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Mr Mondialisation

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31.05.2025 à 10:00

Loi Dupont, Gaza et sécheresse : top 10 des actu à ne pas manquer cette semaine

Maureen Damman

Voici nos 10 actualités à ne surtout pas manquer cette semaine  1. Loi Dupont : les agriculteurs manifestent devant l’Assemblée nationale pour soutenir la loi contre les écologistes Des centaines d’agriculteurs ont convergé, à l’appel du FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, ce lundi 26 mai pour dénoncer « l’obstruction » des députés LFI et écologistes à l’encontre […]

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Texte intégral (1519 mots)

Voici nos 10 actualités à ne surtout pas manquer cette semaine 

1. Loi Dupont : les agriculteurs manifestent devant l’Assemblée nationale pour soutenir la loi contre les écologistes

Avec toutes autorisations – Unsplash – Gabriel

Des centaines d’agriculteurs ont convergé, à l’appel du FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, ce lundi 26 mai pour dénoncer « l’obstruction » des députés LFI et écologistes à l’encontre d’un texte visant à « lever les contraintes » du métier d’agriculteur. Ils défendent notamment l’accès à des pesticides, notamment les néonicotinoïdes, hautement toxiques pour les pollinisateurs, et contribuant ainsi à leur déclin massif. (Libération)

2. La Russie continue de bombarder massivement l’Ukraine

Alors que des signaux de négociation émergent, la Russie a lancé une attaque record de 355 drones sur l’Ukraine, marquant une nouvelle escalade dans le conflit. Kiev dénonce l’ » impunité » de Moscou et appelle à un renforcement des sanctions occidentales. (LeMonde)

3. La situation dans la bande de Gaza déclarée comme “un nettoyage ethnique et un génocide” par le Conseil de l’Europe 

Appelons un chat un chat. Le rapporteur du Conseil de l’Europe, Saskia Kluit, a qualifié la situation à Gaza de « nettoyage ethnique et génocide », des termes d’une gravité extrême qui témoignent de l’intensité des violences et de la crise humanitaire en cours. Le chef de l’OMS a également imploré Israël de faire preuve de pitié en arrêtant la guerre à Gaza. (Sudouest)

4. Grève des taxis

Les taxis sont de nouveau en grève, dénonçant la concurrence jugée déloyale des plateformes VTC et la précarisation croissante de leur profession face à une nouvelle convention de l’Assurance maladie. Cette dernière modifie leur rémunération pour le transport de malades, avec une prise en charge de 13 euros par course, un tarif kilométrique unique et une majoration en agglomération. (FranceInfo)

5. Sécheresse inédite dans le nord de l’Europe

Avec toutes autorisations – md-hasanuzzaman-himel-

Le nord de l’Europe fait face à une sécheresse d’une ampleur inédite, affectant l’agriculture, l’approvisionnement en eau et la biodiversité. Ce phénomène, attribué au changement climatique, met en lumière la vulnérabilité des régions habituellement épargnées et la nécessité d’adapter en urgence les politiques de gestion de l’eau. Les réponses tardent, accentuant l’inquiétude des populations et des experts. (LeMonde)

6. Pollution de l’eau : « La situation est si grave que les autorités sont obligées de truquer les chiffres »

Le journaliste Fabrice Nicolino, auteur de Nous voulons des coquelicots (2018) accuse les autorités de manipuler les données sur la pollution de l’eau, face à une situation jugée catastrophique. Cette dénonciation relance le débat sur la transparence et la gestion des risques environnementaux en France, pointant un possible déni institutionnel.  (L’huma)

7. La Sécurité sociale menacée d’une crise de liquidité, selon un rapport de la Cour des comptes

Un rapport alarmant de la Cour des comptes met en garde contre une crise de liquidité imminente pour la Sécurité sociale. Cette situation, conséquence d’un déficit structurel et de dépenses croissantes, devrait s’aggraver à 22,1 milliards d’euros en 2025 et pourrait atteindre 24,1 milliards en 2028, sans perspective de retour à l’équilibre, pose la question de la pérennité du modèle social français. (LeMonde)

8. Plan obésité prévu pour la France

Le gouvernement prépare un plan national contre l’obésité, face à une prévalence croissante et à ses conséquences sanitaires et économiques. Ce projet, attendu de longue date, vise à renforcer la prévention, améliorer la prise en charge et mobiliser l’ensemble des acteurs de la santé. Reste à voir si les mesures annoncées seront à la hauteur des enjeux et bénéficieront d’un financement suffisant. (LeMonde)

9. Loi contre la déforestation : onze pays de l’Union européenne jugent ses exigences « disproportionnées »

Onze États membres de l’UE contestent la nouvelle loi contre la déforestation, estimant que ses exigences sont trop lourdes pour les producteurs et risquent de nuire à la compétitivité européenne. Ce front commun met en lumière les tensions entre ambition environnementale et réalités économiques, et pourrait fragiliser l’unité européenne sur les questions climatiques. (LeMonde)

10. « Les entreprises de capture du CO₂ dans l’air émettent plus de carbone qu’elles n’en éliminent »

Pionnière dans la capture de CO₂, Climeworks est jugée inefficace, et dégagerait plus de carbone qu’elle n’en capte, selon Jean-Baptiste Fressoz. L’entreprise affirmait pouvoir capter et stocker 1 % des émissions mondiales de CO₂ en 2025, soit environ 400 millions de tonnes par an, ce qui nécessiterait environ un quart de la production énergétique mondiale, ce qui rend la solution peu réaliste à grande échelle et contre-productive sur le plan climatique (LeMonde)

