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21.07.2025 à 18:05

Des bactéries pour produire du plastique ? Deleuze y avait déjà pensé

hschlegel

Des bactéries pour produire du plastique ? Deleuze y avait déjà pensé hschlegel lun 21/07/2025 - 18:05

On connaissait les bactéries mangeuses de plastique. Saviez-vous qu’il existe aussi des bactéries productrices de plastique ? Et qu’elles donnent raison à l’idée avancée par Gilles Deleuze et Félix Guattari selon laquelle le vivant et la machine s’interpénètrent. 

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Ce sont les conclusions d’une étude récente publiée par une équipe de l’institut coréen Kaist : « Nous rapportons ici la biosynthèse et la caractérisation d’un groupe de biopolymères, les polyester/amides (PEA), chez Escherichia coli. » Si le nom de cette bactérie de vous dit rien, vous avez sûrement déjà croisé sa route : nous lui devons bon nombre de nos diarrhées. Précision nécessaire : les souches capables de produire des composants plastiques sont des souches « génétiquement modifiées ». Étant donné le peu d’enjeux éthiques associés au sort des microorganismes et la vitesse de multiplication des bactéries, il est bien possible que les bioplastiques se développent rapidement dans un avenir proche.

Les (tout) petits producteurs

Ce ne serait pas la première fois que l’être humain exploite ses cousins vivants. Si des animaux et des végétaux, nous tirons principalement des biens alimentaires qui nourrissent notre métabolisme vital, les exemples ne manquent pas où d’autres formes du vivant sont mises au travail pour produire des matières premières non alimentaires. Grâce aux végétaux, nous obtenons du bois, des textiles (lin, coton), du chanvre, du raphia, des colorants ou encore du caoutchouc (à partir du latex d’hévéa notamment, mais le caoutchouc de pissenlit commence aussi à être utilisé pour fabriquer des pneus). Des animaux, nous obtenons de la laine, de la soie, du cuir, du duvet et des plumes, de l’os et de l’ivoire, de la cire, des poils et du crin (pour des brosses), ou encore de la laque naturelle (à partir notamment de la résine sécrétée par la cochenille asiatique).

➤ À lire aussi : Quand les bactéries mangeuses de plastique se multiplient

Pourquoi les microorganismes comme les bactéries feraient-ils exception ? De nombreux sont déjà – ou pourraient être – employés dans les biotechnologies industrielles. Chromobacterium violaceum et Serratia marcescens produisent des pigments. Bacillus subtilis, et Streptomyces sp., des enzymes utilisables dans des détergents, dans les procédés de blanchiment du papier, etc. Sporosarcina pasteurii est capable de générer un ciment bactérien. Bacillus thuringiensis, des hormones et toxines végétales mobilisables dans les intrants agricoles. Komagataeibacter xylinus, elle, est utilisée dans la confection d’un biocuir de cellulose. Certaines versions génétiquement modifiées d’Escherichia coli ou de Pseudomonas peuvent produire des acides gras, solvants verts, polyesters. Si certaines souches d’Escherichia coli sont capables de synthétiser des plastiques, ce ne sont pas les seules : Cupriavidus necator ou Ralstonia eutropha ont la même propriété.

“Tout produit partout sans arrêt”

Si nous voyons spontanément la production comme une affaire humaine, il n’en est rien – et nos procédés de fabrication reposent à bien des égards sur des produits d’origine non humaine. Comme l’écrivent Gilles Deleuze et Félix Guattari dans l’Anti-Œdipe (1972), « homme et nature ne sont pas comme deux termes l’un en face de l’autre, […] mais une seule et même réalité essentielle du producteur et du produit. La production comme processus déborde toutes les catégories idéales ». Tout produit partout sans arrêt. La réalité est tissée d’un réseau enchevêtré de « machines » qui « coupent » des flux et en génèrent d’autres, que d’autres machines recoupent. Escherichia coli coupe des flux de glucose de la biomasse environnante et produit des polyester/amides, qui peuvent être utilisés dans des machines industrielles, comme l’est a soie du ver par le métier à tisser. La machine solaire produit un rayonnement énergétique qui est capturé par les arbres et, couplé au flux de minéraux des machines terrestres et atmosphériques, participe à l’autoproduction des corps de bois, qui sera (littéralement) coupé par des machines techniques. Chaque machine conjoint différents flux et en engendre de nouveaux.

