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01.04.2025 à 21:15

«Burn-out: un grand brûlé du travail témoigne» avec Paul-Antoine Martin

Les entreprises sont-elles devenues le terreau d’une violence perverse institutionnalisée à l’origine des 500.000 burn-out présumés en France chaque année ? Entre management toxique, impunité des haut-fonctionnaires et pressions insoutenables sur les salariés, notre société semble traverser une crise profonde du travail. Un système qui broie les individus, jusqu’à l’épuisement et parfois l’irréparable : la … Continued
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Les entreprises sont-elles devenues le terreau d’une violence perverse institutionnalisée à l’origine des 500.000 burn-out présumés en France chaque année ? Entre management toxique, impunité des haut-fonctionnaires et pressions insoutenables sur les salariés, notre société semble traverser une crise profonde du travail. Un système qui broie les individus, jusqu’à l’épuisement et parfois l’irréparable : la tentative de suicide. De la promotion des harceleurs à la destruction psychologique des employés, en passant par les liens avec la financiarisation et le pouvoir politique, une question se pose : et si c’était toute la société qui était en burn-out ?

Pour en discuter, Aude Lancelin a reçu le mardi 1er avril sur QG, Paul-Antoine Martin, ex-ingénieur, essayiste et auteur de « Le temps des pervers », aux éditions Max Milo. Il a partagé son expérience, lui qui a subi ce harcèlement au travail, jusqu’au burn-out et à l’idée de mettre fin à ses jours. Un témoignage poignant et nécessaire dans une société en crise.

31.03.2025 à 18:14

François Zimeray: « La condamnation d’un écrivain innocent trahit le sens même du mot justice »

Boualem Sansal, notamment auteur du « Serment des Barbares » (Gallimard), a été condamné à cinq ans de prison en Algérie ce jeudi 27 mars. L’écrivain franco-algérien a été arrêté dans son pays natal en novembre 2024. Interpellé et emprisonné notamment pour « atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie … Continued
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Boualem Sansal, notamment auteur du « Serment des Barbares » (Gallimard), a été condamné à cinq ans de prison en Algérie ce jeudi 27 mars. L’écrivain franco-algérien a été arrêté dans son pays natal en novembre 2024. Interpellé et emprisonné notamment pour « atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays », il fait face à un système judiciaire opaque, sur fond de tensions entre Alger et Paris. Pour QG, son avocat français François Zimeray revient sur cette décision du tribunal correctionnel de Dar El Beida. Il déplore également le détachement et le soutien très lointain de la gauche à l’égard de son client. Maître Zimeray, à qui on a refusé de voir Boualem Sansal depuis novembre, dénonce une atteinte profonde aux droits de la défense et a décidé de faire appel à cette condamnation algérienne. Une interview par Thibaut Combe.

QG: Vous êtes l’avocat de Boualem Sansal désigné depuis son arrestation en Algérie. Pouvez-vous revenir sur les accusations auxquelles il fait face ?

Depuis plusieurs années, Boualem Sansal s’exprime librement sur l’histoire de l’Algérie, avec la sincérité et la lucidité qu’on lui connaît. Il ne réalisait pas que cela pouvait nourrir son dossier d’accusation. Il s’est rendu en Algérie en toute innocence, sans considérer sérieusement qu’il pourrait y être arrêté. Cette idée l’avait peut-être effleuré, mais il refusait d’y croire. Arrêter un écrivain pour ses idées, surtout un homme de son âge, lui semblait inconcevable. Ceux qui le connaissent savent qu’il n’est en rien un provocateur. C’est un homme affable, d’une grande gentillesse. Vous imaginez donc son choc lorsqu’il a été arrêté, dans des conditions qu’Amnesty International a qualifiées de « disparition forcée ». Il a disparu pendant plusieurs jours avant de réapparaître en prison.

Maître François Zimeray et Boualem Sansal. L’avocat français de l’écrivain n’a jamais pu rendre visite à son client depuis son arrestation

Avez-vous des nouvelles rassurantes de Boualem Sansal ?

Je pense que, mentalement, il tient le coup. Il a traversé des moments très difficiles, mais dans l’attente de son jugement, il gardait espoir. Comment vit-il cette condamnation ?  Je ne le sais pas. Physiquement, en revanche, c’est un homme qui a besoin de soins et qui n’a rien à faire en détention. Il est très difficile d’obtenir des nouvelles, car il est non seulement incarcéré, mais aussi placé au secret, dans les conditions les plus strictes.

Boualem Sansal vient d’être condamné à cinq ans de prison ce 27 mars. Quelle est votre première réaction ?

