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17.05.2024 à 06:00

« J'ai décidé de rester tant qu'un tract ne me demande pas d'évacuer »

Rami Abou Jamous

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi, sous la pression de l'armée israélienne. Réfugié depuis à Rafah, Rami voit désormais cette ville se vider à son tour et les déplacés reprendre la route de leur exil interne, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet (…)

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Texte intégral (2427 mots)

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi, sous la pression de l'armée israélienne. Réfugié depuis à Rafah, Rami voit désormais cette ville se vider à son tour et les déplacés reprendre la route de leur exil interne, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié depuis le 28 février 2024.

Jeudi 16 mai 2024.

La ville de Rafah est presque devenue une ville fantôme. Cette ville où il y avait à peu près 1,5 million de personnes entassées les unes sur les autres, des tentes partout, sur les trottoirs, dans les écoles, dans les rues, au bord de la mer, dans les zones où il y a du sable, du désert, à côté de la frontière égyptienne, cette ville est maintenant presque vide. Le grand marché du rond-point Nejma, où les grossistes vendaient toutes sortes de produits dans des cartons, est vide, alors qu'il n'a pas été désigné comme zone d'évacuation par les Israéliens. Pareil pour le rond-point Awda — « retour » en arabe, ce qui est assez ironique – qui était plein de déplacés, à tel point qu'on ne pouvait pas marcher sur la route, et qu'il fallait une heure pour passer en voiture. Aujourd'hui, cela prend cinq minutes à pied. L'UNRWA dit que plus de 450 000 personnes ont évacué Rafah.

Personnellement, je crois qu'ils sont plus nombreux. Qu'il s'agit de la majorité de ceux qui étaient ici, qui sont de nouveau déplacés. Pour certains, c'est la cinquième, voire la sixième fois. Même des habitants de Rafah, des « locaux », sont en train de partir. Ils quittent même les endroits qui ne sont pas des « zones rouges » marquées sur les tracts lancés par Israël. La majorité des maisons ici sont des résidences familiales. Dans les immeubles habitent le père et ses enfants avec leurs familles, avec un étage par famille.

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Photo d'un tract lancé par l'armée israélienne avec les zones rouges dont il faut évacuer selon elle.

Ceux qui restent pourront partir sans rien, plus rapidement

Les gens se sont partagé la tâche : sur une fratrie de six, trois partent avec leurs enfants pour Al-Mawassi, au bord de la mer, ou ailleurs, afin de réserver un morceau de terrain en cas de départ.

Trouver un emplacement n'est pas évident. La bande de Gaza est déjà trop petite. Et la cage dans laquelle les Israéliens nous demandent d'aller l'est encore plus. Ceux qui ont la chance d'avoir une tente la montent sur ce morceau de terrain, les autres mettent des bouts de bois et de plastique pour marquer l'endroit de leur abri de fortune. Si l'évacuation est ordonnée, le reste de la famille les rejoindra. Ils ont appris la leçon, maintenant. Les commerçants font de même et évacuent leurs magasins ou leurs étals, parce qu'ils savent que les Israéliens détruisent toutes les marchandises.

Ceux qui sont partis ont emporté tout ce qu'ils avaient. Ceux qui restent pourront partir sans rien, plus rapidement. On trouve encore des magasins ouverts mais avec peu de marchandise, souvent à même le sol. Les grossistes qui font de l'importation peuvent passer par le terminal de Kerem Shalom qui a rouvert depuis deux jours, qui donne directement sur Israël. La majorité de cette marchandise est partie vers Deir El-Balah, où de nombreux camps de fortune se sont installés. Ceux qui sont restés à Rafah cherchent à rester proches des ONG et de l'Unrwa, car même ceux qui étaient riches dépendent maintenant à 100 % de l'aide alimentaire.

Les quadcopters diffusent des bruits de tirs alors qu'il n'y a pas de combats

Ma belle-famille, les frères et les sœurs de Sabah, ne voulaient pas partir, parce que moi j'ai décidé de rester tant qu'un tract ne me demande pas d'évacuer. Comme d'habitude, ils me considèrent comme l'homme qui sait tout.

Une journée de plus, c'est une journée gagné sur l'humiliation de devoir vivre sous la tente. Mais finalement, mardi, ils ont décidé de partir, parce que tous ceux qui étaient avec eux au rond-point Al-Alam, à l'ouest de Rafah, du côté de la mer, étaient partis. Ils ont alors commencé à avoir vraiment peur, parce que l'endroit était désert et ils entendaient le bruit des F-16 et surtout celui des quadcopters. Il faut parler de cette nouvelle arme.