– Maureen Damman 

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30.05.2025 à 06:00

Le vin français : entre tradition et transition écologique

Simon Verdiere

Véritable symbole de notre agriculture et mondialement connu, le vin français fait figure d’acteur économique majeur dans les exportations françaises. Pourtant, aussi bien du point de vue de la résilience que celui de l’environnement, son mode de production pose question pour l’avenir. Dans un contexte écologique de plus en plus sombre, où dérèglement climatique, dégradation […]

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Texte intégral (1218 mots)

Véritable symbole de notre agriculture et mondialement connu, le vin français fait figure d’acteur économique majeur dans les exportations françaises. Pourtant, aussi bien du point de vue de la résilience que celui de l’environnement, son mode de production pose question pour l’avenir.

Dans un contexte écologique de plus en plus sombre, où dérèglement climatique, dégradation des sols, raréfaction de l’eau et destruction de la biodiversité s’additionnent, la viticulture mériterait clairement être repensée, sans doute en produisant moins et mieux ainsi qu’en limitant nos exportations.

Un mastodonte financier

Premier pays producteur et exportateur mondial la France est un pilier international dans le domaine du vin. Sa réputation dans cette sphère n’est d’ailleurs plus à démontrer. En 2022, le secteur a généré pas moins de 15 milliards d’euros, dont plus des deux tiers à l’étranger.

La viticulture n’occupe certes que 3 % de la surface agricole utile en France, mais elle représente 16 % de la production agricole du territoire. Ainsi, un salarié agricole sur cinq travaille dans la vigne.

Photo de Matthias Mitterlehner sur Unsplash

Une production vraiment nécessaire ?

Lorsque l’on sait l’importance économique de la viticulture, on comprend aisément pourquoi il est si compliqué de la remettre en cause. Et pourtant, à l’heure du désastre environnemental et des besoins d’indépendance croissants du pays, il serait grand temps de s’interroger sur la question.

Le vin ressemble en effet plus à un luxe qu’à une réelle nécessité, d’autant plus que sa consommation s’effondre et qu’il est entré dans une large surproduction. Quel sens existe-t-il alors à maintenir autant d’exploitations en France ?

L’urgence de devenir indépendant

Dans un contexte où les tensions internationales grandissent de plus en plus, la nécessité de devenir plus indépendant au niveau alimentaire apparaît comme une évidence. Ainsi, utiliser nos ressources pour fabriquer une boisson qui n’a rien d’indispensable au quotidien peut largement se questionner. D’autant plus, lorsqu’un tiers de cette production part directement à l’étranger.

À l’inverse, rediriger nos efforts et nos moyens vers des cultures nourricières, primordiales pour notre subsistance pourrait permettre d’être plus résilient, mais également de limiter notre impact environnemental. D’autant que le nombre d’exploitants agricoles continue de s’effondrer en France. Si leur effectif est aujourd’hui à 500 000, la moitié d’entre eux pourraient partir en retraite d’ici 2030. Inciter les professionnels du secteur viticole à se rediriger vers des filières maraîchères n’a rien d’aberrant.

Un désastre écologique

Car le problème dans le secteur réside aussi largement dans les conséquences que la viticulture engendre sur la planète. En effet, il s’agit d’une culture extrêmement gourmande en pesticides, ce qui peut avoir un résultat désastreux dans les zones géographiques où elle est spécifiquement concentré dans des monocultures intensives. Pour les 3 % de la surface agricole qu’elle représente, la viticulture utilise ainsi pas moins de 20 % des pesticides du pays.

Une tragédie pour la pollution des eaux, la fertilité des sols et la biodiversité en général, largement affectée par le secteur. Un constat d’autant plus vrai que les vignes sont particulièrement fragiles, en partie à cause du modèle agricole lui-même. Le risque existe de même, bien évidemment, pour la santé des consommateurs, mais aussi des travailleurs et des riverains de ce type de cultures. Même du côté du vin bio, qui ne représente pourtant que 22 % de la production, l’utilisation du cuivre interroge.

Enfin, l’enjeu est également climatique, puisqu’entre la fabrication, l’embouteillage, et le transport, une bouteille de vin équivaudrait à pas moins de 1,5 kg de CO² rejeté dans l’atmosphère. Une raison de plus de réduire nos exportations, ce qui permettrait de diminuer nos importations dans d’autres secteurs.

Vers un avenir incertain

Pire encore, avec le dérèglement climatique et l’augmentation des catastrophes naturelles (sécheresse, tempêtes, etc.), la viticulture risque d’être de moins en moins adaptée à notre pays et de devenir de plus en plus fragile. Si l’on persiste dans cette direction, il faudra alors nécessairement utiliser de plus en plus de produits phytosanitaires et alimenter un cercle vicieux qui nous conduit au désastre.

Certes, la viticulture n’est sans doute pas le problème écologique numéro un au monde. Pour autant, elle représente une pierre non négligeable dans l’édifice du cataclysme, et ce à plusieurs titres. Elle devra donc s’adapter, et même si elle n’a pas vocation à totalement disparaître, elle sera amenée, comme le reste, à passer par une indispensable décroissance.

