HACKING SOCIAL
Le hacking social est une méthode qui tend à transformer les environnements sociaux vers plus d’autodétermination, d’altruisme, d’autotélisme, d’intelligence sociale, émotionnelle et cognitive.26.05.2025 à 10:58
[Σ0-3]Ne plus voir la vie comme un jeu uniquement nul ?
Viciss Hackso
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Texte intégral (9610 mots)
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On a vu au cours de notre exploration, qu’un jeu non nul, qu’on pourrait appeler « gagnant gagnant » (les personnes gagnent ensemble), ou coopératif, avait beaucoup plus de conséquences positives tant personnellement que collectivement : les personnes dans le jeu non nul avaient plus d’affects positifs et de satisfaction de la vie, des relations satisfaisantes, un comportement prosocial, une confiance interpersonnelle, une confiance dans les institutions sociales, moins de comportement de sapage social (par exemple, diffuser des rumeurs sur les collègues ou retarder intentionnellement le travail pour ralentir les collègues). Politiquement, elles faisaient preuve de plus de soutien à l’immigration, plus de soutien à l’égalité des genres, plus de soutien à l’égalité ethnique, plus de soutien aux droits LGBTQIA+, plus de libertés civiles, plus d’engagements envers la démocratie, leur soutien était accru à l’accueil des réfugiés et à la résolution des conflits.
Si l’on devait résumer, les croyants à somme nulle sont envahis par des idées de menace et d’esprit de « guerre » contre eux et/ou leur groupe, alors que les autres souhaitent et visent une paix collective tous ensemble.
En renversant ces découvertes, ce qui pourrait éviter de déclencher la croyance en la somme nulle serait une agréabilité haute, un SDO bas, une triade noire basse ou absente, une recherche de compréhension des phénomènes sociaux qui prend son temps et évalue tous les facteurs, une empathie cognitive en se mettant à la place des différents acteurs d’une situation qu’on essaye de comprendre, se sentir en sécurité et en confiance avec les gens, se concentrer sur les possibilités qu’on a et non ce qu’on craint de perdre.
Vivre dans une situation non menaçante, sans pénurie et inquiétude, dans un pays avec un fort PIB, une croissance, avec une variété de partis politiques, des dirigeants prenant leur responsabilité et une situation sans enjeux inquiétants, faciliterait le jeu coopératif.
Ceci étant dit, cette croyance en un jeu coopératif, bien que des conséquences positives ait pu être souligné par la recherche, peut être considérée comme naïve, stupide. Toutes les études ou chiffres qu’on pourrait apporter à son crédit peuvent n’avoir aucun effet, notamment avec l’argument que la vie est objectivement un jeu à somme nulle.
« Mais on vit des vrais jeux à somme nulle, refuser de voir leurs règles c’est être naïf, risquer de se faire avoir/perdre »
Et au risque de vous surprendre, je ne vais pas vous contredire : oui, il y a quantité de situations, de moments, de contextes, dans quantité d’environnements sociaux variés où les règles du jeu sont à somme nulle. Certains en tirent une fierté et une aura de pouvoir dont ils rayonnent, puis s’enragent quand un adversaire prend le lead, puis retrouvent leur shoot de fierté dominatrice lorsqu’ils l’ont abattu, ainsi de suite jusqu’au prochain adversaire. J’ai connu des joueurs et joueuses à somme nulle qui étaient comme addict à ce jeu, et comme n’importe quel accro, ils faisaient en sorte que les environnements sociaux tombent dans la même addiction, en imposant le jeu par tous les moyens possibles qu’ils avaient. Alors, qu’on soit le genre de joueur qui kiffe ce genre de jeu ou le rejette pour en préférer d’autres, on a tous été obligés à un moment donné d’y jouer, d’adopter ce logiciel pour au moins éviter de souffrir, pour éviter de perdre le peu qu’on a, pour survivre, pour ne pas être rejeté.
Mais est-ce que pour autant la vie devrait se réduire à ce jeu ? Est-ce que c’est vraiment ce qu’on souhaite au fond de nous, annuler toute possibilité de sincère amitié mutuelle à autrui ? Est-ce qu’on veut vraiment empêcher toute relation où la joie d’autrui est aussi la nôtre et se démultiplie ? Est-ce que vraiment on veut se passer d’un plaisir collectivement célébré, ce qui en démultiplie les satisfactions ? Est-ce qu’on veut se passer du soutien dans les pires conditions et ne plus pouvoir en tirer un sentiment d’appartenance à l’humanité qui préserve un peu de dignité ? Est-ce que c’est vraiment enviable d’abandonner tout espoir de s’assembler pour créer, changer les choses avec une puissance démultipliée parce qu’on se sent en sécurité même face aux plus grands défis ? Faut-il annuler cela sous prétexte qu’on est forcé au jeu nul parfois ? Faut-il renoncer à notre nature d’animal social parce que certains ont perdu ou supprimé toute leur capacité empathique sous des influences morbides ?
Je ne vais pas argumenter sur la réalité du jeu à somme nulle dans certaines circonstances, qu’on le considère généralisé ou spécifique, parce qu’il me semble que l’enjeu qui nous concerne tous est plutôt les jeux qui nous seraient plus collectivement profitables de vivre. Ainsi, qu’on affronte une situation qui serait factuellement à somme nulle (par exemple être une cible dans une guerre) ou reposant sur des sentiments de menace (par exemple croire qu’on est au bord de la guerre civile alors qu’on n’a aucun fait démontrant qu’on est ciblé), l’enjeu est, il me semble, de vraiment être au clair sur ce qu’on veut. Et je pense qu’on peut tous être d’accord sur l’importance de se sentir en sécurité, sans être à la merci de menaces qui nous font peur ou nous mettent sur le qui-vive constamment, ou génère des peurs de perdre tout ce qu’on a acquis.
Or, c’est ce à quoi participe la croyance en la somme nulle.
Elle nous fait croire que lorsque « l’adversaire » aurait moins que nous, que ce soit en droit, en ressources, en statut, en likes et en vues, c’est qu’on aurait « gagné », donc qu’on serait davantage en sécurité, mieux dans la vie : c’est faux. L’affect positif que l’on a de l’échec d’un « ennemi » n’est qu’un shoot transitoire qui ne créé rien, ni sécurité, ni aucune relation sociale durable participant à ce sentiment de sécurité.
Qu’un « adversaire » ait plus en droits, en ressources, en statut, en likes et en vues ne va pas nous faire sentir plus en sécurité. Il ne s’agit pas de nier les injustices et les inégalités qui sont évidemment pesantes car nous avons besoin de ressources et de droits pour pouvoir vivre dignement. Mais ce n’est pas en retirant des droits et des ressources vitales à un pseudo « ennemi » que cela va régler l’injustice et l’inégalité, parce qu’on se contenterait de déplacerait l’injustice sur d’autres individus ou groupe. La structure stressante perdure, et rien ne nous garantit qu’elle switche ensuite encore sur notre groupe, ce qui maintient ce stress et ses peurs dont on croyait s’être débarrassé en gagnant sur un adversaire. Le vrai problème causant les injustices est dans les règles des structures injustes, et les suivre en étant tout aussi injuste, pour « gagner », ne va faire que renforcer l’idée qu’on est incapable d’en jouer ou d’en créer d’autre, ce qui valide ce jeu comme ayant de bonnes règles.
Les vrais enjeux ne vont donc pas être d’évaluer la situation comme à somme nulle ou non nulle, pour savoir quel jeu serait le « meilleur », le plus adapté, mais de viser un sentiment de sécurité pérenne, voire de courage, à travers nos jeux (structures sociales) et notre gameplay créateur de nouvelles règles. Et spoiler, cette sécurité pérenne ne s’obtient qu’en ayant pu au moins un jour mesurer la valeur de ce qu’est le vécu d’un jeu à somme NON nulle, concrètement, dans les faits.
Le jeu coopératif… même en temps de guerre.
Ce qui nous donne un sentiment de sécurité et de courage serait donc d’avoir des liens profonds, des relations signifiantes avec les autres, au moins une fois dans sa vie, d’avoir pu accéder à un gameplay concrètement à somme NON nulle. Parce qu’alors, on saurait jouer avec nos concitoyens même dans les contextes les plus confus ou difficiles, on pourrait importer ce gameplay qui crée, renforce, donne de la signification aux relations, dont il résulte de bons résultats pour tous, ce qui démultiplie les bonheurs. On pourrait perdre toute sécurité ou moyens objectifs, on saurait quand même se lier même dans les pires conditions. Ce constat n’est pas de moi, mais des Oliners via leur étude sur les sauveteurs résistants durant la Seconde Guerre mondiale, et dont on avait déjà parlé ici : https://www.hacking-social.com/2019/03/25/pa1-la-personnalite-altruiste/

Leur cas est très intéressant pour notre sujet car ces sauveteurs étaient objectivement plongés dans un contexte général de jeu à somme nulle (l’Occupation, la guerre), où ils auraient pu avoir une position moins dangereuse en évitant de se préoccuper des cibles ou de la souffrance des autres (car ils n’étaient pas eux-mêmes les cibles directes). Or eux, ils sont entrés dans ce jeu nul pour l’annuler de l’intérieur, soit en résistant, soit avec leur jeu coopératif notamment en sauvant des cibles du massacre par tous les moyens : faux papiers, aide à sortir des camps et du pays, hébergement caché, etc. Et ce que les chercheurs ont découvert, c’est qu’ils ont pu avoir la force de le faire, non pas en raison de moyens supérieurs à disposition (certains étaient même très pauvres) ou de statuts/conditions leur donnant plus de pouvoir (par contre ils ont pu feinter le fait d’avoir du pouvoir, par exemple se faire passer pour diplomate comme Giorgio Perscala), mais parce qu’ils avaient été liés à au moins une personne dans leur vie qui leur a transmis un vrai jeu à somme non nulle, factuellement prosocial, et qu’ils ont rejoué même si les conditions étaient mille fois pires. Tous les témoignages de résistants sauveteurs rapportent la rencontre d’une personne qui leur a montré un altruisme véritable dont ils ont pu voir les effets concrets, que ce soit un proche voire même un inconnu avec qui ils se sont liés par hasard. On voit cela même dans les témoignages de sauveteurs résistants qu’on trouve ailleurs. Par exemple Trocmé, ayant participé avec tout son village au sauvetage de milliers de personnes durant la Seconde Guerre, est d’abord dans une croyance à somme nulle, qu’on perçoit encore dans ses propos au début de sa rencontre avec un soldat allemand, à ses 15 ans, et qui le fera changer en lui montrant qu’on peut « jouer » à des jeux différents :

