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26.07.2024 à 06:00

« Nous avons relancé la Maison de la presse »

Rami Abou Jamous

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre son appartement de la ville de Gaza avec sa femme Sabah, les enfants de celle-ci, et leur fils Walid, deux ans et demi, sous la pression de l'armée israélienne. Réfugié depuis à Rafah, Rami et les siens ont dû reprendre la route de leur exil interne, coincés comme tant de familles dans cette enclave miséreuse et (…)

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Texte intégral (1981 mots)

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre son appartement de la ville de Gaza avec sa femme Sabah, les enfants de celle-ci, et leur fils Walid, deux ans et demi, sous la pression de l'armée israélienne. Réfugié depuis à Rafah, Rami et les siens ont dû reprendre la route de leur exil interne, coincés comme tant de familles dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié depuis le 28 février 2024.

Mercredi 24 juillet 2024.

J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer : depuis quelques jours, nous avons relancé la Maison de la presse, ou la Press House - Palestine. Nous l'avions créée en 2013. C'était une idée de Omar Shaaban, Bilal Jadallah et moi. Le but de cette institution était de soutenir le travail journalistique, surtout celui des indépendants. Notre initiative partait d'un constat : la majorité des médias palestiniens, en Cisjordanie comme à Gaza, sont dirigés par les factions politiques, ce qui oblige les nouveaux diplômés à travailler pour des médias partisans, ou directement pour des partis, même s'ils n'ont eux-mêmes pas d'appartenance politique. L'idée était donc de soutenir ces jeunes diplômés, leur donner plus de liberté, leur donner de l'expérience. On organisait des formations, des stages. Des journalistes étrangers, français ou suisses entre autres, venaient donner des cours de journalisme, d'investigation, de tournage audiovisuel. C'était vraiment une très belle initiative. On a bien travaillé et la Maison de la presse était devenue un lieu très connu à Gaza, et même en Cisjordanie.

Tous les jeunes diplômés ou presque venaient suivre des cours, écouter des conférences, participer à des ateliers. Nous militions pour la liberté d'expression, dans un pays où il est difficile pour les journalistes d'exercer leur métier, soit à cause des Israéliens, soit à cause des autorités locales.

Bilal, c'était mon partenaire

Le vrai patron de la Maison de la presse, c'était Bilal. C'est vraiment grâce à lui qu'on a eu autant de succès. Bilal Jadallah était un ami que je considérais comme un frère. Nous nous étions rencontrés pendant la guerre de 2009. Malheureusement, il a été tué le 19 novembre 2023. Il était à Gaza-ville et il voulait revenir vers le sud.

Au rond-point Salaheddine, lui et son beau-frère sont descendus de leur voiture pour demander leur chemin, car à partir de là il fallait continuer à pied. Un obus de char a explosé juste à côté d'eux. Bilal a été tué sur le coup par un éclat, son beau-frère a été grièvement blessé, il est mort deux semaines plus tard. Bilal, c'était mon partenaire. On a exercé le métier de « fixeur » ensemble, de journaliste aussi, et on a fondé la Maison de la presse ensemble. Il y avait entre nous une amitié très forte. On a vécu ensemble des aventures pendant les guerres de 2009, de 2012, de 2014. Il ne travaillait pas sur le terrain avec moi, mais nous étions associés.

Nous étions l'opposé l'un de l'autre. J'avais tendance à faire profil bas, pas lui. Il s'énervait rapidement, j'avais tendance à garder mon calme. Il avait des ambitions politiques, pas moi. Même dans le travail, on n'avait pas les mêmes perspectives, on ne voyait pas les choses de la même façon. Mais il m'a toujours considéré comme son conseiller. Dans les pires moments, quand il fallait prendre des décisions importantes, il m'en parlait. Quand je voyais un appel de Bilal tôt le matin ou en fin de journée, je savais qu'il cherchait un conseil pour régler un problème.

Il m'avait tiré d'affaire

Revenons à la Maison de la presse. Bilal y passait toutes ses journées, il y passait plus de temps qu'avec sa famille et ses amis. Grâce à lui, en plus des jeunes diplômés, tous les journalistes, les intellectuels, et même des ambassadeurs, des consuls et des chefs de délégation passaient nous voir.

