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Motus & Langue Pendue - Un journal intime de la société, avec des contenus situés quelque part entre l’art, la discussion entre potes et le journalisme.

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18.11.2024 à 18:12
Motus
Texte intégral (551 mots)

Par Soldat Petit Pois

Mon invité du jour faisait la Une des journaux télévisés il y a un tout petit peu plus d’un an.

Il faisait en réalité ce que font chaque jour des centaines d’activistes d’un peu partout, qui se démènent, parfois jusqu’à mettre leur propre vie dans la balance, pour protéger la vie, les gens, et tout ce qui est beau ici bas. 

Sauf que lui, pour protester contre le déracinement des arbres et le flot ininterrompu du béton qui emprisonne le sol, il fait… pas comme tout le monde. Thomas Brail grimpe, s’accroche, et se suspend. Il reste des jours dans les arbres, qui sont aussi bien son terrain de vie que son terrain de lutte, utilise son propre corps pour porter les revendications, en grève de la faim, puis même de la soif.

Contre la très symbolique autoroute A69 et autres projets mortifères, pour son petit garçon, et pour nous toustes, Thomas est de ces êtres rares, qui vont avec le coeur là où la raison nous fait défaut, défendre ce qui a du sens. Je suis ravie de l’accueillir derrière mon micro, alors qu’il est en ce moment à l’affiche d’un spectacle indescriptible et très poétique dont on parlera, l’Éloge de la forêt.

14.11.2024 à 12:19
Motus
Lire plus (403 mots)

Par Soldat Petit Pois

Moi j’en avais un peu marre de ces jours riquiqui et des fantômes d’Halloween qui tirent la tronche, alors je me suis dit que ça nous ferait pas de mal un petit épisode avec quelqu’un de drôle. Mateo, c’est un (je cite) « petit plaisantin des internets ». Il crée des sketchs pour des centaines de milliers d’abonné·es, il court des trails de 110km ou part en stop sans direction. Il a des fleurs dessinées sur ses cheveux (en tout cas au moment où on enregistre), il ressemble un peu à Squeezie (maintenant qu’il le dit), il a peur des serpents et pas peur de faire des blagues même quand on parle d’écologie. Finalement, notre conversation a quand même balayé la peur des conflits, la mort et l’idée que même sans humoriste pour le souligner, l’existence aujourd’hui est quand même bien absurde. On a aussi parlé de tourtes, mais bon ça c’était un peu hors sujet. 

Bref, je ne sais pas comment vous présenter notre conversation autrement qu’en disant que j’aimerais beaucoup que la vie soit un peu comme elle, rebondissante, profonde et en même temps très, très, rigolote.

11.11.2024 à 16:51
Motus
Texte intégral (1448 mots)

Par Sale Gosse

Image pixabay : https://pixabay.com/fr/photos/gratte-ciel-architecture-ville-3094696/

La voie royale

Récemment, ma vie a le cul entre deux chaises. J’ai quitté un CDI, ratatinée par les horaires et les injonctions. Portée par l’idéalisation d’une vie d’indépendante. Je renoue avec la déclaration que j’avais faite enfant, la tête renversée devant les façades vitrées des tours de la Défense : « quand j’serai grande, j’travaillerai pas dans un bureau ». À l’époque, je voulais être ornithologue, surtout dans le but tout à fait assumé de pouvoir toucher les oiseaux. Non merci le futur entre quatre murs, assise en angle droit et l’horizon à quelques centimètres, à s’épuiser pour des tâches impossibles à imaginer quand on a huit ans.  

Fatalement, il a fallu grandir. J’étais bonne élève, j’ai donc naturellement continué mes études pour, malgré moi, finir en angle droit derrière un écran. L’ornithologie avait été abandonnée au profit de l’écologie et de la politique. J’étudiais le dérèglement climatique à une époque où l’écologie ne se racontait pas à la télé et où trier ses déchets représentait la quintessence de l’engagement. Le monde ne me plaisait pas et je n’imaginais rien d’autre que d’avoir un métier destiné à le changer. J’entrais ainsi sur le marché du travail : diplômée d’une grande école, et révoltée.

