11.11.2025 à 08:25
Mr M.
L’extrême droite promeut l’idée que les « élites intellectuelles » seraient déconnectées du reste de la population et qu’il serait plus sain de bâtir une société fondée sur le « bon sens paysan ». Une rhétorique qui a pour but de construire une réalité parallèle en marge des faits étudiés. Ce rejet des choses de l’esprit et même du […]
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Ce rejet des choses de l’esprit et même du savoir, qui est d’ailleurs l’une des caractéristiques majeures de l’extrême droite, selon l’historien Michel Winock, permet de se baser, non plus sur des phénomènes tangibles et des recherches de spécialistes, mais sur un « bon sens », qui n’est qu’un simple ressenti pas forcément en adéquation avec la vérité. L’efficacité de ce procédé doit néanmoins interroger sur les sentiments éprouvés par ceux qui adhèrent à ce genre de discours et sur le comportement des intellectuels envers le reste de la population.
Évoquer le « bon sens » en politique fait figure d’expression quasi magique, puisqu’elle renvoie à quelque chose que chacun d’entre nous pourrait apprécier. Ce qui apparaît évident relève du « bon sens ». Et pour autant, il n’en s’agit pas moins d’opinions.
Toutefois, en plaçant son message de ce côté, une personne peut réussir à donner l’illusion que ses démarches, son discours et ses orientations politiques seraient tout simplement incontestables. Cet argument, qui n’en est pas un, est particulièrement prisé à droite, il a d’ailleurs été employé d’Emmanuel Macron à Gérald Darmanin en passant par Donald Trump. Ce dernier avait même été jusqu’à promettre une « révolution du bon sens ».
Cette méthode s’inscrit, en outre, dans la droite lignée du « there is no alternative » de Margaret Thatcher. Dans les deux cas, on affirme qu’une idéologie politique est vraie, non pas parce qu’elle se fonde sur quelque chose de tangible, mais simplement parce que toutes les autres idées seraient irréalistes, déconnectées, utopistes, wokistes, extrémistes, etc. Tout bonnement à l’encontre du « bon sens ».
La référence au « bon sens paysan » permet quant à elle d’évoquer une activité que l’on imagine pragmatique et appuyée sur l’expérience, loin des grandes théories de la ville et des intellectuelles. Et ce, même s’il existe pourtant des tonnes de savoirs agricoles et de connaissances scientifiques applicables à ce domaine.
Dans les faits, que ce soit les politiciens libéraux et d’extrême droite, ou les partisans de l’exploitation industrielle, tous cachent derrière le « bon sens paysan » des doctrines précises basées sur une idéologie dominante. Ce « pragmatisme » est d’ailleurs employé aussi bien pour taper sur les normes écologiques agricoles, selon eux « déconnectées », que sur les droits des travailleurs.
En fin de compte, la figure du paysan n’est là que pour renforcer une image de proximité avec les classes populaires et avec un métier perçu comme simple, loin des grands discours intellectuels.
Dans un monde de plus en plus complexe où il devient difficile d’appréhender pleinement une spécialité, si l’on n’en est pas un expert, de nombreuses personnes ont pu développer une sensation d’incompréhension et d’isolement. Observer des individus évoquer des sujets auxquels on ne parvient plus à saisir grand-chose entraîne un sentiment de rupture entre ceux qui détiennent le savoir et les autres.
Si à cela, on ajoute un abandon total sur le plan économique avec des services publics en berne et des dirigeants issus des classes les plus riches, il apparaît facile pour certains populistes d’exploiter ce sentiment à des fins politiques.
Revenir au « bon sens paysan » ce serait alors retourner au réel, au concret, à des choses que tout le monde côtoie. Et il est bien plus aisé de capter l’attention avec ce discours qu’avec de longues explications scientifiques, sociologiques ou philosophiques.
Nier le réel à des fins conservatrices, c’est le credo de l’extrême droite pour poursuivre son agenda réactionnaire. En premier lieu face au dérèglement climatique auquel sont opposés des arguments, soient disant, de « bon sens » : « il fait froid aujourd’hui, où est le réchauffement ? » ou « on va bien s’adapter ». Mais il existe le même type d’exemples sur l’immigration qui « coûterait de l’argent » ou qui « engendrerait de la délinquance », alors que les études prouvent le contraire.
De façon identique, la sociologie est également ignorée et méprisée au profit de « l’expérience personnelle » qui ferait plus foi que des recherches poussées. C’est ainsi qu’au nom du « bon sens », il faudrait « travailler plus », « baisser les impôts » « faire comme nos voisins européens », ou encore dénoncer les chômeurs et les « assistés » qui profiteraient de la société.
Peu importe qu’il existe des données chiffrées et des études pour contester ce genre d’affirmation. Ceux qui oseraient les remettre en cause seraient dénués de « bon sens », « déconnectés » ou « irréalistes ». Et l’argument semble se suffire à lui-même.
Si cette technique fonctionne si bien, c’est d’abord parce qu’il est beaucoup plus facile de tout simplifier que de décrypter et analyser une situation complexe. Selon la loi de Brandolini : démentir une intox prend 10 fois plus d’énergie que de la diffuser. Non pas parce que les gens seraient trop stupides pour comprendre, mais parce que la société capitaliste est organisée de telle façon que l’activité professionnelle et l’intendance avalent tout et que le temps pour réfléchir en profondeur n’est tout bonnement plus disponible.
Pire, de nombreux journaux, médias et émissions se mettent même au service de la bêtise en érigeant l’argument du « bon sens » en alpha et oméga de la pensée. Des programmes type « café du commerce », comme celles de Pascal Praud, ou bien « les grandes gueules » en sont des fers de lance. Dans un monde complexe où il est difficile de comprendre les choses, il est bien plus facile de se raccrocher à ce type de contenu qu’aller lire une étude du GIEC de 4 000 pages.
Que l’on parle des zones rurales, des quartiers défavorisés ou des Français en général, délaissés par les pouvoirs publics dans de nombreux secteurs, nombre de personnes peuvent éprouver un sentiment d’abandon et de colère envers les individus perçus comme « l’élite », qu’elle soit intellectuelle ou financière.
Pour l’extrême droite, il n’est pas compliqué de créer un amalgame entre les intellectuels, les chercheurs, les « têtes pensantes » et les politiciens responsables de cette situation. Apparaît alors un antagonisme entre le « bon sens des petites gens » et la déconnexion totale des « élites intellectuelles ». Un procédé, du reste, déjà usé dans les années 50 par le poujadisme, doctrine du nom de son instigateur, Pierre Poujade.
Et le mépris d’une fraction des plus aisés à l’encontre des plus pauvres n’a rien de fictif, Emmanuel Macron s’en est d’ailleurs lui-même fait une spécialité. En réaction, une défiance grandissante qui s’illustre, par exemple, à travers le mouvement antivax. Autrement dit, une partie des dirigeants sont eux-même responsable du dédain qu’ils suscitent après avoir maltraité ou pris de haut une partie de la population.
La rupture démocratique et le manque d’honnêteté journalistique ne sont d’ailleurs pas non plus étrangers au phénomène. Pour retrouver un écho au sein de la population, il apparaît donc nécessaire d’endiguer ces fléaux.
Dans ce contexte, la dépolitisation ne peut que proliférer à travers le pays (et c’est, au demeurant, le souhait de nombreux politiciens) ; les ressentis remplacent donc les faits et un fossé se creuse entre les « experts » et les Français.