‘— « Bist du hungrig ? » (« As-tu faim ? »), me demanda-t-il, et il me tendit gauchement un quart de boule de pain noir, de ce fameux Kommisbrot, marqué d’un K, ce qui signifiait Kartoffel-brot (pain de pommes de terre), et que nous appelions railleusement le pain KK, caca, quoi.
— « Non », lui répondis-je en allemand. « Je n’ai pas faim, mais même si j’avais faim je ne prendrais pas votre pain parce que vous êtes un ennemi. »
— « Nein, nein, dit-il, Ich bin nicht dein Feind » (« Non, non, je ne suis pas ton ennemi. »)
— « Si, rétorquai-je, vous êtes mon ennemi. Vous portez cet uniforme, et demain vous tuerez peut-être mon frère, qui est en train de se battre contre vous, pour essayer de nous débarrasser de votre présence. Pourquoi êtes-vous venus chez nous, apporter la guerre et la souffrance, et le malheur ? »
— « Je ne suis pas ce que tu crois, répondit-il. Je suis chrétien. Est-ce que tu crois en Dieu ? »
Ma figure s’éclaira. Ce langage-là, qui remplissait toute ma vie, je le comprenais.
— « Nous avons trouvé le Christ à Breslau, continua-t-il, et nous lui avons donné notre vie. »
Là-dessus, il me raconta, avec détails, qu’il appartenait à une secte dont j’ai oublié le nom.
— « Les hommes ne peuvent rien contre ceux qui ont mis toute leur confiance en Dieu », dit-il. « Un jour, un homme qui haïssait notre assemblée. Son pistolet s’enraya, et nous y vîmes tous un signe du ciel. Je ne tuerai pas ton frère, continua-t-il, je ne tuerai aucun Français. Dieu nous a révélé qu’un chrétien ne doit pas tuer, jamais. Nous ne portons jamais d’arme ! »
— « Mais comment fais-tu, lui demandai-je, puisque tu es soldat ? »
— « Eh bien, j’ai expliqué mon affaire au capitaine, et il m’a permis d’aller sans armes. Ordinairement, les télégraphistes comme moi ont un pistolet, ou un poignard. Je n’ai rien. Je suis souvent en danger, entre les lignes, je chante un cantique et je prie Dieu. S’il a décidé de me garder en vie, il le fera. Sinon… »
J’étais très impressionné. La sincérité de cet homme était évidente. Pour la première fois je me trouvai en face de ce que l’on nomma plus tard un objecteur de conscience. Si ç’avait été un Français, j’aurais pu m’indigner : comment ! tu refuses de défendre ta patrie envahie et piétinée ; mais j’avais à faire à un Allemand, à un homme qui refusait de prendre part à une sale besogne. Son courage et sa foi étaient évidents. . Sans hésitation, je lui donnai ma confiance. J’avais rencontré un vrai chrétien, un chrétien tel qu’ils devraient tous être, tel que Dieu, à l’Union, nous avait révélé que nous devions être.
Mon amitié avec Kindler (c’était le nom de ce brave garçon) m’apporta enfin la solution aux contradictions dont les grandes personnes m’avaient donné l’exemple, et dont mon âme avait été empoisonnée. D’un seul coup, mon nationalisme, mon militarisme s’écroulèrent. Je vis la guerre telle qu’elle était : une épouvantable chasse où tous les belligérants, criminels et victimes, tour à tour de rôle, désobéissent à Dieu, en prétendant faire justice à sa place à coups de canon.
Mémoires, André Trocmé, 2020
C’est l’un des épisodes qui a participé à la force de résistance qu’il déploya plus tard avec sa femme et tout leur village, sans coordination particulière. Ce qui est particulièrement intéressant ici est de voir la dynamique de transformation entre croyances à somme nulle de départ, puis l’autre explique en quoi il n’est pas ennemi et c’est entendu par Trocmé parce qu’il s’identifie à lui via ce point commun qu’est la religion.
Ainsi ce n’est pas pour une question de morale que je précise la puissance du jeu à somme non nulle : je pense que refuser fermement et courageusement le jeu nul, par l’application courageuse et intelligente d’un jeu coopératif, est stratégiquement plus intéressant pour augmenter notre sentiment de sécurité, de puissance effective, même dans un contexte hardcore demandant un courage phénoménal comme la guerre.
Beaucoup de résistants n’ont pas accepté les règles du jeu nul imposé par la guerre, quand bien même tout le contexte les pressait avec une violence et des menaces réelles considérables, ils ont persisté à penser en somme NON nulle quand bien même tout s’y opposait pour des raisons de « sécurité », qui ne sont finalement qu’aussi sécuritaire que de croire qu’on sera abrité sous un parapluie à Brest en pleine tempête.
Cela paraît demander un courage considérable, mais il n’y a pas à entendre ce courage comme une force sans émotions, mais au contraire comme une acceptation totale de celle-ci, puis d’avancer avec elle1 : oui, ça passe par se prendre la tempête en pleine face, et avancer quand même, pour mettre à l’abri le plus de monde.
Et ils ont eu ce courage considérable parce qu’en joueur à somme NON nulle, ils étaient connectés à autrui, n’avaient pas éteints leurs capacités empathiques, faisaient preuve de prise de perspective, ils n’arrêtaient pas leur jugement et étaient continuellement dans la recherche de comprendre davantage tout ce qui se passait autour d’eux, avec une précision considérable :
“En 1943, le 29 août, nous avons appris que les nazis allaient faire une razzia et envoyer des Juifs danois dans des camps de concentration allemands. Avec des amis du département de la police, nous avons organisé une organisation de réfugiés — elle n’avait pas de nom. Nous avons embarqué en taxi, et même en voiture de police, pour nous rendre au port de pêche commercial et nous nous sommes organisés pour que les gens puissent se rendre en Suède. Les ports étaient contrôlés en partie par la marine allemande mais également par la police côtière, un service spécial de la police danoise. Nous devions faire très attention à notre « expédition » depuis des endroits où les contrôleurs n’arrêtaient pas les bateaux de pêche et où nous savions que les patrouilleurs de la marine allemande ne seraient pas présents. Après une semaine, nous avons réussi à faire sortir tous les gens d’origine juive du pays – 7 000 personnes.”
The altruistic personality, Oliner, 1988
On voit qu’il y a une collecte d’informations et de connaissances précises du terrain et beaucoup de témoignages sont emplis de détails concernant le matériel, les lieux, les organisations précises et les habitudes du lieu, la psychologie des personnes avec qui ils devaient interagir, bref tout était soigneusement pris en compte pour mener les actions.
Contrairement aux apparences, le jeu coopératif est clairement là où se situe la puissance psychologique -ou puissance tout court — quand on le regarde dans un contexte objectivement horrible de somme nulle. Mais cela ne veut pas dire que les joueurs coopératifs sont dans un état d’esprit héroïque, dans la figure du guerrier au moment où ils le vivent, parce que le résultat de leurs actions peuvent ne pas être visible, être continuellement entravés, ils peuvent être frustrés de ne pas en faire assez, être toujours affectés des horreurs qu’ils rencontrent.
Un jeu à somme non nulle en temps de relative paix, de suffisamment de démocratie, est relativement accessible à chacun et facile à suivre : mais plus le contexte devient horrible, plus ce gameplay devient un niveau difficile et suivre le jeu à somme nulle devient beaucoup plus « facile ». Mais si vous êtes gamer, vous savez à quel point des parties trop faciles dévitalisent tout le sens d’un jeu, le rendent ennuyeux, fade. N’hésitons pas alors à embrasser la difficulté de notre époque comme un défi qu’on peut tenter de traverser, qu’importe si on semble ne pas voir de grandes victoires, au moins on fera quelque chose qui a du sens.
Ainsi, d’un point de vue stratégique et au regard de notre époque, je dirais qu’il est clairement assez vital de commencer à jouer de façon non nulle si on ne l’a jamais fait sciemment pour s’entraîner et intégrer ce mode de jeu qui permet de survivre ou faire survivre autrui dans les contextes les plus hardcores. Si au contraire on a l’habitude d’être dans ce jeu coopératif mais qu’on voit que ses effets ne sont plus ce qu’ils étaient dans certains contextes, ne concluez pas trop vite que c’est un échec et qu’il faudrait être dans un jeu nul pour réussir : c’est exactement ce que la violence des contextes et des joueurs à somme nulle souhaitent, vous forcer à vous attabler à leur jeu d’échecs pour vous contrôler, empêcher votre liberté et la créativité de jouer à d’autres jeux coopératifs. Cela demande une forte résistance, et pour l’alimenter cela demande de plus en plus de compétences, d’informations, de stratégies, d’essais et d’erreurs, de travail secret, et globalement de courage, car on va s’en prendre plein dans la tronche en retour.
J’ai dû le dire à plusieurs reprises, mais je le redis au cas où : plus les actes prosociaux les plus simples comme filer un coup de main à une personne sont perçus négativement, voire attaqués et punis, plus c’est un signe que le game change vers quelque chose de très sombre et que la prosocialité normale devient une résistance.
Des gens qui se croient perdants et qui ont tout, des gens qui n’ont rien, prêts à tout partager
Je n’ai pas besoin de vous l’apprendre, vous savez qu’il y a des gens qui sont dans la croyance en un jeu nul alors qu’ils ne sont menacés en rien, qu’ils ont déjà beaucoup plus que les autres. Ils sont déjà bien gagnants mais ils persistent à voir l’accès aux ressources ou des réussites quelconques d’autres personnes comme une menace à ce qu’ils ont. Pire, certains utilisent leur statut, leur position sociale pour imposer ce jeu nul à d’autres au travail ou ailleurs, dans le champ médiatique.
Et vous savez qu’il y a des gens qui n’ont rien, qui vivent des insécurités objectives de pauvreté, de discrimination, qui pourtant jouent toujours le jeu coopératif et démontrent plus de générosité. Les études sur la compassion (théorisé comme la reconnaissance de la souffrance de l’autre et la volonté de l’aider), montrent des dizaines d’études où il s’avère que les bas statuts sont plus compassionnels, plus coopératifs, plus prosociaux que les personnes aisées, dominantes. Parce que spoiler, oui le jeu à somme non nulle est un meilleur moyen de survie que le jeu nul, fait de domination et de triade sombre, ce dernier étant un jeu pour continuer à gagner contre l’autre et maintenir les inégalités qui leur profitent :
« Il est maintenant de plus en plus évident que, à mesure que les gens deviennent plus puissants dans leurs groupes sociaux, ils deviennent en fait moins empathiques, moins sensibles à la souffrance des autres et moins compatissants (James, 2007 ; Keltner, 2016 ; Van Kleef, Overis, Lowe, LouKogan, Goetz et Keltner, 2008). Bien qu’il existe des exceptions philanthropiques évidentes, Piff (2014) a montré que l’augmentation de la richesse s’accompagne souvent d’un sentiment narcissique croissant d’avoir tous les droits et d’une moindre orientation vers le partage. En d’autres termes, l’augmentation de la richesse peut avantager les stratégies de type Triade sombre et de type hubristique aux dépens potentiels des stratégies altruistes »
Handbook of compassion science, Emma M. Seppälä, Emiliana Simon, Thomas Stephanie, L. Brown Monica C. Worline, 2017
Et vous trouverez d’autres études qui montrent ces liens ici : https://www.hacking-social.com/2020/07/13/quest-ce-qui-bloque-la-compassion-conformisme-ethnocentrisme-dominance-sociale-triade-noire/. Et de nombreuses autres études montrent qu’en fait, le moindre signal qu’un exogroupe viendrait signaler une domination, une exploitation, une discrimination, une inégalité de leur part est considéré comme une dangereuse menace qui augmente leur croyance nulle, plutôt que de voir la discrimination, les injustices, etc. comme un problème2.
L’erreur qu’on peut faire en tant que joueur coopératif est de leur prêter le même gameplay que nous (surtout si on est haut en agréabilité), leur donner des choses que ce soit de la force de travail, de l’attention, de bonnes intentions, alors qu’ils ne feront jamais la même chose pour nous. Et c’est exactement cette prise de conscience d’avoir été exploité qui peut aussi nous faire abandonner le jeu coopératif, comme si notre gameplay avait été naïf, idiot, puis on endosse sans merci le jeu nul. Je pense qu’on peut jouer d’une autre façon, situation par situation : il s’agit de tester la mutualité des relations et noter si la loi de réciprocité est à l’œuvre, dans quelle mesure et pourquoi. Donner toute ma force de travail dans un job aurait été la pire des stratégies tant il y avait de l’exploitation, des arnaques, un jeu à somme nul dominant tout ; dans un autre, je n’ai pas hésité à suer, parce qu’on jouait en mode coopératif et que tous y gagner et que même, on avait le temps de le célébrer ensemble. Ce que l’âge apprend, c’est qu’adopter un seul et unique gameplay quel qu’il soit ne va pas donner de bons résultats dans la vie sociale, il y a à savoir se flexibiliser voire carrément inventer avec les autres des jeux encore plus complexes que ceux résumables à la somme nulle ou non nulle. C’est le seul moyen à mon sens de neutraliser les dégâts de ceux qui imposent la somme nulle à autrui. J’avais donné un exemple concret de crack d’une structure à somme nulle imposé comme modèle de management ici : https://www.hacking-social.com/2014/12/01/hacker-le-chef-psychopathe-la-theorie-des-allies/ ; en résumé, l’astuce pour hacker ce système était d’entretenir notre imprédictibilité.
Un jeu à somme NON nulle et hack du jeu à somme nulle
Mais peut-être aussi que pour une raison ou une autre, même avec les exemples précédents vous n’arrivez pas à atteindre la compréhension de ce qu’est réellement un jeu coopératif. J’ai déjà vu des individus adultes, qui dans un jeu (au sens littéral) dont les règles explicitement coopératives n’arrivaient pas du tout à coopérer, orchestrant une compétition inutile pour s’approprier des statuts qui n’avaient pas de sens dans le jeu. On avait beau être plusieurs à expliquer que le but n’était pas d’obtenir telle position mais qu’ensemble on aille à tel point, non, rien n’y faisait, l’individu jouait solo pour obtenir un statut sans aucun sens, ne menant à aucun pouvoir ou victoire, voire nuisant à l’atteinte de l’objectif, mais juste parce que symboliquement « élevé ».
Donc je ne suis franchement pas sûre de réussir à expliquer ce qu’est le jeu coopératif à des personnes qui seraient dans une telle symbiose avec le jeu nul, mais j’ai quand même envie d’essayer l’exercice et peux être que cela pourrait vous être utile face aux joueurs dans la somme nulle que vous connaissez et qui seraient plus disposés à améliorer leurs relations.
Pour cela, désolé pour les habitués du site, mais je vais encore ressortir un schéma que j’utilise assez régulièrement car il est extrêmement clair sur la façon dont fonctionne un jeu relationnel simple, à somme non nulle, coopérative, où tout le monde « gagne » :