Simon Verdière

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29.05.2025 à 06:00

« Tourner la page » : l’appel radical de scientifiques de l’ONU

Mr Mondialisation

Alors que la planète s’enfonce dans des crises écologiques, sociales et économiques, les appels à un changement de cap radical se multiplient. Cette fois, c’est une voix institutionnelle d’envergure qui prend la parole : l’Université des Nations Unies (UNU-EHS). Dans un rapport alarmant et structurant, elle affirme qu’il ne suffira plus d’adapter le système actuel […]

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Alors que la planète s’enfonce dans des crises écologiques, sociales et économiques, les appels à un changement de cap radical se multiplient. Cette fois, c’est une voix institutionnelle d’envergure qui prend la parole : l’Université des Nations Unies (UNU-EHS). Dans un rapport alarmant et structurant, elle affirme qu’il ne suffira plus d’adapter le système actuel à la marge. Il faut le transformer en profondeur.

Intitulé Tourner la page, ce nouveau rapport de l’Institut pour l’environnement et la sécurité humaine de l’Université des Nations Unies (UNU-EHS) se veut résolument tourné vers l’action. Le groupe de réflexion académique de l’ONU basé au Japon propose 5 « leviers de changement profond », véritables axes de rupture face à un modèle de développement qui conduit l’humanité droit dans le mur. 

L’université des Nations unies (UNU) est une université au Japon créée en 1973. Elle constitue la branche universitaire de l’Organisation des Nations unies (ONU) et sert les buts et principes énoncés dans la charte de cette dernière.

S’attaquer aux racines des crises

Après avoir sonné l’alerte l’année dernière sur 6 grands risques systémiques menaçant la survie de l’humanité, l’institution change de ton. Caitlyn Eberle et Irmak Karakislak, co-autrices de l’étude, expliquent à Vert : « Avec ce nouveau rapport, nous avons voulu apporter une note d’optimisme, montrer qu’il est possible d’avancer vers un monde meilleur. »

L’objectif du rapport est clair : cesser de réparer les dégâts à la marge, pour enfin s’attaquer aux racines structurelles des crises environnementales et sociales. « Depuis des années, les scientifiques nous alertent sur les dommages que nous causons à notre planète et sur les moyens d’y remédier », déplore le professeur Shen Xiaomeng, directeur de l’UNU-EHS.

« Mais nous ne prenons pas de mesures concrètes. Nous savons que le changement climatique s’aggrave, et pourtant la consommation d’énergies fossiles continue d’atteindre des sommets. Nous sommes déjà confrontés à une crise des déchets, et pourtant, les déchets ménagers devraient doubler d’ici 2050. Nous percevons sans cesse le danger, et pourtant nous continuons à nous y diriger. Souvent, nous voyons le gouffre, nous savons comment le contourner, et pourtant nous continuons à avancer avec confiance vers lui. »

La théorie du changement profond

Au cœur de cette réflexion se trouve la théorie du changement profond (ToDC). Elle ne s’arrête pas à des solutions techniques ou politiques superficielles. Elle interroge les structures sociales, les hypothèses culturelles, les paradigmes économiques et les rapports de pouvoir qui ont produit et continuent d’alimenter les déséquilibres actuels. Ce n’est pas seulement le recyclage qu’il faut améliorer, mais la logique même du « fabriquer-jeter ». Ce n’est pas uniquement le climat qu’il faut tenter de stabiliser, mais le modèle qui l’a déréglé qu’il faut transformer.

L’exemple de la géo-ingénierie solaire est particulièrement parlant. Pulvériser des aérosols dans la stratosphère pour réfléchir la lumière du soleil et refroidir artificiellement le climat peut sembler une réponse technologique à la hauteur du défi. Mais pour l’UNU, cela revient à soigner les symptômes en ignorant la maladie. Ces approches techno-solutionnistes évitent la remise en cause du système extractiviste basé sur les énergies fossiles, tout en nécessitant des ressources considérables et en entraînant des risques inconsidérés pour la stabilité du système Terre. Ces fausses solutions prolongent l’illusion que l’on peut résoudre les crises sans renoncer au modèle qui les engendre.

Cinq transformations urgentes

L’application de la théorie du changement profond implique l’observation des données existantes, l’identification des causes profondes aux problèmes, le développement d’une vision de l’avenir plus souhaitable et enfin, l’exploration des changements à même de transformer le système. Le rapport identifie ainsi 5 domaines clés où un changement radical est jugé indispensable, à commencer par le secteur des déchets.

La restauration de rivières canalisées est un levier majeur de préservation de la biodiversité. Unsplash

Sans surprise, le modèle « extraire-fabriquer-jeter » est présenté comme totalement insoutenable. Chaque année, 2 milliards de tonnes de déchets ménagers sont produites, soit de quoi remplir une ligne de conteneurs maritimes faisant 25 fois le tour de l’équateur. Le rapport appelle à véritablement déployer l’économie circulaire.

À Kamikatsu, au Japon, la ville a atteint un taux de recyclage quatre fois supérieur à la moyenne nationale grâce à un changement de paradigme basé sur le compostage, le tri et la réutilisation. Un contre-exemple frappant est celui du lithium. Suivant la trajectoire actuelle, 75 % du lithium extrait aura été jeté d’ici 2050, alors que ses réserves seront considérablement entamées.

Antropocentrisme et néo-colonialisme

Le rapport appelle ensuite à rompre avec une vision séculaire plaçant l’humain en dehors, et même au-dessus de la nature. À l’heure actuelle, 95 % des terres émergées ont été modifiées par nos activités. La canalisation de la rivière Kissimmee en Floride a par exemple détruit 160 km² de zones humides, provoqué la disparition de nombreuses espèces… avant d’être partiellement restaurée, avec des résultats impressionnants en termes de résilience écologique. Des solutions structurelles peuvent donc encore être mises en place, mais la cohabitation et la compréhension du vivant doivent remplacer la domination.