Quand nous avons été chassés de chez nous à Gaza-ville, ces engins étaient là. C'est comme un jouet de PlayStation, avec quelqu'un derrière l'écran en train de surveiller tout le monde grâce à son drone. Mais ce drone-là sert plutôt à tirer sur les gens, ou à lancer des ordres via son haut-parleur, comme ils l'ont fait pour l'évacuation de l'hôpital Nasser.

Et il sert aussi à faire peur. Pendant la nuit, ces appareils émettent des sons destinés à effrayer les gens : le bruit d'un bébé qui pleure toute la nuit, d'une femme qui appelle au secours, de chiens qui aboient. Les Israéliens les utilisent aussi pour faire la coordination avec les camions. C'est un quadcopter qui contrôle les chauffeurs. Il se positionne au-dessus du camion et on entend : « Attendez une heure » ou « Passez maintenant, prenez telle route ». Dans notre quartier, à Tell Al-Soltan, ils diffusent des bruits de tirs alors qu'il n'y a pas de combats.

Ma belle-famille ne savait pas si ces quadcopters n'avaient pas arrêté de tirer toute la nuit, ou s'ils émettaient seulement des bruits de tirs. Toujours est-il qu'elle a fini par quitter le rond-point. Ses membres vont tenter de trouver un terrain pour rester tous ensemble, car ils considèrent cela comme une sorte de protection. Pas seulement en restant en famille, mais aussi parmi les gens de leur quartier, des gens qu'ils connaissent. La famille de Sabah est de Chajaya, elle va donc chercher à s'installer avec des gens de la même zone.

Quitter l'endroit où ses parents sont enterrés

C'est la version 2024 de 1948. Les camps de réfugiés portaient le nom des villages d'origine dont ils avaient été chassés. Par exemple, le camp de réfugiés de Yibna regroupait des habitants chassés de ce village, même chose pour le camp de Falloujah. C'est une forme de protection parce que tout le monde se connait, donc si les hommes partent, ils peuvent confier la protection de leur famille à un voisin.

Nous sommes allés dire au revoir aux frères et sœurs de Sabah. Ce fut un moment de tristesse parce qu'ils se sont déjà déplacés plusieurs fois, mais cette fois le pilier de cette famille, Souleiman, mon beau-père, n'était pas là. Ils l'ont laissé à Rafah, enterré aux côtés d'autres martyrs. Les sœurs de Sabah n'ont pas arrêté de pleurer. Elles disaient : « Même s'il était décédé, il était toujours avec nous. On se sentait bien parce qu'on n'était pas loin de lui. »

Je ne sais pas si je peux expliquer ce que l'on ressent quand on doit quitter l'endroit où ses parents sont enterrés. Même si on ne va pas très loin, et qu'on reste dans la bande de Gaza. Les Israéliens ont tellement réussi à rétrécir notre espace géographique, que ce déplacement équivaut à quitter un pays pour un autre, alors qu'on bouge seulement de quelques kilomètres. Ma belle-famille m'a demandé conseil mais ça a été difficile pour moi de les conseiller, parce qu'ils voulaient rester à Rafah, comme moi. Mais je leur ai dit :

Vous avez des tentes, vous avez des bâches, vous avez beaucoup de choses à emporter. Moi je n'ai que deux sacs et une petite tente, je peux partir à la dernière minute. Vous êtes nombreux, il vous faut un camion, et le jour J, vous n'en trouverez pas. Vous êtes une cinquantaine de personnes alors que nous sommes seulement six, et nous pourrons nous contenter d'une charrette.

Un jour gagné sur l'humiliation

Finalement ils ont convenu que c'était la meilleure solution. Ils ne seront pas loin, on pourra aller les voir. Mais Sabah, pour la première fois, a commencé à avoir peur. Elle m'a demandé :

Pourquoi on ne fait pas la même chose ? Pourquoi on partirait à la dernière minute, au risque de revivre ce qu'on a connu quand on a fui Gaza sous les bombes et les balles des snipers ?

Ma réponse a été simple : « Un jour de plus, c'est un jour gagné sur l'humiliation. » Mais on ne va pas faire la même erreur qu'à Gaza. À l'époque, le porte-parole de l'armée disait à toute la population de Gaza-ville et du nord de partir vers le sud. Et c'est pour cela que je voulais rester jusqu'à la dernière minute. À l'époque, je préférais même mourir que de me déplacer, parce que je sais très bien ce que c'est de partir de chez soi pour aller vivre dans une tente.

