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Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Think tank français spécialisé sur les questions géopolitiques et stratégiques

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05.09.2025 à 17:56

Trump – Maduro : bras de fer autour du narcotrafic

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En Amérique latine, la rentrée géopolitique s’annonce chargée. Au-delà des nombreuses élections présidentielles et législatives à venir, la politique extérieure de Donald Trump renforce une atmosphère de tensions sur le continent et ce particulièrement avec le Venezuela de Maduro. Au cœur de ces tensions se trouve le narcotrafic et l’éternelle « guerre contre la drogue » menée par Washington. Le 25 juillet 2025, de nouvelles organisations ont été ajoutées sur la liste américaine des organisations de terrorisme global, une décision ouvrant la voie à une légitimation d’interventions militaires. Parmi celles-ci figure notamment le « Cartel de los Soles », que Trump considère comme dirigé par Maduro lui-même. Nouvelle chronique de l’Amérique latine avec Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS, responsable du Programme Amérique latine/Caraïbe.

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En Amérique latine, la rentrée géopolitique s’annonce chargée. Au-delà des nombreuses élections présidentielles et législatives à venir, la politique extérieure de Donald Trump renforce une atmosphère de tensions sur le continent et ce particulièrement avec le Venezuela de Maduro. Au cœur de ces tensions se trouve le narcotrafic et l’éternelle « guerre contre la drogue » menée par Washington. Le 25 juillet 2025, de nouvelles organisations ont été ajoutées sur la liste américaine des organisations de terrorisme global, une décision ouvrant la voie à une légitimation d’interventions militaires. Parmi celles-ci figure notamment le « Cartel de los Soles », que Trump considère comme dirigé par Maduro lui-même. Nouvelle chronique de l’Amérique latine avec Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS, responsable du Programme Amérique latine/Caraïbe.

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05.09.2025 à 14:22

25ème sommet de l’OCS : Pékin au centre d’un nouvel ordre mondial ?

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Le 25ème sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) s’est tenu les 31 août et 1er septembre en Chine, à Tianjin. Réunissant une vingtaine de chefs d’État et de gouvernement eurasiatiques, ce sommet a pris place dans un contexte international de remise en question du concept de « monde occidental » sous la politique extérieure de Trump II et de rédefinition d’un nouvel ordre mondial. Quelles leçons peut-on tirer de ce sommet ? Que révele-t-il du positionnement stratégique de Pékin sur la scène international ? Quel enjeu a représenté la présence du Premier ministre indien pour Pékin ? Le point avec Emmanuel Lincot, directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique. Quels étaient les enjeux de ce sommet et quel bilan peut-on en dresser ? Ce sommet avait tout de la rencontre de circonstance entre amis et notamment entre Xi Jinping et Vladimir Poutine (qui en sont depuis à leur soixantième rencontre…). Leur leitmotiv est la « paix » et un « nouvel ordre international, plus juste ». Or, comment peut-on aspirer à un nouvel ordre international s’il ne repose pas sur des règles de droit ? Il existe une instance pour cela, c’est l’ONU. Ainsi, l’Organisation de coopération de Shanghai ne propose rien d’autre que de l’arbitraire et l’intimidation par le recours à la force. Cependant, à la différence de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) crée par les Russes en 2002 ou de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’OCS ne dispose d’aucune force de projection. Le sommet de Tianjin avait pour objet, sur le plan de la rhétorique, de formuler une menace adressée aux démocraties, pas seulement celles du vieux continent ou de l’Amérique mais également aux démocraties asiatiques, et sur un mode très éculé qui est celui du rapport schmittien (en référence au théoricien Carl Schmitt) de l’ami et de l’ennemi. […]

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Texte intégral (1195 mots)

Quels étaient les enjeux de ce sommet et quel bilan peut-on en dresser ?

