22.11.2024 à 18:01
Marin Saillofest
En lançant pour la première fois sur l’Ukraine jeudi 21 novembre un missile balistique à portée intermédiaire capable de transporter une ogive nucléaire, Poutine a pleinement fait entrer la rhétorique nucléaire dans sa guerre contre l'Ukraine et l'Europe. Le lendemain, au cours d’une allocution télévisée, le président russe a haussé d’un cran supplémentaire ses menaces à destination de l’Occident. Nous le traduisons — et commentons son intervention ligne à ligne.
L’article Le message du missile Oreshnik : comprendre la rhétorique nucléaire de Poutine. Traduction inédite est apparu en premier sur Le Grand Continent.
Jeudi 21 novembre, le président de la Fédération de Russie a prononcé une courte allocution dont on retient (outre le fait inexpliqué que ses mains soient restées absolument immobiles devant lui durant près de huit minutes, ce qui n’a pas manqué de susciter quantité de théories sur une éventuelle maladie ou sur l’usage de l’intelligence artificielle) essentiellement les menaces adressées à l’Occident en réplique à l’usage inédit, par l’Ukraine, de missiles longue portée en direction du territoire russe.
Le président Biden a, comme on le sait, autorisé l’Ukraine à employer contre la Russie des missiles dont la portée de 300 kilomètres permet d’atteindre une série de villes russes telles que Smolensk, Tula ou Voronej. Les autorités ukrainiennes n’ont pas manqué d’en faire immédiatement usage, en visant des cibles militaires dans les régions de Briansk et de Koursk avec les missiles américains ATACMS et les fusées britanniques Storm Shadow. La Russie y a répliqué en dévoilant une nouvelle arme de son arsenal : le missile balistique hypersonique Oreshnik (« Noisetier »), à portée intermédiaire, qui a frappé l’usine Pivdenmash de Dnipro, d’où sortent notamment les missiles de croisière Neptune.
Les principaux soutiens du Kremlin ont aussitôt laissé éclater leur joie. Margarita Simonjan, rédactrice en chef de Russia Today et de l’agence de presse Sputnik, s’est ainsi exclamée : « Voilà deux ans qu’on me demande quand et comment tout cela finira, et deux ans que je réponds : quand, je ne le sais pas, mais cela se terminera par un ultimatum de missiles ». Ramzan Kadyrov, chef de la République tchétchène, a quant à lui ajouté que l’usage du missile Oreshnik pourrait forcer les pays occidentaux à se mettre à la table des négociations, tout en appelant le Kremlin à montrer à la face du monde toute la puissance des dispositifs russes à longue portée, afin que l’Ukraine et l’Occident « tressaillent de peur ».
Pendant ce temps, des « experts » et des « journalistes » russes débattaient de cette nouvelle sur la chaîne NTV et en profitaient pour digresser sur la possible désignation par Trump de Boris Epshteyn comme négociateur pour la régulation de la guerre en Ukraine, se lançant dans une hallucinante séquence antisémite. Pendant de très longues minutes, le présentateur Andrej Norkin et ses invités se sont demandé si l’on ne pouvait « vraiment pas se passer des Epsteins » et autres « Shapiros » (au pluriel), tout en élaborant sur les différences entre « les Epsteins » d’Ukraine, va-t-en-guerre incorrigibles et « les Epsteins » de Russie, autrement raisonnables, avant de conclure que Boris Epshteyn « trouverait un accord » puisque, « avec ces gens-là, on peut s’entendre », sachant qu’ils ne sont pas « arc-boutés sur la morale et les principes ».
Nous sommes au seuil de la guerre nucléaire — structurellement et indéfiniment depuis que l’arme nucléaire existe — et l’offensive idéologique est menée à grands coups de saillies culturalistes et antisémites, tandis que l’opinion publique européenne, loin de « tressaillir » comme le voudrait Kadyrov, continue pour l’essentiel à regarder ailleurs.
Avant la réunion d’urgence entre l’OTAN et l’Ukraine à Bruxelles, mardi prochain, nous proposons ici la première traduction de l’allocution de Vladimir Poutine.
Je souhaite informer les effectifs militaires des Forces Armées de la Fédération de Russie, les citoyens de notre pays, nos amis de par le monde, et tous ceux qui persistent dans l’illusion d’imposer une défaite stratégique à la Russie, des derniers événements en cours sur le terrain de l’opération militaire spéciale, en particulier à la suite des attaques ayant visé notre territoire au moyen d’armes à longue portée de fabrication occidentale.
Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN, qui poursuivent l’escalade du conflit provoqué par l’Occident lui-même en Ukraine, avaient précédemment annoncé qu’ils autorisaient le recours à leurs systèmes d’armement à longue portée et de haute précision pour des frappes visant le territoire de la Fédération de Russie. Tous les experts le savent, et nous l’avons d’ailleurs régulièrement répété de notre côté : l’usage de ces armements est impossible sans la participation directe de spécialistes militaires venus des pays qui les manufacturent.
Ce 19 novembre, six missiles tactiques ATACMS de fabrication états-unienne et, deux jours plus tard, une attaque combinée de missiles Storm Shadow et de systèmes HIMARS, respectivement d’origine britannique et états-unienne, ont frappé des objectifs militaires sur le territoire de la Fédération de Russie, en l’occurrence dans les régions de Briansk et de Koursk. Depuis ce moment précis, et conformément à nos avertissements passés, le conflit régional ourdi par l’Occident en Ukraine a acquis une nouvelle dimension, de caractère global. Nos systèmes de défense aérienne ont contrecarré ces attaques : aussi, nos ennemis n’ont pas atteint leurs objectifs.
Le territoire russe est de facto la cible et le théâtre d’attaques ukrainiennes depuis plusieurs mois. L’Ukraine utilise notamment des drones longue portée afin de frapper des cibles militaires ainsi que le secteur énergétique russe, et a lancé début août une offensive terrestre dans l’oblast frontalier de Koursk.
Si l’autorisation américaine et, de toute évidence, britannique et française donnée à l’Ukraine d’utiliser leurs missiles ATACMS et SCALP/Storm Shadow pour frapper le territoire russe confère de nouvelles capacités à Kiev, la « nouvelle dimension » du conflit évoquée ici par Poutine ne repose sur aucun changement fondamental. L’Ukraine a notamment utilisé dès août des lance-roquettes multiples américains HIMARS pour frapper des cibles militaires en Russie, ainsi que des véhicules blindés américains (Bradley, Abrams) sur le front de Koursk.
L’incendie qui s’est déclenché dans le dépôt de munitions de la région de Briansk, causé par des chutes de débris de fusées ATACMS, a été maîtrisé sans causer de victimes ni de destructions sévères. Dans la région de Koursk, l’attaque a visé l’un des postes de commande de notre groupe « Nord ». Malheureusement, cette attaque et les ripostes anti-aériennes ont, cette fois-ci, entraîné des morts et des blessés parmi les effectifs de sécurité du site et le personnel de service. Toutefois, le personnel de commandement et le personnel opérationnel n’ont pas subi de pertes et continuent à diriger les opérations de nos troupes, déterminées à éliminer et repousser hors de la région de Koursk les unités militaires ennemies.
