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25.01.2021 à 00:13

Poutine va-t-il diriger la Russie pour l’éternité ?

Servan Le Janne

Plus de 85 millions de paires d’yeux sont rivées sur un somptueux palais construit sur les bords de la mer Noire. La magnifique demeure de près de 18 000 m², aux faux airs de Versailles, serait officieusement la propriété de Vladimir Poutine, dénonce une vidéo publiée le 19 janvier 2021 sur la chaîne YouTube d’Alexeï […]

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Texte intégral (2819 mots)

Plus de 85 millions de paires d’yeux sont rivées sur un somptueux palais construit sur les bords de la mer Noire. La magnifique demeure de près de 18 000 m², aux faux airs de Versailles, serait officieusement la propriété de Vladimir Poutine, dénonce une vidéo publiée le 19 janvier 2021 sur la chaîne YouTube d’Alexeï Navalny, le plus véhément opposant à l’actuel gouvernement de la Fédération de Russie.

L’enquête prétend démasquer un vaste système de corruption organisé autour du président russe pour la construction de ce projet, qui se chiffre à plus d’un milliard d’euros. Une « bombe » qui menace de faire vaciller le trône sur lequel Vladimir Poutine compte rester assis encore de longues années.

Le coup d’État incolore

Sous l’aigle à deux têtes des armoiries russes, Vladimir Poutine dépose une chemise jaune au pupitre de la Douma. Après avoir enchaîné les poignées de main à la tribune, devant un Parlement levé comme un seul homme, il lui fait face. Ses cheveux taupes, qui ne tirent que légèrement vers le gris, semblent avoir arrêté de tomber depuis quelques années. Le président n’a guère vieilli. Et il est peut-être là pour un moment. Ce 10 mars 2020, l’ancien membre des services secrets est venu donner sa vision de la révision constitutionnelle qu’il a impulsée en janvier. « Les Russes doivent avoir une alter­na­tive dans n’im­porte quelle élec­tion », plaide-t-il, avant d’ajou­ter que « la stabi­lité est peut-être plus impor­tante et doit être prio­ri­taire ».

Après son intervention, les députés russes votent un amendement constitutionnel pour remettre ses compteurs à zéro. Le nombre de mandats présidentiels sera bien limité à deux, qu’ils soient succes­sifs ou non, là où ils sont actuel­le­ment plafon­nés à deux d’af­fi­lée. Mais les quatre règnes de Poutine, entre 2000 et 2008 puis de 2012 à aujourd’hui, ne compteront plus. En clair, il pourra se représenter en 2024. Cet amendement voté par 380 parlementaires et repoussé par les 44 communistes a été voté définitivement le 22 avril dernier. Poutine pourra ainsi continuer à gouverner la Russie jusqu’en 2036.

Le dernier écho d’un orchestre résonne contre les dorures de la salle Andreïevski, au Kremlin. Une voix grave s’élève alors d’un homme mince au visage anodin, presque effacé. Il jure sa fidélité à la constitution, la main posée sur le texte de 1993. Au-dessus de son crâne, l’aigle à deux têtes des armoiries nationales plane au milieu d’un rideau bleu roi. Ce 7 mai 2000, devant une salle levée comme un seul homme, Vladimir Poutine devient président de la fédération de Russie.

Vingt ans plus tard, sous le même aigle à deux têtes et devant une salle plus droite encore, l’ancien membre des services secrets s’engage à revisiter une loi fondamentale qui n’a guère bougé depuis lors. Devant les parlementaires, ce mercredi 15 janvier 2020, il commence par promettre l’extension de l’allocation maternité aux famille n’ayant qu’un enfant, alors qu’il fallait jusqu’ici en avoir deux pour en bénéficier. Puis, ayant écarté la perspective d’une nouvelle constitution, Poutine fait part de son désir de l’amender.

Aussitôt, un vaste pan de la presse internationale s’en prend à une réforme qui « pourrait le maintenir au pouvoir » selon Reuters, est « conçue pour perpétuer son pouvoir », écrit l’universitaire britannique Richard Sakwa dans The Conversation, ou « ouvre la voie à son règne indéfini », à en croire le Financial Times. Pour le Guardian, il ne fait aucun doute que Poutine « prévoit de rester au pouvoir après 2024 », qui marquera la fin de son deuxième et dernier mandat consécutif autorisé par la constitution. N’a-t-il pas déjà contourné cette règle en cédant la place à un affidé, Dmitri Medvedev entre 2008 et 2012, pour mieux revenir à la présidence ensuite ?

Cette fois, explique une tribune du New York Times, « le leader russe manœuvre pour rester au pouvoir indéfiniment ». Certes prévoit-il de limiter le nombre de mandats présidentiels à deux, qu’ils soient successifs ou non, ce qui empêcherait tout retour. Mais voilà, il « n’a pas besoin d’être Président pour rester au sommet », ajoute le Washington Post. Le principe de la réforme est d’ailleurs approuvé par l’intégralité des 432 membres de la Douma (chambre basse) jeudi 23 janvier, et Dmitri Medvedev a été sèchement congédié, le poste de Premier ministre revenant au discret Mikhaïl Michoustine.

Crédits : Kremlin

« C’était un homme usé, accusé d’enrichissements douteux et dont la cote de popularité était mauvaise », observe Jean Radvaniy, professeur émérite à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) spécialisé dans la géopolitique russe. Le vice-Premier ministre Vitali Moutko, le ministre de la Culture Vladimir Medinski et la ministre de l’Éducation Olga Vassilieva payent aussi leur impopularité. En revanche, des piliers du régime comme Sergueï Lavrov (Affaires étrangères), Sergueï Choïgou (Défense) et Vladimir Kolokoltsev (Intérieur) restent.

En phase avec les titres anglo-saxons suscités, l’opposant Leonid Volkov, chef de cabinet d’Alexei Navalny, estime qu’il « est clair pour tout le monde que tout est fait pour remettre le pouvoir à Poutine à vie ». Le chef du Parti du changement, à la Douma de 2011 à 2016, Dmitri Goudkov, en parlent même comme d’un « coup d’État constitutionnel ». Seulement rien, dans les plans affichés par Poutine le 15 janvier 2020, ne ressemble à une manœuvre pour se maintenir au pouvoir.

Le président russe souhaite réviser la constitution afin de graver la suprématie de la loi russe sur le droit international dans le marbre, donner au Parlement le prérogative de nommer les membres du gouvernement, soumettre la nomination des chefs des agences de sécurité à une consultation du Conseil de la fédération et donc limiter le nombre de mandats présidentiels à deux au lieu de deux consécutifs. « Des commentateurs pensent qu’ils veut garder le pouvoir pour lui, en fait on n’en sait rien », tique Jean Radvaniy. « Il n’est pas exclu qu’il abandonne tout à condition qu’il ait mis en place une succession qu’il considère comme suffisamment stable et assurée. » Mais sont intervention à la Douma le 10 mars montre qu’il n’est pas encore décidé à céder la main.

Mentor mentor

Sous l’aigle à deux têtes projeté dans son dos, Vladimir Poutine poursuit le discours marathon dont il a le secret. « Il est important d’assurer un meilleur équilibre entre les différentes branches de l’État », déclare-t-il devant quelques mines circonspectes ce 15 janvier 2020. Si la réforme va à son terme, le Conseil de la fédération (chambre haute) aura le pouvoir de révoquer les juges de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle en cas d’actes déshonorants. La procédure sera initiée par le Président. Il pourra aussi mettre en branle une étude de la constitutionnalité des lois fédérales, par la Cour constitutionnelle, avant leur ratification. Enfin et surtout, le Conseil d’État deviendra une agence gouvernementale dont la fonction sera garantie par la constitution.

Rassemblement de leaders nationaux et régionaux présidé par Poutine, cet organe ne dispose pour le moment que d’un pouvoir consultatif. La réforme prévoit de lui confier la définition des « orientations de politique interne et étrangère de la Fédération de Russie et des principaux domaines de développement socio-économique ». À l’instar de Masha Gesse, journaliste au New Yorker et auteure du livre The Future Is History: How Totalitarianism Reclaimed Russia, certains imaginent donc Poutine en prendre la tête après y avoir déplacé le centre du pouvoir et « laissé une présidence éviscérée pour son successeur ».

Lors d’une interview à la télévision, le chef d’État a cependant réprouvé la perspective de devenir le « mentor » du prochain président en 2024, dans la mesure où elle entraînera la coexistence de deux centres de pouvoir, « une situation néfaste pour un pays comme la Russie » selon lui. Alors, quel rôle entend-il donner au Conseil d’État ? Sur ce mystère quasi-complet, le passé jette une lumière timide. En novembre 2000, un président encore vert réactive ce comité issu de la période soviétique. Poutine veut lui donner le rôle « stratégique » de prendre des positions sur « des sujets clés du développement du pays », « sans se substituer au travail du Parlement et du gouvernement ».

Crédits : Kremlin

À cette période, le moral du pays est loin d’être au beau fixe. « Plus de 40 % de nos citoyens vivaient sous le seuil de pauvreté, le système de sécurité sociale était en ruine, sans parler des forces armées qui avaient pratiquement cessé d’exister », retraçait-il dans le documentaire Conversations avec Monsieur Poutine, sorti en 2017. « Le séparatisme dominait. Je ne vais pas m’étendre là-dessus mais je veux juste dire que la constitution russe ne s’appliquait pas partout sur le territoire et une guerre faisait rage au Caucase – une guerre civile qui était alimentée par des éléments radicaux de l’étranger. » L’ex-officier du KGB fait là référence au conflit en Tchétchénie, pour lequel il avait promis que les « terroristes » seraient tués jusque « dans les chiottes ».

Une offensive impitoyable est aussi lancée contre certains oligarques. C’est la fin d’un règne pour ce qu’on a appelé la Semibankirchtchina sous l’ère de Boris Eltsine (1991-1999), autrement dit le gouvernement des sept banquiers : Boris Berezovski (Logovaz et Obiédinionni), Vladimir Goussinski (Most), Alexandre Smolenski (Stolitchni), Vladimir Potanine (Onexim), Mikhaïl Khodorkovski (Menatep), Piotr Aven et Mikhaïl Fridman (Alfa). L’économie russe reste toutefois centrée autour de mastodontes, puisque 23 groupes contrôlaient un tiers de son industrie en 2005.

Poutine n’en finit ni avec les oligarques ni avec la corruption, mais fait le ménage pour imposer son joug. « La politique de Poutine n’a pas eu pour but de réguler l’activité des oligarques, d’encadrer leur extension, mais de régner par des mesures discrétionnaires », juge Christof Ruehl, à cette période économiste en chef de la Banque mondiale à Moscou. Il devient ainsi petit à petit une figure non seulement incontournable mais aussi irremplaçable.

Prolongement

Deux mois après avoir juré de respecter la constitution, sous l’aigle à deux têtes, Vladimir Poutine donne son premier discours annuel à la nation. Comme il le fera vingt ans plus tard, le président russe commence, ce 8 juillet 2000, par s’inquiéter de la démographie. La population a chuté de 750 000 individus en moyenne depuis quelques années, ce qui risque, à un tel rythme, d’entraîner une perte de 22 millions de personnes dans les 15 ans à venir. À la faveur d’une embellie économique, facilitée par la reprise en main des hydrocarbures par l’État et une simplification du droit des entreprises, le taux de natalité repart à la hausse dans la seconde moitié de la décennie.

Poutine réussit donc à instiller un semblant de stabilité dans une société russe marquée par une décennie de troubles. Eltsine a donc bien choisi son successeur, après avoir longtemps tâtonné. À partir du moment où il a commencé à préparer son départ, en 1998, ce dernier a éprouvé trois Premiers ministres avant de nommer Poutine, Sergueï Kiriyenko, Yevgueniy Primakov et Sergueï Stepashin. Quand il s’est enfin décidé, il a présenté son successeur à Bill Clinton comme « un homme solide, au courant des différents sujets relevant de sa compétence. C’est aussi quelqu’un de rigoureux, fort et très sociable. »

Échaudé par l’instabilité de la décennie précédente, Poutine commence par assurer ses arrières. En 2001, une loi accorde au président russe l’immunité une fois son mandat terminé et une retraite de 580 035 roubles par mois, soit 8 460 euros. Puis la création du parti Russie unie lui assure une base parlementaire confortable, en sorte qu’il juge en mai 2003 que le gouvernement peut procéder de la majorité issue des législatives. Trois ans plus tard, le chef d’État change légèrement d’opinion.

« Je suis intimement convaincu qu’à l’ère post-soviétique, alors que notre économie se développe et que notre indépendance se consolide, de manière à définir les principes du fédéralisme, nous avons besoin d’un pouvoir présidentiel fort », affirme-t-il lors d’une conférence de presse. « Pour le moment, nous n’avons pas développé de partis politiques stables. Comment parler d’un gouvernement issu des partis dans ces conditions ? Ce serait irresponsable. »

Crédits : Kremlin

À la fin de son deuxième mandat, Poutine est si puissant qu’il est libre de choisir son successeur. Alors que certains observateurs redoutent un changement de la constitution de nature à lui permettre de rester en poste, comme Loukachenko et Karimov l’ont fait en Biélorussie et en Ouzbékistan, il assure vouloir respecter la loi fondamentale. « J’ai certaines idées sur la manière de faire évoluer la situation du pays pour ne pas le déstabiliser, pour ne pas faire peur aux gens et aux entreprises », déclare-t-il. Son choix se porte sur Medvedev, qui le nomme dans la foulée Premier ministre.

Poutine a beau avoir choisi son homme, des tensions apparaissent en 2011. Le pouvoir est contesté par de grandes manifestations de rue. Surtout, l’équipe de Dmitri Medvedev a laissé passer des résolutions aux Nations unies autorisant l’intervention d’une coalition internationale en Libye, entraînant le renversement de Mouammar Kadhafi. Cet épisode aurait convaincu Poutine de la nécessité de revenir à la présidence et aurait contribué à préciser sa stratégie au Moyen-Orient. Il s’est du reste montré résolument offensif sur la scène internationale, en annexant la Crimée en 2014. Depuis, la chute des cours du pétrole a en revanche entraîné une baisse du pouvoir d’achat.

Les mesures sociales annoncées le 15 janvier 2020 doivent contre-balancer ce bilan économique contrasté. La réforme de la constitution prévoit à ce titre une indexation du salaire minimum et des prestations sociales sur l’évolution du seuil de pauvreté. Avec le nouveau Premier ministre, Mikhaïl Michoustine, il possède quelqu’un qui « connaît très bien l’économie, s’est avéré compétent et est visiblement apprécié », remarque Jean Radvaniy. D’ici 2024, le chef d’État « va essayer différentes personnes à différents postes comme l’avait fait Eltsine ». Sauf qu’il n’est semble-t-il pas prêt à lâcher le pouvoir.


Couverture : Kremlin


 

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22.01.2021 à 00:10

À quoi ressemblera la première colonie spatiale ?

Servan Le Janne

À une palourde, voilà à quoi pourrait bien ressembler la première colonie spatiale humaine. Et elle pourrait voir le jour – ou plutôt la nuit éternelle des espaces infinis qui nous entourent – d’ici à peine une quinzaine d’années, à en croire son concepteur l’as­tro­phy­si­cien finlan­dais Pekka Janhu­nen, qui la dévoilait en novembre 2020. Le […]

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Texte intégral (4423 mots)

À une palourde, voilà à quoi pourrait bien ressembler la première colonie spatiale humaine. Et elle pourrait voir le jour – ou plutôt la nuit éternelle des espaces infinis qui nous entourent – d’ici à peine une quinzaine d’années, à en croire son concepteur l’as­tro­phy­si­cien finlan­dais Pekka Janhu­nen, qui la dévoilait en novembre 2020.

Le scientifique a imaginé une station spatiale énergétiquement autonome grâce à deux miroirs géants, déployés de part et d’autre d’une base circulaire capable d’accueillir 50 000 humains, veaux, vaches, cochons et végétaux. Ce n’est pas sa seule originalité, puisqu’elle serait placée en orbite autour de la planète naine Cérès, dans la ceinture d’astéroïdes, et construite à partir de matériaux extraits directement de sa surface.

Autant dire que 15 ans semble irréaliste pour la concrétisation d’un tel projet, mais son existence ravive la soif de colonisation spatiale de l’espèce humaine, et nous amène à nous interroger sur la forme que prendra notre première véritable incursion dans l’espace, détachés de notre chère planète bleue.

Blue Moon

De la Terre, l’Homme verra bientôt une autre planète bleue scintiller comme en miroir dans le ciel. C’est la promesse faite par Jeff Bezos. Sur la scène du Convention Center de Washington, jeudi 9 mai 2019, le patron d’Amazon a présenté « Blue Moon », un appareil de 15 tonnes qui se posera sur la Lune en 2024. « Il est temps de retourner là-haut, mais cette fois pour y rester », lance-t-il à une foule de journalistes triés sur le volet. Capable de transporter 3,6 tonnes de matériel, cet alunisseur posera la première pierre de la route que l’homme le plus riche du monde veut créer dans l’espace. Il devrait atteindre le pôle sud de la Lune afin d’exploiter l’eau glacée qui s’y trouve, de manière à la transformer en hydrogène. À partir de ce carburant, il sera ensuite possible d’explorer le système solaire. « Et des choses incroyables se produiront », promet le patron d’Amazon.