Ce sommet avait tout de la rencontre de circonstance entre amis et notamment entre Xi Jinping et Vladimir Poutine (qui en sont depuis à leur soixantième rencontre…). Leur leitmotiv est la « paix » et un « nouvel ordre international, plus juste ». Or, comment peut-on aspirer à un nouvel ordre international s’il ne repose pas sur des règles de droit ? Il existe une instance pour cela, c’est l’ONU. Ainsi, l’Organisation de coopération de Shanghai ne propose rien d’autre que de l’arbitraire et l’intimidation par le recours à la force. Cependant, à la différence de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) crée par les Russes en 2002 ou de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’OCS ne dispose d’aucune force de projection. Le sommet de Tianjin avait pour objet, sur le plan de la rhétorique, de formuler une menace adressée aux démocraties, pas seulement celles du vieux continent ou de l’Amérique mais également aux démocraties asiatiques, et sur un mode très éculé qui est celui du rapport schmittien (en référence au théoricien Carl Schmitt) de l’ami et de l’ennemi. Encore faudrait-il que ladite Organisation partage un certain consensus entre ses membres. Peut-on sérieusement imaginer que Pakistanais et Indiens se réconcilient sous son égide après leur accrochage au Cachemire en avril dernier ? Certainement pas. Quoique les Russes soient attachés à cette idée d’une communauté de partage – depuis l’époque où Evgueni Primakov, ministre des Affaires étrangères de la toute jeune Fédération de Russie avait esquissé le projet d’une tripolarité partagée entre Moscou, Pékin et New Delhi -, elle relève évidemment de l’utopie. Même si Narendra Modi semblait y souscrire par des élans d’amabilité, cette mise en scène lui permettait surtout de manifester sa colère après les sanctions prises par Donald Trump à l’encontre de l’Inde. Deux dirigeants, en termes d’image, ont bénéficié de ce sommet. Vladimir Poutine bien sûr, qui réhausse ainsi son prestige international quelques semaines après sa rencontre avec Donald Trump à Anchorage, mais aussi le président iranien Massoud Pezechkian qui sort à son tour de l’isolement après les bombardements israéliens et américains contre son pays. Enfin, Xi Jinping confirme son retour sur la scène nationale et mondiale alors que son absence au sommet des BRICS, et les décisions prises par le Politburo le marginalisant, alimentaient un très grand nombre de spéculations sur son état de santé voire sur sa destitution possible.

Ce sommet a été marqué par le retour de Narendra Modi sur le sol chinois pour la première fois depuis le conflit frontalier sino-indien dans la vallée de la Galwan en 2020. Que traduit cette rencontre de l’évolution des rapports de force entre les deux géants asiatiques, notamment du côté de la Chine ? Peut-on parler d’un renforcement stratégique pour l’OCS ?

L’objectif pour la Chine est d’arrimer l’Inde au projet des Nouvelles Routes de la soie que rejette New Delhi depuis son lancement en 2013 pour une raison simple : le volume d’échanges commerciaux est asymétrique et l’adhésion indienne creuserait davantage cet écart. Mais il s’agit par ailleurs pour la diplomatie chinoise d’attirer l’Inde dans sa mouvance avec le soutien de Moscou pour fragiliser l’Indopacifique. Peut-elle y parvenir ? Difficilement quand on sait qu’il existe bien des pierres d’achoppement entre les deux pays. Que ce soit leur contentieux frontalier, la question tibétaine et la construction du barrage sur le Brahmapoutre sans oublier le soutien de la Chine au Pakistan. Enfin, Narendra Modi garde le souvenir traumatisant de la défaite militaire indienne de 1962. Depuis lors, pour la majorité des Indiens, l’ennemi c’est la Chine. On l’imagine mal aller à l’encontre de ce sentiment très largement partagé.

Quelques jours après ce sommet, Pékin a accueilli les commémorations du 80ᵉ anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale le 3 septembre, auxquelles Vladimir Poutine et Kim Jong-un ont pris part. Que révèle cet événement sur le positionnement stratégique de la Chine et ses affinités diplomatiques ?

