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26.06.2025 à 14:12

Donner corps à la notion de théâtre public au 21e siècle : l’expérience du Grand T

Aurélie Doulmet

Le Grand T, théâtre public implanté à Nantes, est fermé pour travaux pendant deux ans. Il réouvrira au public fin 2025, sous le nom de « Mixt ». En attendant, il déploie son activité autrement sur la métropole, alternant des projets hors les murs, des spectacles en itinérances et coréalisations dans une trentaine de salles partenaires qui lui […]

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Le Grand T, théâtre public implanté à Nantes, est fermé pour travaux pendant deux ans. Il réouvrira au public fin 2025, sous le nom de « Mixt ». En attendant, il déploie son activité autrement sur la métropole, alternant des projets hors les murs, des spectacles en itinérances et coréalisations dans une trentaine de salles partenaires qui lui offrent l’hospitalité.

Ce théâtre s’inscrit dans le patrimoine nantais et s’interroge sur la manière de le perpétuer, sans le répéter. « Un héritage à la fois formidable mais un peu lourd à porter. » Le monde change, les pratiques aussi : comment répondre à de nouveaux enjeux de société (écologique, participatif, inclusif) ? Comment donner corps à la notion de théâtre public dans ce contexte-là ? Catherine Blondeau, directrice de l’établissement, évoque, dans ce podcast, la réflexion conduite pour diversifier la fréquentation et l’offre, repenser la manière de construire une proposition artistique et culturelle afin que le théâtre infuse sur tout le territoire.

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19.06.2025 à 11:24

La création : un nouveau souffle pour l’éducation artistique et culturelle ?

Frédérique Cassegrain

Dans une salle de classe madrilène, des enfants de onze ans fondent une compagnie d’opéra. Ils écrivent, mettent en scène, fabriquent costumes et décors, communiquent, chantent. Ils s’organisent, débattent, inventent. Ce projet a un nom : LÓVA (l’Opéra, un véhicule d’apprentissage). Partant de cette expérience en Espagne qui a servi de terrain à son mémoire de Master, Adélie Ester interroge dans cet article les piliers de l’EAC à la lumière des droits culturels.

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Texte intégral (1163 mots)
© Adélie Ester

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Adélie Ester, j’ai vingt-quatre ans. Ma formation comprend la danse, le théâtre et les arts audiovisuels. Je suis également diplômée du master « Arts, Lettres et Civilisations – Parcours Diffusion de la culture » de l’Université Grenoble Alpes.

Depuis 2021, je dirige le collectif d’arts-vivants Les Nuageux. J’aime présenter les projets des Nuageux comme des aventures dans lesquelles l’art est un prétexte pour apprendre à se connaître, à faire et à ressentir ensemble. De parents tous deux enseignants, je me suis toujours inspirée de ce que l’éducation pouvait apporter aux arts et inversement.

Comment est née l’envie de travailler sur ce sujet de mémoire ?

En 2023, je suis partie en Espagne pour découvrir d’autres manières de faire de la médiation culturelle. La notion de droits culturels m’intéressait déjà beaucoup. Dans un premier mémoire, j’avais cherché à comprendre dans quelles conditions la danse pouvait devenir un outil de développement humain. En Espagne, j’ai dansé avec des enfants, des personnes âgées ou en situation de handicap, ainsi que dans des contextes variés, y compris en milieu carcéral… Et j’ai découvert le projet LÓVA (L’Opéra, un véhicule d’Apprentissage), dont je parle dans cet article. 

Je me suis alors rendu compte que je ne m’étais encore jamais penchée sur la question des droits culturels des enfants. J’ai constaté que l’éducation artistique et culturelle, telle qu’elle s’exerce en France, ne semblait pas non plus véritablement s’y attarder. Si l’enfant possède des droits, pourquoi ne jouirait-il pas lui aussi de droits culturels ? En 2024, je suis donc retournée en Espagne pour réaliser un stage de six mois au sein du projet LÓVA et entamer cette nouvelle réflexion.

