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02.10.2025 à 17:41

Extrême Tech

L'Observatoire des multinationales lance « Extrême Tech », une série d'enquêtes sur l'influence des droites dures dans le secteur français de la tech.

- Extrême Tech
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L'Observatoire des multinationales lance « Extrême Tech », une nouvelle série d'enquêtes sur l'influence des droites dures (libertariennes, intégristes, suprémacistes, technofascistes) dans le secteur français de la tech.

L'extrême droite fait plus que jamais les yeux doux au monde de la French Tech, où les poncifs anti-impôts et anti-régulation sont largement repris... On l'a vu encore récemment à propos de la taxe Zucman.

D'autres tendances de fond poussent la French Tech vers la droite : l'influence des États-Unis, où les dirigeants de la Silicon Valley ont fait alliance avec Trump et la droite réactionnaire, mais aussi les origines sociales très favorisées de beaucoup des « startuppers » et investisseurs du secteur.

Dans le premier volet, nous nous intéressons au petit monde des startuppers et des capital-risqueurs, à commencer par l'un des plus visibles d'entre eux : Pierre-Édouard Stérin. Au contraire de ce que l'on observe dans d'autres domaines, où toute forme d'association avec le milliardaire d'extrême droite commence à devenir toxique, le milieu de la « French Tech » continue sa politique de l'autruche.

Bien évidemment, cela ne peut pas dire que tout le secteur de la tech est converti à la droite extrême. Loin de là. Mais il n'est plus possible de laisser le sujet sous le tapis.

C'est pourquoi nous lançons dans le même temps un appel à témoignages : si vous travaillez dans le secteur de la tech et avez des histoires à raconter ou des informations à partager sur l'influence de l'extrême droite dans le milieu, contactez-nous !

Deuxième volet à paraître : les cryptomonnaies.

02.10.2025 à 11:51

Quand les anciens d'Otium affichent leurs affinités libertariennes

Clément Le Foll

Les affinités de Pierre-Édouard Stérin avec la droite extrême ne sont pas une exception dans le milieu de la tech et du capital-risque français. Exemple avec Pierre Entremont, du fonds Frst.
Au-delà de la réussite financière de son propre fonds, Pierre-Édouard Stérin a également développé Otium grâce à des personnes aujourd'hui devenues elles aussi des entrepreneurs à succès. C'est le cas de Philippe de Chanville et Christian Raisson, qui ont depuis leur départ du navire Stérin co-fondés (…)

- Extrême Tech / , ,
Texte intégral (619 mots)

Les affinités de Pierre-Édouard Stérin avec la droite extrême ne sont pas une exception dans le milieu de la tech et du capital-risque français. Exemple avec Pierre Entremont, du fonds Frst.

Au-delà de la réussite financière de son propre fonds, Pierre-Édouard Stérin a également développé Otium grâce à des personnes aujourd'hui devenues elles aussi des entrepreneurs à succès. C'est le cas de Philippe de Chanville et Christian Raisson, qui ont depuis leur départ du navire Stérin co-fondés la plateforme de vente en ligne de produits de bricolage ManoMano. Ou encore de Stanislas Niox-Chateau, le cofondateur de Doctolib. Si la majorité d'entre eux restent discrets sur leurs opinions politiques, certains ne cachent pas leurs proximités avec les idées réactionnaires.

À la tête du véhicule d'investissement de Stérin Otium Ventures jusqu'en 2019, Pierre Entremont l'a quitté pour monter Frst, un fonds d'investissement à la stratégie plus agressive, présent lui aussi au capital de Payfit et Owkin, mais également d'autres licornes comme Pigment et Poolside. Sur le réseau Linkedin, Pierre Entremont affiche publiquement sa fascination pour les « tech bros » américains, republiant notamment le discours masculiniste de Marc Zuckerberg tenu au micro du podcast de Joe Rogan. Il estime également que le parti d'extrême-droite allemand l'AFD n'est pas raciste, affiche son admiration pour le président argentin Javier Milei ou pour Donald Trump, et voue surtout une fascination au patron de Tesla Elon Musk, critiquant les réglementations européennes comme le RGPD et l'IA Act.