Je tiens à souligner une fois encore que le recours à des armes de ce type par nos adversaires ne saurait peser sur le cours militaire effectif de l’opération militaire spéciale. Nos forces armées réalisent des percées tout le long de la ligne de contact et les objectifs que nous avons déterminés seront atteints.
En réponse à l’usage des armes à longue portée d’origine américaine et britannique, les Forces armées russes ont, ce 21 novembre, mené une frappe combinée sur l’une des cibles du complexe industriel de la défense ukrainienne. Nous avons également réalisé, dans des conditions de terrain, le test de l’un de nos derniers missiles balistiques à portée intermédiaire, équipé d’une charge hypersonique non-nucléaire, que nos ingénieurs ont baptisé « Oreshnik ». L’essai a été concluant, la cible a été atteinte : en l’occurrence, l’une des plus grandes installations industrielles ukrainiennes, dans la ville de Dniepropetrovsk, connue depuis l’Union soviétique pour la production de missiles et d’autres armements.
L’armée russe a vraisemblablement visé dans la matinée du jeudi 21 novembre l’usine Piv Demnach de la ville de Dnipro, située à plus de 200 km des frontières russes et à plusieurs dizaines de kilomètres de la ligne de front. C’était, avant la chute de l’URSS, l’usine de construction de fusées de l’Union soviétique qui concevait et produisait des fusées pour les programmes de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) et spatiaux.
Des premières images partagées quelques heures après l’impact suggèrent que le nouveau missile « Oreshnik » n’a provoqué que des dégâts mineurs, s’abattant en partie sur un bâtiment d’un centre de réadaptation pour personnes handicapées, détruisant la chauffagerie et les fenêtres. Des zones résidentielles ont également été touchées. Selon Joseph Henrotin, l’absence apparente d’explosifs sur la charge du missile indique que la frappe visait plus à servir de message qu’à remplir une réelle finalité opérationnelle.
La Russie a entrepris le développement de missiles de portée intermédiaire et de longue portée en réponse aux programmes lancés par les États-Unis, consistant à produire et déployer en Europe et dans la région Asie-Pacifique leurs propres missiles de courte portée et de portée intermédiaire. Nous estimons que les États-Unis ont commis une erreur en 2019 lorsqu’ils ont déchiré, sur un prétexte fallacieux, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Aujourd’hui, les États-Unis ne se contentent pas de produire de tels équipements : comme on le constate, ils ont entrepris, dans le cadre de leurs exercices militaires, le transfert de ces systèmes avancés vers différentes régions du monde, notamment en Europe, sans compter qu’ils s’entraînent à leur utilisation lors de leurs manœuvres.
Je rappelle que la Russie s’est volontairement et unilatéralement engagée à ne pas déployer de missiles de moyenne et courte portée tant que des armes américaines de ce type ne feraient pas leur apparition en un quelconque point du monde.
Je le répète : les essais des missiles Oreshnik que nous conduisons sur le terrain représentent bel et bien une réponse aux opérations agressives des pays de l’OTAN vis-à-vis de la Russie. Le déploiement futur de ces missiles dépendra ainsi de l’action des États-Unis et de leurs satellites.
Les cibles à atteindre dans le cadre des essais de nos missiles les plus récents devront être définies à l’aune des menaces concrètes qui pèsent sur la sécurité de la Fédération de Russie. Nous nous considérons pleinement fondés à employer nos armes contre les infrastructures militaires des pays qui autorisent l’usage des leurs contre nos propres installations. En cas d’escalade des actes d’agression, nous y répondrons avec la même résolution et de manière symétrique. Je recommande vivement aux élites dirigeantes des pays qui envisagent de déployer leurs contingents militaires contre la Russie d’y réfléchir à deux fois.
Il va de soi que, si nous étions contraints de répliquer à une attaque avec nos missiles du type Oreshnik en prenant pour cible le territoire ukrainien, nous proposerions préalablement aux civils et aux citoyens des pays amis résidant dans la région de quitter les zones dangereuses. Nous agirons ainsi pour des motifs humanitaires, de manière ouverte, publique, sans crainte de contre-manœuvres de la part de l’ennemi, qui en sera également informé.
Des responsables américains, s’exprimant de manière anonyme suite aux frappes russes du 21 novembre, ont déclaré que la Russie ne possédait que quelques exemplaires de ce type de missile expérimental et qu’il ne s’agissait pas d’une capacité susceptible d’être régulièrement déployée contre l’Ukraine. La Russie a par ailleurs averti les États-Unis via le Centre national russe pour la réduction des risques nucléaires une demi-heure avant le lancement des missiles. Ce système, qui fonctionne de manière automatique, vise à « maintenir une communication constante » avec un réseau similaire dont disposent les États-Unis, selon le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.
Pourquoi n’avons-nous aucune crainte ? Parce qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun moyen de contrer une attaque de ce type. Les missiles atteignent leur cible avec une vitesse de Mach 10, soit 2,5 à 3 kilomètres par seconde. Les systèmes de défense aérienne actuellement existants dans le monde, tout comme les systèmes de défense anti-missile développés par les Américains en Europe, ne sont pas en mesure d’intercepter des missiles de ce genre : la chose est tout simplement impossible.
L’Ukraine a déjà intercepté des nouveaux missiles hypersoniques russes précédemment qualifiés « d’invincibles » par Vladimir Poutine. En mai 2023, Kiev s’est servi d’un système antimissile américain Patriot pour détruire un missile Kh-47M2 Kinjal lancé sur l’Ukraine depuis un MiG-31 russe. Le Pentagone a confirmé l’interception de celui-ci par les défenses ukrainiennes, attestant des capacités d’interception du système Patriot qui étaient jusqu’alors théoriques. Un missile Kh-47M2 Kinjal se déplace à la même vitesse qu’un « Oreshnik », selon Vladimir Poutine.
Je souligne une fois encore que ce n’est pas la Russie, mais les États-Unis qui ont détruit l’architecture internationale de sécurité et, en poursuivant leurs combats, s’accrochent désespérément à leur hégémonie, entraînant la planète entière dans un conflit global.
Nous avons toujours préféré les solutions pacifiques et sommes, aujourd’hui encore, prêts à résoudre tous les différends de cette manière. Nous n’en sommes pas moins prêts à affronter tous les développements possibles que pourraient occasionner les événements en cours. Et si certains en doutent encore, ils ont bien tort de le faire. La Russie répliquera toujours.
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22.11.2024 à 13:02
Marin Saillofest
Hier, jeudi 21 novembre, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien et l’ex-ministre de la Défense Yoav Gallant. Ces derniers feront désormais face à un risque d’arrestation s’ils se rendent dans un pays ayant ratifié le Statut de Rome.
Nous cartographions les réactions à cette annonce au vendredi 22 novembre à 13h (Paris).
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Hier, jeudi 21 novembre, la Cour pénale internationale a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre 1. Le procureur de la CPI Karim Khan avait déposé une requête à cette fin à la fin du mois de mai 2024.