C’est une façon pour le régime chinois de rappeler la contribution du pays à l’effort de la Seconde Guerre mondiale avec ses vingt millions de morts. Au reste, personne ne le conteste, même s’il est piquant d’observer que le Parti communiste s’arroge cette victoire en Asie orientale alors qu’en 1945 ce sont la République de Chine et le Guomindang qui avaient obtenu la reddition du Japon. Ce révisionnisme fait partie du narratif que défend le régime. Le défilé du 3 septembre permettait aussi pour le régime de montrer de nouveaux équipements militaires, notamment des missiles hypersoniques, mais aussi des batteries antiaériennes laser pouvant abattre des satellites ennemis. Cette parade militaire ainsi que la posture de Xi Jinping donnaient l’image d’une société ordonnée, sérieuse et volontaire. Un contraste abyssal assurément comparé à celle qu’adresse Donald Trump et les États-Unis au reste du monde. La présence de Kim Jong-un est une victoire diplomatique pour le dirigeant nord-coréen. Plus implicitement pour les Chinois, sa présence permet d’adresser un message aux Russes. La signature d’un accord d’assistance mutuelle en juin 2024 entre Pyongyang et Moscou avait été plutôt mal pris par Pékin. Désormais Xi Jinping rappelle qu’il est le maître des horloges et que rien ne se fera sans considérer la position de Pékin.

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04.09.2025 à 19:42

Le monde occidental est mort, mais l’Europe l’ignore

stagiairedecomm@iris-france.org

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche n’a pas pour effet une simple évolution, fût-elle significative, de la politique étrangère des États-Unis. Il provoque une révolution stratégique structurelle, un changement d’ordre mondial, qui se traduit par une remise en cause globale de celui issu de la Seconde Guerre mondiale. Avis de décès du « monde occidental » Le monde occidental tel que nous le connaissons depuis la sortie de la Seconde Guerre mondiale n’existe plus. En 1946, Winston Churchill dénonçait publiquement l’établissement d’un rideau de fer qui coupait l’Europe en deux. En 1947, Harry S. Truman déclarait que les États-Unis prenaient la tête du monde libre. En 1949 était créée l’Alliance atlantique, première alliance signée par les États-Unis en temps de paix, et dotée l’année suivante d’une structure civile et militaire permanente et intégrée : l’OTAN. Tout ceci a été mis en pièces par Donald Trump en quelques jours. Entre autres amabilités, il déclarait depuis la Maison-Blanche le 26 février 2025 : « Soyons honnêtes, l’Union européenne a été conçue pour entuber les États-Unis ». Le vice-président Vance s’adressait aux Européens à Munich, lors de la Conférence sur la Sécurité, quelques jours plus tôt, le 14 février : « L’Amérique ne peut rien faire pour vous et il n’y a rien que vous puissiez faire pour le peuple américain. » Les États-Unis, dont la puissance avait été dopée pendant la Seconde Guerre mondiale, assuraient la protection des pays d’Europe occidentale contre la menace soviétique. L’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord prévoyait l’engagement mutuel des pays membres en cas d’agression militaire contre l’un d’entre eux « en Europe ou en Amérique du Nord ». En réalité, c’était la garantie américaine d’intervenir en Europe pour empêcher l’URSS d’avancer. En échange de cette protection (dont aucune n’est jamais gratuite), les États-Unis bénéficiaient d’une influence forte et globale sur les pays européens. […]

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Texte intégral (3919 mots)

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche n’a pas pour effet une simple évolution, fût-elle significative, de la politique étrangère des États-Unis. Il provoque une révolution stratégique structurelle, un changement d’ordre mondial, qui se traduit par une remise en cause globale de celui issu de la Seconde Guerre mondiale.

