le juge nécessaire.

La réponse des Démocrates
La réponse du Parti démocrate a été de tenter d’apaiser Trump. Chuck Schumer, commentant le meurtre de Charlie Kirk, a déclaré : « En fin de compte, c’est le jour où tous les Américains devraient se rassembler… S’unir, c’est ce que nous devons faire. » Son homologue à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, a adopté la même position : « Ce moment exige un leadership qui rassemble les gens, et non qui cherche à nous diviser davantage », a-t-il déclaré. « La violence, sous toutes ses formes, contre quiconque, est inacceptable. Et à l’avenir, nous devons trouver un moyen de nous rassembler, non pas en tant que Démocrates ou Républicains… non pas en tant que Noirs, Blancs ou Latinos, mais en tant qu’Américains. »

Ils ont tous deux complètement perdu de vue que Charlie Kirk et Trump ont tout fait pour écraser quiconque s’oppose à leurs politiques. Comment est-il possible de « s’unir » avec les Républicains et leur horde MAGA qui menace et recourt à la répression et à la violence ?

La plupart des Démocrates progressistes n’étaient guère plus progressistes. Le sénateur Bernie Sanders n’a pas beaucoup différé de Schumer et Jeffries. Il a déclaré que « cette montée effrayante de la violence a ciblé des personnalités publiques de tous les horizons politiques… » ce qui n’est guère le cas. L’écrasante majorité de la violence et des menaces de violence est venue de MAGA. La députée Alexandria Ocasio-Cortez a fait un commentaire incompréhensible et baragouiné.

Jasmine Crockett
De toutes les personnalités publiques, celle qui s’est exprimée avec la plus grande clarté est la députée Jasmine Crockett, toujours aussi acerbe. Sur CNN, on lui a demandé si les critiques avaient raison lorsqu’ils qualifiaient l’utilisation de termes comme « fasciste » ou « nazi » de trop provocateurs. Elle a répondu : « Ils ont absolument tort. C’est une réalité. Ils refusent que les Américains connaissent l’histoire… » Elle a poursuivi sur cette lancée pendant plusieurs minutes, soulignant notamment les avancées de Trump vers l’autoritarisme et les violences et menaces de violence dont les Républicains sont responsables. Voir l’intégralité de ses commentaires ici.

À l’exception de Jasmine Crockett, cependant, les commentaires sérieux de personnalités et de sources importantes sont rares et distants.

Le silence assourdissant des syndicats et le vide qui en résulte
Une source rarement prise en compte, tant son silence est assourdissant, est celle des syndicats et de leurs dirigeants. Tout comme lorsque Trump a déployé la Garde nationale à Los Angeles et à Washington, et menace de l’envoyer ailleurs, les syndicats restent silencieux face à la situation dangereuse qui se dessine. Vous pouvez consulter le site web de n’importe quel syndicat, des sections locales aux fédérations internationales, en passant par les fédérations locales et l’AFL-CIO, et vous n’y trouverez aucun article ni commentaire sur l’identité de Charlie Kirk, la signification de son assassinat ou la répression actuelle.

Résultat : à chaque tournant des événements, grands ou petits, aucune force significative ne présente les choses du point de vue de la classe ouvrière américaine. En période de tensions extrêmes, des dizaines de millions de personnes recherchent des explications extrêmes. Il faut également garder à l’esprit, tout au long de l’histoire des États-Unis, cette tendance à rechercher des explications simplistes et des complots.

Mise à jour : Cela devient encore pire. Depuis la publication de cet article, nous avons été informés que la Conférence des Teamsters de l’Ohio, la Conférence des plombiers et tuyauteurs de l’État de l’Ohio, la Conférence des charpentiers du Midwest central, le Conseil des métiers du bâtiment et de la construction de Cleveland et le Conseil des métiers du bâtiment du Nord-Ouest ont approuvé la nomination du démagogique et menteur Vivek Ramaswamy pour le poste de gouverneur de l’Ohio.

Les DSA et la gauche « révolutionnaire »
Compte tenu du vide existant, on pourrait penser que l’accueil réservé par la classe ouvrière à une voix socialiste sérieuse aurait un réel potentiel. Le seul groupe socialiste d’importance est les Democratic Socialists of America (DSA). Leurs coprésidents nationaux, Megan Romer et Aashik Saddique, ont publié une déclaration intéressée une semaine environ après l’assassinat de Charlie Kirk et le début de la répression menée par Trump et ses complices.

Tout en prenant en compte les mesures répressives de Trump, ils étaient loin de reconnaître suffisamment la grave menace qu’elles représentent. Ils n’ont même pas évoqué l’échec criminel de la direction syndicale. Au contraire, ils ont plutôt fait l’inverse. Et, bien sûr, ils n’ont rien fait pour contrer la canonisation de Charlie Kirk ni pour expliquer la violence qu’il représentait et qui perdurera en son absence. Leur article se félicitait de l’action de DSA et de ses avancées. Quant aux groupes prétendument révolutionnaires, s’ils ne l’avaient pas déjà fait des années auparavant, ils se sont condamnés, au mieux, à l’insignifiance il y a un an, alors que la quasi-totalité d’entre eux soutenaient de fait l’élection de Trump. Ils y sont parvenus en dirigeant toutes leurs attaques contre les Démocrates, sans jamais émettre le moindre avertissement quant aux agissements de Trump et de MAGA si Trump était élu, ou même s’il ne l’était pas. Ceci, bien sûr, après des années d’excuses adressées au principal centralisateur et chef de file de la réaction mondiale, y compris du fascisme pur et dur : Vladimir Poutine. Vivant dans la terreur perpétuelle de paraître soutenir les Démocrates, la plupart de ces groupes socialistes soi-disant révolutionnaires sont restés silencieux, à ce jour, sur le meurtre de Charlie Kirk.

Théories complotistes et antisémites d’extrême droite
En conséquence, une « explication » antisémite du meurtre de Charlie Kirk gagne du terrain. C’est précisément ce que notre article « L’antisémitisme est un danger croissant », mais pas de la manière dont vous l’imaginez. Les antisémites réactionnaires comme Candace Owens affirment que Charlie Kirk a été assassiné par un complot organisé par Israël. Elle compte près de 5 millions d’abonnés. Ces antisémites d’extrême droite sont rejoints par les forces pro-Poutine qui se cachent derrière une rhétorique de gauche. Grayzone, de Max Blumenthal, en est un exemple. Ces forces gagnent désormais les voix de la gauche libérale. On voit Kyle Kulinski, qui compte près de deux millions d’abonnés, reprendre les affirmations de complot antisémite véhiculées par des personnalités comme Candace Owens et Grayzone.

Charlemagne Tha God
Il convient de mentionner ici tout particulièrement Charlemagne Tha God, qui a souvent des propos très réfléchis. Cependant, il a repris la ligne dominante du Parti démocrate en déclarant que « les deux camps doivent modérer leur rhétorique ». Il ne s’agit pas de modérer leur rhétorique. Il s’agit d’expliquer clairement et ouvertement ce que Charlie Kirk défendait réellement, à savoir la violence politique, et d’expliquer clairement et ouvertement le grave danger que représentent les manœuvres autoritaires de Trump.

Perspectives
Comment les choses pourraient-elles évoluer à partir de maintenant ? Le Wall Street Journal a récemment publié un article intitulé « Ce que les PDG pensent vraiment de Trump ». Il y rapportait une réunion privée de certains des plus grands PDG au cours de laquelle ils avaient exprimé leur mécontentement envers Trump. Mais ils se sont tous laissés réduire au silence, voire pire, en public.

