29.05.2025 à 10:19
Sergueï Medvedev
Discours à la conférence Lennart Meri à Tallinn.
<p>Cet article De l’empire de Staline à celui de Poutine, la Russie reste un défi existentiel pour l’Occident a été publié par desk russie.</p>
Ce texte est la transcription du discours prononcé par l’auteur à la conférence annuelle Lennart Meri à Tallinn, le forum le plus prestigieux consacré à la sécurité dans les pays baltes, et même dans toute l’Europe de l’Est et du Nord. En quatre thèses, le politologue russe exilé explique que la guerre est la nouvelle norme en Russie et que l’Occident est en train de la perdre. La seule solution réelle se résume à trois mots : défaite, occupation, démembrement, mais la volonté politique qui aboutirait à ce résultat n’existe pas.
Comment l’Occident doit-il envisager ses relations avec la Russie après la guerre ? J’ai à ce sujet les quatre thèses suivantes :
1. Il n’y aura pas d ‘ « après la guerre » – c’est une illusion, une projection de nos souhaits.
La guerre est la nouvelle norme, le nouvel état de la Russie et du système international. Comme au Moyen-Orient : quatre-vingt ans de guerre ininterrompue, sans fin en vue. Il n’y aura pas de paix, seulement un « processus ». Même s’il devait y avoir des cessez-le-feu entre l’Ukraine et la Russie, ils seraient péniblement négociés pendant des mois… et immédiatement violés.
Aucune paix durable n’est possible, car la Russie actuelle – avec ou sans Poutine – est ontologiquement incompatible avec l’existence d’une Ukraine indépendante, encore plus dans les frontières de 1991, encore plus en tant que membre de l’alliance occidentale.
La Russie est désormais en état de guerre permanente : son économie, son élite, son appareil idéologique sont calibrés pour la guerre. Et c’est une locomotive lancée à pleine vitesse, que l’on ne peut pas arrêter d’un simple coup de sifflet, peu importe qui est dans la cabine de pilotage. Les passagers aiment regarder par la fenêtre et le carburant ne manque pas – comme dans le dernier roman de Sorokine, la locomotive est alimentée par des corps humains.
2. Pour l’instant, Poutine est en train de gagner cette guerre et d’atteindre ses objectifs stratégiques.
Le problème n’est pas que son armée soit embourbée dans l’est de l’Ukraine, qu’elle ait conquis 1 % supplémentaire du territoire ukrainien en un an au prix de 400 000 vies humaines et qu’elle perde jusqu’à 100 soldats par kilomètre carré de territoire conquis. La Russie a suffisamment de « chair à canon » – comme pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles en a déjà sacrifié un million, elle en sacrifiera un autre, ou deux, s’il le faut : grâce à l’argent, la tromperie, la coercition, la répression. Pour l’instant, l’argent suffit.
L’essentiel est ailleurs : Poutine a imposé cette guerre à la Russie, à l’Ukraine et au monde. Il en a fait une norme, a fait basculer le monde dans un état qualitativement nouveau – c’est l’objectif qu’il poursuivait depuis au moins vingt ans, depuis le premier Maïdan de 2004-2005. Il impose au monde son agenda de confrontation et d’antagonisme stratégique avec l’Occident. Il affaiblit l’Occident en montrant son indécision et son inefficacité. Il favorise la fragmentation de l’Occident, en enfonçant des coins dans les fissures existantes – du soutien à Trump dès son premier mandat jusqu’au soutien à toutes les forces antisystème, des ultra-gauches aux ultra-droites.
C’est exactement ce que le Kremlin espérait depuis le milieu des années 2000, inspiré par le livre délirant de Iouriev Le Troisième Empire1. Et l’Ukraine n’est qu’un des théâtres de ce conflit global – certes, un théâtre important.
Trois années de guerre ont offert à Poutine deux cadeaux inattendus (ou du moins pas anticipés dans cette ampleur).
Le premier ? Une Russie qui est entrée dans la guerre comme une main dans un gant, l’a acceptée, absorbée, normalisée, et qui fournit de la chair à canon, de la docilité, de la complicité (du tissage de filets de camouflage aux spectacles scolaires), et surtout : de l’indifférence.