Ce sujet fait aussi écho à mon histoire personnelle. Plus jeune, j’ai croisé la route d’un professeur qui a su déceler en moi ce désir de création immense mais timide. En me confiant la responsabilité d’écrire un film et de le réaliser, en sachant m’accompagner sans influencer mes choix artistiques, il m’a donné l’élan et les moyens de partir à la découverte de moi-même. Ainsi j’ai su que j’étais capable de matérialiser une idée, un message, une émotion, et que l’on pouvait m’écouter. Cette année-là j’ai découvert plus qu’une passion : une vocation. Je sais que cette expérience m’a transformée, et j’aimerais que d’autres jeunes puissent avoir cette chance. Voilà pourquoi j’aime profondément mon sujet de recherche.

Votre terrain d’enquête vous a-t-il surpris ?

Oui, beaucoup. J’ai d’abord été frappée par le projet LÓVA en lui-même, par son exigence, sa reconnaissance nationale et les moyens qui lui sont accordés. Rappelons que le franquisme a menacé l’Espagne jusque dans les années 1970 et que l’histoire des politiques culturelles de ce pays est bien moins longue que la nôtre. J’étais surprise de constater qu’un tel projet n’existait pas encore en France. Et pourtant, l’EAC est aujourd’hui une priorité de nos politiques culturelles actuelles. De manière générale, j’ai remarqué une façon bien différente de concevoir la médiation culturelle en Espagne.

Ensuite, ce sont les enfants qui m’ont étonnée ! La complexité des sujets qu’ils choisissent d’aborder est saisissante. J’ai été touchée par la maturité avec laquelle ils parlaient de leur projet ou du rôle qu’ils exerçaient au sein de la compagnie. J’ai aussi été impressionnée par la diversité des responsabilités qui leur étaient accordées. 

Enfin – sur un plan plus personnel –, j’ai découvert que j’aimais profondément travailler avec les enfants. Je ne m’attendais pas à une telle révélation. Cette expérience m’a offert de nouvelles envies, de nouvelles idées à explorer avec mon collectif et peut-être même une nouvelle ligne directrice.

Que voudriez-vous faire évoluer dans le secteur culturel ?

Je suis heureuse de constater que les collectivités territoriales manifestent un intérêt grandissant pour la question des droits culturels. J’aimerais que cet intérêt dépasse les discours et s’accompagne d’un véritable engagement financier en faveur des projets de création collective. En tant que jeune artiste, je remarque qu’il est beaucoup plus difficile de défendre un projet de ce genre s’il ne s’appuie pas sur une démarche personnelle d’auteur ou s’il n’est pas lié à une pièce programmée dans un théâtre.

Permettre aux enfants d’aller voir des spectacles et de fréquenter les institutions culturelles est essentiel. Cependant, j’aimerais que l’on sache aussi reconnaître l’école comme véritable lieu de culture à part entière. Je souhaite qu’un projet de création collective qui naît et grandit dans une école soit aussi légitime que celui qui naît et grandit dans un théâtre. Il faudrait que le rôle de l’enseignant, premier témoin et passeur du quotidien de l’enfant, soit beaucoup plus valorisé par les projets d’EAC.

Enfin, pour les artistes qui veulent mener des projets d’EAC, il serait sans doute nécessaire qu’ils puissent d’abord se rendre dans les écoles pour observer, écouter les conversations dans les cours de récréation, poser des questions et se laisser surprendre. Une mauvaise prise en compte des droits culturels des enfants s’explique souvent par une rencontre qui n’a tout simplement pas eu le temps d’advenir.

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19.06.2025 à 11:14

Vu d’Espagne : lancement du Plan pour les droits culturels

Frédérique Cassegrain

En février 2024, le ministère de la Culture espagnol créait une nouvelle direction générale des droits culturels et nommait à sa tête Jazmín Beirak. Le lancement le 8 juillet 2025 du Plan pour les droits culturels et le sommet Mondiacult de l’Unesco sur les politiques culturelles qui aura lieu en septembre à Barcelone, sont l’occasion de nous entretenir avec elle.