Ni eux ni les autres institutions capitalistes, comme les grandes universités, les grands cabinets d’avocats et les chaînes de télévision grand public, ne tiennent tête à Trump. Parallèlement, nous observons le risque d’une stagflation. Je me souviens de cette époque, à la fin des années 70 et au début des années 80, où le chômage était élevé mais où les prix continuaient d’augmenter. C’est ce qui a conduit à l’élection de Ronald Reagan. La stagflation va accroître le mécontentement de dizaines de millions de personnes aux États-Unis. Il semble également que le scandale Epstein ne soit pas près de disparaître. Et puis, lors d’une élection potentiellement d’importance nationale, il semble toujours que Mamdani sera élu maire de New York. Tout cela signifie que le triumvirat Trump pourrait outrepasser ses pouvoirs, par exemple en déployant la Garde nationale et l’ICE à New York, où ils commenceraient probablement à rafler des migrants haïtiens. Cette situation se répercuterait sur les Noirs américains de souche et susciterait un tollé au sein des communautés noires du pays.

Parallèlement, une paralysie du gouvernement fédéral [le shutdown] semble se profiler.

Comment se préparer
D’une manière ou d’une autre, le rôle des syndicats est central, ou plus précisément, à l’heure actuelle, leur absence. C’est pourquoi, il est important d’expliquer aujourd’hui le rôle central que peuvent jouer les syndicats. Cela inclut de faire émerger tout mouvement issue des rues sur les lieux de travail. Expliquer cela et trouver des groupes, réduits au départ, composés de syndicalistes et de jeunes issus de la classe ouvrière, prêts à engager le débat sur ce sujet parmi les syndiqués peut constituer une première étape importante. En l’absence d’une campagne concertée ciblant les syndicats et la classe ouvrière en général, le risque d’actes insensés de destruction de biens, voire d’agressions sur des individus, demeure. De telles actions pourraient être menées par l’ultra-gauche ou par de véritables provocateurs, et elles ne feraient qu’accentuer la répression exercée par Trump et ses complices.

Le 20/09/2025.

Source : https://oaklandsocialist.com/2025/09/20/the-murder-of-charlie-kirk-and-thecoming-repression/

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01.10.2025 à 17:18

Adresses Numéro 15 – Le nouveau pays du mensonge déconcertant.

aplutsoc

Le numéro 15 de la revue électronique Adresses – Internationalisme et démocratie est paru en date du 30 septembre 2025. Vous pouvez télécharger le numéro 15 ici. Et nous reproduisons l’introduction qui donne la description de ce numéro consacré à la Russie de Poutine Le nouveau pays du mensonge déconcertant Les articles réunis dans ce numéro […]
Texte intégral (1675 mots)

Le numéro 15 de la revue électronique Adresses – Internationalisme et démocratie est paru en date du 30 septembre 2025.

Vous pouvez télécharger le numéro 15 ici.

Et nous reproduisons l’introduction qui donne la description de ce numéro consacré à la Russie de Poutine

Le nouveau pays du mensonge déconcertant

Les articles réunis dans ce numéro témoignent que ce qui se cache derrière cette « fédération » est en réalité une nouvelle prison des peuples. Même si les gardiens de cette prison déploient beaucoup d’énergie pour se faire passer pour les champions anti-impérialistes du tiers-monde, ils ne sont que les gardes-chiourmes d’un régime d’oppression et d’exploitation qui, à défaut d’être nouveau, à des caractéristiques propres.

Ce numéro d’Adresses présente une particularité : la plupart des articles ont été rédigés par des auteur·es qui combattent ou ont combattu au sein même du ventre de cette bête-là.

Quels mensonges se cachent derrière le mot Russie ? Le mot « Russie » recouvre la plus grande fédération du monde avec quatre-vingt-cinq structures de six types différents (républiques, oblasts, kraïs…), plus de cent peuples et ethnies différents et, bien sûr, une longue histoire de domination de type colonial et impérial.

  • « Décoloniser la Fédération de Russie », p. 28.

La Fédération de Russie prend dans son histoire l’aspect d’un empire, comme le montre Adélaïde Burgundets.

  • « La vie sous l’empire russe », p. 75

Yorgos Mitralias nous donne un exemple caractéristique de l’utilisation mensongère, volontaire ou non, du mot « russe » pour désigner les différentes personnes ou communautés vivant dans la Fédération de Russie :

  • « Mensonge, fraude et sacrilège », p. 100

Derrière le mot russe, opèrent les « Grand-Russes » et leurs systèmes de domination : Denis Paillard analyse le nationalisme grand-russe et sa traduction poutinienne :

  • « Poutine et le nationalisme grand-russe », p. 23

Dans le précédent numéro, le n°14, nous avions publié un texte de Kirill Medvedev : Protestations en temps de guerre à l’intérieur des frontières de la Fédération de Russie, dont l’auteur concluait :

Des citoyens engagés de différentes régions de Russie réapprennent à faire de la politique dans de nouvelles conditions. Ils sont contraints de forger de nouveaux liens au-delà des barrières érigées par les autorités et de recoder les rituels soutenus par l’État. Est-il possible de créer un espace politique dans lequel la lutte pour la terre contre les fonctionnaires fédéraux et les entreprises devient un front commun, et où les traditions patriarcales dépassées cessent d’être un moyen de terroriser, de diviser et de paralyser la société ? C’est peut-être possible, mais cela exigera non seulement que les militants locaux fassent preuve de courage et d’ingéniosité, mais aussi qu’ils bénéficient d’une attention, d’un soutien et d’une solidarité non dogmatiques, au-delà de toutes les frontières.

Ce numéro 15 a aussi été conçu comme un soutien aux résistances des peuples et une solidarité avec les oppositions, notamment celles des femmes, comme le montre Liliya Vejevatova.

  • « Féminisme et résistance à la guerre », p. 102

Faut-il encore répéter à une certaine gauche « pavlovienne » que la Fédération de Russie n’est plus l’URSS (qui n’avait elle-même que peu de rapports avec le socialisme) et que ses soutiens aux dictatures n’ont rien à voir avec l’internationalisme ?

Les crimes de guerre commis par les armées à Marioupol, Grozny, Alep… relèvent de la Cour pénale internationale et de la Cour de Justice internationale. De plus, l’enlèvement de dizaine de milliers d’enfants ukrainien·nes à des fins de « russification » entre dans la catégorie des génocides.

Les textes publiés ici abordent donc les résistances et les actions de solidarité. Pour cela, ils analysent la nature et les contradictions internes du régime poutinien. Ilya Budraitskis, Ilya Matveev, Volodymyr Ischenko et Hanna Perekhoda nous en donnent des éclairages circonstanciés :

  • « Ce régime ne peut pas évoluer », p. 7
  • « Le régime de poutine se débat dans ses propres contradictions », p. 15
  • « Sur la nature du régime russe et ses perspectives », p. 37
  • « Pour Poutine, ce qui compte vraiment ce n’est pas l’Ukraine mais le contrôle sur la Russie », p. 46

Dans ces débats, le mot et les réalités du « fascisme » sont forcément interrogés. C’est ce à quoi s’emploient Olga Reznikova, Zakhar Popovitch, Ilya Budraitskis et Andreas Umland :

  • « Les « gens ordinaires » et le fascisme », p. 49
  • « Vers le fascisme », p. 56
  • « Le poutinisme, c’est le fascisme. Pourquoi est-il nécessaire de le dire aujourd’hui ? », P. 65
  • « Trois utilisations du concept de fascisme pour comprendre la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine », p. 83

Enfin, les problèmes soulevés par l’insertion de la Fédération de Russie dans la multipolarité impérialiste, la place de l’extractivisme des appareils militaires, des politiques extérieures – en particulier en Afrique – et par la guerre menée contre l’Ukraine sont examinés par Giovanni Savino, Michael Pröbsting et Ilya Matseev :

  • « Poutine et la paix impossible », p. 96
  • « Trois utilisations du concept de fascisme pour comprendre la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine », p. 83
  • « La guerre de Poutine contre l’Ukraine n’est pas une question de sécurité mais d’intérêts impérialistes », p. 40

Enfin, pour comprendre que la Fédération de Russie n’est pas la Russie, il n’est pas inutile de revenir sur des événements historiques, tus ou déformés, dans nos esprits « russifiés » par une longue nuit de propagande.

