04.11.2025 à 12:27
hschlegel
L’écrivain Laurent Mauvignier vient d’être récompensé par le prix Goncourt 2025 pour son roman La Maison vide (Éd. de Minuit). Dans notre dernier numéro, Philippe Garnier met en lumière la dimension d’« anamnèse platonicienne » de ce récit centré sur un secret familial qui hante l’histoire de plusieurs générations. Nous vous invitons à retrouver cet article en accès libre ici.
novembre 202504.11.2025 à 06:00
nfoiry
Depuis l’Antiquité, notre rapport à la mort achangé. Inscrit dans un ordre naturel ou sujet de scandale, prolongeant la vie dans un au-delà ou marquant la pure absurdité de l’existence ici-bas, la perspective du trépas a nourri la réflexion des philosophes. Dans notre nouveau numéro, nous vous en présentons un panorama en quatre grands âges.
novembre 202503.11.2025 à 17:15
hschlegel
« Je ne m’étais jamais inquiété des deepfakes – vidéos “hypertruquées”, en bon français – qui circulent sur les réseaux : trop évidentes, trop grotesques pour représenter un vrai danger, pensais-je. J’ai changé d’avis il y a quelques jours. En en fabriquant moi-même.
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Tout a commencé quand une amie m’a montré qu’on pouvait animer une photo grâce à une application d’intelligence artificielle en accès libre. Stupéfiant ! Mon portrait figé s’est mué en vidéo presque parfaite, où je me vois sourire, réajuster mon écharpe, bouger la tête et les mains avec naturel. Mais on peut aussi donner ses instructions : je me mets à psalmodier une prière en me prosternant. Je commence à rire un peu jaune. Tiens, et si j’ôtais mon manteau ? Ah oui, parfaitement réaliste : mais comment l’IA a-t-elle pu reproduire mon corps, caché sur la photo ? On continue ? Euh... Mais juste pour essayer, alors. Le malaise grandit. Jeudi dernier j’ai voulu faire mon petit effet à la rédaction de Philosophie magazine. J’ai photographié mes collègues Ariane et Martin assis sur leurs chaises et en train de discuter. L’IA, comme je le demandais, a généré une vidéo où on les voit danser en se tenant la main et en se regardant dans les yeux, sourire aux lèvres. Bon, vous avez compris : chacun peut désormais, gratuitement, créer des petits films pas toujours innocents, et les envoyer à qui il veut.
L’application qui nous entraîne dans cet univers, c’est Grok, l’intelligence artificielle d’Elon Musk. Ici, pas de tabous. La voix qui vous répond est plus vivante et ses propos nettement plus corsés que sur les autres IA. Elle me dit par exemple qu’elle peut générer des vidéos pornographiques en quelques secondes. Quelques photos, de moi ou d’une partenaire consentante, suffisent. Elle me présente ensuite une liste hallucinante de fantasmes à illustrer. Mais qui empêchera l’utilisateur d’en (dé)générer d’autres, à partir de photos entreposées sur son smartphone ou d’une simple capture d’écran ? Rien ni personne : c’est la défense de la liberté d’expression, version Elon Musk. L’option “spicy” pour animer les photos, ainsi que la possibilité de donner ses instructions, montre quel est le véritable objectif de cette invention. On apprend que ChatGPT – business oblige – va autoriser les conversations érotiques d’ici quelques semaines. Avant d’imiter carrément Grok ?
Cela donne le vertige. Les vidéos fabriquées, qu’elles soient mensongères, grotesques ou pornographiques, vont inonder d’ici peu les téléphones, mais aussi, peu à peu, les messageries et les réseaux. Le droit à l’image, déjà violé par l’application Sora qui permet de détourner les images de personnes célèbres, ne tiendra pas très longtemps. À quoi va alors ressembler notre monde numérique ? La génération selfie découvrira l’envers du décor. Au moins pour un usage privé, nos corps seront manipulés, ridiculisés, violentés. Retrouver une image de soi qui ne soit pas soumise aux fantaisies d’autrui sera difficile. Les femmes et les jeunes en seront sans doute les premières victimes : traumas garantis.
Pourrons-nous, enfin, encore croire aux images ? Non, évidemment. Il ne nous restera que notre perception sensible pour avoir accès à la réalité. Mais celle-ci sera bien chétive, puisque tout ce qui se passe hors de notre champ de vision, à l’autre bout du monde ou dans la ville d’à côté, sera susceptible d’être modifié. Il ne restera qu’à se fier aux récits des personnes en qui nous avons confiance. Un peu comme au Moyen Âge. C’est d’ailleurs le but de telles inventions. Si la tendance actuelle se poursuit, les nouveaux grands féodaux bâtiront des fiefs fantasmatiques et idéologiques. Le problème est que les régimes autoritaires et certains chevaliers, comme Musk, ont un temps d’avance. Si le service public de l’information disparaît – c’est notamment l’objectif du RN en France, par exemple –, chacun devra choisir sa foi et son imagerie de prédilection, en abandonnant tout espoir de connaissance objective.