Une vision qu'il partage avec son mentor Pierre-Édouard Stérin, fervent admirateur de l'investisseur libertarien Peter Thiel, fondateur de Paypal. Pierre Entremont rêve comme aux États-Unis d'un État repris en main par des entrepreneurs. En janvier, Frst a publié en partenariat avec Harris Interactive un « Elonscore », baromètre de l'image qu'ont les citoyens européens d'Elon Musk.

Quelques semaines plus tard, il publiait - toujours en partenariat avec Harris Interactive - un nouveau sondage sur la volonté des Français d'avoir un entrepreneur comme Président de la République. Parmi les noms proposés : Xavier Niel, Bernard Arnault, François-Henri Pinault, Vincent Bolloré et Stanislas Niox-Chateau, fondateur de Doctolib et ancien collègue de chez Otium.

Un post commenté ainsi par Pierre-Édouard Stérin : « Génial cette initiative ! Et surtout les chiffres sont bluffants. Il n'y a plus qu'à décider un de ces entrepreneurs de sauter le pas et d'y aller ! »

02.10.2025 à 11:51

Face à Pierre-Édouard Stérin, le grand silence de la « French Tech »

Clément Le Foll

Investisseur historique et respecté de la French Tech, Pierre-Édouard Stérin s'affiche aussi en financer de la guerre culturelle et de l'extrême droite. Dans le milieu start-up, le sujet semble tabou.

- Extrême Tech / , , ,
Texte intégral (4691 mots)

Investisseur historique et respecté de la French Tech, Pierre-Édouard Stérin finance via le Fonds du bien commun des associations traditionalistes et réactionnaires et vise désormais, avec le projet Périclès, la victoire électorale de l'extrême droite. Dans le milieu start-up, le sujet reste tabou. De Xavier Niel à Bpifrance, tout le monde continue à faire affaire avec le sulfureux milliardaire comme si de rien n'était. Enquête.

« Une année record pour Otium. » Début 2025, le family office de Pierre-Édouard Stérin ne manque pas de superlatifs lors de la publication de ses résultats annuels : 5000 collaborateurs, 1,6 milliard d'actifs, 800 millions d'euros de chiffres d'affaires consolidés et 255 millions d'euros d'investis dans des sociétés aussi diverses que la chaîne de restauration La Pataterie, l'installateur de panneaux solaire Ensol ou les centres de jeux pour enfants Hapik.

Une fierté pour le milliardaire ultraconservateur, exilé fiscal qui contrôle son empire économique depuis la Belgique. Si ce fervent catholique a fait fortune en créant la société de coffrets cadeau Smartbox, c'est dans la tech qu'il s'est forgé une solide réputation, en investissant dans des start-ups comme Payfit ou Owkin, aujourd'hui valorisées à plus d'un milliard d'euros. Ces engagements valent à Pierre-Édouard Stérin d'être régulièrement sur le podium des classements des « business angels » français. Fin mars, le magazine Challenges le classe en tête devant Xavier Niel et le cofondateur de Veepee Michael Benabou, avec 348 millions d'euros d'investissements.

En 2024, "L'Humanité" révélait l'existence du projet Périclès, document rédigé à la manière d'un « business plan » de start-up pour financer la victoire électorale de la droite extrême.