Pour ne pas présenter cette mission comme un fantasme de milliardaire, Bezos assure qu’étant donnée la croissance démographique, « nous allons manquer d’énergie. C’est un problème mathématique, ça va arriver. » Alors que les ressources s’épuiseront selon lui sur Terre, le reste du système solaire est riche. « Voulons-nous stagner et rationner ou voulons-nous le dynamisme et la croissance ? » interroge-t-il. « Le choix est vite fait. Nous savons ce que nous voulons, il ne reste plus qu’à nous mettre au travail. » Pour aider la NASA à envoyer des astronautes sur la Lune, comme le veut Donald Trump, sa société Blue Origin est la mieux placée, vante-t-il : elle a été fondée en 2000, soit deux ans avant SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk.

Crédits : Blue Origin

« Oh arrête de nous titiller Jeff », a tweeté le créateur de Tesla en apprenant la nouvelle. Le 20 juin prochain, Musk devrait donner plus de détails sur les moyens mis en œuvre dans le projet Starship pour bâtir une base habitable et autonome sur Mars. La planète rouge possède l’avantage de se situer « assez loin de la Terre », ce qui lui donne plus de chance de survie qu’une structure sur la Lune. Elle pourrait alors représenter la première de nombreuses colonies à venir.

Quant à Jeff Bezos, il ne vise pas seulement la Lune. Le patron d’Amazon songe à construire des stations spatiales orbitales géantes, dont la rotation serait source de gravité. De telles structures, imaginées par le physicien de Princeton Gerard K. O’Neill, pourraient accueillir un billion de personnes dans un cadre aussi élaboré que bucolique. « Ce serait une civilisation incroyable », s’émeut Jeff Bezos. On y vivrait constamment comme aux « meilleurs jours de Maui », une île d’Hawaï, tout en pouvant revenir sur Terre. Cette perspective n’excite d’ailleurs pas seulement le PDG. Il existe même déjà une nation spatiale avant l’heure.

Asgardia

Igor Ashurbeyli tient la Terre entre ses mains. « Aujourd’hui, Asgardia est le foyer de citoyens de plus de 200 pays », se rengorge ce quinquagénaire russe en manipulant le globe de la taille d’un enfant qui trône dans son bureau. Le « père fondateur » est un bonhomme rond à la moustache et aux cheveux blancs. Son regard céruléen perce derrière des verres sans monture et un cillement incessant. Ce 12 janvier 2017, plein de flegme, il s’adresse aux « hommes du futur » de la « nation spatiale » créée trois mois auparavant.

Igor Ashurbeyli durant sa conférence de presse
Crédits : Asgardia

Pendant la première année du calendrier asgardien, lui et ses 100 000 compatriotes ont beaucoup à faire : « Approuver une constitution, élire un gouvernement, choisir un drapeau, un hymne, un insigne et beaucoup d’autres choses. » Ainsi affranchi des lois terrestres, le nouvel État pourra commencer à prévoir son installation dans l’espace. Mardi 13 juin 2017, lors d’une conférence de presse organisée à Hong Kong, Igor Ashurbeyli a annoncé le lancement d’un satellite contenant des données en septembre, une première étape avant de quitter ce monde. À terme, Asgardia doit envoyer un appareil réunissant les conditions propices à la vie. Comme dans le film Elysium (2013), cette station spatiale pourrait prendre la forme d’un gigantesque anneau tapissé de végétation et sillonné d’eau. C’est du moins le modèle à l’étude, doté de suffisamment de gravité et de ressources pour que l’espèce se perpétue loin du berceau.

Conquête

Du haut du plus grand immeuble de Hong Kong, les Asgardiens cherchent un nouveau pied-à-terre sur la voûte céleste. Mardi 13 juin, dans un gratte-ciel de la péninsule asiatique, Igor Ashurbeyli organisait la deuxième conférence de presse de la « nation spatiale ». À partir de « ce lieu qui est presque le plus proche de l’espace », il a donné à chacun de ses citoyens le droit de charger 300 kilobits de données personnelles dans le cargo orbital ATK Cygnus, qui partira pour la Station spatiale internationale (ISS) en septembre. Qu’il s’agisse d’une photo de « votre chaton, de votre voisin, de votre mère ou de votre enfant », a précisé le Russe, « vos données seront conservées pour toujours dans la mémoire de la nouvelle humanité spatiale puisqu’elles seront réinstallées dans chaque satellite d’Asgardia, pas seulement dans l’espace proche mais sur la Lune et ailleurs dans l’univers. » Quel intérêt ?

Pour John Strickland, membre du directoire de la National Space Society, la conservation d’information revêt un intérêt stratégique : « Nous sommes essentiellement entouré par des données génétiques. Elles peuvent être transportées ailleurs et restaurées dans le futur. » En cas de catastrophe, leur conservation empêcherait l’extinction des espèces connues actuellement. « Les progrès en biologie laissent augurer des vies plus longues, ce qui pourrait engendrer des problèmes économiques et sociaux », ajoute-t-il. Sans parler du risque nucléaire. Igor Ashurbeyli cite à dessein la Lune comme une première étape car l’Agence spatiale européenne (ESA) veut y installer un village. Pour faire avancer cette idée qu’il porte depuis son arrivée à la présidence de l’ESA, en juillet 2015, Johann-Dietrich Woerner a réalisé une vidéo de promotion en mars 2016 dans laquelle il vante les missions qui pourraient y être menées « dans la science, les affaires, le tourisme ou même l’exploitation minière ». Construite à l’aide des ressources de sa planète par des robots grâce à l’impression 3D, la base viendrait remplacer la Station spatiale internationale, dont le programme doit prendre fin en 2024. D’ici là, dès 2018, la Chine enverra une sonde sur le pôle sud de la Lune afin de chercher de l’eau et les États-Unis analyseront la composition du sol de Mars grâce à la mission In Sight. L’Europe a elle a dû reporter l’envoi de son rover Exomars à 2020.

Crédits : ESA

« La prochaine étape logique », d’après Woerner, est la création d’une colonie évoluant en dehors de la Terre. Mais cette ambition que fait sienne Elon Musk à travers SpaceX soulève quelques questions. Pour répondre aux plus immédiates d’entres elles, un groupe de de l’ESA et de l’agence spatiale russe Roscosmos s’est mis dans les condition d’un voyage vers la Planète rouge en 2010. Baptisé Mars500, ce projet reproduisait les conditions rencontrées durant un vol spatial. « La question principale », indique l’un des participants, l’ingénieur français Romain Charles, « était de savoir si l’homme est psychologiquement et physiologiquement capable d’endurer le confinement d’un voyage vers la planète Mars, en estimant que cela prendrait huit mois à l’aller, un mois sur place et huit mois au retour ».

Après ce long périple cloué à un simulateur de l’Institut des problèmes bio-médicaux de Moscou, la réponse donnée a été oui. Mais deux facteurs extrêmement importants n’ont pas été analysés : le manque de gravité et les radiations. À mesure que l’on s’éloigne d’un astre, l’effet de son champ de pesanteur se réduit. Sujet à un flottement dans l’espace, le corps d’un cosmonaute perd des muscles et de la résistance osseuse. Il est ainsi bien plus fragile. Or, les radiations émises par l’explosion d’étoiles lointaines le mettent aussi à l’épreuve. « Quand on quitte la proche banlieue terrestre, ces dernières peuvent produire des dégâts dans le corps humain », prévient Romain Charles. À une distance raisonnable du champ magnétique de la Terre qui les dévient, les dommages ne sont pas trop graves. Mais au large, tout indique qu’elles sont mortelles. Pour s’en protéger, « on a pensé à une coque en plomb, mais c’est très lourd », explique Romain Charles. « L’eau est un bon bouclier, mais ça pose plein de problème techniques. » La NASA étudie, elle, une solution à base de nanotubes de nitrure de bore hydrogénées (BNTT). « Cette matière est très résistante, même à très haute chaleur », observe Sheila Thibeault, une chercheuse de l’agence spatiale. À l’aune des progrès techniques, la colonisation de Mars apparaît « possible » à John Strickland. « C’est une planète qui ressemble assez à la Terre, il y a certes des choses à régler, mais ça pourrait être fait en 200 ans. »

En cas d’échec du processus de terraformation, c’est-à-dire de transformation de la Planète rouge en une planète bleue, l’option d’un vaisseau auto-suffisant serait à creuser. Elle présenterait l’avantage de permettre aux Hommes d’aller d’une orbite à l’autre, en quête d’autres formes de vie. « On peut imaginer faire tourner une station cylindrique par rapport à un axe central pour créer une gravité artificielle », détaille Romain Charles. « Des systèmes à deux stations reliées par un long filin autour duquel elles pivotent ont aussi été imaginées. On a testé de petites centrifugeuses dans les stations pour créer une gravité artificielle, cela fonctionne. » Seulement, « nous sommes actuellement incapables de lancer une fusée de plus de cinq mètres de largeur », tempère John Strickland. Avant d’imaginer un cylindre où nous reproduire, il faut donc déjà savoir comment quitter la Terre.

Kalpana One, une colonie orbitale imaginée pour la NASA

Tore

Un nuage de poussière avale la capsule Soyouz dès son atterrissage dans une plaine du Kazakhstan. Après six mois dans l’espace, Thomas Pesquet et Oleg Novitski retrouvent la planète qu’ils ont observée avec tant de plaisir depuis la Station spatiale internationale, à 400 kilomètres d’altitude. Ce vendredi 2 juin 2017, ils peuvent enfin retirer les combinaisons sur mesure qui les empêchaient de grandir, l’absence d’apesanteur engendrant un allongement de la colonne vertébrale. Comme si l’Homme n’était pas tout à fait préparé à prendre une telle hauteur. Il ne peut pourtant s’en empêcher. « La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau », disait Constantin Tsiolkovski en 1911. Auteur d’œuvres visionnaires sur l’exploration spatiale, ce scientifique russe a ouvert la voie aux avionneurs puis aux astronautes. Pour se propulser à la verticale, et donc se libérer de l’attraction, l’homme doit utiliser la réaction, théorise-t-il en 1883 dans L’Espace libre. Après avoir dessiné un « train-fusée » et un « ascenseur cosmique », il lance l’idée d’une installation spatiale rotative produisant sa propre gravité dans la nouvelle de science-fiction Au-delà de la Terre.

Une véritable ville pourrait s’y développer autour de productions industrielles et agricoles. Parmi ses inspirations, Tsiolkovski cite Jules Verne, dont les romans d’anticipation passent de main en main dans les milieux scientifiques. Inspiré par De la Terre à la Lune (1865), le physicien allemand Hermann Oberth se met à imaginer des appareils à plusieurs étages. « S’il y a une petite fusée au-dessus d’une grande et que la grande est propulsée alors que la petite est allumée, leur vitesse sera plus grande », écrit-il dans le livre La Fusée dans l’espace interplanétaire. Il y mentionne pour la première fois le mot Raumstation, c’est-à-dire « station spatiale » en allemand. L’un de ses disciples, Wernher von Braun, le reprend dans À travers la frontière spatiale en 1952. Sur un modèle élaboré en 1928 par l’ingénieur slovène Herman Potočnik, von Braun conceptualise une roue de 76 mètres de diamètre, en orbite à 1 700 mètres autour de la Terre, dont la rotation à trois tours par minute créerait un phénomène de gravité artificielle. Vendu à quatre millions d’exemplaires, le numéro du magazine Collier’s dans lequel est publié son article en 1952 « fait grandement évoluer l’état de l’opinion publique à propos des voyages dans l’espace », souligne l’historien de la NASA Mike Wright. « Il rend réaliste l’idée d’une exploration spatiale pacifique. » L’idée se diffuse également au travers des fictions réalisées par les studios Disney, avec lesquelles il collabore. Fasciné par les étoiles des pages du magazine Astounding Stories, le fils de fermier anglais Arthur C. Clarke pense à la même époque qu’aller sur Mars prendra 100 jours dans les années 1990. D’échanges à la British Interplanetary Society, il en est venu à écrire des articles puis des livres au sujet d’invasions extraterrestres (La Fin de l’enfance en 1953) et de conquêtes spatiales (La Cité et les Astres, en 1956). Dans un registre plus terre à terre, les Soviétiques envoient Spoutnik en orbite en 1957.

Lancé quatre ans plus tard, le programme Apollo aboutit en 1969, quelques mois après la parution de 2001, L’Odyssée de l’espace. Son scénario est rendu célèbre par le film éponyme de Stanley Kubrick. On y découvre une station formée d’une double-roue. Au début des années 1970, alors que Soviétiques et Américains mettent sur pied des satellites en forme de tubes hérissés de panneaux solaires et thermiques, ceux des futuristes conservent le modèle cylindrique. En 1973, la NASA parvient à envoyer une espèce de moulin baptisé Skylab au voisinage de la Terre, là où Arthur C. Clarke imagine un immense vaisseau rond se déployer dans Rendez-vous avec Rama. Des concepts de roues ou de tores sont aussi esquissés à la demande de l’agence spatiale américaine par Don Davis et Rick Guidice. À l’université de Stanford, le physicien Gerard K. O’Neill reprend les sphères élaborée par John Desmond Bernal en 1929 pour proposer son propre schéma de 500 mètres de diamètre tournant à 1,9 tour par minute. Il inspirera plus tard Jeff Bezos.

Une colonie orbitale imaginée par Rick Guidice pour la NASA

Une usine spatiale

Si la station Mir (1986-2001) et la Station spatiale internationale (ISS, lancée en 1998) ressemblent plus à un étendoir qu’aux énormes donuts pensés pour accueillir une colonie, c’est que leur proximité avec la Terre ne les exposent pas aux conditions extrêmes de l’espace lointain. « La protection du champ magnétique terrestre est encore assez présente dans l’ISS, donc les astronautes subissent plus de radiation que nous sur Terre mais ça reste dans des proportions correctes », explique Romain Charles. Une micropesanteur existe ainsi dans les stations qui gravitent autour du globe. Mais la forme des satellites est surtout contrainte par la taille réduite des objets que nous sommes en mesure d’envoyer. Bâtir un anneau à l’image de celui d’Elysium réclame donc d’établir une usine dans l’espace. « Vous avez besoin de robots », explique John Strickland. « Ils pourraient œuvrer sur des rails pour ne pas avoir à se soucier de la gravité. Rendre cela soutenable financièrement nécessitera l’emploi de fusées réutilisables. » La société de Jeff Bezos, Blue Origin, œuvre en ce sens en construisant une usine de fusées en Floride.

La conquête spatiale s’industrialise. Une fois l’usine installée, elle aura comme objectif de produire un cylindre dont la rotation engendre une gravité artificielle où l’air est respirable. « Cela fait 40 ans que nous construisons des vaisseaux adaptés à la respiration humaine », rappelle un autre directeur de la National Space Society, Al Globus. « Nous avons juste besoin de les faire plus grands. » Différents filtres absorbent l’humidité dans les stations spatiales et capturent le dioxyde de carbone rejeté par la respiration, dont la toxicité à haute dose peut être mortelle. Ce système en circuit fermé engendre également de l’eau. Son autonomie repose néanmoins pour le moment sur certains composants comme le silice, régulièrement réapprovisionnés depuis la Terre.

Les fleurs de l’ISS
Crédits : NASA

Par conséquent, l’environnement de l’ISS présente des caractéristiques propices au développement de plantes. Sauf que faute de gravité suffisante, leurs racines, tiges et feuilles poussent en tout sens, à moins d’être guidées par de la lumière. Un jardinage méticuleux a permis à l’astronaute américain Scott Kelly de faire pousser deux fleurs de zinnia dans la Station spatiale internationale. En février 2017, des algues sont même revenues sur Terre après avoir passé 530 jours à l’extérieur de l’appareil, exposées aux radiations et aux basses températures. Or, remarque Romain Charles, « des systèmes à base d’algues microscopiques permettent de produire de l’oxygène. Ils ne fonctionnent cependant plus si elles mutent sous l’effet des radiations. » Depuis une vingtaine d’années, des chercheurs de l’université autonome de Barcelone tablent sur un écosystème pouvant fonctionner en vase clos. Basé sur le recyclage, le projet Melissa est censé se réapprovisionner en eau, en nourriture et en oxygène sans apport extérieur. Il est expérimenté sur des rats qui vivent dans l’un des cinq compartiments où les composants nécessaires se renouvellent de manière indépendante. Une ingénierie complexe : « Connecter deux compartiments, c’est gérable », relève le responsable de cette expérience menée pour le compte de l’ESA, Christophe Lasseur. « Mais lorsque nous passerons à trois, puis quatre et cinq, la complexité s’amplifiera. » En attendant, « il n’y a pas encore de système clos complet qui donne satisfaction », admet Romain Charles.

Dans l’espace, l’Homme peut en tout cas raisonnablement espérer pouvoir se reproduire. Malgré une exposition à des radiations cent fois plus élevées que celles atteignant la Terre, le sperme de douze souris ayant séjourné 288 jours dans la Station spatiale internationale a pu donner la vie. Les altérations de l’ADN n’ont pas eu d’effet néfaste sur le développement de leur progéniture, ont constaté les chercheurs japonais de l’université de Yamanashi à Kofu, en juin 2017. La nouvelle a dû réjouir le « père de la nation spatiale » Igor Ashurbeyli. Mais elle ne profitera au mieux qu’à ses petits-enfants.