Le monde occidental tel que nous le connaissons depuis la sortie de la Seconde Guerre mondiale n’existe plus. En 1946, Winston Churchill dénonçait publiquement l’établissement d’un rideau de fer qui coupait l’Europe en deux. En 1947, Harry S. Truman déclarait que les États-Unis prenaient la tête du monde libre. En 1949 était créée l’Alliance atlantique, première alliance signée par les États-Unis en temps de paix, et dotée l’année suivante d’une structure civile et militaire permanente et intégrée : l’OTAN. Tout ceci a été mis en pièces par Donald Trump en quelques jours. Entre autres amabilités, il déclarait depuis la Maison-Blanche le 26 février 2025 : « Soyons honnêtes, l’Union européenne a été conçue pour entuber les États-Unis ». Le vice-président Vance s’adressait aux Européens à Munich, lors de la Conférence sur la Sécurité, quelques jours plus tôt, le 14 février : « L’Amérique ne peut rien faire pour vous et il n’y a rien que vous puissiez faire pour le peuple américain. »

Les États-Unis, dont la puissance avait été dopée pendant la Seconde Guerre mondiale, assuraient la protection des pays d’Europe occidentale contre la menace soviétique. L’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord prévoyait l’engagement mutuel des pays membres en cas d’agression militaire contre l’un d’entre eux « en Europe ou en Amérique du Nord ». En réalité, c’était la garantie américaine d’intervenir en Europe pour empêcher l’URSS d’avancer. En échange de cette protection (dont aucune n’est jamais gratuite), les États-Unis bénéficiaient d’une influence forte et globale sur les pays européens.

Sous De Gaulle, la France, pays membre du Conseil de sécurité de l’ONU, décidait d’autonomiser sa sécurité et ainsi de mener une diplomatie indépendante. La possession de l’arme nucléaire lui permettait de sortir des organes militaires intégrés de l’OTAN. Les autres pays trouvaient le prix de la dépendance supportable, à tel point qu’ils ont voulu la conserver après la disparition de la menace soviétique.

La Russie, par la suite, a été traitée comme le vaincu de la guerre froide, non comme le partenaire de la possible édification d’un nouvel ordre mondial. Les États-Unis ont constamment freiné les efforts de Berlin, Paris, et quelques autres Européens, de développer une relation trop forte avec Moscou. Ils ont été aidés en cela par les nations européennes ultra-atlantistes (Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, etc.), et par les nouveaux venus baltes et polonais, chez lesquels l’histoire a laissé un puissant degré d’hostilité à l’égard de Moscou.

La confiance dans la crédibilité de la garantie américaine avait été ébranlée par le premier mandat de Donald Trump – Emmanuel Macron évoquait la « mort cérébrale de l’OTAN » en novembre 2019 – puis par la débâcle de Kaboul en août 2021 lorsque les États-Unis ont quitté l’Afghanistan dans l’urgence et le désordre.

Mais la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine, le 24 février 2022, allait être le bain de jouvence de l’OTAN.

L’ensemble des pays européens estimait alors que seule la protection de Washington les mettait à l’abri de la menace militaire russe, implorait Washington de muscler ses dispositifs militaires en Europe, augmentait drastiquement leurs budgets militaires ce qui se traduisait par une acquisition plus importante de matériels militaires auprès des États-Unis. 63 % des acquisitions d’équipements militaires des pays européens en dehors de leurs marchés nationaux se sont fait auprès des États-Unis (sur la période 2022-mai 2023)[1].