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Texte intégral (3336 mots)
© Suso33, Los murales de Madrid – Photo © Alice-Anne Jeandel

En février 2024, vous avez été nommée directrice des droits culturels au ministère de la Culture espagnol. Dans quel objectif a été créée cette nouvelle direction ?

La création de la Direction générale des droits culturels (DGDC) pose un jalon important. C’est la première fois que l’approche des droits culturels est expressément intégrée dans la structure administrative de l’État espagnol. Ce progrès est le résultat d’un processus collectif. Depuis des décennies, les agents du secteur culturel, les gestionnaires, les professionnels, les créateurs et les réseaux associatifs défendent et travaillent sur la culture en tant que droit. Aussi, cette direction cristallise-t-elle un effort de longue haleine, et elle a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme et d’excitation.

L’objectif de la DGDC est de compléter les deux grands axes qui ont structuré jusqu’à présent l’action publique dans le domaine de la culture : d’un côté la promotion du secteur professionnel, de l’autre la préservation et diffusion du patrimoine. Ces deux axes reflétaient la division historique entre une culture éclairée et une culture comprise comme bien de consommation. Face à cette dichotomie, la DGDC entend ouvrir un espace en faveur d’une approche sociale de la culture dans les politiques culturelles, en reconnaissant cette dernière comme une pratique sociale vivante et en mettant en lumière ses impacts sociétaux.

Quelles sont les implications de cette démarche ? Comment modifie-t-elle l’action publique ?

Cette démarche a trois implications. Premièrement, elle suppose de dépasser une vision étroite de la culture, limitée à l’accès aux biens, aux services ou aux expressions artistiques, pour embrasser toutes les manières dont elle peut être présente dans nos vies : par exemple, développer des capacités créatives, gérer et transmettre le patrimoine culturel, utiliser notre langue, promouvoir des projets ou participer à la prise de décision sur les politiques culturelles, etc. L’approche des droits culturels est basée sur une compréhension large et globale de la culture, non plus réservée aux spécialistes ou aux professionnels, mais reconnue comme une composante essentielle de notre rapport à la réalité, dans la façon dont nous la comprenons, l’interprétons et la transformons, et comme une partie fondamentale du développement intégral des individus, des groupes et des sociétés.

Deuxièmement, cette perspective implique d’admettre que des facteurs sociaux facilitent ou entravent l’accès et la participation à la vie culturelle, et que l’administration publique se doit d’intervenir pour corriger ces déséquilibres : les exclusions structurelles du secteur, les inégalités socio-économiques, ethniques, territoriales ou liées au handicap, auxquelles s’ajoute le manque de reconnaissance de certaines pratiques culturelles considérées comme illégitimes. Les droits culturels placent l’équité et la pluralité comme des principes directeurs de l’action publique.

Troisièmement, cela suppose de reconnaître que la culture n’est pas un secteur isolé, mais au contraire transversal, afin de valoriser ses impacts positifs sur d’autres domaines tels que l’éducation, la santé, l’environnement, la science et l’innovation.

Pour se renforcer, la culture doit déborder et échapper à l’action institutionnelle.

Cette réflexion conduit également à repenser le rôle et la mission des institutions culturelles publiques. En quoi la culture relève-t-elle d’une responsabilité publique ou d’un service public ? Pour la santé ou les transports, la réponse semble assez évidente : assurer la meilleure prestation de services possible. Cependant, dans le domaine culturel, le défi est tout autre. Il ne s’agit pas de « fournir » de la culture, puisque celle-ci est avant tout produite par la société et non par les institutions. Garantir une offre culturelle ne suffit pas. Le véritable objectif est plutôt d’encourager chaque personne à avoir un pouvoir sur sa vie culturelle. Il faut créer les conditions pour que les pratiques culturelles – dans toutes leurs expressions et manifestations – puissent s’épanouir, de même qu’il est indispensable de redistribuer les ressources afin que nul ne soit exclu, que toutes les personnes, groupes et collectifs soient à même de développer pleinement une vie culturelle. En définitive, la mission des institutions et politiques culturelles n’est pas de conforter leur propre action, mais de soutenir ce qui se passe en dehors d’elles. Plus la culture y sera dynamique, autonome et diversifiée, plus les institutions seront en mesure de remplir leur fonction. D’où le paradoxe inhérent à la gestion culturelle publique : pour se renforcer, la culture doit déborder et échapper à l’action institutionnelle.