Couverture : Bienvenue sur Kalpana One. (Bryan Versteeg)


 

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21.01.2021 à 00:01

L’endroit le plus mystérieux du monde : la vraie histoire de la Zone 51

Antoine Coste Dombre

Matty Roberts est un mec sympa. Ce Californien de Bakersfield au visage bonhomme, encadré par un bouc épais et de longs cheveux châtains, affiche ses passions au vu de tous sur Internet : les grosses cylindrées, le metal, les séries B et les teckels. Ses potes l’adorent, c’est un marrant. Tout a d’ailleurs commencé par […]

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Texte intégral (4659 mots)

Matty Roberts est un mec sympa. Ce Californien de Bakersfield au visage bonhomme, encadré par un bouc épais et de longs cheveux châtains, affiche ses passions au vu de tous sur Internet : les grosses cylindrées, le metal, les séries B et les teckels. Ses potes l’adorent, c’est un marrant. Tout a d’ailleurs commencé par une blague sur Facebook.

Le 27 juin 2019, Matty a créé le groupe « Storm Area 51, They can’t stop all of us », où il invite la communauté à envahir la célèbre Zone 51 pour en révéler les secrets. L’idée est simple : « Ils ne pourront pas tous nous arrêter. » Étrangement séduisante. Pendant trois jours, la blague n’a fait rire que 40 personnes. Et puis le feu a pris d’un coup.

Aujourd’hui, ce sont près de deux millions de personnes qui disent vouloir se rendre sur le mystérieux site pour « voir les extraterrestres » le 20 septembre 2019. La blague ne fait pas rire l’US Air Force. « Nous décourageons quiconque de tenter de pénétrer dans une zone où nous entraînons les Forces armées américaines », a déclaré un porte-parole de l’US Air Force.

La couverture du groupe Facebook

Mais les militaires ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Avec 184 chambres d’hôtel, deux stations-service, un supermarché et un hôpital, le comté de Lincoln, dans le Nevada, n’est pas fait pour accueillir 1,9 million de personnes. Oh bien sûr, la plupart des « participant(e)s » ne viendront pas, « mais si 500 ou 1000 personnes débarquent, nous aurons des problèmes », a confié le shérif du comté Kerry Lee au Las Vegas Sun. Les 26 policiers qu’il a sous ses ordres sont bien d’accord.

Pourtant, malgré les mises en garde, le 20 septembre prochain risque de voir un nombre étonnant de gens affluer sur les terres arides qui entourent le terrain de l’armée américaine, qui fascine le monde entier depuis 72 ans. Crash d’ovni, avions espions et photographies classées Secret Défense : voici tout ce qu’on sait vraiment de la Zone 51.

Secret Défense

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William Colby

19 avril 1974. William Colby est assis devant son bureau de Langley, en Virginie, au quartier général de la CIA. Cheveux impeccablement coiffés, allure sévère et tiré à quatre épingles, le directeur de l’Agence centrale de renseignement américaine est soucieux. Il vient de recevoir un mémo faisant état d’un « petit problème » concernant une zone interdite, une portion de territoire totalement dissimulée aux civils. Le dos droit dans son fauteuil en cuir sombre, William Colby a raison de ne pas être serein : une photographie des activités de la Zone 51 pourrait avoir fuité.

En cause, les astronautes de la dernière mission Skylab, l’ancêtre de la Station spatiale internationale, réalisé par la NASA. Ils ont pris plus de 19 400 photos lors de leur dernier voyage dans l’espace. L’une d’entre elles donne à voir la base secrète la mieux gardée des États-Unis dans ses plus détails les plus intimes. L’acte était-il intentionnel ? S’agissait-il d’une simple maladresse des astronautes de la NASA ? La réponse n’a jamais été dévoilée. Mais pour William Colby, la seule existence du cliché pourrait entraîner de graves conséquences : le risque que l’image tombe aux mains des Soviétiques est trop important. Elle doit absolument être classée Secret Défense, et vite.

William Colby organise immédiatement une réunion entre les différentes agences américaines pour demander sa classification. La NASA et le département de l’Intérieur s’y opposent sans détour. Un cas classique de concurrence entre agences gouvernementales. Pourtant, un accord existe entre la NASA et les services secrets américains : toute photo prise par un satellite ou des astronautes doit d’abord passer par le Centre national d’interprétation photographique (NPIC), basé à Washington. Au sein de ce service dirigé par la CIA, on vérifie et interprète toutes les photos aériennes et satellites. Dans ce cas précis, la question est de savoir si une photo prise par un programme non classé Secret Défense peut être classifiée. La CIA obtiendra finalement gain de cause.

Plus de 40 ans plus tard, le contenu de cette image reste un mystère absolu. La photo a été retirée des dossiers Skylab 4. Face à l’influence de la CIA et à la puissance des secrets entourant la base militaire, la NASA et l’Intérieur n’ont pas eu leur mot à dire. Cette base, on l’appelle Dreamland, Watertown, The Ranch, Paradise Ranch, The Farm, The Box, Groom Lake… ou encore Zone 51. Elle conservera donc tous ses secrets. Colby peut dormir tranquille.

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Le lac asséché de Groom Lake et la Zone 51, vus du ciel
Crédits : Google

Groom Lake Road

Au beau milieu du désert du Nevada, dans la vallée de Tikaboo, la ville de Rachel est la seule commune à des kilomètres à la ronde. Perdue dans le comté de Lincoln à trois heures de route au nord de Las Vegas, Rachel et sa cinquantaine d’habitants sont plantés là, dans le désert du Grand Bassin des États-Unis. Un no man’s land où règne sans partage une chaleur ardente. Rachel est une ancienne ville minière de tungstène dont la plupart des habitants vivent dans des ranchs. Ici, il n’y a pas de mairie, pas de station essence, pas même de supermarché ou d’épicerie, seulement le « Little A’Le’Inn », une petite auberge qui accueille les voyageurs audacieux ou égarés.

C’est l’unique village qui donne sur la route 375, une interminable voie goudronnée qui mène droit vers les mines. Et au-delà ? Une portion de sentier terreux appelé Groom Lake Road, qui semble ne mener nulle part. Enfin, pas tout à fait. Au bout de ce chemin poussiéreux s’étend une zone interdite d’accès. La voie terreuse laisse à nouveau place à une route goudronnée qui s’enfonce et grimpe plus avant dans ces collines désertiques et inhospitalières. À la frontière entre terre et goudron, pas de barrière ou de poste de garde, juste une paire intimidante de panneaux d’interdiction d’aller plus loin, accompagnés de pancartes sommant les voyageurs de rebrousser chemin.

De multiples interdictions y sont placardées, telles que « NO DRONE ZONE » ou « PHOTOGRAPHIE INTERDITE ». Toute transgression expose l’imprudent à un maximum de 1 000 dollars d’amende et six mois d’emprisonnement. ufovni2012-no_drone_zone_redSi un touriste un peu trop curieux s’avance près de la limite indiquée, un 4×4 blanc ou beige banalisé apparaît. En sortent deux soldats en treillis couleur sable, armes chargées aux mains, qui intiment vigoureusement le voyageur de reprendre sa route dans le sens inverse. Comment ont-ils pu s’apercevoir d’une présence intrusive ?

Dans le ciel immense, pas un drone en vue. Le désert semble mort. Mais d’une manière ou d’une autre, tout est enregistré sur cette route. Les habitants de Rachel racontent à mi-voix que des détecteurs de mouvements se terrent partout dans la zone qui encercle Groom Lake. Jusqu’en 2013, les autorités américaines se refusaient à tout commentaire sur les activités de la Zone 51, accentuant les spéculations et le climat de mystère sur la région.

« Tous les interdits qui entourent la Zone 51 font que les gens veulent savoir ce qui s’y passe », explique l’historien Peter Merlin. Spécialisé dans l’aéronautique, il a enquêté pendant plus de 30 ans sur Groom Lake et ses énigmes. Pour lui, une seule certitude ressort des nombreux mythes qui l’entourent : la Zone 51 existe bel et bien et elle est encore active aujourd’hui. « Il est absolument certain qu’il s’y passe des choses », conclut-il. Mais quoi ?

Avions espions

La nuit du mercredi 2 juillet 1947, un orage s’abat sur la région environnant Roswell, une petite ville du Nouveau-Mexique. Dans une zone désertique et difficile d’accès, battue par une pluie diluvienne, une explosion terrible se fait entendre, accompagnée d’un arc lumineux qui traverse le ciel. Ça ne ressemble pas à un coup de tonnerre. Le lendemain, alors qu’il promène ses chèvres, William « Mac » Brazel découvre sur son terrain des débris éparpillés sur une vaste surface. Mac, chapeau de cowboy vissé sur la tête, est propriétaire d’un ranch. Comme plusieurs de ses voisins, il a déjà retrouvé sur ses terres des débris de ballons météorologiques, mais cette fois, il est surpris par l’aspect de sa trouvaille. Il en ramasse quelques-uns qu’il ramène chez lui.

Quelques jours plus tard, il se décide à faire part de sa trouvaille à George Wilcox, le shérif du comté de Chaves. Celui-ci appelle le Roswell Army Air Field, le camp militaire basé à côté de la ville. Deux soldats se rendent sur les lieux pour inspecter les fameux débris et, dès le lendemain, le colonel Blanchard fait boucler le périmètre du crash. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, les débris sont ramassés et emmenés par camion à la base de Roswell.

Le jour-même, le colonel annonce, via un communiqué, que les débris retrouvés proviennent d’une « soucoupe volante ». En un rien de temps, toute la presse du pays est en effervescence et se rue dans le région. Mais quelques heures plus tard, le brigadier-général Roger Ramey annonce que le colonel Blanchard s’est trompé. Il s’agirait non pas d’une soucoupe volante, mais des restes d’un ballon météorologique couplé à un réflecteur radar.

C’est dans la Zone 51, à en croire les plus fervents ufologues, que seraient entreposés les vestiges du crash de Roswell. À les en croire, ils constitueraient la preuve de la relation secrète qu’entretient l’armée américaine avec des espèces extraterrestres.

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Un avion espion U-2
Crédits : US Air Force

En 2013, un rapport officiel sur l’histoire du programme d’avions espions U-2 entre 1954 et 1974, rédigé par deux historiens de la CIA, a été entièrement déclassifié. Il relate en des termes détaillés l’histoire de la Zone 51 et ce qu’on y aurait réalisé pendant ces deux décennies de secrets. D’après ce document de plus 400 pages, c’est en 1955 que débute véritablement l’histoire de la Zone 51.

À l’époque, la CIA est à la recherche d’un site pour procéder aux essais du U-2, le nouvel avion espion mis au point par l’entreprise Lockheed Martin, leader mondial dans le domaine de la défense et de la sécurité. L’appareil doit être testé à l’abri des regards indiscrets, alors que les États-Unis sont en pleine guerre froide contre l’URSS. La zone doit offrir une piste suffisamment longue et résistante pour supporter le poids du nouvel appareil, des réserves de carburant considérables et la proximité d’une administration militaire, pour la logistique.

Le lieu choisi par la CIA se situe dans une région administrative que d’anciennes cartes du gouvernement appellent la « Zone 51 ». Elle se trouve à côté de Groom Lake, un lac asséché coincé entre les montagnes. Sa situation géographique est parfaite puisque la zone est déjà largement interdite d’accès au public. La petite base, qui sera ensuite rénovée et agrandie, est entourée de la zone militaire de Nellis et du site d’essais nucléaires du Nevada (NTS), en service de 1951 à 1992. L’endroit est inhospitalier, et pour convaincre les ingénieurs et les militaires de venir travailler au sein de cette nouvelle base, Kelly Johnson, un des ingénieurs en chef du projet U-2, décide de renommer l’endroit Paradise Ranch – un des premiers surnoms de la zone.

De 1955 à 1974, les projets d’avions espions se sont enchaînés.

À partir de 1955 et des premiers tests de l’avion espion U-2, des témoignages faisant état observations d’ovnis dans la zone commencent à apparaître. « Les vols à haute altitude du U-2 ont rapidement entraîné un effet secondaire inattendu : l’augmentation phénoménale des signalements d’objets volants non-identifiés », racontent les deux historiens de la CIA. À l’époque, les avions de ligne volent à une hauteur de 3 000 à 6 000 mètres, quand les U-2 se déplacent à plus de 20 000 mètres. « De tels signalements arrivaient fréquemment en début de soirée, de la part de pilotes commerciaux volant d’est en ouest », disent-ils.

À cette heure de la journée, le Soleil était bas sur l’horizon, plongeant les avions « dans l’ombre » et rendant difficile leur identification à l’œil nu. Quand un U-2 volait dans les environs à très haute altitude, le Soleil se reflétait sur ses ailes métalliques, ce qui donnait l’impression aux pilotes de voir des objets enflammés, écrivent-ils. Le phénomène était également observé sur la terre ferme. « À cette époque, personne n’imaginait qu’un vol habité était possible à cette altitude, ce qui fait que personne ne s’attendait à voir un objet si haut dans le ciel », poursuivent les deux historiens. Toujours d’après le rapport, le caractère ultra-secret du programme U-2 empêchait les membres de l’Air Force chargés d’enquêter sur les signalements d’ovnis d’expliquer les véritables raisons de ces phénomènes.

De 1955 à 1974, les projets d’avions espions se sont enchaînés. Avant même que le U-2 ne soit totalement développé, le projet OXCART a été lancé par la CIA en 1962. Cet appareil de reconnaissance à haute altitude était capable d’atteindre la vitesse de Mach 3, soit trois fois la vitesse du son. Kenneth Collins a aujourd’hui 80 ans. Cet ancien pilote d’essais de la CIA a effectué de nombreux vols avec le U-2 et l’OXCART dans les années 1960. Il se souvient en détail du 24 mai 1963, le jour de son crash avec l’OXCART, dans l’Utah.

« Trois hommes sont arrivés en pick-up et m’ont proposé de l’aide. Je leur ai dit de ne pas s’approcher de l’avion, que j’avais une charge nucléaire à bord », se souvient-il. La CIA a fait signer à tous les témoins un engagement de confidentialité et déguisé l’accident en expliquant qu’il s’agissait d’un simple avion de l’US Air Force. Après avoir été récupéré, le pilote a subi un interrogatoire de la CIA, dont les agents lui ont administré un sérum de vérité : « Ils voulaient s’assurer que je n’avais rien oublié de leur dire des circonstances de l’accident. »

Quelques jours plus tard, le dimanche soir, trois agents l’ont ramené chez lui. « L’un d’eux conduisait ma voiture, les deux autres m’ont porté à l’intérieur et m’ont jeté sur le lit. J’étais défoncé à cause des médicaments. Ils ont donné les clefs de voiture à Jane, mon épouse, et sont repartis sans dire un mot. »

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Lockheed A-12 Oxcart
Crédits : US Air Force

La vérité est ailleurs

Robert Scott Lazar a tout du scientifique des années 1970. D’imposantes lunettes posées sur le nez, les cheveux châtains mi-longs recouvrant ses oreilles. Il se fait connaître pour la première fois dans le Los Alamos Monitor, un journal local du Nouveau-Mexique, en 1982. L’article parle d’un dragster qu’il aurait construit avec un scientifique de la NASA. Le journal présente alors « Bob » Lazar, qui dit être diplômé du MIT et du California Institute of Technology (Caltech), comme « un physicien travaillant au centre de recherche de Physics Facility (LAMPF) ».

Mais c’est le 13 mai 1989 que Bob Lazar accède à une notoriété mondiale : lors d’une interview donnée à une chaîne télévisée de Las Vegas, le scientifique affirme avoir travaillé dans la très secrète Zone 51. bob-lazarLazar explique avoir été ingénieur et scientifique durant un an, entre 1988 et 1989, dans la base de la CIA. Et il n’est pas avare de détails : devant son interlocuteur médusé, il raconte avoir été attribué au secteur 4, proche de Groom Lake et caché sous la montagne, à Papoose Lake.

Au cours de ses diverses missions, Bob Lazar dit avoir travaillé sur la propulsion d’un nouveau genre d’appareils militaires. Mais après des recherches poussées sur le matériel qu’on mettait à sa disposition, il parvient à la conclusion que les neufs engins gardés dans le Secteur 4 ne sont pas d’origine terrestre. Dans son témoignage, Bob Lazar explique s’en être rendu compte après être monté à bord d’un des appareils. Pour lui, l’engin était « construit pour une personne à la morphologie différente de celle d’un pilote humain ».

Une enquête du Los Angeles Times de 1993 montre qu’il n’y a aucune trace de son passage au MIT et à Caltech. Le docteur en physique David L. Morgan a également remis en question les propos de Bob Lazar. Ce dernier s’est défendu en affirmant que le gouvernement américain, ou une « autorité plus haut placée », avait effacé les traces pour lui faire perdre tout crédibilité. C’est pour se protéger qu’il aurait réalisé l’interview du 13 mai 1989.

Quoi qu’il en soit, cette interview et le témoignage de Bob Lazar ont connu une diffusion mondiale, et relancé, au début des années 1990, le mythe qui entoure la Zone 51. En quelques années, elle a été happée Hollywood qui a fini de graver son nom dans l’imaginaire collectif avec X-Files (1993) et Independence Day (1996). Celui de Bob Lazar, en revanche, est presque tombé aux oubliettes – un documentaire Netflix lui était consacré en 2018.