La Suède et la Finlande mettaient fin à leur neutralité pour rejoindre l’OTAN. Le projet français d’autonomie stratégique pour l’Europe paraissait tellement décalé qu’Emmanuel Macron le mettait en sourdine pour se fondre dans une orthodoxie euroatlantiste. Le discours qu’il prononçait le 31 mai 2023 dans le cadre du Sommet Globsec – sur la sécurité – à Bratislava (Slovaquie) actait ce changement de cap. Voulant s’attirer les bonnes grâces des pays de l’Est de l’Union européenne, il est allé jusqu’à mettre en cause les critiques de Jacques Chirac à leur égard, alors qu’ils étaient favorables à la guerre en Irak. Emmanuel Macron déclarait : « Nous n’avons pas toujours assez entendu cette voix que vous portiez, qui appelait à reconnaître votre histoire et vos mémoires douloureuses. D’aucuns vous disaient alors que vous perdiez des occasions de garder le silence. »[2] Jacques Chirac avait en effet déclaré qu’ils avaient « manqué une occasion de se taire »[3].

Les pays européens qui avaient bloqué depuis 2004 les tentatives de rapprochement avec Moscou étaient reconnus comme lanceurs d’alerte, Paris et Berlin faisant amende honorable de leurs contacts antérieurs avec la Russie.

Quand il arrive à la Maison-Blanche en janvier 2021, Joe Biden apparaît comme protecteur, bienveillant et bienvenu après les méthodes grossières de Donald Trump. Son programme d’Inflation Reduction Act, pourtant perçu comme dévastateur pour l’industrie européenne qui était incitée à se délocaliser aux États-Unis, ne suscitait que des protestations sans effet tant du côté du chancelier allemand Olaf Scholz que du président français Emmanuel Macron. Le prix à payer pour une protection stratégique.

Mais la guerre en Ukraine qui a permis à l’OTAN de s’autodésigner comme « l’Alliance la plus solide de tous les temps »[4], a également signé son arrêt de mort, du moins tel qu’elle existait depuis sa création.

Donald Trump, déjà réticent à être tenu par le jeu de l’Alliance en temps de paix lors de son premier mandat, ne voulait plus l’être en temps de guerre, conformément à ses promesses de campagne.

L’OTAN continuera d’exister, mais comme un astre mort. Nul ne peut plus être certain que les États-Unis se porteraient au secours des Européens en cas de besoin. Ce qui faisait le cœur de l’organisation a cessé de battre.

Les États-Unis ne sont non seulement plus le protecteur des Européens, mais ils pourraient en être le prédateur. Donald Trump considère que l’Union européenne est un ennemi qui a été créé pour « entuber » les États-Unis. Il menace directement de porter atteinte à l’intégrité territoriale de deux membres fondateurs : le Canada et le Danemark, dont il convoite le Groenland et où il se permet d’exercer une campagne d’influence auprès des habitants, ingérence caractérisée.

Pour lui, l’alliance est une source d’obligations pesantes et inutiles, alors que les accords bilatéraux, au coup par coup, sont bien plus avantageux pour les États-Unis qui peuvent plus facilement imposer un rapport de force.

Ayant promis de résoudre la guerre en Ukraine en 24 heures, il fait pression sur Volodymyr Zelensky pour que ce dernier, privé de tout soutien américain, n’ait pas d’autre solution que d’accepter un accord conclu sur sa tête — et sur celle des Européens — entre Moscou et Washington. Les alliés européens ne sont pas consultés pour la suite des opérations.

Alors que les Européens, poursuivant une ligne déterminée en commun avec Washington, considèrent que Vladimir Poutine, contre lequel un mandat d’arrêt a été émis par la CPI, est infréquentable, Donald Trump le reçoit en grande pompe et sous ses applaudissements à Anchorage (Alaska) le 15 août 2025, prenant à contre-pied toutes les capitales des autres membres de l’OTAN. Il le fait sans concertation en poursuivant un agenda purement national.

La position de Donald Trump à propos de l’Ukraine est un mélange de réalisme et de désinvolture. L’erreur fondamentale des Européens dans cette affaire est de n’avoir jamais fixé eux-mêmes leurs propres buts de guerre.

