Désormais, les citoyens européens pensent, communiquent et débattent sur des services créés aux États-Unis et contrôlés par des entreprises américaines. Ces services sont bien plus étroitement liés à notre vie quotidienne, à nos sociétés et nos décisions politiques que les technologies de communication du passé ne l'étaient.
Cette dépendance a conduit à une situation de distorsion : les choix européens en matière de liberté d'expression sont devenus dépendants de ceux des États-Unis — sur le plan législatif, ce qui se passe là-bas influence et régit ce qui a lieu ici.
Tant que la conception européenne de la démocratie et de la liberté d'expression ne s'éloignait pas trop de celle des États-Unis, cette situation était tolérable — et tolérée.
Certes, l'attachement des Américains au premier amendement jurait avec la pratique de pays comme l'Allemagne et la France : pour Berlin par exemple, la possibilité de prise du pouvoir par l'extrême droite doit être théoriquement empêchée par la loi.
Malgré ces divergences, il était généralement possible de trouver des compromis — aussi imparfaits fussent-ils.
Cette époque est révolue.
L'administration américaine actuelle n'a aucun intérêt à chercher le compromis.
Sur son territoire, elle qualifie les propos politiques de ses opposants de discours haineux ; elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour les punir, les censurer, les interdire.
À l'étranger, elle exige que les autres pays adoptent son approche de la liberté d'expression en ligne — sous peine de sanctions.