07.11.2025 à 22:01
Maureen Damman
Vous n’avez pas eu le temps de suivre l’actu et/ou vous avez un coup de mou ? Voici 10 bonnes nouvelles à ne surtout pas manquer. 1. Mamdani élu, cheh Trump ! Zohran Mamdani a été élu à New York, malgré une campagne d’islamophobie relayée jusque dans les médias français. Son programme est axé sur […]
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Zohran Mamdani a été élu à New York, malgré une campagne d’islamophobie relayée jusque dans les médias français. Son programme est axé sur le logement abordable, la gratuité des transports publics, une fiscalité redistributive, ainsi que le renforcement des services municipaux. (Politis)
Le Parlement européen a décerné le prix Sakharov 2025 à deux journalistes emprisonnés, l’un au Bélarus et l’autre en Géorgie, pour leur courage dans des contextes de répression politique. Ce prix souligne la lutte pour la liberté de la presse et la défense des droits humains dans des pays où l’expression libre est sévèrement restreinte. (Libération)
En 2025, malgré un essoufflement des grandes manifestations, la mobilisation climatique des jeunes se maintient, notamment par des actions et initiatives locales. (Alternatives Economiques)
Le Brésil a connu une baisse historique de 11 % de la déforestation en Amazonie, avec une diminution record des surfaces détruites selon les chiffres du système PRODES (INPE). C’est un signal positif à l’approche de la COP30, témoignant d’efforts renforcés de surveillance et de protection de la forêt amazonienne. (Consoglobe)
Pour la première fois en Allemagne, les alternatives végétales comme les schnitzels à base de plantes sont devenues moins chères que les produits carnés et laitiers. Cette tendance découle de la baisse des coûts de production et d’une demande croissante, facilitant la transition vers une alimentation plus durable. (FAZ)
La baleine franche, parmi les espèces les plus menacées, donne des signes fragiles mais encourageants de renaissance en 2025, avec une hausse de 2 % de la population par rapport à l’année précédente, soit environ 384 individus, selon les données relayées par ScienceAlert. (Science-et-vie)

Qui a dit que le foot n’était pas écolo ? Des clubs de football en France misent désormais sur le covoiturage et les mobilités douces pour inciter les supporters à adopter des modes de transport moins polluants, tout en renforçant la convivialité lors des déplacements vers les matchs. (Vert)
à Thiviers, en Dordogne, entre 200 et 300 personnes ont manifesté contre l’extension d’une carrière de quartz portée par l’entreprise Imerys, qui concerne 40 hectares en zone forestière, une parcelle naturelle protégée au titre du Plan local d’urbanisme. Elles s’inquiètent également des procédés d’exploitation et d’affinage chimiques associés. (Reporterre)
Après les incendies qui ont ravagé plus de 17 000 hectares dans les Corbières (Aude) en août 2025, agriculteurs, habitants, bénévoles et chasseurs se mobilisent pour reverdir et régénérer le territoire. L’opération « Refleurir les Corbières » vise à semer des engrais verts pour protéger les sols mis à nu, lutter contre l’érosion et préparer des pâturages pour le printemps. (Basta)
À l’été 2025, la « Maison de la diversité » a ouvert ses portes à Lyon dans le quartier de la Croix-Rousse. Il s’agit d’une résidence dédiée aux personnes LGBTQI+ de plus de 55 ans, visant à rompre leur isolement social et lutter contre les discriminations qui marquent encore cette génération. (Basta)
YouTube annonce une section dédiée à la santé mentale des adolescents avec des contenus pédagogiques, témoignages et ressources validées, visant à soutenir la prévention et l’accompagnement des jeunes confrontés à des troubles psychiques. (Santé ouest)
– Mauricette Baelen
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Maureen Damman
Vous n’avez pas eu le temps de suivre l’actu ? Voici les 10 infos à ne surtout pas manquer cette semaine. 1. Les poussins sont toujours broyés en France malgré l’interdiction Malgré l’interdiction depuis janvier 2023 du broyage des poussins mâles dans la filière des poules pondeuses, cette pratique demeure autorisée et pratiquée dans la […]
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Malgré l’interdiction depuis janvier 2023 du broyage des poussins mâles dans la filière des poules pondeuses, cette pratique demeure autorisée et pratiquée dans la filière de la viande, comme le révèle une enquête de L214. Pourtant, des pratiques comme l’ovosexage existent. (Reporterre)
Entre 2012 et 2021, la mortalité liée à la chaleur a augmenté de 63 %, avec en moyenne 546 000 décès par an imputables à la chaleur extrême. Les plus pauvres sont les plus exposés, et les déplacements forcés de populations ont atteint un record en 2024. (Politis)
Entre 2011 et 2014, la société Lafarge a maintenu son usine en Syrie en versant des fonds à des groupes armés, dont Daech, au détriment des populations locales, en pleine guerre civile. La multinationale et huit de ses anciens cadres répondent en ce moment devant le tribunal correctionnel de Paris du chef d’inculpation de « financement du terrorisme ». (L’humanité)
Fin des exonérations, baisse des aides, coupes dans les centres de formation… Les apprentis et alternants subissent de plein fouet les effets négatifs des mesures budgétaires du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026. (L’humanité)
Pour la première fois en Europe, le peuple Sami, communauté autochtone, porte plainte à l’ONU pour dénoncer l’impact du changement climatique sur sa culture. Trente-trois éleveurs de rennes sámis de Muddusjärvi accusent la Finlande d’avoir violé leurs droits fondamentaux en autorisant une exploitation intensive des forêts et en négligeant la protection de leurs terres face au dérèglement climatique. (La Relève Et La Peste)

Malgré plusieurs condamnations pour rejets polluants dangereux dans des rivières, dont des amendes importantes, le groupe Lactalis continue d’émettre des substances toxiques (azote, phosphore, produits chimiques) qui transforment les eaux en égouts industriels. Les auto-contrôles du groupe sont remis en question par des inspections indépendantes. Que fait l’Etat ? Rien. (Disclose)
En Guyane, des substances potentiellement cancérigènes telles que les trihalométhanes, l’aluminium et le mercure ont été détectées dans l’eau potable de nombreuses communes. Ces composés dépassent fréquemment les seuils fixés par les normes européennes, ce qui suscite une inquiétude quant aux risques sanitaires à long terme pour la population, dénonce le député Jean-Victor Castor. (Mediapart)
L’ancienne procureure générale de l’armée israélienne, Yifat Tomer-Yerushalmi a été arrêtée suite à la fuite d’une vidéo montrant des sévices de soldats envers des Palestiniens en 2024. Elle avait reconnu avoir autorisé la fuite de ces images pour contrer ce qu’elle considérait comme une propagande anti-militaire et avait démissionné.(Courrier International)
Des décrets récents renforcent le pouvoir des préfets français notamment dans les domaines de la sécurité, de l’urbanisme et de l’environnement. Des mesures critiquées pour leur centralisation excessive du pouvoir au détriment des élus locaux et de la démocratie participative. (Contre-Attaque)
La surpêche intensive du maquereau en Europe menace l’équilibre de l’écosystème marin. Considérée comme une espèce clé, sa diminution pourrait entraîner des conséquences dramatiques sur toute la chaîne alimentaire marine. Les scientifiques appellent à une régulation stricte des quotas de pêche pour éviter un effondrement écologique. (La Relève et la Peste)
– Mauricette Baelen
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Elena Meilune
Beaucoup pensent que le masculinisme serait le « pendant » du féminisme : si l’un défend les femmes, l’autre défendrait les hommes. Cette idée séduit par sa simplicité, mais elle repose sur une erreur fondamentale. Le féminisme est un mouvement d’émancipation né de l’oppression des femmes, tandis que le masculinisme s’inscrit dans une réaction défensive […]
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Loin d’être son opposé, le féminisme est un mouvement qui bénéficie à toute la société, y compris aux hommes. Il s’appuie sur des faits, des données et une analyse rigoureuse des rapports sociaux. Le masculinisme, lui, se nourrit de ressentiments, d’inversions victimaires et d’expériences individuelles mises en avant comme des généralités, sans jamais reconnaître les privilèges masculins ni les inégalités persistantes à l’échelle globale. Il est plus que temps de déconstruire l’idée d’une équivalence entre ces deux mouvements qui n’ont ni les mêmes origines, ni les mêmes fondements, ni les mêmes objectifs.
Le féminisme est né pour corriger des injustices systémiques ; le masculinisme, pour défendre des privilèges. Ils ne peuvent donc en aucun cas être considérés comme « symétriques ».
Le féminisme est un mouvement historique, né de l’oppression des femmes dans une société patriarcale. Il s’attaque à des inégalités structurelles réelles et documentées : discriminations socio-économiques, violences sexistes, exclusions juridiques. Il n’est ni le fruit d’un effet de mode, ni une idéologie abstraite, mais l’héritier d’une longue histoire de luttes menées par les femmes contre des injustices tangibles.
Dès le XIXᵉ siècle, en Europe en Amérique du Nord, les premières féministes revendiquaient des droits fondamentaux (disposer de leur corps, voter, accéder à l’éducation, disposer de ses biens sans l’autorisation de son mari…). Rappelons qu’il y a encore quelques décennies, les femmes avaient un statut juridique proche de celui d’un enfant : dépendantes de leur père puis de leur mari, sans véritable échappatoire en cas de violences domestiques.
Au fil du temps, les combats féministes se sont élargis : lutte contre les violences sexistes et sexuelles, conjugales, inégalités socio-économiques, sous-représentation politique, accès aux soins, etc. Bref, le féminisme répond à une oppression structurelle mesurable par des statistiques et des faits sociaux.