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Peter Merlin porte la raie sur le côté, les cheveux courts au niveau des tempes et une fine moustache qui épouse les contours de sa lèvre supérieure. Il se montre le plus souvent affublé d’un grand chapeau beige et d’un blouson en cuir. Après avoir travaillé si longtemps sur la Zone 51 et ses mystères, il en parle aujourd’hui avec beaucoup de calme et de sérénité : « Le seul véritable mystère qui entoure la Zone 51 aujourd’hui concerne la nature des programmes qui n’ont pas encore été déclassifiés. »

Lorsqu’on lui demande si Bob Lazar dit vrai, il n’hésite pas une seconde : « En plus de trente ans de recherches, je n’ai trouvé aucune preuve crédible, si ce n’est les avions espions militaires et les armes qui ont été testés dans la Zone 51. Malgré cela, le mythe persiste. » Pour lui, les récentes divulgations de la CIA n’y feront rien car les gens aiment le mystère. « Moins on en sait sur la Zone 51, plus il est facile de remplir les blancs avec son imagination », conclut-il.

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Peter W. Merlin

Mais un événement récent est venu secouer le monde des ufologues. En 2015, le Dr Robert Krangle, physicien et consultant régulier du laboratoire de Los Alamos, a affirmé se souvenir parfaitement de Bob Lazar. Son témoignage inattendu a donné une nouvelle dimension aux propos de celui qui, plus de 25 ans plus tôt, disait avoir travaillé sur des appareils extraterrestres dans l’enceinte de la Zone 51.

« Bob Lazar était aussi physicien que moi : ça se voyait tout de suite à la rangée de stylos de couleur qui dépassaient de sa chemise », dit-il sur le ton de la plaisanterie. Le physicien ajoute plus sérieusement que Bob Lazar participait aux réunions de sécurité « durant lesquelles on nous donnait le briefing habituel, qui exigeait qu’on ne dise rien à l’extérieur de ce qu’on allait voir ou faire à Los Alamos ». Robert Krangle est à ce jour la seule personne à avoir publiquement validé le passé et les travaux de Bob Lazar…

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En octobre 2016, deux hommes se sont un peu trop approchés du site secret de Groom Lake Road. Joe et Garrett McCullough ne sont pas des chasseurs d’ovnis, ni des théoriciens du complot. Ce père et son fils sont des aventuriers vlogueurs dont l’activité favorite est d’explorer le monde sur leurs motos. Dans leur vidéo publiée le 10 octobre 2017, ils tentent de s’introduire sur la Zone 51. Pour ce faire, ils ont étudié en détail de nombreuses cartes de la région et de ses alentours, afin de trouver un chemin détourné. Les deux motards s’élancent sur le chemin de traverse en filmant leur avancée avec des caméras embarquées.

Tandis qu’ils roulent roulent sur un chemin de terre non balisé, un 4×4 blanc les dépasse dans un nuage de poussière, deux hommes en treillis derrière le volant. Stupéfaits, les deux pilotes décident néanmoins de continuer leur route jusqu’aux panneaux interdisant d’aller plus loin. Ils font halte et c’est alors que le 4×4 blanc surgit sur la piste avant de s’arrêter. Les deux soldats en sortent en braquant leurs armes sur eux. Après les avoir fouillés sans ménagements, ils les somment de rebrousser chemin immédiatement. Loin de la Zone 51 et de ses secrets.


Couverture : Groom Lake vu du ciel.


BIENVENUE À ROSWELL, CAPITALE MONDIALE DES OVNIS

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Depuis 1947, la ville de Roswell est un lieu sacré pour tous les amateurs d’OVNI. Chaque année, des milliers de personnes accourent à son festival.

Chaque été, des milliers de personnes déferlent dans la ville de Roswell, au Nouveau-Mexique. Ils viennent assister au festival annuel des OVNI, le UFO Festival. L’événement a lieu pour l’anniversaire du fameux crash de vaisseau extraterrestre que le gouvernement américain aurait cherché à passer sous silence, durant l’été 1947. Pendant quatre jours et quatre nuits, cette petite ville d’ordinaire tranquille et old fashion accueille une effusion carnavalesque de food trucks, de concours de costumes, de spectacles de son et lumière et de stands débordant de babioles en tout genre pour fanas d’extraterrestres.

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Le musée de Roswell
Crédits : Gabriela Campos

Cette année, un alien de six mètres de haut se dresse sur Main Street et veille sur les festivités. Sous ses grands yeux noirs et luisants se déverse un flot régulier de visiteurs, dont bon nombre sont vêtus de costumes futuristes. Cette lente procession fait route vers le concours de costumes du samedi, organisé dans la grande salle municipale. « C’est comme Mardi Gras, mais avec des extraterrestres », résume Janet Jones, la propriétaire du Roswell Space Center. C’est l’une des six boutiques permanentes de la ville. Elle y vend toutes sortes d’objets et de vêtements en rapport avec les OVNI et les extraterrestres.

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20.01.2021 à 00:25

40 histoires pour comprendre l’Amérique de Joe Biden et Donald Trump

Ulyces

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Au cœur du monde fou de la Maison-Blanche sous Trump

Après avoir évincé ses conseillers les moins dociles, Donald Trump multiplie les embardées. Le Président est en roue libre.

Un parrain à la Maison-Blanche : comment Trump s’est appuyé sur la mafia pour réus­sir

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Les multi­na­tio­nales doivent-elles finan­cer la tran­si­tion écolo­gique mondiale ?

Alors qu’Alexandria Ocasio-Cortez pousse sans relâche son projet de Green New Deal aux USA, il fait sa place en France et ailleurs en Europe.

Le réchauf­fe­ment clima­tique nous oblige-t-il à sortir du capi­ta­lisme ?

Les récents désastres climatiques pointent tous le même suspect du doigt. L’urgence climatique va-t-elle causer la perte du capitalisme au profit de la survie de l’humanité ?

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Malgré le scandale que chaque bavure policière provoque, des agents américains continuent d’opérer avec une violence hors de toute proportion.

Les intel­li­gences arti­fi­cielles sont racistes. Voici pourquoi

Alors que les algorithmes colonisent l’administration et la police, leurs biais racistes apparaissent au grand jour.

Aux États-Unis, un algo­rithme empê­chait les patients noirs de rece­voir des greffes de reins

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Pourquoi Holly­wood traite-t-il si mal les femmes ?

Reconnu coupable de viol, le producteur Harvey Weinstein a longtemps profité d’une incroyable impunité à Hollywood.

Crédits : Ulyces

Sous Trump, 545 enfants migrants sépa­rés de leurs parents ne les ont jamais retrou­vés

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La surveillance de masse n’est pas une fatalité. Partout, le lanceur d’alerte Edward Snowden voit germer des idées pour la combattre.

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La Répu­blique indé­pen­dante de Cali­for­nie n’existe pas, mais elle a une ambas­sade en Russie depuis le 18 décembre 2016. L’ambition de ses ambassadeurs ? La sécession.

Comment les gamers améri­cains font inter­ve­nir le SWAT pour battre leurs adver­saires

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De plus en plus de médecins avertissent sur la dangerosité du vaping. Les récentes tragédies aux USA tendent à leur donner raison.

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Crédits : Ulyces

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Couverture : Joe Biden VS Donald Trump (DR/Unsplash)


 

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19.01.2021 à 00:04

Manger de la viande est-il un crime ?

Servan Le Janne

C’est une première en France. Pour son édition 2021, le Guide Michelin a récompensé d’une étoile le restaurant vegan ONA (pour « Origine non animale »), ouvert par la cheffe Claire Vallée à Arès en Gironde, en 2016. Une reconnaissance sans égale pour le restaurant éthique, qui officialise en quelque sorte le respect du monde […]

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Texte intégral (2159 mots)

C’est une première en France. Pour son édition 2021, le Guide Michelin a récompensé d’une étoile le restaurant vegan ONA (pour « Origine non animale »), ouvert par la cheffe Claire Vallée à Arès en Gironde, en 2016. Une reconnaissance sans égale pour le restaurant éthique, qui officialise en quelque sorte le respect du monde de la haute gastronomie pour une cuisine aussi raffinée qu’engagée.

« J’ai été prévenue jeudi soir par le guide Michelin et là, c’est comme si un train m’était passé dessus. Je ne me rends pas compte », a confié la restauratrice de 41 ans. Elle a d’ailleurs été auréolée d’une seconde étoile, verte celle-ci, qui récompense des restaurants écoresponsables. « Deux d’un coup, c’est beaucoup ! » Peut-être est-ce un signe que l’ère vegan est bien arrivée.

Tués dans l’œuf

Au fond de la poubelle, une forêt d’ailes déplumées et de pattes inertes émerge d’un informe duvet jaune, parsemé de morceaux de coquilles. Dans ce charnier de canetons, quelques becs piaillent désespérément. Personne n’entend leur cri au domaine de la Peyrouse, une exploitation située à Coulounieix-Chamiers, en Dordogne, et rattachée au lycée agricole de Périgueux. En 2019, son foie gras a reçu la médaille d’or au concours général agricole. Pour le produire, les femelles sont pourtant envoyées au bac équarrissages où, à peine sorties de l’œuf, elles meurent de faim ou d’étouffement. Leur foie est trop petit ou trop nervuré pour être utilisé. Près de 35 % des éclosions sont ainsi perdues.

De leur côté, les mâles sont élevés quelques semaines avant d’être gavés à la pompe pneumatique. En 2018, 30 millions de canards et 260 000 oies ont reçu ce traitement dans l’Hexagone, ce qui a envoyé à la mort quelque 16 millions de femelles. Selon la directive européenne du 20 juillet 1998, « les méthodes d’alimentation et les additifs alimentaires qui sont source de lésions, d’angoisse ou de maladie pour les canards, ou qui peuvent aboutir au développement de conditions physiques ou physiologiques portant atteinte à leur santé et au bien-être ne doivent pas être autorisés. » Mais le texte n’a jamais été transposé en Hongrie, en Bulgarie, en Espagne, en Belgique et en France.

En revanche, la loi autorise l’élimination des femelles par gazage ou broyage, auxquels le domaine de la Peyrouse a donc préféré l’entassement. « Les pratiques de cet établissement constituent un délit », pointe Sébastien Arsac, porte-parole de L214. Dans une vidéo publiée mercredi 11 décembre, cette association de défense des animaux dévoile des images tournées au sein de l’établissement en octobre et novembre. Elles ont été transmises à la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCSPP) qui a constaté, lors d’une inspection, « le recours à une méthode non réglementaire d’euthanasie par asphyxie des canettes à l’issue du sexage ».

Mis en demeure de se conformer à la législation, le domaine de la Pérouse s’est semble-t-il exécuté. « Dès l’éclosion suivante, le 26 novembre, la DDCSPP a constaté la mise en œuvre de dispositions conformes à la réglementation garantissant l’euthanasie immédiate », a appris Le Monde. Pour le montrer, le directeur de l’exploitation, François Héraut a reçu les caméras de France 3. « Quelle que soit la méthode d’euthanasie c’est une phase douloureuse, peu glorieuse et très mal comprise du grand public », indique-t-il avant d’ouvrir la porte de la salle où les canetons sont désormais broyés. Mais il refuse de laisser ce grand public examiner cette pratique, en demandant aux journalistes d’arrêter de filmer.

François Héraut a raison. Quelle que soit la méthode d’euthanasie c’est une phase douloureuse, peu glorieuse, voire carrément écœurante pour beaucoup de Français. Selon un sondage de 2017 réalisé par l’institut Yougov à la demande de L214, 58 % d’entre eux sont favorables à l’interdiction du gavage contre 51 % en 2015, 47 % en 2014 et 44 % en 2013. Si le foie gras « fait partie du patrimoine culturel et gastronomique protégé en France », aux termes de l’article L654-27-1 du code rural et de la pêche maritime, l’article L214-1 du même code énonce quant à lui que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». L’association lui doit d’ailleurs son nom.

Crédits : L214

Or, les canards mulards gavés au domaine de la Peyrouse et ailleurs « sortent du laboratoire », observe Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214. Leur espèce a été élaborée par l’homme en sorte qu’ils ne savent pas voler et que leur foie développe une stéatose hépatique. « Ça peut virer en cirrhose », ajoute Brigitte Gothière. L’association demande donc l’interdiction du gavage mais aussi, plus largement, une réduction de la cruauté faite aux animaux. « Il faut qu’on réussisse à sortir d’un système qui les tue pour les manger », estime la co-fondatrice. En une minute, 2400 bêtes périssent dans les abattoirs français.

Tout êtres sensibles qu’ils sont d’après l’article L214-1, les animaux « sont soumis au régime des biens », précise l’article 515-14 du code civil. On peut donc en être propriétaire et « sous réserve des lois qui les protègent » disposer de leur mort. C’est pourquoi Brigitte Gothière juge que « nos lois doivent évoluer de façon à permettre aux animaux de prendre leur place pleine et entière. Ça ne veut pas dire donner un droit de vote aux poules mais leur accorder une considération équivalente. D’ailleurs, des juristes s’intéressent à la question. »

La théorie et la pratique

Michael Mansfield ne peut pas toujours gagner. Surnommé « Moneybags Mansfield » pour sa capacité à empocher le pactole lors de procès médiatisés, cet avocat britannique a signé une tribune, le 3 décembre 2019, appelant à voter pour les travaillistes aux élections législatives britanniques, seuls à même de garantir « un futur promettant une éducation, une santé, des emplois et des logements décents, ainsi que des solutions durables à la crise climatique ». Hélas pour lui, la gauche a subi une défaite cinglante. Alors l’homme de 77 ans s’est lancé un autre défi, lui aussi très compliqué. Il plaide pour l’interdiction de la viande : « Vu les préjudices que la consommation de viande fait à la planète, il n’est pas absurde de penser que ce sera un jour illégal. »

Si cette perspective peut sembler surréaliste, il en allait de même il y a quelques années pour l’interdiction de fumer à l’intérieur, appuie-t-il. « Nous savons que les 3 000 plus grosses entreprises au monde sont responsables de plus d’1,5 billion de livres de dommages à l’environnement, et la viande et les produits laitiers sont en tête de liste. Nous le savons parce que les Nations unies nous l’ont appris. » L’avocat se réfère à un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) paru en août 2019. Ce document recommande de manger plus d’aliments à base de plantes afin de « mitiger et d’atténuer » le dérèglement climatique, tout en engendrant « des bénéfices pour la santé humaine ».

Michael Mansfield
Crédits : Brian O’Neill

Les assiettes française avaient beau recevoir 12 % de viande en moins en 2016 qu’en 2007, selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), les végétariens ne représentent que 2 % de la population. La tendance est à la baisse ailleurs en Europe. Une étude publiée par la revue Nature en 2018 affirme que les habitants des pays occidentaux doivent réduire de 90 % leur consommation de viande au profit des fruits et des légumineuses de manière à de minimiser l’impact de l’alimentation humaine sur l’environnement. « Un régime végétarien est la meilleure façon de réduire votre impact sur la planète », observe un des chercheurs impliqués, Joseph Poore.

Encore faut-il le pouvoir. Atteinte par les symptômes de l’arthrite auto-immune dès l’âge de 2 ans, l’Américaine Mikhaila Peterson a tout essayé pour se soigner. Après avoir eu les chevilles et les hanches remplacées à 17 ans et avoir essayé une tonne de médicaments, elle a décidé d’éliminer des aliments. Peu à peu, elle s’est rendue compte que seule la viande ne provoquait pas d’éruptions cutanées. Elles a donc adopté un régime uniquement carné qui, malgré son manque de diversité, réglait bien ses problèmes.

« J’ai une théorie », sourit-elle. « Dans le corps, les plantes libèrent des protéines qui peuvent traverser l’intestin de certaines personnes et passer dans le sang. C’est ce qui entraîne des réactions inflammatoires. » Ces protéines seraient aussi responsables des intolérances au gluten. Et Mikhaila Peterson y est visiblement si sensible qu’elle a dû se contenter de viande, où elles ont déjà été digérées par un animal. Cela dit, le « régime du lion » adopté par la jeune femme risque d’entraîner des graves désordres sur le long terme.

Mikhaila Peterson

« Physiologiquement, c’est une très mauvaise idée », affirme le spécialiste de l’écologie microbienne américain Jack Gilbert. « Vos cellules risquent de manquer d’acides gras, vous pouvez avoir des problèmes cardiaques et tout votre microbiote sera dévasté. » Les apports en protéines, glucides et les graisses contenus par la viande peuvent en revanche être trouvés dans les végétaux. Sauf cas extrême, comme celui de Mikhaila Peterson, il vaut donc mieux manger de tout, sauf de la viande, que le contraire.