Et comme tout ménage à trois, entre marché, grande école et révolte, la dynamique est casse-gueule.

Conjuguer travail et activité

Récemment, ma vie a le cul entre deux chaises donc. Je cherche à ne dépendre professionnellement que de moi, mais je ne me donne pas les moyens de mes ambitions. La raison tient en un quart de ligne : je manque de confiance. Ainsi, pour ne pas perdre la face et continuer de pouvoir manger, je postule parfois à des offres d’emploi suffisamment désirables pour renoncer à ma quête de liberté. Désirable, pour moi, c’est quand on me promet d’inventer un avenir où l’humanité ne périt pas d’ici 2050. L’enjeu me paraît de taille. Ça reste personnel.

C’est ainsi qu’il y a peu, je me retrouve en entretien en évitant de mentionner cette histoire de confiance, quand vient le moment de parler rémunération. Le chiffre avancé est si bas que je demande de le répéter. Il est si bas que même mon côté protestant n’arrive pas à faire semblant de rester enjoué. Pour justifier la honte et adoucir le choc, l’employeur se perd dans une grande symphonie de concepts :  projet de société, aventure humaine, management empathique… J’écoute, lasse, cette tentative infructueuse de légitimer la précarisation. Ce n’est qu’ensuite qu’arrive la véritable surprise, le privilège qui s’invite à la table du prolétariat, le capitalisme qui s’habille en sobriété : on me demande si je connais la décroissance et on m’explique, premier degré, qu’il existe d’autres formes de richesse que celle économique. La personne en face de moi en est convaincue puisqu’elle l’expérimente elle-même depuis qu’elle passe ses étés dans des éco-lieux. Ça fait deux ans.

La tasse est bue. Le naufrage, concret.

Le travail serait donc cette obligation statutaire et financière, qui ne prête aucun mérite à notre utilité sociétale concrète, alors que l’activité serait un hobbie auquel les gens s’adonnent sur leur temps libre, mais qui manque de sérieux parce qu’il ne sert pas d’objectif de croissance ? Et lorsque le travail découle d’une activité (artistique, éducative ou militante) est-il normal de considérer que la permission de l’exercer est un cadeau en soi et que sa rémunération n’est autre qu’un bonus optionnel ? Sommes-nous condamné·es à glorifier la performativité ? 

Le culte de la performance

L’économie ne répond pas au réel. Et la supercherie commence très tôt. Elle commence quand on nous fait croire que des écoles sont grandes et n’ont rien à voir avec le déterminisme social, elle continue quand le marché du travail broie passions et hobbies pour ne valoriser que des compétences au service d’elles-mêmes, elle s’achève enfin quand on vous explique, à 33 ans, que votre salaire est bas justement parce que votre cause est juste et qu’on vous invite à embrasser la décroissance pour faire face à votre précarité. La supercherie s’insinue dans les mots et dans les postures, la richesse ne serait pas qu’économique mais les riches vivent en moyenne 11 ans de plus que les pauvres. Et Beyoncé fait des pubs pour Levi’s. Alors quand on s’essaye à cette proposition, que la richesse ne serait pas qu’économique, quand on nourrit notre altérité, nos espaces vides, nos croyances, quand on prend le temps de le sentir passer, de transformer nos peines et nos amours en images et en poèmes, quand nos arrêts sont féconds et quand nos inspirations se font plus longues, alors la société nous rappelle que la paresse est un péché, que le temps file et doit servir à faire de l’argent, que l’utilité n’est reconnue seulement si elle se chiffre et se met au service de la performance et que dans la fable de la cigale et la fourmi, il n’y a pas de place pour le plaisir. Le bonheur doit s’épanouir dans les creux, dans le temps restant, dans les interstices de l’utilitaire.