Le masculinisme, lui, n’a pas cette base historique, il ne repose sur aucune oppression systémique des hommes par les femmes. Il apparaît au XXᵉ siècle, dans le sillage du backlash, ce retour de bâton qui survient après chaque avancée des droits des femmes et des minorités. Il s’alimente non pas d’une domination subie, mais d’un sentiment subjectif de perte : perte d’autorité dans la famille, perte d’exclusivité dans l’espace public, perte d’avantages symboliques. C’est une idéologie défensive, réactionnaire, qui cherche à freiner ou inverser le progrès de l’égalité.
Alors que le féminisme est un projet d’émancipation et de nivellement par le haut, le masculinisme lui, n’est qu’une tentative de préserver la domination.
Un autre point central : la question du pouvoir. Les rapports entre les sexes ne sont pas neutres ; ils s’inscrivent dans des structures sociales qui continuent de favoriser massivement les hommes. Aujourd’hui encore, les hommes dominent les sphères politique et économique : ils représentent la majorité des chefs d’État, des élus, des PDG et des détenteurs de grandes fortunes. Les médias, la culture et même la recherche scientifique sont encore largement façonnés par un regard masculin.
Un exemple concret : dans la recherche en santé mentale, les études ont longtemps été menées par des hommes et centrées sur des sujets masculins. Résultat : l’expression de nombreux troubles chez les femmes reste méconnue. On commence à peine à mieux identifier, par exemple, les spécificités de l’autisme féminin, alors que les manifestations chez les hommes sont documentées depuis longtemps. Ce biais a conduit à un sous-diagnostic massif des femmes et à une invisibilisation de leurs expériences.
Aussi, les femmes restent confrontées à une série d’inégalités persistantes : salaires inférieurs, moindre accès aux postes à responsabilité, violences sexistes et sexuelles massives, surcharge de travail domestique et parental, discriminations multiples dès l’école ou le monde professionnel. Ces réalités montrent que l’égalité est encore loin d’être atteinte.
Dans ce contexte, il est absurde de parler de symétrie. On ne peut pas mettre sur le même plan un groupe historiquement dominant, qui continue de bénéficier d’avantages systémiques, et un groupe historiquement dominé, qui se bat pour obtenir les mêmes droits et la même dignité. Par définition, celui qui détient le pouvoir ne peut pas se présenter comme « opprimé » par celui ou celle qui réclame simplement l’égalité.
En d’autres termes, tant qu’il existe une relation de domination, il n’y a pas deux camps équivalents : il y a un dominant et un dominé. Et cela suffit déjà en soi à montrer que le féminisme et le masculinisme ne sont pas comparables.
Un argument encore méconnu et peu diffusé est que le féminisme ne se limite pas à la défense des droits des femmes : il libère aussi les hommes des carcans imposés par la virilité traditionnelle [À ce sujet, vous pouvez (re)lire notre article « Ce que le féminisme change aussi pour les hommes »]. En dénonçant les stéréotypes de genre, le féminisme ouvre la possibilité pour chacun·e de vivre autrement.
Les hommes peuvent ainsi se dégager de l’injonction à être toujours forts, compétitifs, stoïques, pourvoyeurs de revenus. Ils peuvent aussi s’impliquer davantage dans la parentalité ou exprimer leurs émotions sans être jugés comme « faibles ». En élargissant les libertés, le féminisme ouvre un espace où hommes et femmes peuvent s’émanciper.
Le masculinisme, à l’inverse, défend une vision rigide et rétrograde des rôles de genre. Il enferme les hommes dans la virilité traditionnelle et rejette les transformations qui pourraient les libérer. Il exalte l’autorité masculine, le rôle de « chef de famille », la domination sociale des hommes et la dépendance des femmes.
En maintenant ces normes, il contribue à enfermer les hommes dans une identité virile étroite qui les empêche d’explorer d’autres formes de masculinité, plus libres, plus épanouissantes et in fine, bien plus séduisantes que des vieux stéréotypes complètement dépassés. Donc en réalité, le féminisme élargit le champ des possibles pour tout le monde, tandis que le masculinisme cherche à les restreindre.
Une autre différence cruciale tient aux fondements mêmes des deux mouvements. Le féminisme s’appuie sur une base empirique solide : statistiques, recherches sociologiques, témoignages de masse, enquêtes judiciaires et médicales. L’écart salarial entre hommes et femmes est mesurable ; les violences sexistes et sexuelles font l’objet de chiffres accablants ; la sous-représentation des femmes dans les lieux de pouvoir est visible. Autrement dit, le féminisme se fonde sur des réalités sociales documentées et reconnues.
Le masculinisme, lui, se construit principalement sur des ressentis, des anecdotes ou des généralisations abusives. Les discours masculinistes invoquent par exemple la prétendue « toute-puissance » des mères dans les affaires de garde d’enfants, alors que les chiffres montrent surtout que les hommes demandent moins souvent la garde exclusive.
Par ailleurs, lorsqu’ils demandent une garde alternée, ils l’obtiennent dans l’immense majorité des cas. Pourtant, la résidence alternée ne concerne que 11,5 % des enfants dont les parents sont séparés. Les masculinistes prétendent que les femmes bénéficient de privilèges, mais peinent à démontrer l’existence d’un système global d’oppression dirigé contre les hommes.
Ces arguments relèvent donc davantage de la perception, de cas particuliers érigés en généralité, que de l’analyse objective et systémique. Là encore, l’opposition est claire : le féminisme repose sur des faits, le masculinisme sur une inversion victimaire. L’un est fondé sur une réalité sociale mesurable, l’autre sur des mythes.
L’une des différences les plus effrayantes entre féminisme et masculinisme réside dans leurs conséquences concrètes. Le féminisme n’a jamais engendré de massacres, d’attentats ou de mouvements de haine visant à détruire une catégorie de population. Ses combats sont politiques, sociaux, culturels : ils visent à élargir les droits, non à punir ou éliminer qui que ce soit. Le masculinisme, lui, porte en lui une violence latente qui s’est traduite, à de multiples reprises, par des passages à l’acte meurtriers, mais aussi des appels au harcèlement, aux violences physiques et sexuelles.
Depuis une dizaine d’années, on a vu émerger une galaxie de groupes et de forums en ligne liés au mouvement incel (involuntary celibate, « célibataire involontaire »), où des hommes persuadés que les femmes leur « doivent » l’amour et le sexe nourrissent une haine virulente à leur égard, plutôt que de remettre en question leurs propres comportements. Ce terreau idéologique a donné naissance des attentats terroristes.
Par exemple, en 2014, une tuerie de masse a eu lieu à Isla Vista, en Californie. Motivé par sa haine des femmes, Elliot Rodger a tué six personnes et blessé 14 autres, avant de se suicider, laissant derrière lui un manifeste haineux contre les femmes qu’il jugeait responsables de ses frustrations. En 2018, à Toronto, Alex Minassian a tué dix personnes et blessé 16 autres dans l’attaque au camion-bélier, se revendiquant lui-même de la mouvance incel. En 2021, à Plymouth (Royaume-Uni), Jake Davison a assassiné cinq personnes, dont sa mère, se décrivant lui aussi comme un incel.
Et ce ne sont que des exemples parmi d’autres. En France, plusieurs affaires récentes témoignent aussi de cette imprégnation idéologique : menaces d’attentats « anti-féministes » sur les réseaux, appels à « punir les féministes », multiplication des discours haineux dans certains espaces masculinisés. Trois attaques incel ont été déjouées rien que cette année sur le territoire français.
Ce ne sont pas des cas isolés : il existe aujourd’hui une radicalisation masculiniste comparable, dans sa structure, à d’autres formes d’extrémisme idéologique. La logique est la même : désigner un ennemi (ici, les femmes et les féministes), construire un récit victimaire, puis justifier la violence au nom d’une « reconquête » de la virilité perdue.
Certains invoquent parfois Valerie Solanas comme contre-exemple, pour tenter de prouver que le féminisme « peut être violent lui aussi ». Pourtant, l’acte de Solanas, autrice du SCUM Manifesto et connue pour avoir tiré sur Andy Warhol en 1968, est le produit de multiples violences patriarcales qu’elle a subi. Son acte n’a donné naissance à aucun courant violent, à aucun attentat, ni à aucune doctrine meurtrière. Le masculinisme, lui, génère des communautés entières dédiées à la haine, qui produisent des passages à l’acte meurtriers en série.
Comparer cette situation isolée à une mouvance internationale de radicalisation misogyne relève d’un argument fallacieux : le féminisme, en tant que pensée politique, n’a jamais promu la violence, là où le masculinisme s’en nourrit.
Ainsi, affirmer que « le masculinisme tue » n’est pas une figure de style. C’est une réalité mesurable, documentée, tragiquement concrète. Le féminisme, lui, ne tue personne : il cherche au contraire à ce que plus personne ne meure de domination, de haine ou de frustration masculine.
Il faut aussi insister sur un piège rhétorique. Le mot « masculinisme » donne l’illusion d’une symétrie linguistique avec « féminisme », comme si les deux étaient les deux faces d’une même médaille. Mais cette impression est fallacieuse. Le féminisme est un mouvement d’émancipation ; le masculinisme est avant tout une idéologie antiféministe, qui cherche à délégitimer ou à contrecarrer les avancées pour l’égalité.
D’ailleurs, lorsque l’on examine les thématiques réellement défendues par les groupes masculinistes, elles tournent presque toujours autour de la critique du féminisme et rarement autour de propositions constructives pour améliorer la vie des hommes. Les rares enjeux réels qui concernent les hommes – comme les taux élevés de suicide, la stigmatisation des victimes masculines de violences, la santé mentale ou l’aliénation par la virilité traditionnelle – sont déjà pris en charge par la pensée féministe, qui analyse justement ces souffrances comme des effets pervers du patriarcat.