Si vous savez jouer aux jeux coopératifs ou que vous avez entretenus des caractéristiques liées à la somme NON nulle par vos buts (agréabilité haute, absence de triade sombre), la richesse d’une telle relation est évidente, et vous savez très bien qu’une excellente relation implique qu’ensuite B va être dans la même écoute pour A, dans un schéma où l’entraide est réciproque et apporte les mêmes richesses psychologiques, émotionnelles. Vous savez très bien que ça marche comme ça même si l’expression ne porte pas sur les émotions mais par exemple sur des idées, des inspirations, lorsqu’on crée ensemble, lorsqu’on réfléchit ensemble sur un sujet. Ça construit des richesses particulières, qui ont l’avantage d’être durables et infinies pour peu qu’on puisse trouver un autre joueur à somme non nulle comme nous ou exercer ces échanges multiplicateurs.
Donc notre problème ici n’est pas de convaincre de la réalité de ce schéma, mais de comprendre pourquoi ça ne marche pas du tout chez les profils de joueur à somme nulle. Si je réfléchis à la situation, ça ne marche pas chez eux parce que :
— Ce croyant à somme nulle pourrait accepter d’être dans le rôle de A, mais jamais renvoyer l’ascenseur en étant dans le rôle de B, ou en le faisant contre leur gré ou encore sans ressentir de l’empathie, de l’unité..
— Il pourrait accepter les deux rôles, mais uniquement pour des gens strictement comme eux en genre, en couleur de peau, en affiliation partisane, etc. Dès qu’un interlocuteur n’est plus du même genre ou de la même couleur de peau, ça y est, il y a une fermeture et le schéma ne se déroule pas. La raison est finalement assez simple : l’échange demande une horizontalité, or il s’estime supérieur ou extrêmement différent (un peu comme si l’autre était d’une autre planète et ne fonctionnant pas pareil), donc n’applique pas d’horizontalité possible, ne cherchent même pas les points communs.
— Il pourrait estimer que le rôle de B est celui d’inférieur à son service, que c’est normal, qu’il n’a pas à faire ça. Par exemple le sexisme est dans cette interprétation, que les femmes doivent écouter et aider, c’est leur rôle, l’inverse n’est pas possible. Donc jamais il n’initierait l’écoute en relevant une émotion de l’autre pour tenter de l’aider par exemple , ou verrait comme un affront si la personne essaye de faire comprendre son émotion, puisque ça les « pousserait » à se mettre dans un rôle « B » qu’il estime ne pas être sien.
J’ai donné l’exemple du sexisme, mais ça vaut aussi pour le racisme ; par exemple Daryl Davis, un militant afro-américain qui déconvertit des membres du KKK, raconte que presque tout le temps, il peut faire le rôle de B face à eux, ils n’ont pas de problème à s’exprimer, mais l’inverse est difficile à amener, et il souligne d’ailleurs qu’un excellent signe de début de déradicalisation est lorsqu’ils commencent à lui demander son avis31.
Sur le travail de déradicalisation des membres du KKK par Daryl Davis :
– Il pourrait n’avoir jamais été encouragé à prendre le rôle de B en raison de stéréotypes de genre et/ou d’environnement favorisant la dominance sociale qui associe l’écoute et le care aux « inférieurs », au point que les compétences socio émotionnelles en sont flétries, jamais développées. Pour ce point, on a déjà longuement parlé dans ETP de la façon de développer ces compétences, vous pouvez aussi consulter Les compétences socio émotionnelles de Mikolajczak Moïra.
— Il pourrait ne voir aucun intérêt ou motivation à développer ses compétences socioémotionnelles ou à s’exercer à être dans des rôles de B parce que n’ayant jamais testé pleinement car il n’y voyait qu’un acte pénible.
– Il pourrait avoir des défauts d’empathie et d’émotions qui font que l’étape « sentiment d’unité » et toute la richesse qu’il y a dans les liens en général n’est pas ressentie (par exemple chez les profils sociopathes à haute triade noire).
— Il pourrait exécuter parfaitement ce schéma, avoir de bonnes compétences socioemotionnelles, mais ne le faire que pour servir son intérêt. On peut le voir dans des situations d’arnaques qui demandent des compétences sociales, les manipulateurs peuvent en effet savoir très bien jouer la coopération pour leurs fins4.
Autrement dit, c’est parce que ces individus sont à la merci d’idéologies, de cultures données, de stéréotypes qu’ils sont bridés dans leur capacité relationnelle, que ça se passe mal ou d’une façon très pauvre. Par contre, ils peuvent avoir un bénéfice secondaire à cet état sous la forme d’un sentiment de supériorité à l’autre, de conformité aux stéréotypes raciaux et/ou de genre, et tant qu’ils s’accrocheront à ce bénéfice secondaire, il n’y aura pas de changement. Seul le cas dans notre dernier point semble être plus autodéterminé, bien que les fins puissent être égoïstes : si vous repérez ce genre de profil, cela va être une relation extrêmement particulière à gérer, mais je pense qu’on peut réussir à négocier en gagnant-gagnant quand l’arnaque ou la sournoiserie est repérée, étant donné qu’ils peuvent comprendre ce jeu même s’ils ne le mènent que pour leurs intérêts prioritairement.
Pour les autres, vous allez être soit attaqué, ignoré ou contraint au seul rôle de B. Si vous êtes mis dans le rôle de B, vous pourrez tester l’amplitude, les causes, les raisons de leur jeu nul, et ils pourront même être bien bavards là-dessus, ce qui vous donne un atout. Mais vous ne pourrez sans doute pas les changer car tout changement d’une personne doit venir d’elle. Les situations ou l’autre s’identifie à vous et a un déclic, tel qu’on l’a vu chez Trocmé, sont rares et demande IRL une conjonction de facteurs qui est difficilement prédictible ou programmable.
Certes un environnement social a son poids, peut influencer, mais le déclic doit être interne, on ne peut pas l’enclencher comme si on appuyait sur un bouton, ce qu’on retrouve dans la logique des nudges, des conditionnements ou des contrôles, surtout si on vise une autodétermination du jeu coopératif comme ça a été le cas chez Trocmé qui en a fait un pilier de son existence.
Ceci étant dit, vous pouvez utiliser vos positions de B pour protéger les gens à la manière qu’on a vu au dernier tiret : contrairement à l’arnaqueur de base, vous ne viserez pas que vos intérêts, mais celui d’un maximum de monde, notamment de ceux les plus ciblés. Ça demande d’être conscient de tous les jeux possibles à la fois, voire d’en inventer d’autres, et c’est globalement ce qu’on appelle le hacking social : jouer à un jeu coopératif pour des fins collectives en hackant les jeux à somme nulle qui nous pourrissent la vie à tous. J’ai pris le schéma de la communication pour sa simplicité, mais vous savez que ça peut concerner des situations hautement plus complexes et structurelles, on en a vu des tas d’exemples dans ETP.
Chercher la compréhension fine plutôt que de s’arrêter au jugement
On l’a vu, la croyance en la somme nulle advient parce que l’individu arrête sa réflexion au premier facteur où il peut percevoir un « gagnant » et un « perdant », et il se centre sur des victoires ou échecs liés à la matérialité des ressources.
Une recherche5 a posé l’hypothèse extrêmement intéressante que nous avions par défaut une interprétation des situations sociales comme étant davantage compétitives, à somme nulle parce qu’on n’arrive pas à inhiber de nous-mêmes ces règles plutôt que par conviction ou manque de volonté à coopérer. Pour la vérifier, les chercheurs ont fait jouer les gens dans un jeu coopératif soit en laissant les individus à eux-mêmes, soit en leur disant en amont qu’ils pouvaient utiliser une stratégie coopérative. C’était par exemple préciser que « vos intérêts ne sont pas opposés, vous pouvez tous gagner », les chercheurs parlent de nudger la coopération et cet outil est nommé « réencadrement cognitif explicite »
Lorsqu’ils sont laissés à eux-mêmes, la plupart des participants adoptent effectivement une stratégie compétitive perdante. Mais lorsqu’ils sont informés de la possibilité d’une stratégie coopérative par réencadrement cognitif explicite, il y a plus de coopération.
Ainsi, si on s’occupe d’un environnement social, on pourrait potentiellement prévenir les jeux à somme nulle en informant au préalable des possibilités coopératives pour aider les gens à inhiber leur jeu à somme nulle.
On a donc du mal à inhiber ses croyances en la somme nulle pour voir les possibilités coopératives, mais il ne faudrait pas en déduire que cette difficulté s’expliquerait par le fait que nous sommes bêtes ou qu’on juge mal, donc que la solution serait juste de « suspendre son jugement ». Lorsque nous-mêmes insistons sur « juger moins, comprendre plus » dans nos contenus, ce que nous voulons dire c’est continuer à chercher la compréhension, et non pas s’arrêter de réfléchir.
Nous précisons car dans certains cas, affirmer « suspendre son jugement » peut aussi représenter un arrêt de la recherche de compréhension de tous les facteurs : par exemple certains, face à un viol avéré, vont refuser les verdicts et les éléments renseignés par refus de se mettre à la place des cibles, refus de croire les informations qu’elles délivrent, ou encore par croyances qu’elles veulent tirer un profit de l’accusé (par exemple se faire connaître à travers les médias dans lesquels l’histoire est relayé, gagner de l’argent avec un procès, etc.). Cette croyance est évidemment à somme nulle et démontre un refus de prise de perspective (comme se rendre compte qu’un procès n’a rien d’une activité agréable pour les cibles, que c’est coûteux en moyen de toute sorte, que l’attention médiatique autour d’une affaire sombre est parfois au contraire, destructrice de carrière pour les cibles, etc.).
On peut donc avoir une croyance en un jeu à somme nulle, avec ses gagnants et perdants, avec un refus de se mettre à la place de tous les acteurs et actrices d’une situation compliquée, tout en vantant avoir eu « l’intelligence » de suspendre son jugement, même si en réalité il y a jugement dans le fait de refuser les éléments apportés par les cibles.
Chercher la compréhension plutôt que juger, c’est enquêter et ne pas arrêter l’enquête, tout en se mettant à la place de toutes les parties impliquées. Ainsi, pour diminuer les erreurs à somme nulle, les chercheurs recommandent de réfléchir aux conséquences à long terme et indirect6, et globalement à s’engager dans une réflexion7, à réfléchir plus en incitant les gens à prendre en compte les différentes priorités et préférences des autres8 : la prise de perspective, la responsabilisation, la prise en compte de questions mutuellement bénéfiques pourraient aider à ne pas tomber dans la facilité, les limites et les conséquences du jeu nul.
Plutôt que des privilèges reconnus et des injustices regrettées, des actes de justice
Le discours sur les privilèges à notre époque me semble encore trop formulé et interprété comme un jeu à somme nulle : il faudrait avouer ses privilèges pour reconnaître que d’autres en ont moins et leur laisser de la place. C’est comme si plutôt que de jouer au Monopoly sans rien dire, il suffirait d’y jouer mais en reconnaissant qu’on a eu le privilège obtenu plus de cartes chances ou de tomber en premier sur les bonnes rues, mais sans rien changer au jeu lui-même. Vous voyez qu’au fond, cela ne change rien aux règles qui causent l’inégalité. Ce qu’il faudrait, c’est changer directement les règles, par exemple décider de ne pas faire payer untel qui passerait dans sa rue, voire en redistribuant l’argent gagné.
Beaucoup d’individus s’approprient un discours de gauche autour des discriminations et inégalités pour jouer aux alliés, en feintant le fait de se savoir privilégié et reconnaissant les discriminations en plaignant les cibles de l’injustice, en jouant les ex-coupables, etc. Mais, ils ne font rien pour partager ces privilèges en question ou pour remettre une dose de justice dans la vie, voire pire, ils jouent au jeu nul en ciblant d’autres personnes ce qui me semble une diversion voire un sabotage des causes en question.
C’est comme si je reconnaissais à un invité pauvre et affamé que j’avais la chance d’avoir un frigo plein, que je parlais de ma chance et que je compassais à l’injustice qu’il vit, mais que je ne l’invitais jamais à partager un repas : ce n’est qu’hypocrisie. Un privilège dans les milieux collectivistes que j’ai connus, tu le partages directement et tu en fais profiter en collectif, sans avoir besoin de tenir un discours public sur tes privilèges. On horizontalise et on collectivise les intérêts qui n’auraient dû être que personnel en célébrant ensemble, parce qu’encore une fois, le jeu coopératif c’est là où se trouve la multiplication des plaisirs. Alors, oui j’ai peut-être une politique un peu fièrement barbare à ce sujet, mais ça a le mérite d’être des règles très claires : les gens qui partagent directement ces privilèges n’ont pas besoin de discourir à ce sujet, parce que les faits de partage parlent pour eux, dans leurs actes. Les gens qui ne font que parler à ce sujet pourraient faire mieux en montrant par les faits plutôt qu’en travaillant uniquement leur éloquence et image. Bref, la mesure d’un jeu réellement coopératif et s’opposant aux inégalités se mesure à des actes concrets, sur le plancher des vaches.
La compétition ?
On pourrait aussi avoir tendance à rejeter toute idée de compétition au vu de son association avec les croyances à sommes nulles et les conséquences que cela entraîne. On pourrait même rejeter tout jeu compétitif comme l’ennemi car perçu comme jeu à somme nulle, par exemple en insultant tous les sportifs et en les méprisant. Vous voyez qu’on retombe encore dans le piège du jeu à somme nulle en voulant le combattre, mais sans penser à sortir du logiciel nul avant.
Or regardons directement les jeux : on peut par exemple jouer aux échecs, et pourtant le faire avec un esprit coopératif qui ne casse pas du tout les relations mais au contraire les renforcent, les bons adversaires reconnaissants chacun leurs compétentes, l’intelligence de leurs stratégies, leurs innovations, etc. Gagner ou perdre dans un jeu à somme nulle mais pris selon une approche coopérative change tout, au point qu’on peut être aussi content de perdre que de gagner, parce que dans tous les cas, on a noué une relation avec l’autre personne et le jeu, on a appris quelque chose, on a vécu un moment d’apprentissage tant sur le jeu, sur nous, que sur l’autre, et réciproquement.
C’est pourquoi les situations de compétitions dans la recherche peuvent avoir des effets qui varient allant du très sapant des besoins psychologiques fondamentaux comme du plus nourrissant. La théorie de l’autodétermination nous apprend qu’en réalité ce n’est pas tant la structure compétitive le problème, que la façon dont elle est organisée socialement. Si c’est géré de façon contrôlante, ça n’ira pas du tout, si c’est fait de façon autodéterminatrice, ce sera émancipateur.


