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La Lettre de Philosophie Magazine

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05.04.2025 à 06:00

Pourquoi l’infertilité est-elle encore un tabou ?

nfoiry

Pourquoi l’infertilité est-elle encore un tabou ? nfoiry sam 05/04/2025 - 06:00

Aujourd’hui, en France, un couple sur quatre peine à procréer. Une situation souvent vécue comme une honte pour les femmes et à laquelle les hommes préfèrent ne pas penser. Dans notre nouveau numéro, Anne-Sophie Moreau a interrogé patients, médecins, historiens et philosophes pour mettre en lumière ce phénomène aux causes tant sociales qu’environnementales.

avril 2025

04.04.2025 à 16:57

Qui est vraiment Jianwei Xun, l'auteur mystère du livre “Hypnocratie” ?

nfoiry

Qui est vraiment Jianwei Xun, l'auteur mystère du livre “Hypnocratie” ? nfoiry ven 04/04/2025 - 16:57

“L’hypnocratie est le premier régime qui agit directement sur la conscience.Elle ne contrôle pas les corps. Elle ne réprime pas les pensées.Elle induit plutôt un état de transe permanent.”

Ainsi s’ouvre l’essai de Jianwei Xun, sous-titré Trump, Musk et la fabrique du réel. Un essai salué, dès sa parution en décembre dernier en Italie, comme un livre majeur, l’un de ceux qui captent l’esprit d’une époque – tout en s’inscrivant là-bas immédiatement dans la liste des meilleures ventes. En quelques semaines, Jianwei Xun, un philosophe originaire de Hong Kong dont c’est le premier ouvrage, a connu une célébrité mondiale, a été cité dans des travaux de recherche, interrogé par de grands médias.

Nous avons décidé, à Philosophie magazine, de traduire ce livre et de le faire paraître en France dans un délai record, accompagné d’une postface inédite qui change totalement la lecture et le sens de l’ouvrage. 

Ce que cette postface révèle, c’est que Hypnocratie n’est pas seulement une analyse des mécanismes de manipulation de la réalité à l’ère numérique mais aussi une expérience de psychologie sociale réussie, un test grandeur nature qui montre que l’Intelligence artificielle va rapidement occuper plus de place dans nos vies et dans nos pensées que nous n’étions prêts à le croire.

Nous vous proposons de lire le récit que fait Apolline Guillot de sa découverte de ce projet qui bouscule nos certitudes et notre appréhension du réel, dans un article publié chez nos confrères de Philonomist et exceptionnellement en accès libre.

La morale de cette histoire ? Si confusion il y a entre réel et illusion, elle n’est pas seulement le fruit de circonstances particulières orchestrées par les nouveaux hôtes de la Maison Blanche. L’hypnocratie est bel et bien la nouvelle architecture du réel, où les frontières rassurantes entre authentique et factice sont définitivement brouillées, jusque directement sous les yeux du lecteur. En prendre conscience, c’est entrer en résistance.

➤ Hypnocratie, paru chez Philosophie magazine Éditeur, est disponible en librairie, chez votre marchand de journaux, ainsi qu’en ligne sur notre site.

avril 2025

04.04.2025 à 11:00

J. D. Vance, le revanchisme à la tronçonneuse : la chronique de Michel Eltchaninoff

nfoiry

J. D. Vance, le revanchisme à la tronçonneuse : la chronique de Michel Eltchaninoff nfoiry ven 04/04/2025 - 11:00

Saviez-vous que le vice-président américain était aussi un (bon) écrivain ? Dans son autobiographie Hillbilly Élégie, J. D. Vance raconte son enfance de déclassé dans un milieu miné par la drogue et la violence. Et, pour Michel Eltchaninoff dans sa chronique « Jeux de stratégie » issue de notre nouveau numéro, ce passé explique bien des choses…

avril 2025

03.04.2025 à 18:00

Une mémé sort un requin de son sac à main

nfoiry

Une mémé sort un requin de son sac à main nfoiry jeu 03/04/2025 - 18:00

« Un extra-terrestre dévore sa propre oreille, une vache vomit une portée de poussins, des hommes musclés se transforment en étalons. C’est un rêve, un cauchemar, un gros délire ?