Il ne s’agit en aucun cas de nier souffrance masculine, bien réelle pour beaucoup d’hommes confrontés à des injonctions de virilité, à la solitude affective (d’où le mouvement incel notamment) ou à des difficultés familiales. Mais ces souffrances, au lieu d’être analysées comme les effets d’un système patriarcal qui pèse aussi sur eux, sont trop souvent instrumentalisées par des mouvements masculinistes qui en font un fond de commerce idéologique, détournant une détresse légitime vers la haine du féminisme.
Autrement dit, revendiquer le terme de « masculinisme » n’ajoute rien de neuf au combat pour l’égalité : cela ne sert qu’à affaiblir le féminisme et à maintenir des rapports de domination. Il n’y a pas de symétrie possible car il n’existe pas de système oppressif global dirigé contre les hommes, par les femmes. Et s’il existe bel et bien des femmes violentes, ces violences demeurent très marginales en comparaison des violences masculines, et n’ont pas de valeur systémique. Ce que l’on qualifie de « misandrie » aujourd’hui, par opposition à la misogynie, ne se réfère très souvent qu’à des femmes qui évitent les hommes pour se protéger, après avoir subi des violences par le passé.
Et quand certains prétendent que « les deux extrêmes se valent », il suffit de regarder les corps tombés : les attentats incels, les féminicides, les violences conjugales ou les viols massifs ne sont pas le fruit d’un « excès de féminisme », mais bien d’un système patriarcal où le masculinisme prospère. Une minorité d’homicides conjugaux sont commis par des femmes mais la moitié de ceux-ci ont lieu dans contexte d’années de violences subies au préalable, infligées par leur conjoint. Il s’agit donc souvent de cas légitime défense. Pour les féminicides en revanche, l’un des schémas typiques et celui de la domination et de la possession : l’homme qui ne supporte pas que sa femme le quitte, au point de la tuer.
Il est toutefois primordial de rappeler que les rapports de domination ne s’arrêtent pas à la question du genre. La bourgeoisie et son capitalisme prédateur exercent une oppression systémique qui touche l’ensemble de la société, hommes comme femmes, en exploitant le travail, en précarisant les vies et en transformant chaque relation humaine en rapport marchand. Les hommes issus des classes populaires en font eux aussi les frais : chômage, salaires bas, conditions de travail pénibles, instabilité sociale.
Mais attention toutefois au piège de l’appropriation par les masculinistes de la souffrance des hommes des classes populaires. Oui, ces hommes subissent des conditions de vie difficiles mais ces réalités sont le produit d’un système capitaliste et inégalitaire (en lien étroit avec le patriarcat, car les deux se nourrissent entre eux), non d’une prétendue domination des femmes. Le masculinisme détourne ces souffrances réelles pour les utiliser comme arme antiféministe, en cherchant à faire croire que les hommes seraient « les nouvelles victimes » d’une société devenue « trop féminisée ».
Mais cette réalité n’a rien à voir avec le masculinisme, car ces difficultés ne découlent pas d’une oppression des femmes envers les hommes, mais bien d’un système économique inégalitaire. Et au sein de la bourgeoisie même, l’immense majorité des richesses est détenue par des hommes.
Les femmes, quant à elles, subissent une double peine : celles qui sont membres des classes populaires partagent ces mêmes difficultés, et, en tant que femmes, elles endurent en plus les violences sexistes, les discriminations, la surcharge domestique et l’invisibilisation de leur travail. Autrement dit, l’oppression de classe et l’oppression de genre s’entrecroisent et se renforcent mutuellement.
C’est pourquoi féminisme et lutte des classes ne s’opposent pas mais se complètent pour lutter contre l’oppression. Pour aller plus loin, vous pouvez (re)lire notre article « Le féminisme est indissociable de la lutte des classes ». Pensées ensemble, ces deux luttes permettent de comprendre que l’émancipation des femmes est inséparable d’une émancipation collective de tous et toutes face aux logiques de profit et de domination.
Là où le masculinisme enferme les hommes dans une posture victimaire stérile et agressive, le féminisme offre une lecture structurelle : ce n’est pas l’égalité qui opprime, mais la combinaison du patriarcat et du capitalisme. C’est pourquoi seule une pensée émancipatrice, inclusive et solidaire peut réellement répondre aux injustices vécues par toutes et tous.
Le féminisme n’est en aucun cas l’envers du masculinisme. Il est une lutte d’émancipation universelle, là où le masculinisme n’est qu’une réaction défensive. L’un ouvre des horizons, l’autre les referme.
– Elena Meilune
Photo de couverture : Elliot Rodger. En 2014, une tuerie de masse a eu lieu à Isla Vista, en Californie. Motivé par sa haine des femmes, Elliot Rodger a tué six personnes et blessé 14 autres, avant de se suicider. Flickr
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Elena Meilune
Le 25 octobre, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la Creuse pour réclamer « l’éradication du loup ». Des discours d’une violence symbolique rare, dans un climat où la peur supplante la raison. Alors que le loup vient d’être déclassé de la liste des espèces strictement protégées, cette hostilité menace bien plus qu’un animal […]
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Le loup, comme d’autres espèces sauvages, est aujourd’hui un bouc émissaire d’un système agricole fragilisé et d’un rapport dominateur à la faune et la flore. En France, les éleveurs auront bientôt le droit de tuer des loups sans autorisation préalable, un basculement majeur qui légitime la destruction immédiate d’un animal protégé.
Pourtant, nombre d’études scientifiques convergent vers le même constat : tuer les loups ne protège pas les troupeaux, cela aggrave paradoxalement les attaques. Des mesures préventives efficaces existent et sont en grande partie soutenues par l’État. Dans plusieurs pays européens, des éleveurs ont choisi la cohabitation qui, bien qu’elle demande des efforts et de l’organisation, fonctionne.
Le vendredi 25 octobre, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans la Creuse, militant pour l’éradication du loup. Ce regroupement marque un point culminant dans une spirale de peur, d’hostilité et de violence symbolique dirigée contre le Loup gris (Canis lupus) : l’animal n’est plus seulement perçu comme un élément de la nature sauvage, mais comme un adversaire à éliminer.
Cette manifestation n’apparaît pas comme un simple incident local isolé : elle s’inscrit dans un climat plus large où l’animal prédateur devient bouc émissaire de la fragilité de certaines filières d’élevage, de l’incertitude économique des territoires ruraux, et d’une méfiance profonde envers ce que représente le loup – la nature qui reprend des droits que l’humain lui a arrachés, l’espace non-contrôlé, l’altérité.
L’enjeu est bien plus grand que la simple gestion d’une espèce : c’est tout un imaginaire collectif de la campagne, de la ruralité, de la nature et de l’agriculture qui est traversé. Quand on revendique l’éradication d’un animal, on revendique aussi une emprise totale sur les terres, la négation de la prédation naturelle, et la récusation du sauvage. Cette posture nie la complexité écologique et se fait l’écho d’une vision triomphante et destructrice de l’être humain sur la nature.
Il est primordial de noter ici qu’en dépit des discours alimentant la peur, plus de loups ne signifie pas plus de victimes dans les troupeaux. Entre 2018 et 2023, les populations de loups ont augmenté de 93 %. Sur la même période, la prédation a diminué de 13 %. Cette aversion pour le loup n’a ainsi aucun fondement logique.
Le 5 juin dernier, le Conseil de l’Union européenne a définitivement approuvé le déclassement du loup, celui-ci passant du statut d’« espèce strictement protégée » à celui d’« espèce protégée ». Un changement attendu depuis longtemps par certains acteurs de l’agropastoralisme.
Mais du côté des associations de protection de la nature, cette rétrogradation est qualifiée de choix politique démagogique qui n’apporte aucune solution aux véritables problématiques – bien au contraire – et fragilise l’espèce dans un contexte où ses populations ne sont pas encore stabilisées.
En abaissant le niveau de protection, l’État se dote de marges pour augmenter les prélèvements ou les tirs de défense contre le loup, ce qui affaiblit sa capacité à jouer son rôle écologique. Le changement de statut ne règle pas les causes premières des attaques (troupeaux non protégés, modalités d’élevage, manque d’accompagnement technique), mais ouvre une voie facile à la destruction plutôt qu’à la cohabitation. Il établit un dangereux précédent : si une espèce emblématique comme le loup peut être rétrogradée, qu’en sera-t-il pour d’autres espèces protégées ?
Ce déclassement est moins une réponse aux réalités biologiques que le reflet d’un compromis politique face à la pression d’une partie du monde agricole. Une décision qui revient à dégainer le fusil avant même d’avoir exploré les protections possibles. Toutefois, certains pays européens ont refusé le déclassement du loup sur leur territoire, mettant en lumière le non-sens de cette mesure.

À compter de 2026, la France permettra aux éleveurs de tirer sans autorisation préalable sur un loup attaquant leur troupeau. Cette mesure, présentée comme un « assouplissement » du dispositif de défense, constitue un tournant historique : elle légitime les tirs non contrôlés, sans expertise sur la réalité de l’attaque. Une telle dérégulation ouvre la porte à des abus, à des erreurs d’identification (nombre d’attaques étant le fait de chiens divagants), et banalise la violence envers la faune sauvage.
Bien que la mesure ne soit pas encore appliquée, les effets de cette radicalisation sont déjà visibles : dans la Drôme, deux loups ont été tués par des éleveurs en deux jours, les 21 et 22 octobre 2025. Ces abattages, salués par certains élus locaux, témoignent d’une escalade de la violence qui dépasse la simple légitime défense : c’est une guerre ouverte contre la vie sauvage, encouragée par la complaisance politique.
Ainsi, la peur du loup, d’abord émotionnelle et irrationnelle, devient politique ; la méfiance se transforme en doctrine d’éradication. La question n’est plus seulement de savoir comment protéger les troupeaux, mais jusqu’où notre société est prête à aller pour affirmer sa domination sur la nature.