La condamnation d’un écrivain innocent trahit le sens même du mot justice. Une détention cruelle, vingt minutes d’audience, une défense interdite et, au final, cinq ans de prison pour écrivain innocent. Son âge et son état de santé rendent chaque jour d’incarcération plus inhumain encore. J’en appelle au président algérien : la justice a failli, qu’au moins l’humanité prévale ! 

Vous avez également été empêché d’entrer en Algérie au début de son arrestation. Comment avez-vous vécu ce refus de visa ?

Forcément  mal, à plusieurs niveaux. D’abord, c’est une atteinte flagrante aux droits de la défense sans lesquels il ne peut y avoir de  de procès équitable. Et puis sur un plan personnel, cela m’a profondément touché : je me sens algérien. Toute ma famille vient d’Algérie, elle y a vécu pendant des siècles, bien avant la colonisation française. Comme beaucoup de juifs d’Algérie, nous y étions depuis très longtemps. Le refus de visa a coïncidé avec une campagne à caractère antisémite dans la presse et sur les réseaux sociaux algériens. J’y étais constamment qualifié d’ « avocat sioniste » ou encore « rat sioniste ». J’ai demandé mon visa plusieurs fois, en vain. Des avocats algériens m’ont alors suggéré de faire appel à un autre avocat français. Je leur ai répondu que cela ne changerait rien, qu’ils n’auraient pas plus de visa que moi. Mais ils m’ont dit : « Si, car vous, à cause de la campagne contre vous, vous resterez bloqué à Paris.” Un avocat non-juif pourrait obtenir le visa. Trois semaines plus tard, les autorités sont allées voir Boualem Sansal à l’hôpital pour lui mettre la pression. Il a refusé et décidé de se défendre seul en guise de protestation.

Bruno Retailleau ou Gérald Darmanin semblent alimenter les tensions entre la France et l’Algérie sur divers sujets. Pensez-vous que cela peut entraver les négociations pour libérer Boualem Sansal ? 

 C’est en tout cas ce que disent les Algériens. Mais force est de constater que ni la modération, ni les gestes d’apaisement, ni le langage diplomatique, ni toutes les mains tendues de la France n’ont eu le moindre effet. Après plusieurs mois de détention scandaleuse, il n’est pas surprenant que certains haussent le ton. D’autant plus que ces déclarations ne concernaient pas uniquement l’affaire Sansal, mais aussi le caractère extrêmement choquant du refus de recevoir l’OQTF à 14 reprises. Il y a là un réel problème. Je peux vous assurer qu’avant ces déclarations, l’Algérie n’y était déjà pas favorable. Mais elles ne sont pas la cause de la situation, elles en sont peut-être la conséquence. Que ces propos aient pu déplaire, c’est une chose, mais le véritable scandale réside dans l’arrestation de cet écrivain et dans le refus de toute coopération judiciaire.

Bruno Retailleau demande activement la libération de Boualem Sansal. Le ministre de l’intérieur est également un des protagonistes dans la forte montée des tensions entre Alger et Paris, notamment sur des affaires de visa et d’OQTF, « instrumentalisées » par l’Algérie selon Maître Zimeray

La gauche a du mal à se saisir de l’affaire et à affirmer son soutien ferme à Boualem Sansal, dénonçant une instrumentalisation par le gouvernement. Comment voyez-vous cette distance du camp progressiste avec cette affaire ? 

Moi, j’ai milité à gauche toute ma vie. Pour moi, la gauche a toujours été le parti de la liberté, de la démocratie. Et je constate que c’est souvent devenu  le camp de la répression et de l’autoritarisme contre les institutions démocratiques. La gauche  est pour moi  comme une rivière qui sort de son lit,  égarée. Je pense que l’instrumentalisation, est d’abord du côté algérien. C’est-à-dire qu’ils instrumentalisent la privation de liberté de cet homme pour régler des comptes avec la France. C’est cette instrumentalisation-là qu’il faudrait dénoncer. Ce qui me frappe, si vous voulez, à la fois comme homme de gauche et comme avocat, c’est l’insensibilité au fait qu’il y a un homme en prison. 

La France Insoumise, et notamment sa tête de liste Manon Aubry, ont voté contre la résolution de demande de libération de Boualem Sansal, au parlement européen. Que pensez-vous de cette position ?