Dans bon nombre de cas, la machine organique sur laquelle s’étaie la machine industrielle est détruite, emportée dans le processus de production : la bête est tuée pour obtenir son cuir. « Les pièces de la machine sont aussi bien le combustible » pour d’autres. Mais ce n’est pas toujours le cas : seul le produit extériorisé de la machine sert parfois à alimenter d’autres dynamiques de fabrication. C’est le cas du ver à soie ou des bactéries productrices de plastique. Certains cas sont, en quelque sorte, entre deux. Beaucoup des bactéries que nous utilisons pour produire certains composants ont dû être modifiées par édition génétique : un flux de bactéries est capté par une machine de bio-ingénierie qui les transforme en machines biologiques « utiles », utilisables pour l’industrie. Comme le disent Deleuze et Guattari, il y a sans cesse « production de production ». Nous nous produisons sans cesse : nous produisons notre propre corps producteur, des équipements qui en augmentent les capacités productives et des machines pour produire ce que nos mains ne peuvent produire.

 

Le parallèle entre la soie et le plastique est frappant. L’homme a appris il y a plusieurs siècles à extraire le filament du ver. Bien plus tard, nous avons découvert, dans une forme de biomimétisme, comment synthétiser de la soie artificielle par des processus chimiques. Avec le plastique, c’est l’inverse. Nous avons commencé par découvrir comment synthétiser du plastique à partir de substances pétrolières : en 1907, le chimiste américain Leo Baekeland crée la bakélite, la première forme de plastique. Désormais, nous découvrons que certaines machines vivantes sont capables d’arriver au même résultat. Différents dispositifs productifs – biologiques ou artificiels – peuvent aboutir au même résultat, de même qu’ils peuvent se connecter dans tous les sens les uns aux autres. N’est-ce pas l’indice de ce que, comme le pensaient Deleuze et Guattari, « il y a autant de vivants dans la machine que de machines dans le vivant » ? Comme incessant procès de production, le réel palpite, en deçà du grand partage du vivant et de l’inerte, d’une « vie inorganique », d’une « puissance ».

juillet 2025
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21.07.2025 à 14:18

Faut-il être craint pour être libre ? Thucydide répond… à Emmanuel Macron

hschlegel

Faut-il être craint pour être libre ? Thucydide répond… à Emmanuel Macron hschlegel lun 21/07/2025 - 14:18

« Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant » : la phrase prononcée par Emmanuel Macron dans son traditionnel discours la veille du défilé du 14 juillet a marqué. Une liberté basée sur la crainte, donc : que doit-on vraiment entendre par cette phrase ?

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La puissance garantit la souveraineté…

Résignée et pessimiste, cette sortie d’Emmanuel Macron n’en est pas moins réaliste et pragmatique (deux mots qu’affectionne le président). Car elle prend acte d’un monde dans lequel la force l’emporte toujours plus sur le droit. Nous ne pouvons plus simplement compter sur la reconnaissance mutuelle des États pour garantir l’indépendance de chacun : la liberté doit être conquise et activement défendue. L’un des grands fondateurs du principe de la realpolitik, Nicolas Machiavel, auquel Macron a consacré son mémoire de M1, ne disait pas autre chose dans Le Prince (1532) : « Il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. » Machiavel l’affirmait certes à propos des rapports entre le prince et ses sujets, mais la transposition aux rapports d’un État aux autres États semble – pour le président en tout cas – aller de soi. La puissance est la garantie de la souveraineté.

…mais gare aux excès !

Cependant, on ne peut pas tout axer sur la puissance et la crainte qu’elle inspire. Dès l’Antiquité, une autre grande figure de la realpolitik, Thucydide (v.460-400 av. J.-C.), avertissait des dangers d’une telle politique. Dans La Guerre du Péloponnèse, il cherche à comprendre les racines du conflit qui opposa, entre 431 et 404 av. J.-C. d’un côté Athènes, à la tête de la ligue de Delos, de l’autre Sparte et ses alliés de la ligue du Péloponnèse. Ce qui fait l’originalité de la démarche de Thucydide, c’est la recherche des causes des événements. L’historien distingue deux types de causes. Il y a d’abord les prétextes de la guerre, les causes directes mais superficielles : l’affaire de Corcyre et celle de Potidée. Mais il y a aussi, pour Thucydide, des causes beaucoup plus profondes, géopolitiques :

“La cause véritable, mais non avouée, en fut, à mon avis, la puissance à laquelle les Athéniens étaient parvenus et la crainte qu’ils inspiraient aux Lacédémoniens, qui contraignirent ceux-ci à la guerre”

Thucydide, La Guerre du Péloponnèse

Athènes, au fil des années, était en effet devenue une superpuissance locale, qui dominait bon nombre d’autres cités. Ses politiques « impérialistes » suscitaient, dans beaucoup de cités, une vive hostilité. Si la crainte permit de contenir la rébellion contre les politiques abusives imposées par les Athéniens, la situation finit par imploser lorsque Sparte, inquiète pour son autonomie, prit les armes pour ne pas tomber sous domination athénienne. Ainsi, « les Eginètes, par crainte des Athéniens, […] se joignaient aux autres pour pousser à la guerre, disant qu’ils n’avaient plus la liberté que leur garantissait le traité » avec Athènes. La guerre se soldera finalement par la défaite d’Athènes et la fin de son hégémonie. Alors que la puissance devait dissuader les autres cités d’entrer en guerre contre les intérêts athéniens, l’excès de puissance se retourna contre Athènes. 