Sur le plan international, une injustice flagrante est relevée par le rapport. Ce sont les pays et les individus les plus riches qui émettent le plus de gaz à effet de serre, mais les plus vulnérables qui en subissent les conséquences. En effet, comme le rappelle les autrices, les 50% des habitants les plus pauvres n’émettent que 12% des émissions totales de carbone, mais devraient subir 75% des pertes de revenus associées au dérèglement climatique. Les plus grands pollueurs doivent prendre leurs responsabilités, et ne pas se contenter de mesures superficielles.

La rapport critique, par exemple, vivement des mécanismes comme la compensation carbone, qui permettent à des entreprises de planter des arbres dans d’autres parties du monde pour se donner bonne conscience, sans vision de long-terme et au détriment parfois des populations locales. Les autrices n’hésitent pas à dénoncer une forme de colonialisme carbone.

Du court terme au temps long

La nécessité de rompre avec cette vision focalisée sur le court terme est au centre du quatrième enjeu abordé. Le rapport évoque le cas des déchets nucléaires, qui resteront radioactifs pendant plus de 100 000 ans. Faute de solutions définitives, ils sont stockés temporairement, dans l’espoir que les générations futures résoudront le problème. À l’inverse, certaines cultures, comme celle de la confédération Haudenosaunee (Amérique du Nord), ont toujours réfléchi à l’impact de leurs décisions sur les sept générations à venir. Ce changement d’échelle temporelle est, selon les chercheurs, absolument vital.

Le Bouthan, exemple d’un Etat qui s’affranchit d’un système de valeur prédateur des milieux naturels. – Unsplash

Enfin, le système de valeur constitue le dernier domaine étudié par les chercheurs. Aujourd’hui, la valeur économique prime sur toutes les autres. Le rapport rappelle que certaines terres forestières, pourtant vitales pour la biodiversité et le climat, ont une « valeur » jusqu’à 7,5 fois inférieure à des terres déboisées, ce qui engendre une forte pression économique sur les forêts. La logique de rentabilité écrase toute autre considération. Le rapport propose des modèles alternatifs, comme celui du Bhoutan, qui mesure le bonheur national brut plutôt que la croissance.

Des leviers pour faire bouger les lignes

Pour impulser ce changement radical, l’UNU distingue deux types de leviers. Les leviers internes relèvent des mentalités, des récits, des visions du monde. Ce sont eux qui permettent d’élargir l’horizon du possible. Les leviers externes, eux, concernent les politiques, les institutions, les infrastructures. L’un sans l’autre ne suffit pas. Il faut les deux pour enclencher une transformation durable. Mais l’organisation ne sous-estime pas les obstacles. Elle évoque le « delta du destin » : ce décalage entre ce que nous savons devoir faire… et ce que nous faisons réellement. Conflits d’intérêts, inertie des systèmes, peur du changement bloquent encore l’action. 

« Le changement peut être inconfortable, mais revenir en arrière ne résoudra pas les défis d’un monde en évolution rapide », déclare le Dr Zita Sebesvari, l’une des autrices principales du rapport :

« En nous attaquant aux causes profondes des problèmes, en favorisant la coopération mondiale et en croyant en notre pouvoir collectif, nous pouvons façonner un monde où les générations futures ne se contenteront pas de survivre, mais prospéreront. Il est temps de penser différemment et, en fin de compte, de tourner la page. »

En définitive, ce plaidoyer pour une transformation radicale n’est pas neuf. Depuis des décennies, de nombreuses voix issues des milieux militants, des luttes écologistes ou des savoirs autochtones dénoncent les logiques destructrices de notre système et appellent à réinventer notre rapport au vivant, au temps, à la richesse. Mais ce rapport n’en revêt pas moins une importance cruciale, de par sa capacité à porter cette vision au sein d’une institution relevant des Nations Unies, capable d’influencer les politiques publiques mondiales. Reste à savoir si les Etats, les entreprises, et les citoyens seront prêts à se saisir de ces ambitieux leviers de changement.

 Lou A.

Photo de couverture de Barbara Burgess sur Unsplash

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28.05.2025 à 06:00

Les Français face au climat : entre déni et conviction

Mr M.

Depuis 25 ans, l’Agence de la transition écologique (ADEME) analyse chaque année les perceptions des Français sur le changement climatique. Selon les données du baromètre publié fin octobre 2024, 38 % des Français affichent une attitude climatosceptique. Parmi eux, 30 % considèrent que le changement climatique est un phénomène naturel, tandis que 2 % en […]

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Texte intégral (1545 mots)

Depuis 25 ans, l’Agence de la transition écologique (ADEME) analyse chaque année les perceptions des Français sur le changement climatique. Selon les données du baromètre publié fin octobre 2024, 38 % des Français affichent une attitude climatosceptique. Parmi eux, 30 % considèrent que le changement climatique est un phénomène naturel, tandis que 2 % en nient purement et simplement l’existence. Les 6 % restants n’ont pas d’opinion sur le sujet. Ces chiffres, en hausse ces dernières années, traduisent une polarisation des opinions sans précédent. Décryptage.