J’ai été surpris et profondément choqué. Pour moi, c’est une faute morale. La gauche aurait dû être la première à proposer cette résolution. Je ne comprends pas pourquoi elle ne l’a pas fait, c’est incompréhensible. C’est une faute morale et politique. Comment peut-on se dire de gauche tout en n’étant pas du côté des prisonniers et de la liberté ? Qu’est-ce que la gauche, sinon la solidarité avec les plus faibles, la compassion, la défense des libertés et des institutions démocratiques face à l’autoritarisme ? Tout ce que représente Boualem Sansal. C’est la preuve d’un égarement. On dira qu’il est soutenu par la droite. Et alors ? Ce n’est pas un délit. Être de gauche, c’est être démocrate. Être démocrate, c’est accepter que d’autres ne pensent pas comme nous, donc accepter qu’il existe des personnes à droite. Il a répondu à des questions d’un journal d’extrême droite, et alors ? Est-ce un délit ? 

Elisabeth Badinter a parlé d’une “affaire Dreyfus propre à l’Algérie” dans une interview pour le JDD. La comparaison a-t-elle un sens selon vous ?

Oui et non. Toute personne injustement accusée dans un procès fabriqué peut légitimement se reconnaître dans le sort du capitaine Dreyfus, surtout sur fond d’antisémitisme d’Etat. Il y a là quelque chose de prototypique. C’est une analogie compréhensible, et si ces deux affaires restent différentes,  un point commun ressort : dans les deux cas, il y a deux innocents, accusés de trahison et envoyés en prison. En revanche, même le capitaine Dreyfus, à l’île du Diable, pouvait correspondre avec sa famille et ses avocats. Lorsqu’il était à l’île de Ré, sa femme et ses avocats pouvaient lui rendre visite.  Moi, je n’ai jamais pu le voir. A cet égard,  sa condition est pire que celle de Dreyfus, qui, lui, n’a jamais été totalement privé du droit de voir ses avocats ou de correspondre avec eux.

Interview par Thibaut Combe

28.03.2025 à 16:30

« Quand le silence tue : l’affaire Joël Le Scouarnec et ses 299 victimes »

L’affaire Joël Le Scouarnec n’a débuté que le 24 février dernier. Le procès durera des mois et s’achèvera le 3 juin prochain. L’affaire a commencé seulement il y a quelques jours, que déjà, les témoins et l’accusé nous offrent l’abject. Pour mieux comprendre ce procès d’une ampleur exceptionnelle, Bénédicte Martin a rencontré la journaliste Police-Justice de … Continued
Texte intégral (4915 mots)

L’affaire Joël Le Scouarnec n’a débuté que le 24 février dernier. Le procès durera des mois et s’achèvera le 3 juin prochain. L’affaire a commencé seulement il y a quelques jours, que déjà, les témoins et l’accusé nous offrent l’abject. Pour mieux comprendre ce procès d’une ampleur exceptionnelle, Bénédicte Martin a rencontré la journaliste Police-Justice de RTL Plana Radenovic, également directrice de la collection Polar Réel aux Éditions Michalon. Elle suit au quotidien ce dossier, le plus gros dossier de pédocriminalité en France, qui est littéralement tentaculaire. Tout y a une dimension inconcevable : 299 victimes de viols ou d’agressions sexuelles, 158 garçons, 141 filles d’une moyenne d’âge de onze ans, 65 avocats, 460 journalistes accrédités, plusieurs salles réquisitionnées, des psychologues, des chiens d’assistance pour accompagner les victimes. Mais surtout des décennies de manquements à tous les niveaux et surtout des décades de silence. Un silence assassin, égal à celui de l’affaire parallèle de pédocriminalité à Notre-Dame-de-Bétharam qui éclabousse François Bayrou, premier ministre d’Emmanuel Macron, bien silencieux depuis des années, lui aussi. Le silence : cette gangrène qui nourrit la culture du viol. Ainsi, après l’affaire Pélicot dite des « viols de Mazan », qui a secoué la France mais aussi sidéré à l’international, voici la soumission chimique et la banalité du mal à nouveau debout devant la barre. Un extraordinaire ordinaire. Peut-être serait-il temps de se poser la question du fantasme des endormis, ainsi que le décrit l’écrivain Kawabata dans « Les Belles endormies » ?

Mais revenons aux faits. Ce mâle ordinaire, c’est Joël Le Scouarnec. Né en 1950 à Paris d’un père ébéniste, élevé en Île-de-France, il dit avoir eu une enfance « sans souvenirs » et affirme n’avoir jamais été victime de rien. Joël est celui qui réussit dans la famille, celui qui inspire le respect. Après avoir fini son internat de médecine, il se marie avec son amour de jeunesse avec qui il aura trois enfants. Transclasse s’il en est, il devient chirurgien spécialisé en chirurgie digestive et viscérale, ce qui de facto, l’amène à être en permanence au contact d’enfants pour des opérations d’appendicite. Ce mâle ordinaire, c’est un petit bonhomme de 74 ans, papi à demi-chauve couronné de cheveux gris-blanc, visage rond réhaussé de petites lunettes doctes.