Nous avions été mis sur les rails grâce à la délégation suisse qui nous avait tout de suite soutenus, suivis par les Norvégiens, les Canadiens et les Français. Il y a eu un effet boule de neige : tout le monde voulait soutenir les journalistes via la Maison de la presse, grâce au travail de Bilal. Non seulement c'était un bon directeur, mais il avait de très bons contacts avec les autorités locales. Nous avions ainsi plus de marge de manœuvre que d'autres personnes isolées politiquement. Bilal a réglé beaucoup de situations difficiles, des arrestations de journalistes par exemple. Il ne l'a pas fait officiellement, en tant que directeur de la Maison de la presse, mais à titre personnel. Moi aussi, quand j'ai eu des difficultés avec les autorités locales et avec le Hamas, il m'avait tiré d'affaire.

Il avait aussi de très bonnes relations en Cisjordanie. C'était important parce qu'en tant qu'association à but non lucratif, nous dépendions du gouvernement de l'Autorité palestinienne, même si c'était le Hamas qui gouvernait à Gaza. Quand on avait un problème, c'était toujours Bilal qui le réglait, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie. Il travaillait beaucoup, il était brillant et tout le monde le connaissait. Durant les derniers mois avant la guerre, quand la Maison de la presse était de plus en plus un lieu de rencontre pour les diplomates, aussi bien que pour les journalistes, il a été tenté de tirer parti de sa notoriété, car il commençait à avoir des ambitions plus politiques que journalistiques. Il voulait faire autre chose que le journalisme. Mais l'obus tiré par le char a mis fin à ses ambitions et à ses rêves.

Nous avons perdu beaucoup de collègues

Aujourd'hui, et à la demande du conseil d'administration, moi qui ai pris la direction de la Maison de la presse. Ce n'était pas du tout mon objectif, je n'aime pas être mis en avant. Mais j'y suis obligé, car il y a beaucoup de questions administratives en suspens : il y a des employés qui n'ont pas perçu leur salaire, des personnes qui ont rendu des services et qui n'ont pas été payées, etc. Tout passait par Bilal, les relations avec la banque, avec l'administration, la signature. On a eu beaucoup de difficultés pour régler tout cela après sa mort. Finalement on s'est mis d'accord pour que je prenne temporairement la direction de l'association, jusqu'à la fin de la guerre.

Le problème, c'est que tous nos projets arrivaient à échéance fin décembre 2023. Avec le début de la guerre en octobre 2023, il n'y avait plus de projets pour 2024. En outre, notre local de Gaza-ville a été détruit en février 2024. Entre temps, Bilal a été tué. Nous avons perdu d'autres collègues très brillants : Ahmad Ftima, qui était le passe-partout de la Maison de la presse, touché directement par un missile de drone. Son fils de cinq ans a été grièvement blessé mais il a survécu. Mohamed Ajaja, responsable des projets administratifs et des demandes de financement. Il a été tué avec sa femme et tous ses enfants dans le bombardement de leur maison. Ces drames nous ont paralysés pendant un bon moment. Maintenant, on a repris le travail, grâce à la Délégation canadienne en Cisjordanie, qui a financé la location d'un nouveau local, l'électricité et une connexion internet grâce à l'énergie solaire. Trouver un local, de l'électricité et une connexion sont autant de défis aujourd'hui pour un journaliste.

Pour tout cela, les prix sont devenus exorbitants. Dans notre local de Gaza-ville, on avait 24 panneaux solaires qui fournissaient 5 kW. Ils nous avaient coûté environ 12 000 dollars (environ 11 000 euros), et on avait de l'électricité 24 heures sur 24. Aujourd'hui, nous avons seulement deux panneaux solaires et des batteries ; tout est d'occasion car plus rien de neuf n'entre dans la bande de Gaza, et le tout nous a coûté… 15 000 dollars (près de 14 000 euros). Pareil pour la ligne internet : à cause des bombardements, l'infrastructure de la compagnie de télécommunication et d'internet a été détruite.