Les pays occidentaux, adhérant sans réserve aux buts de guerre de Volodymyr Zelensky – récupérer tous les territoires perdus depuis le début de la guerre, y compris la Crimée ; faire payer par la Russie des dommages de guerre ; et faire juger Vladimir Poutine par la CPI – s’inscrivaient dans une logique qui avait une cohérence morale et juridique, mais qui, hélas, était totalement irréaliste. Par ailleurs, l’attitude des pays occidentaux sur la guerre de Gaza rendait moins crédible leur attachement viscéral au respect du droit international et du droit humanitaire.  

Avec une population réduite à 30 millions d’habitants contre 145 pour la Russie, impossible pour l’Ukraine de renverser le cours de la guerre, sauf à ce que ses soutiens occidentaux envoient massivement des troupes combattre à ses côtés pour compenser le déficit démographique. Mais cela aurait signifié le début d’une troisième guerre mondiale.

Sur ce point, Donald Trump ne fait que reconnaître une réalité que les Européens et l’administration Biden continuaient de se masquer. Mais en jetant Volodymyr Zelensky soudainement et brutalement du bus, en ne voulant pas faire pression sur Moscou, il donnait moins de motifs à Vladimir Poutine de parvenir à une paix négociée.

Alors que Donald Trump a bel et bien signifié aux Européens qu’il leur donnait congé, que pour lui l’Alliance atlantique était un astre mort, ces derniers, au lieu d’en prendre acte et de passer à autre chose, ont tout fait pour tenter de réanimer la flamme. Alors que le chancelier allemand Friedrich Merz avait déclaré que l’Allemagne devait devenir indépendante des États-Unis[5], que le président français remettait sur la place publique le concept d’autonomie stratégique européenne, très rapidement, l’irénisme l’a emporté sur le réalisme. Tels des amants éconduits désespérés, les Européens ont tout fait pour reconquérir le cœur de Donald Trump, quitte à aller très loin dans les concessions. La peur que la Russie suscite les conduit à penser qu’il n’y a pas d’autre option que d’être protégés par Washington. Ils pourraient pourtant penser qu’embourbée en Ukraine, la Russie n’est pas prête à s’attaquer à l’Union européenne et qu’ils ont pour eux un laps de temps pour tenter de bâtir une autonomie plutôt que de prolonger et même d’aggraver la dépendance. C’est le choix qui a été fait sous la poussée du chancelier allemand et de la présidente du Conseil italien, aiguillonnés en dehors de l’Union européenne par le Premier ministre britannique, sous la conduite de la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen. Celle qui, en d’autres temps, avait plaidé pour une Commission géopolitique sera l’incarnation de la soumission.

Celle-ci a eu lieu en plusieurs étapes. Au sommet de l’OTAN de juin 2025, les pays européens, pourtant sceptiques, ont accepté, à la seule fin de plaire à Donald Trump, de porter leurs dépenses militaires à 5 % du PIB. Seul le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a eu le courage de s’y opposer publiquement et de montrer l’inutilité et l’inanité de cette mesure. Le tout au moment même où Donald Trump réaffirmait qu’il y avait plusieurs façons d’interpréter l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. Les pays européens se réjouissaient que le président des États-Unis ait consenti à se rendre au sommet. Ils avaient d’ailleurs réduit la durée du sommet pour être sûrs qu’il le fasse. On se satisfait de peu. Mais l’ampleur des concessions allait s’accentuer. La présidente de la Commission acceptait de se rendre dans le golf privé du président américain situé en dehors du territoire de l’Union européenne en Écosse. Imagine-t-on le président américain se déplacer sur le lieu de villégiature de la présidente de la Commission ? Au moins n’a-t-elle pas attendu trois jours les pieds dans la neige comme l’empereur germanique Henri IV à Canossa. Elle venait négocier un accord commercial particulièrement déséquilibré puisqu’impliquant une taxation des produits européens à hauteur de 15 %, dont les produits exportés par les États-Unis étaient en revanche exemptés. De nouveau, les responsables européens se sont satisfaits d’une situation déséquilibrée, parce qu’elle aurait pu être pire. En juillet, la même présidente s’était en revanche montrée inflexible face à Pékin dans un sommet Union européenne-Chine, à propos de la guerre en Ukraine, des enjeux commerciaux et de Taïwan.