Ma découverte du deepfake pour tous m’incline en tout cas à penser que nous allons nous retrouver dans les années 1830, juste avant l’invention de la photographie, qui nous promettait un enregistrement des choses existantes. Le critique de cinéma André Bazin (1918-1958), cofondateur des Cahiers du cinéma et inspirateur de la Nouvelle Vague, considérait la photographie et le cinéma comme les outils d’une nouvelle conception du réel. “Pour la première fois, écrit-il dans son Ontologie de l’image photographique (in : Qu’est-ce que le cinéma ?, 1958), une image du monde extérieur se forme automatiquement sans intervention créatrice de l’homme.” Mais cette objectivité nouvelle est une victoire, car elle révèle une ontologie, une possibilité d’explorer l’être de ce que nous voyons et “qu’aucun œil humain n’est capable d’attraper” – notamment grâce aux techniques mises en œuvre par certains cinéastes. Comme l’écrit Merleau-Ponty, proche de Bazin, “le drame cinématographique a […] un grain plus serré que les drames de la vie, il se passe dans un monde plus exact que le monde réel” (“Le cinéma et la nouvelle psychologie”, 1945, in : Sens et Non-Sens). Pendant un peu moins de 200 ans, l’image nous a permis de mieux comprendre le monde. C’est fini.
Face à Grok et consorts, donc, soit nous nous défendons, en les interdisant. Soit nous revenons à 1838 – si ce n’est au Moyen Âge. »
novembre 202503.11.2025 à 17:00
hschlegel
« Avez-vous éprouvé des émotions négatives comme la colère ou la tristesse dans la journée ? » À cette question au cœur de la grande étude annuelle menée dans 140 pays sur la « santé émotionnelle », les individus ont globalement répondu avec plus d’optimisme que les années précédentes. Progrès général de l’humanité… ou mal-être refoulé ? Tentons un peu de « psychogéographie ».
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Le monde est plus serein, « moins grincheux » : telles sont les conclusions, un peu surprenantes, d’une grande étude annuelle menée par l’entreprise américaine Gallup sur la « santé émotionnelle ». L’enquête se distingue du Better Life Index ou du World Happiness Report : elle ne porte pas sur un état global de satisfaction ou d’insatisfaction, mais plutôt sur des affects ponctuels. Le principe est simple : les concepteurs de l’étude ont demandé à un échantillon de sondés de 140 pays différents s’ils avaient éprouvé certaines émotions négatives – colère, stress, tristesse, inquiétude, douleur physique – durant une bonne partie de la journée précédente. Les résultats indiquent un recul de la majorité des indicateurs d’« expériences négatives », certes léger, mais significatif, depuis 2021.
“Y’a pas de souci” ?L’inquiétude, qui avoisinait les 42% autour de 2020, retombe sous la barre des 40%. Le stress s’atténue – 41% en 2020, 37% en 2024. Sur la même période, la tristesse passe de 28% à 26%. La colère enfin, qui frôlait les 25%, redescend à 22%. En parallèle, les indicateurs positifs progressent ou restent stables. Le sentiment d’être traité avec respect atteint son plus haut taux depuis 2006 (88%). L’étude de Gallup fournit d’autres informations intéressantes. Globalement, les femmes éprouvent davantage d’affects négatifs que les hommes. Les 30-49 ans sont, en général, les plus touchés par ces affects (notamment le stress). Ils sont légèrement dépassés par les plus de 50 ans en ce qui concerne l’inquiétude et la tristesse. Les 15-19 ans font jeu égal avec les aînés seulement en ce qui concerne la colère.
“Le Danemark et l’Islande sont parmi les pays les mieux placés de toutes les enquêtes sur le sujet. Mais ce sont aussi ceux où l’on consomme le plus d’antidépresseurs”
L’enquête fournit aussi un panorama des écarts à l’échelle mondiale. Parmi les pays les plus en colère, le Tchad, la Jordanie et l’Arménie. Pour l’inquiétude, le Sierra Leone et la Guinée. Pour la tristesse, le Tchad et le Sierra Leone. Au rang des pays les plus « réjouis », on retrouve certains pays familiers du World Happiness Report comme le Danemark ou l’Islande, qui côtoient le Paraguay, l’Indonésie, le Mexique ou encore le Guatemala. Globalement, les affects négatifs sont stables dans le pays à fort revenus – la décrue sur la période 2020-2024 est moins nette qu’ailleurs. Les taux demeurent à un niveau légèrement supérieurs à ceux de 2006, sauf la colère en diminution (22% en 2006, 15% en 2024). La baisse sur le court terme (2020-2024) est en général plus marquée dans les pays à faibles revenus, mais la dégradation globale depuis 2006 et les taux d’affects négatifs en valeur absolue y sont plus forts. La colère notamment y est en nette progression.