C’est ce à quoi nous invite, entre autres, Zbigniew Marcin Kowalewski avec son livre Révolutions ukrainiennes (1917-1919 & 2014) qui vient de paraître aux Éditions Syllepse et La Brèche. Un détour vers les travaux de Moshe Lewin [1], entre autres Russie/URSS/Russie (1917-1991) (Syllepse/M. Éditeur/Page 2) peut également être utile.

Enfin, il est nécessaire de souligner l’importance de la revue Posle (« Après » en russe). Bilingue, en russe et en anglais. Soutenir Posle, c’est soutenir les voix qui s’élèvent contre la guerre criminelle déclenchée par la Russie en Ukraine. C’est une façon d’exprimer notre solidarité avec les personnes qui luttent contre la censure, la répression politique et l’injustice sociale. Ces opposant·es ont besoin de nouveaux compagnons d’armes. Les soutenir, c’est faire le choix d’une alternative sociale et démocratique au-delà des frontières nationales.

En tant que communauté d’auteurs partageant les mêmes idées, nous condamnons la guerre qui a déclenché une catastrophe humanitaire, causé des destructions colossales et entraîné le massacre de civils en Ukraine. Cette même guerre a provoqué une vague de répression et de censure en Russie. En tant que membres de la gauche, nous ne pouvons pas considérer cette guerre indépendamment des immenses inégalités sociales et de l’impuissance de la majorité des travailleurs. Bien sûr, nous ne pouvons pas non plus ignorer l’idéologie impérialiste qui s’efforce de maintenir le statu quo et se nourrit du discours militariste, de la xénophobie et du sectarisme.

https://www.posle.media

[1] Moshe Lewin est né à Wilno en Lituanie en 1921. Réfugié en URSS pendant la Deuxième Guerre mondiale, il combat dans l’Armée Rouge où il s’est engagé. Après la guerre, il vit et milite en Pologne, en France, puis en Israël, qu’il quitte en désaccord complet avec la politique du nouvel État. Installé en France, il est successivement directeur d’études à l’École pratique des Hautes études, Senior Fellow à l’Université Columbia (New York) et professeur à l’Université de Birmingham (Grande-Bretagne), il termine sa carrière comme professeur à l’Université de Pennsylvanie. Il est un des plus grands spécialistes de l’Union soviétique. Il a notamment publié La formation du système soviétique (Gallimard, 1987) et Le siècle soviétique (Fayard, 2003).

Didier Epzstajn, Michel Lanson, Patrick Silberstein

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01.10.2025 à 16:42

« Babi Yar »: un chant poignant sauvé de l’abîme. Par LV.

aplutsoc

Cet article appelle à partager l’unique chant créé par une survivante à l’époque. Il raconte aussi sa transmission miraculeuse jusqu’à nous. Les 29 et 30 septembre, les communautés juives d’Ukraine commémorent le 84e anniversaire du massacre de Babi Yar. Ce jour ravive la mémoire des événements et rappelle à quel point l’avenir démocratique de l’Ukraine est […]
Texte intégral (7947 mots)

Cet article appelle à partager l’unique chant créé par une survivante à l’époque. Il raconte aussi sa transmission miraculeuse jusqu’à nous.

Babi Yar, 29 septembre 2025, cérémonie commémorative en présence du président Zelenski. Photo réalisée par la Fédération des communautés juives d’Ukraine.

Les 29 et 30 septembre, les communautés juives d’Ukraine commémorent le 84anniversaire du massacre de Babi Yar. Ce jour ravive la mémoire des événements et rappelle à quel point l’avenir démocratique de l’Ukraine est lié à la lutte contre l’antisémitisme et contre toute idéalisation du rôle joué par l’extrême-droite nationaliste ukrainienne au cours du XXe siècle.  Loin d’être une question d’histoire confiée aux délibérations des cercles académiques ou dont le débat public serait renvoyé prudemment à l’après-guerre, la mémoire qui se construit autour de Babi Yar est une épreuve décisive pour l’ensemble de la société ukrainienne aujourd’hui, pour sa lutte contre l’invasion russe,  pour l’édification d’une nation capable de mettre en commun l’apport de chacune de ses composantes dans un double combat contre l’impérialisme russe et contre la droite nationaliste. Sur ce point, je partage l’opinion du cinéaste S. Loznitsa qui déclarait en 2022 dans une interview sur son film « Babi Yar –Contexte » : « La résonance de l’événement aujourd’hui est simple : je dirais que le sort de ce pays dépendra de la manière dont les politiques vont se positionner par rapport à lui »[1]. 

A l’occasion de cet anniversaire, nous voudrions vous présenter un chant miraculeusement sauvegardé de l’abîme et parvenu jusqu’à nous: « Babi Yar », recueilli en 1947 auprès de Golda Rovinskaya qui avait alors 73 ans. Ce chant fait partie d’une collection unique de 710 chants yiddish créés pendant la Shoah, recueillis par un collectif dirigé par Moïsei Beregovski. Le fonds se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque Vernadsky de Kyiv. Un collectif « Yiddish Glory » a été formé pour faire revivre une partie de ces chants.
Laurent Vogel, RESU-Belgique.

[1] Interview publiée le13 septembre 2022 dans le quotidien « Le Monde ».

Si vous n’avez pas la patience de lire l’article, cliquez ici pour écouter la chanson.

Pochette du CD qui reprend les 17 chansons recréées par « Yiddish Glory » à partir des archives de Beregovski découvertes à la bibliothèque Vernadski de Kyiv. »Babi Yar » est la 11e chanson du CD.

Rappelons brièvement ce que fut Babi Yar[1].

Prise de Kyiv par l’armée nazie

Après la prise de Kyiv par les nazis le 19 septembre 1941, on estime qu’il y avait environ 120.000 Juifs dans la ville. Une partie d’entre eux étaient des réfugiés, survivants des massacres organisés en Ukraine occidentale dès le début de l’agression allemande contre l’URSS ; d’autres étaient des réfugiés arrivés antérieurement de Pologne. La majorité était des Juifs de Kyiv qui constituaient 26% de la population à la veille de la guerre, avec 224.000 personnes sur un total de 847.000 habitants en 1939[2].

La capitale ukrainienne était tombée à la suite d’un encerclement qui entraîna une des pires défaites soviétiques au cours d’une année qui n’en fut pourtant pas avare. Les mesures d’évacuation des Juifs avaient été décidées tardivement et n’avaient  eu qu’une portée limitée à cause de la débâcle. Dès leur entrée dans la ville, les nazis ont tenté d’orchestrer des pogroms avec l’aide d’activistes nationalistes. La population de Kyiv ne les a pas suivis. Il ne s’est produit rien de comparable aux pogroms de Lviv en juin et en juillet et de l’ensemble de la Galicie orientale[3].

Interrogations

Il serait simpliste de vouloir superposer la carte des pogroms avec une carte politique distinguant les territoires qui avaient connu le régime soviétique pendant une vingtaine d’années et ceux qui avaient été incorporés brutalement à l’Ukraine soviétique à la suite du pacte Hitler-Staline d’août 1939. Si les pogroms ont été nettement plus nombreux dans les « nouveaux territoires » de Galicie et de Volhynie (notamment à Loutsk), des villes situées en Ukraine soviétique depuis la fin de la guerre civile n’ont pas été épargnées comme Zhitomir en Ukraine centrale et Kamenets-Podolsk en Podolie. Par ailleurs, le territoire de l’Ukraine actuelle était administré suivant différentes modalités sous l’occupation allemande. Cela a exercé une influence sur les modalités de collaboration avec les forces nationalistes.

Une hypothèse qui mériterait être abordée plus systématiquement dans la recherche historique est celle des liens  entre les pogroms de 1941 et ceux qui ont ensanglanté une partie importante de l’Ukraine (et d’autres territoires de l’ancienne « zone de résidence ») pendant la guerre civile entre 1918 et 1921. Dans quelle mesure, cette vague d’une violence sans frein peut-elle avoir fonctionné comme la répétition générale d’un nettoyage ethnique de la population juive ? L’historien Nicolas Werth observe dans son introduction au Livre des pogroms « Dans l’ombre de la Shoah, les pogroms des guerres civiles russes de 1918-1921 sont restés un événement peu étudié, eu égard à l’ampleur exceptionnelle des massacres, les plus grands massacres de Juifs avant la Shoah : au moins 100.000 tués, 200.000 blessés et invalides, des dizaines de milliers de femmes violées, 300.000 orphelins dans une communauté de quelque cinq millions de personnes » [4]?