Plus précisément, dans une compétition autodéterminatrice, plutôt que d’être focalisé sur sa personne (ou que sur l’environnement nous pousse à l’être), on est focalisé sur le lien à l’activité, le défi qu’elle comporte et comment la réussir en soi, et non sur ce que ça va rapporter en statut, en image ou en richesse. L’information devient donc ce qui compte le plus pour réussir le défi, et les ratés ou l’échec peuvent justement être source d’informations pour accomplir les défis. Et je pense que c’est également ce qu’il se passe lorsqu’on résiste à un jeu à somme nulle, les résistants témoignant d’une très haute concentration sur tous les petits détails stratégiques et oubliant totalement leur égo, les risques personnels. Autrement dit, les territoires objectivement à somme nulle (comme les jeux compétitifs, mais ça pourrait porter aussi sur d’autres situations objectivement compétitives), pourraient être des terrains d’exercice pour se défaire des travers de la pensée à somme nulle, voire même tester des modes de résistance à celle-ci en restant coopératif, empathique.
On pourrait encore disserter pendant des lustres sur les façons de revivifier des jeux coopératifs ou d’autres inclassables, parce que la vie est pleine de possibilités même si les jeux à somme nulle sont extrêmement doués pour nous emmener dans leur marécage et rendre binaires ces possibilités, voire allant jusqu’à vomir sur nos possibilités coopératives pour les rendre abjectes
, avant même qu’on ait eu le temps de les observer. Je n’ai mis ici que quelques points qui là,
actuellement, me semblaient utiles de partager à la date ou j’ai publié cet article sur Internet.
Ceci étant, la recherche en a testé bien d’autres, et vous avez très certainement quantités d’idées, de capacités à imaginer, voire des possibilités autres que vous pouvez emprunter ou que vous avez déjà emprunté avec succès pour neutraliser les souffrances causées par les jeux nuls. La biblio pourra peut-être vous aider à aller plus loin, mais l’inspection de vos expériences ou de vos nouvelles expériences aussi. Ainsi, je vous souhaite d’excellentes sessions de prise de perspective aux informations précieuses, de joie collective et d’invention de nouveaux jeux !
Note de bas de page
La biblio complète du dossier est disponible également ici : Σ0 : bibliographie
1 C’est ce qu’on voit neurologiquement chez les désobéissants, l’émotion n’est absolument pas déniée et c’est qui donne la force d’agir, cf. Lepage 2017.
-
︎
- Wilkins, C. L., Wellman, J. D., Babbitt, L. G., Toosi, N. R., & Schad, K. D. (2015). You can win but I can’t lose: Bias against high-status groups increases their zero-sum beliefs about discrimination. Journal of Experimental Social Psychology, 57, 1–14. https://doi.org/10.1016/j.jesp.2014.10.008
︎
- Documentaire Accidental Courtesy : Daryl Davis, Race & America et Daryl Davis, Klan-destine Relationships
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- Par exemple chez Kevin Mitnick, l’art de la supercherie
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- https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC4721918/#:~ : text=We%20examine%20the%20hypothesis%20that,This%20minor%20intervention%20boosted
︎
- Johnson, S., Zhang, J. & Keil, F. Consumers’ beliefs about the effects of trade. SSRN https://doi.org/10.2139/ssrn.3376248 (2019).
︎
- Frederick, S. Cognitive reflection and decision making. J. Econ. Perspect. 19, 25–42 (2005)
︎
- Johnson, S. G. B., Zhang, J. & Keil, F. C. Win–win denial: the psychological underpinnings of zero-sum thinking. J. Exp. Psychol. Gen. 151, 455–474 (2022).
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23.05.2025 à 14:43
La justice réparatrice/transformatrice n’est pas la justice réhabilitatrice : pourquoi la médiation est une mauvaise idée ou échouera.
Viciss Hackso
Initialement ce post est un thread fait rapidement sur bluesky (nous ne sommes plus vraiment…
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Texte intégral (1473 mots)
Initialement ce post est un thread fait rapidement sur bluesky (nous ne sommes plus vraiment sur les autres réseaux sociaux), ici : Viciss Hackso: « Lors des différents…
Lors des différents call-out récents qui ont agité la sphère Twitch, j’entendais parler beaucoup de justice réhabilitatrice, que je croyais — a tort — que c’était un terme recouvrant la justice réparatrice JR et/ou transformatrice JT. J’avais alors du mal à comprendre pourquoi les gens avaient tenté des médiations, alors que ce n’est pas vraiment du tout les premières étapes urgentes de ces justices différentes, voire que c’est estimé dangereux. Mais en fait ce n’est pas ça, la justice réhabilitatrice.
Soit c’est ce qui est désigné APRÈS les jugements/peines/réparations et on essaye de réadapter les offenseurs à la société d’une façon qui n’offensera plus (mais je ne pense pas que les gens parlaient de ça, puisque ça nécessite soit une peine soit une réparation par l’agresseur). L’offenseur est réhabilité parce qu’il a démontré sa conscience des actes, a réparé la situation pour la cible et la commu etc.
Soit cela désigne une théorie dans un bouquin dans un cadre particulier. Je ne le connais pas1 (et) donc je ne vais pas le juger. Mais dans le contexte de justice réparatrice ou transformative, la médiation déjà c’est gros NON en cas d’affaires conjugales (selon la crimino/la psycho j’en parle ici : https://www.hacking-social.com/2020/11/30/jr2-differents-processus-de-justice-restauratrice/ , parce que c’est un danger de perpétuer les emprises et les dominations or c’est précisément ce que ces cibles ont besoin de fuir. Ceci étant dit, des processus de JR/JT peuvent être mené en cas de violences sexuelles, mais ça ne commence pas par la médiation, voire il peut n’y en avoir jamais [tout dépend de ce que veut vraiment la victime et ses besoins qui auront été réfléchis loin de la situation dangereuse]. Ici un reportage avec un processus exemplaire, qui travaille aussi sur la question systémique, avec un aspect décolonial affirmé [le processus est profondément issu des 1res nations des Amériques, c’est la communauté qui a géré] :
[si vous galérez avec l’anglais, j’ai décrit le fond du reportage ici : https://www.hacking-social.com/2021/02/01/jr6-la-justice-transformatrice-en-action-abus-sexuels-a-hollow-water/ ; le documentaire complet est disponible ici : Hollow Water – ONF]
Comme on le voit la première étape n’est surtout pas de faire discuter les cibles avec leurs agresseurs, mais de faire prendre conscience aux agresseurs de la réalité de leurs actes, des conséquences et gravité de ceux-ci, et ça a demandé un an, des cercles répétés, un travail d’éducation et de réflexion poussés avec toute la communauté. Ensuite seulement, de leur coté les victimes, entourées et protégées avaient décrétés leurs besoins, certains n’ont pas voulu revoir leur parent agresseurs, d’autres ont voulu discuter pour comprendre, mais toute la communauté veillait à protéger les enfants et leurs besoins en priorité. La JR/JT est dictée par les besoins des victimes et de la communauté qui en pâtit, et c’est pour ça qu’il y a un gros travail fait pour faire prendre conscience à l’agresseur, puis le faire réparer [sans conscience il ne réparera rien correctement, les excuses ne seront pas sincères, ni le travail ou compensation donné], et parfois entre toutes ces étapes, oui y a un travail pour le réhabiliter dans la société afin qu’il n’offense plus et d’ailleurs ça passe aussi par le suivi des réparations demandées par la cible ou les personnes touchées par le tort [qui peuvent être toute la commu en question]. On voit ce processus de responsabilisation ici : https://www.hacking-social.com/2021/02/08/jr7-justice-transformatrice-le-processus-de-responsabilisation/
Et si vous êtes sans moyen face à une sale histoire, que c’est compliqué avec la justice classique, que vous soyez dans n’importe quel position d’une affaire, je pense que c’est l’un des docs les plus pratiques que vous trouverez aussi dans :
« beyond Survival, Strategies and Stories from the Transformative Justice Movement édité par Ejeris Dixon et Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, 2020 ».
En tant que cible, perso le questionnaire des besoins m’a permis de vraiment faire le tri avec ce que j’avais besoin qu’on me répare et même d’avoir pu ensuite savoir quelles démarches je pouvais faire. Ça permet de surmonter les gazlight ou l’effet des traumas qui nous fait revoir à la baisse les réparations dont on aurait besoin et ce qu’on est capables d’obtenir.
Attention, sur Internet j’ai pu notamment voir cela avec l’affaire de la ligue de lol, cela a pu être réduit par les agresseurs à croire qu’il ne fallait que s’éduquer et/ou que présenter des excuses : ce n’est pas une réparation suffisante à mon sens — même cela a pu être accepté par les cibles en question, par exemple elles auraient pu être accompagnées pour que des gens les aident à calculer concrètement tout ce qu’avait coûté financièrement le harcèlement [coût psy, coût d’arrêt de travail, coût au fait d’avoir perdu des opportunités, etc]. La réparation, ça peut être calculable très concrètement.
Bref, je ne vous refais pas le dossier sur la JT/JR que j’ai laissé ici :
ou là :
si vous voulez fouiner les sources et les dizaines de protocoles laissés à dispo tant par des universitaires que militants :
Je conseille vivement le site : https://transformharm.org/ qui est une mine d’or, y a des protocoles pour toutes les situations à dispo.
On a parlé des problèmes de la médiation avec d’autres types de violence, comme celle du harcèlement scolaire, ici :
Je signale juste que je comprends que les personnes médiatrices tentent de faire au mieux avec les outils à disposition, mon propos consistait juste à souligner d’autres outils/notions qui peuvent être employés.
Ce sont des situations épouvantablement difficiles, et j’envoie tout mon soutien aux cibles, aux survivantes, aux aidants. Je souhaite toutes les forces possibles à ceux qui veulent vraiment aider, veulent vraiment faire en sorte qu’aucune horreur ne se reproduise.
1 poser la source en description de vos streams svp
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19.05.2025 à 11:24
[Σ0-2] Pensée nulle : quelles causes ?
Viciss Hackso
Précédemment, dans La vie n’est pas qu’un jeu nul , on a exploré la croyance en…
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Texte intégral (8255 mots)
Précédemment, dans La vie n’est pas qu’un jeu nul , on a exploré la croyance en la somme nulle et ses conséquences. Ces résultats étaient déplorables à tout niveau, que ce soit personnel, entre les groupes, politiquement. Ainsi aujourd’hui, on explore ce qui cause cette pensée.
N’hésitez pas à consulter l’article précédemment avant de commencer celui ci, car cela risque d’être incompréhensible sinon :
Qu’est-ce qui cause cette pensée à somme nulle ?
Le sentiment de menace et le contexte de pénurie
Cette croyance naîtrait du sentiment de menace, quand les gens pensent que leurs ressources ou celles de leur groupe sont menacées, qu’il y a des pénuries effectives ou un contexte faisant craindre des pénuries.
Un exemple très clair de sentiment de menace où il n’y a pas de menaces du tout et bien au contraire de la prosociabilité :
Par exemple, dans le contexte d’une relation, les individus peuvent développer ses croyances à somme nulle s’ils s’attendent à négocier avec un interlocuteur compétitif, contrairement à s’ils s’attendent à un interlocuteur chaleureux et coopératif1.
Travailler sous la direction de chefs assertifs accroît aussi ces croyances sur la question de la réussite, contrairement au fait de travailler avec un chef chaleureux2. De façon générale, ces croyances sont activées en réponse à des dangers perçus dans l’environnement, et les croyances à somme nulle peu menaçantes sont moins crues (par exemple que les faibles gagneraient aux dépens des puissants3).
Les chercheurs précisent qu’il ne s’agit pas de vraies menaces objectives : les groupes à statut élevé ont souvent le sentiment que leur statut est menacé, pensent que les groupes à statut bas tirent profit d’eux4. Que ce soit vrai ou faux, le fait de se sentir menacé par ses adversaires politiques ou par des immigrants, favorise la croyance que les autres en général nous utilisent à nos dépens5.
Je précise que susciter cette croyance à somme nulle peut être une stratégie politicienne sciemment mise en place. On le voit déjà dans les discours à somme nulle qui sont une constante à l’extrême droite et dans les stratégies de ces groupes pour militer, quitte à faire semblant de jouer le groupe cible pour le rendre menaçant :
« Nous [groupe du bloc identitaire] considérions que les médias mentaient tous, que nous vivions dans un État “ripoublicain”, corrompu par des élites mondialistes, que la race blanche était en danger, tout ça. Et comme on était peu nombreux, on a surtout utilisé internet. C’était pratique pour faire passer nos messages, et ça ne coûtait pas d’argent. […]Il fallait en priorité “squatter” les sites d’information générale à la recherche de toutes les informations “raciales” possibles. Monter en épingle les faits divers lorsqu’ils concernaient des étrangers, quitte à les faire “mousser” sur Facebook ou sur les forums. Les réseaux sociaux et les commentaires dans les articles de presse étaient l’idéal pour ça.
Nous avions clairement identifié l’idée qu’il fallait que nous ayons des pseudonymes “réguliers” de manière à recruter à nos idées, de manière à ce que les gens, à force de lire notre nom se disent : “Il a raison ce gars-là” et se rapprochent de nous. Il fallait aussi créer des profils “ponctuels” juste pour donner l’effet de masse, donner l’impression que c’était la “base” des gens qui pensaient comme nous. Ça, c’était facile, parce que globalement les gens partagent nos idées sur les délinquants.Mais il fallait agir subtilement. Ne jamais parler des Arabes et des Blancs en tant que tels, mais reprendre des thèmes “humanistes” en parlant par exemple des “nantis antiracistes et mondialistes qui cherchent à écraser les pauvres qui supportent le racisme antiblanc”.
[…] Mon travail consistait aussi à faire des revues de presse sur plusieurs blogs, et en ne prenant que les histoires qui mettent en scène des étrangers pour ensuite démontrer que tous les problèmes venaient d’eux. Mais évidemment, on ne se limitait pas aux faits divers.
[…] nous avons développé notre terminologie, en disant les choses d’une certaine manière : “être positif”. Ne pas dire “c’est la guerre civile, les Arabes ne veulent pas être intégrés”. Une telle phrase fait fuir les gens qui ne sont pas engagés à nos côtés, mais dire “la plus grande fermeté est nécessaire pour retrouver la paix civile”. Ça veut dire la même chose, parce que ça donne à penser qu’on est en guerre, mais ça donne l’impression qu’on est plein de sagesse. […] Après tout s’enchaîne. Comme les gens répètent le même discours que nous, mais sans précautions oratoires, leurs commentaires sont censurés par les journaux “sérieux” (la loi interdit ce genre de discours et les journaux se protègent en ne les publiant pas). Il est alors extrêmement facile de les épauler en critiquant la scandaleuse censure dont font l’objet ceux qui pensent comme nous, et à parler d’une collusion entre les médias et les “antifrançais”.
Vous avez d’autres exemples ?
Je pourrais en donner pendant des heures, mais par exemple il suffit de prendre un pseudo à consonance musulmane et lancer des insultes aux Français, en prônant une République islamiste à Paris ou ce genre de choses. C’est très gros mais ça marche à chaque fois. » https://www.midilibre.fr/2012/10/08/un-militant-repenti-balance-les-secrets-de-l-ultra-droite,574771.php
Ici c’est un petit groupe français qui n’avait pas beaucoup de moyens, mais aux USA ce genre de manipulations a pu prendre des proportions astronomiques notamment dans l’affaire Cambridge Analytica. Ce groupe était chargé d’influencer le cours des élections en faveur des Républicains en utilisant des moyens allant très loin dans la manipulation. Vol de millions de profils Facebook, ciblage basé sur le calcul de leur personnalité et leurs traits les plus sapant, manipulation de l’information pour dissuader les afro-américains de voter… Cambridge Analytica n’a pas hésité à jouer avec les croyances à somme nulle également. Cela ressemblait à des expériences telles qu’on pourrait en faire en psycho en contexte classique (et ils y avaient bien des chercheurs en psychologie sur le projet) ; ils ont d’abord fait des expériences pour voir si on pouvait diminuer le sentiment de menace des gens dans la croyance à somme nulle, en leur demandant de s’imaginer super héros invincibles. Puis il leur posait des questions sur leurs exogroupes qu’ils discriminaient, comme les immigrés, les gays, etc. Et effectivement, lorsqu’ils s’imaginaient invincibles, ils les considéraient comme moins menaçants. Mais les résultats obtenus n’ont pas été utilisés pour diminuer ce sentiment de menace, mais au contraire affuter des récits politiques pour l’augmenter et produire des effets qu’un lanceur d’alerte (ex-employé de Cambridge analytica) rapporte ici :
« Cela signifie que lorsque les cibles tombaient sur des clips mettant en scène des candidats ou des célébrités critiquant des déclarations racistes, cette exposition n’avait d’autre effet que de raffermir un peu plus le point de vue raciste de la cible au lieu de la pousser à remettre en question ses croyances. Ainsi, si vous arriviez à associer de manière organique le point de vue sur la race à la question de l’identité avant que le sujet soit exposé à un contre-récit, ce dernier serait dès lors considéré comme une attaque directe contre l’identité du sujet. Ce qui était vraiment utile pour Bannon, dans la mesure où cela revenait à vacciner les groupes ciblés contre tous les contre-récits critiquant l’ethnonationalisme. Ainsi se créait une étrange boucle récursive dans laquelle les opinions racistes du groupe se radicalisaient un peu plus à chaque fois qu’elles étaient exposées à une critique. »
Mindfuck, Christopher Wylie
Des caractéristiques personnelles s’associant facilement à la croyance en la somme nulle
Les chercheurs ont également trouvé que la croyance est plus répandue chez les personnes qui voient les interactions sociales comme une compétition6, celles qui ont une faible agréabilité7, une forte Triade noire (narcissisme, psychopathie, machiavélisme)8. À noter d’ailleurs que Cambridge Analytica, voire sa maison mère intervenant à l’international SCL, a toujours utilisé les profils à triade noire pour ses opérations d’influence politique, surtout les narcissiques comme cible de choix pour obtenir des effets car ils s’offensent très rapidement et sont prompts à faire des scandales, ce qui est parfait pour diffuser plus rapidement des discours de haine à croyance nulle sur les réseaux sociaux (ref).
On parle ici de caractéristiques « personnelles », mais ce n’est pas à essentialiser comme une nature inchangeable de la personne : ces traits, si personnels soient-ils sont eux-mêmes sous l’influence des environnements sociaux et peuvent pour beaucoup varier. C’est pourquoi nous rajoutons une petite explication pour y voir plus clair.
C’est quoi l’agréabilité ?
Cela fait partie des 5 grands traits de la personnalité (avec l’ouverture, le névrosisme, la conscienciosité, l’extraversion) pour lesquels on peut avoir un score de bas à haut, et chacun des traits est composé de facettes pour lequel on peut avoir également différents scores qui renvoient à des significations différentes (par exemple, un bas score en extraversion est dit introverti). Traditionnellement, cela peut se mesurer par un questionnaire général, mais la recherche emploie aussi des mesures permettant de voir l’évolution de la personnalité jour par après jour, situation par situation.
Voici les 6 facettes de l’agréabilité qui peuvent donc chacune obtenir des scores très différents ou au contraire assez homogènes selon les gens :

Les bas scores ont tendance à se montrer cyniques et sceptiques, à partir du principe que les autres peuvent être malhonnêtes et dangereux.]

Une personne ayant un score faible aura tendance à prendre des libertés avec la vérité ou à se garder d’exprimer ses véritables sentiments, mais ce n’est pas forcément un individu malhonnête ou manipulateur.]

Les bas scores sont plus centrés sur eux-mêmes et peu enclins à se préoccuper des problèmes d’autrui

A4 soumission amicale Cette facette concerne les réactions relatives aux conflits interpersonnels. Les hauts scores ont tendance à se soumettre aux autres, à inhiber leur agressivité, à pardonner et à oublier.
Ceux qui ont des scores bas sont davantage agressifs, préfèrent la compétition à la collaboration et n’hésitent pas à exprimer leur colère lorsque cela est nécessaire.

Ceux qui ont des scores faibles ont une image très positive d’eux-mêmes et peuvent être perçus comme arrogants et prétentieux.

Les bas scores sont plus durs et moins émus par les appels à la clémence ou par les demandes d’empathie. Ils se considèrent comme des personnes réalistes qui prennent des décisions raisonnables fondées sur une logique froide
Et enfin la moyenne de tout cela va donner une image générale de l’agréabilité :

Les scores moyens peuvent être parfois dans le profil haut et montrer des caractéristiques de sensibilité, d’altruisme tout comme être bas selon les situations.
Les individus qui ont un score bas sont perçus comme désagréables, cherchant le conflit. Ils pensent d’abord à leur intérêt, sont égocentriques, ne montrent pas d’empathie pour les autres qui sont vus avec méfiance. Un score bas en agréabilité, associé également à d’autres traits, peut être lié au narcissisme, au profil antisocial, voire paranoïaque.
Ceci étant dit, bien que la personnalité soit considérée traditionnellement comme une disposition qui amène à certains comportements9, de nouvelles recherches sur la personnalité peuvent montrer que la situation, des buts, des valeurs et globalement tout à la fois amène à performer certains traits et pas d’autres. On peut donc supposer que les bas agréables dans la croyance en jeu à somme nulle, ont des buts, des valeurs ou vivent des situations qui les amènent à exprimer ces croyances et à performer cette basse agréabilité.
Le sens de la causalité n’est pas connu, donc possiblement tous les chemins sont possibles : peut-être que c’est parce qu’ils n’ont pas confiance aux autres qu’ils adoptent au fur et à mesure le jeu à somme nulle ; peut-être que c’est parce qu’ils sont sous l’influence du jeu à somme nulle qu’ils deviennent plus méfiants envers autrui. Et peut-être que c’est tout autre chose : peut-être que la situation est à compétition rude et contrôlante, qu’ils ont le but de la réussir/gagner/ne pas la rater, ils imaginent qu’ils doivent donc baisser leur agréabilité ce qui les amènent à adopter la somme nulle ; ou croyant que cette situation est à somme nulle, ils baissent leur agréabilité.
Ceci étant dit, certaines recherches sur la personnalité10 ont montré que le but tend plutôt à faire déployer certaines performances de personnalité, et le jeu à somme nulle généralisé tendant à occulter la situation et les faits, il est probable que la croyance amène au but de gagner contre un autre vu comme une menace pour ses ressources, ce qui amènerait à performer de la basse agréabilité. Attention, il ne s’agit là que de simples suppositions, certes basées sur des résultats antérieurs, mais qui ne portaient pas sur le trait agréabilité (mais sur extraversion), il est donc possible que cela ne soit pas le cas, les traits semblant avoir une dynamique très différente et l’agréabilité n’ayant pas été testée de la même façon à ma connaissance.
C’est quoi la Triade noire ?
La Triade noire désigne des dispositions qui ne sont pas forcément présentes chez toutes les personnes (contrairement aux cinq grands traits cités précédemment), et attention, bien que le terme « psychopathie » et « narcissisme » fasse partie du champ psychopathologique/psychiatrique, avoir de hauts scores en triade n’est pas forcément lié au fait d’avoir un trouble de la personnalité.