La plupart des pays ayant réagi à la décision de la Cour ont déclaré qu’ils respecteraient la décision (19 au total sur 32). En Europe, c’est notamment le cas de l’Italie, de l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Irlande, l’Estonie, la Slovénie et de la Suède. Tous ces pays ont ratifié le Statut de Rome et seraient tenus d’arrêter le Premier ministre et l’ex-ministre de la Défense israélien si ces derniers se rendaient dans leur pays.
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22.11.2024 à 06:30
Marin Saillofest
Alors que les derniers bulletins de vote pour l’élection présidentielle sont comptabilisés, le président-élu républicain a obtenu 49,9 % des voix contre 48,3 % pour Kamala Harris — soit une avance de seulement 1,6 point. Bien loin du « mandat » (mandate) supposément conféré par l’électorat américain, la victoire de Trump pourrait nuire à sa crédibilité.
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Plus de deux semaines après l’élection présidentielle américaine, la quasi-totalité des bulletins de vote ont enfin été comptabilisés. Dans certains États, notamment en Californie, certains comtés ont encore quelques dizaines de milliers de bulletins à dépouiller. Ces derniers ne devraient cependant pas faire bouger significativement le résultat final.
Kamala Harris a obtenu 7 millions de votes de moins que Joe Biden quatre ans auparavant. Elle a cependant rassemblé une coalition bien plus importante que Barack Obama (69,5 millions de voix en 2008 et 65,9 millions en 2012) et Hillary Clinton (65,8 millions en 2016). La démocrate a par ailleurs obtenu plus de voix que Donald Trump en 2020, qui avait perdu le scrutin avec 46,8 %.
Ces chiffres seront importants pour le deuxième mandat de Trump, qui débutera avec son investiture le 20 janvier prochain.
Comme le rappelait Mathieu Gallard : « À titre de comparaison, l’écart entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand lors de l’élection présidentielle de 1974 était de 1,4 point — soit l’élection la plus serrée de l’histoire de la Ve République, et qui est à juste titre toujours présentée sous cet angle ».
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21.11.2024 à 19:00
Marin Saillofest
Avec plus de 500 milliards d’euros de biens exportés l’an dernier, les États-Unis sont le premier marché pour les exportations européennes — loin devant la Chine, qui a importé deux fois moins de produits européens en 2023. Des tarifs indiscriminés de 10 % pourraient se traduire par une contraction de près de 30 % des exportations européennes vers les États-Unis.
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L’Allemagne est de loin le premier exportateur européen vers les États-Unis : les entreprises allemandes ont exporté pour près de 158 milliards d’euros de biens outre-atlantique l’an dernier. Elle est suivie par l’Italie (67 milliards), l’Irlande (51 milliards) et la France (44 milliards).
L’Allemagne est particulièrement dépendante du marché américain pour ses exportations : l’institut Ifo estime que les exportations allemandes vers les États-Unis pourraient chuter de 14,9 % en cas d’instauration de tarifs douaniers — soit 23,5 milliards d’euros. Ses exportations automobiles seraient particulièrement touchées avec une baisse de 32 %, et jusqu’à 35 % pour ses produits pharmaceutiques 1.
Contrairement à ce que Trump a affirmé au cours de la campagne, des tarifs universels nuiraient aux consommateurs américains en augmentant artificiellement le prix des importations. Par ailleurs, les effets redistributifs ayant tendance à être régressifs, le coût pèserait davantage sur les ménages à faibles revenus.
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21.11.2024 à 18:41
Matheo Malik
La guerre d’Ukraine a ouvert un nouveau contexte stratégique et établi un nouveau modèle pour les conflits d’agression que la Russie pourrait mener à l’avenir face à l’espace européen.
Alors que l’Europe se prépare à entrer dans la deuxième ère Trump, la France doit trouver les moyens d’éviter à la fois la guerre et la soumission.
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La guerre d’Ukraine, par sa durée et l’ampleur des pertes que subissent les belligérants, marque le retour en Europe des conflits conjuguant ampleur et durée, destructions matérielles et pertes humaines avec, pour un des deux belligérants, un enjeu de survie nationale. Alors que la nation ukrainienne lutte pour son existence face à l’agression russe, la France semble doublement à l’abri d’un tel risque.
D’une part grâce à sa situation « d’île stratégique » qui la voit en paix durable et confraternelle avec l’ensemble du continent européen, ce qui lui confère une profondeur stratégique historiquement inédite. D’autre part, grâce à sa dissuasion nucléaire nationale autonome qui la prémunit contre tout anéantissement ou chantage nucléaire. Pour autant, la France est profondément impliquée dans la défense de cet espace européen au sein duquel elle vit une communauté de valeur et de destin avec ses voisins, partenaires et alliés. Mais dans ce contexte, la dissuasion nationale autonome n’est pas une panacée, et le contexte du retour durable d’une Russie agressive et expansionniste crée de nouvelles situations à risque que son modèle de forces actuel ne permettrait pas toujours d’affronter. Notamment en raison de la prolongation potentielle des crises, mais aussi d’un ordre international bien moins binaire et plus économiquement complexe que dans les années de la Guerre froide.
Si les dirigeants français admettent volontiers à travers leurs déclarations depuis les années 1970 qu’une part des « intérêts vitaux » du pays se situe en Europe, force est de constater que la France serait bien incapable, dans le format actuel, d’européaniser sa dissuasion de manière crédible et efficace pour s’ériger en protectrice de dernier ressort de l’intégrité de l’espace européen. Surtout dans un contexte conjuguant crise conflictuelle longue, escalade lente et doutes sur l’engagement américain : trois hypothèses probables à court ou moyen terme. La conséquence est qu’il faut sans doute admettre que les intérêts de la France en Europe ne sont pas « à ce point vitaux » pour que celle-ci puisse offrir une garantie de sécurité avec son seul arsenal nucléaire actuel — qui la verrait prête à « risquer Paris pour Vilnius ».
Il faut donc l’admettre, l’hypothèse d’un conflit conventionnel existe face à la Russie, dont l’escalade pourrait et devrait être maîtrisée. Il faudrait ainsi pouvoir mener celle-ci dans la durée, en coalition, avec l’appui de forces nucléaires françaises « différentes » pour un meilleur épaulement avec les forces conventionnelles. Un point de vue, pour l’heure, résolument hérétique, mais qui découle d’une modification profonde du contexte stratégique.
Les fondements de la dissuasion nucléaire française, de la doctrine aux composantes et moyens, reposent en grande partie sur le traumatisme de juin 1940 et servirent son édification pendant la guerre froide, comme une continuité de « l’esprit de résistance » 1. Il s’agissait — et c’est toujours le cas — alors d’éviter le retour d’une situation menaçant la survie même de la France en tant que nation, sans avoir à dépendre du bon vouloir d’un allié anglo-saxon, ni devoir revivre les épouvantables sacrifices humains et matériels des conflits mondiaux. L’arme nucléaire, de par sa puissance, apporta à la fois la menace la plus totale et la solution la plus radicale à l’enjeu central de la défense nationale : survivre en tant que nation 2. La défaite de Dien Bien Phu en 1954 et la crise de Suez en 1956 confirmèrent du point de vue de Paris le caractère à minima aléatoire de l’alliance américaine et la nécessaire indépendance absolue des moyens d’assurer la survie nationale 3.