J'espère être à la hauteur

On a d'abord cherché un endroit où on pouvait avoir une connexion. Dès qu'on l'a trouvé, on a commencé à travailler. On va reprendre les projets. Les jeunes journalistes sont très contents de retrouver la plateforme qui va les accompagner, ainsi qu'une source d'électricité et de connexion internet, en plus des cours, des stages etc.

Une ONG française, Supernova, va nous soutenir dès le mois prochain, pour mettre en place des cours et des stages pour les nouveaux diplômés, surtout dans les camps de déplacés. La majorité des jeunes, aujourd'hui, n'ont pas de travail. Ils n'ont rien à faire, et il n'y a plus d'enseignement. Or, comme on le voit avec les réseaux sociaux, la majorité des gens ont des portables et filment ce qui se passe à Gaza, mais de façon aléatoire. Nous avons donc eu l'idée de donner des cours à tous ces jeunes qui sont dans des camps, pour leur apprendre à mieux se servir de leurs téléphones portables. On ne va pas dire qu'ils vont devenir des journalistes, mais au moins on va leur apprendre les bases du métier, pour qu'ils utilisent les images de façon un peu plus professionnelle.

La Maison de la presse manquait à tous. Pendant les guerres précédentes, elle avait toujours gardé ses portes ouvertes. Sur notre site internet, on pouvait voir des centaines de journalistes, locaux ou étrangers, qui nous rendaient visite, et à qui on fournissait tout ce dont ils avaient besoin. Mais dans cette guerre-ci, notre soutien a bien manqué, surtout aux jeunes journalistes palestiniens indépendants qui ont peu de moyens. Avant la guerre, nous avions pu fournir environ 85 gilets pare-balles aux journalistes qui ne travaillent pas pour les grands médias ni pour les grandes boîtes de production.

La Maison de la presse a aidé plusieurs de ces jeunes à monter leur propre boîte, certains sont maintenant très connus, et nous en sommes fiers. Et moi je suis fier de faire partie de cette association, et d'avoir été un frère pour Bilal. J'ai voulu partager cette histoire avec vous, après hésitation, parce que je craignais que les mots ne rendent pas vraiment justice à Bilal, ni à la tristesse qu'a engendrée sa perte. Mais je voulais lui rendre hommage, parler de lui, même avec des mots simples qui ne traduisent pas complètement la tristesse que je ressens, ni mon admiration pour tout ce qu'il a fait. Voilà. J'espère être à la hauteur pendant cette période temporaire, j'espère que la Maison de la presse va continuer jusqu'au bout, parce que c'est un peu notre enfant à tous, mais surtout celui de Bilal. Et j'espère qu'on va préserver son héritage.

25.07.2024 à 06:00

Gaza. Le désinvestissement, l'arme des étudiants de Montréal pour sanctionner Israël

Farah Mekki

Si le campement des étudiants du campus universitaire de McGill contre la guerre génocidaire sur Gaza a été démantelé début juillet, il a permis de mettre en lumière les liens financiers et universitaires de cette université avec Israël. Des relations dont les étudiants et autres personnels académiques des universités montréalaises anglophones et francophones demandent toujours la rupture. Dans la nuit du 9 au 10 juillet, des étudiants et manifestants propalestiniens présents sur le (…)

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Si le campement des étudiants du campus universitaire de McGill contre la guerre génocidaire sur Gaza a été démantelé début juillet, il a permis de mettre en lumière les liens financiers et universitaires de cette université avec Israël. Des relations dont les étudiants et autres personnels académiques des universités montréalaises anglophones et francophones demandent toujours la rupture.

Dans la nuit du 9 au 10 juillet, des étudiants et manifestants propalestiniens présents sur le campement situé à l'entrée du campus de l'université publique McGill se sont vu remettre un avis d'expulsion immédiat. Selon le communiqué de presse de l'administration de l'université, l'installation ferait peser une « menace de plus en plus importante pour la santé et la sécurité ». Quelques heures plus tard, grues, pelleteuses et autres engins de chantiers sont venus détruire les nombreuses infrastructures installées depuis plus de 75 jours.