Avec l’explosion de l’individualisme et du culte de la « liberté absolue », n’importe qui devient légitime pour donner une opinion sur tout, y compris s’il n’a aucune connaissance dans la matière. Un sondage a d’ailleurs aujourd’hui presque plus de valeur qu’une recherche scientifique.
Or, dans beaucoup de secteurs, il faut des années d’études et d’expérience pour comprendre un tant soit peu le sujet. Une réalité d’autant plus frappante que les champs de compétences sont de plus en plus fragmentés au sein de domaines très vastes.
Malgré la complexité du phénomène et les dangers liés au détournement du « bon sens », il existe une lueur d’espoir : en mettant l’accent sur l’esprit critique, l’éducation et l’accès à l’information, il est possible de rapprocher le savoir du quotidien de chacun. Le véritable « bon sens » pourrait alors redevenir celui qui s’appuie sur la réalité, la réflexion et le dialogue, et non sur des ressentis ou des idéologies simplistes.
– Simon Verdière
Photo de couverture de The Walters Art Museum sur Unsplash
The post Mythe du « bon sens paysan » : la manipulation de l’extrême droite first appeared on Mr Mondialisation.10.11.2025 à 12:28
Mr M.
Alors que la guerre au Soudan s’enlise dans le silence médiatique, les souffrances civiles atteignent des niveaux inédits. L’association Justice & Paix revient sur les racines historiques, politiques et géopolitiques de cette guerre d’ingérences. Avez-vous déjà entendu parler de la guerre au Soudan ? Pas du conflit au Darfour au début des années 2000, ni […]
The post Le Soudan, champ de bataille des puissances étrangères first appeared on Mr Mondialisation.Avez-vous déjà entendu parler de la guerre au Soudan ? Pas du conflit au Darfour au début des années 2000, ni de la séparation du Sud-Soudan en 2011, mais bien de la guerre qui a éclaté depuis le 15 avril 2023. La réponse est probablement non. Cela n’est pas étonnant : ce conflit est largement marginalisé, tant sur les plans médiatique, politique qu’humanitaire.
Pourtant, le conflit au Soudan est aujourd’hui considéré comme « le théâtre de la crise humanitaire la plus importante et la plus dévastatrice au monde », selon la présidente de l’UNICEF. Dès lors, pourquoi la Belgique ne s’est-elle pas impliquée dans la conférence internationale sur le Soudan coorganisée par l’Union africaine, l’Union européenne, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne à Londres le 15 avril 2025 ?
Après deux ans de conflit, les agences des Nations Unies dressent un bilan funeste de la situation humanitaire. La guerre au Soudan détient également le triste record de la plus grande crise de déplacement au monde et de famine aujourd’hui officiellement reconnue.
Depuis la fin octobre 2025, la situation s’est encore aggravée avec la prise de la ville d’El Fasher, capitale du Nord-Darfour, par les Forces de soutien rapide (FSR). Selon plusieurs organisations et témoins, les combats ont fait des milliers de mort·es civil·es. Des groupes médicaux locaux affirment que des milliers de personnes sont toujours piégées dans la ville, privées d’eau, de nourriture et de soins.
Des journalistes sur place décrivent un processus systématique et intentionnel de nettoyage ethnique visant les communautés non arabes, notamment les Fur, Zaghawa et Barti, marqué par des exécutions sommaires et des déplacements forcés.
Les survivant·es évoquent des scènes de massacre rappelant celles du Darfour au début des années 2000. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains a fait état de « violations graves et systématiques », sans toutefois employer pour l’instant le terme de génocide. Ce mot, rappelons-le, a une définition juridique stricte : il suppose l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Mais son utilisation n’est pas nouvelle au Soudan : le Congrès américain l’avait déjà employé en 1999 et 2004, et le secrétaire d’État, Colin Powell l’avait officiellement reconnu en 2004 pour qualifier les crimes commis au Darfour.
Cette reconnaissance avait conduit le Conseil de sécurité de l’ONU à saisir la Cour pénale internationale, qui a finalement retenu la qualification de génocide dans le second mandat d’arrêt émis contre Omar el-Béchir en 2010.
Pour comprendre la catastrophe actuelle, il faut remonter aux dynamiques historiques et politiques profondes, héritées de la période coloniale.
Dès le XIXe siècle, le territoire soudanais est dominé par une double emprise ottomane et égyptienne, puis colonisé par les Britanniques à la fin du siècle. Le condominium anglo-égyptien met en place une politique de « diviser pour mieux régner », connue sous le nom de Southern policy, qui sépare le sud chrétien et animiste du nord musulman et arabophone.
À l’indépendance, en 1956, ces fractures resurgissent et plongent le pays dans deux longues guerres civiles entre le nord islamique et les populations noires africaines chrétiennes du sud, conflits qui mèneront à la sécession du Sud-Soudan en 2011. Mais la marginalisation ne s’arrête pas là. D’autres régions, telles que le Kordofan, le Nil Bleu ou encore le Darfour, sont laissées pour compte sur les plans politique et économique.
C’est de cette marginalisation qu’éclate en 2003, la rébellion au Darfour. Le président Omar el-Béchir fait appel aux milices Janjawid, responsables d’atrocités massives contre les civils : viols, massacres, déportations et politique de la « terre brûlée ».
La Cour pénale internationale ouvre alors une enquête pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, émettant un mandat d’arrêt contre el-Béchir. Les Janjawid, intégrés en 2013 dans les forces de sécurité sous le nom de Forces de soutien rapide (FSR), forment aujourd’hui le cœur du conflit actuel. Leur chef, Hemetti, ancien chef de guerre au Darfour, est devenu l’un des principaux opposants du général al-Burhan.
La révolution populaire de 2019 met fin à 30 ans de dictature et fait naître l’espoir d’une transition démocratique. Mais ce rêve s’effondre en 2021 lorsqu’un coup d’État, mené conjointement par les FAS et les FSR, interrompt le processus.
Les deux généraux se partagent alors le pouvoir, avant que leurs rivalités n’éclatent au grand jour autour du contrôle des ressources naturelles : or, pétrole, gomme arabique, et de l’appareil d’État. Le 15 avril 2023, les affrontements se propagent de Khartoum à l’ensemble du pays, mettant fin à tout espoir de démocratie.
Le conflit ne se limite pas aux frontières soudanaises. Les Émirats arabes unis sont accusés de soutenir les FSR, tandis que les FAS reçoivent l’appui de l’Égypte, de l’Iran, du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite selon des intérêts géopolitiques et économiques divergents. Cette multiplicité d’ingérences transforme le Soudan en terrain d’affrontement régional, prolongeant le conflit et complexifiant toute perspective de paix.
Face à ces complicités, la responsabilité collective des puissances occidentales est également engagée. Si certaines capitales européennes et Washington dénoncent publiquement les violences, elles ferment les yeux sur les flux d’armes et de capitaux transitant par leurs alliés du Golfe. Aucune sanction significative n’a été imposée contre les réseaux de financement ou de livraison d’armes, et le silence diplomatique persiste au nom de la realpolitik et des intérêts énergétiques. Cette complaisance nourrit un sentiment d’impunité et rend les appels humanitaires des Nations unies : on ne peut prétendre vouloir la paix tout en laissant ses alliés alimenter la guerre.