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Ces images étranges se multiplient sur Instagram. Depuis que l’intelligence artificielle (IA) se diffuse et se démocratise, des monstres surgissent sur ce réseau social. Souvent créées par des “artistes IA” auto-revendiqués, ces pastilles vidéo sont un phénomène dont on parle assez peu. Elles sont pourtant vues des milliers de fois par des habitants de toute la planète qui “likent” et commentent massivement. Pour cause : en regarder une seule nous oblige à en voir des dizaines d’autres, car l’algorithme repère vite notre intérêt.

Toute fascination, même fugace, encourage donc cette grouillante prolifération. Certaines de ces vidéos sont quasi insoutenables tant elles sont étranges… Et pourtant elles attirent le regard et poussent à “scroller” à l’infini. On se retrouve très rapidement submergé par un défilé de chimères : des chats-fleurs, des poissons-cailloux, ou des humains bicéphales avec des pattes d’ours. Difficile de ne pas être interloqué non seulement par ce qui est représenté – un monstre hyperréaliste en pleine métamorphose – mais aussi par l’esthétique des images qui défilent. Elles sont gluantes, fluides, flasques, lisses, mouvantes, ondoyantes et s’accompagnent de bruits spongieux ou de musiques sensationnalistes. C’est à la fois écœurant et étrangement addictif.

“Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.” C’est à cette célèbre formule du philosophe italien Antonio Gramsci que je pense, quand je vois défiler sur mon écran ce cabinet de curiosités 2.0. Je suppose alors que nous avons affaire à des espèces de rejetons de la modernité qui témoignent de ce moment d’incertitude, de trouble permanent, que nous vivons. Si ces images ont tant de succès – et au niveau mondial ! –, c’est donc peut-être parce qu’elles matérialisent nos doutes et nos angoisses (beaucoup de productions montrent des effondrements d’immeubles, des tremblements de terre, des tsunamis surréalistes accompagnés de bestioles bizarroïdes et menaçantes). Sur nos écrans, l’apocalypse existe déjà depuis longtemps.

Ces monstres ne viennent pas de nulle part. Ils sont fabriqués à partir de grandes bases de données avalées par l’IA. Ils sont donc le résultat de l’accumulation d’informations qui nous concernent tous. Il y a quelque chose de nous en elles. On s’y reconnaît un peu, tout en les rejetant vivement. Ces choses informes ne sont pas nous, et pourtant on se dit qu’elles sont faites à partir de nous. Leur inquiétant onirisme est calqué sur nos cauchemars les plus absurdes.

“C’est quoi cette horreur ?” est une réaction classique face à ce genre de contenu. Car à bien des égards ces vidéos sont abjectes. Elles le sont en tout cas au sens où l’entend la philosophe et psychanalyste Julia Kristeva : à savoir en tant qu’élément fondamentalement “ambigu”, “mixte”, qui “ne respecte pas les limites”. “L’abjection est surtout ambiguïté. Parce que, tout en démarquant, elle ne détache pas radicalement le sujet de ce qui le menace”, explique-t-elle dans son essai Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection (1980). Nous sommes reliés, inféodés à ce que l’intelligence artificielle produit.

En avalant nos données, l’IA dévoile donc une part abjecte de nous-même, qui nous écœure autant qu’elle nous fascine. Via ces vidéos “artistiques”, nous accédons petit à petit à un magma informe que l’on pourrait nommer “inconscient numérique”, contenant toutes nos névroses collectives enfouies. À quelle science, à quel spécialiste faut-il se vouer pour faire face à cette tératologie d’un nouveau genre ? À l’ère de la santé mentale, faut-il que l’IA entame, elle aussi, une thérapie ? J’ai hâte que le hérisson géant doté de tentacules de pieuvre passe sur le divan. »

avril 2025

03.04.2025 à 17:20

“Rendre la justice ne devrait pas devenir un acte de courage” : la magistrate Magali Lafourcade réagit à la condamnation de Marine Le Pen

nfoiry

“Rendre la justice ne devrait pas devenir un acte de courage” : la magistrate Magali Lafourcade réagit à la condamnation de Marine Le Pen nfoiry jeu 03/04/2025 - 17:20

La condamnation de Marine Le Pen à l’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire bouleverse la vie politique française. Peut-on pour autant parler d’un « coup d’État de droit », comme l’affirment les responsables du Rassemblement national (RN) ? La magistrate Magali Lafourcade dénonce une attaque populiste contre les juges et la justice.