Plusieurs travaux scientifiques convergent vers la même conclusion : les prélèvements létaux sur des populations de loups n’entraînent pas mécaniquement une baisse des déprédations sur le bétail – et peuvent au contraire les augmenter. Des modèles récents et des synthèses montrent que l’élimination de certains individus désorganise la structure sociale des meutes, modifie les territoires et favorise des phénomènes (jeunes dispersés, pairs moins expérimentés) qui augmentent le risque de contact avec du bétail.
Ces études ne sont pas anecdotiques : elles mettent en garde contre une stratégie de « solution rapide » consistant à supprimer des individus plutôt qu’à travailler sur la prévention et les mesures de protection qui fonctionnent réellement pour diminuer les attaques.
Le loup est un animal social dont la chasse et le comportement envers le gibier passent par des rôles et un apprentissage au sein de la meute. Quand on tue des individus clés (dominants, adultes expérimentés, louves reproductrices), on fragmente la société du groupe : les jeunes deviennent plus nombreux, moins encadrés, plus mobiles et plus enclins à explorer des zones périphériques où ils croisent des troupeaux faciles d’accès. Ce phénomène transforme une « prise » occasionnelle en un risque systémique, créant un cercle vicieux où la soi-disant solution alimente le problème.
Sur le terrain, toutes les dépouilles ou indices ne permettent pas toujours d’identifier sans ambiguïté l’auteur d’une attaque. Ainsi, le nombre d’attaques sur les troupeaux attribué au loup est souvent largement surestimé car elles peuvent aussi être le fait de chiens en divagation.
Par ailleurs, les attaques des chiens divagants sont généralement plus graves que celles des loups et conduisent à la mort d’un nombre plus élevé d’ovins. Suite aux attaques, l’expertise est souvent insuffisante et les pressions politique et économique favorisent une interprétation « loup ».
Cette confusion a deux conséquences concrètes : elle alimente la stigmatisation du loup et fausse le calibrage des indemnisations et des mesures de prévention. Des systèmes d’expertise et d’indemnisation fiables, et applicables dans le cas d’attaques par des chiens, sont donc essentiels pour éviter les erreurs d’attribution et les récupérations politiques de ces événements. Si les difficultés rencontrées par les éleveurs sont bien réelles et doivent être prises en compte, ce n’est pas à la faune sauvage d’en payer le prix.
Il existe plusieurs méthodes éprouvées pour réduire les pertes : chiens de protection (patous) dressés et en nombre adapté, clôtures électrifiées et parcs de contention, gardiennage renforcé, accompagnement technique et diagnostics de vulnérabilité des élevages. Le recours aux patous est la méthode la plus documentée en Europe pour dissuader la prédation sans tuer l’animal sauvage. Il exige formation, entretien et accompagnement (et parfois gestion des conflits avec randonneurs). Une autre méthode, moins documentée, consiste à avoir recours à des ânes de protection qui semblent être d’excellents défenseurs des troupeaux, n’ayant pas peur de faire face au danger.
Le point clé : ces mesures de protection fonctionnent mieux combinées et avec un accompagnement technique adapté : il n’y a pas d’ « outil miracle » mais un ensemble de processus à activer selon le type d’exploitation et le territoire.
En France, un dispositif national d’aide finance tout ou partie de ces mesures – les dossiers pour 2025 étant ouverts et les types de dépenses éligibles (achat/entretien de chiens, clôtures, gardiennage, études, accompagnement technique) clairement référencés par l’État. Autrement dit : l’argent public existe pour aider la transition vers des systèmes protégés.
Les modalités (cercles de vulnérabilité, type de dépenses éligibles) sont précisées au niveau préfectoral ; plusieurs préfectures mettent à disposition des guides et simplifient les dépôts de dossier pour accélérer le versement. Bref : il existe un cadre administratif permettant de financer la plupart des mesures de prévention si les éleveurs s’en saisissent et si l’accompagnement technique est déployé.
Plusieurs zones d’Espagne notamment – où la présence du loup est ancienne et dense – montrent que la coexistence est tout à fait possible. Des pratiques d’élevage adaptées et l’acceptation d’une cohabitation réduisent fortement le conflit. Des bergers espagnols ont modernisé leurs pratiques (patous, rotations, rapprochement des bergeries la nuit, accompagnement technique) et travaillent parfois avec des ONG et autorités pour co-construire des solutions.
Ces exemples ne nient pas les difficultés (pertes réelles, fatigue du métier), mais ils prouvent que l’éradication n’est pas la solution. Les récits de bergers espagnols montrent une posture pragmatique et possible : protéger le cheptel tout en acceptant la présence d’un prédateur emblématique. À ce sujet vous pouvez (re)lire notre article « Amenaza, le film : comment cohabiter avec les loups ? ».
Des résultats de recherche soulignent que le loup évite en général les humains et les zones fréquentées : il n’est pas « audacieux » par nature vis-à-vis des humains sauf si des facteurs écologiques ou alimentaires le poussent à s’en approcher.
Cela signifie qu’investir dans des mesures qui réduisent les attractifs (restes alimentaires, moutons isolés, facilités d’accès nocturne) et qui augmentent la dissuasion humaine (présence, chiens, clôtures) restera le levier le plus fiable pour réduire les passations d’attaques. Autrement dit : la cohabitation est possible parce que le loup, s’il a le choix, évitera l’humain.
Le loup joue un rôle de régulateur clé dans les écosystèmes où il est présent. En tant que superprédateur, il contrôle les populations d’ongulés (cerfs, chevreuils, sangliers, chamois, etc.), empêchant leur surabondance. Sans lui, ces herbivores prolifèrent et exercent une pression excessive sur les forêts et les zones naturelles : jeunes pousses broutées, sols tassés, perte de régénération.
La chasse humaine, souvent présentée comme un substitut à la prédation, ne remplit pas le même rôle : elle cible les plus beaux spécimens ou les individus accessibles, tandis que le loup sélectionne les plus faibles, les malades, les jeunes, contribuant ainsi à la bonne santé génétique des populations proies. Sa présence redonne donc à la nature sa dynamique d’autorégulation, en réduisant le besoin d’intervention humaine constante.
Certains prétendent que la chasse suffit à réguler les populations d’ongulés : c’est faux. En France, les chiffres montrent que malgré plus d’un million de grands ongulés abattus chaque année, leurs effectifs n’ont cessé d’augmenter. Les populations de cervidés et de sangliers explosent, causant dégâts agricoles et appauvrissement écologique.
Pourquoi ? Parce que la chasse humaine ne remplace pas la régulation naturelle : les chasseurs prélèvent souvent les individus les plus robustes, laissent les jeunes se reproduire, et entretiennent artificiellement des densités élevées pour assurer la préservation du loisir non essentiel qu’est la chasse. Le loup, lui, cible les faibles et les malades : il agit comme un médecin de l’écosystème. Sa présence redonne à la nature sa dynamique d’autorégulation, en réduisant le besoin d’intervention humaine constante.
Sa présence contraint aussi les ongulés à modifier leur comportement, à se déplacer davantage, à éviter certaines zones – un phénomène appelé « écologie de la peur », bénéfique pour la régénération des forêts. Là où le loup est revenu, les forêts respirent à nouveau.
L’exemple du parc de Yellowstone, aux États-Unis, est devenu emblématique de ce qu’on appelle une cascade trophique. Réintroduits en 1995 après 70 ans d’absence, les loups ont peu à peu rééquilibré le milieu. Avant leur retour, les wapitis avaient proliféré, dévorant en masse la végétation environnante. Les rives s’érodaient, les castors avaient disparu faute de bois, les oiseaux nicheurs et les poissons déclinaient.
En régulant les populations de wapitis, les loups ont permis à la végétation de se régénérer. Les castors sont revenus, les zones humides se sont reformées, les oiseaux ont trouvé à nouveau refuge. Mieux encore : les rivières ont retrouvé leurs méandres naturels grâce à la stabilisation des berges par la végétation.
C’est une leçon écologique majeure : la disparition d’un seul grand prédateur peut dérégler tout un système, et son retour peut restaurer un équilibre que des décennies de gestion humaine n’avaient pas réussi à recréer.
L’histoire du Loup gris et de l’humain est ancestrale, complexe, et marquée par la coopération autant que par la prédation. Bien avant l’agriculture, des groupes de chasseurs-cueilleurs et des canidés sauvages ont pu développer une relation d’entraide mutuelle : les loups, excellents pour traquer, épier, fatiguer la proie, les humains, ingénieux et capables de finition, pouvaient tirer profit d’une association souple. Des recherches récentes en cognition animale montrent que les loups possèdent des aptitudes de coopération déjà fortes, ce qui rend plausible ce type de liens préhistoriques.
Dans ce contexte, la domestication du chien n’apparaît pas comme une rupture brutale, mais comme la cristallisation d’un partenariat ancien : des loups « intéressés » à s’approcher des camps humains (pour les restes, la protection, les territoires ouverts) ont graduellement été intégrés, donnant naissance à ce compagnon fidèle que nous connaissons. Ce panorama historique permet de comprendre que le loup n’a pas été pas seulement considéré comme un adversaire, mais aussi et surtout un incroyable partenaire notre histoire.
Il est essentiel de le rappeler : la cohabitation avec le loup n’est pas simple. Les pertes réelles subies par certains éleveurs représentent un traumatisme économique et émotionnel. Mais ces souffrances ne justifient pas une politique d’éradication, inefficace et écologiquement désastreuse. Les solutions de protection, bien qu’imparfaites, fonctionnent lorsqu’elles sont accompagnées, financées, et adaptées aux réalités locales.
Il faut soutenir les éleveurs dans cette transition, pas les enfermer dans la peur. En Espagne, en Italie, en Roumanie, la cohabitation n’est pas toujours facile mais elle est loin d’être impossible : elle repose sur la connaissance, la prévention, et une vision de long terme. En France aussi, certains éleveurs et bergers choisissent l’adaptation et l’acceptation du loup, plutôt que son extermination.