Avec le développement d’un arsenal crédible, doté de composantes variées, d’une capacité de frappe en second et d’un volume suffisant pour infliger des « dommages inacceptables » à toute puissance quelle que soit sa taille et sa profondeur stratégique, la France se dota d’une « assurance vie » autonome. Celle-ci protège son territoire national et sa population d’une élimination brutale, sans discontinuer depuis 1964 (première prise d’alerte des FAS) et de manière très robuste depuis 1972 (première patrouille de SNLE). Sur le plan doctrinal, une pensée française riche et complexe, incarnée par les généraux Ailleret, Beaufre, Gallois et Poirier, permit de jeter les fondements d’une dissuasion nucléaire autonome, « tous azimuts », strictement défensive — seule justification de l’arme atomique nationale. Une dissuasion centrale dans le modèle des forces militaires françaises, ce que synthétisa pour le grand public le premier Livre blanc de 1972 4.
Pour la France, depuis plus de 50 ans, l’hypothèse d’un conflit majeur en Europe est systématiquement liée à un dialogue dissuasif s’appuyant sur l’arme nucléaire nationale. Face à la nécessité de prévenir le contournement « par le bas » de l’arsenal nucléaire, de témoigner de la solidarité de la France envers ses alliés et de pouvoir justifier, le cas échéant aux yeux du monde, de l’opinion française, et de l’adversaire l’ascension aux extrêmes nucléaires, la France avait articulé à partir des années 1970 son corps de bataille en Allemagne autour de l’idée que son engagement forcerait « l’ennemi » (forcément soviétique mais sans le nommer) à « dévoiler ses intentions » 5. Il s’agissait de faire face à toutes les hypothèses de crise, depuis l’option extrême d’un assaut massif du Pacte de Varsovie sur l’Europe occidentale jusqu’aux hypothèses d’attaques limitées aux frontières de l’OTAN (prise de gage territorial), ou d’une opération de contournement de la lutte armée par l’URSS qui ressemblerait au « coup de Prague » de 1968.
L’engagement hors de France du corps de bataille français composé d’appelés du contingent était alors la manifestation tangible de la détermination politique de Paris ainsi que la justification possible du recours à l’arme nucléaire « tactique », non dans une optique de bataille devant être gagnée, mais plutôt de signalement que la France, après avertissement, serait prête à toutes les options, y compris les plus extrêmes. À aucun moment il ne s’agissait dans l’esprit de « gagner » militairement contre le Pacte de Varsovie, ni même de « durer » en conflit, mais plutôt de restaurer, in extremis, un dialogue politique au bord du gouffre, en assumant le fait de contribuer si nécessaire à l’escalade pour ne pas laisser s’installer un conflit d’usure, destructeur, qui ramènerait les souvenirs de Verdun à l’ombre d’Hiroshima. Le choc avec la superpuissance soviétique ne pouvant déboucher sur une victoire conventionnelle à un prix acceptable, seule la dissuasion apportée par une promesse d’anéantissement mutuel devait pouvoir faire reculer Moscou.
Cet édifice national — doctrinal et capacitaire — qu’est la dissuasion reste, en 2024, d’une surprenante cohérence et globalement d’une saisissante validité. Toutefois, les conditions politiques et militaires « à l’est du Rhin » ont profondément évolué depuis 1991, de même que le modèle des forces de l’armée française, conventionnelles et nucléaires. La dissuasion était devenue après la chute du mur de Berlin réellement « tous azimuts » dans un contexte où aucune puissance hostile ne menaçait réellement la France et où l’hypothèse d’une attaque par armes de destruction massive était réduite à la lubie plus ou moins rationnelle du dirigeant d’un petit État « voyou » ou d’une organisation terroriste. Cet apaisement du contexte stratégique, propice au désarmement et à la maîtrise des armements, a contribué à ramener le format de l’arsenal nucléaire français à un étiage, strictement suffisant pour maintenir une capacité crédible permanente et constituer une assurance vie face à l’impensable, tout en maintenant pour l’avenir des savoir-faire et des capacités (notamment humaines) qui pourraient se perdre en un an, mais mettent trente ans à être (re)créées.
En parallèle, le succès du projet européen a fait de la France une « île stratégique ». Alors que le corps de bataille français se justifiait par la présence de milliers de chars du Pacte de Varsovie à quelques centaines de kilomètres des frontières françaises, l’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne des anciens pays vassaux de Moscou, leur émancipation démocratique et leur adhésion à un espace européen uni et étroitement intriqué sur le plan économique et culturel, a donné à la France une profondeur stratégique importante au sein d’un espace pacifié qui ne semblait plus menacé par la Russie. Cette évolution très favorable a pleinement justifié les « dividendes de la paix », la professionnalisation des forces françaises, la réduction de leur format, leur transformation expéditionnaire, l’abandon de l’idée de corps de bataille en Europe et, plus largement, de défense territoriale. Elle a aussi justifié le renoncement aux forces nucléaires tactiques qui assuraient le « tuilage » entre l’engagement du corps de bataille et l’ascension au seuil thermonucléaire. Tout cela était cohérent et adapté au contexte, et ne remettait pas en cause les équilibres de la dissuasion — jusqu’en 2022.
La France pouvait sereinement maintenir un arsenal pour sa seule défense, régulièrement professer publiquement le caractère européen de ses intérêts vitaux 6 et douter, à l’occasion, de la sincérité de l’engagement américain en Europe. Sans avoir pour autant à s’interroger réellement sur les scénarios possibles qui pourraient la voir s’engager concrètement au profit de ses voisins d’Europe centrale et orientale avec sa dissuasion en cas de défaut américain, ni investir dans des capacités conventionnelles d’ampleur pour les épauler le cas échéant. La menace était objectivement faible et l’allié américain toujours présent et en apparence fiable pour se contenter d’une rhétorique théorique. Or l’agression de l’Ukraine que mène la Russie depuis 2014 et qu’elle a choisi de transformer en conflit majeur depuis février 2022 illustre les nouvelles formes que pourrait prendre une agression russe contre une partie des alliés et partenaires européens de la France. Une agression qui pourrait prendre en défaut un modèle français pensé pour des crises « courtes, fortes et proches ».