Il est essentiel de bien qualifier le conflit soudanais : il ne s’agit pas d’une simple « guerre civile ». La guerre au Soudan est avant tout une guerre par procuration, alimentée par des acteurs extérieurs tels que les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Russie ou encore certains pays occidentaux, dont les intérêts géopolitiques et économiques perpétuent le conflit. Le Soudan n’est pas en guerre contre lui-même : le pays est pris en otage par des forces étrangères, tandis que la population civile paie le prix fort de cette instrumentalisation internationale.
Malgré l’ampleur du drame, la réponse internationale reste timide et fragmentée. Les initiatives diplomatiques peinent à aboutir. La conférence internationale sur le Soudan organisée à Londres en avril 2025 visait à mobiliser 6 milliards de dollars d’aide humanitaire, mais seulement 960 millions ont été annoncés. Aucune mesure concrète n’a suivi, les belligérants refusant de cesser les hostilités.
La situation soudanaise illustre le désintérêt international face aux crises sans retombées géopolitiques majeures. L’absence de la Belgique à cette conférence en dit long sur le désengagement européen. Pourtant, face à une telle urgence humaine, cette indifférence est intenable.
Alors que la guerre s’enlise, il est urgent de rompre le silence assourdissant. Derrière les chiffres, il y a des vies : des familles déplacées, des enfants affamé·es, des femmes violentées. Ces souffrances sont le résultat de décennies de fractures historiques, d’une lutte de pouvoir impitoyable et d’une impunité internationale.
La Belgique ne peut plus se contenter d’observer. En tant qu’État membre de l’Union européenne, siège d’institutions internationales et partenaire privilégié des pays du Golfe, elle a une responsabilité morale et politique dans la recherche d’une issue au conflit. Bruxelles doit plaider activement pour l’ouverture de couloirs humanitaires sécurisés, soutenir les cessez-le-feu sous l’égide de l’Union africaine, et exiger la transparence sur les flux d’armes et de financement impliquant ses alliés régionaux, notamment les Émirats arabes unis.
Elle doit également accroître sa contribution à l’aide humanitaire, aujourd’hui dramatiquement sous-financée. Enfin, la diplomatie belge peut jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne pour porter la question soudanaise devant le Conseil de sécurité de l’ONU et défendre la mise en place de sanctions ciblées contre les responsables de crimes de guerre.
Mais au-delà des gouvernements, les citoyen·nes peuvent aussi avoir un rôle à jouer. Soutenir les campagnes du HCR, du Programme alimentaire mondial ou de Médecins Sans Frontières, relayer les informations, interpeller leurs élus et leurs médias : autant d’actes concrets pour briser l’indifférence.
En Belgique, plusieurs organisations agissent directement ou en appui aux acteurs sur le terrain : Caritas International, Handicap International, Oxfam Belgique, l’Opération 11.11.11, Médecins du Monde Belgique ou encore CNCD–11.11.11, qui appellent toutes à renforcer l’aide humanitaire et la pression diplomatique. Ces structures belges jouent un rôle clé dans la sensibilisation, la collecte de fonds et le plaidoyer auprès des autorités nationales et européennes.
Pour mieux comprendre, plusieurs ressources permettent aussi de saisir la profondeur du drame soudanais : « Sudan’s Forgotten War » (BBC, 2024), sur le quotidien à Khartoum assiégée ; « Darfour : les cicatrices de la guerre » (France 24), retraçant les origines du conflit ; « Blood Gold » (Al Jazeera, 2025), sur les enjeux économiques de la guerre. Parmi les lectures récentes à découvrir : « Soudan : anatomie d’un effondrement » de Magdi El Gizouli et « La guerre des généraux » de Clément Deshayes.
Parce que le silence tue autant que les armes, le Soudan fait partie de ces crises oubliées qui méritent toute notre attention et notre solidarité.
– Gabrielle Caillet / Justice & Paix
Photographie d’en-tête : Écolières de l’école primaire Nurul Islam pour filles (2016) – GPE/Kelley Lynch/Flickr.
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Maureen Damman
Vous n’avez pas eu le temps de suivre l’actu et/ou vous avez un coup de mou ? Voici 10 bonnes nouvelles à ne surtout pas manquer. 1. Mamdani élu, cheh Trump ! Zohran Mamdani a été élu à New York, malgré une campagne d’islamophobie relayée jusque dans les médias français. Son programme est axé sur […]
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Zohran Mamdani a été élu à New York, malgré une campagne d’islamophobie relayée jusque dans les médias français. Son programme est axé sur le logement abordable, la gratuité des transports publics, une fiscalité redistributive, ainsi que le renforcement des services municipaux. (Politis)
Le Parlement européen a décerné le prix Sakharov 2025 à deux journalistes emprisonnés, l’un au Bélarus et l’autre en Géorgie, pour leur courage dans des contextes de répression politique. Ce prix souligne la lutte pour la liberté de la presse et la défense des droits humains dans des pays où l’expression libre est sévèrement restreinte. (Libération)
En 2025, malgré un essoufflement des grandes manifestations, la mobilisation climatique des jeunes se maintient, notamment par des actions et initiatives locales. (Alternatives Economiques)
Le Brésil a connu une baisse historique de 11 % de la déforestation en Amazonie, avec une diminution record des surfaces détruites selon les chiffres du système PRODES (INPE). C’est un signal positif à l’approche de la COP30, témoignant d’efforts renforcés de surveillance et de protection de la forêt amazonienne. (Consoglobe)
Pour la première fois en Allemagne, les alternatives végétales comme les schnitzels à base de plantes sont devenues moins chères que les produits carnés et laitiers. Cette tendance découle de la baisse des coûts de production et d’une demande croissante, facilitant la transition vers une alimentation plus durable. (FAZ)
La baleine franche, parmi les espèces les plus menacées, donne des signes fragiles mais encourageants de renaissance en 2025, avec une hausse de 2 % de la population par rapport à l’année précédente, soit environ 384 individus, selon les données relayées par ScienceAlert. (Science-et-vie)

Qui a dit que le foot n’était pas écolo ? Des clubs de football en France misent désormais sur le covoiturage et les mobilités douces pour inciter les supporters à adopter des modes de transport moins polluants, tout en renforçant la convivialité lors des déplacements vers les matchs. (Vert)
à Thiviers, en Dordogne, entre 200 et 300 personnes ont manifesté contre l’extension d’une carrière de quartz portée par l’entreprise Imerys, qui concerne 40 hectares en zone forestière, une parcelle naturelle protégée au titre du Plan local d’urbanisme. Elles s’inquiètent également des procédés d’exploitation et d’affinage chimiques associés. (Reporterre)
Après les incendies qui ont ravagé plus de 17 000 hectares dans les Corbières (Aude) en août 2025, agriculteurs, habitants, bénévoles et chasseurs se mobilisent pour reverdir et régénérer le territoire. L’opération « Refleurir les Corbières » vise à semer des engrais verts pour protéger les sols mis à nu, lutter contre l’érosion et préparer des pâturages pour le printemps. (Basta)
À l’été 2025, la « Maison de la diversité » a ouvert ses portes à Lyon dans le quartier de la Croix-Rousse. Il s’agit d’une résidence dédiée aux personnes LGBTQI+ de plus de 55 ans, visant à rompre leur isolement social et lutter contre les discriminations qui marquent encore cette génération. (Basta)
YouTube annonce une section dédiée à la santé mentale des adolescents avec des contenus pédagogiques, témoignages et ressources validées, visant à soutenir la prévention et l’accompagnement des jeunes confrontés à des troubles psychiques. (Santé ouest)
– Mauricette Baelen
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Maureen Damman