La violence dirigée contre le loup est le miroir de notre rapport au vivant. La volonté de tout maîtriser : les forêts, les cours d’eau, les saisons, les animaux. Or, chaque fois qu’une espèce est détruite, c’est la destruction d’un maillon essentiel du filet de la vie.
Le loup, en réalité, ne menace pas l’humain : c’est l’humain qui menace le vivant, dont il fait pourtant lui-même partie, n’en déplaise aux suprémacistes. Cette volonté d’éradication traduit une peur plus profonde – celle de perdre le contrôle, celle de devoir partager l’espace avec d’autres formes de vie. Pourtant, cohabiter, c’est simplement reconnaître que nous ne sommes pas seuls ici.
Protéger le loup, ce n’est pas défendre un symbole romantique de la nature sauvage ; c’est défendre l’équilibre des écosystèmes dont nous dépendons. C’est préserver les forêts, les sols, les rivières, les insectes et tout ce qui rend la vie possible sur cette planète.
Si nous voulons un futur vivable, il nous faut réapprendre la modestie : accepter que la nature n’a pas besoin d’être dominée, mais comprise. Les loups ne sont pas des ennemis ; ils sont des garants silencieux de la santé du monde vivant. Et si nous sommes encore capables de les voir, de les écouter, et de les protéger, alors peut-être qu’il n’est pas trop tard – pour eux, comme pour nous.
– Elena Meilune
Photographie d’en-tête : Image libre de droits – Pickpik
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Maureen Damman
Sébastien Moro explore le monde fascinant des animaux méprisés ou méconnus. Il publiera bientôt une nouvelle BD sur les rats avec le dessinateur Josselin Billard, intitulée Scélérats, actuellement en campagne de financement participatif. Vulgarisateur, conseiller scientifique, auteur de bandes dessinées et conférencier, Sébastien Moro explore l’intelligence animale sous toutes ses formes. Rats, poissons, poules ou […]
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Vulgarisateur, conseiller scientifique, auteur de bandes dessinées et conférencier, Sébastien Moro explore l’intelligence animale sous toutes ses formes. Rats, poissons, poules ou chèvres : il se concentre sur des espèces souvent méconnues ou mal aimées, qui révèlent pourtant des comportements et des capacités étonnantes. Ce n’est pas tout : il anime également une chaîne YouTube Cervelle d’oiseau, qui allie rigueur scientifique, pédagogie et humour pour faire découvrir les animaux autrement.
Après deux BD, il lance désormais un nouveau livre sur les rats avec le dessinateur Josselin Billard, qui s’intitulera Scélérats. Changeons notre regard sur les animaux, avec Sébastien Moro.
Sébastien Moro : « Vulgarisateur et conseiller scientifique spécialisé dans l’intelligence animale. J’ai déjà publié deux bandes dessinées : Les paupières des poissons, qui a obtenu le prix Maya et Les cerveaux de la ferme, qui a obtenu l’Open Book Prize.
En parallèle, j’anime une chaîne YouTube intitulée Cervelle d’oiseau, j’interviens auprès d’organismes publics et privés et je donne régulièrement des conférences sur la vie et les comportements des animaux.
« Mon travail se concentre tout particulièrement sur les espèces mal-aimées, celles qui suscitent le plus de rejet ou d’indifférence. »
Je suis d’ailleurs devenu un peu incontournable sur la connaissance des poissons – au point d’apparaître dans la BD de Guillaume Meurice, Loumi, l’Odyssée du poisson pané. »
Sébastien Moro : « C’est un travail destiné au grand public, mais les universitaires y trouveront aussi leur compte. J’essaie de produire une science rigoureuse, tout en cultivant l’émerveillement pour le monde animal.
Dans cette BD, j’ai choisi de retracer pas à pas la progression de la recherche scientifique : ce qu’on a découvert, ce qu’on a approfondi ensuite… jusqu’aux trouvailles plus anecdotiques.
La particularité de mon travail, c’est que je lis beaucoup trop d’études ! Pour ce projet, je suis parti de 1 109 publications. Je déconseille à tout le monde de faire ça, c’est complètement déraisonnable ! Sans mauvais jeu de mots, ça a vraiment dérapé. Ah, oui, les jeux de mots. Pour tout vous dire, j’ai dû freiner mon dessinateur là-dessus, sinon on n’en finissait plus. »
Sébastien Moro : « La réponse est dans la question : si j’ai choisi de parler des rats, c’est justement parce qu’on les trouve généralement repoussants.
Je me suis demandé : « à quoi ressemble leur monde ?« . En fait, nous passons notre temps à chercher des formes d’intelligence extraterrestres, alors qu’on est déjà entourés de formes de vie fascinantes que l’on ne comprend pas.
J’ai aussi envie de venir en aide à ces animaux mal aimés. Ils sont d’un côté essentiels à la recherche scientifique.
« On teste énormément de choses sur eux. Et de l’autre côté, on oublie peut-être parfois de considérer que, eux aussi, ont une vie qu’ils voudraient vivre. »
On leur refuse le droit de vivre à l’air libre, le simple droit d’exister dehors. Les méthodes de “régulation” consistent la plupart du temps à la mise à mort, avec des souffrances qui durent plusieurs jours. Les rats ne peuvent pas vomir : ils ingèrent donc de petites doses de poison, qui les tuent lentement. Dans certains pays, on commence à tester des techniques contraceptives, mais c’est encore loin d’être la norme.
De l’autre, on les étudie rarement pour eux-mêmes, même si certains chercheurs leur portent un vrai respect. J’ai discuté, par exemple, avec une chercheuse britannique qui s’attache énormément à eux. Elle leur a aménagé des zones d’habitation bien plus adaptées à leur mode de vie que ce qui se fait habituellement, et elle refuse de les euthanasier. Mais elle représente plutôt une exception que la règle.
Dans la majorité des laboratoires, pour des raisons économiques et pratiques, les conditions de vie sont souvent bien moins bonnes, malgré quelques petits progrès. Les recherches en neurosciences notamment leur coûtent souvent la vie. L’évolution existe, mais elle est lente. »
Sébastien Moro : « Mon objectif, c’était de rassembler tout ce qu’on sait sur eux. Le rat est l’un des animaux les plus étudiés au monde, et pourtant, nos connaissances restent très fragmentées. Chaque équipe de recherche travaille sur un aspect bien précis — la mémoire, les émotions et la communication, le comportement social, la physiologie… — Mais personne ne prend vraiment le temps de faire la synthèse.
« Je voulais combler ce manque, offrir une vision d’ensemble : qui sont-ils, comment vivent-ils, quelles sont leurs fonctions cognitives, comment s’organisent leurs sociétés ? »
Les études de terrain, notamment, sont rarissimes. On commence à peine à en voir émerger, comme le projet Armageddon à Paris, ou un autre à Vancouver. Ces travaux sont essentiels, parce qu’on ne sait presque rien des rats sauvages : ceux des villes, des égouts, … vivent-ils différemment ? Ont-ils des comportements sociaux distincts ? On l’ignore encore.
Un des chapitres que je trouve le plus fascinant concerne la mémoire épisodique, c’est-à-dire la capacité à se souvenir d’événements vécus. C’est une question passionnante pour comprendre l’intelligence et la conscience animale même si, paradoxalement, elle sert surtout à étudier les maladies humaines comme Alzheimer. Les rats, sur ce plan, sont bluffants. Ils se souviennent de ce qu’ils ont fait, où, et quand. C’est un signe d’une vie mentale riche, d’une subjectivité, d’un monde intérieur. Ce sont des individus à part entière, pas juste des modèles de laboratoire. »
Sébastien Moro : « Oui, absolument. Les rats forment des sociétés d’une complexité incroyable. Ce sont des animaux profondément coopératifs, capables d’empathie, d’altruisme et même d’un certain sens du partage équitable.
Ils s’entraident en permanence. Par exemple, si un rat a faim, un autre lui cèdera facilement une partie de sa nourriture. Ils pratiquent aussi des échanges de services, parfois dans des devises différentes : un peu de toilettage contre un morceau à manger, ou l’inverse. Et ils sont tout à fait conscients que ces échanges n’ont pas la même valeur !
On a également observé une forme de hiérarchie spatiale : dans une colonie, il existe de véritables “quartiers riches” et “quartiers pauvres”. Les groupes les plus jeunes ou instables occupent souvent les zones périphériques, tandis que les individus dominants se réservent les endroits plus sûrs et plus confortables. En fait, le rang social des individus qui habitent un terrier influence profondément la qualité et la structure du terrier, mais l’inverse est vraie aussi ! Un système de terrier bien conçu permet de favoriser une structure sociale plus stable.
Leur capacité d’apprentissage est tout aussi fascinante. Je pense notamment à une expérience célèbre, Rat Driving Car, où des chercheurs ont appris à des rats à conduire de petites voitures pour obtenir une récompense. Ce n’est pas qu’une prouesse de dressage : c’est la preuve de leur capacité d’apprentissage et d’adaptation. Et en plus, ils adorent vraiment ça et le font d’eux-mêmes dès qu’ils ont appris à conduire.
Leurs vocalisations sont aussi passionnantes. Les rats émettent des sons ultrasoniques que nous n’entendons pas, mais qui sont très expressifs. On a découvert que certains de ces sons correspondent à un véritable rire, différents qu’ils soient enfants ou adultes. Et, fait incroyable, ce rire est contagieux, un peu comme le nôtre.
Ils ressentent aussi du regret, ou encore une aversion pour l’iniquité, surtout chez les individus dominants. Et ils sont capables de comportements étonnants : Si un rat voit un congénère enfermé dans une boîte et un morceau de chocolat dans une autre boîte à côté, il va libérer le prisonnier et partager le chocolat avec lui !