On le voit dans le descriptif de ces tendances, les individus ayant de hauts scores sur ces traits veulent potentiellement « gagner » la partie (via du machiavélisme et/ou du narcissisme), et l’absence de mise à la place d’autrui et le manque d’émotions (via la psychopathie) ne leur permet peut-être pas de ressentir les bénéfices sociaux et émotionnels de l’inverse du jeu à somme nulle (situations de mutualité, de coopération, d’empathie partagée qui, chez celui qui active son empathie, permet de décupler les plaisirs).
Concernant le narcissisme, leur façon de penser est effectivement connue pour traduire la vie comme à somme nulle ; ici on voit la différence entre la croyance du narcissique qui suit un jeu à somme nulle VS quelqu’un qui aurait une estime de soi qui n’est pas à somme nulle :

Pour donner un exemple concret de la pensée narcissique à somme nulle, l’autobiographie d’Elliot Rodger, un incel aux idées d’extrême droite ayant tué 6 personnes et blessés 14 autres avant de se suicider, montre continuellement des traces de cette pensée à somme nulle. Par exemple, à un de ses anniversaires il n’a pas été servi du gâteau en premier : il l’a vécu comme un drame et une terrible injustice parce qu’il estime qu’il aurait dû être servi en premier. Lorsqu’il voyait des couples dans la rue ou au cinéma, il enrageait parce qu’il considérait cela comme un affront, parce que lui était célibataire. Ces personnes étaient pourtant juste en train de vivre leur vie, aucune d’entre elles ne l’avait provoqué d’une quelconque manière, ni même croisé son regard. Mais du point de vue de Rodgers, comme ces personnes avaient « réussi » quelque chose qu’il n’avait pas « réussi », cela l’enrageait, parce que narcissiquement dans son esprit, il était naturellement supérieur à eux, auraient dû avoir plus de droits qu’eux, aurait dû « réussir » plus qu’eux.
À noter que la pensée à somme nulle peut ne pas être imprégnée d’un narcissisme aussi extrême, mais ressemble beaucoup dans la dynamique qu’on peut voir mieux ici peut être :

La différence c’est que le jeu à somme nulle démarrerait non pas forcément d’une pensée grandiose sur soi-même, mais d’un « il faut gagner dans cette situation ! » puis avancerait vers « est-ce que j’ai gagné ? (plus de ressources, plus de statuts, plus d’honneurs qu’un autre adversaire), puis il y aurait le mode antagoniste qui me semble quasiment identique.
À noter que le narcissisme en tant que trait (et non en tant que trouble de la personnalité) est lié à des questions politiques. Si cela vous intéresse de creuser ce sujet :
Des attitudes politiques
Toujours dans l’exploration de ce qui causerait la croyance en la somme nulle, la recherche a d’abord constaté une forte connexion avec le conservatisme, et on voit que l’étude des croyances spécifiques s’est beaucoup penchée sur des croyances qui ont souvent un marqueur à l’extrême droite. Qu’on soit bien clair : ce n’est pas que les chercheurs sont d’immenses gauchistes, mais parce qu’en psychologie la souffrance est une préoccupation majeure de la discipline, les psychologues étant formés à aider les gens à la diminuer, voire à s’en libérer.
Or, les logiciels autoritaires d’extrême droite sont historiquement et factuellement connectés à une violence extrême, causant des massacres, des attentats, voire des génocides (voir Semelin, Purifier et Détruire) . De façon plus quotidienne, les préjugés que les tenants d’extrême droite portent systématiquement à l’encontre de certains groupes causent la souffrance de ces groupes, leur mal être, leur inaccessibilité à des conditions dignes d’existence à cause d’un racisme structurel qui est perpétué dans le temps et injecté dans les structures.
Ainsi il est logique que les chercheurs aient tendance à se focaliser prioritairement sur les problèmes qui causent le plus de dégâts, pour les prévenir, plutôt que de choisir d’autres moins impactants.
Et à cela, les gens d’extrême droite vont répliquer que le communisme n’a pas fait mieux, croyant démanteler cette explication ou réussir à m’énerver. Mais effectivement, tous les leaders ou mouvements autoritaires qui ont impulsé des massacres variés de groupe entiers d’innocents ont en fait démontré et rendu réelle un jeu à somme nulle, un ethnocentrisme, un autoritarisme. Mais ce n’est pas censé être une mécanique idéologique de la gauche telle que définie et mesurée en psychologie politique par exemple, mais plutôt une mécanique idéologique d’extrême droite, autoritaire.

Ceci étant dit, la croyance en la somme nulle peut être portée tant par la gauche que la droite et leurs « extrêmes » respectifs, les chercheurs ont découvert que la croyance à somme nulle s’active simplement en fonction d’autres éléments selon leur idéologie respective. Par exemple, les conservateurs ont des croyances à somme nulle lorsqu’ils sentent que le statu quo est menacé11, alors que les gauchistes ont des croyances à somme nulle quand leur capacité à changer le statu quo est menacée12.
Dans un versant plus d’extrême droite, les dominateurs autoritaires (SDO) considèrent aussi les gains des autres groupes comme à somme nulle13, et sont connus aussi pour matcher avec la Triade noire et la basse agréabilité. C’est moins le cas chez les autoritaires soumis (RWA) qui sont particulièrement plus dans le repli sur leur groupe pour rechercher de la protection.
On peut voir les différences ici dans ce résumé de deux profils qui corrèlent le plus avec l’extrême droite :