Les 1er et 15 mai 2024, la Cour supérieure du Québec avait rejeté deux demandes d'injonction temporaire de démantèlement du campement. Les parties devaient de nouveau se retrouver devant le tribunal le 25 juillet, mais la direction universitaire a finalement engagé Sirco, une compagnie de sécurité privée québécoise, devançant ainsi la justice. Cette décision fait suite à l'échec des négociations entre les directions des universités McGill et Concordia — leurs étudiants ayant également établis leur campement à McGill, faute de place sur leur campus — deux universités anglophones de Montréal, et leurs étudiants représentés par les associations Solidarity for Palestinian Human Rights (SPHR).

« Ce campement restera historique et révolutionnaire », affirme Ward (pseudonyme), 20 ans, coordonnateur général de SPHR et étudiant libanais en sciences politiques. « Au Canada, McGill est l'équivalent de l'université Columbia aux États-Unis. Lorsque nous avons vu qu'ils avaient mis en place un campement, nous nous sommes dit qu'il fallait faire la même chose », explique-t-il.

Des investissements meurtriers

Malgré le démantèlement, les revendications des étudiants des universités McGill et Concordia se maintiennent. Ces derniers demandent un « désinvestissement total des contrats » conclus entre leurs universités et des entreprises privées « complices du génocide à Gaza ». D'après les données publiées par McGill, celle-ci a investi près de 73 millions de dollars (67 millions d'euros) dans des entreprises impliquées dans les crimes commis par l'armée israélienne dans les territoires occupés.

Au 31 mars, McGill détenait notamment plus de 500 000 dollars (459 000 euros) d'actions auprès de l'entreprise américaine Lockheed Martin, vendeuse de missiles Hellfire 9X à l'armée israélienne. La société française Safran, dans laquelle McGill a investi près de 1,5 million de dollars (1,38 million d'euros), collabore également avec l'entreprise de technologies militaires israélienne Rafael, pour un projet de systèmes de capteurs avancés et d'intelligence artificielle — une technologie à laquelle l'armée israélienne a eu recours, notamment à Gaza, pour tuer à plus grande échelle. L'investissement de plus de 1,6 million de dollars auprès du groupe Thales, français également et spécialisé dans la défense et l'aérospatial, est aussi pointé du doigt par les étudiants, au vu de sa collaboration avec l'industrie d'équipement militaire israélienne Elbit Systems en juin 2023. Celle-ci a notamment été épinglée dans une déclaration publiée par l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies en 2022, qui a dénoncé l'usage de ses hélicoptères Apache dans le « bombardement des villages libanais et palestiniens » mais également dans « la surveillance massive des Palestiniens » et « le renforcement du contrôle militaire israélien en territoire palestinien occupé ». Ward s'insurge :

L'université utilise notre argent pour collaborer avec Israël, (…) mais nous qui venons du Proche-Orient, nous avons vécu tellement d'injustices [à cause d'Israël] au cours de notre vie, que combattre une de plus ne nous fait pas peur. Nous avons déjà vécu bien pire.

La complicité des banques

Du côté de l'université Concordia, l'administration assure qu'elle « s'est éloignée de certains investissements, notamment dans l'industrie de l'armement », et que les investissements liés à Israël « représentent [seulement] 0,0001 % », sans pour autant publier la liste des actions investies, comme réclamée par les étudiants. « Nous avons été ignorés », déplore Sara Al-Khatib, ancienne membre de SPHR Concordia, tout juste diplômée en affaires publiques et études politiques. À 24 ans, cette jeune palestinienne est membre de Montreal4Palestine, un collectif de jeunes québéco-palestiniens qui organise des manifestations propalestiniennes à Montréal. Elle poursuit : « Je ne sais pas à quoi on s'attendait. Qu'est-ce qu'une université pourrait répondre lorsqu'une de ses étudiantes palestiniennes lui demande explicitement d'arrêter d'investir dans le meurtre de son peuple ? »