« Les rats sont aussi utilisés comme modèles pour étudier la dépression. Mais cela soulève évidemment des questions éthiques : on fait naître des animaux sensibles, conscients, pour les rendre dépressifs volontairement… »
À un moment donné, il faut qu’on se demande jusqu’où on veut aller avec ça. »
Sébastien Moro : « Mon but, c’est de rendre la connaissance scientifique accessible et fiable, que ce soit pour les universitaires, les associations, les institutions ou le grand public. Je veux que ces informations soient à la fois crédibles, sourcées et compréhensibles.
« Parce qu’à partir du moment où on dispose de données solides, on peut mener un débat public plus juste, plus rationnel, et surtout plus respectueux des autres animaux. »
Je travaille avec des chercheurs, des étudiants, mais aussi des associations ou des collectivités locales qui ont besoin de comprendre comment vivent les animaux avec lesquels elles cohabitent. C’est important de reconnecter la science avec la société.
Alors oui, j’ai évidemment mes biais – j’ai une certaine affection naturelle pour les animaux, je ne m’en cache pas. La vérité, c’est que tout le monde en a. Mais j’essaie d’en avoir conscience, de les assumer tout en gardant une approche rigoureuse et honnête. Ce qui m’importe, c’est que la science puisse servir à élargir notre regard, à replacer les autres espèces dans une perspective éthique et sensible, sans dogmatisme. »
Sébastien Moro : « Si tout se passe bien, la BD sortira à l’été 2026. Mais cela dépendra du succès de la campagne de financement participatif, qui se termine le 4 janvier. Pour être honnête, ce n’est pas gagné. La période est compliquée pour les campagnes de ce type. Même Guillaume Meurice, qui a pourtant partagé le projet, n’a pas réussi à mobiliser autant qu’on l’espérait.

C’est frustrant, car Scélérats est un projet ambitieux : à la fois scientifique, artistique et politique. Il y a derrière des mois de recherche, plus d’un millier d’études consultées, un vrai travail de fond pour offrir une vision nuancée et juste du rat — un animal qu’on méprise souvent, mais qu’on ne connaît pas.
J’espère que le public saura voir la valeur de ce travail collectif, et qu’il nous permettra de mener ce projet jusqu’au bout. »
Sébastien Moro : « Ce que je défends à travers mes travaux, c’est l’idée qu’on cesse de considérer les animaux comme des outils ou des ressources pour nous, comme s’ils n’avaient de valeur qu’en fonction de l’usage qu’on en fait.
Je veux en finir avec ces catégories absurdes qu’on leur impose : “toi, tu es un animal de laboratoire, ton destin c’est d’être sacrifié pour la science ; toi, tu es un animal de ferme, donc ton rôle c’est d’être mangé ; toi, tu es un animal de compagnie, donc tu passeras ta vie enfermé dans un appartement”.
Ce que j’essaie de montrer, c’est que chaque animal est un individu à part entière, avec une personnalité, une histoire, une manière unique d’exister. Et surtout, j’essaie de le faire sans anthropomorphisme. Les autres animaux ne sont pas des humains, et c’est justement ce qui est fascinant.
« Leurs émotions, leurs façons de raisonner, leurs relations sociales ne sont pas les nôtres, mais elles sont tout aussi légitimes, tout aussi dignes d’intérêt. »
Mon engagement, c’est ça : changer notre regard, cesser de hiérarchiser les animaux, et reconnaître que la valeur d’un être ne dépend pas de sa ressemblance avec nous. Ils sont différents, et c’est justement ça qui est si enrichissant ! »
Sébastien Moro : « À la base, c’est l’illustratrice Fanny Vaucher qui est venue me proposer de faire un blog dessiné par ses soins sur les poissons suite à l’une de mes conférences. Rapidement, notre travail a rencontré du succès et la maison d’édition La Plage nous a contacté pour le publier sous forme de bande dessinée, qui est sortie en 2018 ! Le livre explore l’univers fascinant des poissons, un groupe pourtant immense — entre 33 000 et 35 000 espèces différentes — mais longtemps ignoré par la science.
Pendant des décennies, on n’avait presque aucune étude sur leur comportement ou leur cognition, d’abord pour des raisons techniques : il fallait pouvoir les observer, les enregistrer, les filmer sous l’eau, ce qui était très compliqué. Et puis il y a un biais très humain : on a longtemps cru que la taille du cerveau déterminait l’intelligence. Résultat, les poissons ont été exclus de la réflexion scientifique pendant des siècles. Ce n’est que depuis les années 2010-2020 que tout a explosé : les études se multiplient et révèlent des formes d’intelligence incroyablement variées.
Par exemple, certains poissons utilisent des outils, d’autres chassent en coopération avec des espèces totalement différentes — des mérous qui coordonnent leurs attaques avec des pieuvres ou des rougets, en choisissant leurs partenaires selon leur efficacité ! D’autres encore, comme le labre nettoyeur, réussissent le test du miroir – un test souvent utilisé dans l’étude de la conscience de soi. Dans une autre expérience comparative, les labres se sont même montrés plus efficaces que les chimpanzés pour résoudre la tâche !
On découvre aussi des choses surprenantes : Les poissons-chats ont des papilles gustatives sur la peau, ce qui leur permet de “goûter” à distance ; des poissons peuvent cartographier l’environnement avec l’électricité. C’est si fou les poissons électriques ; l’ancêtre commun du requin est plus éloigné du poisson rouge que le poisson rouge ne l’est… de l’être humain.
« Tout cela montre une chose : les poissons n’ont rien à envier aux mammifères. Leur intelligence est différente, mais tout aussi riche. »
C’est une science en plein essor, et j’en garde une petite frustration : j’aurais adoré faire un tome 2 ! »
Sébastien Moro : « C’est une question essentielle, et pourtant… on n’a presque aucune donnée à ce sujet. Aujourd’hui, dans la plupart des aquariums publics, on ne sait pas vraiment si les conditions de vie des poissons sont adaptées à leurs besoins. Les premières études sur le bien-être des poissons en captivité commencent tout juste à arriver.
J’ai récemment donné une conférence en Belgique sur les poissons, et un soigneur du parc zoologique Pairi Daiza est venu me voir pour me dire quelque chose de très révélateur : il m’a avoué qu’il ne s’était jamais posé la question de l’enrichissement des aquariums. C’est-à-dire : comment stimuler mentalement les poissons, leur offrir de la complexité, des défis, de la nouveauté. Depuis, ils ont commencé à s’y intéresser — et c’est encourageant.
Cela montre bien à quel point notre regard sur les poissons est encore neuf et incomplet. Pendant longtemps, on les a vus comme de simples éléments de décor, comme des “meubles vivants” derrière une vitre. Mais la science commence à nous dire autre chose : ce sont des êtres sensibles, dotés de comportements complexes, et ils méritent la même attention que les autres animaux qu’on a appris, plus tôt, à considérer. »
Sébastien Moro : « Cette BD que j’ai réalisée avec Layla Benabid repose sur environ 450 travaux scientifiques consacrés aux poules, chèvres, moutons, cochons et vaches. On y découvre à quel point les animaux utilisés en élevage [justement parce qu’on ne veut pas les catégoriser comme “animaux d’élevage”] ont des capacités cognitives et sociales étonnantes.
Par exemple, les vaches ont une hiérarchie sociale complexe, qui rappelle celle des influenceur·euses humaines. Plus une vache est âgée et plus elle est respectée : on lui cède les meilleures couchettes, les meilleurs endroits pour manger. D’un autre côté, les vaches avec le plus de copines et les plus aventureuses sont souvent celles qui mènent le troupeau, c’est celle qu’on voit toujours en avant des autres.
Les moutons savent se soigner, en choisissant les plantes aux propriétés pharmacologiques les plus adaptées à leur état de santé… ou de malaise. Les poules communiquent de manière très sophistiquée, notamment pour prévenir de la présence de prédateurs. Les mères enseignent beaucoup à leurs poussins, et ces derniers peuvent même réaliser des opérations logico-mathématiques, comme des soustractions simples à 3-4 jours de vie.
Les chèvres sont incroyablement ingénieuses et indépendantes, un peu comme Chuck Norris version ferme ! Elles aiment résoudre des défis intellectuels, mais jamais de la manière que vous attendiez. Certaines raffolent même des jeux vidéo !
Avec cette BD, mon objectif était de changer notre regard sur ces animaux, souvent perçus comme “des ressources” ou “du bétail”. On découvre qu’ils ont des personnalités, des stratégies sociales et des compétences uniques, et qu’il faut les considérer pour ce qu’ils sont réellement, pas pour ce qu’on croit qu’ils devraient être. »
Sébastien Moro : « Le terme “intelligence” peut se définir de beaucoup de manières différentes, selon le milieu de recherche dans lequel on se trouve, philosophie, psychologie, etc.
Chaque animal se développe dans un contexte spécifique et acquiert des compétences adaptées à son milieu. Prenons un exemple avec des poissons comme les épinoches :

Même chose avec le casse-noix de Clark : elle peut cacher jusqu’à 30 000 graines dans 10 000 cachettes différentes, retrouvées des mois plus tard avec une précision redoutable : leur mémoire à long terme dépasse largement celle de l’humain dans ce domaine précis.
Cela montre que l’intelligence n’est pas une notion universelle ni hiérarchique. On ne peut pas classer les espèces de “plus intelligentes” à “moins intelligentes”. Chaque espèce, chaque individu, excelle dans certains domaines et est complètement nulle dans d’autres, nous y compris.
En réalité, vouloir établir une hiérarchie est absurde. Si tous les individus d’une espèce étaient des clones, la survie serait compromise au moindre problème. C’est justement la pluralité des façons de réfléchir qui permet l’apparition de comportements nouveaux, et donc aux membres d’une espèce de s’adapter et de survivre. Réussir une tâche selon nos critères humains ne rend personne supérieur. »
Sébastien Moro : « La vulgarisation scientifique est un outil important, pour plusieurs raisons. La première, c’est que nos décisions dépendent de nos connaissances. Si on ignore les résultats scientifiques, on agit au hasard, ou pire : on reproduit des erreurs.