Vous n’avez pas eu le temps de suivre l’actu ? Voici les 10 infos à ne surtout pas manquer cette semaine. 1. Les poussins sont toujours broyés en France malgré l’interdiction Malgré l’interdiction depuis janvier 2023 du broyage des poussins mâles dans la filière des poules pondeuses, cette pratique demeure autorisée et pratiquée dans la […]
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Malgré l’interdiction depuis janvier 2023 du broyage des poussins mâles dans la filière des poules pondeuses, cette pratique demeure autorisée et pratiquée dans la filière de la viande, comme le révèle une enquête de L214. Pourtant, des pratiques comme l’ovosexage existent. (Reporterre)
Entre 2012 et 2021, la mortalité liée à la chaleur a augmenté de 63 %, avec en moyenne 546 000 décès par an imputables à la chaleur extrême. Les plus pauvres sont les plus exposés, et les déplacements forcés de populations ont atteint un record en 2024. (Politis)
Entre 2011 et 2014, la société Lafarge a maintenu son usine en Syrie en versant des fonds à des groupes armés, dont Daech, au détriment des populations locales, en pleine guerre civile. La multinationale et huit de ses anciens cadres répondent en ce moment devant le tribunal correctionnel de Paris du chef d’inculpation de « financement du terrorisme ». (L’humanité)
Fin des exonérations, baisse des aides, coupes dans les centres de formation… Les apprentis et alternants subissent de plein fouet les effets négatifs des mesures budgétaires du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026. (L’humanité)
Pour la première fois en Europe, le peuple Sami, communauté autochtone, porte plainte à l’ONU pour dénoncer l’impact du changement climatique sur sa culture. Trente-trois éleveurs de rennes sámis de Muddusjärvi accusent la Finlande d’avoir violé leurs droits fondamentaux en autorisant une exploitation intensive des forêts et en négligeant la protection de leurs terres face au dérèglement climatique. (La Relève Et La Peste)

Malgré plusieurs condamnations pour rejets polluants dangereux dans des rivières, dont des amendes importantes, le groupe Lactalis continue d’émettre des substances toxiques (azote, phosphore, produits chimiques) qui transforment les eaux en égouts industriels. Les auto-contrôles du groupe sont remis en question par des inspections indépendantes. Que fait l’Etat ? Rien. (Disclose)
En Guyane, des substances potentiellement cancérigènes telles que les trihalométhanes, l’aluminium et le mercure ont été détectées dans l’eau potable de nombreuses communes. Ces composés dépassent fréquemment les seuils fixés par les normes européennes, ce qui suscite une inquiétude quant aux risques sanitaires à long terme pour la population, dénonce le député Jean-Victor Castor. (Mediapart)
L’ancienne procureure générale de l’armée israélienne, Yifat Tomer-Yerushalmi a été arrêtée suite à la fuite d’une vidéo montrant des sévices de soldats envers des Palestiniens en 2024. Elle avait reconnu avoir autorisé la fuite de ces images pour contrer ce qu’elle considérait comme une propagande anti-militaire et avait démissionné.(Courrier International)
Des décrets récents renforcent le pouvoir des préfets français notamment dans les domaines de la sécurité, de l’urbanisme et de l’environnement. Des mesures critiquées pour leur centralisation excessive du pouvoir au détriment des élus locaux et de la démocratie participative. (Contre-Attaque)
La surpêche intensive du maquereau en Europe menace l’équilibre de l’écosystème marin. Considérée comme une espèce clé, sa diminution pourrait entraîner des conséquences dramatiques sur toute la chaîne alimentaire marine. Les scientifiques appellent à une régulation stricte des quotas de pêche pour éviter un effondrement écologique. (La Relève et la Peste)
– Mauricette Baelen
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Elena Meilune
Beaucoup pensent que le masculinisme serait le « pendant » du féminisme : si l’un défend les femmes, l’autre défendrait les hommes. Cette idée séduit par sa simplicité, mais elle repose sur une erreur fondamentale. Le féminisme est un mouvement d’émancipation né de l’oppression des femmes, tandis que le masculinisme s’inscrit dans une réaction défensive […]
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Loin d’être son opposé, le féminisme est un mouvement qui bénéficie à toute la société, y compris aux hommes. Il s’appuie sur des faits, des données et une analyse rigoureuse des rapports sociaux. Le masculinisme, lui, se nourrit de ressentiments, d’inversions victimaires et d’expériences individuelles mises en avant comme des généralités, sans jamais reconnaître les privilèges masculins ni les inégalités persistantes à l’échelle globale. Il est plus que temps de déconstruire l’idée d’une équivalence entre ces deux mouvements qui n’ont ni les mêmes origines, ni les mêmes fondements, ni les mêmes objectifs.
Le féminisme est né pour corriger des injustices systémiques ; le masculinisme, pour défendre des privilèges. Ils ne peuvent donc en aucun cas être considérés comme « symétriques ».
Le féminisme est un mouvement historique, né de l’oppression des femmes dans une société patriarcale. Il s’attaque à des inégalités structurelles réelles et documentées : discriminations socio-économiques, violences sexistes, exclusions juridiques. Il n’est ni le fruit d’un effet de mode, ni une idéologie abstraite, mais l’héritier d’une longue histoire de luttes menées par les femmes contre des injustices tangibles.
Dès le XIXᵉ siècle, en Europe en Amérique du Nord, les premières féministes revendiquaient des droits fondamentaux (disposer de leur corps, voter, accéder à l’éducation, disposer de ses biens sans l’autorisation de son mari…). Rappelons qu’il y a encore quelques décennies, les femmes avaient un statut juridique proche de celui d’un enfant : dépendantes de leur père puis de leur mari, sans véritable échappatoire en cas de violences domestiques.
Au fil du temps, les combats féministes se sont élargis : lutte contre les violences sexistes et sexuelles, conjugales, inégalités socio-économiques, sous-représentation politique, accès aux soins, etc. Bref, le féminisme répond à une oppression structurelle mesurable par des statistiques et des faits sociaux.
Le masculinisme, lui, n’a pas cette base historique, il ne repose sur aucune oppression systémique des hommes par les femmes. Il apparaît au XXᵉ siècle, dans le sillage du backlash, ce retour de bâton qui survient après chaque avancée des droits des femmes et des minorités. Il s’alimente non pas d’une domination subie, mais d’un sentiment subjectif de perte : perte d’autorité dans la famille, perte d’exclusivité dans l’espace public, perte d’avantages symboliques. C’est une idéologie défensive, réactionnaire, qui cherche à freiner ou inverser le progrès de l’égalité.
Alors que le féminisme est un projet d’émancipation et de nivellement par le haut, le masculinisme lui, n’est qu’une tentative de préserver la domination.
Un autre point central : la question du pouvoir. Les rapports entre les sexes ne sont pas neutres ; ils s’inscrivent dans des structures sociales qui continuent de favoriser massivement les hommes. Aujourd’hui encore, les hommes dominent les sphères politique et économique : ils représentent la majorité des chefs d’État, des élus, des PDG et des détenteurs de grandes fortunes. Les médias, la culture et même la recherche scientifique sont encore largement façonnés par un regard masculin.
Un exemple concret : dans la recherche en santé mentale, les études ont longtemps été menées par des hommes et centrées sur des sujets masculins. Résultat : l’expression de nombreux troubles chez les femmes reste méconnue. On commence à peine à mieux identifier, par exemple, les spécificités de l’autisme féminin, alors que les manifestations chez les hommes sont documentées depuis longtemps. Ce biais a conduit à un sous-diagnostic massif des femmes et à une invisibilisation de leurs expériences.