Le second ? Un monde global beaucoup plus souple et coopératif envers la Russie, construisant des mécanismes d’alternative à la mondialisation occidentale. Des soldats et obus nord-coréens, des drones iraniens, des puces électroniques chinoises, des acheteurs de pétrole indiens, des admirateurs latino-américains et africains de Poutine, une multitude de moyens pour contourner les sanctions et acquérir des technologies critiques… parfois même en Occident.
Ce qui permet à Poutine de mener une guerre sans fin – et aux Russes de vivre sans souci.
C’est en fait l’aveu que le monde n’appartient plus à l’Occident – ni économiquement, ni financièrement, ni technologiquement, ni militairement.
Ici à Tallinn, nous sommes réunis entre représentants d’un milliard d’individus partageant à peu près les mêmes valeurs. Mais hors de cet hôtel, il y a 7 milliards d’autres personnes qui ont une vision différente de la Russie, de l’Ukraine, de Poutine, de la guerre, et du rôle de l’Occident.
3. L’Occident est en train de perdre cette guerre.
En réalité, l’Occident a commencé à perdre la Russie dès les années 1990, en prenant à tort la chute de l’URSS pour « la fin de l’Histoire », en pensant que la Russie avait cessé d’être un empire pour devenir un pays « normal ».
D’où des décennies d’indulgence envers la Russie, de fascination pour ses « réformateurs », de reconnaissance de ses « intérêts particuliers », d’aveuglement sur ses dérives autoritaires internes et ses ambitions impériales externes : Abkhazie, Transnistrie, l’assaut contre le Parlement en 1993, les élections de 1996, les provocations au Kosovo, la nomination de Poutine, l’ingérence en Ukraine, le discours de Munich, la Géorgie en 2008, la Crimée… L’Occident a tout toléré, a continué à commercer, à flatter, à rendre visite pour la Coupe du monde 2018… Jusqu’au choc du 24 février 2022.
Mais même là, le soutien occidental à l’Ukraine reste minimal, prudent – juste de quoi empêcher sa disparition (et encore, seulement après que l’Ukraine, dans le premier mois, a tenu bon, seule, à la surprise d’un Occident qui l’avait déjà condamnée).
Parce qu’il n’y a qu’une chose que l’Occident redoute plus que la chute de Kyïv : la chute de Moscou, avec l’imprévisibilité qui s’ensuivrait. Russia is too big to fail. C’est cela qui paralyse la volonté politique occidentale, c’est cela qui explique l’absence de vision stratégique.
4. Et c’est là le cœur du problème : le problème de la Russie.
Pas de Poutine.
Pas de la guerre.
Même pas le problème de la chute de l’URSS.
Mais le problème de la Russie elle-même.
Pendant cent ans, le monde a été confronté à « la question allemande » – celle de la nation allemande malheureuse dans ses frontières. Cela a mené à trois guerres européennes et deux guerres mondiales, à une redéfinition du monde et à la mort d’au moins 100 millions de personnes, y compris la Shoah. (Bien sûr, l’Allemagne n’en porte pas seule la responsabilité, mais elle fut à l’origine de ces conflits.)
Cette question a été résolue tant bien que mal par la défaite, l’occupation, le démembrement, puis l’intégration de l’Allemagne dans des institutions – et encore, le révisionnisme revient à l’Est.
De la même manière, le monde fait face depuis un siècle à la question russe – celle d’un empire inachevé, qui n’a jamais défini ses frontières. Deux semi-effondrements impériaux – 1917 et 1991 – ont brisé ses marges mais n’ont ni détruit ses structures, ni éradiqué son esprit impérial, ni mis fin à son caractère colonial. Depuis un siècle, elle produit conflits, instabilité, menaces – de la révolution mondiale des années 1920 à la contre-révolution mondiale des années 2020. De l’empire de Staline à celui de Poutine, la Russie reste un défi existentiel pour l’Occident, et un danger pour la sécurité mondiale – le principal générateur d’entropie, de chaos, de peur dans le monde contemporain. (Sourkov ne dira pas le contraire.)
Comment résoudre ce problème ?
Une solution évidente : Allemagne, 1945.
Défaite, occupation, démembrement.
Techniquement, l’Occident en serait capable, même avec l’arme nucléaire – il existe des outils de neutralisation non nucléaire de la Russie, à condition d’avoir la volonté politique.
Mais cette volonté n’existe pas.