Par exemple, on pensait jusqu’aux années 2000 que les poissons ne ressentaient pas la douleur. Cette croyance a longtemps justifié des pratiques d’élevage ou de pêche qui aujourd’hui sont de plus en plus considérées comme inacceptables.
« Il n’existe aucune loi qui encadre le bien-être des animaux d’aquaculture. Sans données fiables diffusées au grand public, il est impossible de changer la situation. »
Deuxième raison : l’empathie se développe avec la connaissance. Plus on comprend un être, plus on se soucie de lui. Mon travail consiste à transposer ces découvertes pour le grand public : montrer que ces animaux, même très différents de nous, ont des vies complexes, des émotions et une richesse mentale souvent inattendue. Par exemple, un rat n’est pas juste un nuisible : c’est un individu qui joue, coopère, souffre et ressent.
En vulgarisant ces informations, on peut changer les comportements, améliorer le bien-être animal et inciter à des décisions politiques ou sociales plus justes.
Le livre sur les rats poursuit exactement cet objectif : réveiller notre attention sur la manière dont nous les traitons, notamment dans les laboratoires ou dans nos villes, où les cages et les conditions de vie sont souvent inadaptées. »
Sébastien Moro : « On pourrait poser la même question pour les humains : partout où l’homme s’installe, les rats s’installent aussi. Ces animaux sont incroyablement adaptés à nos modes de vie. Lorsque l’humain étend son territoire, les rats suivent. Et à chaque expansion humaine, la biodiversité locale s’effondre. Les rats peuvent alors poser problème, par exemple en mangeant les œufs des oiseaux locaux. Originaire de Chine du Nord et de Mongolie, le rat a été transporté par l’homme dans le monde entier. Dans les nouveaux environnements, il s’adapte rapidement et exploite les ressources disponibles, parfois au détriment d’autres espèces.
« On ne peut pas penser les rats sans penser l’humain. Si l’on souhaite réduire les dommages causés par ces rongeurs, il faudrait peut-être que les humains limitent eux-mêmes leur impact sur l’environnement. »
En milieu urbain, les problèmes liés aux rats ont souvent des racines politiques et sociales : ce sont dans les quartiers les plus pauvres qu’ils deviennent gênants. Ces problématiques sont donc liées à des décisions publiques et non aux rats eux-mêmes. Les rats sont un symptôme, pas une cause. Ne sachant comment réagir, comme à notre habitude, nous les tuons. »
Sébastien Moro : « Oui, et c’est même très important. L’humour est un outil de critique sociale puissant : il permet d’aborder des sujets sérieux de manière légère, moins frontale.
Guillaume Meurice dénonce des absurdités politiques avec un ton satirique. Cela ouvre la discussion et facilite la réflexion. L’humour permet aussi de mettre en lumière le spécisme, de montrer à quel point notre société sous-estime et méprise certains animaux, mais aussi les incohérences profondes entre nos idées et nos actes les concernant. Des auteurs comme Insolent Veggie réussissent également à traiter ces sujets avec humour. Il faut les deux : le sérieux et l’humour.
Le sérieux est indispensable pour appuyer nos arguments avec des données fiables. Par exemple, avec cette émission de France Culture. L’humour, lui, permet d’ouvrir les esprits, de faire réfléchir sans braquer, et même parfois de mettre en lumière des comportements humains absurdes vis-à-vis des animaux.
Dans le fond, rire de certaines injustices ou absurdités n’enlève rien à leur gravité ; au contraire, cela peut aider à changer le regard des gens, de manière subtile mais efficace. »
Sébastien Moro : « Scélérats s’adresse à absolument tout le monde. Il vise le grand public, y compris ceux qui ne se sont jamais intéressés aux rats, pour leur faire découvrir ces animaux et leur offrir une vision complète et nuancée.
Il s’adresse aussi à ceux qui aiment déjà les rats, afin d’approfondir leur connaissance et d’améliorer la relation qu’ils ont avec ces animaux. Même les municipalités ou les laboratoires peuvent en tirer profit : pour penser l’urbanisme autrement, mieux gérer la cohabitation avec les rats, ou offrir aux étudiants et chercheurs une vision d’ensemble solide sur ces animaux.
Le livre est conçu pour les adolescents et les adultes, mais surtout pour les passionnés et les curieux. Scélérats est donc à la fois un outil éducatif, scientifique et citoyen, capable de toucher un public très large et diversifié. »
Sébastien Moro : « J’adore cette question, car elle met en évidence ce qui nous échappe. Et en fait, on ne peut pas vraiment y répondre. Si je disais : “Ils diraient ceci”, cela reviendrait à leur attribuer des pensées humaines. Or, les rats ne réfléchissent pas comme nous. S’ils pouvaient s’exprimer, ce serait quelque chose comme:
“Donnez-nous plus à manger, arrêtez de nous tuer.”
Certains aimeraient peut-être aussi un foyer sûr et un peu d’attention, des caresses ou des chatouilles, mais pas tous. Les rats communiquent déjà, mais pas avec des mots humains. Certes, ils distinguent les langues humaines et peuvent différencier le néerlandais du japonais, mais de là à construire des phrases comme nous, ça ne correspond pas à leurs propres échanges.
Ils nous “parlent” déjà à travers leurs comportements, leurs vocalisations et leurs interactions. La vraie question, c’est de savoir si nous sommes capables de les écouter et d’agir en conséquence, plutôt que de chercher à les faire parler comme des humains. »
Sébastien Moro : « Il ne faut pas trop idéaliser l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, l’IA ne peut pas encore analyser tout le contexte environnemental et social, tous les évènements qui se déroulent au moment où un animal produit un son. Les communications animales sont très différentes des nôtres et souvent extrêmement subtiles.
Même chez les animaux qui vocalisent, une simple variation d’intonation peut signifier autre chose. Nous pouvons en comprendre certaines, mais cela reste limité. Par notre biais humain nous interprétons surtout ce qui passe par le son, alors que beaucoup d’espèces utilisent d’autres modes de communication.
Par exemple, les poissons communiquent essentiellement par odeurs et échanges chimiques, et chez les rats, il existe même une “odeur de la coopération”, un signal chimique qui indique l’entraide entre individus. L’IA peut aider à traiter de grandes quantités de données, mais elle est encore loin de pouvoir comprendre réellement le langage et les interactions complexes des animaux. »
Pour retrouver le travail de Sébastien Moro sur les réseaux sociaux, c’est par ici. Sentez-vous libre de participer à sa campagne de financement participatif pour sa BD Scélérats.
– Maureen Damman
The post Rats : la BD de Sébastien Moro qui explore leur intelligence first appeared on Mr Mondialisation.04.11.2025 à 05:00
Mr M.
Interviewé alors qu’il sortait des urgences suite à un agression physique survenue en forêt de Fontainebleau, Pierre Rigaux a répondu à nos questions tant sur la chasse à courre que sur la sortie de son dernier livre, L’Androsace et le cochon. Rencontre avec un naturaliste passionné. Depuis des années, de par ses écrits, ses vidéos […]
The post Pierre Rigaux : « Les animaux ont aussi un intérêt à défendre » first appeared on Mr Mondialisation.Depuis des années, de par ses écrits, ses vidéos et son association, Pierre Rigaux ne cesse d’interroger la place que s’arroge l’être humain au milieu des autres êtres vivants. Dans L’Androsace et le cochon, il décortique et pousse à se questionner sur la question du vivant.
Pourquoi protégeons-nous l’androsace et non le cochon, alors que l’animal, contrairement aux plantes, est un être sentient ? Quel rapport entretenons-nous réellement avec la nature ? Souhaitons-nous la préserver pour ce qu’elle est, ou pour ce qu’elle nous apporte ? Éléments de réponses avec un des visages de la défense animale et environnementale en France.

Pierre Rigaux : « Plutôt bien, merci. J’ai mal au nez à cause d’un hématome au niveau de la racine nasale. Je m’en vais porter plainte juste après notre entretien, avec le certificat du médecin des urgences… J’ai en effet été agressé physiquement par des veneurs lors d’une opération en forêt de Fontainebleau, le mardi 21 octobre. Avec des membres de mon association, Nos Viventia, nous filmions le déroulé de la chasse. Ce qui a rendu furieux les veneurs, c’est que nous étions sur le point d’avoir des images de la mise à mort du cerf.
Nous n’y sommes jamais parvenus à Fontainebleau. D’une part, parce que cet équipage de vénerie n’arrive que rarement à attraper les cerfs qu’il poursuit. D’autre part, il a droit d’accès aux pistes forestières en voiture. Ce n’est pas notre cas : à pied, nous sommes forcément moins rapides. Là, le cerf a tenté de s’en sortir en revenant près de la route… Il a été pris dans un fourré tout proche, mais les chasseurs ont tout fait pour qu’on ne puisse pas y accéder.

En vénerie, la mise à mort du cerf se fait avec une dague ou un épieux, ce qui est source d’une immense souffrance pour l’animal. Les veneurs le savent et ne veulent surtout pas que les gens aient accès à ces images. D’ailleurs, alors que nous étions agressés, nous avons entendu un coup de feu. Je garde espoir que, grâce à notre présence, ils aient voulu faire au plus vite en abattant le cerf avec un fusil… »
Pierre Rigaux : « J’ai bon espoir que l’homme qui m’a frappé soit inquiété, en effet. La violence est unilatérale. Eux prétendent que nous sommes violents, alors qu’il n’en ont aucune preuve, ni la moindre image le démontrant. En l’occurrence, nous faisons tout pour garder notre calme, malgré les intimidations et menaces verbales. Nous ne pouvons nous permettre d’avoir des gestes déplacés. À l’inverse, eux ne sont que très rarement inquiétés, malgré nos preuves.