Le Plan pour les droits culturels est le résultat d’un travail de consultations mené sur plus d’une année, quelles en ont été les étapes ?

Des groupes de travail, composés de professionnels, d’artistes, de juristes, de gestionnaires, d’associations culturelles – avec une représentation la plus large possible de l’écosystème culturel –, se sont saisis de treize thématiques Adéquation normative, bonnes pratiques et gouvernance ; Culture intergénérationnelle ; Droits numériques ; Développement local et action communautaire ; Inégalités ; Handicap ; Diversité ethnique ; Diversité linguistique ; Éducation et culture ; Évaluation des politiques culturelles ; Égalité des genres ; Médiation culturelle ; Durabilité et Agenda 2030., entre juin et décembre 2024, dans l’objectif d’élaborer des diagnostics et des propositions. Parallèlement, nous avons lancé une plateforme en ligne de participation citoyenne, qui a reçu près d’un millier de contributions, et nous avons organisé des réunions avec des associations professionnelles du secteur. Nous collaborons également avec les communautés autonomes La Constitution de 1978 consacre le droit des Communautés autonomes à gérer leurs propres affaires dans plusieurs domaines de compétence. Il existe 17 communautés autonomes en Espagne, leur statut d’autonomie régit leur organisation, leurs compétences, et la répartition de l’impôt. et différents ministères du gouvernement, conscients de la nécessité de connecter la culture à d’autres domaines de l’action publique. Le Plan contient environ 130 actions. Il sera présenté le 8 juillet à Madrid et sera ensuite diffusé dans le reste du pays. Il constitue désormais la principale feuille de route du Ministère pour piloter son action dans le domaine des droits culturels, en appuyant sa stratégie sur une double temporalité : lancer, à court terme, des actions qui rendront effectif l’exercice des droits culturels, et développer, à moyen et long terme, un système articulé, solide et durable de droits culturels.

Pouvez-vous évoquer quelques éléments qui composent ce Plan ?

Le Plan est vaste, mais je peux évoquer cinq priorités. La première consiste à consolider le cadre des droits culturels, ce qui implique de reconnaître et revendiquer que la culture est une partie indivisible des droits de l’homme. Pour y parvenir, il est nécessaire de se doter d’outils juridiques, institutionnels et symboliques qui assureront des progrès durables, tout comme ils permettront d’identifier et de remédier aux violations récurrentes de ces droits. Dans cette optique, des actions sont déjà menées, telles que l’intégration des droits culturels dans les instruments de protection des droits de l’homme, le renforcement des mécanismes institutionnels qui leur sont sous-jacents, mais aussi un travail de promotion pour faciliter l’appréciation et l’appropriation sociale de ces droits.

Consolider le cadre des droits culturels implique de reconnaître et revendiquer que la culture est une partie indivisible des droits de l’homme.

La deuxième priorité est de défendre la démocratie culturelle, en œuvrant à éliminer les obstacles à la participation, à renforcer le tissu culturel des citoyens, à améliorer la gouvernance culturelle et à relier éducation et médiation culturelle en tant que garanties essentielles des droits culturels.

La troisième priorité est de relever les défis contemporains d’un point de vue culturel. Cette section est la plus complète, car elle aborde à la fois des questions territoriales et démographiques : comment réduire les écarts territoriaux dans l’accès à la culture ? Comment garantir les droits culturels dans les zones rurales dans des contextes de déséquilibre territorial ? Il s’agit également de mettre en œuvre des actions spécifiques pour promouvoir l’égalité des sexes et la diversité ethnique, raciale et linguistique, en considérant cette diversité non pas comme un ajout, mais plutôt comme une condition constitutive de la culture elle-même qui, en tant que telle, doit être reconnue, protégée et promue par les politiques publiques. Cette priorité suppose de construire une gouvernance numérique inclusive, avec des infrastructures numériques publiques qui soient au service de la culture et garantissent l’accès et la participation dans l’environnement numérique.