Le règne du soupçon

Chez beaucoup d’auteurs antiques, la crainte est regardée avec circonspection en politique. Déjà, le présocratique Chilon recommande : « Mérite d’être aimé : redoute d’être craint. » Isocrate, lui aussi, qui vécut à l’époque de la guerre du Péloponnèse, fait l’éloge du stratège Timothée qui « agissait pour n’être craint d’aucune ville grecque et pour les rassurer toutes ». Les relations inter-étatiques fondées sur la peur ne sont pas stables. De son côté, Cicéron notera ce paradoxe dans son Traité des devoirs (De officiis) : « Si vous voulez être craint, nécessairement vous aussi redouterez ceux qui vous craignent. » S’efforcer d’être craint pour protéger son indépendance introduit en effet, chez celui qui craint, le sentiment que sa liberté est menacée par les politiques de puissance.

 

Sans doute la France d’Emmanuel Macron n’est-elle pas vraiment comparable à l’antique Athènes. Nous n’avons pas les moyens d’exercer, même régionalement, une forme d’hégémonie. Notre puissance limitée ne nous permet pas d’imposer à nos voisins les termes abusifs qu’Athènes put faire subir aux autres cités. Acquérir plus de puissance vise surtout à défendre l’indépendance du pays, plus qu’à servir des politiques expansionnistes. N’en demeure pas moins que la puissance, pour des États plus faibles, ne peut manquer d’apparaître comme une menace. Qu’on le veuille ou non, la puissance biaise les rapports, et comme le notait Albert Camus, « rien n’est plus méprisable que le respect fondé sur la crainte » (Carnets I). C’est donc avec beaucoup de précaution que la crainte doit être maniée en géopolitique.

juillet 2025
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21.07.2025 à 08:00

“Regards oppositionnels” : prendre acte de la différence avec bell hooks

nfoiry

“Regards oppositionnels” : prendre acte de la différence avec bell hooks nfoiry lun 21/07/2025 - 08:00

Dans Regards oppositionnels, un recueil d’articles tout juste traduits en français, la philosophe et militante bell hooks s’intéresse à la façon dont le regard des Blancs façonne encore largement les représentations noires, ainsi que leur psyché, dans la culture populaire. Dans notre nouveau numéro, Victorine de Oliveira vous en dit plus. 

juillet 2025
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20.07.2025 à 15:00

Chercher ou trouver : le vertige Picasso de l’IA

hschlegel

Chercher ou trouver : le vertige Picasso de l’IA hschlegel dim 20/07/2025 - 15:00

Les IA vont sans doute remplacer les moteurs de recherche dans nos usages quotidiens. Mais chercher rend actif et épouse la complexité du monde. C’est cette qualité que nous allons réduire en cendres, démontre le romancier et essayiste Paul Vacca, qui nous propose cette intervention. 

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« Je ne cherche pas, je trouve » : cette déclaration de Picasso, en apparence simple provocation de génie, révèle une tension fondamentale. Chercher et trouver ne sont pas systématiquement liés. À l’inverse du maître, nous errons souvent dans des recherches infructueuses. Pire : nous persistons parfois à chercher alors que nous avons trouvé, prisonniers de nos biais de confirmation, l’enquête ne servant alors qu’à valider nos croyances. Le peintre pointait ainsi, peut-être malgré lui, une énigme philosophique : la relation entre la quête et la découverte est intrinsèquement… cubiste.

Google gagnerait à méditer cette maxime. Non par amour de l’art, mais parce qu’elle touche au cœur de son dilemme actuel : l’impact de l’IA générative sur son moteur de recherche.

L’édifice platonicien en péril

L’empire Google s’est bâti sur un postulat : trouver est le fruit d’une recherche. On navigue dans Google comme dans une grande bibliothèque pour accéder au résultat de notre recherche. D’où jaillit parfois un eurêka. Les chatbots, en revanche, sont capables de livrer des réponses sans requête exploratoire. En cela, ils bouleversent ce bel ordonnancement rationnel. Ils attentent à l’hégémonie du géant de Menlo Park, qui a préféré réagir. Plutôt que de camper sur sa ligne de front, Google a annoncé l’intégration d’un « mode IA » à son moteur de recherche. 

Or n’est-ce pas introduire le cheval de Troie dans la citadelle du search adossée à ses 198 milliards de dollars de revenus publicitaires liés à cette activité de recherche ?