Toutefois, nous obtenons parfois des victoires. C’est le cas avec un concours canin, récemment dénoncé, qui relâche des oiseaux d’élevage pour « entraîner » les chiens. La Centrale Canine a déclaré qu’il fallait désormais pratiquer le no kill. Cela signifie lâcher les oiseaux, les faire repérer par les chiens d’arrêt et ne pas les tuer… C’est loin d’être la panacée, mais ça reste une avancée.
D’ailleurs, le communiqué de la CC est intéressant car il y est dit, en résumé, que la société évoluant, ce genre de pratiques donne une mauvaise image du milieu. Tout ça pour dire qu’ils se contrefoutent des perdrix, mais qu’ils n’ont d’autre choix que de s’adapter car les mœurs changent. L’objectif reste que ce genre de « loisir » disparaisse car l’élevage des perdrix et faisans est une pratique absolument sordide. »

Pierre Rigaux : « Oui, j’y crois. C’est une pratique qui est dénoncée par une immense majorité de Français. Pour l’anecdote, en expliquant mon agression à l’infirmière et au médecin qui m’ont soigné, ils m’ont dit ne pas savoir qu’il y avait de la chasse à courre à Fontainebleau, alors qu’ils y habitent. Si ce type de chasse était plus visible – car beaucoup de véneries ont lieu en forêts privées – elle serait encore plus combattue. Ce qui est frappant concernant la chasse à courre, c’est que les gens se mobilisent quand ça les touche directement. Par exemple, quand une route est bloquée ou qu’un cerf est tué à quelques mètres de chez eux – pratique au demeurant illégale.
« contrairement à d’autres types de chasses, le prétexte de régulation ne peut être avancé »
Sur le terrain, de plus en plus d’associations se mobilisent. J’ai espoir que cela finisse par vraiment faire bouger les lignes, notamment sur le plan politique. Malheureusement, le lobbying fait rage. Certaines personnalités politiques hautes placées, comme Gérard Larcher [ndlr : Les Républicains, président du Sénat], soutiennent la chasse à courre : c’est forcément plus compliqué à arrêter. D’autant que les veneurs ont aussi le pouvoir de l’argent. Ils ont le matériel, les chevaux, les chiens… C’est une activité pratiquée par des personnes de classes très aisées, mis à part pour les suiveurs et ceux qui effectuent les basses besognes.
D’ailleurs, leurs insultes préférées sont de dire que nous sommes au chômage ou au RSA… simplement parce que, tout comme eux, nous sommes présents sur le terrain ! La différence étant que pendant qu’ils s’amusent, nous travaillons à documenter ce qu’ils tentent de cacher. »

Pierre Rigaux : « J’ai ressenti le besoin de clarifier un sujet qui semble évident, mais en réalité s’avère complexe, à savoir la notion de protection du vivant ou de la nature. Les discours habituels sur le vivant sont flous, au point qu’on ne sait plus ce qu’on veut protéger.
Par exemple, des naturalistes ou écologues parlent de préserver la biodiversité tout en défendant l’élevage dit « extensif ». Ils défendent l’idée que le pâturage entretient des prairies utiles à une certaine biodiversité de plantes, insectes, oiseaux. Cela signifie que pour défendre des populations végétales ou animales dites « sauvages », on encourage l’exploitation et l’abattage d’autres animaux, comme les vaches ou les brebis. Défendre le vivant, ce serait donc tuer des mammifères dans un abattoir ? Qui veut-on réellement défendre ?
Il est absolument crucial et vital pour notre survie de préserver la biodiversité, c’est-à-dire la diversité des formes de vie. Cette diversité est à la base du fonctionnement des écosystèmes qui nous font vivre. Pour autant, je prône en même temps une écologie centrée sur l’intérêt des individus, qui revient à défendre l’intérêt général. Encore faut-il savoir quels individus ont un intérêt à défendre. Or, les humains ne sont pas les seuls à en avoir. Les animaux non-humains en ont aussi.

Naturaliste-écologue de formation et profession, il s’avère que dans ce milieu, on se retrouve facilement moqué quand on devient végane et qu’on défend un agneau plutôt que la côtelette. Ces mêmes moqueries que le milieu naturaliste subit quand il défend sa petite mésange.
Il faut sortir au maximum de ces affects et se demander quels individus ont des intérêts. Si le naturaliste défend la mésange pour elle-même, alors il doit défendre aussi l’agneau. S’il défend seulement la mésange, c’est sans doute qu’il défend en réalité son intérêt personnel humain. À savoir un monde où chantent les mésanges, tout en savourant sa côtelette. »
Pierre Rigaux : « L’androsace est une plante de montagne menacée par le réchauffement climatique. Ce n’est pas tant sa disparition qui entraînerait un effet papillon, mais les symptômes mêmes de sa disparition. Ils seraient significatifs d’une cause plus grave, qui créerait alors l’effet papillon.
Cette plante, nous devons la protéger en tant que maillon de la biodiversité, sans pour autant protéger un pied pour lui-même. En effet, en tant que plante, un pied d’androsace n’a pas d’intérêt à défendre. Dire le contraire reviendrait à prôner la préservation de chaque laitue, à ne pas couper un pied de salade dans son potager. Défendre l’androsace pour elle-même relève de l’affect.

Car oui, l’androsace est également habitée par le biais affectif : tout simplement, je serais triste si la plante venait à disparaître. Elle s’est adaptée à son milieu pendant des milliers d’années, c’est une merveille de la nature que je souhaite préserver. Nous devons donc lutter contre sa possible disparition et la protéger. Tout comme nous devons protéger le cochon, qui a plus d’intérêt à vivre pour lui-même qu’une androsace.
« le droit français protège plus un individu plante qu’un individu animal ou gibier, qui lui, peut être massacré. Ce déséquilibre permet de justifier toutes sortes de pratiques atroces vis-vis des animaux. »
Enfin, l’androsace tient un rôle symbolique. Elle possède ce « pouvoir » des espèces protégées. D’ailleurs, lorsqu’un site naturel est menacé de construction ou d’exploitation, on se dépêche de mettre des espèces dans des dossiers. Puis, on tente de les classer en espèce protégée. Cela revêt de l’aspect pratique, car c’est un argument qui permet ensuite de bloquer des projets de bétonisation. »
Pierre Rigaux : « Nous en sommes là car l’androsace symbolise le fait que l’on protège la nature uniquement pour les humains. Cela ne dérange personne de protéger l’androsace. C’est un acte qui n’entraîne aucun changement dans notre quotidien, ne bouleverse pas nos habitudes.

Le cochon, lui, touche un mode de vie que peu de personnes sont prêtes à modifier dans l’intérêt de l’animal. Même en sachant que son exploitation ne répond en rien à ses besoins essentiels, qu’il est sentient et donc ressent la peur, la joie, la souffrance ou le stress, nous préférons détourner le regard en apportant une définition biaisée – qui nous arrange – au terme de « vivant » pour ne pas avoir à le protéger. »
Pierre Rigaux : « Je dois reconnaître que je suis un peu démuni sur ce sujet, mais je dirais quand même qu’il y a toujours l’argument des intérêts humains. Nous devons rappeler sans cesse qu’on doit tout faire pour préserver la biodiversité, car elle vitale pour nous. Par conséquent, je pense qu’il faut passer par la transmission des connaissances. Éduquer sur ce sujet pour motiver la lutte politique et, parallèlement, faire comprendre que nous ne sommes pas les seuls à avoir des intérêts.
C’est peut-être un peu utopique, certes. Car même le premier argument, anthropocentré, donne peu de résultats face aux choix économico-politiques dominants. Comment motiver les gens pour une lutte encore plus large que celle des intérêts humains ? Faut-il parier sur notre intelligence, en nous basant sur les connaissances et en luttant contre les croyances ?

En effet, les connaissances confirment que les animaux – au moins une grande partie d’entre eux – ont des plaisirs et des souffrances. Les plantes, elles, n’en ont pas – jusqu’à preuve du contraire. L’eau et la roche évidement non plus. Or, tout un système de croyances, lié notamment au courant New Age ou simplement à l’inculture en la matière, entretient une confusion bien pratique pour défendre mollement le « vivant », la « nature » ou la « vie », tout en continuant à massacrer le cochon.
« Je connais bien le milieu de la chasse et en parler me sert de porte d’entrée pour pointer plus globalement la protection du vivant. »
Je sais que L’Androsace et le cochon sera peu lu ou vu, contrairement à ce que je fais sur les réseaux. Là, je peux essayer de ne pas prêcher que les convaincus. J’y parle de la souffrance subie par le cerf ou le renard, des faits concrets qui sont davantage partagés que des réflexions plus longues. En faisant réfléchir sur ce que nous faisons subir aux animaux, je tente justement de dépasser l’entre-soi et de pousser le plus de monde possible à la réflexion. »
Pierre Rigaux : « Le plus simple est de partager les informations diffusées par Nos Viventia. Nous avons besoin de ressources financières pour acheter notre matériel ou défrayer nos déplacements. Si on le peut financièrement dans les prochains mois, nous aimerions aussi embaucher, pour décupler notre action. L’argent de l’association ne me revient pas personnellement. D’ailleurs, les droits d’auteur de mes livres lui sont entièrement reversés.

Ceux qui le souhaitent peuvent aussi nous rejoindre en forêt, sur le terrain : ils peuvent nous contacter directement pour proposer leur aide. L’un des critères principaux est de savoir garder son calme face aux menaces et aux insultes… Mais toutes les bonnes volontés sont les bienvenues car plus nous serons nombreux, plus nous avons de chance de faire cesser des pratiques qui détruisent les animaux et la nature, au profit de l’humain. »
– Entretien réalisé par Marie Waclaw
Photo de couverture : Pierre Rigaux devant une manifestation de chasseurs, durant les universités du parti REV ©Pierre Rigaux
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