L’hypothèse centrale commune à tous les scénarios de la guerre froide était celle d’une crise courte. L’idée que le choc avec le Pacte de Varsovie ne durerait pas était absolument centrale. Elle se fondait sur la préparation des deux camps, sur l’ampleur de leurs moyens militaires nucléaires et conventionnels et sur le caractère idéologique de leur opposition. Pour la France, la menace était très proche. Les plans soviétiques situaient la frontière française à moins de dix jours de combat 7. Dans ces conditions, en cas d’attaque surprise appuyée par des frappes nucléaires tactiques, toute mobilisation nationale était illusoire et le « rouleau compresseur » soviétique ne pourrait que difficilement être freiné. Méfiants envers la crédibilité de l’hypothèse de représailles nucléaires américaines, les Français avaient taillé leur dispositif après leur retrait du commandement intégré de l’OTAN pour que les forces françaises de bataille soient toutes entières déployées en Allemagne et soient à la fois la seule unité de réserve de l’Alliance et le seul rempart « conventionnel » du pays, avec comme but de manœuvre l’ambition non de vaincre, mais de tester la détermination de l’ennemi 8.
Que cette force soit détruite ou malmenée, à quelques centaines de kilomètres au plus de Paris, impliquait que la France serait, très rapidement, en situation de menace existentielle, sinon d’anéantissement au moins d’invasion sur fond de bataille nucléaire tactique. Dans ces conditions, centrer l’hypothèse principale de la défense nationale sur la dissuasion thermonucléaire au bord du gouffre faisait parfaitement sens, et l’autonomie de la dissuasion française en renforçait encore la crédibilité, face aux alliés comme face aux adversaires. Le reste de l’OTAN, pour sa part, était préoccupé par deux risques antagonistes : d’une part, l’invasion en bonne et due forme de l’Europe occidentale, et d’autre part la prise de gages limités, le « Hamburg grab » 9. Une telle hypothèse aurait pu voir l’URSS saisir des « tranches de salami » ou des « feuilles d’artichaut » selon les théoriciens, sous la forme de gages territoriaux limités par une attaque surprise avant de s’enterrer et de demander des négociations, contraignant l’OTAN à « passer pour l’agresseur qui escalade » s’il avait menacé de représailles ou tenté de contre attaquer (un modèle que Vladimir Poutine utilise sous la forme modernisée d’une sanctuarisation agressive 10).
Si le risque d’invasion de grande ampleur plaidait pour un dispositif étalé dans la profondeur, celui de la prise de gages limitée, associé aux inquiétudes ouest-allemandes de n’être qu’un champ de bataille sacrificiel, plaidait pour une défense de l’avant, avec le positionnement permanent de toutes les forces de bataille au plus près de la frontière, ne laissant que les forces françaises (qui refusaient la bataille de l’avant) comme seules réserves 11. Américains comme Soviétiques, peu désireux d’avoir à engager un échange nucléaire tactique pouvant déboucher sur une escalade incontrôlable, s’employèrent à trouver, tout au long de la guerre froide, les moyens de retarder le seuil nucléaire le plus longtemps possible, voire de pouvoir l’emporter, au moins dans la bataille d’Europe, par les seules forces conventionnelles.
D’une position centrale d’usage initial dans les années 1950, à l’époque des « représailles massives », les armes nucléaires ne firent que reculer dans l’esprit des belligérants potentiels, pour ne plus être qu’une forme de garantie contre la défaite en rase campagne pour l’OTAN comme le Pacte de Varsovie à la fin des années 1980 12. Le point commun entre les conceptions de l’OTAN et celles de la France restaient l’hypothèse d’une crise courte. Il était alors peu concevable qu’un conflit en Europe dure plus de quelques semaines. La décision devait être emportée par les forces pré-positionnées et par l’afflux rapide des forces de second échelon (venant d’URSS ou d’Amérique du Nord), sans passer par une mobilisation pluriannuelle. Qu’il s’agisse de contrer une attaque menaçant directement ses frontières ou de se porter en soutien de ses alliés, la dissuasion française demeurait la clé de voûte de la stratégie de la France en cas de conflit, capable de neutraliser rapidement toute agression soviétique par une ascension aux extrêmes qui semblait inéluctable si l’adversaire semblait vouloir s’engager de manière résolue, au-delà d’un gage territorial. Une crise « courte, forte et proche » en somme.
L’agression russe de l’Ukraine s’inscrit dans une stratégie pluriannuelle de contournement de la lutte armée 13 qui a échoué et s’est transformée, malgré la volonté des stratèges russes, en un conflit ouvert et prolongé. Elle constitue malheureusement sans doute le modèle des conflits d’agression que la Russie pourrait mener à l’avenir face à l’espace européen. Menant initialement une stratégie de déstabilisation par un mélange d’influence, de propagande et d’actions clandestines ciblées (sabotages, assassinats, cyber attaques), la Russie entreprend le « modelage » de sa cible tout en soufflant le chaud et le froid de manière officielle. Il s’agit d’isoler son adversaire, de semer le doute chez ses soutiens éventuels et au sein de son opinion tout en se créant des points d’appui. Le même schéma s’est dégagé en Géorgie ou en Ukraine hier et pourrait se retrouver en Moldavie, en Finlande ou dans les pays Baltes demain.
Selon une mécanique rôdé, la Russie utiliserait ensuite les opportunités que lui offriraient des crises survenant de manière épisodique ( économiques, migratoires, tensions sociales et ethniques, voire crises climatiques) pour accroître la pression de ses attaques hybrides tout en commençant des opérations armées sous faux drapeau (milices, mercenaires, « petits hommes verts »), notamment pour « protéger » les prétendues minorités russes (ou au moins russophones). Face à des États bénéficiant de garanties explicites de sécurité de la part des États-Unis, la Russie tentera de les faire passer pour les agresseurs, recherchera la conciliation éventuelle d’une administration américaine isolationniste ou occupée en Asie ou au Proche-Orient ou reculera de manière provisoire en patronnant des accords de cessez-le-feu tout en professant son désir de paix et en additionnant les demandes plus larges et sans lien direct avec la crise. Si la crise survient dans un espace « intermédiaire » tel que la Biélorussie (à la faveur d’une révolte) ou la Moldavie, l’engagement russe pourrait être plus direct, surtout si les forces ont été régénérées après une pause ou un arrêt du conflit avec l’Ukraine. Bien entendu, tout au long de la crise, la Russie agiterait la menace nucléaire pour peser sur les opinions (et d’abord la sienne), mais sans signalement stratégique particulier vis-à-vis des trois puissances nucléaires occidentales pour ne pas donner aux spécialistes le sentiment qu’elle sort de la « grammaire nucléaire ». Il s’agit de maintenir une forme de « sanctuarisation stratégique agressive » par la parole, à l’ombre de laquelle la Russie a les mains libres sur le plan conventionnel, en comptant sur le fait que la peur du nucléaire des démocraties occidentales tend, à l’heure des réseaux sociaux, à transformer la dissuasion en une théologie de l’inaction des décideurs politiques.
La crise se prolongeant, elle pourrait déboucher sur des combats ouverts entre les forces d’un pays de l’Union européenne et des unités de l’armée russe, avec ou sans intervention américaine, qui pourraient durer des mois entre déni plausible de la Russie, blocage turc ou hongrois de l’OTAN, polémique sur les réseaux sociaux et atermoiements bruxellois. Pendant le déroulé de cette crise, à aucun moment il ne serait opportun pour la France de faire valoir que l’intégrité du ou des pays menacés constitue un « intérêt vital » pour Paris. Ni l’opinion, ni nos autres alliés, ni la Russie ne jugeraient crédible une menace nucléaire de la part de Paris, qui s’attirerait en outre un feu nourri de critiques en provenance d’une communauté internationale « hors zone OCDE » assez sensible à la question de la retenue dans l’usage, même rhétorique, de l’arme nucléaire.