Dans un contexte marqué par une série dramatique de catastrophes climatiques (incendies, inondations, canicules …), ces données peuvent surprendre. Pourtant, elles sont bien réelles : en plus des « dénialistes » convaincus (2%), 30% des Français estiment que les désordres climatiques observés ces dernières années « sont des phénomènes naturels comme il y en a toujours eu ».

Dans son nouveau baromètre évaluant les représentations du changement climatique de la population nationale, l’ADEME identifie la typologie des répondants, et dresse ainsi le portrait d’une population fracturée face au climat.

Entre déni et scepticisme climatique relatif 

Qu’on se rassure : une très grande majorité de Français affirme que le réchauffement relève d’un consensus scientifique. Ils se disent « convaincus de la réalité du changement climatique et de ses causes anthropiques » et se montrent favorables aux mesures individuelles ou collectives pour réduire notre impact sur l’environnement.

Pour autant, le scepticisme climatique semble gagner du terrain. Si le rapport de l’année dernière avait déjà conclu à une stagnation, voire une diminution de degré de sensibilité du public, la tendance se confirme. Les auteurs du rapport détaillent :

« Ainsi, l’idée selon laquelle les désordres climatiques « sont des phénomènes naturels comme il y en a toujours eu » progresse de 7 points de pourcentage. De même la proposition selon laquelle « il y a actuellement un changement climatique et il est dû à l’activité humaine » qui recueillait l’année dernière 64 % se situe aujourd’hui à 62 % ».

Aux côtés des « Convaincus » et des « Sceptiques », dont certains pensent également que les scientifiques qui étudient les évolutions du climat « exagèrent les risques de réchauffement climatique », on retrouve finalement les « Hésitants ». Avec un profil de réponses « mixte », ils se positionnent soit du côté des convaincus, soit du côté des sceptiques selon les questions et les thématiques abordées.

L’écologie : une question politique ?

Derrière cette typologie se cachent de nombreuses réalités : âge, revenus, éducation, idéologie politique ou expérience personnelle des changements climatiques sont autant d’attributs qui semblent forger l’opinion de la population.

Ainsi, à la question « Dites-moi si la protection de l’environnement est importante ou pas pour vous » en y attribuant une note de 1 à 10, les chercheurs constatent que les plus jeunes (15-17 ans) se montrent bien plus préoccupés que leurs ainés par les questions environnementales (21 % pour une moyenne de 9 %). Il en est presque de même pour les diplômés du 2ème et 3ème cycle supérieur scientifique (16 %).

Si l’année 2019 avait été marquée par un pic de préoccupation pour l’environnement en tant que choix n°1, elle se trouve aujourd’hui à son plus faible niveau depuis (9%), « d’abord à cause d’une inquiétude toujours marquée pour – la hausse des prix (26%) mais aussi par le retour de craintes liées à l’immigration (15 %) », décrypte l’ADEME.

Les plus âgés saturés d’entendre parler de l’environnement

En outre, l’accroissement d’un type de scepticisme relatif qui admet l’existence d’un changement climatique tout en niant les origines anthropiques de ce dernier est très relatif selon le profil des personnes interrogées. Selon les données du rapport, la conviction d’un changement anthropique culmine à 70 % parmi les 15-17 ans, mais seulement 57 % chez les 18-25 ans et 49 % chez les 25-35 ans. Elle atteint d’autre part 79 % pour ceux qui se classent « très à gauche », contre 49 % « à droite ».

Autre facteur intéressant : avoir subi (« souvent » ou « parfois ») les conséquences de désordres climatiques sur le lieu d’habitation est une expérience dont le ressenti a beaucoup augmenté ces dernières années jusqu’à un pic de 51 % en 2022. En 2023 le total des réponses positives avait quelque peu diminué. Cette année il augmente de 9 points (53 %), note le rapport.

Finalement, plus d’un quart des Français estiment en avoir assez d’entendre parler d’écologie sur leur poste radio ou à la télévision (26%), alors que le nouvel Observatoire des Médias sur l’écologie estimait il y a peu que seul 3,7% du temps d’antenne était consacré aux enjeux environnementaux dans les programmes d’information des médias audiovisuels durant la même année. Cette saturation se cristallise surtout auprès des personnes âgées de plus de 65 ans (70%) et de ceux qui se situent à droite (86%).

La saturation médiatique ressentie par une partie de la population semble conduire à un manque d’intérêt pour les enjeux environnements et à une démotivation des individus. – Crédits : Pixabay

Comment expliquer le climatosceptisme ?

Selon les chercheurs, les pistes d’interprétation de ces résultats sont assez semblables à celles qui avaient été présentées l’année dernière.

« La première hypothèse à prendre en compte est toujours celle d’un effet de conjoncture. Il se peut que la dégradation du pouvoir d’achat et la montée de préoccupations sécuritaires toujours présentes cette année tendent à relativiser les enjeux environnementaux dans l’esprit du public. L’idée d’une antinomie entre pouvoir d’achat et préservation de l’environnement a toujours été présente dans les mentalités ».

De plus, l’ADEME avance la possibilité d’une saturation du débat public « en raison de l’avalanche constante dans les médias de mauvaises nouvelles », qui finiraient en quelque sorte par banaliser l’urgence climatique. Paradoxalement, ces évolutions s’accompagnent d’une « progression sensible de la demande de politiques publiques de lutte contre l’effet de serre ».