« On sait se nourrir autrement », défend Brigitte Gothière. Une telle conversion peut passer par l’émotion ressentie devant des vidéos comme celle du domaine de la Peyrouse, mais « cette émotion nous guide dans notre raisonnement car il y a quelque chose d’injuste dans le fait de manger des animaux », ajoute-t-elle. « Nous ne sommes pas en situation de survie mais nous faisons passer notre envie de manger un steak avant la nécessité de ne pas infliger de souffrance à un animal. »

Une interdiction de la viande porte toutefois le risque de « provoquer une réaction défensive qui aliénerait à la cause des gens qui pourraient être convaincus que nous devons faire quelque chose contre le dérèglement climatique », considère Lorraine Withmarsh, professeure de psychologie environnementale à l’université de Cardiff. S’il y a donc quelque chose à bannir, c’est le modèle agricole qui engendre le plus de souffrance animale et les plus grands dégâts sur la planète. Et les consciences suivront.


Couverture : Stijn te Strake


 

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18.01.2021 à 00:10

Peut-on vivre jusqu’à 200 ans ?

Servan Le Janne

C’est une légende vieille comme Hérode. « Je détesterais mourir deux fois, c’est si ennuyeux », aurait soufflé le prix Nobel de physique Richard Feynmann, sur son lit de mort, en 1988. À l’époque, María Blasco venait d’obtenir son diplôme de biologie à l’Université autonome de Madrid. Quittant le « désert scientifique » espagnol pour continuer ses recherches […]

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Texte intégral (3371 mots)

C’est une légende vieille comme Hérode. « Je détesterais mourir deux fois, c’est si ennuyeux », aurait soufflé le prix Nobel de physique Richard Feynmann, sur son lit de mort, en 1988. À l’époque, María Blasco venait d’obtenir son diplôme de biologie à l’Université autonome de Madrid. Quittant le « désert scientifique » espagnol pour continuer ses recherches sur le vieillissement aux États-Unis, elle y a trouvé une philosophie. « Je suis d’accord avec Feynman quand il disait que nous ne sommes qu’au tout début de l’histoire de la race humaine », glisse-t-elle aujourd’hui dans son laboratoire, situé derrière la façade en verre du Centre national de recherches oncologiques de Madrid (CNIO).

Si la complexité de la vie n’est pour le moment pas à la portée de ses microscopes, « le jour où nous saurons tout arrivera », assure-t-elle, « et nous serons capable de soigner toutes les maladies, de les prévenir et de vivre bien plus qu’aujourd’hui. » En 2016, la scientifique a publié le livre Mourir jeune à 140 ans. Elle estime aujourd’hui que cet horizon est bien modeste : « La biologie moléculaire n’a commencé qu’à la fin des années 1950. Cela ne fait pas un siècle et nous avons déjà fait des pas de géant. Nous ne pouvons pas imaginer à quoi ressemblera l’humanité quand nous saurons tout. »

María Blasco
Crédits : Poweraxle

María Blasco en sait déjà un peu plus que le commun des mortels. Avec deux collègues du CNIO, Miguel Muñoz-Lorente et Alba Cano-Martin, elle vient de présenter les résultats d’une expérience saisissante. Dans un numéro de la revue Nature Communications paru le 17 octobre 2019, les trois chercheurs expliquent avoir développé des souris qui vivent en moyenne 24 % plus vieilles que les autres. Elles présentaient qui plus est « moins de signes de vieillissement métabolique ».

À partir de travaux antérieurs, l’équipe de Blasco est parvenue à allonger les télomères des rongeurs. Ces morceaux d’ADN placés à l’extrémité des chromosomes, deviennent de plus en plus courts à mesure que les cellules se divisent et se dégradent. Ils ont donc un lien avec le vieillissement. D’autres scientifiques l’avaient déjà montré en renforçant des télomères grâce à une enzyme, la télomérase. Mais cette fois, aucune modification du génome n’a été nécessaire. Des cellules pluripotentes ont été cultivées in vitro pour favoriser la division cellulaire et ainsi allonger les télomères. Elles ont ensuite donné naissance à des souris. « Il y a une chance d’allonger la vie sans altération des gênes », se réjouit María Blasco. La nouvelle arrive trop tard pour Richard Feynmann mais elle va réjouir un autre Américain, Dave Asprey.

La salle des machines

Sur l’île de Vancouver, au sud-ouest du Canada, une maison forestière en tôle verte et grise, prolongée par une terrasse en bois, se cache parmi les sapins. Le chemin bordé de lavande fleure bon les vacances ou la retraite spirituelle. On croirait que le temps s’est arrêté. C’est justement ce que souhaite son propriétaire. « Mon but est de vivre jusqu’à 180 ans », lâche d’emblée Dave Asprey, qui n’en a encore que 45. Avec ses lunettes jaunes et sa mèche grisonnante, cet Américain n’a pas l’air plus extraverti que les artistes qui vivent dans le coin. Mais il ne vit pas dans un atelier ou une galerie. « Attention : tout ce qui se trouve dans ce labo peut vous tuer », est-il écrit sur la porte. Et Asprey est prêt à mourir pour réaliser son rêve.

Derrière la porte, au rez-de-chaussée, le parquet est recouvert de machines futuristes. Il y a un grand tube argenté à taille humaine pour la cryothérapie, censée soigner le corps par le froid. À ses côtés, pareil à une cabine de bronzage, un caisson blanc sert à réparer les cellules grâce à la projection de lumières rouges. Pour « activer différentes parties de leur cerveau », les patients peuvent entrer dans une chambre qui, tournant sur elle-même, fait penser à ces simulateurs vidéo qu’on trouve dans les parcs d’attraction. Enfin, une sorte de cabine de pilotage clouée au sol augmente la pression atmosphérique sur demande.

Crédits : Bulletproof

À la sortie de ces appareils, Dave Asprey gobe l’un des 100 suppléments alimentaires qu’il prend chaque jour. Rien ne l’arrête. Chaque mois, il fréquente une clinique de Park City, dans l’Utah, pour qu’un chirurgien prélève un demi-litre de moelle osseuse sur ses hanches. Les cellules souches qui s’y trouvent sont ensuite filtrées pour être réinjectées au niveau de la moelle épinière et du cerveau. À sa demande, les médecins en introduisent aussi dans son cuir chevelu afin d’éviter la calvitie, dans son visage pour lisser les rides et même au niveau de ses organes sexuels, dont la vigueur doit être renforcée. L’efficacité du procédé n’est pas encore prouvée scientifiquement. Mais Dave Asprey a déjà sorti plus d’un million de dollars de sa poche pour soigner son organisme. Et il est prêt à en dépenser beaucoup d’autres.

Aux États-Unis, et notamment en Californie, de plus en plus de cliniques proposent des thérapies de ce type. Partant du principe que les cellules souches que l’on trouve dans l’embryon, le fœtus et le moelle osseuse sont capables de se renouveler, elles promettent de retarder le vieillissement. « C’est une capacité de régénération que l’on possède en étant jeune mais qui se perd ensuite », précise Julien Cherfils, chercheur à l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement (IRCAN). Plus l’âge d’une personne est avancée, moins ses tissus se réparent correctement en cas de lésion. Sauf à administrer des cellules souches : leur activité a déjà permis de restaurer du cartilage. Et elles sont aussi utilisées afin de régénérer le système immunitaire des patients atteints de leucémie.

Mais le vieillissement, tempère Julien Cherfils, « n’est pas qu’un processus cellulaire ». Dave Asprey ne parie d’ailleurs pas seulement sur les cellules souches. Il est prêt à expérimenter à peu près tout ce qui a une chance de fonctionner. Sur son blog, il donne d’ailleurs des moyens simples pour protéger ses télomères : méditer, limiter les contacts avec un environnement pollué, faire de l’exercice et adopter un régime sain. Il conseille aussi de consommer du TA-65, une enzyme censée renforcer les extrémités des chromosomes. Il faut toutefois payer 600 dollars pour une cure de trois mois, dont l’efficacité est sujette à caution.

Ce « biohacker » né au Nouveau-Mexique en a les moyens. Après avoir amassé un peu d’argent dans la Silicon Valley, il a monté un empire dans la santé : sa société de compléments alimentaires Bulletproof Nutrition Inc., qui a levé neuf millions de dollars, est complétée par un podcast, Bulletproof Radio, et cinq livres sur l’optimisation de soi.

Crédits : Bulletproof

Le café magique

Au rez-de-chaussée de la maison de Vancouver, dans la salle où Dave Asprey prépare son corps à vivre 180 ans, le logo de Bulletproof Nutrition Inc. est partout. On retrouve le colibri orange jusque dans la cuisine, sur un appareil bien moins impressionnant : une machine à café. Ce grand brun au nez aquilin et aux joues creusées par des fossettes a commencé son aventure dans l’univers du biohacking en lançant le Bulletproof Coffee en 2014, comme d’autres commencent leur journée par un expresso. La recette qu’il a partagée pour la première fois en 2009 est simple : il suffit de verser du café dans un mixeur avec du beurre et de mélanger le tout. « De petites gouttes de graisse suspendues dans du liquide changent la façon avec laquelle votre corps reçoit l’eau », assure-t-il. « Si vous mangez du beurre et buvez du café à côté, ce n’est pas la même chose. »

La boisson a « un énorme effet sur votre énergie et vos fonctions cognitives », promet le site. « Bulletproof Coffee a aidé beaucoup de monde, que ce soient des PDG ou des athlètes professionnels en passant par des parents débordés, à faire plus de choses satisfaisantes. » Kourtney Kardashian et Jimmy Fallon ont bu quelques-unes des 150 millions de tasses servies d’après l’entrepreneur. Le second en a même parlé comme d’une boisson « délicieuse », « bonne pour vous et votre cerveau ». Aucune étude scientifique n’en prouve pourtant les vertus. Au contraire, toutes les analyses sérieuses du cocktail en pointent l’inanité.

Mais voilà, Dave Asprey sait monnayer le café depuis longtemps. Au lycée, sur son ordinateur, il écoulait des t-shirts ornés de l’inscription « la caféine est ma drogue ». Non seulement il se considère comme « le premier à vendre tout et n’importe quoi sur Internet » mais, à l’entendre, les ingénieurs ont reçu ses enseignements pour tisser la Toile quand il était professeur à l’université de Californie à Santa Cruz. En bon initiateur de la Silicon Valley, il travaillait pour l’entreprise qui hébergeait le premier serveur de Google d’un côté, et prenait de l’ayahuasca de l’autre. Cette quête de soi masquait mal ses problèmes : on lui a tour à tour diagnostiqué un syndrome d’Asperger, des désordres de l’attention, des troubles obsessionnels compulsifs, de l’arthrite, une fibromyalgie, la maladie de Hashimoto et une maladie de Lyme chronique. Pour ne rien arranger, son poids a atteint jusqu’à 130 kilos.

Crédits : Bulletproof

Pour le réduire, les méthodes classiques ne fonctionnaient guère. Il avait beau faire du sport pendant 90 minutes et se serrer la ceinture, sa silhouette bougeait à peine. « J’étais probablement en mauvaise santé et plus fort, il n’y avait que deux machines que je ne poussais pas à fond à la salle de gym mais je pesais toujours autant », souffle-t-il. Exaspéré par cette discipline stérile, l’informaticien s’est mis à expérimenter sur son corps, dont certains gènes sont ceux « d’inventeurs », explique-t-il en faisant référence à sa grand-mère ingénieure nucléaire. « J’ai aussi de la famille de Roswell, donc il y a de l’extraterrestre et des radiations en moi », plaisante-t-il. Délesté de 22 kilos grâce à un régime à faible teneur en glucide, Asprey a mis toute son attention sur ce que son corps ingère.

Pendant des soirs entiers, après le travail, il s’est documenté sur les médicaments bénéfiques à son organisme. Fort de ces connaissances, il a commencé à fréquenter le Silicon Valley Health Institute et à partager des conseils sur Internet. Dans le milieu de la tech, où la compétition est féroce, d’autres ont commencé à appliquer la logique d’optimisation propres aux start-ups à leur personne, en mesurant scrupuleusement leur alimentation, en se mettant au sport ou en tablant sur la méditation pour améliorer leur forme et, partant, leur productivité. Ce n’est ainsi pas un hasard si le fonds d’investissement Trinity Ventures a investi neuf millions de dollars dans Bulletproof en 2015.

Cobaye

Sur le balcon en bois de sa maison de Vancouver, Dave Asprey agite les bras et parle avec emphase. « Il n’est pas juste que seules les célébrités, les forces spéciales ou d’autres rares personnes aient accès à cette technologie », se lamente-t-il en prenant les accents Démocrates qu’on connaît aux grandes fortunes de la tech. « Cela devrait être – et cela sera disponible pour tout le monde », jure-t-il, comme s’il était à la tête d’une ONG. Pour cela, l’entrepreneur n’espère rien de moins qu’un détricotage en règle de la législation sur la santé. Celle-ci « nous a conduits à la pyramide alimentaire qui entraîne des maladies du cœur, des cancers et du diabète chez un nombre de personnes inégalé », juge-t-il. « Notre système médical est lent à innover, c’est inhumain de dire à quelqu’un qu’il ne peut pas ingérer ce qu’il veut. C’est un droit humain basique. Je ne veux pas gaspiller 150 dollars et une heure de ma vie pour obtenir la permission de prendre une substance. »

Sa femme, docteure, n’est pas d’accord. Peut-être est-elle légèrement effrayée par ses expériences. Ayant appris que l’exposition au froid augmentait la résilience, Asprey a un jour fait la sieste au milieu de blocs de glace. Il s’est réveillé avec une brûlure au troisième degré. Une autre fois, il s’est exposé à de la lumière infrarouge dans l’espoir que cela améliore sa faculté d’apprentissage. Au lieu de quoi il a bégayé pendant plusieurs heures. Les résultats du Bulletproof Coffee sont aussi loin d’être univoques. Tandis que certains internautes se réjouissent d’avoir perdu du poids en en buvant, quantité de consommateurs ont vu leur niveau de cholestérol grimper dangereusement. Selon lui, l’huile d’olive est à proscrire, de même que le kale et les légumineuses présentent des risques d’inflammation. Autant dire que les diététiciens le détestent.

Crédits : Bulletproof

« Cela suit le même schéma que les autres régimes à la mode », peste une spécialiste, Abby Langer. « La situation est simplifiée pour promettre une expérience extraordinaire et une perte de poids irréaliste. Cela fonctionne grâce à la psychologie : les gens aiment sentir qu’ils font partie d’un groupe qui a accès à une connaissance secrète. » Les compléments alimentaires recommandés par Asprey pour améliorer le fonctionnement du cerveau n’ont pas davantage fait leur preuve en laboratoire. « L’amélioration cognitive est un jeu à somme nulle », professe le neurologue Murali Doraiswamy. « Quand vous améliorez une fonction, cela se fait en général aux dépens d’une autre. » Dans son empressement à s’appliquer des expériences scientifiques dont l’efficacité n’est pas même démontrée sur des rats, l’Américain ne fait toutefois pas complètement n’importe quoi.

Les travaux sur les cellules souches dont il s’inspire sont prometteurs. Pour avoir transformé une cellule adulte en cellule souche présentant les qualités de celles trouvées dans l’embryon, le Japonais Shinya Yamanaka a reçu le prix Nobel de médecine en 2012. L’année précédente, le chercheur français Jean-Marc Lemaître parvenait avec ses collègues de l’Institut de génomique fonctionnelle (Inserm, CNRS, université de Montpellier) à rajeunir des cellules de donneurs âgés in vitro. Quatre ans plus tard, des scientifiques du Salk Institute of Biological Studies de San Diego ont révèlé avoir augmenté l’espérance de vie de souris de 18 à 27 semaines grâce à cette méthode. L’année suivante, l’Allemand Hartmut Geiger et ses collègues ont employé une protéine pour que les cellules souches âgées de rongeurs produisent autant de globules blancs que des jeunes. Ils espèrent que cela pourra servir à soigner des personnes atteintes de cancers du sang.

« À mon avis, les méthodes à base de cellules souches présentent surtout un intérêt pour les thérapies », observe Julien Cherfils. « On sait qu’elles peuvent aider dans le cadre du traitement de l’arthrose et pour d’autres pathologies, sous certaines conditions, mais il est impossible de généraliser. » Le chercheur suggère donc de trouver des moyens de bien vieillir en prévenant ou en traitant les maladies associées à l’âge plutôt que de viser 180 ans. Mais que leurs visées soient curatives ou non, les recherches alimentent toujours l’espoir de Dave Asprey et de quelques autres. En 2016, l’Américaine Elizabeth Parrish a affirmé avoir rajeuni ses cellules en trouvant un moyen d’en rallonger les télomères, ces morceaux d’ADN dont la taille diminue à chaque division cellulaire. Elle aurait ainsi gagné 20 ans

Parrish s’est appliquée deux thérapies géniques expérimentales à base de télomérase. Cette enzyme qui aurait la propriété de renforcer les télomères a été découverte en 1984 par les Américaines Elizabeth Blackburn et Carol Greider. « Est-ce que nos recherches montrent qu’en maintenant vos télomères vous vivrez des centaines d’années ?  » écrit la première dans le livre The Telomere Effect, publié en 2017. « Non, les cellules vieillissent et vous finissez par mourir. » Quant à la deuxième, elle a dirigé les recherches de María Blasco à son arrivée aux États-Unis, au Cold Spring Harbor Laboratory.