« Sans souvenirs » ? « Victime de rien » ? C’est refuser le fait d’admettre d’avoir grandi dans une famille hantée par les non-dits sur plusieurs générations et rongée de violences sexuelles, où la répétition incestueuse semble être la règle. Une famille où le père de l’accusé a reconnu sur son lit de mort avoir violé son petit-fils. Ainsi cet homme a, entre 1985 et 2017, commis un nombre terrible de viols sur mineurs sédatés ou convalescents, sous couvert d’exercice de son métier et au gré de son itinéraire professionnel (Loches, Vannes, Quimperlé, Jonzac…).

Plana Radenovic, pouvez-vous nous raconter comment ses crimes ont été découverts?

C’est sa petite voisine d’à peine six ans de Jonzac qui a rompu le silence en avril 2017 en allant porter plainte avec sa maman. Elle dénonce dans un premier temps l’exhibition sexuelle de Joël Le Scouarnec qui lui a montré son sexe dans son jardin. Puis elle complétera sa plainte en disant qu’il l’a violée. À travers le grillage de son jardin, il lui a introduit un doigt dans son vagin. Grillage mitoyen endommagé par une tempête et pas encore réparé. C’est par cette plainte et en démarrant cette enquête que les gendarmes de Saintes vont faire une perquisition chez lui à quatre mois de sa retraite, dans la maison où il vit seul. Là, ils vont découvrir l’antre d’un pédocriminel. L’horreur.

Plana Radenovic, journaliste Police-Justice à RTL, est à l’initiative de la collection Polar Réel aux Éditions Michalon, une série d’ouvrages visant à donner la parole aux acteurs du monde judiciaire – avocats, magistrats, mis en cause et enquêteurs

Le FBI avait mené une opération déjà en 2004 où il avait été épinglé

En effet, le FBI a mené une opération internationale qui déclenche plusieurs arrestations, notamment en France celle de Le Scouarnec qui a utilisé trois fois sa carte bancaire pour faire des achats sur des sites pornographiques mettant en scène des enfants. Il est jugé et condamné en 2005 à une peine plutôt clémente, puisqu’il a prend alors 4 mois de prison avec sursis. À ce moment-là, il fait amende honorable devant le tribunal. Cette condamnation ne l’empêchera pas de poursuivre ses « activités pédophiles », comme il les nomme.

Durant la perquisition de la police à son domicile, on trouvera sous le matelas des journaux intimes, ainsi que des disques durs sous les lattes du parquet.  Également des perruques, des objets sexuels, des poupées enfantines de un mètre de hauteur à qui il peut donner des prénoms comme Sonia. « Poupée Sonia » sur laquelle il se masturbe après le visionnage de documentaires sur les camps de concentration, d’enfants menés à la chambre à gaz… Mais aussi des poupées dites « classiques » qu’il collectionne et qu’il peut enduire de ses propres excréments et de ses sécrétions sexuelles avant de les offrir à sa petite fille. Revenons tout d’abord aux carnets : ces journaux intimes dits les carnets de l’horreur, sont qualifiés « d’écœurants, d’ignobles, crus, vulgaires, avilissant », qui avait-il dedans ?

Ces carnets, ces journaux sont des fichiers numériques qui sont organisés, structurés toujours de la même manière. C’est comme une lettre qu’il écrit à la victime « cher-e petit-e » suivi du prénom. Dedans il y décrit les gestes qu’il a commis, des agressions donc, mais emballés dans un pseudo-sentimentalisme qui est complètement déplacé et donne l’illusion d’une lettre d’amour. Parfois il imagine que l’enfant a provoqué ses gestes, ou était pour le moins consentant et puis cela se termine toujours par « À bientôt ou Au revoir, je t’aime. » Quelquefois il y a des considérations intimes sur lui, sa vie. Il peut dire qu’il est fier d’être pédophile, il peut dédier des passages à tous ses amis pédophiles… On plonge vraiment dans sa tête. Ce sont 40 à 100 pages par an selon les années.

Ces carnets sont des pièces à conviction essentielle du procès, des milliers de pages d’aveux, d’attouchements, de fellations, de pénétrations avec les doigts, il y note méticuleusement ses éjaculations. Autre pièce à conviction : les disques durs. Qu’y avait-il dessus pour que la gendarme Nadia Martineau en ressorte traumatisée (« un trou noir dont elle mettra des années à sortir »), littéralement en burn-out après les avoir épluchés?