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« La décision de condamner Marine Le Pen est-elle juste ? Il ne m’appartient pas de dire si la décision est juste ou non. En revanche, je peux souligner que cette décision intervient à l’issue d’un processus qui a respecté scrupuleusement les principes directeurs de la procédure pénale – avec une enquête fouillée, des mises en examen respectueuses des droits des parties, des voies de recours qui ont été largement utilisées à tous les stades, puis deux mois d’audience où toutes les preuves ont pu être présentées et débattues, dans le respect du principe du contradictoire. Le document de jugement, qui fait 150 pages, éclaire les raisons pour lesquelles, en fait et en droit, les juges sont entrés en voie de condamnation pour tous les prévenus (sauf un, il y a donc eu une relaxe) et pourquoi ils ont choisi telle ou telle peine en respectant le principe constitutionnel d’individualisation de la peine par rapport à la nature des faits commis par chacun et par rapport à leur personnalité. Ce processus a été mené à son terme dans le respect des principes déontologiques.

➤ Retrouvez également “Les juges perpètrent un assassinat politique”, la tribune d’Yves Michaud face à la condamnation de Marine Le Pen.

Si les soutiens de Marine Le Pen expriment une telle indignation, c’est d’abord parce qu’ils en ont les moyens : contrairement aux délinquants ordinaires, l’élite politico-financière peut s’offrir une tribune au « 20 heures » de TF1 et envoyer ses lieutenants sur les plateaux télé. Ensuite, parce qu’ils cherchent à construire un récit : attaquer les juges pour occulter les détournements de fonds publics et les atteintes à la probité. La situation est pour le moins compliquée pour le RN, condamné en tant que personne morale : rappelons que le parti a déjà été condamné dans l’affaire des kits de campagne, les faits faisant l’objet du jugement de condamnation se sont déroulés sur une douzaine d’années, ce qui a amené le tribunal à considérer le risque de récidive. Or les membres du RN ont construit leur dédiabolisation en répétant que eux ne « piquaient pas dans la caisse » : ce sont les mots qu’a prononcés Marine Le Pen elle-même. Depuis des années, le parti porte l’idée qu’il faut réformer une justice jugée trop laxiste afin qu’elle soit plus sévère, que les peines aient un effet immédiat, le parti exige le rétablissement des peines planchers. Dans ce contexte, il est difficile pour ses représentants d’encaisser cette décision sans sortir l’artillerie lourde ; c’est pourquoi ils n’ont rien trouvé d’autre que de faire le procès de la justice elle-même, en employant des termes très durs : « coup d’état judiciaire », « mise à mort politique »… et en attaquant les magistrats sur leur indépendance et leur impartialité.

“Il ne s’agit pas de ‘moraliser’ la vie politique, comme on dit souvent, mais d’interdire la violation de la loi pénale”

Il est vrai que l’idée d’une impunité dont jouiraient les politiques a toujours été très présente dans l’opinion, d’où la surprise face à ce jugement. De fait, il y a eu pendant très longtemps une certaine complaisance de l’institution judiciaire qui n’osait pas attaquer les puissants. Mais à partir des années 1980, des juges ont commencé à appliquer les mêmes techniques d’enquête pour la délinquance en col blanc que pour la délinquance ordinaire, ce qui a énormément heurté les responsables politiques : on parlait de « juges rouges ». Depuis, l’opinion a évolué. Les citoyens veulent savoir si leurs candidats aux élections sont corrompus ou non. En 2016, pendant l’affaire Cahuzac, 85 % des Français étaient pour une peine d’inéligibilité définitive, c’est-à-dire à vie – et c’était aussi ce que portait le Front national à l’époque. On exige désormais de la probité en politique. Ce n’est pas un droit acquis à tout un chacun de pouvoir être un élu : rappelons qu’il y a tout de même 400 métiers en France qui sont interdits aux gens qui ont un casier judiciaire ! Il ne s’agit pas de « moraliser » la vie politique, comme on dit souvent, mais d’interdire la violation de la loi pénale. Et contrairement à ce qui est parfois suggéré, tous les partis politiques sont passés sous les fourches caudines de la justice : les socialistes avec Jérôme Cahuzac, des responsables de La France insoumise qui font l’objet d’une procédure, le MoDem avec François Bayrou (qui a été relaxé, mais le parquet a fait appel), LR avec François Fillon… Il n’y a là pas de choix partisan.