Je veux épargner ça à ma famille. J'ai dit : « On vit dans un hôtel cinq étoiles par rapport aux autres, à ceux qui vivent sous les tentes. » La petite tente Décathlon qu'un ami m'a envoyée, c'est une tente de camping, pour passer un bon moment de vacances. J'ai essayé avec mes contacts, mais je n'ai pas réussi à obtenir une vraie tente, un peu plus grande et qui protège de la chaleur et du froid. On va dormir les uns sur les l'autres, mais ce n'est pas grave.

Cette guerre ce n'est pas seulement des bombardements, c'est aussi une guerre psychologique et émotionnelle. On perd des gens, on les enterre, on s'en éloigne. Les émotions de tristesse, de peur, d'angoisse et d'inquiétude se bousculent en moi. Jusqu'à présent on n'a ressenti que des émotions négatives. Ni la tranquillité, ni l'espoir, ne sont là. Et quand je regarde les gens quitter Rafah, je vois cette ville comme quelqu'un qui attend la mort dans un bloc opératoire, où le calme total règne. On entend juste le bruit de cette machine branchée sur son cœur. Mais cet appareil-là au moins peut sauver des vies. Rafah c'est le patient, mais les seuls appareils qu'on a ici c'est les drones et leur bruit qu'on entend 24 heures sur 24. Au lieu de sauver le patient, la machine lui insuffle la peur, pour le garder entre la vie et la mort.

16.05.2024 à 06:00

Argentine. Du sionisme au judaïsme, les errements pro-israéliens du président Milei

Jérémy Rubenstein

Le nouveau président Javier Milei est un allié à Buenos Aires de partis de tradition antisémite, tout en affichant un soutien bruyant à Israël, comme l'essentiel de l'extrême droite au niveau mondial. Il envisage également de se convertir à la religion juive, en épousant la cause d'une de ses branches les plus pro-colonies. On ne se refait pas... Parmi les nombreuses excentricités de Javier Milei mises en scène et très fortement médiatisées, son rapport assez curieux avec le judaïsme (…)

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Le nouveau président Javier Milei est un allié à Buenos Aires de partis de tradition antisémite, tout en affichant un soutien bruyant à Israël, comme l'essentiel de l'extrême droite au niveau mondial. Il envisage également de se convertir à la religion juive, en épousant la cause d'une de ses branches les plus pro-colonies. On ne se refait pas...

Parmi les nombreuses excentricités de Javier Milei mises en scène et très fortement médiatisées, son rapport assez curieux avec le judaïsme n'est pas la moindre. Ainsi, lors de son premier voyage officiel comme président début février 2024, il s'est rendu en Israël où, outre l'annonce du déplacement de l'ambassade d'Argentine à Jérusalem, il s'est longuement fait photographier et filmer, le visage inondé de larmes, devant le mur des Lamentations.

Le sionisme de Javier Milei et son alignement sans le moindre recul ni critique sur les positions de Benyamin Nétanyahou ne peut guère surprendre. Globalement, Milei est proche de toutes les extrêmes droites du monde occidental. Cette posture idéologique vaut tant pour sa politique intérieure qu'internationale. Elle participe d'une stratégie pour la droite globale qui a été élaborée par l'un des plus influents conseillers de Javier Milei, Agustín Laje. Celui-ci vise, malgré les nombreuses contradictions entre les extrêmes droites argentines (étatiques contre libertariennes, entre autres), à coordonner les forces de droite. Le jeune auteur à succès dans l'ensemble du monde hispanophone d'extrême droite est aussi un « anti-woke » fanatique. Il résume ainsi son propos :

Une Nouvelle Droite pourrait se former dans l'articulation de libertaires non progressistes, de conservateurs non immobilistes, de patriotes non étatistes et de traditionalistes non intégristes. Le résultat serait une force résolue dans l'incorrection politique qui pourrait se traduire dans une opposition radicale à la caste politique nationale et internationale1.

L'effet de manche du transfert de l'ambassade

Dès lors, rien de plus cohérent pour le très idéologique Milei que de chercher des alliances avec les dirigeants de toutes les formes d'extrême droite à travers le monde seulement « occidental ». Milei a par ailleurs un prisme anticommuniste directement hérité de la guerre froide et totalement étanche aux 35 années qui nous séparent de la chute du Mur de Berlin. Sa ferveur est telle que son administration a fragilisé les relations diplomatiques avec la Chine malgré des accords commerciaux essentiels pour l'Argentine avec la grande puissance asiatique. Ainsi, et quitte à froisser l'administration Biden, il a tenu à embrasser le candidat Donald Trump lors d'une assemblée du conservatisme nord-américain où il s'est rendu le 24 février 2024, dans l'État du Maryland2.