Sauf que Pierre-Édouard Stérin n'a rien d'un homme d'affaires comme les autres. En 2024, L'Humanité révélait l'existence du projet Périclès, document rédigé à la manière d'un « business plan » de start-up, où le milliardaire explique vouloir financer à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros des médias, associations ou think tanks pour préparer la victoire électorale de la droite extrême. Depuis, les projecteurs médiatiques sont braqués sur le milliardaire et sur les financements qu'il distribue depuis des années via le Fonds du bien commun, une entité étroitement imbriquée dans le labyrinthe de sociétés qu'il contrôle (lire notre article). Celui-ci a par exemple soutenu l'association Réseau de parents, qui diffuse des idées transphobes et sexistes, l'application Chants de France, cofondée par un ancien membre du groupuscule violent Groupe union défense (GUD) ou promu lors d'une soirée l'association la Maison de Marthe et Marie, réputée proche des milieux anti-avortement.

La proximité d'Otium avec l'extrême droite ne concerne pas seulement Pierre-Édouard Stérin, puisque son bras droit François Durvye, directeur opérationnel du fonds à Paris, s'affiche désormais publiquement comme le conseiller de Marine Le Pen sur les questions économiques. Selon plusieurs médias, il s'apprêterait à quitter Otium pour se présenter aux prochaines élections législatives sous la bannière du Rassemblement national.

Un silence qui en dit long

La révélation du projet Périclès et du soutien actif de Stérin et Durvye à l'extrême droite n'a engendré à l'époque que peu de réactions dans le monde de la tech. Alexandre Boucherot, le patron d'Ulule, a été l'une des rares exceptions : « Otium est en effet "bien plus qu'une simple holding d'investissement". C'est un projet funeste et réactionnaire, d'un cynisme extraordinaire, qui pousse un agenda en réalité aux antipodes des aspirations de l'immense majorité des citoyens », a-t-il déclaré sur le réseau social LinkedIn alors que se profilaient les élections législatives de l'été 2024.

C'est peu dire que l'évocation de Pierre-Édouard Stérin crispe dans le secteur français de la tech.

Durant l'été 2025, la mise en lumière par L'Humanité des liens entre le milliardaire catholique et le label des « Plus belles fêtes de France » a suscité une vague d'indignations. Des dizaines de collectivités se sont immédiatement retirées de l'initiative. Le média Le Crayon, dans lequel Stérin avait investi, a récemment annoncé l'avoir fait sortir de son capital.

Rien de tel dans l'industrie du numérique. Pour cette enquête, nous avons contacté des dizaines de personnalités du secteur français de la tech. C'est peu dire que l'évocation de Pierre-Édouard Stérin crispe. La majorité des personnes interrogées au cours de cette enquête ont refusé de s'exprimer ou ont requis l'anonymat. Un silence qui, en lui-même, en dit long.

Même chez ceux qui lui sont opposés par les idées, comme Hervé [1], responsable des affaires publiques d'une licorne française, le discours se veut rassurant. « Contrairement aux associations dont l'objet peut être dévoyé au profit de certaines idées, c'est plus compliqué de détourner une start-up à des fins politiques », explique-t-il.

Dans le monde de la tech, la majorité préfère ainsi séparer le Stérin politique, financeur de l'extrême droite, du Stérin investisseur, dont les opinions s'effaceraient au profit de l'intérêt financier d'Otium. Ce second Stérin est dépeint en « entrepreneur de génie » par l'un de ses anciens collaborateurs, ou encore en « personnage multifacettes » par l'un des principaux investisseurs français, qui le côtoie depuis une dizaine d'années. « C'est quelqu'un d'hyper intelligent, avec une capacité d'analyse hors normes. J'ai toujours pensé qu'il était d'une droite catholique traditionnelle. La révélation de Périclès montre qu'il a pris une forme de tournant. »