Récemment, ma vie a le cul entre deux chaises, parce que je ne vous ai pas encore avoué le pire. Le pire c’est que j’ai toujours huit ans, dubitative devant les tours de la Défense, convaincue de mon futur en leur dehors, à toucher les ailes des oiseaux. Le pire c’est que pourtant, je capitule. Face à l’exigence de performance, face à l’injonction du travail légitime, face au désir d’être quelqu’un, et pas rien, dans une gare. En dépit de toutes les forces déployées pour résister, on m’a inondée. Et bien que je regarde avec dédain les flots qui me submergent, le pire, donc, c’est que je ne suis même pas certaine de le refuser, cet emploi sous-payé. Puisque entre continuer de débroussailler le chemin de mon indépendance ou obtenir un statut en échange de ma liberté, il n’y a que dans une de ces deux situations où je pourrai répondre clairement et sans hésiter à la sempiternelle question « et toi, tu fais quoi ? ».

08.11.2024 à 18:36
Motus
Texte intégral (1230 mots)

Par Charlotte Giorgi

Photo de Pau Casals sur Unsplash

Au fond de mon ventre donc : l’envie profonde de me jeter sur les fraises Tagada qui reposent tranquillement sur mon étagère, mais aussi le vide. Ce vide qui fait qu’au fond de mes tripes, Trump et autres débiles ne m’intéressent pas. Je m’appauvris de ces discours qui semblent n’alarmer plus personne, de ces commentaires qui continuent de faire des USA le centre du monde, de ces tables rondes qui tournent en boucle sur les infos que l’on avait déjà il y a 8 ans. Rien ne m’a jamais autant foutu la flemme que de penser que ce mec dont on connaît déjà l’étendue de la médiocrité va rester au coeur des sujets d’actu pendant 4 ans encore. 

Non vraiment, j’ai beau chercher. Je m’en fous pas mal, de ces outrages tracés d’avance, de tout ce qu’on peut prédire de lui déjà maintenant, de ce signal dont on devrait faire semblant de s’étonner qui nous dit que oui oui, effectivement, on est mal barré·es dans ce siècle. 

La semaine prochaine, je dois garder mon chat. Ce sera la première fois qu’il vient chez moi. Mes parents doivent déménager tout le rez-de-chaussée de notre maison pour que les ouvriers puissent passer. Le chat serait trop duper. Les ouvriers, c’est parce que notre maison s’effondre. Littéralement. Depuis des années, je me moque un peu de ma mère qui pointe fissure après fissure, et portes qu’on ne peut plus fermer (tant qu’on peut les ouvrir!). Sauf que ça s’écroule ensuite. Et ça je ne l’ai compris que lorsque j’ai entendu le coût des travaux : 100 000 euros. Ah ouais, en fait. Pris en charge par l’assurance, heureusement. Sinon on se serait effondré·es avec la maison. On habite à côté d’une gare RER, en banlieue parisienne. Et notre maison s’effondre à cause du dérèglement climatique. Qui fout le bordel dans le sol, et vu qu’on est assis sur les pires argiles qui soient dans ce contexte, ben les fissures fissurent toujours plus. On a découvert que dans le voisinage, les travaux comme ceux qui vont être faits chez nous sont légions. Pourtant, y’a rien qui indique, sur la façade de chez nous, qu’on est déjà des victimes du climat que les abrutis comme Trump continuent de faire exploser. 

Sinon, demain, les femmes de mon pays auront officiellement à travailler dans le vent, parce que les écarts salariaux existent toujours alors qu’on est en putain de 2024. 

Cette année, comme l’an passé, je resterai au téléphone avec des ami·es qui vont avorter et sont mortes de trouille, des gens qui ont perdu leurs souvenirs dans les inondations ou que la pollution de l’air a endeuillés sans un bruit. 