La méthode de Parrish présente un risque de cancer, pointe Julien Cherfils. D’ailleurs, un conseiller de l’entreprise de biotechnologies de la quadragénaire, BioViva, s’est dit « très inquiet ». Il « incite vivement à réaliser des études pré-cliniques. » L’expérience menée par María Blasco et ses collègues est moins dangereuse car elle ne passe pas par des modifications génétiques. Mais rien ne prouve pour le moment qu’elle est transposable à l’homme. Dave Asprey est prévenu.


Couverture : Dave Asprey. (Bulletproof Labs)


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15.01.2021 à 01:56

Le difficile combat de Netflix pour se faire accepter de l’industrie cinématographique

Arthur Scheuer

« Nous aimons vraiment les films », plaide Ryan Reynolds. « On adore ça, mais ce qu’on aime encore plus, c’est faire des films pour les fans [de cinéma ?] que vous êtes », renchérit Dwayne Johnson. Les deux stars hollywoodiennes font partie de la horde d’acteurs.trices et réalisateurs.trices qui vont rejoindre l’écurie Netflix en […]

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Texte intégral (2408 mots)

« Nous aimons vraiment les films », plaide Ryan Reynolds. « On adore ça, mais ce qu’on aime encore plus, c’est faire des films pour les fans [de cinéma ?] que vous êtes », renchérit Dwayne Johnson. Les deux stars hollywoodiennes font partie de la horde d’acteurs.trices et réalisateurs.trices qui vont rejoindre l’écurie Netflix en 2021. Le 12 janvier, la reine des plateformes de streaming a annoncé la sortie de 71 films dans l’année, à raison d’un nouveau long-métrage par semaine.

À la faveur de la pandémie, en réponse à la multiplication des plateformes et dans l’espoir de conserver son avance sur le géant Disney+, Netflix n’a jamais autant déployé d’efforts pour se faire accepter de l’industrie cinématographique. Le chemin est long, difficile, et il reste encore bien des obstacles à surmonter pour que les studios, le public et la critique lui reconnaissent sa légitimité. Un combat qui sera peut-être gagné en 2021, ou pas.

Tapis rouge

La tapis rouge va être foulé par les plus grands noms du cinéma, la 91e cérémonie des Oscars va commencer sur les notes d’un medley de Queen, et Steven Spielberg n’a qu’un titre à la bouche : Green Book. C’est dans une véritable campagne en faveur du film de Peter Farrelly que se lance le réalisateur, auprès des 6 000 membres de l’Académie des arts et sciences du cinéma. S’il a probablement succombé au charme de cet Americana moderne, Steven Spielberg a une idée bien précise derrière la tête lorsqu’il vante ainsi les mérites de Green Book.

Crédits : Oscars

Pour le cinéaste, voter en faveur du film distribué par Universal Pictures revient surtout à voter contre Roma, le film d’Alfonso Cuarón distribué par Netflix. Car s’il y a bien un invité qui n’a selon lui pas sa place aux Oscars, c’est la plateforme de streaming, et donc son contenu. Pourtant favori pour recevoir la statuette du meilleur film, Roma s’incline effectivement face à Green Book, mais repart tout de même avec trois Oscars. Netflix n’a pas tout perdu, et cette conclusion semble insoutenable pour Spielberg, qui n’attend que quelques heures après la fin de la cérémonie pour déclarer la guerre à la plateforme.

Non content de la victoire de son protégé, Steven Spielberg s’engage ainsi fin février à évincer Netflix de toutes les cérémonies des Oscars à venir. Le réalisateur est en en effet « persuadé qu’il y a une différence entre la diffusion en streaming et la diffusion au cinéma », comme le rapporte un porte-parole d’Amblin, la société de production du cinéaste. « Il serait heureux que les autres membres du comité de l’Académie rejoigne sa campagne [contre Netflix] », précise-t-il.

Du côté de l’Académie, on confirme qu’une « discussion sur les règles d’attribution des Oscars est en cours et que le comité abordera la question lors de la réunion du mois d’avril ». Prudent sur sa stratégie de communication, Netflix ne répond à ces attaques qu’à travers un tweet, n’ayant besoin de citer personne pour se faire comprendre. « Nous aimons le cinéma. Voilà d’autres choses que nous aimons : en offrir l’accès à ceux qui ne peuvent pas toujours se permettre d’y aller, ou qui vivent dans des villes non équipées. Laisser absolument tout le monde profiter des nouvelles sorties au même moment. Donner plus de moyens aux cinéastes pour partager leur art », rétorque la plateforme le 4 mars 2019.

Concrètement, Steven Spielberg et les studios de cinéma traditionnels ont une longue liste de reproches à faire à Netflix. Le site de streaming aurait ainsi dépensé un budget faramineux dans sa campagne pour les Oscars, estimé à 50 millions de dollars, quand Green Book se serait contenté d’une somme estimée entre 5 et 25 millions. L’un des autres principaux reproches faits aux films de la plateforme est leur faible, voire inexistante, diffusion dans les salles de cinéma. Netflix ne fait pas non plus état de son « box office », et les films sont bien sûr accessibles aux 137 millions d’abonnés à tout moment. Autant d’implications qui sont synonymes de concurrence déloyale pour certains observateurs, et qui déséquilibrent le poids des films dans la course aux récompenses.

Pour d’autres, ces arguments sont infondés et frisent même l’hypocrisie, quand on sait que Jurassic Park, signé Steven Spielberg, est présent dans le catalogue Netflix depuis le 1er mars 2019, comme d’autres de ses films avant. Les chiffres du box office n’ont par ailleurs aucun impact sur les qualifications des films aux Oscars et, chaque année, des longs-métrages n’ayant bénéficié que d’une seule semaine de diffusion cinématographique sont nommés par l’Académie. Avec le développement des plateformes de streaming telles qu’Amazon Prime Video, Hulu et prochainement Disney +, certains affirment donc que ce n’est pas à ces nouveaux acteurs de s’adapter à une industrie cinématographique à la traîne, mais bien aux studios et distributeurs de se réinventer pour continuer d’exister… et pourquoi pas de les concurrencer.

Têtes d’affiche

Las de voir le monopole de Netflix s’affirmer, Disney et AT&T (le propriétaire de chaînes câblées et du studio WarnerMedia, auquel est rattaché HBO) ont annoncé leur arrivée sur le marché du streaming. Des démarrages tardifs, mais qui pourraient bien poursuivre la mue de l’industrie du cinéma. Les studios commencent ainsi doucement à vouloir récupérer leurs contenus, obligeant Netflix à trouver une parade à l’amaigrissement inéluctable de son catalogue. La volonté du site de produire plus de films et de séries apparaît dès lors comme un moyen de palier cette désaffection. Début 2019, la plateforme annonçait la production de 90 films dans l’année, avec un budget total de huit milliards de dollars. Un moyen d’assurer le renouvellement constant de son catalogue, mais aussi d’attirer de grands noms du cinéma, en mettant l’accent sur une liberté de création qu’ils ne trouveraient plus au sein des studios traditionnels.

Dans les bureaux de Netflix
Crédits : Netflix

À l’ère du binge-watching sur smartphone, où l’on n’attend plus d’être installé dans les fauteuils des salles obscures pour regarder un film, Netflix dépasse de loin les capacités de production des studios historiques tels que Warner, Disney ou la Twentieth Century Fox. Quand la plateforme de streaming annonce 90 films, Disney n’en promet que 10 et Warner 23 en 2019. Est-ce à dire qu’elle privilégie la quantité à la qualité ? Contre cette idée, le site de streaming promet au moins 20 longs-métrages « premium », avec Martin Scorsese, Steven Soderbergh, Noah Baumbach ou encore Guillermo del Toro derrière la caméra. Avec en plus 35 films de genre et 35 documentaires et films d’animation, Netflix place ses pions, produit des contenus variés, et satisfait une audience toujours plus large, « des plus petits aux grands-parents », quand les grands studios peinent parfois à financer un nombre annuel de productions bien inférieur.

« Quel grand studio aurait produit un film comme Okja, de Bong Joon-ho, qui met en scène un super-cochon et une petite-fille, avec un budget de 50 millions de dollars ? Aucun. Eux ne se préoccupent que du fait de ne pas perdre d’argent. Pas nous », affirme ainsi Ted Sarandos, responsable du contenu chez Netflix. Un argument validé par Martin Scorsese, qui a pu mettre en scène The Irishman, avec Robert DeNiro, grâce à la plateforme de streaming. « Le cinéma des 100 dernières années a disparu. Netflix sait prendre des risques et The Irishman est un film risqué. Pendant cinq ou sept ans, personne n’a voulu le financer… et on se fait tous vieux ! Netflix a pris le risque », déclarait ainsi Martin Scorsese au festival international du film de Marrakech en 2018, alors que Paramount Pictures s’était retiré du projet un an plus tôt.

Triomphe

Soutenir un film tel que Roma était ainsi pour l’entreprise de Los Gatos l’occasion de s’offrir un carton d’invitation au sein des meilleurs festivals de cinéma internationaux. Maintenant que l’œuvre d’Alfonso Cuarón a raflé trois Oscars et deux Golden Globes à Los Angeles, quatre BAFTA à Londres, un Goya en Espagne, le Lion d’Or à la Mostra de Venise, Netflix a réussi un coup qui lui permet presque de faire l’unanimité… sauf en France, où le différend qui oppose le Festival de Cannes à Roma est loin d’être artistique, mais bien économique.

L’exception française est intenable pour Netflix.

Ce récent succès a donné le signe que le site de streaming pouvait aussi soutenir un cinéma d’auteur ambitieux. Une vision que partage naturellement Cannes. Mais le festival est une institution historique qui entretient des liens plus qu’étroits avec les exploitants français. Mécontents de l’épisode cannois de 2017, les distributeurs français ont fait pression pour que l’expérience Okja et The Meyerowitz Stories ne se renouvelle pas en 2018. En compétition officielle, les deux films ne sont jamais sortis en salles, Netflix faisant fi de la réglementation française, et plaçant Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, dans une position extrêmement délicate. « J’ai été lourdement critiqué. J’ai failli perdre mon poste. C’était très violent », confiait-il en avril 2018, alors que la sélection officielle des films en compétition vinait d’être dévoilée, et ne faisait état d’aucun film Netflix.

Cette année-là, suite au scandale de 2017, le Festival de Cannes réclame que les studios dont les longs-métrages sont en compétition s’engagent formellement à les sortir dans les salles françaises. Une prérogative sur laquelle Netflix aurait pu céder, si elle n’impliquait pas un délai de carence de trois ans avant que les films ne puissent être diffusés sur une quelconque plateforme de vidéo à la demande, selon la chronologie des médias française. « Ils auraient pu dire : “Pas de problème, nous allons faire une exception pour le film d’Alfonso Cuarón et accepter qu’il sorte en France.” J’aurais adoré ça, et je continue à les supplier pour qu’ils le fassent. Ils seraient passés pour des héros », déplore Thierry Frémaux, bien qu’il qualifie d’ « absurde » la réglementation sur les trois ans de délai. « D’un point de vue personnel, je pense qu’il est temps de changer cela », précise-t-il.

L’exception française est intenable pour Netflix, qui ne peut se permettre de bouleverser son modèle économique en privant ses abonnés de son propre contenu. « Le Festival de Cannes a choisi de célébrer la distribution plutôt que l’art cinématographique. Nous sommes à 100 % en faveur de l’art cinématographique, comme tous les autres festivals du monde. Nous espérons qu’il va se moderniser, mais s’il choisit de rester coincé dans l’histoire du  cinéma, tant pis », lâche alors, cinglant, Ted Sarandos.

OKJA, de Bong Joon-ho, premier long-métrage ambitieux de la plateforme

Si les discussions entre la plateforme et le festival sont toujours en cours, une entente parfaite sera probablement difficile à établir pour l’édition 2019, qui se déroulera du 14 au 25 mai prochains. Le Festival de Cannes pourrait exiger de Netflix qu’il ne sorte en salles que les films récompensés, ou présenter les œuvres telles que The Irishman hors-compétition, puisque la règle de la distribution en salles ne s’impose pas pour cette catégorie.

« J’aime beaucoup Ted Sarandos. Un jour, nous serons de nouveau ensemble sur le tapis rouge. Beaucoup de choses vont changer », promettait Thierry Frémaux à l’aube de l’édition 2018 du festival.


Couverture : Netflix.


 

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14.01.2021 à 01:00

Voici comment le prince héritier d’Arabie saoudite change radicalement le royaume

Servan Le Janne

La ville du futur verra le jour en Arabie saoudite. C’est l’engagement qu’a pris le prince Moham­med ben Salmane en annonçant la construction imminente de The Line, une ville inédite qui s’étendra sur une ligne droite de 170 km, sans rues ni voitures, et sans émissions. Pour l’éco­no­miste saou­dien Mazen Al-Sudairi, « c’est une nouvelle […]

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Texte intégral (3900 mots)

La ville du futur verra le jour en Arabie saoudite. C’est l’engagement qu’a pris le prince Moham­med ben Salmane en annonçant la construction imminente de The Line, une ville inédite qui s’étendra sur une ligne droite de 170 km, sans rues ni voitures, et sans émissions. Pour l’éco­no­miste saou­dien Mazen Al-Sudairi, « c’est une nouvelle ère de civi­li­sa­tion, un nouveau modèle pour une ville propre, conve­nable et sans carbone ».

The Line n’est que le dernier d’une longue série de projets innovants et d’apparentes transformations apportées au royaume par le prince héritier, depuis son arrivée au pouvoir en 2017.

The Line

L’homme pressé

Il y a des hommages dont on se passerait volontiers. Sous son foulard blanc tacheté de rouge, Mohammed ben Nayef dissimule mal la peine qu’il a, ce mercredi 22 juin 2017, à recevoir le baisemain de Mohammed ben Salmane. Par cette révérence, la couronne d’Arabie saoudite qui était promise au premier passe sur la tête de son jeune cousin, elle aussi coiffée par la traditionnelle shemagh. Le désaveu porte les habits du respect. Après deux ans et demi de règne, le roi a décidé d’écarter son neveu au profit de son fils. Malade, l’octogénaire remet les clés du royaume entre les mains d’un homme de 32 ans. Présenté comme quelqu’un de fougueux, sinon d’impétueux, le nouveau prince héritier compte bien régner sans partage.

Près de trois ans plus tard, le 7 mars 2020, le New York Times et le Wall Street Journal annoncent l’arrestation de plusieurs membres de la famille royale. Jusqu’ici placé en résidence surveillée, Mohammed ben Nayef est désormais en détention aux côtés du prince Ahmed ben Abdulaziz al Saud, qui est aussi le frère du roi Salmane. Selon une source citée par CNN, ils ont rejoint le fils du roi, Turki bin Abdullah, en prison. Autant dire que Mohammed ben Salmane (MBS) a fait le ménage autour de lui.

En novembre 2017, MBS avait fait arrêter quatre ministres, dix anciens membres du gouvernement et au moins onze princes dont Turki bin Abdullah et le milliardaire Al-Walid ben Talal, un des hommes les plus puissants du royaume. Pour assurer le succès de cette opération menée par le nouveau comité anti-corruption, le Ritz Carlton – où la famille royale à ses habitudes – a été évacué et l’aéroport privé fermé.

Plus jeune prince à diriger le pays depuis sa fondation en 1932, Mohammed ben Salmane est un « homme pressé », juge la journaliste Clarence Rodriguez. Il « ne semble pas manifester un respect excessif pour les personnages âgées de la famille », juge son confrère Olivier Da Lage. Porteur d’un projet économique libéral et ambitieux, Visions 2030, il montre un visage offensif sur la scène internationale et autoritaire en interne. Après avoir annoncé la délivrance de visas de tourisme et un assouplissement du code vestimentaire en septembre 2019, MBS a levé l’interdiction de la Saint-Valentin en février dernier. Et en pleine épidémie de coronavirus (Covid-19), il a décidé de baisser les prix du pétrole national, ce qui n’a fait qu’approfondir la déstabilisation de l’économie mondiale.

Pour ce pays ultra-conservateur, sa nomination était bien plus qu’une révolution de palais.

Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, suivi du prince Mohammed ben Salmane
Crédits : vision2030.gov.sa

Le renouveau

Le long des autoroutes qui traversent le désert saoudien, la même pancarte revient de loin en loin. « Remercie Dieu », est-il écrit entre Médine et La Mecque, les deux villes saintes de l’islam, et jusqu’à la capitale, Riyad. Depuis l’unification des tribus de la péninsule sous le sabre de la famille Al Saoud, en 1934, chaque cérémonie de succession offre l’occasion de renouveler le pacte entre les pouvoirs politique et religieux, forgé par le fondateur de la dynastie, Mohammed Ibn Saoud, à la fin du XVIIIe siècle. La dernière intronisation ne fait pas exception.

Lors de son arrivée sur le trône, le roi Salmane s’est posé en garant de la pérennité du régime. « Nous resterons, avec la force de Dieu, sur le chemin droit que cet État a suivi depuis sa création par le souverain Abdel Aziz ben Saoud et par ses fils après lui », déclare le sixième de la lignée à la mort de son frère, Abdallah, en janvier 2015. À peine trois mois plus tard, il renverse pourtant l’ordre de succession en privant son demi-frère, Moukrine, du statut de prince héritier au profit de son neveu, le ministre de l’Intérieur Mohammed ben Nayef (MBN).