“Exiger de l’IA une véracité qui n’est pas sa nature (elle ne produit que du vraisemblable) ou la réduire à un super-moteur, alors qu’elle n’est qu’une formidable machine à hypothèses, est voué à l’échec” Paul Vacca

 

Car la toute-puissance de Google repose en réalité sur un socle fragile : l’illusion de la « transparence ». Son génie fut d’ériger, via un design minimaliste et spartiate aux apparences académiques – en totale opposition avec ses concurrents d’alors comme Yahoo! ou Altavista avec leurs interfaces chargées et clinquantes – un temple platonicien de la recherche. Comme si son fronton invisible proclamait : « Ici, point de commerce, seulement la Vérité servie. »

Cette Vérité, même si nous l’oublions souvent, n’est qu’une construction. Le dépouillement esthétique, loin d’être innocent, participe activement à cette mise en scène, occultant un écosystème où la visibilité s’achète. Et où, selon l’adage qui s’échangeait dans les open spaces de la Silicon Valley, le meilleur endroit pour cacher un cadavre était la page 2 de Google, jamais visitée... 

Reste que Google propose bien un terrain de « recherche », un espace où l’on peut naviguer parmi une polyphonie de sources, d’approches et de perspectives. Son système, même s’il est façonné par des logiques algorithmiques et commerciales, offre encore une possibilité — même imparfaite — d’ouvrir la voie au doute, aux errements, à la remise en question et à la complexité. Bref, à ce que nous appelons chercher.

“Face à un moteur de recherche qui ne fait que soumettre, l’IA  incarne un nouveau pouvoir de définition de la vérité qui ne débat plus, mais exclut par conception” Paul Vacca

 

Or l’introduction de l’IA générative dans le temple du search risque d’affaiblir la puissance du dogme. En tentant de contrer OpenAI, Google adopte peut-être la pire des stratégies : le cocktail indigeste de deux logiques antagonistes. Plutôt que de défendre sa forteresse historique, il dénature son ADN en créant un amalgame instable. Exiger de l’IA une véracité qui n’est pas sa nature (elle ne produit que du vraisemblable) ou la réduire à un super-moteur, alors qu’elle n’est qu’une formidable machine à hypothèses, est voué à l’échec. En hybridant deux logiques antagonistes, Google risque de ne plus constituer un socle fiable de recherche tout en échouant à devenir un oracle crédible de l’IA.

Mais au-delà du cas Google, qui ne nous empêche pas de dormir, ce « moment Picasso » inauguré par l’IA ne serait-il pas plus profondément en train d’aggraver notre rapport déjà précaire à la vérité ?

L’illusion d’une perspective unifiée

Prenons l’exemple d’une recherche sur « les causes de la guerre en Ukraine ». Un moteur de recherche vous proposera – pour peu que vous cheminiez au‑delà de la première page, évidemment – une mosaïque de points de vue : politistes et géopoliticiens proposant leurs propres grilles de lectures, historiens rappelant la longue mémoire impériale russe, économistes pointant les dépendances énergétiques, sociologues explorant les fractures identitaires post‑soviétiques, sans oublier les voix ukrainiennes ou russes mettant en avant leurs rapports complexes… Cette pluralité oblige à naviguer entre archives, cartes et controverses multiples. L’IA générative, elle, livre en quelques secondes un récit « calibré » où chaque facteur est pondéré, les responsabilités diluées dans une « conjonction de causes » servant une explication. Les tensions deviennent presque une ligne claire. Ce qui pourrait évidemment être tout à fait satisfaisant, mais comme l’aboutissement d’un travail, non comme une approche préalable.

Prenons maintenant « les causes du changement climatique ». Un moteur de recherche exhibe – pour peu qu’on pousse un peu la recherche évidemment – les rapports du GIEC, mais aussi des travaux d’économistes du développement, des études sur l’agriculture, des éditoriaux climato‑sceptiques, des analyses de justice environnementale, des tribunes militantes… : un kaléidoscope de points de vue qui se chevauchent, se contredisent, s’affrontent ou s’ignorent. L’IA générative distille tout cela en une synthèse où « les activités humaines » sont retenues comme cause majeure, assorties d’une liste de solutions consensuelles sur le mode « y’a qu’à / faut qu’on » qui invisibilise ou du moins gomme fortement les conflits d’intérêts, les rapports de force et les questions politiques, sociales ou de modes de vie. 