Dans le même temps, les données présentées laissent à penser que la propension personnelle à agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre tend à fléchir. Les chercheurs concluent :

« Tout se passe comme si, devant l’ampleur tangible des conséquences du changement climatique, on assistait à une moindre implication au niveau individuel et à une plus forte demande d’Etat »

Lou A.

Photo de couverture de Ivan Aleksic sur Unsplash

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27.05.2025 à 06:00

Fleurs contaminées : 100% des bouquets testés contiennent des pesticides

Mr M.

Le 14 février 2025, UFC-Que choisir publiait un rapport choc dénonçant la contamination massive des fleurs vendues en France. Sur une quinzaine de bouquets analysés en laboratoire, tous contenaient des traces de plusieurs dizaines de pesticides. Parmi eux, certaines molécules sont même interdites au sein de l’Union européenne (UE) en raison de leur dangerosité pour […]

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Le 14 février 2025, UFC-Que choisir publiait un rapport choc dénonçant la contamination massive des fleurs vendues en France. Sur une quinzaine de bouquets analysés en laboratoire, tous contenaient des traces de plusieurs dizaines de pesticides. Parmi eux, certaines molécules sont même interdites au sein de l’Union européenne (UE) en raison de leur dangerosité pour la santé humaine ou l’environnement. L’association de protection des consommateurs exige une réglementation plus stricte ainsi qu’un renforcement des contrôles par les autorités sanitaires et douanières.

Si vous faites partie de ces personnes qu’un beau bouquet de fleurs réjouit, vous n’êtes pas seule, mais vous risquez bien de changer d’avis. À la pièce, en bouquets déjà préparés, en composition ou en fleur unique, 41% des foyers français ont acheté des fleurs coupées en 2022. La rose représente à elle seule 44% des dépenses et 42% des volumes du marché. Avec les gerberas et les chrysanthèmes, il s’agit des trois variétés les plus vendues dans l’Hexagone.

« 100% des fleurs testées sont contaminées »

Pourtant, derrière leur parfum subtil et leurs couleurs délicates, les fleurs proposées en ligne, en boutique ou dans des enseignes de grande distribution ne seraient pas si inoffensives qu’on pourrait le croire. À l’occasion de la Saint-Valentin 2025, UFC-Que choisir a fait analyser une quinzaine de bouquets par un laboratoire. Résultat : « 100% des fleurs testées sont contaminées » aux pesticides, déplore l’association de protection de consommateurs dans le magazine Que Choisir n° 644

Les importations de fleurs coupées représentaient en 2016 un marché de quasiment 300 millions d’euros, soit légèrement moins qu’en 2015 (0,6%), selon le dernier rapport disponible de FranceAgrimer. – Photo : Pixabay

« Les résultats sont effarants : nous avons identifié dans chaque bouquet entre 7 et 46 résidus de pesticides différents », détaille l’enquête. Spiroxamine, carbendazime, difénoconazole, thiaclopride, thiophanate-méthyl… l’interminable liste dévoilée par les scientifiques est loin d’être romantique.

Parmi ces pesticides, « près de 12, en moyenne, présentent possiblement ou certainement un danger pour la santé ». Certains sont même interdits au sein de l’Union européenne. C’est notamment le cas du carbendazime, un fongicide retiré du marché depuis plus de 10 ans… mais toujours autorisé hors de nos frontières.

Des failles dans la réglementation européenne

Alors, comment les bouquets vendus en France se retrouvent-ils contaminés à grande échelle ? D’abord, on estime qu’environ 85% des fleurs coupées vendues en France proviennent de l’étranger, cultivées en grande partie au Kenya, en Ethiopie, en Equateur ou en Amérique du Sud puis acheminées en avion et en camions réfrigérés.

Là-bas, la réglementation entourant l’utilisation des pesticides est bien plus souple. Les cultivateurs, confrontés aux exigences particulièrement élevées des consommateurs, ne lésinent pas sur les quantités. Avant que les fleurs arrivent fraîches et colorées dans nos vases, elles auront subi un traitement intensif. Dans les colonnes du Monde, le ministère de l’agriculture reconnaît :

« Les fleurs en provenance de pays tiers n’étant soumises à aucune réglementation européenne, nous ne disposons pas d’informations concernant les substances utilisées et aucun contrôle n’est effectué »

Depuis des années, plusieurs organisations environnementales, comme le réseau Pesticide Action Network, réclament pourtant l’interdiction de l’importation de fleurs traitées avec des produits prohibés en Europe ainsi qu’un renforcement des contrôles par les autorités sanitaires et douanières. Pour l’heure, au grand dam des producteurs français, il n’existe aucune obligation d’étiquetage indiquant la provenance des bouquets.

Un cocktail détonant

Mais les fleurs cultivées sur le sol français ne sont pas exemptes de défauts. L’analyse de UFC-Que Choisir pointe également leurs composants, affichant un total de 14 résidus de pesticides, « dont 7 présentant un danger pour la santé avéré ou suspecté (perturbateur endocrinien, cancérigène ou encore délétère pour la fertilité ou le fœtus) ». 

Rien d’étonnant au vu de la deuxième faille béante de la réglementation européenne, qui ne fixe aucune limite légale maximale de résidus de pesticides pour les fleurs, à la différence des aliments consommables. Résultat : un cocktail de molécules nocives pour la santé et l’environnement aux fêtes d’anniversaire, repas entre amis et enterrements. 

Fleurs contaminées : 100% des bouquets testés contiennent des pesticides.

Fleuristes en danger ?