Les carnets sont une chose, c’est de l’écrit. Évidemment que c’est dégueulasse à entendre, mais ce n’est pas la même chose que de voir des images. La rétine est imprimée. Dans ses disques-durs, ce sont des milliers de photos, de vidéos de scènes pédopornographiques, des montages, des scènes de tortures, de pendaisons, de décapitations humaines, des images de petits garçons crucifiés, des choses insoutenables à voir, et puis une accumulation énorme aussi, car ainsi qu’il l’a expliqué à l’audience, il est un collectionneur qui archive. Également des photos issues d’un magazine en vente libre en France – que je ne connaissais pas- qui date des années 80: « Jeune et naturel » qui met en scène des enfants nus. Il scannait les pages de ces magazines. C’est tout un monde scabreux et tout un matériel pédocriminel qui était ainsi archivé.

La question est: comment a-t-il pu passer sous les mailles du filet, sous les radars ? Comment cela a-t-il pu arriver ? Le silence de la famille, des confrères, les manquements de la justice ? Allons-y dans l’ordreLes erreurs administratives ?

Il est condamné en 2005 suite à l’enquête du FBI et il prend son nouveau poste à Quimperlé en 2006. À ce moment-là, son casier judiciaire est vierge. La direction, dans l’ignorance des faits, l’engage mais après, quand il arrive à Jonzac, qui sera son dernier établissement, son casier n’est plus vierge. Même lui le dit, car il y a un questionnaire à remplir. À la question : « Avez-vous des condamnations ? », lui-même écrira dans son dossier qu’il a été condamné en 2005 pour détention d’images pornographiques. Ce qui n’empêchera pas la directrice de ce dernier établissement de l’embaucher. Dans la procédure, elle expliquera que pour elle, il n’y avait pas d’agressions et donc que ça lui semblait moins grave. Ce point est intéressant car j’en ai parlé la « Présidente de la Protection pour l’Enfance », et elle m’a expliqué que la détention d’images pédopornographiques est souvent sous-évaluée comme délit par rapport à la justice mais aussi par les gens. Or il est à noter que les détenteurs de ces images passent souvent à l’acte. Ce n’est pas quelque chose de neutre.

Le silence des confrères ? Médecins, collèges, responsables de l’hôpital de Quimperlé ont fermé les yeux, jusqu’à l’ordre des médecins et le Ministère de la Santé...

Un homme, le psychiatre Thierry Bonvalot, avait tiré la sonnette d’alarme en 2006, lorsqu’il avait lu un article sur son confrère disant qu’il avait écopé d’une sanction pour ces faits. Rien n’a été fait. Le Conseil de l’Ordre des Médecins, le Conseil Départemental seront avisés et ne feront rien. Un silence est global, institutionnel, personne ne l’empêche, ni au niveau judiciaire, ni administratif.

En effet, l’action de « l’Ordre des Médecins » qui se porte partie civile ne passe pas auprès de certaines victimes, après sa flagrante inaction. En réaction à cette inaction du passé, l’association « La voix de l’enfant » porte plainte en juillet 2022 et avril 2023 pour « non-obstacle à la commission d’infraction » et « mise en danger d’autrui. » On sait que le milieu médical est particulièrement exposé aux violences sexuelles. Ce sont des personnes, des patients toujours en état de fragilité, des corps dont la nudité est banale, car requise. L’intimité est bien écornée au nom des soins. Par exemple, il y a le fait que l’apprentissage des examens cliniques de l’utérus se ferait en apprentissage sur « patiente endormie ». Ainsi des étudiants en première année ont pu, sans consentement, pénétrer des corps sédatés. Le milieu médical est également grandement déséquilibré. Au sommet de la hiérarchie, une très large majorité d’hommes et tout en bas, une armée de femmes (90% d’aides-soignantes). Actuellement 23% des chefs de pôle au CHU sont des femmes. On a vu apparaitre en sus du #METOOhopital, d’autres mouvements comme #payetonuterus, ou encore l’affaire du gynécologue Émile Daraï. Et toujours le silence comme celui du conseil de « l’Ordre des médecins », qu’en penser?