Certains mettent en cause cette décision sous prétexte qu’elle pourrait avoir des conséquences massives sur le destin politique du pays. Or il faut observer les choses avec recul. Marine Le Pen a aujourd’hui un mandat de députée et n’a pas à l’abandonner du fait de cette décision de justice. Elle est chef du groupe RN à l’Assemblée nationale et n’a pas à démissionner de cette fonction. Si elle le souhaitait, elle pourrait reprendre la présidence de son parti. Enfin, elle a fait appel et est donc présumée innocente. À l’été 2026, elle sera rejugée – ce qui lui laisse le temps, si elle est blanchie, de se présenter à l’élection de 2027. Il n’y a pas de mise à mort politique. Elle ne sera empêchée de participer à l’élection présidentielle que si elle est de nouveau condamnée en 2026 et qu’une peine d’inéligibilité est prononcée.

“Si les décisions des juges produisent des effets dans la vie politique, c’est parce que le législateur a voulu que les délits d’atteinte à la probité soient assortis de peines complémentaires d’inéligibilité”

Rappelons que si les décisions des juges produisent des effets dans la vie politique, c’est parce que le législateur a voulu que les délits d’atteinte à la probité soient assortis de peines complémentaires d’inéligibilité. En 2016, la loi Sapin II en a même fait le principe. Depuis lors, le magistrat ne peut déroger à cette peine qu’à la condition de pouvoir motiver les raisons pour lesquelles il ne l’applique pas – ce qu’il peut faire à partir de deux éléments : la nature des faits ou la personnalité de l’accusé. 

Dans cette affaire, le choix d’assortir la peine de prison d’une peine complémentaire d’inéligibilité a été longuement expliqué dans le jugement : on parle d’un système très organisé, étalé sur trois mandatures, qui s’est sophistiqué au cours du temps, pour un détournement de 4,1 millions d’euros au préjudice du contribuable. Quant à la personnalité de l’auteur, elle ne s’apprécie pas selon l’importance du sujet sur la scène politique, mais en fonction de l’attitude des prévenus.Or Marine Le Pen a prétendu pendant tout son procès qu’il s’agissait d’un différend administratif, les cadres du parti ont contesté jusqu’aux faits matériels. Les juges ont estimé qu’il y avait un risque de récidive et ont fait application de la loi. 

Reste la question de l’exécution provisoire, qui est très délicate. Celle-ci est devenue un principe en matière civile et est de plus en plus utilisée en matière pénale pour une raison simple : à cause de l’engorgement des juridictions. Aucun programme politique ne s’en soucie, alors que c’est un énorme problème : il faut donner des moyens à la justice française, qui est l’une des plus pauvres du Conseil de l’Europe, et augmenter les effectifs pour pouvoir garantir des arrêts de cours d’appel plus rapides. Cette affaire devrait être l’occasion de remettre cette question à l’ordre du jour.

Dernier point : pourquoi cette décision arrive-t-elle aussi tard ? Tout le monde se focalise sur 2027 en se disant que Marine Le Pen pourrait être empêchée de se présenter aux élections. Or il y a des élections présidentielles tous les cinq ans. Cette affaire aurait été jugée avant 2022, si la défense n’avait pas utilisé tous les recours – certes légaux – pour retarder ce procès, comme des questions prioritaires de constitutionnalité, des questions préjudicielles, etc. 