Les résultats de l’étude, assurément, interrogent : on s’étonne que les gens aillent (un peu) mieux dans un monde où, de la situation au Proche-Orient à la guerre en Ukraine en passant par le réchauffement climatique ou la montée des régimes illibéraux, tout semble aller de mal en pis. Comment expliquer ces inflexions ? Il y a certainement des explications conjoncturelles : le pic du mal-être a été atteint au moment de la pandémie de Covid, qui a joué un rôle bien attesté dans l’augmentation des troubles psychiques et la dégradation de la santé mentale ; mais ses effets s’atténuent au fil des années. Peut-être y a-t-il, aussi, des raisons plus profondes, plus structurelles.
Ça va mieux… mais pourquoi ?Il y a d’abord la version optimiste : celle de Steven Pinker, auteur du Triomphe des Lumières. Pourquoi il faut défendre la raison, la science et l’humanisme (2018), qui souligne sans relâche que, sur le temps long, l’histoire de l’humanité, et tout particulièrement son histoire récente, est affaire de progrès.“Contrairement à l’impression que peuvent donner les journaux, selon laquelle nous vivons à une époque marquée par les épidémies, les guerres et la criminalité, les courbes montrent que l’humanité va mieux, que nous vivons plus longtemps, que nous menons moins de guerres et que moins de personnes y trouvent la mort. Le taux d’homicide est en baisse. La violence à l’égard des femmes a diminué. Davantage d’enfants vont à l’école, y compris les filles. La population mondiale est de plus en plus alphabétisée. Nous avons plus de temps libre que nos ancêtres. Les maladies sont en voie d’éradication. Les famines sont de plus en plus rares. Ainsi, pratiquement tous les indicateurs que l’on pourrait utiliser pour mesurer le bien-être humain se sont améliorés au cours des deux derniers siècles, mais aussi au cours des deux dernières décennies”
Steven Pinker
L’actualité est marquée, bien entendu, par une multitude d’événements négatifs qui font la une de la presse. Mais la tendance de fond est indéniable, pour le spécialiste en pyschologie : l’humanité vit mieux.
Il y a, à l’autre bout, la vision pessimisme : celle par exemple du sociologue Alain Ehrenberg. Le bien-être affiché par nos contemporains serait bien souvent une illusion de bonheur, rendue seulement possible par une « consommation d’hypnotiques, tranquillisants, neuroleptiques, antidépresseurs, psychostimulants et anorexigènes » qui ne cesse de croître. La médication du mal-être psychique promet le « bonheur sur ordonnance » : elle traite les symptômes mais pas les causes profondes de la détresse contemporaine. « Le bien-être n’est pas la guérison, parce que guérir, c’est être capable de souffrir, de tolérer la souffrance. Être guéri de ce point de vue, ce n’est en effet pas être heureux », souligne l’auteur du Culte de la performance (1991). Notre époque, loin d’affronter ses souffrances, les étouffe sous une camisole chimique. L’on ne s’étonne pas alors que certains pays comme le Danemark ou l’Islande, très bien placés dans le World Happiness Report comme dans l’enquête Gallup, soient parmi les pays où l’on consomme le plus d’antidépresseurs. Le taux de suicide y est par ailleurs élevé.
Les deux perspectives ne sont pas nécessairement contradictoires. Elles jouent sans doute plus ou moins fortement selon les pays. L’hypothèse pessimiste correspond sans doute mieux aux pays occidentaux, qui connaissent depuis longtemps un ralentissement de la croissance, et une stagnation des grands indicateurs d’amélioration des conditions de vie. Dans ces conditions, l’avenir semble s’obscurcir : peut-on attendre autre chose qu’un déclin ? À l’inverse, l’hypothèse optimiste permet de rendre compte de l’état d’esprit positif de pays qui, comme l’Indonésie ou le Paraguay, ont connu un développement rapide porteur de nombreuses promesses.
novembre 202503.11.2025 à 16:26
hschlegel
L’écrivaine Nathacha Appanah vient d’être récompensée par le prix Femina 2025 pour son roman La Nuit au cœur (Gallimard) narrant l’histoire de trois hommes qui ont voulu tuer leur femme et sont « jugés » par la narratrice. Un ouvrage qui avait trouvé sa place dans la sélection « livres » de notre numéro de rentrée, où nous avions retenu cette plongée littéraire bouleversante dans les tréfonds de l’emprise… Voici le texte que lui avait consacré Clara Degiovanni.
novembre 202503.11.2025 à 14:19
hschlegel
L’ambition est innée ? Rien de plus faux, montrent de nombreuses recherches sociologiques. Le déterminisme social joue non seulement sur les conditions de la réussite, mais aussi sur le désir d’aller plus loin. Dans le tout nouveau numéro spécial de Philonomist x Philosophie magazine à retrouver chez votre marchand de journaux, nous avons interrogé des spécialistes pour comprendre comment se forgent nos ambitions.
novembre 2025