Dans ces conditions, rien de plus naturel pour Milei que de s'aligner sur Nétanyahou, voire sur les alliés les plus ultras de la coalition du premier ministre israélien. Notons au passage que l'annonce d'un transfert de l'ambassade argentine de Tel-Aviv à Jérusalem n'est qu'un effet de manche. La présidence argentine n'a pas le pouvoir d'organiser ce déplacement qui ne peut se faire que si les députés argentins y sont majoritairement favorables. Or, le parti de Milei est fortement minoritaire à l'Assemblée.

Le sionisme de Milei s'inscrit dans une idéologie d'extrême droite et il ne fait aucun doute qu'il est disposé à applaudir aux déclarations les plus extrêmes de dirigeants israéliens. Pour lui, même dans le contexte d'un massacre sans précédent à Gaza, la question palestinienne n'existe pas… puisqu'elle n'apparaît pas dans l'Ancien Testament.

Un juif en devenir

Venons-en à l'autre aspect — bien plus bizarre — du dirigeant argentin : la volonté de ce catholique de se convertir à la religion juive. Bien avant son élection, le candidat se revendiquait de courants jusqu'à récemment très marginaux en Argentine, comme l'ultralibéralisme, le libertarianisme ou l'« anarcho-capitalisme ». Néanmoins, ses alliances ne laissaient aucun doute sur son orientation très droitière. En particulier, il s'est rapidement lié à Victoria Villaruel (aujourd'hui sa vice-présidente), issue d'une famille militaire très ancrée dans l'extrême droite traditionnelle.

Or en Argentine, celle-ci se caractérise par un nationalisme identifiant l'identité nationale à un catholicisme traditionaliste, et donc excluant toutes les autres religions. En clair, il ne peut y avoir de vrais Argentins que catholiques pour ce nationalisme qui a toujours été fortement antisémite. D'ailleurs, au-delà de l'extrême droite, la nation argentine s'est longtemps définie par son catholicisme, si bien que jusqu'à la réforme constitutionnelle de 1994, son président devait être catholique.

Dans ces conditions, la volonté affichée de Milei de se convertir au judaïsme peut apparaître comme une manière de couper court à toute dénonciation d'antisémitisme. Plus encore, cette conversion permet de fusionner diverses tendances de l'extrême droite, comme le soulignent Martín Vicente et Matías Grinchpun dans une enquête croisée sur le syncrétisme religieux et politique de la Libertad Avanza, le parti présidentiel3. Ainsi, outre Victoria Villaruel, le nouveau gouvernement argentin compte au moins un ancien néonazi en la personne de Rodolfo Barra, procureur général, qui est l'équivalent du ministre de la justice en France.

En réalité, Milei semble davantage intéressé par différents mysticismes dans un mélange plutôt new age que spécifiquement juif. Il a ainsi notamment fait un appel à une médium capable de communiquer par télépathie avec des animaux, y compris morts, ce qui permettrait à l'actuel dirigeant argentin de poursuivre un dialogue avec son chien décédé en 20174. C'est d'ailleurs depuis cette même période mystique que l'homme s'est rapproché de la religion juive.

Un peu comme l'économiste Milei, le « juif en devenir » Milei affirme son identité à travers d'obscurs (du moins pour les profanes) auteurs et citations censés expliquer ses positions. Quand il est question d'économie, dans ses très nombreuses interviews, Milei cite presque immanquablement un livre ou un article inconnu du grand public afin de soutenir l'une de ses positions, souvent considérées comme dangereuses et problématiques par la plupart des économistes. De même, il déstabilise souvent le public peu averti par des citations du Livre des Macchabées, soit pour expliquer une mesure, soit pour affirmer une religiosité judaïque dont il serait un bon connaisseur. Malgré les évidences qui le désignent comme un cancre, Milei tient toujours à se présenter comme un bon élève qui aurait bien révisé ses classiques avant l'examen. En économie comme en religion.

Un hommage aux Loubavitch

Il a ainsi affiché sa proximité idéologique avec la plus virulente branche du hassidisme contemporain5 : la communauté fondée par la dynastie Habad-Loubavitch. Ainsi, en novembre 2023, récemment élu (et pas encore investi), Milei s'est rendu à New York où il est allé se recueillir sur la tombe du dernier de la lignée des Loubavitch, Menachem Mandel Schneerson.