Ce qui s’efface ici n’est pas l’information brute, mais le travail même de la recherche : le relief d’un champ de bataille où vous pouvez confronter les sources, appliquer un doute méthodique et embrasser des lectures croisées. Avec un moteur de recherche, vous cheminez, bon an mal an, parmi les différentes approches ; alors que l’IA vous offre, en quelques secondes, une synthèse lissée et homogénéisée, après avoir slalomé entre les controverses, donnant l’illusion qu’il existe — par un effet de court-circuitage du processus intellectuel — une perspective unifiée : celle d’un consensus déjà établi, comme un état de fait, pas comme une possibilité.

“Avec l’IA, ce qui s’efface n’est pas l’information brute mais le travail même de la recherche – aggravant par là notre rapport déjà précaire à la vérité” Paul Vacca

 

Or cette illusion de consensus pourrait bien cacher quelque chose de plus profond : une mutation dans notre rapport à la vérité elle-même. Michel Foucault parlait de régimes de vérité : ces systèmes sociaux et institutionnels qui définissent ce qu’il est possible de dire, de penser, de croire. Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les institutions classiques qui régulent le vrai, mais les dispositifs technologiques eux-mêmes – moteurs de recherche, modèles de langage, algorithmes de recommandation – qui filtrent à la source ce qui a droit de cité. 

À la question « Est-ce que Terre est plate ? », l’IA répond :

“Non, la Terre n’est pas plate. Elle est quasiment sphérique, plus précisément une sphère légèrement aplatie aux pôles – on appelle cela un géoïde. Cette forme a été confirmée par des siècles d’observations scientifiques. Les idées selon lesquelles la Terre serait plate sont des théories du complot largement discréditées. Elles n’ont aucun fondement scientifique sérieux”

Cette réponse tout à fait rationnelle et justifiée constitue néanmoins une obturation du débat, fût-il absurde. Il ne s’agit pas de défendre le complotisme platiste – qui, comme chacun sait, se répand bêtement tout autour du globe –, mais de pointer que certains énoncés se retrouvent simplement hors-champ, non par réfutation rationnelle, mais par conception du système. En définitive, l’IA se trouve face à un dilemme : en évoquant certains discours, elle les valide implicitement, mais en les ignorant, elle les rend invisibles. Elle incarne ainsi, face à un moteur de recherche qui ne fait que soumettre, un nouveau pouvoir de définition de la vérité qui ne débat plus, mais exclut par conception. Cet escamotage n’est pas un bug : c’est bien la feature du système. 

Réenchanter la recherche à l’ère de l’IA 

Parfois, « chercher » ne vise qu’à épouser un temps la complexité du monde, tandis que « trouver », obsédé par son but, la réduit en cendres. Dans son obsession à toujours « trouver », l’IA générative ne cherche plus : poussée par une rationalité en surchauffe, elle bascule dans le vertige de ses « hallucinations », ces fictions spéculatives nées d’une machine qui s’épate de maîtriser l’ordre des choses.

Cette capacité immédiate à trouver a un coût : elle désenchante la connaissance. Alors l’allégeance de Google au « mode IA » sera-t-elle un suicide économique ou une mutation salvatrice ? Laissons la firme à son propre karma. Quant à nous, plus urgemment, pensons à sauver notre propre moteur de recherche : en réenchantant notre soif de chercher.

juillet 2025
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20.07.2025 à 08:00

Remettre la poésie au pas ? Un extrait de la “République” de Platon commenté

nfoiry

Remettre la poésie au pas ? Un extrait de la “République” de Platon commenté nfoiry dim 20/07/2025 - 08:00

Dans la République, Platon glorifie le poète au moment même où il décide de le bannir de sa Cité idéale. Si certains doivent partir, d’autres restent les bienvenus… à condition de se soumettre aux ordres du législateur. La preuve avec un extrait commenté que nous vous proposons dans notre nouveau numéro.

juillet 2025
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19.07.2025 à 14:00

La Lituanie, le pays qui attend la guerre

hschlegel

La Lituanie, le pays qui attend la guerre hschlegel sam 19/07/2025 - 14:00

La Lituanie, ce pays balte à l’est de l’Union européenne, est sur le pied de guerre. Elle ne se demande pas si la Russie attaquera son ancienne colonie, mais quand. En attendant, ses habitants et ses intellectuels se posent des questions pratiques et éthiques sur l’attitude à adopter. Reportage à Vilnius.

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22 mai 2025 au centre de Vilnius. Aujourd’hui, dans une cité souvent baignée dans la brume, le soleil est de sortie, comme pour colorer ce jour particulier d’une atmosphère festive. Mais celle-ci est aussi martiale. Sur l’avenue Gediminas, la circulation est coupée. Les habitants brandissent des fanions aux couleurs de la Lituanie et de l’Allemagne. Les drapeaux ukrainiens sont partout, eux aussi. Les militaires, bérets rouges ou noirs vissés sur le crâne, sont presque aussi nombreux que les civils. Les personnalités publiques – ministres, hauts fonctionnaires, chefs de parti – se saluent sur le pavé. Tout le monde se connaît, dans la capitale d’un pays de moins de trois millions d’habitants et plus petit que la région Nouvelle-Aquitaine. Je me dirige, moi aussi, vers la cathédrale catholique, au sévère style néoclassique. Juste devant, un tank Leopard 2 de la Bundeswehr, avec un camouflage typique de l’Otan, pointe son canon. Vers l’est, j’ai l’impression. J’aperçois aussi des camions et d’autres blindés flanqués de la croix de fer noir et blanche de l’armée allemande.

