Des migrants se pressent aux portes du Vieux Continent, les services d'accueil sont débordés, la droite crie à l'invasion, la gauche se divise, les capitales européennes se rejettent la responsabilité, puis tout le monde passe à autre chose, jusqu'à la prochaine « crise ». Vu d'Europe, le scénario est connu. Mais vu d'Afrique ?
Par les réactions qu'elles suscitent, les émeutes urbaines à répétition reflètent l'évolution du paysage politique français, passé au rouleau compresseur sécuritaire et identitaire. Hier avancée comme une évidence, l'explication sociale se trouve reléguée à l'arrière-plan ; en faire état est aujourd'hui proscrit.
Oubliés, les tumultes de l'été dernier. Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, menaçait alors les Italiens de représailles s'ils portaient au pouvoir Mme Giorgia Meloni. Désormais, les deux dirigeantes, l'une de droite, l'autre d'extrême droite, s'affichent tout sourire devant les photographes, échangent des amabilités sur les réseaux sociaux et partent en voyage ensemble en Tunisie. La présidente du conseil italienne, que l'on disait « populiste », « illibérale » et « postfasciste », est devenue en quelques mois une partenaire sérieuse et raisonnable. Mme Meloni a vite compris la recette pour opérer cette métamorphose. Sitôt installée au palais Chigi, elle a concocté un budget de rigueur, taillé dans les dépenses sociales et mis en sourdine ses critiques contre le carcan de Bruxelles — autant (...)