Aussi, les femmes restent confrontées à une série d’inégalités persistantes : salaires inférieurs, moindre accès aux postes à responsabilité, violences sexistes et sexuelles massives, surcharge de travail domestique et parental, discriminations multiples dès l’école ou le monde professionnel. Ces réalités montrent que l’égalité est encore loin d’être atteinte.
Dans ce contexte, il est absurde de parler de symétrie. On ne peut pas mettre sur le même plan un groupe historiquement dominant, qui continue de bénéficier d’avantages systémiques, et un groupe historiquement dominé, qui se bat pour obtenir les mêmes droits et la même dignité. Par définition, celui qui détient le pouvoir ne peut pas se présenter comme « opprimé » par celui ou celle qui réclame simplement l’égalité.
En d’autres termes, tant qu’il existe une relation de domination, il n’y a pas deux camps équivalents : il y a un dominant et un dominé. Et cela suffit déjà en soi à montrer que le féminisme et le masculinisme ne sont pas comparables.
Un argument encore méconnu et peu diffusé est que le féminisme ne se limite pas à la défense des droits des femmes : il libère aussi les hommes des carcans imposés par la virilité traditionnelle [À ce sujet, vous pouvez (re)lire notre article « Ce que le féminisme change aussi pour les hommes »]. En dénonçant les stéréotypes de genre, le féminisme ouvre la possibilité pour chacun·e de vivre autrement.
Les hommes peuvent ainsi se dégager de l’injonction à être toujours forts, compétitifs, stoïques, pourvoyeurs de revenus. Ils peuvent aussi s’impliquer davantage dans la parentalité ou exprimer leurs émotions sans être jugés comme « faibles ». En élargissant les libertés, le féminisme ouvre un espace où hommes et femmes peuvent s’émanciper.
Le masculinisme, à l’inverse, défend une vision rigide et rétrograde des rôles de genre. Il enferme les hommes dans la virilité traditionnelle et rejette les transformations qui pourraient les libérer. Il exalte l’autorité masculine, le rôle de « chef de famille », la domination sociale des hommes et la dépendance des femmes.
En maintenant ces normes, il contribue à enfermer les hommes dans une identité virile étroite qui les empêche d’explorer d’autres formes de masculinité, plus libres, plus épanouissantes et in fine, bien plus séduisantes que des vieux stéréotypes complètement dépassés. Donc en réalité, le féminisme élargit le champ des possibles pour tout le monde, tandis que le masculinisme cherche à les restreindre.
Une autre différence cruciale tient aux fondements mêmes des deux mouvements. Le féminisme s’appuie sur une base empirique solide : statistiques, recherches sociologiques, témoignages de masse, enquêtes judiciaires et médicales. L’écart salarial entre hommes et femmes est mesurable ; les violences sexistes et sexuelles font l’objet de chiffres accablants ; la sous-représentation des femmes dans les lieux de pouvoir est visible. Autrement dit, le féminisme se fonde sur des réalités sociales documentées et reconnues.
Le masculinisme, lui, se construit principalement sur des ressentis, des anecdotes ou des généralisations abusives. Les discours masculinistes invoquent par exemple la prétendue « toute-puissance » des mères dans les affaires de garde d’enfants, alors que les chiffres montrent surtout que les hommes demandent moins souvent la garde exclusive.
Par ailleurs, lorsqu’ils demandent une garde alternée, ils l’obtiennent dans l’immense majorité des cas. Pourtant, la résidence alternée ne concerne que 11,5 % des enfants dont les parents sont séparés. Les masculinistes prétendent que les femmes bénéficient de privilèges, mais peinent à démontrer l’existence d’un système global d’oppression dirigé contre les hommes.
Ces arguments relèvent donc davantage de la perception, de cas particuliers érigés en généralité, que de l’analyse objective et systémique. Là encore, l’opposition est claire : le féminisme repose sur des faits, le masculinisme sur une inversion victimaire. L’un est fondé sur une réalité sociale mesurable, l’autre sur des mythes.
L’une des différences les plus effrayantes entre féminisme et masculinisme réside dans leurs conséquences concrètes. Le féminisme n’a jamais engendré de massacres, d’attentats ou de mouvements de haine visant à détruire une catégorie de population. Ses combats sont politiques, sociaux, culturels : ils visent à élargir les droits, non à punir ou éliminer qui que ce soit. Le masculinisme, lui, porte en lui une violence latente qui s’est traduite, à de multiples reprises, par des passages à l’acte meurtriers, mais aussi des appels au harcèlement, aux violences physiques et sexuelles.
Depuis une dizaine d’années, on a vu émerger une galaxie de groupes et de forums en ligne liés au mouvement incel (involuntary celibate, « célibataire involontaire »), où des hommes persuadés que les femmes leur « doivent » l’amour et le sexe nourrissent une haine virulente à leur égard, plutôt que de remettre en question leurs propres comportements. Ce terreau idéologique a donné naissance des attentats terroristes.
Par exemple, en 2014, une tuerie de masse a eu lieu à Isla Vista, en Californie. Motivé par sa haine des femmes, Elliot Rodger a tué six personnes et blessé 14 autres, avant de se suicider, laissant derrière lui un manifeste haineux contre les femmes qu’il jugeait responsables de ses frustrations. En 2018, à Toronto, Alex Minassian a tué dix personnes et blessé 16 autres dans l’attaque au camion-bélier, se revendiquant lui-même de la mouvance incel. En 2021, à Plymouth (Royaume-Uni), Jake Davison a assassiné cinq personnes, dont sa mère, se décrivant lui aussi comme un incel.
Et ce ne sont que des exemples parmi d’autres. En France, plusieurs affaires récentes témoignent aussi de cette imprégnation idéologique : menaces d’attentats « anti-féministes » sur les réseaux, appels à « punir les féministes », multiplication des discours haineux dans certains espaces masculinisés. Trois attaques incel ont été déjouées rien que cette année sur le territoire français.
Ce ne sont pas des cas isolés : il existe aujourd’hui une radicalisation masculiniste comparable, dans sa structure, à d’autres formes d’extrémisme idéologique. La logique est la même : désigner un ennemi (ici, les femmes et les féministes), construire un récit victimaire, puis justifier la violence au nom d’une « reconquête » de la virilité perdue.
Certains invoquent parfois Valerie Solanas comme contre-exemple, pour tenter de prouver que le féminisme « peut être violent lui aussi ». Pourtant, l’acte de Solanas, autrice du SCUM Manifesto et connue pour avoir tiré sur Andy Warhol en 1968, est le produit de multiples violences patriarcales qu’elle a subi. Son acte n’a donné naissance à aucun courant violent, à aucun attentat, ni à aucune doctrine meurtrière. Le masculinisme, lui, génère des communautés entières dédiées à la haine, qui produisent des passages à l’acte meurtriers en série.
Comparer cette situation isolée à une mouvance internationale de radicalisation misogyne relève d’un argument fallacieux : le féminisme, en tant que pensée politique, n’a jamais promu la violence, là où le masculinisme s’en nourrit.
Ainsi, affirmer que « le masculinisme tue » n’est pas une figure de style. C’est une réalité mesurable, documentée, tragiquement concrète. Le féminisme, lui, ne tue personne : il cherche au contraire à ce que plus personne ne meure de domination, de haine ou de frustration masculine.