La secte loubavitch est, parmi les orthodoxes, probablement la plus favorable au colonialisme israélien. Considérant la Torah comme un cadastre, il s'agit de trouver les frontières d'un royaume étendu dont les contours seraient définis par les livres sacrés qui feraient office d'actes de propriété. La boucle est bouclée pour Milei, à la fois sioniste forcené et futur converti à un judaïsme fanatique. Le colonialisme messianique de la secte ne peut guère rebuter le président ultralibéral argentin pour qui la propriété privée est le droit le plus sacré, mais qui n'a jamais considéré la spoliation des peuples originaires du continent américain comme un crime.


1Agustín Laje, La batalla cultural. Reflexiones críticas para una Nueva Derecha, HarperCollins México, 2022, p.484.

2Il s'agit de l'assemblée du Conservative Polical Action Conference (CPAC).

3« Milei, espiritualmente judeo », Anfibia, 16 février 2024.

4Juan Luis González, El loco. La vida desconocida de Javier Milei y su irrupción en la política argentina, Planeta, 2023.

5Le hassidisme désigne au sens large le mysticisme juif, pas forcément orthodoxe.

15.05.2024 à 06:00

Tunisie. Haro sur les migrants subsahariens et leurs soutiens

Lilia Blaise

Avalanche d'arrestations, à commencer par celle de Saadia Mosbah, figure emblématique de la lutte antiraciste, suivie entre autres de celle de l'avocate Sonia Dahmani en raison d'un commentaire sur un plateau de télévision. Le monde associatif et les intervenants médiatiques critiques du discours présidentiel sont dans le viseur des autorités. Le tout dans une atmosphère de retour à la chasse aux migrants. Dans une vidéo postée lundi 6 mai sur la page Facebook officielle de la présidence (…)

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Avalanche d'arrestations, à commencer par celle de Saadia Mosbah, figure emblématique de la lutte antiraciste, suivie entre autres de celle de l'avocate Sonia Dahmani en raison d'un commentaire sur un plateau de télévision. Le monde associatif et les intervenants médiatiques critiques du discours présidentiel sont dans le viseur des autorités. Le tout dans une atmosphère de retour à la chasse aux migrants.

Dans une vidéo postée lundi 6 mai sur la page Facebook officielle de la présidence de la République, le président Kaïs Saïed annonce lors d'une réunion du Conseil national de sécurité que les autorités tunisiennes ont repoussé vers « la frontière Est », c'est-à-dire du côté de la Libye, près de 400 migrants subsahariens qui avaient tenté d'entrer en Tunisie par le pays voisin. Ces chiffres lui font réitérer que la Tunisie ne sera pas une terre d'accueil ni de transit pour les migrants en « situation irrégulière ». Une annonce qui advient plus d'un an après un communiqué de la présidence dénonçant la « horde de migrants subsahariens » visant à « modifier la composition démographique et l'identité du pays » et qui avait ouvert les vannes d'une campagne de racisme sans précédent.

Ce discours est prononcé après plusieurs jours de campagnes sécuritaires pour contrôler et arrêter les migrants en situation irrégulière. En cause, de multiples facteurs. Il y a eu la visite le 17 avril de la présidente du conseil italien Giorgia Meloni, la quatrième en moins d'un an pour parler, entre autres, des arrivées de migrants irréguliers à Lampedusa, la Tunisie étant depuis 2018 l'une des principales zones de départs des bateaux.

Sur le plan local, le mécontentement de nombreux habitants s'est amplifié dans la région de Sfax, près des oliveraies après la dégradation de biens agricoles et certaines tensions avec les migrants qui vivent depuis des mois sur place, dans une situation sanitaire et sociale plus que précaire. Durant la campagne sécuritaire de 2023, les migrants subsahariens – parfois même des immigrés en situation régulière — ont été chassés de leurs logements et beaucoup, dont le travail informel a longtemps été toléré par l'État, ont perdu leur emploi, ce qui a rendu leur situation encore plus fragile. Chassés des grandes villes, ils se sont retrouvés dans les zones rurales, comme dans la région de Sfax, où ils ont utilisé des bâches et autres matériels agricoles pour camper et se protéger des intempéries, provoquant ainsi la colère des habitants des oliveraies sur place. La majorité de ces derniers soutiennent d'ailleurs les opérations de police, et une manifestation de plusieurs centaines de personnes a eu lieu à Sfax samedi 4 mai pour réclamer le « départ » des migrants.