La crise continuant, en cas de mise en péril de l’intégrité territoriale d’un État de l’Alliance, la question de l’engagement au sol à son profit se poserait. Qu’il se fasse « avec l’OTAN » et sous la justification de l’article 5 du traité de l’Atlantique nord serait le cas le plus favorable, celui que la Russie souhaite éviter : bénéficiant du soutien des forces américaines, de leurs capacités clé de voûte (espace, cyber, C3, dissuasion, guerre électronique), la victoire conventionnelle défensive serait sans doute possible. Encore faudrait-il, pour qu’elle y prenne sa part et tienne ses engagements, que la France soit en capacité de projeter une division de combat, avec ses soutiens, pour de longs mois. L’hypothèse serait alors celle d’une crise qui à défaut d’être proche, serait encore « courte et forte », un conflit dont le risque d’ascension aux extrêmes — s’il ne peut jamais être totalement écarté — pourrait néanmoins être contenu, les dirigeants russes devant comprendre rapidement qu’ils devraient se retirer sous peine de ne pas pouvoir cacher à leur opinion leur défaite face au potentiel de l’Alliance qui leur est très supérieur. Mais ce scénario « OTAN uni » n’est plus (hélas) le seul à considérer. Il est parfaitement possible, au vu de l’évolution de la politique américaine, que les craintes françaises exprimées depuis plus de 70 ans soient finalement fondées, plaçant Paris dans une situation de « victoire morale », mais aussi au pied du mur. Après avoir plaidé pour une défense européenne plus autonome en cas de défaut américain, la France devrait « assumer ».
L’hypothèse d’une Europe qui assume seule la tentative de mise en échec d’une agression russe d’une partie de son espace dans le cadre d’une crise hybride prolongée est un véritable casse-tête. Outre l’aspect diplomatique qui consisterait en la création et surtout au maintien dans la durée d’une coalition de bonnes volontés très dépendantes de l’État, toujours fluctuant, des forces politiques en Europe, il faudrait surtout parvenir sur le plan militaire à assumer un combat potentiellement durable, surtout si la Russie, voyant l’échec (encore) de son contournement de la lutte armée, se décidait à assumer une posture offensive plus transparente après s’être assurée d’un nihil obstat américain. D’un engagement initial de quelques bataillons, la France se retrouverait avec une brigade au bout de quelques semaines, puis une division au bout de quelques mois, au sein d’une coalition hétéroclite pouvant rassembler Britanniques, Belges, Baltes, Polonais, Tchèques, Scandinaves, Canadiens… Mais sans doute sans l’Allemagne, de manière directe, ni la plupart des pays d’Europe occidentale.
Les premiers cercueils des militaires français passant le pont de l’Alma susciteraient une émotion intense, mais on ne va pas au seuil nucléaire pour 10 morts. Ni pour 100. Et pour 1 000 ? Mille morts militaires — professionnels et non conscrits — pour la France serait à la fois immense, mais bien peu au regard de l’histoire ou des hypothèses de la guerre froide, surtout si ce chiffre est atteint au bout de six mois ou un an d’engagement purement conventionnel qui, après quelques mois, n’occuperait plus le devant d’une scène médiatique volatile. Outre le fait que l’armée française serait, au bout de cette année, à la peine pour régénérer un dispositif qui aurait perdu environ 4 000 hommes (avec un ratio de trois blessés pour un tué) et des centaines de véhicules, sa dissuasion pèserait peu dans le conflit : elle se prémunirait contre toute menace nucléaire sur notre territoire national, se sanctuariserait sans doute aussi contre des frappes conventionnelles massives sur la métropole, mais serait peu crédible pour contraindre Moscou… À quoi d’ailleurs ? « Dévoiler ses intentions » ?
Aucun président français ne serait crédible en annonçant à ses adversaires, ses alliés ou le monde qu’il fait de la survie de l’intégrité du territoire estonien une question d’intérêt vital justifiant un « ultime avertissement » sous la forme du tir d’une ou plusieurs armes de 300 kilotonnes, rompant un tabou nucléaire vieux de plus de 80 ans. La Russie, en revanche, aurait beau jeu de rappeler, surtout si elle est en situation de défaite sur le champ de bataille, qu’elle dispose de moyens nucléaires tactiques qu’elle pourrait décider d’employer, y compris sur son propre territoire, pour oblitérer bases ou forces adverses de la coalition européenne, tout en maintenant qu’une guerre nucléaire demeure impossible à gagner et doit être évitée.
Mais même en cas de violation du tabou nucléaire par la Russie sur un champ de bataille qui entraînerait la mort de quelques milliers de militaires européens, serait-il crédible, là encore, d’engager le cœur de la dissuasion dans son format actuel pour contrer cette menace ? La réponse assez candide d’Emmanuel Macron quant à l’absence de réponse nucléaire française à une hypothétique frappe nucléaire russe sur l’Ukraine en 2022 permet au moins d’en douter et, en matière de dissuasion, la volonté du dirigeant est au moins aussi importante que la crédibilité de son arsenal. Une des raisons principales de cette difficulté est que la dissuasion française n’a pas vraiment de « gradation » dans son concept d’emploi et son arsenal. Depuis la disparition de la composante terrestre et de la Force aérienne tactique, son échelle manque de barreaux pour affronter des crises majeures mais non existentielles, trop sérieuses pour qu’on les ignore mais trop lointaines pour qu’on puisse envisager d’assumer la menace radicale d’une destruction mutuelle assurée. Certes, les Forces Aériennes Stratégiques conservent, avec le missile ASMP-A, un moyen aérien permettant des frappes plus « dosées » que les SNLE, mais leur rôle est, comme leur nom le suggère, éminemment stratégique et leur engagement serait porteur d’un signal clair : la France envoie son avertissement nucléaire, elle est prête à monter aux extrêmes, ce qui ne serait pas forcément le cas, loin de là.
Le destin de la dissuasion nucléaire française est sans doute, comme certains l’ont écrit avec à-propos, de ne plus être à l’avenir « chimiquement pure 14 », à la fois dans l’isolement de l’arme nucléaire par rapport aux affrontements conventionnels, mais aussi par l’idée que cette arme ne serait qu’un objet dissuasif en toutes circonstances. Le concept français, on l’a vu, était pertinent lorsque la menace était forte, proche et devait se concrétiser de manière brutale et existentielle. Dans ces conditions, il y avait une vraie logique à refuser le principe même d’une guerre conventionnelle (au-delà d’un choc court) et à s’en remettre à la promesse d’anéantissement mutuel pour stopper l’agression au bord du gouffre. Les déclarations françaises qui concernant son étranger frontalier proche (la République Fédérale d’Allemagne) pouvaient être crédibles, car là encore très proches du territoire national et impliquant un corps de bataille de conscrits. Mais l’extension d’un « parapluie » nucléaire français à l’Europe centrale et orientale, à notre profondeur stratégique, ne peut pas se faire avec la même doctrine ni le même arsenal.