Nommé ministre de la Défense, son fils, Mohammed ben Salmane (MBS), arrive en deuxième place. MBS « est l’homme de confiance de son père », remarque le journaliste de RFI Olivier Da Lage, auteur du livre Géopolitique de l’Arabie saoudite. « Quand il était gouverneur de Riyad (de 1955 à 1960 et de 1963 à 2011) puis lorsqu’il est devenu ministre de la Défense (2011-2015) et enfin prince héritier (2012-2015), Salmane a nommé son fils chef de cabinet. » Une fois au pouvoir, il en fait un ministre de la Défense aux attributions élargies. À ce poste, le jeune homme engage l’armée saoudienne au Yémen afin de contrer la rébellion houthiste qui s’y déploie avec l’aide de l’Iran. Cette opération, « Tempête décisive », coalise l’Égypte, la Jordanie, le Soudan, le Maroc et les membres du Conseil de coopération du Golfe (Oman excepté).

Mohammed ben Nayef

Alors encore numéro 2 et prince héritier, le « Monsieur sécurité » du royaume donne son accord à l’intervention. Fils d’un ancien ministre de l’Intérieur, MBN lui a succédé en 2012, après des formations auprès du FBI et de Scotland Yard. Réputé pour sa participation au démantèlement de groupes terroristes et sa politique de réinsertion de djihadistes, il est aussi connu pour son travail de sape de l’opposition. En 2011, « Ben Nayef est intervenu pour éviter que le Printemps arabe ne souffle en Arabie saoudite », résume Clarence Rodriguez, journaliste française qui a passé 12 ans dans le pays, auteure du livre Révolution sous le voile.

Il apporte aussi tout son soutien à la répression meurtrière employée par le gouvernement du Bahreïn contre les contestataires. Depuis, le blogueur Raif Badawi croupit en prison, de même qu’Ali Mohammed al-Nimr, condamné à mort pour avoir participé à des manifestations dans l’est du pays. Son oncle, le clerc chiite Nimr Baqr al-Nimr passe par l’épée en janvier 2016. En réaction, l’ambassade d’Arabie saoudite en Iran est incendiée, ce qui entraîne la rupture des relations diplomatiques entre les deux États. « Comment avoir un dialogue avec un régime basé sur une idéologie extrémiste ? » se défend MBS, en qualité de ministre de la Défense du si modéré royaume wahhabite…

Ce conflit ouvert n’arrange rien. Pour ne pas céder des parts de marché à son rival, Riyad maintient le volume de sa production de pétrole, ce qui a pour effet d’entraîner le prix du baril au-dessous des 35 dollars. Une situation difficilement tenable puisque plus de 70 % des revenus proviennent de l’or noir. En avril, Ben Salmane présente son projet « Visions 2030 » pour diversifier et réformer l’économie saoudienne sur un modèle « thatchérien ». L’annonce crée quelques remous dans un pays où 3 des 5,5 millions d’employés seraient fonctionnaires.

Crédits : CEDA

Vision 2030

L’Arabie saoudite est construite sur des sables mouvants. Garantes de sa prospérité, les énormes réserves de pétrole découvertes dans les années 1930 ont une valeur qui fluctue en fonction des prix du marché. Voilà bientôt trois ans qu’ils sont bas. Mais l’érosion de cette manne essentielle au fonctionnement de l’État est surtout due à une lame de fond : la croissance démographique. Alors qu’il n’utilisait que 5 % de sa production dans les années 1970, le pays en consommait 25 % en 2012. En seulement cinq ans, de 2008 à 2013, la part du brent vendu à l’étranger est passée de 93 % à 84 % du total des exportations. Aujourd’hui, « 65 % de la population a moins de 25 ans », souligne Clarence Rodriguez. Si bien qu’à rythme d’extraction constant, le pays pourrait devenir importateur de pétrole d’ici 2037. Il ne restera alors plus rien des 2 000 milliards de dollars de revenus puisés dans le sol entre 1973 et 2002.

Pour récolter la même somme, le plan Vision 2030 envisage de vendre 5 % des actifs de Saudi Aramco, la compagnie nationale d’hydrocarbures. Sa supervision est assurée par MBS en qualité de président du Conseil des affaires économiques et de développement. « La question de la privatisation de va pas de soi », tempère Olivier Da Lage. « La date d’introduction en bourse du capital est repoussée en permanence. » Clarence Rodriguez invite aussi à la prudence : « Ça paraît compliqué de vendre alors qu’on parle de pénurie du pétrole à venir. Est-ce que vous investiriez sachant que dans quelques dizaines d’années il y aura une raréfaction ? »

Par ailleurs, tous les membres de la famille royale ne sont pas convaincus de l’intérêt de la cession d’une partie de ce fleuron national qui concourt pour 45 % à la richesse du Royaume. Face à la chute des cours, le régime s’était déjà lancé, fin 2015, dans un « plan de transformation nationale » à même d’éviter l’assèchement de son budget. Ayant dû ponctionner 700 milliards dans ses réserves pour couvrir ses pertes au printemps, il avait engagé des mesures comprenant le rapatriement d’avoirs investis à l’étranger, la suspension de chantiers d’infrastructures, et le gel des embauches ainsi que des promotions.

Des coupes sombres avaient également été données dans les subventions de l’eau, de l’électricité et de l’essence, dont les prix ont sensiblement augmenté. « Cette population qui était sous perfusion étatique l’est aujourd’hui beaucoup moins », observe Clarence Rodriguez. « On lui demande de se serrer la ceinture alors que la guerre du Yémen coûte quasiment sept milliards par mois. » Or, et la guerre et l’austérité vont se poursuivre.

Des jets saoudiens au-dessus du Yémen
Crédits : Hassan Ammar/AP

Le plan Vision 2030 « a été rédigé par des cabinets de consultants occidentaux », signale Olivier Da Lage. Pour réduire la dépendance de l’État à sa ressource fossile, il parie sur une industrie minière jusqu’ici délaissée et le développement des énergies renouvelables. Le pays assure qu’il couvrira 10 % de ses besoins énergétiques grâce aux éléments d’ici 2023. En parallèle, la construction d’un nouvel aéroport et d’une route entre Médine et La Mecque devrait participer au doublement du nombre de touristes.

Ces projets s’accompagneront d’une « diminution du nombre de fonctionnaires, des subventions et des allocations diverses ainsi que d’une privatisation des entreprises d’État », selon Olivier Da Lage. Des sacrifices qui auront d’autant plus de mal à passer que, si la famille royale mène grand train, c’est loin d’être le cas de tous. Sur le million d’emplois créés dans le secteur privé entre 2004 et 2014, beaucoup sont occupés par des étrangers. En octobre 2016, l’achat d’un yacht de 500 millions de dollars par le prince Ben Salmane a fait des vagues. « Le mécontentement de la population a amené les autorités à annuler des réductions d’allocations », explique Olivier Da Lage.

Mais depuis, le roi Salmane a réduit tous les contre-pouvoirs qui semblaient pouvoir s’opposer à son fils. Afin de lui donner les coudées franches, il a ainsi remercié le ministre du Pétrole Ali al-Nouaïmi en mai 2017, en poste depuis deux décennies. « Les princes et responsables plus âgés et plus expérimentés qui auraient pu lui faire de l’ombre ont été écartés », constate Olivier Da Lage.

Délesté de certaines entraves, MBS risque d’entrer dans un rapport de force avec sa population. « La remise en cause de l’économie rentière et de l’État-providence peut potentiellement bouleverser les grands équilibres de la société saoudienne », avertit le chercheur David Rigoulet-Roze, auteur lui aussi d’un livre intitulé Géopolitique de l’Arabie saoudite. « Dans les ctrois prochaines années, si rien n’est fait, il peut y avoir une implosion », estime Clarence Rodriguez. Tout dépendra de la capacité du prince à répondre aux aspirations de la jeunesse.

Le prince Ben Salmane
Crédits : AFP/HO/MISK

 Une jeune voix

Plus à l’aise que Donald Trump lors de la danse du sabre, le roi Salmane était moins en verve pendant le reste de la visite du président américain à Riyad, en mai 2017. S’aidant d’une canne pour marcher, l’homme de 81 ans est apparu fatigué. « Son discours n’était pas très audible », se souvient Clarence Rodriguez. Tout le contraire de celui de son fils, dont la voix porte dans le monde. En mars 2017, il s’était rendu aux États-Unis pour préparer la venue de Trump. « Il avait aussi rencontré Vladimir Poutine et François Hollande, à une époque où il ne cachait pas, en privé, vouloir devenir roi », confie la journaliste. Même s’il parle très mal l’anglais, le prince « a donné des interviews à la presse occidentale – ce qui n’est pas très habituel pour les dirigeants saoudiens », pointe Olivier Da Lage. «Ilse présente comme l’incarnation de la modernité, de l’avenir de l’Arabie saoudite. »

En 2016, MBS a conseillé à son père de donner moins d’importance aux oulemas, c’est-à-dire aux théologiens du royaume. Sa nomination est néanmoins intervenue un jour de fête religieuse, une manière de leur donner des gages. « Pour diriger le pays, il faut parvenir à un consensus entre les responsables religieux, les tribus et les hommes d’affaires », indique Clarence Rodriguez. « Il a besoin de l’islam pour asseoir son autorité, c’est l’ADN du pays. » Le pouvoir de la Mutawa, la police religieuse, a été considérablement réduit la même année. Ses officiers « ne peuvent plus arrêter ou détenir des personnes, ni demander leurs cartes d’identité, ni les suivre ».

Selon des témoignages, certains n’hésitaient pas à porter des coups aux femmes en raison de leur tenues. Celles-ci ont désormais le droit de tenir un volant et ont pu voter et se présenter aux élections municipales de 2015. Mais seules 20 candidates ont été élues sur les plus de 2 000 sièges à pourvoir. En mai 2017, le roi a émis un décret autorisant les femmes à se passer de l’autorisation de leur « tuteur » pour voyager, étudier et avoir accès à certains soins. Un aval est toujours indispensable dans l’optique de se marier, porter plainte, travailler, consulter un médecin.

Riyad devra incarner le futur du pays

Pour modéré qu’il soit, le changement « va très vite aux yeux des caciques », relativise Clarence Rodriguez, qui précise par ailleurs que MBS « ne peut pas balayer toute son éducation conservatrice ». Une indication sur les changements à venir sera donnée par son implication dans la Commission de la condition de la femme des Nations unies dont l’Arabie saoudite est membre jusqu’en 2022. Il s’est en tout cas engagé à faire passer de 22 à 30 % le taux de femmes parmi les travailleurs en 15 ans.

Autre illustration de cette politique des petits pas, un concert dans la capitale, en mars 2017, a été autorisé par le pouvoir pour la première fois depuis trente ans. Il fallait toutefois être un homme pour s’y rendre. Deux mois plus tard, lors du remaniement gouvernemental, un ministère du Divertisement a été créé, pavant le chemin à des spectacles de théâtre ou des projections de cinéma, toujours interdits. Si cet élan venait à se conforter, il serait « plutôt une bonne chose pour la jeunesse qui ne voit pour l’heure son salut que sur les réseaux sociaux », considère Clarence Rodriguez.

Aussi, le prince jouit-il d’une bonne réputation auprès des jeunes, ternie par la détérioration de l’économie. « Certains l’idolâtrent, d’autres doutent », dit la journaliste. « Vous avez presque 30 % de chômage dans la jeunesse. » Maintenant qu’il s’est mis une partie des dignitaires religieux à dos et que la guerre au Yémen s’enlise de façon catastrophique dans les affres de la famine et du choléra, le futur souverain n’a pas le droit à l’erreur. « S’il vient à apparaître faible, tout le monde lui tombera dessus », prévient Olivier De Lage.

Conscient de ne pas faire l’unanimité, Mohammed ben Salmane est donc en train d’écarter les hommes de pouvoirs qui pourraient entraver ses plans. Le prince Al-Walid ben Talal est visiblement de ceux-là. Après avoir participé à l’acquisition du Plaza Hotel new-yorkais de Donald Trump, le milliardaire s’en était pris, en décembre 2015 au futur président américain en le traitant de « honte pour les États-Unis. » À quoi, l’intéressé avait répondu : « Ce crétin de Ben Talal veut contrôler nos politiciens américains avec l’argent de papa. Il ne pourra pas le faire quand je serai élu. » Le cas échéant, Trump a développé de bonnes relations avec MBS. Et, en octobre 2017, trois officiels de la Maison Blanche, dont le gendre du chef d’État, Jared Kushner, ont été vus en Arabie Saoudite. À croire que Washington ne voit pas d’un mauvais œil la montée en puissance du nouvel homme fort.

Ces signes d’ouverture ne sont pas synonyme de démocratie, comme en atteste le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi en 2018. Depuis, tandis que le pays annonçait la délivrance inédite de visas de tourismes et un assouplissement du code vestimentaire, plus de 30 opposants ont été arrêtés selon les chiffres de l’association Human Rights Watch. « Mohammed ben Salmane a permis la création d’un secteur des loisirs et a autorisé les femmes à voyager et à conduire, mais sous sa supervision, les autorités saoudiennes ont également emprisonné un grand nombre des principaux intellectuels et activistes réformistes du pays, dont certains avaient précisément milité en faveur de ces changements », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch, en novembre 2019. « Une Arabie saoudite réellement réformiste ne soumettrait pas ses principaux activistes à des actes de harcèlement, à la prison et aux mauvais traitements. »

Début mars 2019, en pleine campagne d’arrestations, l’Arabie saoudite a décidé d’augmenter sa production de pétrole en pleine crise économique. Alors que l’épidémie de coronavirus (Covid-19) faisait plonger les bourses mondiales, la mesure a entraîné une baisse du cours de brut de 30 %. Riyad préservait ainsi ses parts de marché au détriment des grandes compagnies pétrolières, qui voyaient leurs valeurs dévisser. Pour Mohammed ben Salmane c’était là-encore un moyen d’affirmer la puissance de sa stratégie résolument offensive.


Couverture : Riyad, de nuit. (Ulyces.co)


 

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12.01.2021 à 07:16

Ces nanorobots vont peut-être vaincre le cancer

Denis Hadzovic

Robots autonomes Dans les laboratoires de l’Institut Max-Planck, à Stuttgart, des mouvements minuscules font avancer la science à grand pas. Mercredi 20 mai, les chercheurs allemands ont présenté un robot microscopique qui ressemble à un leucocyte. Produit dans la moelle osseuse, ce globule blanc qui circule dans le sang joue un rôle primordial dans la […]

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Texte intégral (1239 mots)

Robots autonomes

Dans les laboratoires de l’Institut Max-Planck, à Stuttgart, des mouvements minuscules font avancer la science à grand pas. Mercredi 20 mai, les chercheurs allemands ont présenté un robot microscopique qui ressemble à un leucocyte. Produit dans la moelle osseuse, ce globule blanc qui circule dans le sang joue un rôle primordial dans la défense de l’organisme face aux infections. En copiant la forme, la taille et les capacités du leucocyte, le nanorobot pourrait révolutionner les traitements de certaines maladies, et même guérir des cancers.

Pour cela, le nanorobot va naviguer directement dans les couches profondes des tissus de l’organisme, comme seul le leucocyte en est capable. Il accédera ainsi à des chemins actuellement hors d’atteinte, explique Metin Sitti, directeur du département des systèmes intelligents de l’Institut Max-Planck. Grâce à ses propriétés magnétiques, le robot peut être téléguidé par les scientifiques une fois propulsé dans les vaisseaux sanguins. Élaboré à partir de micro-particules de verre, l’appareil a un diamètre de 8 micromètres. D’un côté, il est recouvert d’une fine pellicule de nickel et d’or, tandis que l’autre face est dotée de molécules spécifiques qui peuvent reconnaître et combattre des cellules cancéreuses.

« Grâce aux champs magnétiques qu’ils utilisent, nos nanorobots peuvent naviguer à contre-courant dans un vaisseau sanguin artificiel, ce qui est difficile vu la puissance du flux sanguin et l’environnement rempli de cellules. Nos robots peuvent aussi reconnaître des cellules cancéreuses de façon totalement autonome, grâce à leur revêtement qui leur permet de libérer des molécules spécifiques tout en étant en mouvement », explique Yunus Alapan, chercheur et auteur de l’étude. Jusqu’ici, les nanorobots ont permis d’identifier et de localiser plusieurs cancers dans des organismes artificiels.

En 2018, des chercheurs de l’université de l’Arizona avaient déjà développé des nanorobots capables de détruire les tumeurs cancéreuses. L’étude avait permis de tester l’efficacité d’un système robotique autonome sur des souris ayant développé un cancer du sein, de l’ovaire, du poumon ou du mélanome. Le but était d’interrompre le flux sanguin en direction des tumeurs afin de les affaiblir à l’aide d’une protéine responsable de la coagulation sanguine : la thrombine.

Les nanorobots ont provoqué des lésions tissulaires sur les cellules tumorales dans les 24 h après l’injection, sans altérer les tissus sains. L’organisme a ensuite éliminé la tumeur naturellement, mais au bout de trois jours, tous les vaisseaux tumoraux présentaient un thrombus (caillot) qu’il fallait ensuite retirer. La méthode a donc de bonnes chances de fonctionner chez l’être humain mais les chercheurs allemands pensent avoir trouvé une meilleure solution.