Il faut aussi insister sur un piège rhétorique. Le mot « masculinisme » donne l’illusion d’une symétrie linguistique avec « féminisme », comme si les deux étaient les deux faces d’une même médaille. Mais cette impression est fallacieuse. Le féminisme est un mouvement d’émancipation ; le masculinisme est avant tout une idéologie antiféministe, qui cherche à délégitimer ou à contrecarrer les avancées pour l’égalité.
D’ailleurs, lorsque l’on examine les thématiques réellement défendues par les groupes masculinistes, elles tournent presque toujours autour de la critique du féminisme et rarement autour de propositions constructives pour améliorer la vie des hommes. Les rares enjeux réels qui concernent les hommes – comme les taux élevés de suicide, la stigmatisation des victimes masculines de violences, la santé mentale ou l’aliénation par la virilité traditionnelle – sont déjà pris en charge par la pensée féministe, qui analyse justement ces souffrances comme des effets pervers du patriarcat.
Il ne s’agit en aucun cas de nier souffrance masculine, bien réelle pour beaucoup d’hommes confrontés à des injonctions de virilité, à la solitude affective (d’où le mouvement incel notamment) ou à des difficultés familiales. Mais ces souffrances, au lieu d’être analysées comme les effets d’un système patriarcal qui pèse aussi sur eux, sont trop souvent instrumentalisées par des mouvements masculinistes qui en font un fond de commerce idéologique, détournant une détresse légitime vers la haine du féminisme.
Autrement dit, revendiquer le terme de « masculinisme » n’ajoute rien de neuf au combat pour l’égalité : cela ne sert qu’à affaiblir le féminisme et à maintenir des rapports de domination. Il n’y a pas de symétrie possible car il n’existe pas de système oppressif global dirigé contre les hommes, par les femmes. Et s’il existe bel et bien des femmes violentes, ces violences demeurent très marginales en comparaison des violences masculines, et n’ont pas de valeur systémique. Ce que l’on qualifie de « misandrie » aujourd’hui, par opposition à la misogynie, ne se réfère très souvent qu’à des femmes qui évitent les hommes pour se protéger, après avoir subi des violences par le passé.
Et quand certains prétendent que « les deux extrêmes se valent », il suffit de regarder les corps tombés : les attentats incels, les féminicides, les violences conjugales ou les viols massifs ne sont pas le fruit d’un « excès de féminisme », mais bien d’un système patriarcal où le masculinisme prospère. Une minorité d’homicides conjugaux sont commis par des femmes mais la moitié de ceux-ci ont lieu dans contexte d’années de violences subies au préalable, infligées par leur conjoint. Il s’agit donc souvent de cas légitime défense. Pour les féminicides en revanche, l’un des schémas typiques et celui de la domination et de la possession : l’homme qui ne supporte pas que sa femme le quitte, au point de la tuer.
Il est toutefois primordial de rappeler que les rapports de domination ne s’arrêtent pas à la question du genre. La bourgeoisie et son capitalisme prédateur exercent une oppression systémique qui touche l’ensemble de la société, hommes comme femmes, en exploitant le travail, en précarisant les vies et en transformant chaque relation humaine en rapport marchand. Les hommes issus des classes populaires en font eux aussi les frais : chômage, salaires bas, conditions de travail pénibles, instabilité sociale.
Mais attention toutefois au piège de l’appropriation par les masculinistes de la souffrance des hommes des classes populaires. Oui, ces hommes subissent des conditions de vie difficiles mais ces réalités sont le produit d’un système capitaliste et inégalitaire (en lien étroit avec le patriarcat, car les deux se nourrissent entre eux), non d’une prétendue domination des femmes. Le masculinisme détourne ces souffrances réelles pour les utiliser comme arme antiféministe, en cherchant à faire croire que les hommes seraient « les nouvelles victimes » d’une société devenue « trop féminisée ».
Mais cette réalité n’a rien à voir avec le masculinisme, car ces difficultés ne découlent pas d’une oppression des femmes envers les hommes, mais bien d’un système économique inégalitaire. Et au sein de la bourgeoisie même, l’immense majorité des richesses est détenue par des hommes.
Les femmes, quant à elles, subissent une double peine : celles qui sont membres des classes populaires partagent ces mêmes difficultés, et, en tant que femmes, elles endurent en plus les violences sexistes, les discriminations, la surcharge domestique et l’invisibilisation de leur travail. Autrement dit, l’oppression de classe et l’oppression de genre s’entrecroisent et se renforcent mutuellement.
C’est pourquoi féminisme et lutte des classes ne s’opposent pas mais se complètent pour lutter contre l’oppression. Pour aller plus loin, vous pouvez (re)lire notre article « Le féminisme est indissociable de la lutte des classes ». Pensées ensemble, ces deux luttes permettent de comprendre que l’émancipation des femmes est inséparable d’une émancipation collective de tous et toutes face aux logiques de profit et de domination.
Là où le masculinisme enferme les hommes dans une posture victimaire stérile et agressive, le féminisme offre une lecture structurelle : ce n’est pas l’égalité qui opprime, mais la combinaison du patriarcat et du capitalisme. C’est pourquoi seule une pensée émancipatrice, inclusive et solidaire peut réellement répondre aux injustices vécues par toutes et tous.
Le féminisme n’est en aucun cas l’envers du masculinisme. Il est une lutte d’émancipation universelle, là où le masculinisme n’est qu’une réaction défensive. L’un ouvre des horizons, l’autre les referme.
– Elena Meilune
Photo de couverture : Elliot Rodger. En 2014, une tuerie de masse a eu lieu à Isla Vista, en Californie. Motivé par sa haine des femmes, Elliot Rodger a tué six personnes et blessé 14 autres, avant de se suicider. Flickr
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Elena Meilune
Le 25 octobre, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la Creuse pour réclamer « l’éradication du loup ». Des discours d’une violence symbolique rare, dans un climat où la peur supplante la raison. Alors que le loup vient d’être déclassé de la liste des espèces strictement protégées, cette hostilité menace bien plus qu’un animal […]
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Le loup, comme d’autres espèces sauvages, est aujourd’hui un bouc émissaire d’un système agricole fragilisé et d’un rapport dominateur à la faune et la flore. En France, les éleveurs auront bientôt le droit de tuer des loups sans autorisation préalable, un basculement majeur qui légitime la destruction immédiate d’un animal protégé.
Pourtant, nombre d’études scientifiques convergent vers le même constat : tuer les loups ne protège pas les troupeaux, cela aggrave paradoxalement les attaques. Des mesures préventives efficaces existent et sont en grande partie soutenues par l’État. Dans plusieurs pays européens, des éleveurs ont choisi la cohabitation qui, bien qu’elle demande des efforts et de l’organisation, fonctionne.
Le vendredi 25 octobre, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans la Creuse, militant pour l’éradication du loup. Ce regroupement marque un point culminant dans une spirale de peur, d’hostilité et de violence symbolique dirigée contre le Loup gris (Canis lupus) : l’animal n’est plus seulement perçu comme un élément de la nature sauvage, mais comme un adversaire à éliminer.
Cette manifestation n’apparaît pas comme un simple incident local isolé : elle s’inscrit dans un climat plus large où l’animal prédateur devient bouc émissaire de la fragilité de certaines filières d’élevage, de l’incertitude économique des territoires ruraux, et d’une méfiance profonde envers ce que représente le loup – la nature qui reprend des droits que l’humain lui a arrachés, l’espace non-contrôlé, l’altérité.