Le site d'Otium Capital, qui sert de guichet unique à l'empire Stérin

« Venture capitalist » à la française

C'est en 2009 que Pierre-Édouard Stérin a lancé Otium (une appellation commerciale qui recule en réalité une myriade de sociétés différentes, comme nous l'avons montré), pour valoriser les profits et la trésorerie très substantiels générés par la Smartbox. Au fil des ans, il est devenu un acteur respecté du capital-risque français. À la manière des « venture capitalists » américains, financiers de la Silicon Valley qui se sont massivement ralliés à Trump lors des dernières élections (lire nos enquêtes), mais à bien plus petite échelle, il soutient les premières années de start-ups qu'il estime prometteuses, en participant à leurs levées de fonds. L'objectif est pécuniaire : que ces start-ups décollent et que Otium puisse revendre ces participations en empochant une juteuse plus-value. En 2016 et en 2019, Otium investit par exemple 4,5 millions d'euros pour acquérir 19 puis 22 % du capital de la plateforme juridique Doctrine, qui vient alors de se lancer. Des participations revendues pour 20,7 millions d'euros en 2023 selon le média L'Informé.

Les parts de Stérin dans Payfit et Owkin, les deux « licornes » de son portefeuille, pourraient représenter à elles seules la bagatelle de 300 millions d'euros.

En quinze ans, Otium a accompagné plus de 110 entreprises dans l'industrie, le loisir, la santé, l'hôtellerie ou l'immobilier. Les sommes investies varient de quelques dizaines de milliers d'euros à plusieurs dizaines de millions d'euros. « Pierre-Édouard Stérin adore qu'on dise qu'il est milliardaire, alors que sa fortune n'est qu'une valorisation de ses investissements », souligne un fin connaisseur du milieu. On ne connaît pas toujours le montant précis des participations de Stérin dans la tech, via Resonance ou d'autres sociétés de son groupe, ces informations étant souvent tenues secrètes. Mais les parts qu'il détient dans Payfit et Owkin, les deux « licornes » de son portefeuille (valorisées à plus d'un milliard de dollars) pourraient représenter à elles seules la bagatelle de 300 millions d'euros.

Depuis 2022, les investissements liés à la tech se font via un fonds baptisé Resonance. Pierre-Édouard Stérin a placé à sa tête une équipe de trentenaires issus de Centrale Supélec ou HEC. Dès les premiers pas, les ambitions sont là : « Faire de Resonance l'un des fonds leaders de la tech en Europe », annonce Maxime Le Dantec, qui pilote le fonds, dans une vidéo de présentation. Doté de 150 millions d'euros, Resonance a depuis investi en moyenne 2,8 millions d'euros dans 14 start-ups, avec un intérêt particulier pour l'intelligence artificielle.

Parmi ses premiers investissements, Tomorro, start-up française qui a créé grâce à l'IA un outil de gestion de contrats, ou Zeliq, un outil d'intelligence artificielle dédié aux commerciaux. De quoi positionner Resonance au cœur de ce milieu en pleine effervescence. Cet été, le fonds a organisé un dîner où étaient conviés certains des visages les plus influents de l'IA française : Romain Huet, directeur de l'expérience développeur chez le géant américain OpenAI, ou encore Charles Gorintin, cofondateur de l'entreprise française d'IA générative Mistral.

« Je n'ai pas la sensation de financer l'extrême droite en ayant Resonance à mon capital. »

Le poids financier d'Otium dans l'écosystème de la tech explique peut-être la réticence des startuppers à évoquer les engagements politiques du milliardaire, d'autant plus que les levées de fonds tendent à se faire plus difficiles ces dernières années. Évoquer ou critiquer publiquement Pierre-Édouard Stérin, c'est prendre le risque de se mettre à dos l'un des principaux business angels français.

Très rares sont donc les entreprises soutenues par Stérin à avoir pris leur distance avec le milliardaire anti-IVG.

Très rares sont donc les entreprises soutenues par Otium à avoir pris leur distance avec le milliardaire anti-IVG. L'une des seules est Rgoods, start-up spécialisée dans le e-commerce responsable pour les associations et les ONG, qui craignait de voir certains de ses clients la déserter. Interrogés par L'Informé en juillet 2024, les dirigeants d'Otium ont répliqué en assurant qu'ils envisageaient depuis des mois de sortir de Rgoods, pas assez profitable à leurs yeux. Où en est-on aujourd'hui ? Contacté par l'Observatoire des multinationales, le fondateur de RGoods n'a pas répondu à notre demande.