Ce qui est flagrant dans cette affaire, c’est qu’il y a la figure sociale du médecin qui est peu remise en question. On le voit concernant Joël Le Scouarnec, beaucoup disent qu’il était brillant, intelligent, que sa famille était très fière qu’il soit médecin. Il y a cette espèce de toute puissance de la figure du médecin et cela joue aussi sur les victimes, car nombre de victimes étaient très jeunes à l’époque où cela leur est arrivé, et quand ils et elles en ont parlé à leurs parents, on leur a dit : « Mais non, mais c’est normal. Si le docteur t’a mis un doigt dans les fesses, c’est normal. » Car il y a un flou entre ce qu’il a le droit de faire et de ne pas faire. Les gens ne connaissent pas les procédures. Ils pensent que ce sont des gestes médicaux. Là, je parle pour les patients qui étaient conscients au moment des faits. Une trentaine d’entre eux ont des souvenirs.

Et il y a également le fait que c’est une institution très corporatiste et les médecins se serrent les coudes. « L’Ordre des Médecins » lui a permis de continuer ses agissements. On peut parler de baronnies locales pour les conseils départementaux de « l’Ordre des Médecins » qui ne transmettent pas forcément les signalements, les condamnations au Conseil National. Il y a toute une guerre. Avec Le Scouarnec, en partie civile, on a le Conseil National, mais également le Conseil départemental du Morbihan. On peut voir que le Conseil National en a après le Conseil Départemental. Toutes ses institutions se renvoient la balle, se protègent. Et ainsi que vous le disiez, un patient est vulnérable, il va au bloc, subit une anesthésie. Et là, de plus ce sont des enfants, donc encore plus vulnérables

Le silence, ce foutu silence… L’histoire de la famille de Joel Le Scouarnec est marquée par le silence et à chaque témoin, une nouvelle couche d’horreur. Un de ses fils dit: « Moins j’en sais, mieux je me porte. Même après tout ce temps, ça reste tabou. » Le meilleur ami de Joel Le Scouarnec dit : « Ces histoires de braguettes, ce n’est pas mon problème. » Il voit le viol comme quelque chose de banal. Son ex-épouse également. Cachée sous une perruque et après s’être présentée mi-agacée, mi-arrogante à la barre avec des gants et un masque chirurgical, elle dit sans ciller: « Moi-même, j’ai été violée deux fois, enfant par des oncles, et adulte par mon compagnon » Son audition est glaçante. Ses propos sont dérangeants : elle va même jusqu’à dire à propos de sa petite nièce de 5 ans, violée : « Elle est toujours pendue à son cou. Elle est tortueuse cette petite fille. Elle aime capter l’attention… », ou encore « Il y a des enfants qui sont attouchés et qui aiment bien ça. » QUe savait-elle ?

On ne sait pas ce qu’elle savait, mais on sait qu’elle savait des choses. Son argumentaire n’est pas entendable car dans le dossier, il apparaît qu’en 1996, Joël Le Scouarnec écrit dans ses carnets: « Elle sait que je suis pédophile. » Ce « Elle » apparait à plusieurs reprises, même si Marie-France l’épouse a tenté de l’expliquer que ce « Elle » ne serait pas elle. Alors que d’autres « Elle » dans les carnets ne concernent qu’elle. On sait également qu’en 1999, Annie Le Scouarnec qui est la sœur de Joël, donc la mère des premières victimes, le confronte et en parle à sa belle-sœur. Il y a aussi cette fameuse lettre en 2010 où ils sont désinvités du mariage d’amis au motif que, par le passé, Joël Le Scouarnec a agressé l’enfant de ces amis-là. Son épouse ne pouvait pas ne pas savoir. La seule chose qu’elle consent à dire c’est qu’en 1996, elle aurait juste capté un regard que son mari aurait porté sur des enfants de leurs amis. A priori, elle se souvient de plus de choses que cela mais de là à dire qu’elle savait ce qu’il faisait au bloc et qu’il y avait plus de 300 victimes, non. En tout cas, elle savait plus « qu’un simple regard. » 

Le frère de l’accusé est, lui, catégorique : « Il y a une personne qui aurait pu faire en sorte que mon frère soit interpellé, c’est sa femme, parce qu’elle était au courant pour son mari, et en fait, elle n’a rien fait. »

Il ne parle pas des victimes du bloc, mais des victimes intrafamiliales. Lui-même était au courant.

La sœur de l’accusé, ayant elle-même subi un viol à l’âge de 14 ans et dont elle dit « On m’a enseigné très tôt à me taire », dénonce la « cruauté » et les « mensonges » de son ancienne belle-sœur, assurant que cette dernière était au courant des agressions sexuelles commises sur ses nièces. Elle reconnait aussi avoir été informé de la pédophilie de son frère en 2000. Elle l’a affronté lors d’un trajet en voiture. Joël Le Scouarnec a alors parlé de « pulsions », dit que sa femme était au courant, qu’il voulait réparer le mal qu’il avait fait. Elle lui a dit de se faire « soigner » et lui a demandé d’envisager des traitements possibles. Néanmoins, toujours ce silence… Alors en deuil de son époux, elle n’ira pas dénoncer son frère à la police. Des éléments sur elle ?