Je ne peux pas m’empêcher de me dire : « Ça fait bizarre. » Je pense en effet à l’occupation nazie, de 1941 à 1944, durant laquelle la quasi-totalité de la population juive a été assassinée. Les Lituaniens que je rencontre, eux, évoquent plutôt des volontaires allemands, en 1918, qui les ont aidés à combattre les forces bolchéviques. Malgré la mémoire du génocide des Juifs qui remonte de plus en plus à la surface, le grand traumatisme historique de ce pays reste l’occupation russe. Celle-ci a commencé à la fin du XVIIIe siècle et a repris, avec une brutalité inouïe, en 1940-41, puis de 1944 à 1990, date où le pays proclame son indépendance. L’armée allemande, pour son premier déploiement à l’étranger depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, est donc plus que la bienvenue. 5 000 soldats allemands vont s’installer ici avec leurs familles. Pour une capitale de 600 000 habitants, ce n’est pas rien. La nouvelle brigade blindée lituano-allemande de l’Otan permettra de mieux défendre le pays contre la Russie. L’angoisse existentielle d’une agression et d’une occupation est palpable. Les plans d’évacuation de la capitale ont été rendus publics.

“En Lituanie, malgré l’occupation nazie pendant la guerre, le grand traumatisme historique reste l’occupation russe, extrêmement brutale et intermittente depuis le XVIIIe siècle”

 

Sur la place qui longe la cathédrale, au pied du palais des grands-ducs de Lituanie, reconstruit dans les années 2000, la parade est en cours. Le chancelier allemand, en visite, fait un discours. Il se met soudain à pleuvoir à verse. J’entends tout de même Friedrich Merz prononcer des paroles de repentir « au regard des souffrances causées autrefois par l’Allemagne nazie », et mettre les points sur les i : « Chaque jour, la Russie viole l’ordre que nous avons établi » après la Seconde Guerre mondiale. C’est pourquoi « ici, en Lituanie, nous prenons nous-mêmes en main la défense du flanc oriental de l’Otan ». La foule dégouline d’eau de pluie, mais exulte.

Un sentiment d’urgence, partagé par tout le pays

Je suis venu à Vilnius pour participer à un colloque, organisé par le Centre Sakharov dédié à la mémoire et à l’actualité de la dissidence. Il est consacré à la guerre en Ukraine. Les participants se succèdent au micro pour évoquer la menace que fait peser le grand voisin sur tous les pays européens et pour décrire la résistance ukrainienne. Experts venus du monde entier, réfugiés Russes anti-guerre, militaires ou universitaires ukrainiens, étudiants lituaniens, tous ressentent un sentiment d’urgence. Parfaitement au courant de la guerre hybride que mène la Russie sur tout le continent, conscients de la menace d’un régime poutinien qui ne vit plus que par l’exaltation de la guerre, ils déplorent parfois l’inconscience de certaines sociétés ouest-européenne face à un danger très réel. Je profite aussi de mon séjour pour redécouvrir la ville et rencontrer des intellectuels. J’étais venu en Lituanie en 1993, en train, à l’époque où je travaillais à Moscou. Tout était sombre et pauvre, dans les premiers temps de l’indépendance. Mais je me souviens encore de ces personnes âgées en béret noir marcher avec dignité, un sac de courses en plastique à la main, très conscients de s’être enfin arrachés de la domination russe. Ils refusaient tous de parler la langue de l’occupant, heureux de pouvoir enfin déployer la leur, de retrouver sans crainte leurs traditions et leur culture.