Le massacre

Avant la chute de la ville, le NKVD avait placé des mines dans un grand nombre de bâtiments administratifs de l’avenue Khreshchatyk au centre de Kyiv. Grâce à un système complexe de commande radio, ces mines ont été activées le 24 septembre. Plusieurs milliers d’occupants allemands ainsi que des civils ont été tués par les explosions et les incendies qui s’en suivirent. Les nazis et leurs collaborateurs de l’extrême-droite nationaliste [5] ont accusé, sans souci de vraisemblance, les Juifs de Kyiv d’avoir organisé les attentats.

‍Le 28 septembre, une proclamation des nazis ordonnent aux Juifs de se présenter dès le lendemain au carrefour de deux rues situées à proximité du ravin de Babi Yar. Le massacre commence dès le matin du 29 septembre lorsque la foule qui répond à la convocation est divisée en  groupes d’une trentaine de personnes. Chaque groupe est envoyé vers le ravin. Course dans la panique des coups de matraque des auxiliaires de police ukrainiens et des chiens dressés pour mordre. Une partie des victimes est envoyée au fond du ravin pour y être abattue. D’autres sont fauchées par des tirs de mitraillettes, debout sur une étroite bande de terre qui surplombe le ravin. Des soldats allemands surveillent la masse des corps et pratiquent un « tir de grâce » dès qu’ils détectent un mouvement. Il s’agit d’une organisation minutieuse de la mise à mort par fusillades. Elle répond à des exigences élevées de rationalité technique qui anticipe l’organisation industrielle de la mort dans les camps d’extermination. Elle permet de tuer 22.000 Juifs le 29 septembre. Tous ceux qui n’ont pas pu être tués ce jour-là seront assassinés le lendemain après avoir dû passer la nuit sur place. D’après les décomptes de l’armée allemande, 33.771 Juifs ont été assassinés en moins de 48 heures.

Ensuite, jusqu’à la fin de l’occupation nazie, Babi Yar deviendra un lieu d’exécution « généraliste » : on y tue aussi bien des Juifs que des opposants de toute nationalité, qu’ils soient communistes ou nationalistes, des Témoins de Jéhovah, des Rroms, des soldats de l’armée soviétique, des malades mentaux, des membres du clergé. Un certain nombre de collaborateurs ukrainiens, actifs aux côtés des nazis en 1941, sont exécutés en fonction de tensions et de ruptures politiques ultérieures. C’est le cas d’Ivan Rogach, rédacteur en chef d’Ukrainske Slovo, seul quotidien en ukrainien autorisé à paraître par l’occupant nazi à partir du 25 septembre 1941. Ca cadre de l’OUN-M fut exécuté à Babi Yar par ses anciens alliés en juin 1942. Son quotidien se distinguait par un antisémitisme agressif.

On ne dispose pas de statistiques précises sur ces exécutions. Les estimations des historiens peuvent aller jusqu’à 120.000 morts. Pendant toute l’occupation de Kyiv, Babi Yar a été le principal terrain d’exécutions massives.

Tentatives de camouflage

A partir de l’été 1943, les nazis prennent la décision de détruire les traces du massacre. Les dizaines de milliers de corps qui se trouvent dans le ravin doivent être exhumés et incinérés. Cette mission est confiée à un Sonderkommando d’environ 300 prisonniers du camp de Syrets établi à proximité du ravin. La résistance s’organise au sein du Sonderkommando dont les membres savent qu’ils seront eux-mêmes exécutés dès la fin de leur travail. Le 29 septembre 1943, un soulèvement est organisé. Sur la quarantaine de prisonniers qui ont pris part à la révolte, 14 ont survécu jusqu’à l’arrivée de l’armée soviétique. Vladimir Davidov, un des chefs de la révolte, a témoigné au procès de Nuremberg. D’autres survivants de ce Sonderkommando, comme Yakov Kaper[6], ont écrit leurs mémoires sur Babi Yar.

Pour sa part, l’extrême-droite nationaliste sent le vent tourner. L’OUN-B [7] organise un congrès extraordinaire en août 1943. Les nouveaux documents politiques adoptés sont exempts de toute revendication de l’antisémitisme. Ils passent sous silence l’activité de l’OUN-B depuis juin 1941 à l’encontre des Juifs. Ils promettent que le nouvel Etat indépendant respectera les minorités nationales juive et polonaise. L’OUN-B est prise au piège de ses propres représentations antisémites. Elle souhaite passer de l’alliance avec l’Allemagne à une alliance avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Elle est convaincue que la « juiverie mondiale » exerce une influence déterminante sur la politique de ces Etats. Les nouvelles proclamations n’empêchent pas l’organisation de poursuivre l’extermination de Juifs survivants réfugiés dans les forêts. Elles donneront cependant lieu, à partir du début du XXIe siècle, à une campagne de falsification historique dont on trouve l’expression dans de nombreux musées, monuments et commémorations, y compris à Babi Yar.

Pour se rendre du centre de Kyiv à Babi Yar, l’on peut passer par l’axe de communication que forment les avenues Bandera et Shukhevich [8],deux figures majeures d’un antisémitisme exterminateur. Cela en dit long sur un conflit mémoriel qui s’inscrit jusque dans la toponymie. Les tendances négationnistes semblent aujourd’hui l’emporter au niveau des autorités municipales à Kyiv comme dans de nombreuses autres villes. Le simple fait qu’un débat sur la collaboration interne soit possible en Ukraine indique cependant une différence réelle par rapport à la Russie. Comme l’observe Anna Colin Lebedev, le massacre de Zmievskaïa Balka, près de Smolensk (ouest de la Russie), dont l’ampleur est presque équivalente à celle de Babi Yar (22.000 victimes en deux jours, les 11 et 12 août 1942),  est quasiment ignoré. Ce débat est cependant entravé par des lois mémorielles répressives.

L’armée soviétique reprend Kyiv aux nazis le 6 novembre 1943. Peu à peu, la vie juive s’y réorganise. Très peu de Juifs ont survécu sur place, le plus souvent grâce à l’aide d’habitants non-Juifs. Des dizaines de milliers d’autres retournent à Kyiv à partir de la fin 1943. Il s’agit de civils qui avaient pu être évacués en 1941 et d’anciens militaires démobilisés avec la fin de la guerre Par ailleurs, les Juifs survivants des régions rurales et des petites villes d’Ukraine émigrent vers les grandes villes à la recherche de meilleures conditions d’existence. Ce mouvement aux causes sociologiques multiples correspond aussi à un réflexe vital, sécuritaire dans le contexte de l’après-guerre. Il est difficile d’envisager une coexistence là où les « voisins » ont directement pris part aux massacres.

Les deux verrous soviétiques

Dès 1947, le pouvoir stalinien cherche à enfermer les travaux historiques et la mémoire dans un espace étroitement surveillé. Il impose deux verrous [9].

Il est interdit de mentionner la spécificité du massacre des Juifs, c’est-à-dire d’un génocide qui a détruit environ deux tiers de la population juive d’Ukraine. Sur deux millions et demi de Juifs vivant en Ukraine au début de l’invasion nazie, il y aurait eu entre un million et un million et demi de morts. Ce génocide a anéanti de manière systématique chaque individu considéré comme Juif par les nazis et leurs collaborateurs, depuis les nouveaux-nés jusqu’aux vieillards. Dans la majorité des cas, la mise à mort s’est déroulée sur les lieux où vivaient les victimes ou à proximité de ceux-ci, sans transport, ni regroupement dans des camps. La formulation officielle soviétique dénonce les massacres de « citoyens pacifiques soviétiques » par les occupants fascistes. C’est une formule rituelle qui s’impose sur les plaques commémoratives (rarement mises en place) même là où l’on sait que 100% des victimes étaient juives et avaient été assassinées pour cette seule raison.