Les limites de l’infiniment petit

Le secteur des nanorobots charrie autant d’espoirs que de dollars. En République tchèque, le directeur de l’Institut de technologie et de chimie de Prague Martin Pumera a déjà levé 11,5 millions d’euros dans le développement de nanorobots. Sa société, Advanced Functional Nanorobotics, espère pouvoir traiter de nombreuses maladies, incluant les problèmes de fertilité, grâce à ses robots tueurs de cancers dont l’efficacité a déjà été prouvée sur des souris. En France, la start-up Eligo Bioscience a levé près de 25 millions d’euros depuis sa fondation en 2014. Cela lui a permis de développer un robot d’une taille de 40 nanomètres, capable de cibler et de tuer certaines souches spécifiques d’une bactérie dans l’intestin. Il s’y connecte puis leur injecte de l’ADN afin de les annihiler.

Si ces sociétés on tout intérêt à vanter leurs solutions révolutionnaires, les scientifiques font preuve de prudence. À l’Institut Max-Planck de Stuttgart, ils prennent quelques pincettes pour évoquer l’efficacité des nanorobots. S’ils ont pu repérer leurs appareils dans des vaisseaux sanguins artificiels grâce à des microscopes, et les guider en utilisant des bobines électromagnétiques, « la résolution des technologies d’imagerie clinique n’est pas assez développée pour traquer les micro-robots à l’intérieur d’un organisme humain », explique Ugur Bozuyuk, coauteur de l’étude. Un seul robot ne serait du reste pas suffisant pour traiter une infection et il faudrait donc en contrôler un multitude pour que l’effet thérapeutique soit suffisant. « Nous en sommes encore loin », reconnaît Ugur.

Pour le moment, les micro-robots ne sont capables de circuler qu’à travers certains tissus faciles d’accès comme l’œil ou le tube digestif. L’environnement y est moins hostile que dans les vaisseaux, où le flux sanguin peut perturber le travail de ces appareils. Or pour atteindre des zones plus profondes de l’organisme, il n’y a qu’un seul chemin : la circulation sanguine, où les capacités de mouvement des robots sont plus restreints.

Les équipes d’Eligo

Ces problèmes ne paraissent pas insurmontables à Martin Pumera et Xavier Duportet, le PDG d’Eligo. Le premier rêve d’un « porteur de médicaments qui traque les cellules malades et, lorsqu’il les atteint, libère des traitements, s’auto-détruit et disparaît. Vous utiliserez mille fois moins de médicaments et limiterez les effets secondaires avec une meilleure qualité de vie des patients soignés. » Le procédé serait le même du côté d’Eligo : « Nos nanorobots pourraient être emballés dans des pilules et être délivrés dans le système digestif où ils pourront bouger librement pour se connecter à la bactérie ciblée », explique Xavier Duportet.

De la même manière, un nanorobot capable de se mouvoir dans les vaisseaux sanguins pourrait approcher une cellule cancéreuse afin d’y injecter de quoi la tuer. Une équipe de chercheurs saoudiens et espagnols vient de montrer comment les tumeurs pouvaient être détruites par un minuscule fil de fer qui dissémine un médicament anti-cancer tout en perforant la membrane de leurs cellules. Ce n’est donc plus qu’une question de temps avant que ces scientifiques saoudiens, espagnols, allemands, américains, français ou tchèques ne trouvent un moyen d’appliquer leur procédé à l’être humain.


Couverture : Shutterstock


 

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08.01.2021 à 00:44

Les secrets de l’école qui forme les futurs Jeff Bezos et Elon Musk

Servan Le Janne

La scène Dans le hall de Corus Quay, le long d’un mur végétal, un parterre d’étudiants attend impatiemment, assis sur une pelouse artificielle. Derrière eux, par les murs transparents de ce grand bloc de vitres, on peut voir les quais de Toronto, au bord du lac Ontario. À droite d’un toboggan en spirale blanc, Nadeem […]

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Texte intégral (2868 mots)

La scène

Dans le hall de Corus Quay, le long d’un mur végétal, un parterre d’étudiants attend impatiemment, assis sur une pelouse artificielle. Derrière eux, par les murs transparents de ce grand bloc de vitres, on peut voir les quais de Toronto, au bord du lac Ontario. À droite d’un toboggan en spirale blanc, Nadeem Nathoo monte soudain sur scène, déclenchant une salve d’applaudissements. En ce mois de mai 2018, le directeur du TKSummit souhaite la bienvenue à « des gens de Google, Microsoft, la NASA, Instagram, Facebook, Tesla, ou encore Oculus. Nous avons de la chance car cela n’arrive nulle part ailleurs dans le monde ». Les yeux des adolescents brillent. Après lui, ce sera leur tour de prendre le micro.

Ananya contrôle un robot par la pensée
Crédits : Ananya Chadha

Malgré leur jeunesse, les élèves de la Knowledge Society parlent savamment d’intelligence artificielle, de voitures sans conducteur, de réalité virtuelle, d’édition génétique, de cryptomonnaies ou d’exploration spatiale. À 14 ans, Sabarish Gnanamoorthy est non seulement le plus jeune développeur de casques HoloLens soutenu par Microsoft, mais il figure aussi parmi les dix acteurs de la réalité virtuelle à suivre selon le site VeeR. Un autre élève, Andrew Been, prétend avoir construit un modèle réduit de réacteur nucléaire dans son garage. Il n’a que 12 ans. Leur aîné, Tommy Moffat, 17 ans, se passionne pour les calculateurs quantiques.

Certains, comme Ananya Chadha, ont encore un appareil dentaire. Pour commencer sa présentation, déjà rompue à l’art du storytelling, la jeune fille raconte une anecdote de sa prime jeunesse. « Je me souviens que quand j’avais neuf ans, j’ai vu le film Mathilda. Ça parle d’une petite fille super intelligente qui peut contrôler des objets à l’aide de son cerveau. » Dès la projection terminée, la Canadienne a essayé de déplacer un stylo sans le toucher pendant 20 minutes. Rien n’a bougé. Il lui a fallu attendre l’âge de 16 ans pour réaliser le tour.

« Prochaine diapo », demande-t-elle, sur quoi on lui apporte une télécommande. Ça, elle ne sait pas encore le maîtriser par la pensée. En revanche, la vidéo projetée à l’écran la montre en pleine séance de magie. Reliée à un ordinateur par des câbles, des électrodes fixées sur son crâne, elle fait avancer une petite voiture téléguidée sans bouger. La salle applaudit. Une fois descendue de scène, parée pour un entretien individuel, la jeune femme brune de Toronto s’épanche sur d’autres prouesses. Elle a aussi utilisé l’outil d’édition génomique CRISPR-Cas9 pour traiter des maladies chez les souris, et a étudié la blockchain ainsi que la réalité augmentée. Elle est capable d’expliquer simplement ces différentes technologies. Pourtant, relativise Navid Nathoo, « elle avait peur de parler aux gens » il n’y a pas si longtemps. C’est sa rencontre avec lui, au sein de la Knowledge Society, qui l’a transformée.

Crédits : Ananya Chadha

Fondée en mai 2016 par Navid Nathoo et son frère, Nadeem, cette école qui n’ouvre que le week-end « forme des jeunes gens de 13 à 17 ans à devenir leur être optimal », explique Navid. Venus de l’univers des start-ups et de la finance, ils ont eu l’idée d’appliquer leurs schémas à l’enseignement. Ainsi, la Knowledge Society est un incubateur de personnes plutôt que d’entreprises, une pépinière de jeunes talents plutôt que de jeunes pousses. « Au lieu d’essayer de lancer des sociétés qui vaudront des milliards de dollars, elle tente de former les gens qui créeront ces sociétés », résume Ananya Chadha. « Ils veulent refondre le système éducatif. Ça a changé ma vie. »

Ravi de ce satisfecit, Navid Nathoo considère néanmoins qu’il reste beaucoup à faire. Il voit plus grand. Avec l’argent récolté par la vente de sa start-up, Airpost, au géant de l’informatique Box, en 2015, il ne souhaite pas simplement aider des adolescents à développer leur potentiel. L’objectif est surtout – vaste programme –, de « résoudre les problèmes les plus importants au monde ». Pour cela, le vingtenaire a besoin de lever un bataillon de super-entrepreneurs sur le modèle de Steve Jobs ou Elon Musk, dont le succès s’est selon lui construit « en dépit du système éducatif ». Navid et son frère sont convaincus qu’un pas de côté mène aux meilleures idées. Et ils ont des raisons de le croire.

Exil

Tout le monde n’aime pas la Knowledge Society autant qu’Ananya Chadha. Certaines écoles apprécient son travail. Mais pour nombre de professeurs, le cursus classique prime sur ces cours facultatifs, qui ne sont pas reconnus par le ministère de l’Éducation canadien. Pire, des établissements n’hésitent pas à sanctionner leurs élèves s’ils sont absents à cause d’une activité en lien avec cette deuxième école, comme à l’occasion d’une conférence donnée au Web Summit. D’après Navid Nathoo, il y a une véritable inertie dans l’enseignement moderne, tandis que l’univers des start-ups est en perpétuelle ébullition. Les diplômés d’aujourd’hui savent pondérer le risque, moins optimiser le succès, juge-t-il : « Avec mon frère, nous cherchons toujours le meilleur scénario, pas à éviter le pire. Ça vient de nos parents. »

Nadeem et Navid Nathoo
Crédits : TKS

Ces derniers ont grandi dans des pays africains limitrophes, sans jamais s’y croiser. Tous deux ont été contraints à l’exil. Originaire d’Ouganda, la mère de Navid et Nadeem a dû fuir le régime fou d’Amin Dada. Par chance, elle suivait les préceptes de l’ismaélisme, un courant de l’islam chiite dont les membres étaient aidés par la riche famille Agha Khan. Sans cela, elle n’aurait jamais pris d’avion pour Vancouver. Le maire actuel de la ville de Calgary, Naheed Nenshi, a aussi bénéficié de ce soutien. Lui était originaire de Tanzanie, comme le père de Navid. Mais ce dernier a emprunté un chemin plus sinueux. Dépossédé de ses terres par une nationalisation, il a atterri en Angleterre avant d’avoir 15 ans. Privé de lycée, l’adolescent travaillait comme contrôleur aérien la nuit et vendait du pain le jour. Il fallait au moins ça pour aider deux sœurs et autant de frères.

Après avoir racheté la boulangerie où il travaillait, le père Nathoo décide de lancer son entreprise au Canada, où il rencontre sa femme. Elle aussi a dû mettre un terme à ses études prématurément, à l’université, pour aider ses proches. « Ils n’ont pas de diplômes mais sont très intelligents », observe Navid. « Ils m’ont transmis leur ténacité, leur persévérance, cet état d’esprit peu conventionnel. Ils ont eu du succès en dépit des conventions. C’est aussi le cas d’Elon Musk et Steve Jobs. » Afin d’éviter les sentiers battus et de suivre les préceptes altruistes des Agha Khan, le jeune homme quitte Calgary aussi souvent que possible. Son frère et lui se rendent au Bangladesh pour aider à la mise en place de micro-crédits, puis au Tadjikistan, afin de développer l’éducation dans les régions montagneuses situées dans le nord du pays.

Voilà pour les excentricités. Car à côté de ces expériences hors du commun, les deux frères étudient le commerce. « Il est difficile d’avoir un impact sans comprendre les chiffres », justifie Navid. Ça tombe bien, ils n’ont guère de secret pour lui. Pendant que Nadeem entre dans la grand cabinet de conseil McKinsey, Navid fait de son entreprise, Airpost, un spécialiste reconnu de la sécurisation des données hébergées sur le cloud pour les professionnels. À son rachat par Box, l’homme d’alors 25 ans devient responsable d’une équipe composée d’anciens étudiants de Stanford, Berkeley, Harvard, du MIT et d’autres grandes universités. Mais comme l’expérience de ses parents le lui a appris, « un diplôme ne garantit pas le succès et ne définit pas l’intellect ».

Dopamine

Le Bangladesh a vu passer Ananya Chadha avant Navid Nathoo. Elle arrivait alors du Bahreïn et s’apprêtait à continuer un long périple, faisant étape à Madagascar, au Vietnam et à Dubaï pour finalement arriver au Canada à l’âge de trois ans. Elle avait alors déjà vu beaucoup de choses, au gré des déplacements de ses parents. Son père participait à la mise en place d’usines de vêtements dans différents pays. Et parce qu’elle travaillait pour une multinationale dotée de bureaux partout dans le monde, sa mère était elle aussi très mobile. Pourtant, la famille serait arrivée sans grandes ressources à Toronto. « Nous n’étions pas riches, mais mes parents m’ont porté beaucoup d’attention », raconte Ananya. « Eux-mêmes en avaient reçu dans leur enfance. »

Démonstration à la TV

Pour faire plaisir à leur fille unique, nouvelle venue à Toronto, les parents d’Ananya Chadha l’inscrivent à diverses activités. Elle s’essaye à la gymnastique, au skateboard, au ski, au chant, à la danse, aux échecs, aux maths ou encore à la natation. Dès que l’ennui la guette, la jeune Indienne est libre de s’arrêter, et elle ne s’en prive pas. Finalement, les sciences restent toujours dans le paysage. « Je n’ai jamais été exceptionnelle en sport », explique-t-elle. « Je n’étais pas mauvaise mais pas extraordinaire. En revanche, au CE1, j’étais capable de faire de longues divisions alors que mes camarades en étaient encore aux additions. » Ananya trouve là un moyen de se faire remarquer. Elle confie même avoir reçu « un afflux de dopamine » dû à la reconnaissance de sa qualité.

À 12 ans, la spécialiste des maths rejoint une colonie de vacances consacrée aux sciences à Toronto. Elle est complètement fascinée par les maquettes et autres réalisations qu’on lui demande de faire. Son intérêt pour les cours d’aéronautique est tout aussi aigu. Le simple fait de devoir trouver la forme optimale à donner à un avion en papier la réjouit. « J’ai toujours aimé faire des choses, les partager et avoir de la reconnaissance. OK, c’est un peu égoïste, mais bon j’imagine que c’est comme ça que fonctionne mon cerveau », sourit-elle. Souhaitant rejoindre une autre classe enseignant la théorie du vol, à 14 ans, elle en parle à son père. « Il m’a demandé s’ils me donneraient des cours de vol à proprement parler et je lui ai répondu que non. Le jour-même, nous étions à l’aéroport pour m’inscrire à un véritable cours de vol. Avec ma licence de pilote en poche à 14 ans, je me suis dit que je pouvais faire ce que je voulais. »

Alors qu’elle est en quatrième, Ananya Chadha participe à un concours scientifique. Au déjeuner, elle discute avec une neuroscientifique spécialisée dans l’étude des neuro-transmetteurs, thème qu’Ananya avait « un peu étudié ». L’enseignante lui propose alors de venir à son laboratoire. Au retour de sa première visite, l’adolescente « saute littéralement de joie » – elle y décroche un stage et la secondera dans ses recherches. Elle est sur de bons rails pour entrer à la Knowledge Society, au moment de sa création, en 2016, avec encore une fois une joie non dissimulée. « À chaque cours, une fois par semaine, on nous présente une nouvelle technologie », décrit-elle. « Si quelque chose nous plaît, on est encouragés à l’approfondir seuls. »

La deuxième partie du programme est consacrée au développement humain, pour se comprendre soi-même, et une troisième à la compréhension du monde. Ananya Chadha change. Elle se détache d’anciens amis qui ont fini par la trouver « bizarre » et passe davantage de temps avec ses camarades de la Knowledge Society. « Je me sens beaucoup plus intégrée qu’avant », assure-t-elle. « Nous avons beaucoup de choses en commun, comme notre ambition ou notre goût de l’apprentissage. » La confiance suit peu à peu.

À la fin d’un événement avec l’école, tandis qu’elle est prête à partir, Navid Nathoo l’interpelle : « Tu vas où ? Tu n’as parlé à personne. » Devant son étudiante devenue de marbre, le fondateur du projet pointe cinq participants au hasard et lui intime d’aller les voir pour se présenter. Depuis, Ananya Chadha n’a plus peur de parler. Elle confie même volontiers les « choses stupides » qu’elle a coutume de faire. « Je fais beaucoup de choses pour me sentir unique », avoue-t-elle. « Je n’ai jamais bu de soda, ni de café, je n’ai jamais mâché de chewing-gum, je mange sans sauce, et sans épice. Je veux me sentir différente. » Comme si le pas de côté était indispensable.

Elle vient en paix
Crédits : Ananya Chadha

Justement, Navid Nathoo ne reste pas en place. Développée en Amérique du Nord pour des raisons pratiques, la Knowledge Society sera exportée en 2019, promet-il. « J’étais à Dubaï la semaine dernière et je pense que beaucoup de choses intéressantes se passent là-bas », cite-t-il en exemple. « Je préfère me concentrer sur les villes où l’on parle anglais car il est plus facile d’adapter les programmes mais je reste très ouvert. » Ses étudiants les plus âgés sont déjà en stage chez des partenaires tels que Google, Microsoft, Airbnb ou Facebook. Ainsi, « nous n’avons plus seulement à croiser les doigts en attendant le prochain Elon Musk », assure-t-il. À supposer qu’Elon Musk aurait aimé la formation. 


Couverture : The Knowledge Society. (TKS)


 

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