Une seule start-up dans laquelle Resonance a investi a accepté d'évoquer la question du projet politique de Pierre-Édouard Stérin, sous couvert d'anonymat. « À l'époque, je savais que Otium était un fonds respecté dans le milieu, nous a expliqué son fondateur. Depuis, ils ont un petit ticket chez nous, mais n'influent pas sur notre boîte : il est indirectement investisseur, n'a aucun droit de vote spécifique… Je n'ai pas la sensation de financer l'extrême droite en ayant Resonance à mon capital. »

« Un fonds respecté dans le milieu »

« Pierre-Édouard Stérin est un investisseur influent, analyse un créateur de start-up français. Dans la tech, il est loin d'avoir une position monopolistique, mais il a co-investi dans beaucoup d'autres fonds. » La « French Tech » est un petit monde, qui fonctionne sur la base de réseaux interpersonnels, et où les levées de fonds associent en général plusieurs capital-risqueurs. De sorte que Otium est en affaire, directement ou indirectement, avec tous les acteurs du milieu, y compris les plus éminents.

La « French Tech » est un petit monde.

Depuis 2020, le fonds de Stérin a par exemple pris une participation minoritaire dans ISAI, l'un des fonds d'investissement les plus connus et influents de la French Tech. Il a été fondé en 2009 par des figures françaises du web, comme le co-créateur de la plateforme Priceminister - aujourd'hui Rakuten - Pierre Kosciusko-Morizet, l'ancien président de Sarenza Stéphane Treppoz ou l'ancien président du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux. Il est aujourd'hui dirigé par Jean-David Chamboredon, ex de Capgemini, ancien co-président du lobby du secteur de la tech, France Digitale. Celui-ci avait été en 2012 un leader du mouvement des « Pigeons » contre la politique fiscale de François Hollande, l'un des premiers moments où le secteur de la tech a commencé à flirter avec certaines thématiques de l'extrême droite.

Sur son site internet, Otium mentionne également également être depuis 2021 au capital de Raise Seed for Good, qui se donne pour objectif de faire émerger des leaders européens de la tech responsable. Ce véhicule d'investissement appartient à Raise, un fonds qui s'affiche comme « éthique », et qui mobilise la crème des élites politico-économiques parisiennes. Il a été fondé en 2018 par Clara Gaymard, ex patronne de General Electric France et femme de l'ancien homme politique français Hervé Gaymard, et Gonzague de Blignières, ancien patron de Barclays Private Equity. Il y a trois ans, Raise a même recruté l'ancien ministre de l'Agriculture Julien Denormandie comme « senior advisor ».

Quels liens entretient le groupe Raise avec Otium et Pierre-Édouard Stérin ? Contactés, ni Gonzague de Blignières ni Clara Gaymard n'ont retourné nos appels. Le service communication de Raise explique que « Otium est un investisseur très minoritaire dans l'un de nos fonds, aux côtés de nombreux autres souscripteurs institutionnels et privés ». Sans donner de chiffres, au nom de la « confidentialité à l'égard de ses investisseurs ».

« Pierre-Édouard a fait beaucoup de bien à la tech »

Le fondateur de Raise Gonzague de Blignières a été avec d'autres entrepreneurs de la tech comme Charles Beigbeder ou Stanislas de Bentzmann l'un des financeurs de la première « Nuit du bien commun ».

Le fondateur du groupe Raise Gonzague de Blignières côtoie pourtant Stérin depuis des années. En 2017, il est, avec d'autres entrepreneurs - comme le partisan de l'union des droites Charles Beigbeder ou Stanislas de Bentzmann, un autre ancien patron du lobby des start-ups CroissancePlus - l'un des financeurs de la première « Nuit du bien commun », l'événement caritatif imaginé par Stérin qui aide depuis plusieurs années des associations proches des réseaux catholiques réactionnaires et des mouvements anti-IVG. Un mécénat que Raise a poursuivi pendant plusieurs années.