L’enjeu est bien plus grand que la simple gestion d’une espèce : c’est tout un imaginaire collectif de la campagne, de la ruralité, de la nature et de l’agriculture qui est traversé. Quand on revendique l’éradication d’un animal, on revendique aussi une emprise totale sur les terres, la négation de la prédation naturelle, et la récusation du sauvage. Cette posture nie la complexité écologique et se fait l’écho d’une vision triomphante et destructrice de l’être humain sur la nature.
Il est primordial de noter ici qu’en dépit des discours alimentant la peur, plus de loups ne signifie pas plus de victimes dans les troupeaux. Entre 2018 et 2023, les populations de loups ont augmenté de 93 %. Sur la même période, la prédation a diminué de 13 %. Cette aversion pour le loup n’a ainsi aucun fondement logique.
Le 5 juin dernier, le Conseil de l’Union européenne a définitivement approuvé le déclassement du loup, celui-ci passant du statut d’« espèce strictement protégée » à celui d’« espèce protégée ». Un changement attendu depuis longtemps par certains acteurs de l’agropastoralisme.
Mais du côté des associations de protection de la nature, cette rétrogradation est qualifiée de choix politique démagogique qui n’apporte aucune solution aux véritables problématiques – bien au contraire – et fragilise l’espèce dans un contexte où ses populations ne sont pas encore stabilisées.
En abaissant le niveau de protection, l’État se dote de marges pour augmenter les prélèvements ou les tirs de défense contre le loup, ce qui affaiblit sa capacité à jouer son rôle écologique. Le changement de statut ne règle pas les causes premières des attaques (troupeaux non protégés, modalités d’élevage, manque d’accompagnement technique), mais ouvre une voie facile à la destruction plutôt qu’à la cohabitation. Il établit un dangereux précédent : si une espèce emblématique comme le loup peut être rétrogradée, qu’en sera-t-il pour d’autres espèces protégées ?
Ce déclassement est moins une réponse aux réalités biologiques que le reflet d’un compromis politique face à la pression d’une partie du monde agricole. Une décision qui revient à dégainer le fusil avant même d’avoir exploré les protections possibles. Toutefois, certains pays européens ont refusé le déclassement du loup sur leur territoire, mettant en lumière le non-sens de cette mesure.

À compter de 2026, la France permettra aux éleveurs de tirer sans autorisation préalable sur un loup attaquant leur troupeau. Cette mesure, présentée comme un « assouplissement » du dispositif de défense, constitue un tournant historique : elle légitime les tirs non contrôlés, sans expertise sur la réalité de l’attaque. Une telle dérégulation ouvre la porte à des abus, à des erreurs d’identification (nombre d’attaques étant le fait de chiens divagants), et banalise la violence envers la faune sauvage.
Bien que la mesure ne soit pas encore appliquée, les effets de cette radicalisation sont déjà visibles : dans la Drôme, deux loups ont été tués par des éleveurs en deux jours, les 21 et 22 octobre 2025. Ces abattages, salués par certains élus locaux, témoignent d’une escalade de la violence qui dépasse la simple légitime défense : c’est une guerre ouverte contre la vie sauvage, encouragée par la complaisance politique.
Ainsi, la peur du loup, d’abord émotionnelle et irrationnelle, devient politique ; la méfiance se transforme en doctrine d’éradication. La question n’est plus seulement de savoir comment protéger les troupeaux, mais jusqu’où notre société est prête à aller pour affirmer sa domination sur la nature.
Plusieurs travaux scientifiques convergent vers la même conclusion : les prélèvements létaux sur des populations de loups n’entraînent pas mécaniquement une baisse des déprédations sur le bétail – et peuvent au contraire les augmenter. Des modèles récents et des synthèses montrent que l’élimination de certains individus désorganise la structure sociale des meutes, modifie les territoires et favorise des phénomènes (jeunes dispersés, pairs moins expérimentés) qui augmentent le risque de contact avec du bétail.
Ces études ne sont pas anecdotiques : elles mettent en garde contre une stratégie de « solution rapide » consistant à supprimer des individus plutôt qu’à travailler sur la prévention et les mesures de protection qui fonctionnent réellement pour diminuer les attaques.
Le loup est un animal social dont la chasse et le comportement envers le gibier passent par des rôles et un apprentissage au sein de la meute. Quand on tue des individus clés (dominants, adultes expérimentés, louves reproductrices), on fragmente la société du groupe : les jeunes deviennent plus nombreux, moins encadrés, plus mobiles et plus enclins à explorer des zones périphériques où ils croisent des troupeaux faciles d’accès. Ce phénomène transforme une « prise » occasionnelle en un risque systémique, créant un cercle vicieux où la soi-disant solution alimente le problème.
Sur le terrain, toutes les dépouilles ou indices ne permettent pas toujours d’identifier sans ambiguïté l’auteur d’une attaque. Ainsi, le nombre d’attaques sur les troupeaux attribué au loup est souvent largement surestimé car elles peuvent aussi être le fait de chiens en divagation.
Par ailleurs, les attaques des chiens divagants sont généralement plus graves que celles des loups et conduisent à la mort d’un nombre plus élevé d’ovins. Suite aux attaques, l’expertise est souvent insuffisante et les pressions politique et économique favorisent une interprétation « loup ».
Cette confusion a deux conséquences concrètes : elle alimente la stigmatisation du loup et fausse le calibrage des indemnisations et des mesures de prévention. Des systèmes d’expertise et d’indemnisation fiables, et applicables dans le cas d’attaques par des chiens, sont donc essentiels pour éviter les erreurs d’attribution et les récupérations politiques de ces événements. Si les difficultés rencontrées par les éleveurs sont bien réelles et doivent être prises en compte, ce n’est pas à la faune sauvage d’en payer le prix.
Il existe plusieurs méthodes éprouvées pour réduire les pertes : chiens de protection (patous) dressés et en nombre adapté, clôtures électrifiées et parcs de contention, gardiennage renforcé, accompagnement technique et diagnostics de vulnérabilité des élevages. Le recours aux patous est la méthode la plus documentée en Europe pour dissuader la prédation sans tuer l’animal sauvage. Il exige formation, entretien et accompagnement (et parfois gestion des conflits avec randonneurs). Une autre méthode, moins documentée, consiste à avoir recours à des ânes de protection qui semblent être d’excellents défenseurs des troupeaux, n’ayant pas peur de faire face au danger.
Le point clé : ces mesures de protection fonctionnent mieux combinées et avec un accompagnement technique adapté : il n’y a pas d’ « outil miracle » mais un ensemble de processus à activer selon le type d’exploitation et le territoire.
En France, un dispositif national d’aide finance tout ou partie de ces mesures – les dossiers pour 2025 étant ouverts et les types de dépenses éligibles (achat/entretien de chiens, clôtures, gardiennage, études, accompagnement technique) clairement référencés par l’État. Autrement dit : l’argent public existe pour aider la transition vers des systèmes protégés.
Les modalités (cercles de vulnérabilité, type de dépenses éligibles) sont précisées au niveau préfectoral ; plusieurs préfectures mettent à disposition des guides et simplifient les dépôts de dossier pour accélérer le versement. Bref : il existe un cadre administratif permettant de financer la plupart des mesures de prévention si les éleveurs s’en saisissent et si l’accompagnement technique est déployé.