Les universités francophones montréalaises font l'objet du même type de revendication. Mais si le conseil d'administration de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) a cédé aux demandes de ses étudiants et a adopté une résolution afin de s'assurer « de n'avoir aucun investissement direct dans des fonds ou compagnies qui profitent de l'armement, et de divulguer chaque année » la liste de ses investissements, l'Université de Montréal (UdeM) rechigne à faire de même. Selon son rapport annuel de 2023, celle-ci possède plus de 9,2 millions de dollars (8,4 millions d'euros) d'actifs dans des banques canadiennes, telles que la Banque Toronto-Dominion, la Banque Royale du Canada, la Banque de Montréal et la Banque Scotia. Or, ces institutions financières ont été épinglées à de nombreuses reprises par la campagne Boycott, désinvestissement sanctions (BDS) Québec pour leurs investissements de plusieurs centaines de millions de dollars dans les entreprises militaires Elbit Systems et General Dynamics.

Cette dernière est la cinquième plus grande entreprise militaire au monde. Elle fournit non seulement une large variété de bombes à l'armée de l'air israélienne, telles que les MK-82 et 84, larguées sur Gaza en 2014 et 2021, mais également les systèmes d'armes et composants des avions de chasse israéliens F-35, F-15 et F-16, impliqués dans le bombardement d'immeubles résidentiels et des bureaux de presse d'Al-Jazira et d'Associated Press à Gaza-ville en 2014. Interrogée quant aux investissements effectués avec son argent, Geneviève O'Meara, la porte-parole de l'Université de Montréal, se défend de « sélectionner les actifs qu'elle détient un à un. […] Les investissements que nous détenons sont dans des portefeuilles de placement plutôt qu'en détention directe et ces portefeuilles sont administrés par des gestionnaires externes d'actifs ».

Des menaces politiques et économiques

Dov Baum, directrice du Centre d'action pour la responsabilité des entreprises et de la recherche de l'American Friends Service Committee (AFSC), basée en Californie, aux États-Unis, dénonce ce type de sophisme.

Si les universités affirment qu'elles n'investissent pas directement dans ces entreprises, cela signifie qu'elles peuvent donc être capables de publier une déclaration dans laquelle elles s'engagent publiquement à ne pas y investir. Ce ne devrait pas être un effort, puisqu'elles n'investissent pas directement.

Depuis 2005, l'organisation dont elle est membre collecte, trie et publie des informations « publiques mais difficilement trouvables » sur les entreprises impliquées dans les violations des droits de la personne en Palestine, et les met à disposition des militants nord-américains. Selon elle, si les dirigeants universitaires s'opposent tant au désinvestissement, c'est parce qu'ils feraient face à des pressions conséquentes : « D'abord politiques, car ils ont peur de représailles et d'être taxés d'antisémites par des représentants étatiques et autres lobbys, mais aussi économiques, parce qu'ils perdraient beaucoup de donateurs, donc d'argent. » Or, le désinvestissement demeure un moyen de pression efficace :

Le gouvernement israélien est capable de continuer ce génocide et de profiter de cette impunité parce qu'il reçoit encore trop de soutien direct des Européens et des Américains, notamment à travers la complicité de ces entreprises.

L'alibi de la liberté universitaire

Outre les investissements des universités québécoises, certains accords de collaboration conclus avec des institutions universitaires israéliennes sont également jugés problématiques, y compris par les professeurs. « Les universités israéliennes ne sont pas des oasis de valeurs libérales où l'on cultive l'esprit critique », dénonce Dyala Hamzah, professeure d'histoire du monde arabe contemporain à l'Université de Montréal et membre de BDS-Québec.

McGill et l'Université de Montréal entretiennent notamment des accords de collaboration incluant des programmes de recherche scientifique avec l'Université Ben-Gourion dans le Néguev, l'Université hébraïque de Jérusalem ainsi que celle de Tel-Aviv. Celui avec l'Université d'Ariel, située en territoire palestinien occupé, a toutefois été « suspendu à l'automne dernier » de manière « indéfinie », précise Geneviève O'Meara. Ces établissements accueillent non seulement les programmes militaires Talpiot et Havatzalot, mais également le développement de stratégies, telles que la « doctrine Dahiyeh ». Développée par l'armée israélienne dans le cadre de la guerre au Liban en 2006, celle-ci préconise une force de frappe disproportionnée et le ciblage des infrastructures civiles pour imposer des processus de reconstruction longs et couteux. « Il est inconcevable pour des institutions occidentales qui se réclament de valeurs libérales et s'inscrivent dans une tradition humaniste de cultiver des rapports avec ces universités qui commercent avec la mort », poursuit Dyala Hamzah.