Du côté d'ISAI, la participation d'Otium s'est faite par l'entremise de Thierry Vandewalle, alors membre de l'équipe d'investissement d'ISAI. Une personnalité identifiée de la French Tech, régulièrement classée dans le top 30 des business angels français, membre du board de la French Tech Grand Paris et aujourd'hui à la tête du fonds Wind. « Pierre-Édouard a fait beaucoup de bien à la tech. Il a mis pas mal d'argent dans des boîtes quand les gens n'y croyaient pas. Il a pris des risques, estime Thierry Vandewalle, qui explique ne plus avoir de relations avec Stérin depuis plusieurs années. Je connaissais ses opinions politiques, mais dans la tech, j'ai toujours tendance à dire que politique et business ne font pas bon ménage. »

Certains des acteurs que nous avons interrogés pour cette enquête veulent croire que Pierre-Édouard Stérin a pris du recul depuis quelques mois et est moins investi dans le milieu de la tech. Mais les affaires se poursuivent pour Otium. Le family office a participé en novembre dernier à une levée de fonds dans Just, start-up dédiée au e-commerce, à laquelle a également pris part Kima Ventures, le fonds d'investissement du fondateur de Free Xavier Niel. Ce n'est pas le seul co-investissement de ce dernier avec Pierre-Édouard Stérin, puisque les deux milliardaires sont tous deux au capital d'au moins Wejust et Flagcat. Contacté à plusieurs reprises pour cette enquête, Xavier Niel n'a jamais répondu à nos sollicitations.

La banque publique Bpifrance a elle aussi participé à des levées de fonds dans just aux côtés d'Otium.

La banque publique Bpifrance, soutien clé de la French Tech, a elle aussi participé à des levées de fonds dans Just aux côtés d'Otium. « Bpifrance opère, depuis l'origine, dans le cadre de la doctrine d'intervention présentée au Parlement et adoptée par son Conseil d'administration. C'est dans ce cadre que Bpifrance a investi aux côtés d'Otium Capital au capital de quelques start-ups françaises », nous a répondu de son côté la banque publique par courriel.

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« Faire de la politique comme on fait du business »

À première vue, les investissements de Pierre-Édouard Stérin semblent difficile à lier à son projet politique. Otium investit dans des dizaines de projets : immobilier, marques de lingerie, marketplace, alimentation pour chat. Même en ce qui concerne la tech, les solutions et les plateformes développées par les start-ups dans lesquelles investit le fonds Resonance sont surtout destinées aux entreprises et aux DRH, pas aux candidats politiques ou aux croisés de la guerre culturelle.

Il n'y a pas de vraie séparation entre le versant économique et le versant politique des activités de Stérin.

De quoi donner du crédit à l'argument selon lequel il faudrait distinguer Stérin le politique et Stérin l'investisseur ? Pas si évident. Il n'y a pas de vraie séparation fonctionnelle ou financière entre le versant économique et le versant politique de ses activités. Si le projet Périclès a été soigneusement séparé du reste de l'empire de Pierre-Édouard Stérin, ce n'est pas le cas du Fonds pour le bien commun. En juillet 2024, Otium affirmait ainsi dans un communiqué lui avoir redistribué directement (en réalité sous forme de prêts, comme nous l'avons révélé) 30 millions d'euros, établissant un lien direct entre la investissements économiques du milliardaire et sa croisade sociétale.

On ne peut qu'être frappé par la similarité entre le fonctionnement du fonds Resonance et celui du projet Périclès et du Fonds du bien commun. Dans chaque cas, il s'agit de soutenir une multitude d'entreprises ou d'autres entités émergentes en espérant que certaines d'entre eux, au moins, rencontre le succès. Pierre-Édouard Stérin revendique lui-même d'ailleurs sa volonté de « faire de la politique comme on fait du business ».