Enfin, de peur que les États-Unis n’abandonnent totalement l’Ukraine, les dirigeants européens venaient en référer à Washington, accompagnaient Volodymyr Zelensky et acceptaient, en étant reconnaissants, de payer eux-mêmes à hauteur de 90 milliards les fournitures d’armes américaines à l’Ukraine. Donald Trump faisait coup double : il satisfaisait son électorat en montrant qu’il n’y avait plus de dépenses inutiles en faveur de l’Ukraine et faisait payer la note en alimentant son complexe militaro-industriel par les Européens. Pour couronner le tout, on apprenait qu’il ne demandait rien de moins qu’à l’Europe de démanteler sa réglementation et sa régulation des géants numériques américains.

En réalité, jamais un président des États-Unis n’avait été aussi exigeant avec les Européens, même au plus fort de la guerre froide. Et jamais les Européens n’avaient à ce point pratiqué l’asservissement volontaire. Or ces derniers étaient dans une situation de menace militaire existentielle face à l’Union soviétique, et ils bénéficiaient alors de la protection des États-Unis qui exerçaient un leadership bienveillant sur eux. Ils font désormais face à une menace militaire bien réelle, mais moins importante que du temps de l’URSS, avec des États-Unis qui ne garantissent aucune protection, mais qui veulent les voir alignés sur eux. Si l’Europe cède sur l’enjeu numérique, on pourra affirmer que Trump a repris avec succès à son compte le concept de « souveraineté limitée » développé par Brejnev en 1968, faisant des États européens l’équivalent des États satellites de Moscou du temps de la guerre froide.

Croire que faire des concessions à Donald Trump pourrait l’amadouer est une faute stratégique. Il ne peut en déduire que l’Union européenne est en position de faiblesse et qu’il peut donc exiger plus. Donald Trump ne fait pas de distinction en fonction de la nature des régimes, comme le faisaient officiellement ses prédécesseurs. Sa ligne de clivage est entre les faibles et les puissants, et les Européens lui apparaissent comme étant faibles. De surcroît, c’est également le message que l’Union européenne envoie au reste du monde.

Donald Trump ne se contente pas de remettre en cause la solidité du bloc atlantique. C’est tout l’ordre mondial qu’il veut remettre en cause, et cela a des répercussions sur le concept de « famille occidentale ». Pour lui, le droit international est une contrainte illégitime, venant entraver le libre exercice de la puissance américaine. Il veut remettre en cause la lente et difficile édification d’un monde régulé par le droit — certes encore très imparfait, mais néanmoins préférable au monde d’avant la Seconde Guerre mondiale, où seuls les rapports de force comptaient. L’ONU, les organisations internationales, le multilatéralisme, le droit international et tout ce qui faisait le credo des Occidentaux (quitte à ne pas les respecter totalement dans les faits) ne comptent plus. Donald Trump souhaite ne plus avoir à rendre de compte.