En mars 2024, l'administration McGill avait déclaré prendre la décision de ne « pas couper les ponts avec les universités et les instituts de recherche israéliens », au nom du principe de liberté universitaire des chercheurs. Même son de cloche du côté de l'Université de Montréal. Dyala Hamzah qui tente, en vain, de faire voter une résolution de boycott à l'Assemblée universitaire visant à suspendre ces accords, est pourtant formelle : les universités israéliennes jouent un rôle direct dans le maintien du système colonial et de l'occupation de la Palestine. « Boycotter les universités israéliennes ne permettra pas aux Palestiniens de retrouver leur liberté et de vivre en harmonie avec leurs voisins juifs israéliens dans l'immédiat, explique-t-elle. Mais retirer à Israël la possibilité de mobiliser du soft-power et de blanchir ses crimes à travers ces accords, c'est procéder à son isolement politique, économique et social. » La professeure précise que ce mouvement de boycott ne vise pas les individus, mais cible les institutions :

Oui, nous risquons de perdre des collègues et d'interrompre des projets de collaboration. Il n'y a pas de boycott sans dommages collatéraux, mais un génocide est en cours. Le boycott n'est pas une coquetterie, c'est un acte de résistance.

À l'Université de Montréal, les activités privées du chancelier Frantz Saintellemy provoquent également un malaise au sein du corps professoral et étudiant. L'homme d'affaires de 48 ans s'avère être le président et chef d'exploitation de LeddarTech, une entreprise québécoise implantée en Israël, spécialisée dans la construction de logiciels automobiles pour des systèmes de conduite autonome. LeddarTech, dont sept employés ont été envoyés en tant que réservistes à Gaza après le 7 octobre, est également membre du consortium militaire Autonomous Vehicle Advanced Technologies for Situational Awareness (AVATAR). Les étudiantes membres du Collectif UdeM Palestine ont lancé une pétition en ligne, exigeant notamment de Daniel Jutras, le recteur de l'université, une transparence sur le lien entretenu par l'entreprise du chancelier avec le secteur de défense et d'industrie militaire israélienne. La porte-parole de l'Université de Montréal assure que « le chancelier est nommé par le Conseil de l'Université et n'a pas, dans le cadre de ses fonctions à l'UdeM, de rôle dans le choix des partenaires académiques ou de recherche de l'Université, pas plus que dans le choix des investissements du fonds de dotation ». Mais pour Dyala Hamzah, le conflit d'intérêts est évident : « Le chancelier dirige une entreprise opérant aux côtés de compagnies qui se trouvent au cœur du complexe militaro-industriel israélien, à savoir, Rafael et Elbit Systems », et de conclure :

L'Université de Montréal ne peut pas se présenter comme un établissement humaniste, cultivant le savoir et l'esprit critique et célébrant les cultures, tout en étant dirigée ou associée à des marchands de mort au service d'un projet ethnonational.

23.07.2024 à 19:31

Au Soudan, résister en dessinant

Louise Aurat

Contraints de fuir la guerre qui ravage leur pays depuis plus d'un an, les dessinateurs soudanais mettent leur talent au service de l'information et de la paix malgré les dangers. Lancé début 2024, le magazine en ligne Khartoon Mag vise à les soutenir et à donner une visibilité à leurs caricatures.

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Contraints de fuir la guerre qui ravage leur pays depuis plus d'un an, les dessinateurs soudanais mettent leur talent au service de l'information et de la paix malgré les dangers. Lancé début 2024, le magazine en ligne Khartoon Mag vise à les soutenir et à donner une visibilité à leurs caricatures.

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