Le deuxième tabou concerne la collaboration. Des instructions strictes de la censure réduisent autant que possible les informations sur la collaboration de citoyens et d’organisations soviétiques pendant la guerre. Leur épuration après-guerre se poursuit « à bas bruit » sans procès spectaculaire, sans articles détaillés dans la presse, sauf quand les responsables poursuivis ont également mené des activités clandestines contre le régime après 1945. Les véritables collaborateurs actifs sont rarement distingués du reste de la population qui a survécu dans les territoires occupés. Il y a une sorte de stigmate général qui suspecte la loyauté de l’institutrice autant que celle du délateur zélé. La même stigmatisation concerne l’ensemble des personnes déportées vers l’Allemagne qu’elles soient civiles ou militaires. Le terme « bandériste » est utilisé arbitrairement par le pouvoir pour désigner l’ensemble des Ukrainiens se battant pour des droits nationaux, qu’ils soient réellement bandéristes (c’est-à-dire inspirés par l’idéologie de l’OUN-B) ou qu’ils se rattachent à d’autres courants politiques, y compris des dissidents marxistes ukrainiens. Dans l’historiographie soviétique officielle, les bandéristes sont surtout accusés de nationalisme. Leur antisémitisme n’est que peu abordé.

Je me limiterai ici à un trop bref aperçu de la lutte menée pour maintenir la mémoire de Babi Yar malgré la censure et la répression de l’époque soviétique. Il s’agit d’une des pages les plus lumineuses de l’opposition au régime dans les années soixante à Kyiv. Mais la lutte a commencé bien plus tôt, avant la fin de la guerre. En septembre 1944, le poète Dovid Hofshtein (1889-1952)[10] tente d’organiser un rassemblement à Babi Yar pour commémorer le troisième anniversaire du massacre. Les autorités interdisent l’initiative et évoquent lâchement le risque de pogrom. A partir de 1944, il ne se passe pas une année sans conflit. Des activistes adressent des lettres aux autorités pour demander que des commémorations soient organisées ou qu’un monument soit édifié. On ne leur dit jamais « non » de manière définitive. On évoque toujours une question d’opportunité, de tenir compte de la « sensibilité de la société », de ne pas insister trop sur le sort des Juifs pendant la guerre.

Le moment le plus grotesque de cette longue histoire se situe en 1966. Après avoir rejeté un projet de monument très « réaliste socialiste » qui représentait un homme agitant un drapeau de façon triomphale, les autorités placent une pierre au carrefour des rues Dorogozhitsky et Melnikova sur laquelle on peut lire en russe et en ukrainien : « Sur ce lieu, sera édifié un monument pour les victimes du fascisme pendant l’occupation allemande 1941-1943 ». Un quart de siècle d’atermoiements pour aboutir à cela ! La simple traduction de ce texte en yiddish a semblé inconcevable aux autorités.

‍La combinaison de cynisme brutal, de corruption et d’ineptie du pouvoir stalinien va paradoxalement servir la cause de la mémoire. Dans les années cinquante, les autorités municipales font tout pour faire disparaître les traces matérielles de Babi Yar. On utilise des déchets industriels mêlés à de la boue pour combler le ravin. Une nouvelle rue est construite avec une digue en raison des inondations fréquentes de ces quartiers. L’écrivain Viktor  Nekrasov s’oppose à ces projets urbanistiques qui semblent destinés à effacer Babi Yar de la carte. Il écrit un article courageux dans la Literaturnaya Gazeta du 10 novembre 1959 : « Pourquoi aucun monument n’a été construit ? ».

Mal conçue, mal construite, la digue s’effondre le 13 mars 1961. Une vague de boue déferle sur le quartier de Kurenevsky. Le bilan officiel est de 150 morts. Des rumeurs avancent le chiffre de 1.500 et attribuent le drame à une vengeance divine contre la tentative de dissimuler un crime. Du coup, Babi Yar revient sur toutes les bouches à Kyiv.

A partir de cette date, la lutte est menée en commun par des activistes juifs de différentes convictions politiques et d’autres secteurs de la dissidence soviétique. Les milieux démocratiques et socialistes ukrainiens des années soixante y jouent un rôle important avec, entre autres, Ivan Dziouba (1931-2022). Plusieurs commémorations illégales sont organisées sur les lieux du massacre. Les activistes peuvent être condamnés à de lourdes peines de prison. Boris Kochubevskii écope de trois ans de prison dans un procès qu’un samizdat de l’époque décrit comme « digne du procès Beilis » parce qu’il est émaillé de déclarations incendiaires antisémites. Le seul acte réel sur lequel repose le procès est sa prise de parole à Babi Yar, lors de la commémoration de 1968.  

‍Ce combat est aussi littéraire et musicale. Inspiré par le poème « Babi Yar » d’Evgueny Evtoushenko, Dimitri Chostakovitch crée sa symphonie n°13 en décembre 1962. Anatoli Kouznetsov qui vivait à proximité des lieux a publié un« roman-document » basé sur une recherche passionnée des témoignages et sur ses propres notes prises dès l’âge de 12 ans, dans les mois qui suivent le massacre. Son texte n’arrive à être publié qu’en 1966 dans la revue Iounost, fortement modifié par la censure. Il faudra attendre l’époque de l’exil de Kouznetsov (à partir de 1969) pour que soit publié le livre dans sa version intégrale[11].

Du « livre noir » à la recherche ethnomusicologique

Dès la fin de 1942, le Comité Antifasciste Juif, formé à Moscou, pour impulser le soutien des Juifs du monde entier au combat de l’URSS contre le nazisme, décide de recueillir une documentation systématique sur la Shoah qui est en cours. Les principaux rédacteurs du projet sont Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman. Ils coordonnent une équipe de près de 40 personnes et s’appuient sur environ 300 correspondants. En 1947, la montée de l’antisémitisme d’Etat aboutit à l’arrêt du projet alors que les épreuves du livre sont prêtes.

L’histoire du Livre Noir est bien connue depuis la fin de l’URSS[12]. Le livre a été enfin publié en russe par un éditeur de Vinius en 1993. Son souvenir ne s’était jamais complètement effacé avant 1989. Une version partielle du livre avait circulé dans une dizaine de pays en 1946.

Rien de tel en ce qui concerne le volet ethnomusicologique de la recherche sur la Shoah.  A ma connaissance, il n’existe aucune allusion concernant ce projet qui aurait été publiée avant 1989.

Il n’existait pas de lien formel entre l’équipe du « Livre noir », basée à Moscou dans le cadre du Comité Antifasciste Juif (CAJ), et les musicologues, basés àKyiv dans un cadre relativement autonome au sein de l’Académie des sciences de l’Ukraine soviétique. C’est le contexte politique qui établit une correspondance.

Le projet ethnomusicologique avait plusieurs atouts. Il ne faisait pas l’objet de la même surveillance de la part des autorités centrales. Il avait fallu l’autorisation de Staline pour former le CAJ. C’est une décision personnelle de Staline qui a provoqué l’assassinat de son président Mikhoels en 1948. A Kyiv, on se limitait à poursuivre une activité qui n’avait jamais été remise en cause par le pouvoir depuis 1929. Les enquêtes s’inscrivaient dans la continuité d’un projet d’une ampleur considérable qui avait été lancé dès 1912 par An-ski (1863-1920) [13]. Aux yeux des autorités, il ne constituait pas une innovation suspecte.

Le responsable de la recherche des chants yiddish sur la Shoah était précisément le musicologue qui avait assuré la continuité du projet d’An-ski sur plusieurs décennies, malgré les bouleversements politiques considérables. Il s’agit de Moisei Iakovlevich Beregovski (1892-1961)[14] [15].  