Mais ce sont surtout les fleuristes et tous les professionnels de la fleur, comme les grossistes, les préparateurs et les livreurs, qui sont directement exposés à des niveaux de pesticides potentiellement à risque pour leur santé. À ce titre, l’histoire tragique d’Emmy Marivain, décédée à l’âge de 11 ans d’une leucémie après avoir été exposée in utero aux pesticides pendant la grossesse de sa mère fleuriste, avait secoué l’opinion publique. 

« À la suite de ces révélations, la direction générale du travail et les services du ministère de l’agriculture ont saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin de lancer une première étude pour évaluer l’exposition des professionnels de la fleur aux pesticides », explique Le Monde qui avait relaté le combat de la famille, « Les conclusions – qui ne sont pas attendues avant deux ans – devraient déboucher sur des propositions d’évolution de la réglementation (…) »

Plus de 3 600 horticulteurs et pépiniéristes sont en activité en France, cultivant 15 471 hectares, dont 1 613 hectares couverts en serres et tunnels et 1 981 hectares de plateformes hors sol, relève France Agrimer. Photo : Pixabay

Des mesures pour protéger la santé publique et l’environnement

Un espoir que partage l’Union fédérale des consommateurs, ainsi que d’autres associations comme l’ONG de lutte contre les pesticides PAN-Europe. « Aujourd’hui, aucune réglementation ne limite ces résidus toxiques sur les fleurs coupées », note l’UFC, évoquant la « mise en péril » de ceux qui les manipulent,  acheteurs comme professionnels du secteur.

L’organisation dit « exiger des mesures immédiates pour protéger la santé publique et l’environnement », allant de la fixation d’une limite maximale de résidus de pesticides pour les fleurs à l’interdiction d’importer des fleurs traitées avec des pesticides classés cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction

En outre, les auteurs du rapport militent également pour une obligation d’étiquetage afin d’informer les consommateurs de l’origine et des traitements subis par les fleurs, en plus d’un élargissement des recherches de l’ANSES pour évaluer les risques sanitaires encourus par les consommateurs exposés aux résidus de pesticides présents dans les bouquets.

Finalement, en tant qu’amoureux des plantes, on peut se tourner plus volontiers vers des producteurs locaux labellisés bio sur lesfermesfloralesbio.com, qui garantissent une production sans pesticides et engrais de synthèse. Privilégier le label « Fleur de France » permet de s’assurer de l’absence de pesticides interdits au sein de l’Union européenne. Sans ces étiquettes, il faut faire confiance à son fleuriste pour la provenance de vos bouquets et leur méthode de culture.

Lou A.

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26.05.2025 à 12:08

Dissolutions : l’arme fasciste du gouvernement

Simon Verdiere

Face à la violence que produit l’organisation capitaliste, coloniale, patriarcale du monde, nombre d’associations et de collectifs se mobilise pour résister. C’est le cas d’Urgence Palestine et de la Jeune Garde, respectivement fondées pour s’opposer au génocide palestinien par l’État israélien et à la montée de l’extrême droite en France et en Europe. Or, ces […]

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Texte intégral (1905 mots)

Face à la violence que produit l’organisation capitaliste, coloniale, patriarcale du monde, nombre d’associations et de collectifs se mobilise pour résister. C’est le cas d’Urgence Palestine et de la Jeune Garde, respectivement fondées pour s’opposer au génocide palestinien par l’État israélien et à la montée de l’extrême droite en France et en Europe. Or, ces résistances, à l’instar des Soulèvements de la Terre, sont de plus en plus menacées par les gouvernements protofascistes successifs qui souhaitent les démanteler.

Alors que l’extrême droite progresse chaque jour davantage, portée par des discours racistes et xénophobes de plus en plus banalisés, les gouvernements successifs, avec des ministres de l’Intérieur difficilement distinguables du Rassemblement National, comme Gérald Darmanin puis Bruno Retailleau, s’en prennent prioritairement aux mouvements antiracistes et antifascistes.

Plutôt que de combattre les idéologies haineuses, l’exécutif cible celles et ceux qui leur résistent, criminalisant les solidarités et réprimant les mobilisations.

Procédures de dissolution en cascade

En 2023, l’ex-ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’attaquait sans vergogne aux Soulèvements de la Terre, un réseau de luttes locales contre le ravage industriel et marchand, notamment investi dans la défense de l’eau à Sainte-Soline.

Il avait ainsi lancé une procédure de dissolution, sidérant toutes les personnes conscientes de la situation cataclysmique de la planète. Si cette tentative avait finalement été avortée par la justice quelques mois plus tard par une mobilisation massive, elle n’avait pas manqué de choquer bon nombre de personnes.

Traiter de terroriste une organisation qui se bat pour une cause aussi cruciale que l’écologie apparaissait en effet comme kafkaïen. Cette initiative répressive démontrait en réalité le mépris d’une partie du spectre politique et sa capacité à aller bien au-delà du raisonnable pour défendre une minorité privilégiée.

Flatter l’électorat identitaire

Le néolibéralisme incarné par Emmanuel Macron drague ouvertement les terres du Rassemblement National en mettant sur la table des arguments démagogiques à l’égard de l’électorat identitaire, en s’appuyant sur des personnalités dont les positions sont proches de celles du RN, telles que Bruno Retailleau et Gérald Darmanin.