Face à ce lâchage américain, les Européens auraient pu choisir le sevrage vis-à-vis de leur dépendance et bâtir sur le long terme. Ils semblent ne pas vouloir le faire : la dépendance a créé un habitus trop fort. Mais surtout, ils auraient pu se distinguer de Donald Trump sur le plan des valeurs : sa mise en cause constante du droit international, ses attaques incessantes contre les Nations unies et le système multilatéral, sa détestation des organisations internationales, la brutalité de son comportement, la grossièreté de ses propos, le mépris affiché pour l’ensemble des autres civilisations ou nations, sa confiance illimitée dans le hard power et son rejet du soft power sont aux antipodes des principes affichés de l’Union européenne. Cette dernière aurait pu capitaliser, notamment à l’égard des pays dudit « Sud global », en se distinguant des États-Unis. Le problème, c’est qu’en le faisant, elle ne mettait qu’en lumière ses propres contradictions, notamment par rapport à la situation en cours à Gaza et son attitude face à Israël. Alors qu’elle avait affirmé dans un premier temps son soutien inconditionnel (comment peut-on, en n’importe quelle circonstance, afficher le caractère inconditionnel d’un soutien, sauf à ouvrir la voie au pire ?), elle commençait à émettre des protestations légères après quelques mois de bombardements visant en particulier les civils, allant même jusqu’aux condamnations verbales par la suite, sans jamais passer aux sanctions, montrant surtout son impuissance, qui ne peut être comprise que comme une complicité. Et mettre en cause sa crédibilité tant stratégique que morale.

Au moment où les États du Sud s’imposent de plus en plus sur la scène internationale, les pays occidentaux ont élargi le fossé qui les en sépare. Leur insistance à ce que ces pays prennent les mêmes sanctions contre la Russie a particulièrement irrité. Les États du Sud estiment qu’ils n’ont pas à se mêler à une guerre européenne, les Occidentaux n’ayant jamais été sanctionnés pour celles qu’ils ont menées — et le terme même de sanctions leur rappelle l’ère coloniale.

Les arguments moraux employés par les Occidentaux à l’appui de leur demande de sanctions suscitaient le scepticisme, renforcé par rapport à leur inaction vis-à-vis du dossier palestinien avant le 7 octobre 2023, auquel a succédé la colère. Si acquérir des territoires par la force et bombarder des civils est en effet inacceptable, pourquoi prendre des sanctions dans un cas… et livrer des armes dans un autre ?

La France, qui pouvait porter un message de rapprochement avec le Sud, a réorienté sa diplomatie en privilégiant plus encore la cohérence européenne et occidentale, réduisant sa voilure gaullo-mitterrandiste, phénomène entamé sous Sarkozy, puis renforcé sous Hollande.

Le président Macron estime que les nouvelles circonstances nécessitent de se rapprocher des pays d’Europe du Nord, de la Pologne et des pays baltes pour n’être pas isolé. Mais n’est-ce pas au prix d’une dilution des positions françaises ? Qui a fait le plus grand mouvement vers l’autre ?

Mais surtout, la France a beaucoup perdu en crédibilité et en prestige auprès des pays du Sud. Elle semble plus faire bloc avec les Occidentaux. Sur le Proche-Orient, elle apparait plus timide qu’autrefois, la reconnaissance de la Palestine apparaissant bienvenue, mais tardive. C’est l’Espagne qui semble désormais incarner le rôle de puissance d’équilibre avec les pays du Sud, mais sans l’historicité et les capacités de la France sur le plan diplomatique et stratégique. La non-condamnation de la guerre lancée par Israël contre l’Iran en juin 2025 a renforcé cette idée que la France avait choisi l’alliance civilisationnelle occidentale contre le strict respect du droit international.

Au moment où la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique, l’Afrique du Sud et bien d’autres résistent à l’imperium américain, les pays européens, obnubilés par la peur de la Russie, lui cèdent. L’influence américaine se réduit en grande partie dans le Sud global et se renforce en Europe. L’Union européenne souffre de somnambulisme stratégique. Le réveil risque d’être brutal.


[1] Jean-Pierre Maulny, « The Impact of the War in Ukraine on the European Defence Market », Policy Paper, IRIS (septembre 2023).

[2] Élysée, « Discours de clôture du président de la République lors du Sommet Globsec à Bratislava », 31 mai 2023

[3] « Jacques Chirac critique la position pro-américaine des futurs membres de l’UE », Le Monde, 18 février 2003

[4] OTAN, « Déclaration du Sommet de Washington », 10 juillet 2024

[5] Propos tenus sur la chaîne télévisée allemande ARD le 23 février 2025

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