Beregovski avait été formé par une double éducation. D’abord yiddish, hébraïque et religieuse, dans un heder. Ensuite, à partir de l’âge de 13 ans, dans un « Gymnasium » (lycée) de Kyiv. Son éducation musicale était à la fois pratique (pendant son enfance, il semble avoir chanté dans des chœurs à la synagogue) et érudite, acquise au conservatoire de musique de Kyiv (1915) et à Petrograd (1920).  Sa formation concernant la méthodologie dans les recherches sur le folklore a été assurée par Klyment Kvitka (1880-1953), un acteur important de la renaissance culturelle ukrainienne des années vingt. Kvitka avait travaillé à l’enregistrement de la musique kobzar[16] dès 1908. Beregovski est parvenu à assurer la poursuite du projet initial d’An-ski grâce à la création de l’Institut pour la culture juive prolétarienne[17] à Kyiv. L’activité d’enquête ethnomusicologique s’est poursuivie de 1929 à 1949 (avec des rattachements institutionnels qui ont varié dans le temps). Pendant 20 ans, Beregovski en a assuré la direction.

Un projet qui prolonge un travail immense initié par An-ski

Les fonds de la bibliothèque Vernadski reposent sur un travail qui a été entamé dès l’époque tsariste. Il s’agit d’expéditions musicologiques et ethnographiques dans la zone de résidence où ont été confinés les Juifs depuis le règne de Catherine II jusqu’à la révolution de février 1917. La partie sonore du matériel collecté entre 1912 et 1949 a été préservée sur plus de 1.000 phonocylindres de cire (d’une durée qui varie de 2 à 7 minutes). Les enregistrements sont complétés par des transcriptions de textes de chanson, des partitions et d’autres documents sur le contexte des chansons.

Avant l’instauration du régime soviétique, ces expéditions ont été organisées par S. An-ski, J. Engel et Z. Kisselhof. Elles étaient liées à l’activité de la Société historique et ethnographique juive de Saint-Pétersbourg et aux Sociétés de musique juive de Moscou et de Saint-Pétersbourg (1908-1914). Elles reposaient aussi sur l’engagement politique d’An-ski qui avait adhéré au courant populiste révolutionnaire. Le travail ethnographique d’An-ski a toujours conservé une dimension militante. Suivant Valery Dymshits, il considérait que « les traditions sociales et les pratiques économiques (des communautés juives du sud-ouest de l’empire) permettraient d’instaurer le socialisme sans passer par le capitalisme » [18].

Presque trente ans plus tard, le volet spécifique lié à la Shoah reposait sur les mêmes méthodes d’investigation. Ses objectifs politiques n’ont pas pu être exprimés librement. Le pouvoir stalinien pouvait difficilement accepter qu’on enregistre des chansons populaires, sans passer par le processus d’édition et de censure, qu’il avait imposé aux rédacteurs du « Livre noir ».

Il s’agissait de recueillir les chansons créées par des Juifs pendant la guerre dans trois centres principaux de création. Dans les territoires d’Asie centrale, d’Oural et de Sibérie où vivait une partie de la population juive évacuée en 1941 pendant l’offensive allemande. Au sein d’unités de l’Armée soviétique dans les rangs de laquelle 440.000 juifs ont combattu pendant la deuxième guerre mondiale. Dans les territoires qui avaient été occupés où des enquêtes musicologiques furent lancées dès le retrait des troupes allemandes. Les enquêtes se sont  déroulées principalement en 1944 et 1945.

Liquider les porteurs de la mémoire de la Shoah

Tout a pris fin avec la liquidation par le pouvoir stalinien de l’Institut de la culture juive en 1949 suivie par l’arrestation de son directeur Beregovski en août 1950. Condamné en 1951, Beregovski a été enfermé dans un camp, Ozerlag, situé dans l’oblast d’Irkoutsk.Ce camp était destiné à des prisonniers politiques qui devaient travailler à la construction d’un tronçon de la voie ferrée BAM (ligne Baïkal-Amour). Beregovski a fait l’objet d’une libération conditionnelle en mars 1955 en raison de son mauvais état de santé.

L’ensemble du matériel recueilli depuis 1912 avait été mis sous scellées par les enquêteurs du MVD[19]. Jusqu’à leur mort, Beregovski et  ses collaborateurs ont pensé que ce travail de plus de trois décennies avait été anéanti.

Cette conviction était partagée par les historiens. Par ailleurs, aucun d’entre eux ne connaissait l’existence d’un volet spécifique concernant la Shoah. Dans une publication éditée à Moscou et à Jérusalem en 1994, on trouve encore l’affirmation suivante : « La collection phonographique, emportée par les occupants en Allemagne, a été découverte là-bas lors de l’offensive de nos troupes [20] et restituée à son propriétaire légitime, le Cabinet de la culture juive. Les fascistes ont fusillé tous les Juifs de Kiev à Babi Yar, mais ils ont soigneusement répertorié et évacué, lors de leur retraite, les rouleaux contenant des enregistrements de musique folklorique juive. Ces rouleaux de cire fragiles se sont avérés très résistants : ils ont survécu à Hitler. Mais ils n’ont pas survécu à Staline : lors de la liquidation du Cabinet de la culture juive, cette collection unique a disparu, comme tous les autres documents rassemblés dans le Cabinet du folklore juif. On dit que les rouleaux ont été transportés en camion hors de la ville et détruits. ».

En réalité, les caisses contenant ces matériaux avaient  été transmises à la Bibliothèque scientifique centrale de l’Académie des sciences de la République socialiste soviétique d’Ukraine, plus connue actuellement comme Bibliothèque Vernadski. Beregovski n’en a jamais été informé après sa libération. Très affaibli par le camp et par un cancer, il se savait un des derniers détenteurs d’une connaissance unique, immense de la musique populaire yiddish. Il avait travaillé sur les niggunim hassidiques avec la même passion que pour les chants prolétariens, la musique Klezmer ou les Purim Shpillen [21]. Il a passé ses dernières années à ordonner ses notes, ses articles, ses souvenirs, cherchant sans grand espoir à faire survivre au-delà de sa propre mort tout ce qui pouvait être communiqué sur la musique populaire yiddish dans un pays où le seul usage de la langue était désormais considéré avec suspicion.

Les caisses ont été conservées en bon état. Leur contenu semblait des âmes errantes, incapables de porter le trouble pour rappeler leur présence au monde comme aurait pu le faire un dibbouk. Le catalogue avait complètement disparu : incurie de la police soviétique ou destruction volontaire ?

Le miracle s’est pourtant produit … à deux reprises au moins [22]!

Deux ou même trois miracles

Le premier miracle est que des chercheurs ont fini par ouvrir ces caisses. Ils ont été éblouis par leur découverte. Un catalogue a été dressé par Lyudmila Sholokhova. Le cercle étroit des musicologues, un certain nombre d’historiens de la Shoah ont pu accéder à ce trésor. La bibliothèque Vernadski a fait ce qu’elle a pu pour faire connaître ce trésor. Elle a réussi à inscrire le fonds registre au Registre « Mémoire du monde » de l’UNESCO. A partir de 1995, les cylindres ont été  réenregistrés de façon à permettre aux chercheurs de travailler sans craindre de détruire un matériel unique.

Le deuxième miracle a été le passage, au début des années 2000, à Kyiv d’Anna Sthernshis, une historienne spécialisée dans la culture yiddish de l’époque soviétique. Elle s’était rendue à la bibliothèque Vernadski. Elle enseigne le yiddish et est passionnée de musique. C’est sans doute le croisement de ses champs d’activité qui l’ont immédiatement convaincue que les chansons créées pendant la Shoah devaient être écoutées de nouveau et rendues accessibles à un large public.

Sous le label « Six degrees », un intense travail collectif a été mené pendant trois ans pour faire revivre dix-sept des 710 chansons qui avaient été recueillies par l’équipe de Beregovski. Il a pris le nom « Yiddish Glory ». Nous sommes redevables au chanteur-compositeur russo-américain Psoy Korolenko, à l’historienne Anna Shternshis, à la direction du violoniste russe Serguei Erdenko, à la chanteuse de jazz Sophie Milman  et à d’autres artistes lyriques et musiciens.