Attention, ne lui jetons pas la pierre ! Elle n’a rien à voir avec Marie-France l’épouse. En 2000, c’est quand Priscilla, l’une de ses filles, lui dit que son tonton Joël l’a violée que sa sœur le confronte en le ramenant à la gare après un repas familial chez leurs parents. Elle ose crever l’abcès et là, il lui ment en lui racontant que ce n’est arrivé qu’une fois, qu’il va aller consulter sauf que lui, dès qu’il met le pied dans le train, il commence à fantasmer sur une autre petite fille (il l’écrit dans ses carnets). Il lui a menti et elle, on ne peut pas dire qu’elle n’a rien fait dans le sens où elle a emmené sa fille chez un psy et a essayé de l’aider. Elle n’a pas fait le pas d’aller voir la police. J’ai eu l’occasion de la rencontrer et elle m’a expliqué qu’à l’époque la parole n’était pas libérée à ce point. Elle ne savait pas si on allait la croire. Elle pensait qu’elle n’avait pas de preuves. Elle n’imaginait pas aller à la police juste avec la parole de sa fille. C’était il y a 25 ans et heureusement les choses ont pas mal évolué aussi, c’étaient des choses dont on ne parlait pas. C’était intrafamilial. Elle ressent une culpabilité énorme pour les victimes d’après 2000 car elle se dit qu’elle aurait pu arrêter la dérive. Elle pensait sincèrement qu’il allait se faire soigner. Elle s’est raccrochée à cette idée.

Parlons des 300 victimes. Elles ont aussi dénoncé les conditions brutales de l’annonce de leurs viols, le manque de ménagement et de psychologie quand on annonce aux victimes les sévices qu’elles ont subi à leur insu, lorsqu’elles étaient sédatées. Le médecin est celui qui vous sauve, vous guérit et à qui vous remettez votre vie, sous couvert de gestes médicaux. Le Scouarnec, c’était une main qui soigne, une main qui viole. Rappelons que certaines victimes se sont suicidées après l’annonce. Une mère également dit avoir « vomi de rage ». Avez-vous rencontré, parlé à des victimes ou à leurs familles ?

Oui, bien sûr. Le procès étant hors norme, la salle des journalistes, la salle des victimes, la salle du public sont à côté. Lors des suspensions, nous avons des échanges informels. Effectivement, l’annonce par les gendarmes est un sujet, car non seulement on apprend qu’on est victime d’un viol ou d’une agression sexuelle mais en plus, il leur a été lu des extraits des carnets les concernant. Elles se sont vues dans les yeux de leur agresseur ce qui est d’une violence extrême. De plus vu l’ampleur du nombre de victimes, les gendarmes n’avaient pas les moyens de leur fournir le temps nécessaire ni une prise en charge psychologique. En une demi-heure, elles apprenaient tout cela et se retrouvaient sur le trottoir dans une détresse absolue, sans le numéro de « France victimes » ou le numéro d’associations ou d’avocats. Quant à l’accompagnement durant le procès, pour l’instant : rien à signaler. Le fait d’être dans une salle ensemble, une salle non sonorisée où elles peuvent décompresser, réagir librement, est une bonne chose, alors que dans la salle d’audience, c’est policé. Étant entre elles, une solidarité voire des sympathies se sont créées. Elles se sentent soutenues et protégées de ne pas être sous les yeux de Joël Le Scouarnec.

Le procès en est encore à ses débuts et l’accusé est loquace, il fait acte de contrition, de nombreux mea culpa. Il dit : « J’en ai fini du mensonge. », « Je me suis laissé envahir par cette perversion », « Je les ai tous trahis, je leur ai menti pour couvrir mes activités et je présente toutes mes excuses… ». Peut-on décemment croire celui qui, durant presque 30 ans, a renouvelé chaque année « son serment pédophile », en était fier dans ses écrits et le justifiait par des arguments philosophiques ?

Il est difficile de le croire. Ses aveux semblent pervers car en même temps, parfois il reconnaît, et la phrase suivante, il justifie par des actes médicaux. Il joue avec les émotions des victimes. Il donne un peu pour retirer ensuite. Par ailleurs, il veut être le seul maître de ses révélations, de son timing. 