La Russie, comme déjà dit, est : too big to fail.
L’Occident a peur, même d’imaginer un monde sans Russie. Et puis… que faire de tout ce territoire immense ? De ses armes nucléaires ? De ses mines d’uranium ? De ses satellites ? De Tchaïkovski ? De Tolstoïevski2 ? Etc.
Le monde va donc devoir continuer à vivre avec ce marécage toxique de l’Eurasie du Nord, en espérant qu’au fil du XXIᵉ siècle, cet empire à moitié défait finira par se digérer lui-même et produire quelque chose de plus compatible avec le monde extérieur.
« Dommage, cette époque radieuse
— Ni toi ni moi ne la verrons jamais3… »
En attendant, c’est la guerre.
Comme dit au point 1 : il n’y a pas de « post-guerre », ni de « post-Poutine » – il n’y a que du « post-Russie », et du haut de 2025, on n’en voit pas encore le bout.
Traduit du russe par Desk Russie
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29.05.2025 à 10:19
Desk Russie
Le 28 juin, au Théâtre du Soleil, Desk Russie fête ses quatre ans d’existence et la sortie du 100e numéro de notre newsletter.
<p>Cet article La fête de Desk Russie : nous vous invitons ! a été publié par desk russie.</p>
Le 28 juin, au Théâtre du Soleil, Desk Russie fête ses quatre ans d’existence et la sortie du 100e numéro de notre newsletter. Tous nos lecteurs et amis sont conviés ! Ne ratez pas cette occasion festive de retrouver notre équipe et nos auteurs !
Il y a quatre ans, en mai 2021, nous avons publié notre premier numéro. Nous étions tous bénévoles et disposions d’un premier don de 1 700 euros, grâce à la générosité de celui qui a été maître de pensée pour un certain nombre d’entre nous, penseur et fin connaisseur du monde russe, l’académicien Alain Besançon. C’est avec ça que nous nous sommes lancés dans la bataille.
À l’époque, nous pensions durer quelques mois, jusqu’à l’élection présidentielle de 2022, pour que notre voix s’élève contre l’extrême droite et sa ligne politique pro-russe. Mais en automne 2021, et en particulier depuis l’ultimatum russe à l’OTAN et aux États-Unis, il est devenu évident que la guerre contre l’Ukraine était imminente. De nouveaux objectifs se sont présentés à nous : mobiliser l’opinion publique française pour soutenir l’Ukraine et contre la Russie poutinienne, pays agresseur ; démasquer les poutinolâtres en France ; expliquer la situation en Russie.
En quatre ans, nous avons fait du chemin. Le site initial a été remplacé par un site riche et fonctionnel ; la version anglaise a été créée. Nous avons lancé notre maison d’édition. Nous avons conduit des dizaines de débats publics dont les plus riches en collaboration avec le Théâtre du Soleil et son infatigable directrice et metteuse en scène, Ariane Mnouchkine. Actuellement, nous prenons les inscriptions pour la première année (2025-2026) de notre université, qui dispensera des cours de connaissance sur la Russie et les grandes questions géopolitiques et combattra les doctrines mensongères du Kremlin. Nous avons une merveilleuse équipe dévouée, et à chaque fois que nous faisons appel aux bénévoles, ils sont là pour nous soutenir.
Tout cela se fête, les amis ! Le Théâtre du Soleil nous ouvre ses portes à partir de 18 heures, le samedi 28 juin. Nous serons sur la pelouse où des tables et des sièges sont installés, ou bien à l’intérieur s’il fait mauvais.
Au programme, quelques prises de paroles, de la musique ukrainienne et du jazz, et un vrai dîner cuisiné par le chef du Théâtre du Soleil et ses aides. Ceux qui y sont déjà allés savent que c’est un délice gastronomique, arrosé de vin. Vous pourrez échanger avec nos auteurs et notre équipe, notamment si vous avez des questions sur l’université.
Nous vous proposerons également quelques livres à la vente. Si vous avez des ouvrages consacrés à la Russie, à l’Ukraine etc. dont vous n’avez plus besoin, vous pouvez nous les apporter pour les vendre au profit de Desk. Car, sachez-le, nos moyens sont toujours modestes, et chaque contribution compte.
Nous avons également besoin de bénévoles pour aider à la logistique.