La quatrième priorité est de soutenir la durabilité et l’indépendance de l’écosystème culturel. À cette fin, nous travaillons à améliorer les conditions de travail du secteur et à protéger la liberté artistique et culturelle – des libertés fondamentales qui, malheureusement, connaissent des violations et des menaces croissantes.

Enfin, un enjeu essentiel : créer une administration publique véritablement engagée en faveur des droits culturels. Cela implique de repenser son organisation, notamment en reformulant les procédures administratives et de recrutement qui ont trop souvent fini par restreindre, plutôt que favoriser, la liberté et la vitalité dont la culture a besoin pour se développer pleinement.

Quels sont les obstacles à la pleine reconnaissance des droits culturels ? 

Les obstacles ne manquent pas… C’est là tout le poids d’une inertie de longue date qui résulte, par exemple, de politiques culturelles orientées presque exclusivement vers des approches sectorielles, la défense répétée de la valeur économique comme principale justification de la culture, ou encore la bureaucratisation des administrations publiques. Le fait que nous ayons adopté pendant longtemps une conception de la culture centrée sur les grandes œuvres ou les industries culturelles – et qu’elle ait imprégné les politiques publiques – nous a progressivement éloignés de l’idée que la culture est un droit. D’une certaine manière, nous l’avons oublié parce que nous avons cessé de l’exercer comme tel.

À cela s’ajoutent la complexité et la dispersion de la notion de droits culturels, qui n’est pas toujours facile à préciser et à traduire en politiques efficaces. Et enfin, la culture souffre encore d’un manque de pertinence sociale : le sentiment demeure que celle-ci concerne avant tout les professionnels du secteur et il est, de plus, renforcé par une forte sectorisation. Cela a fini par générer une profonde distance sociale. Beaucoup de gens perçoivent la culture comme quelque chose d’étranger, de lointain ou de réservé à quelques privilégiés, alors qu’elle nous constitue. Son exercice devrait être garanti à chacun et chacune.

Le moment actuel vous paraît-il propice au développement de politiques qui s’appuient sur les droits culturels ?

Nous vivons à une époque marquée par de multiples crises – économiques, climatiques, sociales, démocratiques – qui exigent de nouvelles réponses collectives et ouvrent la possibilité de placer d’autres valeurs au centre : la justice sociale, la durabilité, l’égalité.

En ce sens, le défi est similaire à celui qu’ont vécu des mouvements tels que la protection de l’environnement et le féminisme : pour qu’ils deviennent les cadres transversaux d’un nouvel ordre social, il a fallu cesser de les percevoir comme des intérêts sectoriels. Aujourd’hui, ces perspectives féministe et environnementale offrent une interprétation de l’ensemble de la vie sociale et proposent de véritables alternatives à nos modes de vie. Elles ont mis en lumière des dimensions aussi diverses que la répartition des soins, l’urbanisme, le droit au temps ou à une alimentation saine.

La culture partage avec ces mouvements le pouvoir de construire des sociétés plus égalitaires, plus justes et plus durables. Aussi devrions-nous pouvoir suivre ce même chemin. Mais pour cela, nous devons appréhender la culture comme une force capable de façonner notre vie quotidienne à partir des fondations qui la constituent, de redéfinir nos manières de produire, de vivre ensemble et de communiquer. La pratique et l’expérience culturelles ont un réel pouvoir opérationnel dans la construction de liens sociaux et communautaires. Ils favorisent la coopération, la coexistence, la diversité, la différence, l’empathie, le plaisir et le bien vivre – des éléments décisifs pour construire un nouvel ordre social, de nouvelles façons d’être au monde et avec les autres.

Les droits culturels servent de levier pour répondre à toutes ces questions. Ils sont la clé pour ouvrir des portes demeurées closes depuis bien longtemps. Pour autant, il ne s’agit pas de les fétichiser. Les droits culturels ont bien d’autres noms : démocratie culturelle, culture vivante, citoyenneté culturelle… Leur encadrement au sein de l’action publique n’inaugure en rien des pratiques de justice sociale dans la sphère culturelle. Ils offrent un langage et un cadre communs qui permettent à ces actions d’être connectées, de se voir attribuer un récit, d’être consolidées et davantage reconnues.