“Quand on déambule en Lituanie, on comprend qu’on n’est vraiment pas dans le ‘monde russe’ sans frontières vanté par Vladimir Poutine”

 

Il faut dire que la Lituanie n’a vraiment rien à voir avec la Russie. Dans ce pays resté païen jusqu’au XIVe siècle, et devenu depuis farouchement catholique, les villes comme Vilnius sont couvertes d’églises baroques. Quand on déambule ici, on comprend qu’on n’est vraiment pas dans le « monde russe » sans frontières vanté par Vladimir Poutine. Les lourds bâtiments staliniens, eux, sont toujours debout. Et le centre abrite un bijou de l’architecture soviétique, le café Neringa, dans un style moderno-hippie délirant, et où se retrouvaient les artistes, les intellos et les dissidents. Au début des années 1990, j’y passais toute la journée en buvant du cognac pour quelques kopecks. Aujourd’hui, c’est devenu un hôtel de luxe pour hipsters nostalgiques, et le poulet à la Kiev, standard de la cuisine soviétique, atteint un prix indécent. C’est ici que je rencontre le philosophe Viktoras Bachmetjevas. Professeur à l’université, cet homme vif et ironique est un grand spécialiste d’Emmanuel Levinas. Ce dernier est né à Kaunas, la deuxième ville du pays. Il y a vécu toute son enfance, au sein de la communauté juive – où l’on parlait surtout le russe, m’apprend Viktoras –, avant de fuir la Lituanie à cause des pogroms. Il s’est installé dans l’est de l’Ukraine, de 1917 à 1923, puis a émigré en France où il est devenu le philosophe que l’on sait. Il y a encore quelques années, personne ne connaissait Levinas dans son pays de naissance. Mais grâce à Viktoras, qui traduit ses ouvrages, les Lituaniens l’ont découvert. Il y a même désormais une place Levinas à Kaunas. La lecture de son œuvre est l’occasion de faire réémerger la mémoire juive du pays, parfois un peu oubliée ou occultée.

Les pays baltes, prochaine cible explicite du régime poutinien

J’interroge surtout Viktoras sur la perception de la menace russe. Pourquoi est-il aussi certain, comme la quasi-totalité de ses concitoyens, que les Russes vont prochainement attaquer la Lituanie, de même que la Lettonie et l’Estonie voisines ? N’est-il pas un peu parano ? Sa réponse est simple : parce que les dirigeants politiques russes le disent. Dmitri Medvedev, ancien premier Ministre et membre éminent du régime, a par exemple déclaré que les pays baltes étaient des provinces russes. Tout récemment, un ouvrage d’histoire révisionniste, publié en Russie et affirmant la même chose, a été préfacé par le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. « Pour eux, résume Viktoras Bachmetjevas, nous sommes une colonie, une partie de leur empire depuis le XVIIIe siècle ». Il suit d’ailleurs attentivement le développement des études post-coloniales, qui doivent fournir les instruments théoriques à une décolonisation non seulement politique, mais culturelle. Selon lui, ce qui se passe en Ukraine, « c’est d’ailleurs simplement une guerre de décolonisation ».

“Pourquoi les Lituaniens sont-ils si certains que les Russes vont prochainement les attaquer ? Parce que les dirigeants politiques russes le disent”

 

Mais comment se prépare-t-il aux prochaines étapes ? « Si nous voulons avoir une chance de résister, répond-il, il faut se préparer maintenant, calmement et méthodiquement. » Outre le service militaire, il m’apprend que de nombreux stages de préparation militaire sont organisés par la société civile, en coordination avec le ministère de la Défense. Des cours de formation paramédicale sont également très courus par les femmes. Viktor voue une haine personnelle aux armes à feu mais il est prêt à apprendre leur maniement, tout en se destinant plutôt, en cas de guerre, à servir dans le secteur de la communication et de l’information. La menace pousse chacun à réfléchir de façon concrète : comment évacuer les enfants ? Et les personnes âgées ? Que faire avec son travail ? J’ai rencontré plusieurs personnes qui avaient acquis des appartements en Espagne ou en France afin de disposer d’un point de repli. En attendant, personne n’est tranquille : « Quand nous pourrons dormir aussi paisiblement que dans une petite ville allemande, nous le serons. » Mais ce n’est pas pour maintenant.

La société lituanienne semble unie contre l’adversaire historique. Mais l’est-elle sur le reste ? Pas si sûr, m’assure un autre interlocuteur, le jeune chercheur et assistant à l’université de Vilnius Gintas Karalius, spécialisé en philosophie et en sciences politiques. Le pays, qui a intégré l’Union européenne et l’Otan en 2004, a selon lui un peu de mal à assumer son identité européenne : « L’Europe est un sujet très controversé ici, car la plupart des élites politiques sont viscéralement pro-américaines. » Certains dirigeants sont même plus qu’indulgents vis-à-vis de Donald Trump. Y a-t-il également des partisans de Poutine ? Ils sont silencieux, répond Gintas Karalius, mais ils existent. C’est la couche de la population farouchement opposée aux élites, aux vaccins contre le Covid, aux LGBT, au wokisme. On a un peu de mal à le croire quand on arpente le centre si élégant de la capitale, où les voitures s’arrêtent devant les piétons en l’absence de tout feu rouge, où tout le monde parle anglais, mais il semble que le courant illibéral, comme partout en Europe, existe bel et bien. 