Autrement dit, plus on va vers une extrême droite portée par des profils aux statuts privilégiés, plus la croyance en la somme nulle semble un pilier de leur vie, là où chez des profils plus modérés à droite et à gauche, la croyance serait activée par des situations qu’ils perçoivent comme menaçantes dans le cadre de leur logiciel politique. Par conséquent, personne n’est à l’abri de penser selon ce logiciel à somme nulle de façon ponctuelle ou généralisée, que cela porte sur des menaces réelles ou imaginées, transmises par des discours d’influenceurs, sur n’importe quel sujet. Par exemple, je me rappelle de croyances à somme nulle par des profils de gauche, lorsque l’invention des caisses automatiques a été mises en place dans les supermarchés qui y voyait uniquement des menaces de licenciements, de rupture de relations sociales, annulant les réflexions qu’ils pourraient y avoir sur l’aliénation et la pénibilité des métiers en caisse classique et ce qui s’y jouerait. De ce que j’ai pu voir de mes liens avec la communauté gauchiste, c’est qu’une partie a une forme de conservatisme ou de sentiment de menace facilement activable qui tend à voir menaçante les avancées technologiques ou les nouveautés, puis à rationaliser ce sentiment de menace avec des logiciels d’interprétation de gauche sur l’exploitation, la domination, l’aliénation, etc. Mais d’autres groupes de gauche plus progressistes vont plutôt se concentrer sur les possibilités que cela ouvre pour agir contre ces phénomènes d’exploitation, d’aliénation, de domination et chercher les nouveaux espaces d’actions possibles que cette nouveauté ouvre (par exemple en militant pour le temps de travail libéré, un revenu universel/salaire à vie, etc.). Il me semble possible qu’une droite rejetant fermement les préjugés puisse avoir ces variabilités aussi. Ainsi, tout n’est pas uniforme et prédictible.
Un Arrêt de la réflexion
Enfin, la croyance en la somme nulle serait selon les chercheurs potentiellement aussi dus à un manque de réflexion de l’individu :
“Bien que les gens remarquent facilement l’impact immédiat et direct à somme nulle des transactions économiques simples (par exemple, plus d’argent pour les vendeurs signifie que les acheteurs conservent moins d’argent), ils négligent souvent leur chaîne potentielle à long terme d’effets indirects, dynamiques et spatialement dispersés à somme non nulle (par exemple, les acheteurs satisfaits tirent une utilité des transactions économiques et génèrent en recommandant le produit).”
Davidai et Tepper (2023) The psychology of zero-sum beliefs https://www.nature.com/articles/s44159-023-00194-9
Autrement dit, ils arrêtent leur réflexion aux premiers facteurs rencontrés, ici le fait que de l’argent circule de l’acheteur au vendeur, donc que l’acheteur perd de l’argent, que le vendeur en gagne, ce qui peut amener à une croyance en somme nulle, que l’acheteur est un perdant et un vendeur un winner. Or il y a la réflexion ne devrait pas s’arrêter et prendre en compte non seulement ce qui a été acheté (un superbe croissant), pour combien (moins d’un euro), pour quel effet (il était vraiment délicieux, ça a mis de bonne humeur, cela a effacé la faim), puis qu’à la vue de l’extrême succulence du croissant et son prix raisonnable, le client n’a pas arrêté de dire du bien de cette boulangerie et ses croissants, ce qui a fait gagner des clients au boulanger qui, comprenant le pourquoi, a alors conservé la même recette de croissants au même prix très avantageux pour les clients, ce qui fait que la relation acheteur vendeur a été ici à somme NON nulle : tout le monde gagne.
Mais pour voir cette relation non nulle, vous voyez qu’il nous a fallu nous mettre à la place de différents acteurs en même temps, explorer les divers facteurs, bref ne pas arrêter son jugement trop tôt. Ainsi les chercheurs pensent que les croyances à somme nulle seraient répandues parce que cela demande moins de délibération et d’effort cognitif que les idées complexes à somme non nulles14.
Je me demande si ce n’est pas lié plus précisément à un manque d’imagination empathique, ou un refus de l’employer, par exemple pour des raisons de racisme, de sexisme et autres préjugés qui font que l’autre est déshumanisé, donc que l’individu refuse de s’y identifier. Il est possible aussi à mon sens que les gens arrêtent leur réflexion parce qu’ils manquent d’information mais ne sont peut-être pas conscients qui leur en manque, ce qui précipiterait le jugement.
Il ne s’agirait donc pas de bêtise de la part des gens mais à mon sens le fait de juger trop vite de la situation et de la classer comme « résolue », alors qu’on n’a pas exploré les multiples perspectives, points de vue, situations, contextes, qu’on ne s’est pas mis à la place des différents acteurs pour davantage comprendre à quoi on a affaire. Vouloir explorer les possibilités amène aussi à être motivé à chercher de l’information, donc à laisser son jugement en suspens tant qu’on ne s’est pas mis au clair avec une somme conséquente d’informations.
De plus, les chercheurs ajoutent que les croyances à somme nulle sont plus faciles à se représenter que l’inverse : par exemple, juger que les immigrés volent les emplois est plus facile à se représenter que toutes les causes participant à élever le chômage, comme les délocalisations d’entreprises pour trouver une main-d’œuvre moins chère, où il y a moins de droits à respecter, des avantages fiscaux pour n’en citer qu’un. Donc penser en somme non nulle serait plus « difficile »15 parce que ça demande d’avoir plus d’éléments en tête avant de pouvoir affirmer son jugement.
Je pense aussi que d’affirmer un jugement rapide dans certains contextes sociaux, avec des explications directes faciles à comprendre, permet d’obtenir une sorte de bénéfice à l’égo : on se sent savoir plus que les autres à somme non nulle qui, eux vont prendre du temps pour expliquer tous les facteurs et ajouter des modérations, des facteurs incertains, des possibilités à explorer.
Affirmer haut et fort en pointant du doigt me semble être même récompensé sur les réseaux sociaux à travers de forts partages, réactions et autres likes. Cela permettrait de s’approprier un sujet d’actualité brûlant dont tout le monde parle (donc qui sera alors mieux relayé), de le faire avec des affects connus pour être favorisés par les algorithmes (la colère par exemple) et ça peut être expliqué en une phrase sans avoir besoin de justifier quoique ce soit.
Juger vite, de façon courte et percutante, de façon à somme nulle, est une stratégie médiatique qui fonctionne pour obtenir une visibilité rapide : tenter de comprendre un sujet et ses multiples voies demande du temps d’investigation, du temps d’explication de tout ce qui a été investigué, d’accepter des zones d’incertitude et l’impossibilité de juger (car on manquerait de données par exemple). Et même si l’explication est courte, comme la relation à somme nulle entre notre client, son boulanger et le croissant, le fait qu’elle ne comporte pas d’affect mobilisateur comme la colère, le sentiment d’injustice, la haine, le dégoût, fait que cela a très peu de chances d’avoir de l’écho, les gens n’y réagissant pas plus que ça sur les réseaux ou les médias.
De plus, les chercheurs relèvent que surmonter les croyances à somme nulle demanderait une réflexion16, ce qui est encore un coût cognitif qui peut être répulsif. Les surmonter demande une prise en compte des points de vue des autres17, ce qui peut être un défi ou répulsif pour les bas en agréabilité, ceux à triade noire, les autoritaires qui ont tous des barrières à se mettre à la place des autres, que ce soit généralisé à tous ou pour certains groupes. Par exemple, les autoritaires de droite RWA peuvent faire preuve de compassion, d’empathie et de prise de perspective, mais il le réserve à leur endogroupe, car leur racisme, préjugés et diverses idéologies les restreignent. SDO comme RWA sont connus pour avoir des problèmes d’empathie18.
Les chercheurs soulignent aussi que se concentrer sur les pertes pourrait être particulièrement susceptible de favoriser les croyances à somme nulle 19 ainsi que tout ce qui appuie sur la menace et la perception de rareté des ressources.
En résumé, les chercheurs ont répertorié dans ce tableau toutes les causes :
Tableau provenant de : Davidai et Tepper (2023) The psychology of zero-sum beliefs | Les croyances à somme nulle sont plus susceptibles d’émerger lorsque… | Les croyances à somme nulle sont moins susceptibles d’émerger lorsque… |
Causes intrapersonnelles | -Les gens s’engagent dans des comparaisons à la hausse défavorables. – Les gens sont personnellement investis. – Les gens ont des scores hauts en SDO, la psychopathie, le narcissisme ou le machiavélisme. – Les gens se concentrent sur leurs pertes (par rapport à leurs gains). – Les gens se sentent menacés par des changements démographiques dans la société. | – Les gens ont des connaissances spécifiques au domaine. – Les gens considèrent les effets à long terme. – Les gens sont haut en agréabilité ou l’individualisme. – Les gens ont une histoire familiale de mobilité économique ascendante. |
Causes situationnelles | – Les enjeux sont élevés – L’inégalité perçue est élevée. – L’inflation est élevée – Des dirigeants dominateurs sont au pouvoir – Les gens sont financièrement vulnérables | – Le produit intérieur brut (PIB) est élevé – La croissance économique est élevée. – Plusieurs parties sont impliquées – La responsabilité est élevée. |
La suite et fin : Ne plus voir la vie comme un jeu uniquement nul ?
Note de bas de page
La biblio complète du dossier est disponible également ici : Σ0 : bibliographie
1 Demoulin, S. & Teixeira, C. P. Social categorization in interpersonal negotiation: how social structural factors shape negotiations. Group Process. Intergroup Relat. 13, 765–777 (2010).
2Kakkar, H. & Sivanathan, N. The impact of leader dominance on employees’ zero-sum mindset and helping behavior. J. Appl. Psychol. 107, 1706–1724 (2022
3Smithson, M. & Shou, Y. Asymmetries in responses to attitude statements: the example of “zero-sum” beliefs. Front. Psychol. 7, 984 (2016)
4Wilkins, C. L. & Kaiser, C. R. Racial progress as threat to the status hierarchy: implications for perceptions of anti-white bias. Psychol. Sci. 25, 439–446 (2014). 48. Wilkins, C. L., Hirsch, A. A., Kaiser, C. R. & Inkles, M. P. The threat of racial progress and the self-protective nature of perceiving anti-White bias. Group Process. Intergroup Relat. 20, 801–812 (2017).
5Davidai, S. & Ongis, M. The politics of zero-sum thinking: the relationship between political ideology and the belief that life is a zero-sum game. Sci. Adv. 5, eaay3761 (2019) ; Esses, V. M., Dovidio, J. F., Jackson, L. M. & Armstrong, T. L. The immigration dilemma: the role of perceived group competition, ethnic prejudice, and national identity. J. Soc. Issues 57, 389–412 (2001
6Halevy, N., Chou, E. Y. & Murnighan, J. K. Mind games: the mental representation of conflict. J. Pers. Soc. Psychol. 102, 132–148 (2012).
7Różycka-Tran, J., Boski, P. & Wojciszke, B. Belief in a zero-sum game as a social axiom: a 37-nation study. J. Cross Cultural Psychol. 46, 525–548 (2015)
8ten Brinke, L., Black, P. J., Porter, S. & Carney, D. R. Psychopathic personality traits predict competitive wins and cooperative losses in negotiation. Pers. Individ. Differ. 79, 116–122 (2015)
9(PDF) Personality in Adulthood: A Five-Factor Theory Perspective
10Par exempleMcCabe KO, Fleeson W. Are traits useful? Explaining trait manifestations as tools in the pursuit of goals. J Pers Soc Psychol. 2016 Feb;110(2):287-301. doi : 10.1037/a0039490. Epub 2015 Aug 17. PMID : 26280839 ; PMCID : PMC4718867. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4718867/
11Wilkins, C. L., Wellman, J. D., Babbitt, L. G., Toosi, N. R. & Schad, K. D. You can win but I can’t lose: bias against high-status groups increases their zero-sum beliefs about discrimination. J. Exp. Soc. Psychol. 57, 1–14 (2015
12Davidai, S. & Ongis, M. The politics of zero-sum thinking: the relationship between political ideology and the belief that life is a zero-sum game. Sci. Adv. 5, eaay3761 (2019).
13Esses, V. M., Jackson, L. M. & Armstrong, T. L. Intergroup competition and attitudes toward immigrants and immigration: an instrumental model of group conflict. J. Soc. Issues 54, 699–724 (1998) ; Ho, A. K. et al. The nature of social dominance orientation: theorizing and measuring preferences for intergroup inequality using the new SDO7 scale. J. Pers. Soc. Psychol. 109, 1003–1028 (2015).
14Hirshleifer, D. Presidential address: social transmission bias in economics and finance. J. Financ. 75, 1779–1831 (2020).
15Lee, S. W. S. & Schwarz, N. A grounded cognition perspective on folk-economic beliefs. Behav. Brain Sci. 41, e175 (2018).
16Curhan, J. R., Overbeck, J. R., Cho, Y., Zhang, T. & Yang, Y. Silence is golden: extended silence, deliberative mindset, and value creation in negotiation. J. Appl. Psychol. 107, 78–94 (2022)
17Chambers, J. R. & De Dreu, C. K. W. Egocentrism drives misunderstanding in conflict and negotiation. J. Exp. Soc. Psychol. 51, 15–26 (2014
18Structural modeling of generalized prejudice: The role of social dominance, authoritarianism, and empathy.
19Roberts, R. & Davidai, S. The psychology of asymmetric zero-sum beliefs. J. Pers. Soc. Psychol. 123, 559–575 (2022). ; Andrews-Fearon, P. & Davidai, S. Is status a zero-sum game? Zero-sum beliefs increase people’s preference for dominance but not prestige. J. Exp. Psychol. Gen. 152, 389–409 (2022).
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15.05.2025 à 12:48
La vie n’est pas qu’un jeu nul [Σ0-1]
Viciss Hackso
Oh mon dieu quelle horreur une pensée positive ! Alors que le fascisme et les guerres…
L’article La vie n’est pas qu’un jeu nul [Σ0-1] est apparu en premier sur Hacking social.
Texte intégral (8390 mots)
Oh mon dieu quelle horreur une pensée positive !
Alors que le fascisme et les guerres se multiplient, que l’espoir s’effondre et que tout optimisme, toute réjouissance devrait être annulée pour embrasser une sainte déprime dans un marécage d’impuissance et de cynisme, HS nous fait l’affront d’être positif ! Vite un commentaire enragé et un désabonnement !
Rassurez-vous Français et Françaises, malgré ce titre hautement provocateur, nous allons aujourd’hui plonger dans la médiocrité déprimante de nos croyances, avec le jeu nul de la vie : la croyance en la somme nulle.
Le jeu, la pensée, la croyance à somme nulle, c’est quoi ?
Vous avez peut-être déjà entendu parler du jeu à somme nulle, un terme qui malgré son apparence provient non pas du champ de la conception des jeux mais des mathématiques, pour décrire des situations ou « jeu où la somme des gains et des pertes de tous les participants est égale à zéro. Cela signifie donc que le gain de l’un constitue obligatoirement une perte pour l’autre » (Wikipédia). Et ces jeux-là vous les connaissez très bien : c’est par exemple les échecs où le fait de gagner c’est prendre à l’autre ces pièces ; c’est le Monopoly où le fait de posséder stratégiquement certaines rues empêchent non seulement les autres de les posséder mais contraint aussi ces dernier à vous donner leur argent s’il y passe ; c’est cette ruine des autres qui permet votre enrichissement personnel ; c’est votre collègue de travail qui vous pique sans merci ni pitié vos clients pour remplir son chiffre d’affaires et gagner les félicitations de votre boss, tandis que ce dernier vous menace de licenciement si vous persistez à « perdre » tel un gros « nul ». Ici, le jeu à somme nulle se contrefiche pas mal de la séparation entre le virtuel du jeu et la réalité bien sérieuse et concerne bien toutes les situations qui seraient cadrées, conçues, organisées sous ce modèle, cette série de règles et pattern qui mène à ce qu’il y ait un gagnant gagnant contre un autre (via l’appropriation d’objets, de ressources, de places, d’opportunités)et un perdant qui se retrouve progressivement sans rien, (car soit volé, exploité, parce qu’il n’a pas perçu les stratégies manipulatoires).
Au risque de vous frustrer jusqu’à la crise de nerfs compulsive, non, nous n’allons pas prendre l’angle des mathématiques aujourd’hui, mais l’angle psychologique de ces jeux qu’on joue IRL, avec ce qui a presque autant de noms que le diable, à savoir la pensée à somme nulle, la perspective de la somme nulle, la croyance en jeu à somme nulle, l’erreur de la croyance en un jeu à somme nulle, etc. Pour faciliter la lecture, nous parlerons parfois directement de jeu nul, de croyance ou pensée nulle : oui ça paraît méprisant réduit ainsi, mais vous allez découvrir que lorsqu’on sort du champ des jeux et qu’on parle surtout des relations sociales, il y a de bonnes raisons de considérer la croyance à somme nulle comme nulle.
« La pensée à somme nulle perçoit les situations comme des jeux à somme nulle, où le gain d’une personne serait la perte d’une autre […] Le terme est dérivé de la théorie des jeux. Cependant, contrairement au concept de la théorie des jeux, la pensée à somme nulle se réfère à une construction psychologique — l’interprétation subjective d’une situation par une personne. La pensée à somme nulle est capturée par le dicton “ton gain est ma perte” (ou inversement, “ta perte est mon gain”). »
Comme vous le voyez, la conception en psychologie diffère peu : c’est voir n’importe quelle situation ou n’importe quel événement social comme si c’était un jeu d’échecs, et jamais comme si on pouvait se dire « ton gain est aussi mon gain », ce qui est une perspective non nulle, dite aussi « gagnant gagnant », ou toute autre interprétation comme une indifférence, une absence de jugement « on n’en sait rien », etc.
Et le gros problème c’est que cette pensée se retrouve au cœur de visions du monde, d’attitudes, de croyances sur la société qui amène à des phénomènes de société bien plus grave que de se fermer à d’autres interprétations de la vie et de rester à ce jugement nul.
Davidai et Tepper (2023) nous montrent que cette croyance est au cœur de drames :
« Le 14 mai 2022, deux jours seulement après la publication en ligne d’un manifeste truffé de contenus racistes, antisémites et xénophobes, un jeune homme blanc de 18 ans est entré dans un supermarché de Buffalo, dans l’État de New York (États-Unis), armé d’un fusil semi-automatique acheté légalement, et a déclenché une fusillade qui a fait dix morts et trois blessés parmi les Américains noirs. Dans son manifeste haineux, l’agresseur promouvait la “théorie du Grand Remplacement” des nationalistes blancs, une théorie du complot affirmant que l’immigration et l’avancée de personnes issues de minorités raciales et/ou ethniques à travers le monde occidental déplacent et oppriment les personnes d’origine européenne.
Des croyances similaires ont motivé la fusillade de masse de 2018 contre une congrégation juive à Pittsburgh, en Pennsylvanie (Etats-Unis), la fusillade de masse de 2019 contre une congrégation musulmane à Christchurch, en Nouvelle Zélande, et la fusillade de masse de 2019 contre des Américains d’origine hispanique et latino-américaine à El Paso, au Texas (Etats-Unis). »
Davidai et Tepper (2023) The psychology of zero-sum beliefs https://www.nature.com/articles/s44159-023-00194-9
La croyance du grand remplacement a une mécanique de jeu à somme nulle : ces personnes y rejettent l’idée que l’immigration puisse apporter du plus à leur pays/leur groupe, et encore moins que celle-ci puisse apporter à tout le monde. C’est le jeu d’échecs dans leur tête, ce sont des adversaires qui viendraient entrer en compétition pour prendre des places, que ce soit l’emploi, les aides, voire même pour leur voler des opportunités d’être en couple.
En France par exemple, beaucoup vont croire que des aides données à des migrants sont des aides en moins données aux « Français de souche », et ce quand bien même ce n’est pas la situation, voire même qu’elle est à l’inverse (des aides bien moindres comparés à ceux qui ont la nationalité française), ils n’en démordent pas et vont chercher d’autres arguments mais qui sont toujours dans un esprit de jeu à somme nulle, en disant que ces étrangers (qu’ils identifient par la couleur de peau, qu’importe leur nationalité française ou leur situation sociale réelle) ne méritent pas ces aides comparés à des blancs (sans pour autant sourcer ce qu’est ce mérite, si ce n’est d’être né arbitrairement blanc dans un pays blanc très confortable comparé à d’autres pays vivant d’autres situations).
On trouve quantité de ces pensées dans ces leaks de discussions entre policiers qui -entre quantité de sorties racistes, sexiste et autres discriminations- croient que les noirs et Arabes volent leurs femmes (sans penser une seconde que leur racisme et sexisme est peut-être rédhibitoire et pas sexy pour de potentielles concubines) :
Les enquêtes sur l’extrême droite française1 regorgent de pensées à somme nulle de ce genre, par exemple :
[La discussion porte sur les écoles municipales de la commune.] Pour les écoles, là [le maire adjoint], il en avait une bonne idée, pour une fois ! Il voulait créer une école à l’endroit de l’ancienne gendarmerie, pour désengorger. Parce que c’est vrai que là, il y en a de plus en plus besoin… Mais bon, finalement, il n’a pas trouvé les sous. Mais alors par contre, quand il a fallu loger les migrants, 1,8 million qu’il a fallu trouver : eh bien là, il en a eu des sous ! Alors nous on lui a dit : « Vous avez pas trouvé l’argent pour l’école, par contre, pour eux pas de problème. »]
Des électeurs ordinaires, Faury Félicien, 2023
Ici il n’est pas imaginé que les financements ne sont peut-être pas organisés par les mêmes services de gestion, ni les mêmes enveloppes, ni les mêmes décisionnaires. Que l’école en question demandait peut-être d’autres moyens (d’ailleurs que l’individu ne précise pas, ce qui ne donne aucun moyen de comparer), peut-être plus sur le long terme. Plus encore, il n’est pas pensé que tout aménagement aidant les gens quels qu’ils soient, pour quelconque raison, serait en réalité souhaitables et bénéfiques à tous. Non, la perspective est de faire rentrer les choses dans un jeu nul, en duo avec un racisme (qui est encore plus visible dans l’ouvrage cité plus haut).
Ceci étant dit, gardez en tête que la croyance à somme nulle ne s’associe pas qu’aux idéologies d’extrême droite, mais potentiellement à n’importe quel élément de la vie sociale.
La croyance nulle peut être spécifique à juste un domaine. Par exemple si je faisais un article centré sur le revenu universel (une idée politique de donner un revenu inconditionnel à tous), internet pourrait entrer en combat pour me défendre l’idée du salaire à vie (qui est aussi un revenu à tous, mais modéliser différemment, plus d’infos ici), estimant que si je parle du revenu universel, c’est que je suis contre l’idée du salaire à vie, puis l’espace commentaire pourraient entrer potentiellement en combat entre ceux vantant un certain type de revenu universel, vs ceux pro-salaire à vie. Alors qu’en réalité, écrire sur le revenu universel ne serait pas pour moi un mouvement à somme nulle pour faire « gagner » ce sujet, mais simplement le faire découvrir, et que dès la semaine suivante j’aurais parlé du salaire à vie avec égal intérêt. Peut-être que ces gens ont cette croyance à somme nulle juste pour ce sujet, mais que par ailleurs, ils comprendraient que parler d’un contenu ne veut pas dire qu’on dénigre ce dont on ne parle pas.
On parlerait donc de croyance à somme nulle spécifique. Mais la croyance à somme nulle peut être généralisée, ce qui va être en quelque sorte une interprétation systématique de toutes les situations. Davidai et Tepper (2023) nous disent que ces croyances vont transcender toutes les circonstances et les situations spécifiques, voire même les faits et la réalité se déroulant sous leurs yeux, démontrant un jeu à somme non nulle, par exemple une situation de coopération ou l’on voit les deux parties heureuses.
Les chercheurs ont beaucoup étudié des croyances spécifiques à un domaine, voici quelques exemples relevés par Davidai et Tepper (2023) :
Domaine | Exemple de croyance à somme nulle | Exemple d’élément d’enquête ou de conception expérimentale | Principales conclusions | Références des études |
Immigration | « Les immigrants ont des bénéfices au détriment des citoyens d’un pays » | « Si certains immigrants s’enrichissent, cela signifie que d’autres citoyens nés aux ÉtatsUnis s’appauvrissent. » | Des croyances plus fortes à somme nulle sur l’immigration sont associées à un plus grand conservatisme et à un soutien moindre aux politiques proimmigration | Esses, V. M., Jackson, L. M. & Armstrong, T. L. Intergroup competition and attitudes toward immigrants and immigration: an instrumental model of group conflict. J. Soc. Issues 54, 699–724 (1998). ; Davidai, S. & Ongis, M. The politics of zero-sum thinking: the relationship between political ideology and the belief that life is a zero-sum game. Sci. Adv. 5, eaay3761 (2019). |
Rapport international | « Les gains économiques ou géopolitiques d’un pays se font au détriment d’un autre pays « | « Une économie chinoise plus forte signifie une économie américaine plus faible » | Les croyances à somme nulle sur les relations internationales sont asymétriques : les gens croient que d’autres pays gagnent aux frais de leur propre pays mais pas vice versa | Roberts, R. & Davidai, S. The psychology of asymmetric zero-sum beliefs. J. Pers. Soc. Psychol. 123, 559–575 (2022 |
Relations inter-raciales | « Les Noirs américains gagnent aux frais des Américains blancs » | « Plus de bons emplois pour les Noirs signifie moins de bons emplois pour les Blancs » | Les membres de groupes raciaux à haut statut approuvent les croyances à somme nulle sur les relations raciales lorsque leur statut est menacé. Les Américains blancs croient que la diminution du biais anti-noir est compensée en augmentant les préjugés anti-blancs. | Wilkins, C. L., Wellman, J. D., Babbitt, L. G., Toosi, N. R. & Schad, K. D. You can win but I can’t lose: bias against high-status groups increases their zero-sum beliefs about discrimination. J. Exp. Soc. Psychol. 57, 1–14 (2015) Rasmussen, R. et al. White (but not Black) Americans continue to see racism as a zerosum game; white conservatives (but not moderates or liberals) see themselves as losing. Perspect. Psychol. Sci. 17, 1800–1810 (2022). |
Relation entre genres | « Les femmes gagnent aux dépens des hommes » | « Alors que les femmes acquièrent un statut social, les hommes perdent le statut social » | Les hommes approuvent des croyances à somme nulle sur le genre lorsqu’ils estiment que la hiérarchie de genre est menacée | Kuchynka, S. L., Bosson, J. K., Vandello, J. A. & Puryear, C. Zero-sum thinking and the masculinity contest: perceived intergroup competition and workplace gender bias. J. Soc. Issues 74, 529–550 (2018). Ruthig, J. C., Kehn, A., Gamblin, B. W., Vanderzanden, K. & Jones, K. When women’s gains equal men’s losses: predicting a zero-sum perspective of gender status. Sex Roles 76, 17–26 (2017). Kehn, A. & Ruthig, J. C. Perceptions of gender discrimination across six decades: the moderating roles of gender and age. Sex. Roles 69, 289–296 (2013). Ruthig, J. C., Kehn, A., Fisher, W. N. & Carstens Namie, E. M. Consequences of a zero-sum perspective of gender status: Predicting later discrimination against men and women in collaborative and leadership roles. Sex. Roles 85, 13–24 (2021). |
Droits LGBT | « Un biais anti-LGBTQ inférieur se fait au détriment des biais antichrétiens plus élevés » | « Alors que les personnes LGBT sont confrontées à moins de discrimination, les individus chrétiens finissent par faire face à plus de discrimination | Le peuple chrétien approuve les croyances à somme nulle sur les droits LGBTQ lorsqu’ils estiment que l’influence chrétienne est menacée | Wilkins, C. L. et al. Is LGBT progress seen as an attack on Christians? Examining Christian/ sexual orientation zero-sum beliefs. J. Pers. Soc. Psychol. 122, 73–101 (2021) |
Identité ethnique | « S’identifier à son pays d’origine se fait au détriment de l’adhésion dans son pays adopté » | « Considérons une personne qui a immigré en Allemagne il y a cinq ans d’Irak : plus elle est “irakienne”, moins elle sera “allemande” » | Une identification plus forte avec son pays d’origine est perçue comme limitant l’identification avec son pays adopté | Smithson, M., Sopeña, A. & Platow, M. J. When is group membership zero-sum? Effects of ethnicity, threat, and social identity on dual national identity. PLoS One 10, e0130539 (2015). |
Notes universitaires | « Des notes plus élevées pour certains étudiants se font aux frais d’autres étudiants » | Les participants voient une distribution des notes et prédisent quelle sera la prochaine note | Les étudiants s’attendent à ce que les notes soient plus basses après avoir vu que de nombreuses notes élevées ont déjà été données | Meegan, D. V. Zero-sum bias: perceived competition despite unlimited resources. Front. Psychol. 1, 191 (2010). |
« Les bénéfices de l’entreprise se font au détriment du bien social » | Les participants estiment que les bénéfices d’une entreprise et sa valeur pour la société | Les gens ont tendance à croire que les entreprises avec des bénéfices plus élevés sont plus nocives pour la société | Bhattacharjee, A., Dana, J. & Baron, J. Anti-profit beliefs: how people neglect the societal benefits of profit. J. Pers. Soc. Psychol. 113, 671–696 (2017). | |
Relations de travail | « Les employés bénéficient aux frais d’une entreprise et les entreprises profitent aux frais des employés » | La poussée pour augmenter les bénéfices des entreprises nuira inévitablement aux salaires | Des croyances à somme nulle plus fortes sur les relations de travail qui maintiennent le statu quo sont négativement associées au conservatisme | Davidai, S. & Ongis, M. The politics of zero-sum thinking: the relationship between political ideology and the belief that life is a zero-sum game. Sci. Adv. 5, eaay3761 (2019). |
Transactions économiques | « Les vendeurs gagnent aux frais des acheteurs » | Les participants indiquent si les transactions rendent les acheteurs et les vendeurs mieux, pire ou les mêmes qu’avant | Les gens ont tendance à croire que les acheteurs sont moins susceptibles de bénéficier de transactions que les vendeurs | Johnson, S. G. B., Zhang, J. & Keil, F. C. Win–win denial: the psychological underpinnings of zero-sum thinking. J. Exp. Psychol. Gen. 151, 455–474 (2022). |
Produits de consommation | « L’investissement dans les produits écologiques se fait au détriment de la qualité des produits » | Afin d’améliorer le produit pour l’environnement, l’entreprise a enlevé les ressources afin de rendre ce produit de meilleure qualité » | Les consommateurs pensent que les entreprises rendent les produits plus respectueux de l’environnement en détournant les ressources loin des autres caractéristiques des produits (par exemple, Qualit | Newman, G. E., Gorlin, M. & Dhar, R. When going green backfires: how firm intentions shape the evaluation of socially beneficial product enhancements. J. Consum. Res. 41, 823–839 (2014). |
Politiques publiques | « Les politiques qui profitent aux membres d’un groupe nuisent aux membres d’autres groupes » | « Plus le gouvernement dépense de ressources pour les États “bleus”, moins il peut dépenser pour les états “rouges” » | Les membres du groupe majoritaire perçoivent les politiques qui profitent aux membres du groupe minoritaire comme nocifs pour leur ingroupe | Brown, N. D. & Jacoby-Senghor, D. S. Majority members misperceive even “win-win” diversity policies as unbeneficial to them. J. Pers. Soc. Psychol. 122, 1075–1097 (2022). Roberts, R. & Davidai, S. The psychology of asymmetric zero-sum beliefs. J. Pers. Soc. Psychol. 123, 559–575 (2022). |
Conflits géopolitiques | « Les compromis profitent à d’autres pays au détriment de son propre pays » | « Tout ce qui se passe qui est bon pour les Palestiniens doit être mauvais pour les Israéliens | Des perceptions plus fortes de renom des conflits sont associées à des attitudes négatives envers le compromis géopolitique | Maoz, I. & McCauley, C. Psychological correlates of support for compromise: a polling study of Jewish–Israeli attitudes toward solutions to the Israeli–Palestinian conflict. Polit. Psychol. 26, 791–808 (2005) |
Statut social | « Le gain d’une personne en statut se fait à la dépense des autres » | « Lorsque le statut d’une personne augmente, cela signifie qu’un statut pour une autre personne diminue » | La visualisation du statut comme un somme nulle augmente la volonté des gens d’utiliser les tactiques de dominance pour augmenter dans le rang social | Andrews-Fearon, P. & Davidai, S. Is status a zero-sum game? Zero-sum beliefs increase people’s preference for dominance but not prestige. J. Exp. Psychol. Gen. 152, 389–409 (2022). |
Raisonnement logique | « Le soutien à une hypothèse causale se fait au détriment des hypothèses concurrentes » | Les participants indiquent si un résultat de test probabiliste prend en charge deux hypothèses non mutuellement exclusives | Les gens supposent que les preuves qui soutiennent une hypothèse causale renforcent nécessairement une hypothèse concurrente | Pilditch, T. D., Fenton, N. & Lagnado, D. The zero-sum fallacy in evidence evaluation. Psychol. Sci. 30, 250–260 (2019) |
Empathie et amour romantique | « Ressentir de l’empathie et/ou l’amour envers une personne limite ses sentiments envers les autres » | « Dans une relation amoureuse, vous ne pouvez pas aimer pleinement une seule personne à la fois | Des croyances à somme nulle plus fortes sur l’amour sont associées à des évaluations négatives des personnes dans des relations non monogames plus fortes que les croyances à somme nulle sur l’empathie sont associées à une empathie inférieure envers les membres du groupe externe | Hasson, Y., Amir, E., Sobol-Sarag, D., Tamir, M. & Halperin, E. Using performance art to promote intergroup prosociality by cultivating the belief that empathy is unlimited. Nat. Commun. 13, 7786 (2022). ; Burleigh, T. J., Rubel, A. N. & Meegan, D. V. Wanting ‘the whole loaf’: zero-sum thinking about love is associated with prejudice against consensual non-monogamists. Psychol. Sex. 8, 24–40 (2017). |
La dynamique de ces croyances a posé question à la recherche, car on voit que certaines croyances restent spécifiques : par exemple une étude montre qu’une croyance de somme nulle sur les impôts ne va pas se généraliser à toute l’économie2. Mais d’autres semblent être une vision du monde qui porte sur tous les sujets, la croyance est donc généralisée. Il y aurait des effets dynamiques entre les croyances à somme nulle, de spécifique à générale comme entre spécifiques.