Il ne s’agit pas d’ailleurs seulement d’une question de nombre d’armes ou de format des composantes actuelles, mais plutôt de revoir le cœur de la conception de l’arme nucléaire française. L’exemple américain des garanties à l’Europe est ici éclairant : passées les toutes premières années de la guerre froide et dès qu’exista le risque d’anéantissement mutuel, il était devenu évident que les États-Unis ne seraient pas forcément prêts à risquer leur survie s’ils pouvaient espérer, sans désavouer leurs alliés, contenir un conflit au continent européen. La conséquence fut d’une part que les forces conventionnelles prirent une importance croissante et, d’autre part, que les États-Unis, pour prévenir tout découplage en cas d’attaque nucléaire soviétique limitée au continent européen, se dotèrent de moyens à portée limitée pour offrir une garantie crédible de riposte nucléaire depuis l’Europe qui n’engagerait pas le cœur de la triade protégeant l’Amérique du Nord. Cet exemple peut servir de guide pour penser l’avenir d’une forme de dissuasion nucléaire française au profit de l’espace européen.
Cela supposerait bien entendu de commencer par admettre que Berlin, Varsovie ou Tallin ne seront jamais Paris. Il n’y a d’ailleurs ni mépris ni abandon dans cette remarque, simplement le constat lucide que l’organisation actuelle de l’Europe en États nations repose sur une réalité de communautés nationales qui, si elles peuvent être proches, solidaires et confraternelles, ne sont néanmoins ni fongibles ni vouées à se sacrifier les unes au détriment des autres. Mais elles peuvent partager leur défense, et le font déjà pour la plupart au sein de l’OTAN. Pour qu’elle soit crédible, une garantie nucléaire française doit respecter cette réalité, tout en respectant aussi l’ordre nucléaire mondial et sa clé de voûte, le Traité de non prolifération. Il est donc exclu à la fois de transférer des armes nucléaires « à l’Europe », mais aussi d’encourager une prolifération nationale d’autres pays européens.
La première crédibilité de la dissuasion nucléaire française au profit d’une Europe qui serait au moins en partie « abandonnée » par l’allié américain passe donc par le renforcement des forces conventionnelles françaises. Pas pour recréer un corps de bataille sacrificiel de conscrits, mais pour mettre à disposition de l’Alliance, comme Paris s’y est engagée, des forces de combat terrestre d’un volume suffisant (une division avec l’arme aérienne et le soutien naval associés), pouvant être soutenue et relevée dans la durée, malgré des pertes lourdes. Cela suppose un effort capacitaire et industriel, mais aussi humain. Pas sous la forme d’un service national, mais plutôt d’un accroissement volumétrique de la réserve opérationnelle, en nombre mais aussi en jours d’activité annuels. Si, comme le soulignait le chef d’État major de l’armée de terre, avant de penser volume il faut penser cohérence, on ne peut pas faire l’économie de penser le nombre et les pertes. Cet effort est complémentaire du renforcement de la défense antiaérienne et antimissiles ou de l’acquisition de capacités de frappes conventionnelles dans la profondeur, qui donneraient là encore plus de flexibilité pour gérer une escalade avec la Russie.
Ajoutons qu’il faut aussi être prêts à faire cet effort dans le temps long. Si un éventuel conflit entre la Russie et l’espace européen serait sans doute bien moins violent que les hypothèses de 1964-1991, il serait sans doute plus long et pèserait sur des forces plus petites qui doivent gagner autant en profondeur temporelle qu’en cohérence et en masse. Pouvoir non pas dire, mais montrer à nos alliés et nos adversaires que « nous serons là, en nombre, dans la durée » est la première condition pour être crédibles et dissuasifs. Et pouvoir envisager de mettre en échec une agression russe par des moyens purement conventionnels est à la fois devenu possible et tout à fait souhaitable. Dans l’État actuel des choses, tant que dure au moins la garantie nucléaire américaine au profit de l’Europe, il est possible d’en rester là : européaniser la dissuasion française tant que Washington demeure fiable aux yeux de nos alliés n’est sans doute pas envisageable. Or, les États-Unis pourraient vouloir à la fois se retirer ou s’abstenir en cas de crise sur le plan conventionnel, mais maintenir une forme de garantie nucléaire en dernier ressort.
Et si les États-Unis « partaient » ou que certains pays d’Europe admettaient, à l’image de la France, que leur garantie nucléaire pourrait être incertaine ? Bruno Tertrais évoquait la première possibilité dans ces pages en parlant d’un « scénario Trump », qui se traduirait par un lien transatlantique nucléaire délibérément cassé par le président-élu américain. Alors, la seconde étape de la crédibilité serait de disposer, à l’image des Euromissiles, d’une forme d’arsenal « bis », séparé du cœur de la dissuasion nationale qui reposerait toujours sur le tandem FAS-FOST. Centré sur une composante terrestre (missiles balistiques et de croisière sur transport érecteur lanceur), cet arsenal de quelques dizaines d’armes pourrait être basé en totalité hors de France, dans des pays partenaires volontaires, via des accords bilatéraux avec Paris, à l’image des accords permettant aujourd’hui l’implantation d’armes nucléaires américaines en Europe. La dualité des vecteurs serait assumée, ce qui est moins problématique pour des forces non stratégiques (après tout, un Rafale est déjà un « vecteur dual »), et ces forces pourraient à la fois contribuer aux frappes conventionnelles dans la profondeur et permettre d’assumer une escalade nucléaire « non stratégique » si la Russie souhaitait s’engager sur ce terrain. Cet arsenal « bis », qui demeurerait la propriété de la France sous son contrôle exclusif pour être en conformité avec le TNP, offrirait, en cas de crise, une précieuse réassurance collective et une étape intermédiaire dans le dialogue nucléaire, susceptible de répondre aux armes nucléaires tactiques russes engagées contre les forces françaises ou le territoire de ses alliés sans que ses options se limitent à « le M51 ou rien ». Bien entendu, le coût de cette restauration de la composante terrestre ne serait pas négligeable et il serait souhaitable que les pays qui en bénéficient puissent contribuer d’une manière ou d’une autre à la prise en charge de ce fardeau commun, là encore sans violer le cadre de la non-prolifération. La séparation de cet arsenal du reste des forces de dissuasion rendrait la démarche budgétaire plus facile.