Plusieurs zones d’Espagne notamment – où la présence du loup est ancienne et dense – montrent que la coexistence est tout à fait possible. Des pratiques d’élevage adaptées et l’acceptation d’une cohabitation réduisent fortement le conflit. Des bergers espagnols ont modernisé leurs pratiques (patous, rotations, rapprochement des bergeries la nuit, accompagnement technique) et travaillent parfois avec des ONG et autorités pour co-construire des solutions.
Ces exemples ne nient pas les difficultés (pertes réelles, fatigue du métier), mais ils prouvent que l’éradication n’est pas la solution. Les récits de bergers espagnols montrent une posture pragmatique et possible : protéger le cheptel tout en acceptant la présence d’un prédateur emblématique. À ce sujet vous pouvez (re)lire notre article « Amenaza, le film : comment cohabiter avec les loups ? ».
Des résultats de recherche soulignent que le loup évite en général les humains et les zones fréquentées : il n’est pas « audacieux » par nature vis-à-vis des humains sauf si des facteurs écologiques ou alimentaires le poussent à s’en approcher.
Cela signifie qu’investir dans des mesures qui réduisent les attractifs (restes alimentaires, moutons isolés, facilités d’accès nocturne) et qui augmentent la dissuasion humaine (présence, chiens, clôtures) restera le levier le plus fiable pour réduire les passations d’attaques. Autrement dit : la cohabitation est possible parce que le loup, s’il a le choix, évitera l’humain.
Le loup joue un rôle de régulateur clé dans les écosystèmes où il est présent. En tant que superprédateur, il contrôle les populations d’ongulés (cerfs, chevreuils, sangliers, chamois, etc.), empêchant leur surabondance. Sans lui, ces herbivores prolifèrent et exercent une pression excessive sur les forêts et les zones naturelles : jeunes pousses broutées, sols tassés, perte de régénération.
La chasse humaine, souvent présentée comme un substitut à la prédation, ne remplit pas le même rôle : elle cible les plus beaux spécimens ou les individus accessibles, tandis que le loup sélectionne les plus faibles, les malades, les jeunes, contribuant ainsi à la bonne santé génétique des populations proies. Sa présence redonne donc à la nature sa dynamique d’autorégulation, en réduisant le besoin d’intervention humaine constante.
Certains prétendent que la chasse suffit à réguler les populations d’ongulés : c’est faux. En France, les chiffres montrent que malgré plus d’un million de grands ongulés abattus chaque année, leurs effectifs n’ont cessé d’augmenter. Les populations de cervidés et de sangliers explosent, causant dégâts agricoles et appauvrissement écologique.
Pourquoi ? Parce que la chasse humaine ne remplace pas la régulation naturelle : les chasseurs prélèvent souvent les individus les plus robustes, laissent les jeunes se reproduire, et entretiennent artificiellement des densités élevées pour assurer la préservation du loisir non essentiel qu’est la chasse. Le loup, lui, cible les faibles et les malades : il agit comme un médecin de l’écosystème. Sa présence redonne à la nature sa dynamique d’autorégulation, en réduisant le besoin d’intervention humaine constante.
Sa présence contraint aussi les ongulés à modifier leur comportement, à se déplacer davantage, à éviter certaines zones – un phénomène appelé « écologie de la peur », bénéfique pour la régénération des forêts. Là où le loup est revenu, les forêts respirent à nouveau.
L’exemple du parc de Yellowstone, aux États-Unis, est devenu emblématique de ce qu’on appelle une cascade trophique. Réintroduits en 1995 après 70 ans d’absence, les loups ont peu à peu rééquilibré le milieu. Avant leur retour, les wapitis avaient proliféré, dévorant en masse la végétation environnante. Les rives s’érodaient, les castors avaient disparu faute de bois, les oiseaux nicheurs et les poissons déclinaient.
En régulant les populations de wapitis, les loups ont permis à la végétation de se régénérer. Les castors sont revenus, les zones humides se sont reformées, les oiseaux ont trouvé à nouveau refuge. Mieux encore : les rivières ont retrouvé leurs méandres naturels grâce à la stabilisation des berges par la végétation.
C’est une leçon écologique majeure : la disparition d’un seul grand prédateur peut dérégler tout un système, et son retour peut restaurer un équilibre que des décennies de gestion humaine n’avaient pas réussi à recréer.
L’histoire du Loup gris et de l’humain est ancestrale, complexe, et marquée par la coopération autant que par la prédation. Bien avant l’agriculture, des groupes de chasseurs-cueilleurs et des canidés sauvages ont pu développer une relation d’entraide mutuelle : les loups, excellents pour traquer, épier, fatiguer la proie, les humains, ingénieux et capables de finition, pouvaient tirer profit d’une association souple. Des recherches récentes en cognition animale montrent que les loups possèdent des aptitudes de coopération déjà fortes, ce qui rend plausible ce type de liens préhistoriques.
Dans ce contexte, la domestication du chien n’apparaît pas comme une rupture brutale, mais comme la cristallisation d’un partenariat ancien : des loups « intéressés » à s’approcher des camps humains (pour les restes, la protection, les territoires ouverts) ont graduellement été intégrés, donnant naissance à ce compagnon fidèle que nous connaissons. Ce panorama historique permet de comprendre que le loup n’a pas été pas seulement considéré comme un adversaire, mais aussi et surtout un incroyable partenaire notre histoire.
Il est essentiel de le rappeler : la cohabitation avec le loup n’est pas simple. Les pertes réelles subies par certains éleveurs représentent un traumatisme économique et émotionnel. Mais ces souffrances ne justifient pas une politique d’éradication, inefficace et écologiquement désastreuse. Les solutions de protection, bien qu’imparfaites, fonctionnent lorsqu’elles sont accompagnées, financées, et adaptées aux réalités locales.
Il faut soutenir les éleveurs dans cette transition, pas les enfermer dans la peur. En Espagne, en Italie, en Roumanie, la cohabitation n’est pas toujours facile mais elle est loin d’être impossible : elle repose sur la connaissance, la prévention, et une vision de long terme. En France aussi, certains éleveurs et bergers choisissent l’adaptation et l’acceptation du loup, plutôt que son extermination.
La violence dirigée contre le loup est le miroir de notre rapport au vivant. La volonté de tout maîtriser : les forêts, les cours d’eau, les saisons, les animaux. Or, chaque fois qu’une espèce est détruite, c’est la destruction d’un maillon essentiel du filet de la vie.
Le loup, en réalité, ne menace pas l’humain : c’est l’humain qui menace le vivant, dont il fait pourtant lui-même partie, n’en déplaise aux suprémacistes. Cette volonté d’éradication traduit une peur plus profonde – celle de perdre le contrôle, celle de devoir partager l’espace avec d’autres formes de vie. Pourtant, cohabiter, c’est simplement reconnaître que nous ne sommes pas seuls ici.
Protéger le loup, ce n’est pas défendre un symbole romantique de la nature sauvage ; c’est défendre l’équilibre des écosystèmes dont nous dépendons. C’est préserver les forêts, les sols, les rivières, les insectes et tout ce qui rend la vie possible sur cette planète.
Si nous voulons un futur vivable, il nous faut réapprendre la modestie : accepter que la nature n’a pas besoin d’être dominée, mais comprise. Les loups ne sont pas des ennemis ; ils sont des garants silencieux de la santé du monde vivant. Et si nous sommes encore capables de les voir, de les écouter, et de les protéger, alors peut-être qu’il n’est pas trop tard – pour eux, comme pour nous.
– Elena Meilune
Photographie d’en-tête : Image libre de droits – Pickpik
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