Notons enfin la violence inédite qui s’exerce à l’égard des magistrats. Autrefois, il pouvait y avoir des critiques de la justice, mais c’était peu incarné. Se déploient à présent des attaques ad personam, avec des photos des magistrats qui circulent, mais aussi des menaces de mort. Ce climat de peur constitue une attaque à l’État de droit typique du populisme, avec des conséquences politiques potentiellement dramatiques. Rendre la justice ne devrait pas devenir un acte de courage. »

avril 2025

03.04.2025 à 17:20

“Les juges perpètrent un assassinat politique” : Yves Michaud réagit à la condamnation de Marine Le Pen

nfoiry

“Les juges perpètrent un assassinat politique” : Yves Michaud réagit à la condamnation de Marine Le Pen nfoiry jeu 03/04/2025 - 17:20

En condamnant Marine Le Pen à l’inéligibilité, le tribunal compromet ses chances de pouvoir se présenter à la prochaine élection présidentielle. Simple application de la loi ou abus de pouvoir ? Pour le philosophe Yves Michaud, il s’agit d’une véritable mise à mort politique. Nous publions ici sa tribune.

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Première réflexion : sur l’inéligibilité

Je fais partie de ceux qui considèrent que le citoyen dont émane le pouvoir législatif souverain doit toujours avoir la primauté. Les juges sont chargés d’appliquer la loi, pas de la faire, encore moins de déterminer les choix électoraux en éliminant des candidats qui n’ont tué personne mais dont la moralité laisse à désirer (la moralité laisse à désirer chez beaucoup, même aux plus hautes fonctions, y compris parmi les magistrats…). Montesquieu, lui-même magistrat, promoteur de la séparation des pouvoirs, avait la plus grande méfiance envers le pouvoir judiciaire et ses empiétements.

➤ Retrouvez également “Rendre la justice ne devrait pas devenir un acte de courage”, l’analyse de la magistrate Magali Lafourcade face à la condamnation de Marine Le Pen.

La décision d’exécution provisoire immédiate (on admirera le doux euphémisme) de la peine de cinq ans d’inéligibilité prononcée en première instance contre Marine Le Pen confirme la dérive française du pouvoir judiciaire.

Il m’est arrivé, comme à tant d’autres, y compris Marine Le Pen réclamant par le passé l’inéligibilité à vie des politiciens corrompus, de trouver logique l’inéligibilité. C’est une réaction naturelle face à la malhonnêteté politique, avec une vision quand même naïve des hommes et plus encore de la politique. Le jour où elle sera conduite exclusivement par des incorruptibles, on verra – ou plutôt on a vu avec Robespierre et Saint-Just, et on n’a pas forcément envie de recommencer.

Les démêlés de Trump avec la justice et les réflexions d’analystes politiques et de juristes m’ont mené à une position beaucoup plus nuancée.

“Dans le cas de Marine Le Pen, l’exécution provisoire immédiate de l’inéligibilité est le point où les juges ont abusé de leur pouvoir et piétinent les droits du citoyen”

On dénonce en général les empiétements de pouvoir exécutif sur la justice mais on n’ose aborder le problème encore plus grave des empiétements des juges sur la souveraineté du citoyen. Je sais à quel point peut paraître aberrant et exorbitant de soutenir que si le « peuple » veut élire un assassin ou un fou, il doit pouvoir le faire, mais on ne peut laisser le pouvoir de décision à des juges ou des experts qui ne sont pas forcément impartiaux (c’est très probablement le cas aujourd’hui en France) ou qui peuvent se tromper (ce pourquoi l’appel existe). Dans le cas de Marine Le Pen, l’exécution provisoire immédiate de l’inéligibilité est le point où les juges ont abusé de leur pouvoir, piétinent les droits du citoyen, et perpètrent en fait un assassinat politique. L’appel est rendu d’avance inopérant et le provisoire ipso facto est définitif. J’emploie consciemment le mot grave d’« assassinat », car, qui plus est, la préméditation politique est peu discutable : désignation par Macron de Ferrand à la présidence du conseil constitutionnel, en dépit de ses casseroles, pour en neutraliser l’avis, Darmanin potentiel candidat à l’élection présidentielle et garde des sceaux maître du Parquet qui en reçoit ses consignes, même générales. Pour ne rien dire de la création du Parquet national financier sous Hollande, une juridiction d’exception qui n’a jusqu’ici, comme par hasard, assassiné politiquement que des politiciens de droite, y compris en usant de moyens douteux – qu’on songe à l’affaire Bismuth/Sarkozy. Quant aux juridictions d’exception, mieux vaut ne pas réveiller de terribles souvenirs.