Le système en Espagne est différent de celui de la France, qui est beaucoup plus centralisé. Les communautés autonomes ont adopté des lois et des plans pour les droits culturels Navarre en 2019, les îles Canaries en 2023 et le plan pour les droits culturels de la Mairie de Barcelone en 2021.. Comment expliquer qu’elles aient pu progresser plus tôt sur cette question ? Comment le Plan pour les droits culturels prend-il en compte les avancées à cette échelle territoriale ?

Effectivement, en Navarre et aux Canaries, des lois sur cette question ont été adoptées à l’unanimité, grâce à des circonstances qui ont favorisé le consensus. La Catalogne et le Pays basque développent actuellement leurs propres cadres réglementaires. La coordination du Plan pour les droits culturels avec les communautés autonomes et les entités locales est fondamentale, car les compétences dans ce domaine sont partagées par les trois niveaux de gouvernement, ce qui rend la coopération institutionnelle essentielle. Sa pertinence est même renforcée lorsqu’il s’agit des politiques en matière de droits culturels qui dépendent largement de l’action régionale et locale en raison de leur proximité avec les citoyens. Même si cette collaboration n’est pas toujours facile – selon les circonstances politiques –, il est important de chercher les meilleures réponses possibles. À cet égard, nous encourageons les transferts de compétences vers les communautés autonomes pour des projets artistiques dans les écoles et les zones rurales, car elles sont les mieux placées pour gérer ces initiatives de manière adaptée à la réalité locale.

La Conférence mondiale sur les politiques culturelles et le développement durable de l’Unesco, Mondiacult, est organisée par le gouvernement espagnol et se tiendra à Barcelone en septembre 2025. Les droits culturels sont l’un des quatre piliers du programme. Quel est l’objectif de cette conférence ? Et quelle place y prend la société civile ?

Un des objectifs du sommet Mondiacult 2025 sera de consolider le paradigme des droits culturels dans une approche plus large des politiques d’égalité et des nouvelles formes de gouvernance démocratique. Il s’agit d’affirmer les droits culturels comme une composante essentielle des politiques publiques, en renforçant leur légitimité et leur transversalité. La société civile joue un rôle majeur dans ce processus, à la fois en amont, via une consultation en ligne, et pendant la conférence, par le biais de l’agora civique. Le Ministère y participe également à travers la XIe édition des rencontres Culture et Citoyenneté La rencontre aura lieu le 26 et 27 septembre 2025. https://culturayciudadania.cultura.gob.es/inicio.html qui se pencheront sur trois thèmes principaux : les droits culturels, la culture et la paix, et l’intelligence artificielle, toujours avec la participation la plus large possible de la société civile.

Vous avez été étudiante en France, quel est votre regard sur les politiques culturelles françaises en matière de droits culturels ?

Ma passion pour le sujet est née pendant mes études en France où j’ai suivi un cours sur les politiques culturelles. À cette époque, celles-ci n’étaient pas très étudiées en Espagne. À mon retour, j’ai continué à me spécialiser dans ce domaine. Depuis de nombreuses décennies, la France fait figure de référence, notamment dans le lien entre culture et éducation et, de manière générale, dans l’importance accordée à la culture dans les politiques publiques. C’est du moins ce qu’on en perçoit d’ici.

Jazmín Beirak est gestionnaire culturelle, chercheure en politiques culturelles et experte en droits culturels. Titulaire d’undiplôme d’études avancées en histoire et théorie de l’art de l’Université autonome de Madrid (UAM), elle a passé une année à l’université Rennes 2 au cours de ses études. Auteure de Cultura ingobernable (Ariel, 2022) elle a également étédéputée de 2015 à 2024 à l’Assemblée régionale de Madrid d’abord pour Podemos puis pour Mas Madrid. Elle était porte-parole sur la culture.



 

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