Dans la plupart des cas, la mélodie n’était pas mentionnée. Elle a fait l’objet d’un travail de re-création musicale basé sur des mélodies empruntées à d’autres chants yiddish. Désormais, des concerts sont organisés, l’ensemble du matériel est accessible sur des réseaux sociaux comme YouTube. Un CD est disponible. En 2025, une tournée est annoncée en Amérique latine. Elle sera organisée au Costa Rica, en Argentine, au Brésil et au Panama.

La chanson « Babi Yar »

La chanson de cet ensemble qui s’intitule Babi Yar a été recueillie le 22 juin 1947 par Hina Shargorodsky. Son autrice, Golda Rovinskaya avait alors 73 ans.

C’est une chanson d’une beauté poignante qui décrit le retour plein d’espérance d’un homme (sans doute un soldat démobilisé) qui apprend que sa femme, son enfant unique, tous ses proches ont été assassinés. La musique est basée sur « In droysn geyt a regn» (« Quand il pleut dehors »), une chanson sur l’amour d’une jeune fille et la mort qui surviendrait s’il n’était pas partagé par son bienaimé

Le premier couplet nous apprend qui est l’homme qui chante. Peu à peu, sa voix se déplace. Elle rapporte les mots des quelques survivants qui étaient sur place, dans la ville, lors du massacre. L’homme s’efface. Seul le langage poétique de ceux qui étaient là peut rendre compte du massacre. On imagine que l’autrice a voulu rapporter les quelques mots murmurés à la sauvette en yiddish par les survivants restés sur place pour tenter d’expliquer l’indicible aux Juifs revenus du front ou de l’arrière. Cette impossibilité de communiquer entre le deuil et une victoire qui résidait dans la seule survie physique a été observée à l’intérieur des communautés juives en Pologne comme en Ukraine, en Russie et dans tous les lieux où la Shoah s’est déroulée sur place.  J’y vois un écho de la chanson « Unter di khurves fun Poyln » qui commence ainsi « Sous les ruines de Pologne/ Une tête aux cheveux blonds/ Cette tête et ce désastre/ Ils sont là, réels tous les deux ».

Au quatrième couplet, le dernier vers peut être un écho de l’époque des grandes luttes. La description de Babi Yar où « fun blut iz die ert gevoynt rot » (la terre était devenue rouge par le sang ») évoque un autre chant, né quarante ans plus tôt, qui jurait « de vaincre les forces obscures ou de tomber en héros dans la bataille ». Il s’agit de « Die Shvue , l’hymne du Bund [23], où c’est le drapeau qui est rouge par le sang (« fun blut iz zi royt »). Du chant de combat aux seuls mots permettant d’évoquer la catastrophe quarante ans plus tard, le rouge-sang s’est répandu du drapeau sur la terre. Raccourci vertigineux de l’histoire : ces vers étaient de Shlomo An-Ski , celui par qui débuta la quête musicale qui nous a exhumé le chant « Babi Yar ».

Chaque couplet est scandé par un « Oy » qui ouvre le troisième vers. Cette interjection est une forme abrégée et courante de «  oy vey ». Elle clame la souffrance mais elle guide aussi les musiciens d’un rythme qui aurait pu être presque enjoué. C’est une mélodie qui se colle dans notre mémoire, qui y poursuit son chemin même si on voulait l’oublier.

Le couplet final est une conjuration, un avertissement, un cri d’alarme. Elle se veut optimiste mais il en émane une angoisse déchirante. Un doute ronge le triomphalisme des discours sur la victoire dans la « grande guerre patriotique ». On peut y voir le reflet de la tentative désespérée de reconstruire une vie juive à Kyiv à la fin des années quarante (c’est, malgré tout, « undzer land », notre pays). On peut y deviner une protestation contre la double remontée de l’antisémitisme à laquelle on a assisté en Ukraine autour à la fin des années quarante (« undzere soyne zukht vi er nokh azoyne », « notre ennemi cherche encore une victime »). Vers 1947, l’ennemi ne pouvait pas être l’Allemagne défaite. Il n’avait pas besoin de franchir les frontières avec des panzers. Il était là. Un et multiple. Tant l’antisémitisme populaire, attisé dans certaines régions par le conflit armé entre nationalistes et autorités soviétiques, que l’antisémitisme d’Etat qu’une personne qui avait traversé toute la première moitié du siècle pouvait deviner à travers les signes avant-coureurs des grandes campagnes contre le cosmopolitisme.

Laurent Vogel, le 28 septembre 2025.

Source : https://www.solidarity-ukraine-belgium.com/post/84e-anniversaire-du-massacre-de-babi-yar-un-chant-poignant-sauve-de-labime

Nota : L’article originel est agrémenté de nombreuses illustrations que nous n’avons pas pris le temps de reproduire.

NOTES
[1] Je me permets d’être bref. Je renvoie les lecteurs à un article que j’ai publié sur ce site en septembre 2023 à l’occasion du 82e anniversaire, ainsi qu’à l’article ample (en anglais) de Christopher Ford, un historien britannique, très actif dans la solidarité avec l’Ukraine, qui a pris part aux activités du RESU dès sa création. La majorité des références bibliographiques ont été transformées en hyperliens de manière à permettre un accès aux sources ou aux références directement sur internet.

[2] Source : V.Khiterer, 2020.

[3] Le début de la Shoah en Galicie Orientale est analysé avec précision dans le livre de Michèle Moutier-Bitan, « Le pacte antisémite. Le début de la Shoah en Galicie Orientale », Paris, éd. Passés Composés , 2023.

[4] N. Werth, L. Miliakova, Le livre des pogroms, Antichambre d’un génocide, Ukraine, Russie, Biélorussie, 1917-1922, Paris, Calmann Levy, 2010. Parmi les travaux historiques, je recommande particulièrement: Henry Abramson, A Prayer for the Government: Ukrainians and Jews in Revolutionary Times 1917-1920. Cambridge, Mass: Harvard University Press, 1999. Comme témoignage direct, on peut lire : S. Schwarzbard, Les mémoires d’un anarchiste juif, publié en traduction française en 2010. Sur Kyiv en particulier : T. Choppard, Le Martyre de Kiev : 1919. L’Ukraine en révolution entre terreur soviétique, nationalisme et antisémitisme, 2015.

[5] A Kyiv, en 1941, l’essentiel de la collaboration avec les nazis provient de l’OUN-Melnyk.

[6] La traduction anglaise des mémoires de Kaper est en libre accès sur internet.

[7] OUN : organisation des nationalistes ukrainiens créée en 1929. En février1940, l’OUN se divise en deux groupes, désignés par le nom de leur chef suprême : OUN-B (Stepan Bandera) et OUN-M (Andrei Melnyk).

[8] Depuis la Pologne et l’Allemagne, Bandera n’a pas pris part à la Shoah sur le terrain, il en a été un des organisateurs et des idéologues, placé à la tête d’une organisation très disciplinée, tenue à obéir inconditionnellement à son providnyk (guide). Roman Choukhevych a été le principal cadre militaire de l’OUN (y compris avant la scission entre bandéristes et melnykistes). Son bataillon Nachtigal joue un rôle décisif dans les deux grands pogroms de Lviv. Jusqu’à la fin de la guerre, Choukhevych dirigera des massacres contre les Juifs ainsi que contre la minorité polonaise. L’historien Grzegorz Rossoliński-Liebe a écrit en allemand une biographie très complète de Bandera. Ce livre a été traduit en anglais en 2024.

[9] Ils sont notamment signifiés dès octobre 1947 aux responsables de la rédaction du Livre noir (Voir https://auschwitz.be/images/_expertises/2021-van_praag-grossman.pdf )

[10] Assassiné à Moscou avec la plupart des autres dirigeants du CAJ durant la nuit du 12 août 1952 au cours de ce qui a été parfois surnommé « la nuit des poètes juifs assassinés ».

[11] F. Leichter-Flack, Babi Yar, Un palimpseste politique, « La vie des idées », novembre 2012.

[12] Bonne synthèse dans : Ilya Altman, Histoire et destinée du Livre Noir, Préface à l’édition russe qui est reprise dans l’édition française du Livre Noir publiée en 1995.