Une aide criminalisée

Mais cette fois, un autre élément s'est introduit dans le débat autour de la gestion des arrivées dans le pays. Les associations venant en aide aux migrants sont désormais dans le viseur des autorités. La militante tunisienne noire Saadia Mosbah, critique vis-à-vis de la politique migratoire du gouvernement et présidente de l'association de lutte contre les discriminations raciales Mnemty, a été arrêtée le jour du discours présidentiel, ainsi qu'un autre membre de l'association, sur fond de suspicions de « blanchiment d'argent ». Cette figure importante de la lutte antiraciste en Tunisie a contribué à l'élaboration de la loi pénalisant le racisme dans le pays votée en 2018. Elle a également fait partie des mobilisations contre la politique répressive à l'égard des migrants après le communiqué polémique de la présidence en février 2023.

En juillet, lors d'une manifestation pour dénoncer les déportations de migrants subsahariens dans le désert libyen, elle déclare : « Si la leçon d'humanité est de mettre les migrants aux portes du désert avec plus de 50 degrés à l'ombre, on se demande où on va ». Elle critiquait alors les propos tenus par Kaïs Saïed le 10 juin lors d'une visite dans la ville de Sfax où se trouvaient des migrants à la rue, expulsés de leur logement. Il avait en effet déclaré : « Nous sommes capables de donner des leçons d'humanité à ceux qui n'en ont pas », soulignant que la solution à la migration devait être « humaine et collective » et respecter la souveraineté de l'État. Durant l'été 2023, plusieurs milliers de migrants se sont retrouvés déplacés dans le désert libyen et à la frontière algérienne, laissés à l'abandon pendant plusieurs jours, souvent sans eau ni nourriture. Plusieurs dizaines sont morts selon les chiffres des ONG1. La photo d'une mère et de sa fille, Fati Dasso et Marie mortes de déshydratation dans le désert, avait particulièrement choqué. Des expulsions que l'État tunisien n'a jamais officiellement reconnus, remettant même en question la véracité de certains clichés.

Moins d'un an plus tard, en plus de la reprise des évacuations forcées de migrants subsahariens, les membres des associations qui leur viennent en aide sont considérés comme des « traîtres » et des « mercenaires » selon les mots du président, qui a accusé dans son discours — sans les nommer – les organisations qui reçoivent d'importants financements étrangers et « ne devraient pas se substituer à l'État tunisien ». Avant son arrestation, Saadia Mosbah a été la cible de campagnes de haine sur les réseaux sociaux. Elle et son collègue ont été questionnés sur la base de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et au blanchiment d'argent. La garde à vue de Saadia Mosbah a été prolongée de cinq jours le samedi 11 mai. Son collègue a quant à lui été libéré.

Des hommes cagoulés pour une arrestation musclée

Le président du Conseil tunisien pour les réfugiés et son vice-président sont également arrêtés le 3 mai après la publication d'un appel d'offres destiné à des hôtels pouvant héberger des personnes en situation irrégulière. Ils ont été placés sous mandat de dépôt et accusés d'associations de malfaiteurs dans le but d'aider des personnes à accéder au territoire tunisien.

L'ex-directrice de la branche tunisienne de l'ONG française Terre d'asile, Cherifa Riahi est également placée en garde à vue, bien qu'elle ait quitté ses fonctions depuis 2022. D'autres associations venant en aide aux migrants ou travaillant sur la question migratoire ont reçu des visites des autorités et ont été questionnées. Depuis plusieurs mois, une grande majorité travaille d'ailleurs sans exposition médiatique afin d'éviter les campagnes de diffamation sur les réseaux sociaux, mais aussi parce que l'aide aux migrants est désormais criminalisée.

Un homme a été arrêté le 7 mai à Thala, au centre-ouest du pays, pour avoir hébergé des migrants en échange d'une compensation financière. Idem à Monastir où la garde nationale a arrêté deux Tunisiens pour les mêmes raisons. Les campagnes sécuritaires se poursuivent, 24 migrants en situation irrégulière ont été arrêtés à Monastir, et 60 à Sousse. Ils font l'objet d'un mandat de dépôt pour « entrée illégale » sur le territoire tunisien et « avoir fait partie d'un rassemblement de nature à troubler l'ordre public ».