Nous vous proposons de régler une P.A.F. de 15 euros pour la soirée, mais vous pouvez également contribuer au travail de notre association avec une participation solidaire libre. À vous de voir !
Inscrivez-vous sans tarder !
<p>Cet article La fête de Desk Russie : nous vous invitons ! a été publié par desk russie.</p>
29.05.2025 à 10:18
Anton Shekhovtsov
Les services hongrois auraient espionné en Transcarpatie en vue d’une possible intervention dans cette région ukrainienne.
<p>Cet article La guerre en zone grise menée par la Hongrie contre l’Ukraine a été publié par desk russie.</p>
Selon le politologue basé en Autriche, les services de renseignement militaire hongrois se sont livrés à des activités d’espionnage en Transcarpatie afin de préparer une possible intervention hongroise dans cette région ukrainienne possédant une importante minorité hongroise. C’est peut-être la vraie raison de « l’entente cordiale » entre Viktor Orbán et Vladimir Poutine : tous deux rêvent de dépecer l’Ukraine.
Les révélations du Service de sécurité d’Ukraine (SBU) concernant une cellule des services de renseignement militaire hongrois opérant dans la région ukrainienne de Transcarpatie au détriment de l’Ukraine soulèvent de sérieuses questions quant à la position de la Hongrie au sein des alliances politiques et militaires occidentales.
Le 9 mai dernier, le SBU a révélé que cette cellule – composée de deux informateurs ukrainiens encadrés par un officier du renseignement militaire hongrois – avait pour mission de collecter des données sur la sécurité militaire de la région de Transcarpatie, notamment en identifiant les vulnérabilités de ses défenses terrestres et aériennes. La cellule devait également évaluer divers scénarios quant au comportement potentiel des habitants de Transcarpatie en cas d’entrée de troupes hongroises dans la région, que ce soit sous couvert de force de maintien de la paix ou de contingent de l’OTAN.
D’autres questions ont également été posées à la cellule – par exemple, quels équipements ou armes militaires étaient disponibles sur le marché noir en Transcarpatie, ou quelle était la situation de la population hongroise ethnique de la région. La Transcarpatie est frontalière de la Hongrie et abrite environ 100 000 Hongrois ethniques, représentant environ 10 % de la population régionale.
La cellule est devenue active en septembre 2024, mais son principal informateur avait été recruté par les services de renseignement militaire hongrois dès 2021. Les activités et le calendrier de cette cellule laissent penser que les actions anti-ukrainiennes de la Hongrie étaient directement liées à la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, et que la Hongrie préparait une extension de son influence politique en Transcarpatie.
Historiquement, la Transcarpatie faisait partie de l’Empire austro-hongrois et fut rattachée à la Tchécoslovaquie après la Première Guerre mondiale. En mars 1939, à la suite du démantèlement de la Tchécoslovaquie par les nazis, la Hongrie – alors dirigée par Miklós Horthy et alliée à l’Allemagne hitlérienne – annexa la Transcarpatie avec l’approbation tacite de Hitler. Après la chute du Troisième Reich, la région fut intégrée à l’Ukraine soviétique en 1945.
Les nationalistes hongrois, y compris le Premier ministre Viktor Orbán, considèrent la perte de la Transcarpatie et d’autres territoires abandonnés après la Première Guerre mondiale comme une injustice historique. La Transcarpatie occupe une place centrale dans les cartes et les discours qui promeuvent l’idée d’une « Grande Hongrie ».
La vision d’Orbán, qui considère la Transcarpatie comme une terre historiquement hongroise, est pleinement alignée avec celle du président russe Vladimir Poutine, qui considère l’Ukraine comme un État artificiel et affirme que ses régions occidentales devraient revenir de droit à la Pologne, à la Hongrie et à la Roumanie.
En 2008, Poutine aurait proposé au Premier ministre polonais Donald Tusk, lors d’une visite à Moscou, l’idée d’un partage de l’Ukraine entre la Pologne et la Russie. En 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie, le député russe Vladimir Jirinovski a envoyé des lettres aux ministères des Affaires étrangères de la Hongrie, de la Pologne et de la Roumanie, suggérant un démembrement de l’Ukraine et la répartition de ses territoires entre la Russie et ces trois pays.