Le dernier élément de crédibilité, celui qui en fait fonde les autres, serait une évolution de la doctrine française et de sa pensée stratégique, pour la mettre en cohérence avec les enjeux européens et le niveau de la menace. Encore une fois, il s’agit de défendre de manière crédible une profondeur stratégique qui n’est pas nationale, sans prétendre de manière fallacieuse que son intégrité est « vitale » pour nous. La prise en compte de l’arsenal « bis » impliquerait de construire une doctrine qui serait toujours dissuasive et défensive. La France peut et doit continuer de refuser le principe de la « bataille » nucléaire stratégique. Mais elle peut aussi admettre que certaines armes nucléaires de faible puissance pourraient avoir leur utilité, séparément des forces stratégiques, pour contrer le risque d’usage de telles armes par la Russie, notamment si elle voyait ses forces conventionnelles s’effondrer face à l’Alliance et qu’elle souhaitait pour des raisons de politique intérieure notamment, renverser la table pour éviter la défaite en combinant usage militaire du nucléaire tactique et sanctuarisation agressive par menace nucléaire stratégique. La réponse « flexible » de l’arsenal « bis » français dans le cadre d’une dissuasion européenne « intégrée », cohabitant avec sa propre sanctuarisation stratégique, mettrait ainsi en échec cette option russe — la dissuaderait — et préserverait ce qui resterait le cœur de la réponse alliée, une action défensive conventionnelle. In fine, la France aurait préservé à la fois ses alliés et sa propre liberté d’action, ce qui est un des bénéfices les plus précieux de la dissuasion.
Admettons-le, ces réflexions reposent sur des hypothèses qui peuvent sembler lointaines ou impensables, hétérodoxes, voire hérétiques pour certains. La plus insupportable pour la plupart de nos alliés étant le retrait de la garantie américaine ou son affaiblissement terminal. Pourtant, en 2024, ce risque n’a jamais été aussi élevé depuis 1947 et la situation de la conflictualité en Europe n’a jamais connu un tel emballement depuis la fin des années 1970. Si nous voulons parvenir à éviter à la fois la guerre et la soumission, comme nous y sommes parvenus face à l’URSS, il faut élaborer une nouvelle posture défensive cohérente et crédible. La dissuasion française a admirablement rempli ce rôle ambigu au sein de l’Alliance jusqu’à la chute du mur de Berlin, lorsque la menace était à 300km de ses frontières. Maintenant qu’elle est à 1 500 kilomètres, il faut repenser la totalité de notre modèle de forces et de notre doctrine dissuasive, pour retrouver d’abord une capacité conventionnelle crédible qui sera suffisante tant que la protection américaine sur l’Europe sera crédible, et commencer à réfléchir au format et à la doctrine qui pourraient permettre d’offrir une forme de garantie de sécurité nucléaire élargie à l’Europe qui soit crédible. Ne pas le faire pourrait contribuer à encourager certains pays d’Europe à rechercher, de manière autonome, leur propre dissuasion, relançant les risques de prolifération au cœur du continent. Bien entendu, à l’heure où la France traverse des difficultés budgétaires durables, ce débat impose des choix et, sans doute, des renoncements qui doivent être affrontés en conscience, non par les armées ou la technostructure, mais bien par la classe politique.
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21.11.2024 à 12:21
Marin Saillofest
Les dirigeants ukrainien et russe ont répété ces derniers jours qu’ils étaient ouverts à des négociations de cessez-le-feu mais qu’ils s’opposaient à toute concession territoriale – pour l’Ukraine, de son territoire internationalement reconnu, et pour la Russie des zones qu’elle contrôle militairement. Pour penser la fin de la guerre, il faut revenir sur les raisons de l’échec des accords de Minsk.
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Cinq ans avant l’arrivée au pouvoir de Volodymyr Zelensky en mai 2019, la Russie et l’Ukraine signaient les accords de Minsk visant à mettre fin à la guerre du Donbass. Lancée après l’invasion russe de la Crimée au printemps 2014, celle-ci opposait Kiev à des séparatistes pro-russes dans les oblasts de Donetsk et Louhansk soutenus par la Russie.
Les accords de Minsk I et II sont aujourd’hui largement perçus comme un échec. Malgré l’implication de la France et de l’Allemagne en tant que médiateurs au sein du format Normandie, les cessez-le-feu prévus ont été violés à de nombreuses reprises.
Après plus de 1 000 jours de guerre à haute intensité, la population ukrainienne est aujourd’hui, selon plusieurs enquêtes d’opinion, majoritairement favorable à une solution négociée pour mettre fin à la guerre — un revirement significatif par rapport aux deux premières années du conflit 2. Malgré l’apparente ouverture de Poutine à la négociation d’un accord de cessez-le-feu et les récentes déclarations de Zelensky en ce sens, les deux parties s’opposent à toute concession territoriale 3. La question des garanties de sécurité constitue elle aussi une pomme de discorde majeure.
Il est difficile à ce jour de voir comment Donald Trump, une fois investi, serait en mesure de pousser les deux camps à négocier un accord que Poutine considérerait comme une victoire tout en garantissant à l’Ukraine des garanties de sécurité suffisantes pour éviter la répétition de l’échec de Minsk.
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21.11.2024 à 06:30
Marin Saillofest
Des responsables américains, européens, canadiens, singapouriens, britanniques et kényans sont réunis actuellement à San Francisco pour l’inauguration du Réseau international des instituts de sécurité de l'IA. Cette initiative, lancée en mai dernier suite au sommet sur l’IA de Séoul, vise à créer une approche commune face aux nouveaux risques posés par l’intelligence artificielle. Le retour de Trump à la Maison-Blanche menace toutefois cette ambition.
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En mai dernier, Séoul accueillait un important sommet international sur l’IA organisé conjointement par le Royaume-Uni et la Corée du Sud. Celui-ci faisait suite au premier sommet international sur la sécurité de l’intelligence artificielle organisé 6 mois plus tôt à Bletchley Park, lieu célèbre pour avoir constitué le centre névralgique des opérations de décryptage pendant la Seconde Guerre mondiale.
C’est l’objet de la réunion qui se tient en ce moment à San Francisco. Organisée conjointement par le département d’État et du Commerce américains, celle-ci vise à inaugurer le lancement du Réseau international des instituts de sécurité de l’IA 2. Cette initiative, qui regroupe pour le moment 35 pays (dont les 27 membres de l’Union européenne), consiste en un réseau d’instituts dont le rôle est de développer une feuille de route afin de rendre l’utilisation de l’IA plus sûre.
La « sécurité de l’IA » constitue un domaine de recherche à part entière qui se décompose en deux principaux champs : la sécurité technique et des processus 3.
À deux mois de son investiture, la réunion se tient dans l’ombre de Donald Trump. Ce dernier s’est engagé durant la campagne à annuler le décret signé par Biden en novembre 2023 imposant des règles aux entreprises développant des modèles d’IA. La plateforme du Parti républicain adoptée en juillet précise que le président-élu, une fois à la Maison-Blanche, abrogera « le dangereux décret de Joe Biden qui entrave l’innovation en matière d’IA et impose des idées de gauche radicale au développement de cette technologie » 5.
La position globale de Trump vis-à-vis de l’intelligence artificielle est quant à elle plus floue. S’il pourrait conserver le réseau des instituts de l’IA, considéré comme important par la future administration, son proche allié Elon Musk est plus sceptique vis-à-vis de l’utilisation de la technologie par certains acteurs majeurs, dont l’entreprise OpenAI, contre laquelle il a intenté un procès en août 6.
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