Dans ce contexte déjà tendu, durant le week-end du 10 au 12 mai, la répression est montée d'un cran sur le plan politique. L'avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani, sous le coup d'un mandat d'amener pour des propos sarcastiques tenus sur la situation en Tunisie, s'est réfugiée à la Maison de l'avocat à Tunis vendredi soir. Le lendemain, elle y a fait l'objet d'une arrestation musclée par des hommes cagoulés. L'opération a été filmée en direct sur la chaîne France 24, dont le journaliste a ensuite été pris à partie par la police, toujours en direct, et sa caméra cassée. Quelques heures après cette intervention, les journalistes de la radio IFM, Borhen Bsaiess et Mourad Zeghidi ont été également arrêtés et sont actuellement toujours en garde à vue. Ils ont été questionnés sur le contenu de leurs analyses politiques effectuées sur les plateaux de la radio.

Alors que les avocats sont montés au créneau lundi pour dénoncer l'arrestation de leur collègue, appelant à une grève générale de leur secteur, l'étau se resserre sur la profession qui avait déjà protesté et décrété une journée de grève le 2 mai pour dénoncer les pressions grandissantes sur leur profession et le sort de certains de leurs confrères qui se trouvent en prison. Dans la nuit du lundi au mardi, une nouvelle descente a été effectuée à la Maison de l'avocat par les forces de l'ordre qui y ont arrêté maître Mehdi Zagrouba pour le motif d'« outrage à un fonctionnaire ».

Interrogations au parlement

Ces coups de filets à l'encontre de la société civile qui aide les migrants, mais aussi contre les robes noires et les journalistes témoignent de la volonté des autorités de contenir un débat de plus en plus sensible, celui de la gestion de la migration, facteur de tensions au sein d'une population en grande majorité encore acquise à Kaïs Saïed.

Au parlement – élu avec 11 % des suffrages et dénoncé comme illégitime par l'opposition -, pendant une séance plénière le mardi 7 mai, certains députés ont par exemple questionné l'efficacité de la gestion sécuritaire de la migration, même si beaucoup soutiennent le président et optent pour la même rhétorique sur la migration irrégulière. « Nous avons vu des files d'attentes devant les guichets de Western Union où les migrants reçoivent des fonds de l'étranger, a déclaré la députée Besma Hammami, nous voyons bien qu'ils sont financés et diligentés par l'extérieur (…). Il y a un plan pour qu'ils s'installent en Tunisie durablement ». Un autre député, Fadhel Ben Torkia, réclame plus de transparence de la part des autorités sur le nombre de migrants en Tunisie :

Pourquoi le gouvernement ne nous répond pas ou ne nous rencontre pas pour parler de ce problème ? (…) on entend parler de 20 000 migrants, voire 60 000, sans jamais avoir de chiffres exacts.

Certains députés ont aussi demandé la publication du contenu de l'accord bilatéral signé en avril, à l'occasion de la visite de Giorgia Meloni2, entre la Tunisie et l'Italie pour lutter contre la migration, de même que la publication des résultats du sommet tripartite entre la Tunisie, la Libye et l'Algérie tenu le 25 avril à Tunis, pendant lequel les chefs d'État ont assuré vouloir coordonner leurs efforts en vue de lutter contre la migration irrégulière.

Ce questionnement sur le déni de communication des autorités par un Parlement dont les pouvoirs demeurent très restreints selon la Constitution montre que la question migratoire suscite également des critiques au sein d'une classe politique habituellement alignée sur la ligne de Kaïs Saïed. L'ancienne députée Leila Hadded, membre du parti nationaliste arabe et du mouvement Echâab, a déclaré à la radio privée IFM le 9 mai3 qu'il fallait s'interroger sur un possible « échec sécuritaire » à contrôler la vague migratoire en Tunisie. « Où sont nos forces de sécurité, notre armée ? Il n'y a aucune réponse qui éclaire les Tunisiens (…). Il faut expliquer pourquoi nous en sommes arrivés là », interpelle-t-elle.

Importation de la théorie du Grand remplacement

Pour l'historien spécialisé dans la migration et maître de conférences à l'université de Tunis Riadh Ben Khalifa, ces débats montrent bien les problèmes de perception et de représentation de la question migratoire en Tunisie.

Étant donné qu'il n'y a pas de politique migratoire en Tunisie mais plutôt une gestion sécuritaire qui fonctionne au coup par coup, les représentations sont faussées. Par exemple, la question de « l'invasion » des migrants qui est souvent agitée et les différents chiffres sur le nombre de migrants subsahariens faussent la perception. On voit beaucoup de migrants concentrés dans un lieu et notamment dans les zones urbaines, d'où le sentiment d'un très grand nombre.