Le recrutement d’un informateur ukrainien par les services de renseignement militaire hongrois en 2021 s’inscrit dans le contexte des préparatifs actifs de la Russie pour sa guerre contre l’Ukraine – une guerre que de nombreux dirigeants occidentaux exhortaient alors la Russie à ne pas déclencher.
Le 1er février 2022, soit trois semaines avant l’invasion à grande échelle par la Russie, Viktor Orbán s’est rendu à Moscou pour rencontrer Poutine. Le contenu exact de leur entretien, qui a duré plusieurs heures, n’a jamais été divulgué, mais il aurait porté sur la sécurité européenne et les pressions croissantes exercées par la Russie sur l’Ukraine.
Deux jours avant l’invasion russe, le ministère hongrois de la Défense a annoncé le déploiement d’un nombre indéterminé de soldats à la frontière ukrainienne. Officiellement, ce déploiement était présenté comme une mesure de précaution destinée à renforcer la sécurité des frontières, à empêcher l’entrée de groupes armés et à gérer un éventuel afflux de réfugiés.
À la lumière des récentes révélations du SBU sur les activités hostiles de la Hongrie, cette justification officielle pour le mouvement de troupes apparaît désormais sujette à caution.
Il serait sans doute exagéré de suggérer que l’armée hongroise avait l’intention d’envahir la Transcarpatie en février 2022 – les forces hongroises ne sont pas de taille face à une armée ukrainienne aguerrie. Cependant, l’objectif probable de Viktor Orbán aurait été de combler un vide sécuritaire potentiel dans la région, en y déployant des policiers hongrois et des « forces de maintien de la paix », si l’« opération militaire spéciale » de la Russie avait réussi à faire s’effondrer l’État ukrainien en quelques jours ou semaines.
Orbán n’aurait sans doute pas pris le risque de reproduire l’annexion directe de la Transcarpatie opérée par Horthy à la suite de l’invasion nazie de la Tchécoslovaquie, mais l’idée sous-jacente était probablement similaire : attendre l’effondrement de l’Ukraine, puis pénétrer en Transcarpatie afin d’y asseoir l’influence politique hongroise.
On ignore encore pourquoi les services de renseignement militaire hongrois ont choisi d’activer leur cellule en septembre 2024, mais cette décision semble liée à l’évolution du conflit mené par la Russie.
D’un côté, les données sur les défenses terrestres et aériennes ukrainiennes en Transcarpatie n’auraient que peu d’utilité pour l’armée hongroise, qui ne dispose pas de la capacité de s’opposer militairement à l’Ukraine. Le seul acteur susceptible de bénéficier de telles informations est la Russie. D’un autre côté, l’opération hongroise pourrait avoir été motivée par l’anticipation d’une crise intérieure aux États-Unis, déclenchée par l’élection présidentielle américaine de 2024, ce qui aurait ouvert une fenêtre stratégique permettant à la Russie d’avancer ses objectifs en Ukraine. Dans un tel scénario, des troupes hongroises se présentant comme « forces de maintien de la paix » auraient pu entrer en Transcarpatie sous prétexte de stabiliser la région.
À ce moment-là, le président français Emmanuel Macron avait déjà évoqué l’idée de déployer des forces européennes de maintien de la paix en Ukraine si la Russie réalisait des percées importantes dans les régions centrales du pays. Dans ce contexte, l’initiative « pacificatrice » d’Orbán aurait pu paraître légitime aux yeux de nombreux observateurs naïfs.
Quelle que soit la tactique exacte employée par la Hongrie, l’Ukraine dispose désormais de preuves concrètes que les actions anti-ukrainiennes d’Orbán vont bien au-delà du simple blocage de l’aide militaire et financière de l’UE ou de l’entrave à l’intégration européenne de l’Ukraine.
L’ampleur et la nature des opérations de renseignement menées par la Hongrie rendent de plus en plus plausible l’hypothèse qu’Orbán collabore directement avec Poutine dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine – et, plus largement, contre l’Europe. Une enquête approfondie, dirigée par l’Union européenne ou l’OTAN, sur cette possible collusion est non seulement justifiée, elle est urgente et nécessaire.
Traduit de l’anglais par Desk Russie
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<p>Cet article La guerre en zone grise menée par la Hongrie contre l’Ukraine a été publié par desk russie.</p>