Reste évidemment à savoir comment, en cas de souveraineté populaire mal placée, on gère une cascade d’autres problèmes, notamment celui de l’exercice du pouvoir par quelqu’un qui serait derrière les barreaux ou à l’asile. Le juge Juan Merchan qui a condamné début janvier 2025 Trump dans l’affaire Stormy Daniels mais sans fixer de peine a parfaitement vu et élégamment traité le problème. S’il avait condamné Trump à de la prison, on aurait été dans le cas du président gouvernant depuis sa cellule. Trump est désormais à jamais un « criminel », un « repris de justice » (felon) – c’est probablement aussi un fou furieux mégalomane –, mais le peuple américain l’a élu et il fallait respecter la voix populaire.

 

Seconde réflexion : maintenant on fait quoi ?

Le fonds de commerce électoral du président Macron et d’une bonne partie de la caste politique est l’anathème contre le RN, appelé élégamment « arc républicain ». Le « non pas ça, pas ça » prononcé par Macron d’une manière hystérique à Marseille le 27 avril 2017 m’a tout de suite inquiété. Cette recette a marché en 2017, un peu moins bien en 2022. Perdant la main, Macron a alors tenté le coup de la dissolution en juin 2024. Coup foireux, mais rattrapé par un vol. Grâce à l’alliance paradoxale NFP-En Marche-LR, l’électeur s’est retrouvé dans presque toutes les circonscriptions sans possibilité de choix autre que celui du NFP ou de la galaxie macronienne. D’où cette représentation nationale absurde de cogneurs, d’Indigènes de la République et de transfuges venus qui de la gauche, qui de la droite, et un gouvernement dont la politique se résume à : attendre, consulter, attendre, consulter.

“Comme ça se présentait encore plus mal à l’horizon 2027, on a fait donner les juges avec le résultat impeccable que l’on sait”

Comme ça se présentait encore plus mal à l’horizon 2027, on a fait donner les juges avec le résultat impeccable que l’on sait. Le Conseil constitutionnel qui, s’il exerçait vraiment sa haute mission, devrait trancher dans une question aussi grave que celle de la relation entre pouvoir judiciaire et pouvoir législatif s’est défaussé au nom de l’indépendance de la justice, mission de bas étage remplie.

 

Beaucoup d’hypothèses sont maintenant envisageables.Marine Le Pen fait appel mais les juges prennent soin, au nom du calendrier chargé et de l’égalité des justiciables devant le majestueux temps judiciaire, de fixer la date du procès et du rendu du jugement de telle manière qu’elle ne puisse être candidate à l’élection présidentielle.Bardella devient le candidat du RN avec Marine Le Pen dans l’ombre – si elle ne peut être candidate, elle peut encore militer. Sauf que… sauf que… sauf que… la détention domiciliaire avec bracelet électronique est une détention, pas une formalité ; elle est assortie d’une limitation sérieuse des déplacements et sorties, et Marine Le Pen verra sa liberté de mouvement réduite de manière draconienne – après tout, elle devrait être en tôle comme n’importe quel délinquant (sauf Matzneff) et elle a déjà de la chance !Autre hypothèse apparemment saugrenue mais moins absurde qu’il semble, Macron, grand « turbuleur », démissionne dans les mois qui viennent, coupant l’herbe sous le pied à l’incertitude d’un appel de Marine Le Pen. Le Conseil constitutionnel juge qu’il peut être candidat à un troisième mandat – la Constitution est très peu claire sur ce point et Ferrand est favorable à… trois mandats. On revient à la case départ de la séance d’avril 2017 à Marseille : « non pas ça, non pas ça », « non pas ça, non pas ça », « non pas ça, non pas ça » !

Maintenant, je ne sais pas pendant combien de temps le Tiers-État acceptera de se faire rouler et voler. Cocu, battu, pendu mais content ? Pas sûr. Il y a cependant de fortes chances pour que la situation internationale soit tellement compliquée et surprenante que tous ces problèmes de politique intérieure n’aient aucune importance. Partout se profilent le temps des dictateurs et la fin de la démocratie. Merci mesdames et messieurs les juges, vous avez fait une bonne partie du boulot – good job, comme dirait Trump.

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