Les Lituaniens nous mettent en garde ; écoutons-les

Pour tenter de comprendre les Lituaniens, il faut creuser dans leur mémoire. L’ancien bâtiment du KGB, la police politique, est devenu un musée de l’occupation soviétique. La plupart de mes interlocuteurs me racontent que leurs grands-parents ont été déportés au goulag en Sibérie, ou que leurs parents ont fait de la prison pour s’être opposés au pouvoir soviétique. Les souffrances sont encore à vif, surtout à une époque où la Russie est repassée à l’offensive militaire. C’est pour cette raison que, lorsque j’évoque ma visite imminente à Tomas Venclova [lire notre article], certains se montrent circonspects. Ce poète est en effet le fils d’un homme tristement célèbre en Lituanie, l’écrivain Antanas Venclova (1906-1971). Communiste convaincu, il a fait partie de la délégation qui s’est rendue à Moscou pour demander l’annexion de son pays par l’URSS. Ministre de l’Éducation, décoré du prix Staline, c’est lui qui a rédigé les paroles de l’hymne soviétique de la République socialiste de Lituanie. Bref, il est unanimement détesté. Son fils Tomas, né en 1937, faisait donc partie de la jeunesse dorée, avait accès à tous les livres interdits grâce à l’entregent de son père. Mais il s’est révolté contre son milieu et est devenu une grande figure de la dissidence culturelle. Il dénonce les violations des droits de l’homme et doit finir par s’exiler aux États-Unis. Ami de Czesław Milosz et du poète Jospeh Brodsky, il devient l’un des plus grands poètes lituaniens. Si les vers sont difficilement traduisibles, son essai Vilnius (Éditions Circé, 2016) donne un aperçu de son écriture. Il était d’ailleurs un habitué du café Neringa. La légende dit qu’il s’est baigné, un jour de beuverie, dans la fontaine intérieure de l’établissement en compagnie de Brodsky. Revenu dans sa patrie après l’indépendance, il est l’une de ses grandes célébrités littéraires.

Il m’accueille chez lui et dresse un tableau amer de son existence. Celle-ci a commencé avec la guerre, puisque Tomas Venclova a vu les nazis envahir le pays lorsqu’il avait à peine cinq ans. Il pense que ses derniers souvenirs seront du même acabit, car il est, lui aussi, sûr que les Russes attaqueront son pays. Mais il s’enthousiasme pour la résistance ukrainienne. Poutine était certain de ne faire qu’une bouchée de son voisin. Or son armée y est toujours embourbée. Enfin, ce vieux monsieur, lorsqu’on lui demande ce qu’il fera si – pardon, quand la Russie lancera ses troupes sur les pays baltes, répond crânement qu’il restera ici, « quoi qu’il arrive ». En le quittant, je lui demande s’il s’est vraiment baigné dans la fontaine du Neringa avec Brodsky. Il sourit et répond qu’on y buvait beaucoup, mais pas au point de plonger [l’intégralité de l’entretien avec Tomas Venclova est à lire ici].

En sortant de chez lui, j’erre encore dans cette magnifique vieille ville presque vide et comme hantée par son passé. Au début du XXe siècle, Vilnius (Wilno) était surtout peuplée de Polonais et de Juifs. Ils ont tous été chassés ou exterminés. Arrivé d’Europe occidentale, je m’interroge : partageons-nous la même vision de l’avenir du continent que les Lituaniens ? Je ne le crois pas. Les raisons sont historiques. La France n’a été occupé par les Russes qu’à l’issue des guerres napoléoniennes. Nous avons longtemps sous-estimé l’atroce brutalité du soviétisme, notamment sa domination sur cet « Occident kidnappé » qu’évoquait Milan Kundera. Nous avons également fort mal perçu la menace du poutinisme – alors que l’invasion de la Géorgie, en 2008, puis l’annexion de la Crimée en 2014 étaient déjà des transgressions majeures et des signaux évidents. Quel usage, alors, faire de l’état d’esprit des Lituaniens ? La solution la plus confortable serait de les enfermer dans leurs spécificités historiques : il est normal qu’une ancienne colonie déteste son ancien maître, surtout s’il entend recommencer. De se dire que nous, nous sommes loin. De murmurer : ils exagèrent. Ce serait, à mon sens, une grave erreur. Les Lituaniens connaissent bien mieux que nous l’impérialisme russe. Ils l’ont vécu dans leur chair. Or, comme nous, ils sont européens, ils partagent notre histoire et nos valeurs. Ils ont quelque chose d’essentiel à nous dire : ne nous berçons pas d’illusions par rapport à la Russie et, nous aussi, soyons sur nos gardes. Mais saurons-nous les écouter ?

juillet 2025
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