Un mélange de genres que l'on retrouve dans également aux États-Unis et ailleurs, rappelle le sociologue Théo Bourgeron, avec le phénomène du « philanthro-capitalisme ». « Les fondations comme celle de Bill Gates ou d'autres font peu de dons. Elles passent beaucoup par des investissements, des partenariats, des prêts. Quant à l'usage de la langue des KPI et du « venture capital » pour décrire une entreprise de changement de régime, il est en effet frappant. On le retrouvait déjà dans certains discours d'Elon Musk lors de la campagne électorale américaine. »

Le site du Fonds du bien commun

« Le problème, c'est qu'il est le seul à investir dans le secteur »

Fin 2022, le Fonds du bien commun s'est d'ailleurs doté de son propre « start-up studio », qui a soutenu des projets comme le pensionnat catholique de l'Académie de Saint-Louis ou encore Cités immersives, destiné à faire découvrir des lieux de l'histoire de France et de son patrimoine.

Depuis quelques mois, Otium multiplie ainsi les investissements dans les expériences « immersives » la réalité virtuelle.

Depuis quelques mois, Otium multiplie les investissements dans ce dernier secteur. En 2023, Frederic Lecompte, fondateur de French Immersive Studios déclare avoir été approché par le Fonds du bien commun pour développer une expérience immersive autour de Napoléon. Un projet qu'il a refusé. Aujourd'hui, il s'inquiète des visées de Stérin dans la réalité virtuelle. « Beaucoup de gens disent qu'il faut séparer les idées politiques de Stérin de son business, ce n'est pas mon cas. La réalité virtuelle est un médium très engageant pour le public, qui peut faire passer un message politique, comme par exemple montrer une vision de la France des châteaux et des cathédrales, chère à Stérin. Le problème, c'est qu'il est le seul à investir dans le secteur, il n'y a aucun autre investisseur, qui comprend l'intérêt d'investir dans la culture. »

« Stérin est le plus visible, mais il y en a d'autres »

Est-ce le seul secteur où les convictions politiques et religieuses de Pierre-Édouard Stérin pourraient se mélanger à ses intérêts économiques ? Le milliardaire jure n'agir que par désintéressement et promet depuis des années déjà de léguer l'ensemble de sa fortune. Selon Théo Bourgeron interrogé par L'Humanité, cependant, les choses ne sont pas si simples : « Quand le Rassemblement national prévoit, dans son programme, la création d'un fonds souverain de 500 milliards d'euros pour investir dans les PME, le parti promet de détourner les supports d'épargne des acteurs bancaires traditionnels et de les flécher vers les fonds d'investissement. C'est quand même très intéressant pour Stérin dont c'est le business ! »

Une partie de la tech française pourrait-elle être tentée de suivre l'exemple américain ?

Pour le sociologue, l'acceptation tacite par le milieu de la French Tech d'une personnage comme Pierre-Édouard Stérin n'a rien d'étonnant. « Ces liens sont anciens. Stérin est le plus visible, mais il y en a d'autres. Il ne faut pas oublier Charles Beigbeder, qui a été président de CroissancePlus [et aujourd'hui à la tête du fonds Quantonation, NdE]. »

Une partie du secteur, si elle ne partage pas forcément les convictions chrétiennes radicales du milliardaire ni sa crainte de l'immigration, n'est peut-être pas aussi éloignée de ses positions sur l'impôt ou l'administration. Récemment encore, quelques startuppers de renom s'en sont pris violemment à la taxe Zucman.

On s'est étonné de découvrir les accointances des leaders de la tech aux États-Unis avec le trumpisme, derrière leur façade progressiste. Issus pour une large part des couches supérieures de la société, courtisés par la frange libertarienne de l'extrême droite française, une partie de la tech française pourrait-elle être tentée de suivre l'exemple américain ?


[1] Le nom a été changé.

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