Les conséquences de cette croyance nulle
Et si j’ai l’audace de raccourcir en « nulle » ce n’est par jugement de valeur moraliste, de « bien-pensance » ou pour mépriser qui que ce soit, mais parce que les conséquences de cette pensée nous font à tous du mal, qu’on soit la cible visée de ces logiques, mais aussi à la merci de cette façon de penser. Parce oui, vous comme moi, on a tous été dans la pensée nulle à un moment donné ou nous le sommes actuellement, que ce soit spécifique à certains domaines comme généralisés. Et spoiler, je pense que d’être ici sur internet, notamment sur les réseaux sociaux nous entraînent assez continuellement à être dans cette logique pour être entendus : mais on parlera de ça plus tard, pour l’instant regardons les conséquences de ces croyances à somme nulle.
Les conséquences personnelles à opter pour cette pensée
Les individus dans cette croyance en viennent à avoir des affects plus négatifs et moins de positif3, sont plus cupides4, et sont moins satisfaits de la vie5. Ceux qui ont des croyances générales à somme nulle ont tendance à être très cyniques, à considérer la société comme injuste, à se méfier des concitoyens et des institutions, à se désengager des interactions potentiellement bénéfiques6. La croyance à somme nulle concernant le bonheur (que le bonheur d’une personne ne pourrait se faire qu’aux dépens d’une autre) est négativement corrélée à la satisfaction de vie7.
Ceci étant dit, les chercheurs précisent qu’il est possible que les causalités soient inverses : par exemple, peut-être que c’est la méfiance envers les concitoyens qu’a de base un individu qui pourrait l’entraîner à développer une croyance à somme nulle, et non la croyance qui amènerait à être méfiant des autres. Peut-être aussi que la dynamique va dans les deux sens. Ou encore il pourrait y avoir un facteur qui influence la relation entre la méfiance et la croyance, par exemple une situation de rareté des ressources : par exemple, le fait de savoir qu’il ne reste qu’un seul de mes gâteaux préférés, très rares à trouver, dans le placard de la cuisine qu’on partage avec des colocataires va peut-être déclencher ma peur de ne pas pourvoir le manger à ma convenance, cette peur va être centrée sur le fait qu’il est probable qu’un coloc me le pique, ce qui va développer ma méfiance, donc me faire croire qu’il y a un jeu à somme nul avec eux. Mais peut-être aussi que c’est parce que je crois que la vie est une jungle et que mes colocs sont sans merci que je vais me méfier d’eux et avoir peur de par la rareté de ce gâteau. Toutes les dynamiques se répondent et sont potentiellement possibles, peuvent même se renforcer l’une l’autre.
Ces croyances peuvent donc aussi être un problème dans les relations, puisque la méfiance fait négliger des opportunités d’accords qui seraient mutuellement bénéfiques8 (dans notre exemple du gâteau, j’oublie que je pourrais proposer de partager ce gâteau, ou encore d’expliquer aux colocs que manger ce gâteau est important pour moi et que je partagerai autre chose plus tard, ou de négocier, ou encore de me rappeler qu’il n’aime pas ça ou n’ont jamais rien piqué de ce qui avait été désigné comme mes affaires donc qu’on peut leur faire confiance).
Ces croyances réduisent aussi la volonté d’aider ses pairs9, et augmentent la volonté de saper les réalisations des autres, par exemple en parlant mal d’un collègue10. En plus, ces individus dans cette croyance ont tendance à être moins actifs et prendre moins leurs responsabilités au travail, car ils craignent que les autres puissent profiter d’eux11. Avoir ces croyances peut augmenter les comportements dominants, coercitifs, ainsi que l’agressivité12. Ils ne chercheront pas le fait de gagner en statut par des manières socialement acceptables et préféreront la domination13.
Dans le cadre amoureux, les individus dans cette croyance réagissent émotionnellement moins aux besoins des partenaires, et la qualité de la relation est moindre. Le fait que de croire que la relation entre genres est à somme nulle est négativement associé à la participation des hommes aux tâches ménagères ainsi que leur insatisfaction dans la relation14.
Les croyants à somme nulle se sentent généralement plus seuls15.