[13]An-Ski, pseudonyme littéraire de Shloyme (ou Shlomo) Zanvl Rappoport, écrivain yiddish, ethnologue et cadre politique du populisme révolutionnaire dans l’empire russe. Il est mondialement connu pour avoir écrit la pièce de théâtre « Le Dibbouk ».

[14] Je dois à différentes publications de l’historienne Evguenya Khazdan d’avoir découvert l’histoire passionnante de Beregovski. Elle a dirigé la publication bilingue (original en yiddish et traduction russe) d’Essais de Beregovski sur la musique populaire yiddish.

[15] Il existe depuis 2022 un film d’Elena Yakovich consacré à la vie de Beregovski. Je ne l’ai malheureusement pas vu. J’ai appris son existence par le journal Forward de New York.

[16] Les kobzars sont des bardes itinérants jouant d’un instrument à corde (kobza) dont l’origine se situe dans les sociétés nomades d’Asie centrale. Cette tradition s’est étendue sur un vaste territoire qui correspond à des régions de l’Ukraine, de la Moldavie, de la Hongrie et de la Roumanie actuelles. Sous le régime soviétique, cette tradition a décliné. Elle renaît en Ukraine depuis une vingtaine d’années.

[17] L’historiographie actuelle en Ukraine tend à s’y référer comme Institut de culture juive.

[18] In : Le Dibbouk. Fantôme du monde disparu , p.37.

[19] Le MVD est le ministère des affaires intérieures. Il s’agit d’une nouvelle appellation donnée au NKVD en 1946 lorsque tous les « commissariats du peuple » (mis en place après la révolution d’octobre 1917) furent remplacés par des « ministères ».

[20] Cette version repose principalement sur un témoignage de la fille de Beregovski. Les archives (ou une partie des archives ?) auraient été emportées par les nazis et récupérées ensuite en 1945 par l’armée soviétique. D’autres sources, notamment le projet déposé à l’UNESCO par la bibliothèque Vernadski, mentionnent une évacuation vers Oufa, en Bachkirie soviétique, où toutes les activités de l’Académie des sciences de l’Ukraine soviétique avaient été transférées et où a vécu Beregovski entre 1941 et 1944. Quoi qu’il en soit, la dernière partie du texte (destruction lors des purges staliniennes) a été démentie par la suite des événements…

[21] Beregovski a publié une anthologie (partiellement inachevée) de la musique populaire juive. Les différents volumes témoignant de son intérêt pour les multiples expressions de la création populaire : le 1er volume, Chansons de travailleurs et révolutionnaires juifs, est publié en 1934 ; le 2ème volume, Chansons folkloriques juives, est achevé en 1938, mais n’a pas été publié ; le 3ème volume traite de la Musique folklorique juive instrumentale ; le 4ème volume concerne les mélodies juives sans paroles, ou niggounim [1999] ; le 5ème volume est relatif au théâtre et pourim-shpils.

[22] A trois reprises si l’on tient compte de ce qu’a rapporté la fille de Beregovski sur les caisses retrouvées par l’armée soviétique en Allemagne en 1945.

[23] “Die Shvue” (le serment) a été adopté comme hymne par le Bund. Les paroles sont basées sur un poème d’An-Ski de 1902. Le même texte, dans une version modifiée, a été repris comme hymne par le parti sioniste socialiste Poalei Zion. Cela témoigne de la popularité du poème d’An Ski parmi les travailleurs de l’ancien Yiddishland et de l’absence d’étanchéité stricte à la base du mouvement ouvrier dans l’empire tsariste.

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01.10.2025 à 16:39

« Les manifestations de la génération Z ont le vent en poupe. »

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Sous ce titre, qui est du New York Times, nous donnons la traduction d’un article paru dans ce quotidien « de référence » nord-américain ce 1° octobre 2025. L’on peut sans doute se risquer à dire que nous avons un mouvement mondial de la jeunesse, comme on disait en 1968, mais cette fois de la jeunesse pauvre […]
Texte intégral (773 mots)

Sous ce titre, qui est du New York Times, nous donnons la traduction d’un article paru dans ce quotidien « de référence » nord-américain ce 1° octobre 2025. L’on peut sans doute se risquer à dire que nous avons un mouvement mondial de la jeunesse, comme on disait en 1968, mais cette fois de la jeunesse pauvre et prolétarienne, et un mouvement partie d’Asie orientale, qui est en train de déferler sur Madagascar. En Europe, ce sont la Serbie, le plus important soulèvement de la jeunesse depuis mai 68, et les mouvements pro-démocratie et anti-corruption en Ukraine. Et, depuis le 10 septembre, il y a au moins un français notoire qui s’inquiète de ce qui pourrait germer et grossir et s’attache à provoquer et réprimer : M. Retailleau !

Document

Les manifestations de la génération Z ont le vent en poupe.

Le mois dernier, le Népal, l’Indonésie, les Philippines et Madagascar ont connu d’importantes manifestations menées par des jeunes indignés par la corruption gouvernementale et les inégalités. Un drapeau commun flottait au-dessus de chaque manifestation : une tête de mort souriante coiffée d’un chapeau de paille.

Ce drapeau est tiré d’un manga et d’une série animée japonais de longue date intitulé « One Piece », qui suit une bande de pirates combatifs face à un gouvernement corrompu et répressif. La franchise, récemment relancée en live-action sur Netflix, a été doublée dans plus d’une douzaine de langues et a conquis un public considérable, avec plus de 500 millions d’exemplaires de la version imprimée.

L’une des premières fois que le drapeau a flotté lors de manifestations, c’était en 2023, lors de marches pro-palestiniennes en Indonésie et en Grande-Bretagne. Depuis, il est devenu un symbole des manifestations organisées par la jeunesse à travers le monde.

Il était accroché aux portes du complexe gouvernemental népalais, incendié lors des manifestations qui ont finalement renversé le gouvernement. Il a été peint sur les murs de Jakarta et hissé par la foule à Manille. Cette semaine, il a fait son apparition à Madagascar, où des manifestations ont forcé la dissolution du gouvernement lundi. (1)

« Nous savons que la génération Z manifeste partout dans le monde, et nous voulions utiliser des symboles qui parlent à notre génération », a expliqué Rakshya Bam, 26 ans, l’un des organisateurs népalais de la manifestation de la génération Z, à ma collègue Hannah Beech. « Le drapeau pirate, le Jolly Roger, c’est comme un langage commun maintenant. »

Le drapeau « One Piece » n’est pas seulement un emblème, c’est une allégorie. Le protagoniste, Luffy, est un terroriste ou un combattant de la liberté, selon la personne à qui l’on pose la question. Son chapeau de paille emblématique était un cadeau de son héros d’enfance, qui croyait que Luffy et sa génération finiraient par triompher.

L’intrigue rend ce symbole particulièrement percutant, a confié à ma collègue Hannah Irfan Khan, un autre manifestant népalais. « Le pirate, c’est comme une façon de dire que nous ne tolérerons plus l’injustice et la corruption », a-t-il déclaré.

Ce n’est pas la première fois que les manifestants s’unissent à des références culturelles liées à la jeunesse. Dans les années 2010, les manifestants contre un coup d’État militaire en Thaïlande ont adopté le salut à trois doigts du film dystopique « Hunger Games », un geste qui perdure dans des pays comme la Birmanie.

« Je pense que nous entrons dans une nouvelle ère d’organisation qui s’inspire largement de la culture numérique, pop et des jeux vidéo, créant un vocabulaire commun », a déclaré Raqib Naik, directeur du Center for the Study of Organized Hate, un groupe de surveillance américain qui surveille l’activité en ligne et la désinformation.

Le drapeau « One Piece » est utilisé par des manifestants qui se trouvent à des milliers de kilomètres les uns des autres. Mais ils sont liés par la culture commune de leur génération, fusionnant récits populaires et politiques contestataires pour former une force qui a fait tomber au moins deux gouvernements – et ce n’est pas fini.

Pranav Baskar, le 01/10/2025.

(1) Et au Maroc, et au Pérou …

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