Sur les années antérieures à la tenue de ses carnets, on se pose la question de savoir si d’autres victimes existent. Il répond : « On ne peut exclure que j’ai commis plus. »

Oui, car il y a un trou dans les carnets entre 1994 et 1996. Il en a détruit une partie. Donc pour ces deux années-là, les enquêteurs se sont référés aux tableaux Excel des fichiers qu’il avait appelé : « vulvettes » pour les petites filles et « quéquettes » pour les petits garçons.  De plus, on peut penser que tout n’était pas forcément dans les carnets. 

Son quotidien depuis le début de sa détention est de lire des livres d’Eric-Emmanuel Schmitt, de peindre, de prendre des cours d’anglais (sic). Cet homme est glaçant. La réalité dépasse la fiction.

Oui, il fait vraiment peur. Quand je suis des procès, j’essaie de trouver de l’humanité chez l’accusé car c’est quelque chose auquel je crois. Ici, dans ce cas, je n’y arrive pas. J’ai croisé son regard et je n’ai rien vu. Il n’a aucune empathie pour ses victimes. Quand il s’excuse, c’est toujours du même ton monocorde. Il a les mêmes inflexions de voix sur les mêmes mots, comme un disque rayé. On perçoit qu’il n’est pas désolé en fait. On peut même se demander s’il ne jouit pas de ce que l’on projette ses photos horribles ou qu’on lise des extraits de ses carnets. À un moment la Présidente lui a demandé s’il relisait ses carnets, il a répondu « Oui, en janvier de chaque année, je relisais tous les carnets de l’année précédente pour corriger les fautes d’orthographe ». Lui pense que c’est son œuvre. Passionné d’opéra, intellectuel, intelligent, lettré, c’est par ailleurs un lecteur de Matzneff chez qui il trouvait une considération et une validation de ses pulsions. Voir publier des écrits pédophiles par la maison Gallimard, c’est chic. Joël Le Scouarnec a le goût du détail, le souci du gourmet, la sérialité, la méticulosité, comme dans « Le silence des Agneaux ».

Joël Le Scouarnec se revendique comme fervent lecteur de Gabriel Matzneff, dont les actes ont été mis en lumière dans « Le Consentement », écrit par Vanessa Springora

Sait-on s’il écrit actuellement en détention ?

Il affirme n’écrire que pour ses cours d’anglais. Néanmoins avant, il participait à un atelier d’écriture au sein de la maison d’arrêt de Saintes.

Voit-il un psychiatre en détention ?

Oui, mais pour le contenu, ceci relève du secret médical. Prochainement, nous aurons les experts qui passeront à la barre. Notamment pour évoquer son passé : a-t-il été violé enfant ?

Car ils ont quasiment tous été violés dans la famille !

On sait que le viol est chose banale dans cette famille. Il ne donne actuellement pas d’informations nouvelles sur le fait d’avoir été violé ou pas par son père. Père qui a violé ses petits-enfants.

J’ai remarqué qu’autour de moi, tout comme avec « l’Affaire Pélicot », et l’impact qu’elle a eue, les gens se posent des questions sur leur propre famille et leur propre passé...

L’affaire Pélicot nous a prouvé que les violeurs étaient un peu partout, le viol conjugal et la soumission chimique sont choses courantes. Ici, c’est le procès de l’inceste car tout a commencé dans sa famille. Cela fait réfléchir. Arnaud Gallais (activiste des droits de l’enfant et cofondateur d’un collectif pour prévenir et protéger) parlait du continent caché des violences sexuelles faites aux enfants. La parole y est beaucoup moins libérée que pour les femmes. Tout le monde peut se poser la question. Par exemple, depuis que je suis le procès, je fais extrêmement attention aux adultes qui peuvent côtoyer mes enfants. Je ne laisserai plus mon fils ou ma fille, seuls avec un médecin.

Plana Radenovic, comment arrivezvous à décrocher en fin de journée ? Trouvez-vous de la joie après tout ça ?

Après avoir lu les plus de 700 pages qui composent l’ordonnance d’accusation, je n’ai pas réussi à dormir. Plongée dans les tréfonds de l’horreur à Vannes. Dorénavant, j’ai du mal à voir les poupées avec lesquelles ma fille s’amuse. Un soir, en rentrant, il a fallu que je les range rapidement, coincée dans un effet spatio-temporel étrange… Ce qui m’aide, c’est de garder une posture de professionnelle, de travailler pour la cause.  On n’écoute pas ses horreurs pour rien. On les partage avec la société pour faire changer les choses. Faire savoir pour protéger.

Propos recueillis par Bénédicte Martin

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