Si vous connaissez le dicton qui dit que pour aider une personne, il vaut mieux lui apprendre à pécher que lui donner un poisson, hé bien les croyants peuvent fournir de l’aide aux autres en donnant un poisson mais pas en apprenant à l’autre à pêcher ; sans métaphore, cela veut dire qu’ils aideront mais que en rendant l’autre dépendant d’eux ; ils n’aideront pas l’autre à ce qu’il réussisse par lui-même16.
Il y a néanmoins un « avantage » à jouer à ce jeu nul : considérer la réussite au travail comme un jeu à somme nulle était associé à une meilleure adaptation au changement organisationnel, avec l’apprentissage de nouvelles compétences et de gestion des changements dans ces taches17. Les chercheurs signalent que leur dominance pourrait être « bénéfiques » dans les contextes qui récompensent les tendances comportementales plus compétitives.
Conséquences intergroupes
On arrive ici dans le plus grave, car les croyances à somme nulle peuvent être utilisées pour justifier (et motiver) des actes de violence extrême, notamment des attentats basés sur la croyance du grand remplacement18 cités précédemment, mais on pourrait aussi citer les incels qui se pensent comme les perdants d’un jeu à somme nulle des relations, croyant que seuls certains hommes peuvent avoir accès à des relations hétéros, que les femmes ne choisiront que les autres, ne pouvant imaginer que les relations peuvent être accessibles à tous selon une certaine mutualité.
Auparavant à la marge, les croyances complotistes à somme nulle dépeignant des groupes minoritaires comme gagnant aux dépens des Étasuniens blancs dominent les discours19 : c’est aussi associé au fait de dénier l’existence d’un racisme, un refus des politiques d’amélioration de l’équité (notamment lorsqu’ils subissent une menace économique)20, une opposition à une action collective pour plus de justice sociale non raciste21.
Les chercheurs notent l’ironie de la croyance, qui en vient à leur faire soutenir ou rejeter des projets qui pourtant leur bénéficieraient : des politiques qui seraient mutuellement bénéfiques tant pour leur propre groupe que pour le groupe qu’ils ciblent, sont rejetées comme étant mauvaises22, ils perdent de vue leurs propres avantages.
De façon plus générale, la croyance à somme nulle est associée aux préjugés, à la xénophobie23, aux politiques anti-immigration (y compris les détentions illégales de sans-papiers)24. C’est aussi associé au fait d’être contre l’égalité des genres25, pour une plus grande discrimination des femmes dirigeantes ou collaboratrices26, ou encore de soutenir des politiques anti-homosexuels s’ils sont chrétiens27.
Pour résumer, on voit que la croyance à somme nulle repose sur l’idée que les groupes sont en compétition pour des ressources limitées qui seraient le statut et la richesse : ainsi empêcher les autres d’avoir des droits serait une façon de remporter la compétition, de se réserver les avantages et conditions privilégiées amenant à certains statuts et à des richesses.
Conséquences au niveau de la société
Quand ces croyances sont répandues, elles déterminent qui est élu et quelles politiques recueillent le plus de soutien28, notamment celles qui reposent sur moins de préoccupations concernant les inégalités et à la redistribution des richesses29. Les chercheurs soulignent que la prévalence de ces croyances parmi les décideurs peut amplifier les conséquences, par exemple lorsqu’ils n’arrivent pas à mettre en place des politiques qui améliorent la situation de certaines personnes sans aggraver la situation d’autres personnes30.
Les croyances à somme nulle fonctionneraient de la même façon au niveau individuel qu’au niveau national : le niveau moyen de croyance à somme nulle prédirait donc le niveau moyen de confiance entre ces citoyens 31(à la baisse) ou encore ses dépenses militaires (à la hausse)32
Au vu des conséquences négatives, il est difficile de valoriser la croyance à somme nulle comme le bon gameplay à avoir dans la vie, tant il limite les possibilités et contraint à percevoir les relations sociales à tout niveau sous une forme binaire très peu agréable, très peu enrichissant. On verra alors que les seuls arguments restant aux croyants à somme nulle passera par des formulations du type « c’est la vie », « c’est comme ça », « c’est la loi de la jungle, une compétition permanente avec des winners et des losers, y’a rien d’autres », « c’est la nature ! ».
Les chercheurs résument ainsi les conséquences de la pensée à somme nulle et celle également de la somme non nulle :
Directement issu de Davidai et Tepper (2023) | Résultats associés à des croyances à somme nulle plus élevées | Résultats associés à des croyances à somme nulle inférieure |
Conséquences intrapersonnelles et interpersonnelles | Affect négatif et moins de positif Engagement plus faible dans les interactions sociales Visions du monde pessimiste Populisme Dominance et agression solitude Cupidité Adaptabilité aux environnements compétitifs | Affect positif et satisfaction de la vie Relations satisfaisantes Comportement prosocial Confiance interpersonnelle Confiance dans les institutions sociales Moins de comportement de sapage social (par exemple, diffuser des rumeurs sur les collègues ou retarder intentionnellement le travail pour ralentir les collègues) |
Conséquences intergroupes | Préjugés et discrimination Sentiment anti-immigrant Anti-Egalitarisme Préoccupations sur les changements démographiques Angoisse collective | Plus de soutien à l’immigration Plus de soutien à l’égalité des genres Plus soutien à l’égalité ethnique Plus de soutien aux droits LGBTQ |
Conséquences sociétales | Dépenses militaires plus élevées | Plus de libertés civiles Plus d’engagement envers la démocratie Soutien accru à l’accueil des réfugiés Soutien accru à la résolution des conflits |
La suite : [Σ0-2] Pensée nulle : quelles causes ?
Notes de bas de page
La biblio complète du dossier est disponible également ici : Σ0 : bibliographie
1Là je pense à Des électeurs ordinaires, Faury Félicien, 2023, mais aussi les grands remplacés de Paul Conge, mais aussi directement toute la « littérature » de Zemmour, qui comporte une interprétation constante en jeu nul, comme opposé les homosexuels aux hétéros en leur prêtant la volonté de dominer et contrôler la société en la féminisant (et les féministes seraient partie prenante de ce jeu), et évidemment des croyances paranoïaques de grand remplacement.
2Barnes, L. Taxing the rich: public preferences and public understanding. J. Eur. Public Policy 29, 787–804 (2022).
3Różycka-Tran, J. et al. Belief in a zero-sum game and subjective well-being across 35 countries. Curr. Psychol. 40, 3575–3584 (2021).
4Jiang, X., Hu, X., Liu, Z., Sun, X. & Xue, G. Greed as an adaptation to anomie: the mediating role of belief in a zero-sum game and the buffering effect of internal locus of control. Pers. Individ. Differ. 152, 109566 (2020).
5Różycka-Tran, J. et al. Belief in a zero-sum game and subjective well-being across 35 countries. Curr. Psychol. 40, 3575–3584 (2021).
6Chernyak-Hai, L. & Davidai, S. “Do not teach them how to fish”: the effect of zero-sum beliefs on help giving. J. Exp. Psychol. Gen. 151, 2466–2480 (2022) ; Davidai, S., White, W. M. & Gregorich, V. The fear of conflict leads people to systematically avoid potentially valuable zero-sum situations. Sci. Rep. 12, 17944 (2022).
7Shin, J. & Kim, J. K. How a good sleep predicts life satisfaction: the role of zero-sum beliefs about happiness. Front. Psychol. 9, 1589 (2018
8Thompson, L. L. Information exchange in negotiation. J. Exp. Soc. Psychol. 27, 161–179 (1991)
9Kakkar, H. & Sivanathan, N. The impact of leader dominance on employees’ zero-sum mindset and helping behavior. J. Appl. Psychol. 107, 1706–1724 (2022). ; Sirola, N. & Pitesa, M. Economic downturns undermine workplace helping by promoting a zero-sum construal of success. Acad. Manag. J. 60, 1339–1359 (2017). This research examines the effect of a macroeconomic factor that signals resource scarcity on zero-sum beliefs about workplace success and their downstream consequences ; Chernyak-Hai, L. & Davidai, S. “Do not teach them how to fish”: the effect of zero-sum beliefs on help giving. J. Exp. Psychol. Gen. 151, 2466–2480 (2022).
10Dong, Y., Zhang, L., Wang, H.-J. & Jiang, J. Why is crafting the job associated with less prosocial reactions and more social undermining? The role of feelings of relative deprivation and zero-sum mindset. J. Bus. Ethics 184, 175–190 (2022).
11Roczniewska, M. & Wojciszke, B. Reducing hindering job demands: the role of belief in life as a zero-sum game and workload. Int. J. Environ. Res. Public. Health 18, 10036 (2021). ; Adamska, K., Jurek, P. & Różycka-Tran, J. The mediational role of relational psychological contract in belief in a zero-sum game and work input attitude dependency. Pol. Psychol. Bull. 46, 579–586 (2015).
12Andrews-Fearon, P. & Davidai, S. Is status a zero-sum game? Zero-sum beliefs increase people’s preference for dominance but not prestige. J. Exp. Psychol. Gen. 152, 389–409 (2022)
13Andrews-Fearon, P. & Davidai, S. Is status a zero-sum game? Zero-sum beliefs increase people’s preference for dominance but not prestige. J. Exp. Psychol. Gen. 152, 389–409 (2022).
14Wong, Y. J., Klann, E., Bijelić, N. & Aguayo, F. F. The link between men’s zero-sum gender beliefs and mental health: findings from Chile and Croatia. Psychol. Men. Masc. 18, 12–19 (2017).
15Borawski, D. The loneliness of the zero-sum game loser. the balance of social exchange and belief in a zero-sum game as predictors of loneliness. Pers. Individ. Differ. 135, 270–276 (2018).
16Chernyak-Hai, L. & Davidai, S. “Do not teach them how to fish”: the effect of zero-sum beliefs on help giving. J. Exp. Psychol. Gen. 151, 2466–2480 (2022).
17Zhang, H. & Sun, S. Zero-sum construal of workplace success promotes initial work role behavior by activating prevention focus: evidence from Chinese college and university graduates. Front. Psychol. 11, 1191 (2020).
18Obaidi, M., Kunst, J., Ozer, S. & Kimel, S. Y. The “Great Replacement” conspiracy: How the perceived ousting of Whites can evoke violent extremism and Islamophobia. Group Process. Intergroup Relat. 25, 1675–1695 (2021). 96. Berbrier, M. The victim ideology of white supremacists and white separatists in the United States. Sociol. Focus. 33, 175–191 (2000). 97. Williams, T. C. The French origins of “you will not replace us”. The New Yorker https:// www.newyorker.com/magazine/2017/12/04/the-french-origins-of-
19Eibach, R. P. & Keegan, T. Free at last? Social dominance, loss aversion, and white and Black Americans’ differing assessments of racial progress. J. Pers. Soc. Psychol. 90, 453–467 (2006). ; Obaidi, M., Kunst, J., Ozer, S. & Kimel, S. Y. The “Great Replacement” conspiracy: How the perceived ousting of Whites can evoke violent extremism and Islamophobia. Group Process. Intergroup Relat. 25, 1675–1695 (2021) Kimmel, M. America’s angriest white men: up close with racism, rage and Southern supremacy. Salon https://www.salon.com/2013/11/17/americas_angriest_white_men_up_ close_with_racism_rage_and_southern_supremacy/ (2013). 101. Schreckinger, B. White supremacist groups see Trump bump. POLITICO https://www. politico.com/story/2015/12/donald-trump-white-supremacists-216620 (2015). 102. Mondon, A. & Winter, A. Reactionary Democracy: How Racism And The Populist Far Right Became Mainstream (Verso Books, 2020). 103. McGhee, H. The Sum Of Us: What
20King, E. B., Knight, J. L. & Hebl, M. R. The influence of economic conditions on aspects of stigmatization. J. Soc. Issues 66, 446–460 (2010)
21Stefaniak, A., Mallett, R. K. & Wohl, M. J. A. Zero-sum beliefs shape advantaged allies’ support for collective action. Eur. J. Soc. Psychol. 50, 1259–1275 (2020).
22Brown, N. D. & Jacoby-Senghor, D. S. Majority members misperceive even “win-win” diversity policies as unbeneficial to them. J. Pers. Soc. Psychol. 122, 1075–1097 (2022)
23Louis, W. R., Esses, V. M. & Lalonde, R. N. National identification, perceived threat, and dehumanization as antecedents of negative attitudes toward immigrants in Australia and Canada. J. Appl. Soc. Psychol. 43, E156–E165 (2013
24Davidai, S. & Ongis, M. The politics of zero-sum thinking: the relationship between political ideology and the belief that life is a zero-sum game. Sci. Adv. 5, eaay3761 (2019). ; Esses, V. M., Dovidio, J. F., Jackson, L. M. & Armstrong, T. L. The immigration dilemma: the role of perceived group competition, ethnic prejudice, and national identity. J. Soc. Issues 57, 389–412 (2001). ; Jackson, L. M. & Esses, V. M. Effects of perceived economic competition on people’s willingness to help empower immigrants. Group Process. Intergroup Relat. 3, 419–435 (2000) ; Piotrowski, J., Różycka-Tran, J., Baran, T. & Żemojtel-Piotrowska, M. Zero-sum thinking as mediator of the relationship of national attitudes with (un)willingness to host refugees in own country. Int. J. Psychol. 54, 722–730 (2019)
25Kuchynka, S. L., Bosson, J. K., Vandello, J. A. & Puryear, C. Zero-sum thinking and the masculinity contest: perceived intergroup competition and workplace gender bias. J. Soc. Issues 74, 529–550 (2018).
26Ruthig, J. C., Kehn, A., Fisher, W. N. & Carstens Namie, E. M. Consequences of a zero-sum perspective of gender status: Predicting later discrimination against men and women in collaborative and leadership roles. Sex. Roles 85, 13–24 (2021).
27Wilkins, C. L. et al. Is LGBT progress seen as an attack on Christians? Examining Christian/ sexual orientation zero-sum beliefs. J. Pers. Soc. Psychol. 122, 73–101 (2021).
28Barnes, L. Taxing the rich: public preferences and public understanding. J. Eur. Public Policy 29, 787–804 (2022). 13. Rubin, P. H. Folk economics. South. Econ. J. 70, 157–171 (2003).
29Davidai, S. & Ongis, M. The politics of zero-sum thinking: the relationship between political ideology and the belief that life is a zero-sum game. Sci. Adv. 5, eaay3761 (2019) ;Chinoy, S., Nunn, N., Sequeira, S. & Stantcheva, S. Zero-sum thinking and the roots of U.S. political divides. Preprint at https://scholar.harvard.edu/files/stantcheva/files/zero_sum_ us_political_divides.pdf (2023).
30Baron, J., Bazerman, M. H. & Shonk, K. Enlarging the societal pie through wise legislation: a psychological perspective. Perspect. Psychol. Sci. 1, 123–132 (2006). ; Stiglitz, J. Distinguished lecture on economics in government: the private uses of public interests: incentives and institutions. J. Econ. Perspect. 12, 3–22 (1998)
31Różycka-Tran, J., Alessandri, G., Jurek, P. & Olech, M. A test of construct isomorphism of the Belief in a Zero-Sum Game scale: a multilevel 43-nation study. PLoS One 13, e0203196 (2018).
32Różycka-Tran, J., Jurek, P., Olech, M., Piotrowski, J. & Żemojtel-Piotrowska, M. A warrior society: data from 30 countries show that belief in a zero-sum game is related to military expenditure and low civil liberties. Front. Psychol. 9, 2645 (2019).
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15.05.2025 à 12:46
Σ0 : bibliographie
Viciss Hackso
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Texte intégral (2612 mots)
Ceci est la bibliographie pour le dossier Σ0 que nous publierons au fur et à mesure.
1 : La vie n’est pas qu’un jeu nul [Σ0-1]
Tout ce qui a été évoqué sur la croyance en la somme nulle s’appuie principalement sur ce papier et ses sources : Davidai et Tepper (2023) The psychology of zero-sum beliefs https://www.nature.com/articles/s44159-023-00194-9
Mais je me suis aussi appuyé sur d’autres références, dans d’autres champs, donc voici plus précisément toutes les sources en même temps :
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25.04.2025 à 17:46
[hackSaudio] la personnalité comme outil et non plus cause [PP13]
Viciss Hackso
La théorie TOTALE des traits ! Ça y est, on a définitivement fini de décortiquer les…
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Texte intégral (502 mots)
La théorie TOTALE des traits ! Ça y est, on a définitivement fini de décortiquer les visions de la personnalité que kiffent voler et réduire certains influenceurs de droite/extrême droite, et maintenant on explique un modèle beaucoup plus complexe.
Si vous n’avez pas suivi les épisodes précédent, vous les trouverez ici :
Sur YouTube (notre chaîne secondaire) :
Sur Spotify :
Sur Deezer : https://www.deezer.com/fr/show/1001218851
Sur Podcast addict : https://podcastaddict.com/podcast/hacksaudio/5334580
Ce chapitre est également disponible en version texte ici : https://www.hacking-social.com/2023/06/26/%e2%99%a6pp13-wtt-la-theorie-totale-des-traits-la-personnalite-comme-outil-mise-en-scene-consequence-et-non-plus-cause/
Tout le dossier est disponible en format epub ici : https://www.hacking-social.com/wp-content/uploads/2023/06/La-personnalite-cette-performa-Viciss-hackso.epub
Toute la bibliographie du sujet est disponible ici : https://www.hacking-social.com/2023/04/03/%e2%99%a6ppx-sources/
Si vous avez des questions sur le format et ses choix nous y avons peut être répondu ici : https://www.hacking-social.com/2024/09/02/un-mot-sur-hacksaudio-qui-nest-pas-un-podcast/
Musiques
Les musiques de jean louis biblio :
https://suno.com/song/f4a71430-3248-4928-8efa-ddbdf87b2027
https://suno.com/song/01c43b70-f7b0-4db8-b87b-920e8dcfc29a?sh=uvG3fpUE86cvf0Dj
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