En s’attaquant à la Jeune Garde d’une part et à Urgence Palestine de l’autre, il criminalise à la fois la lutte contre le fascisme (et donc l’extrême droite en général) ainsi que celle combattant le colonialisme et le racisme anti-palestinien. L’élargissement des procédures de dissolution est d’ailleurs fondé sur la loi « séparatisme » – introduite par Darmanin lui-même en 2021, profondément raciste et islamophobe. 

Reportage par Tiphaine Blot pour Mr Mondialisation. Manifestation parisienne 11/11/2024. Des milliers de personnes ont marché entre les places de République et Nation pour exprimer leur soutien au peuple Palestinien. De nombreux messages pour la paix mais également pour la fin de l’apartheid et pour dénoncer le risque de génocide en cours. Au début de la manifestation, des journalistes ont également mené une action de solidarité avec les journalistes tué·es à Gaza.

Le fait qu’Urgence Palestine soit menacé de dissolution alors que c’est le seul collectif français porté par des Palestiniens en exil est à mettre en miroir avec les attaques foncièrement racistes et islamophobes du ministre de l’Intérieur à l’encontre de la minorité musulmane en France.

Des prétextes fallacieux et dangereux

Comme pour les Soulèvements de la Terre, une prétendue « violence » de la Jeune Garde a été mise sur la table, sur des motifs très flous, comme le raconte Blast. Dans les faits, l’organisation a surtout eu le mérite de lutter contre l’extrême droite et a œuvré au maintien de la dignité des individus.

Comme l’affirme Françoise Vergès dans son ouvrage Une théorie féministe de la violence, paru à La Fabrique en 2020 :

« la question n’est pas d’être pro violence/non-violence, mais de refuser la condamnation bourgeoise de la violence des opprimé·es et de favoriser une multiplicité de tactiques et donc la flexibilité et l’autonomie des luttes ».

Les démarches entamées par le ministre s’inscrivent dans une époque orwellienne où les anti-fascistes sont désignés comme les fascistes, les anti-racistes comme les racistes et la gauche en général est amalgamée à l’extrême droite par le camp libéral qui entend n’offrir aucune alternative à ses propres positions.

Or, dans les faits, en agissant de la sorte, il ne fait que renforcer les mouvements identitaires en légitimant leurs idées. On peut d’ailleurs d’autant plus s’interroger lorsque l’on sait que des défilés néonazis ont, quant à eux, pu se tenir sans problème dans les rues de Paris.

Invisibiliser Gaza, et taper sur les musulmans

Les prétendues accointances d’Urgence Palestine avec l’islamisme, dénoncées par Bruno Retailleau pour justifier sa procédure, servent d’ailleurs elles aussi l’agenda raciste et islamophobe de l’extrême droite.

Il entend ainsi assimiler tous ceux qui défendraient la Palestine à l’islam, voire à l’islam radical ; pourtant il s’agit ici simplement de se dresser contre des crimes contre l’humanité qui sont commis à l’heure où nous écrivons ces lignes, ce que tout être humain se doit de dénoncer, qu’il soit musulman, juif, chrétien ou non-croyant.

Or, l’ensemble des médias de masse et l’immense majorité de la classe politique de droite et d’extrême droite n’ont cessé de minimiser ces massacres tout en légitimant les atrocités du gouvernement Netanyahu, notamment en leur apportant un soutien inconditionnel symbolique et matériel via la livraison d’armes, entre autres.

Réduire au silence l’un des principaux collectifs s’opposant à ce carnage tout en s’attaquant aux personnes musulmanes en France, c’est une manière pour Retailleau et ses partisans de nier la complicité de la France et de l’Occident avec l’Etat israélien tout en attisant la haine sur une partie de nos concitoyens. D’autant que le racisme colonial est structurant dans l’histoire de la République française (et de son identité).

Un renversement dangereux du sens de l’antifascisme

Les attaques récurrentes contre les collectifs antifascistes, antiracistes et anticolonialistes révèlent une stratégie politique inquiétante comme le dénonce d’ailleurs Amnesty International : faire passer celles et ceux qui luttent contre les idéologies de haine pour des menaces à l’ordre public, pendant que les véritables courants néofascistes prospèrent. En s’en prenant à des organisations comme la Jeune Garde ou Urgence Palestine, le pouvoir renverse les repères politiques fondamentaux : ce ne sont plus les fascistes qui inquiètent l’État, mais ceux qui leur font face.

Manifestation du 5 octobre 2024 pour un cessez-le-feu immédiat en Palestine et au Liban – Paris. Flickr.

Dans ce contexte, il est urgent de rappeler que la lutte antifasciste n’est ni un délit, ni une menace à la démocratie – elle en est au contraire une condition vitale. Or, tandis que l’extrême droite détourne la notion de liberté d’expression pour légitimer des discours racistes, xénophobes ou islamophobes, l’État criminalise les formes de résistance populaires, au mépris du cadre légal qui réglemente pourtant clairement l’incitation à la haine.

Ce double standard est révélateur d’un pouvoir qui ne combat pas le fascisme, mais qui s’en inspire voire le nourrit. Face à cette dérive, réaffirmer l’importance et la légitimité des luttes antifascistes, dans toute leur diversité, est une nécessité politique et morale. Refuser ce renversement, c’est défendre une démocratie réelle, fondée sur la justice sociale, l’égalité, et la solidarité — et non sur la peur, la répression et les privilèges.

Simon Verdière

Photo de couverture : Manifestation du 5 octobre 2024 pour un cessez-le-feu immédiat en Palestine et au Liban – Paris. Flickr.

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