Sans compter les débats sur les réseaux sociaux qui ne cessent de véhiculer les théories complotistes autour de la migration, des « théories elles-mêmes importées d'Europe, proches de celles du Grand remplacement », précise Riadh Ben Khalifa4.

Alors que les campagnes sécuritaires actuelles donnent cours à l'incurie raciste, les vraies questions peinent à être posées selon Riadh Ben Khalifa, notamment sur le rôle des associations dans la gestion migratoire et les amalgames : « Il faut faire la différence entre celles qui travaillent et qui sont reconnues et celles qui font le jeu des autorités européennes en poussant la Tunisie à devenir une sorte de hotspot pour la migration ». L'enseignant-chercheur ajoute que la Tunisie n'ayant pas de loi relative à la demande d'asile et au statut de réfugié, le gouvernement a confié à des représentations onusiennes le rôle de se charger de cette question. Or, « certaines de ces organisations ont vu leur budget se réduire avec la guerre en Ukraine et assurent de moins en moins leur rôle ».

« Ici c'est l'Algérie, va-t'en »

Alors que vendredi 3 mai au soir, les camps de fortune de migrants installés devant le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) étaient démantelés par les autorités, « le silence de ces organismes était assez assourdissant », se désole Romdhane Ben Amor du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). Notamment sur le sort des réfugiés soudanais présents parmi les migrants, et éligibles à une demande d'asile. Selon les chiffres du HCR, ils sont de plus en plus nombreux depuis 2023 à arriver en Tunisie en raison de la guerre civile au Soudan. « Aucune solution durable n'a été trouvée pour les Soudanais, et pour nous, il y a une responsabilité partagée entre l'État mais aussi les représentations onusiennes qui ne réagissent pas », constate Romdhane Ben Amor.

L'OIM a communiqué le 9 mai sur les retours volontaires de migrants en situation irrégulière qu'elle facilite avec les autorités tunisiennes, notamment celui de 161 Gambiens ayant accepté une prise en charge d'aide au retour volontaire. La communication était identique l'année passée après les expulsions de leur logement de migrants subsahariens. En 2023, l'OIM a aidé 2 557 migrants à rentrer volontairement depuis la Tunisie vers leur pays d'origine, une augmentation de 45 % par rapport à 2022.

Devant le siège de l'organisme ce 9 mai, alors que des maçons sont en train de repeindre la façade d'une maison en face de l'OIM, dont le mur tagué a servi pendant des mois de support pour les tentes des migrants, plusieurs Subsahariens attendent un rendez-vous. Rachid, la vingtaine, est originaire de Centrafrique. Il dit avoir été arrêté par les autorités après le démantèlement du campement dans la nuit du 3 au 4 mai : « On nous a mis dans des bus et on nous a jetés 3 heures plus tard sur un terrain. On nous a dit "voilà, ici c'est l'Algérie, va-t'en" ».

Certains ont franchi la frontière tandis que lui et un petit groupe se sont cachés le temps que les autorités partent. Ils ont ensuite repris à pied le chemin de Tunis en suivant les lumières des villages et les rails de train, tout cela « pendant la nuit, car en journée, on essaye de dormir et d'éviter de se faire repérer », raconte-t-il. Son cheminement de trois jours vers la capitale explique en partie les vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux, des images de migrants éparpillés dans le nord-ouest du pays et passant à travers champs. Un périple que Rachid ne veut pas réitérer. Après un parcours migratoire très difficile, les derniers évènements l'ont convaincu de quitter le pays définitivement :

Moi je suis revenu à Tunis parce que je veux faire un retour volontaire et d'ailleurs, cela fait plusieurs mois que je l'ai demandé. Mais en attendant, je n'ai nulle part où dormir ni aller, et cela fait des mois que ça dure. Je n'ai pas eu de soucis avec la population tunisienne, toutefois j'ai compris que ça ne sert à rien de rester ici. Je n'arrive pas à me stabiliser dans un travail malgré tous les petits boulots que j'ai faits. J'ai même passé un mois en prison. C'est devenu trop difficile.


1« Au moins 25 corps découverts : le sort terrible des migrants abandonnés dans le désert tunisien », France Inter, 8 août 2023.

2NDLR. Les autorités tunisiennes n'ont publié aucun communiqué officiel à la suite de cette visite.

3« Leila Hadded sur la migration : jusqu'à quand va durer cette hémorragie ! », Business News, Tunis, 9 mai 2024.

4NDLR. En février 2023, Éric Zemmour n'a pas manqué de saluer sur Twitter le communiqué de la présidence sur les migrants subsahariens.

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