Alors désolée, mais je n’arrive pas à en avoir quelque chose à foutre, de Trump. Trump qui n’a rien d’original, de nouveau, d’intéressant. Trump qui fera comme la plupart des puissant·es qui l’entourent, riches à crever et pas foutus de se payer une empathie, virilistes pour prouver on ne sait trop quoi à on ne sait trop qui, étant donné que leurs tours dont on ne voit même plus le toit grignotent déjà nos espaces publics, médiatiques, et de pensée. Trump est un mec blanc et raciste comme il y en a des milliers, et produire mille et une analyse de sa personnalité complexe et tapageuse ne sert à rien si ce n’est lui accorder un crédit absurde. Qu’il ait entre les mains un arsenal de guerre est plus embêtant, je vous l’accorde. Mais ne faisons pas les effarouché·es : avant comme après, un génocide en Palestine se poursuit dans l’indifférence quasi générale, et le monde continue sa marche grotesque. Au milieu nous continuons de résister et d’être solidaires. Qu’il y a-t-il d’autre à faire? Trump est un continuum d’idioties et ne mérite pas notre temps, notre attention, et encore moins nos lamentations inefficaces. Celles et ceux qui seront les premières victimes, encore une fois!, de sa politique devrait en revanche recevoir nos micros, nos analyses et nos solutions. Les personnes qui n’ont pas eu la bonne idée d’avoir la peau blanche, celles qui sont vulnérables aux délires économiques libéraux ou aux catastrophes environnementales, les migrations, les océans et les femmes qui demandent, à défaut d’une souveraineté dans leur société, une souveraineté sur leur propre corps – tout ce qui révulse, apparemment, la majorité de la population de la 1e puissance mondiale. 

Nous continuons d’avancer, contre vents et marées, au milieu des réactionnaires et des sombres égoïstes qui sont toujours plus nombreux. Notre boussole n’a pas bougé, elle ne bougera pas. Inutile de trop s’attarder sur les ressorts psychologiques du mec à la chevelure orange qui sera donc l’énième ridicule président de ce pays dont il serait temps de se désintéresser un peu. Nous avons bien du travail déjà, et il n’est pas temps de ralentir la cadence. En avant! (contrairement à d’autres…)

24.10.2024 à 19:23
Motus
Texte intégral (700 mots)

Par Soldat Petit Pois

🥩 Saviez-vous que c’est le lobby de la viande qui a popularisé le terme « flexitarisme » pour nous prendre pour des jambons? 🤡

🌱 Dans le dernier épisode d’Oïkos, je discute avec Amad, de Futur Association, de leur campagne l’Affaire du Steak. Parce que tout ça n’est pas qu’une question de sensiblerie pour gens fan des animaux : si on décortique, notre alimentation occidentale est basée sur un rapport social très discutable d’exploitation violente et disproportionnée d’êtres vivants – animaux oui, mais aussi humains (l’élevage est un secteur qui n’a pas besoin de quelques vegan pour dysfonctionner et pousser les gens dans une détresse sociale et financière sans nom) et de terres (on rappelle que la majeure partie de la déforestation en Amazonie est due à l’élevage, tout comme c’est la 1e cause de perte de biodiversité, ou un gâchis énorme d’eau, etc etc).
🎙Bref, on papote et on questionne, parce que l’enjeu n’est pas de culpabiliser mais de poser le sujet sur la table (oups, oui je sais c’est un peu tabou et ça nous aurait bien arrangé de pouvoir se contenter du flexitarisme).

👉🏻 Si ça vous intéresse, Oïkos est dispo sur toutes les plateformes d’écoute, et en complément de cet épisode, vous pouvez aussi aller écouter celui qu’on avait enregistré avec Brigitte Gothière de L214

28.06.2024 à 16:34
Motus
Texte intégral (2793 mots)

Par Charlotte Giorgi

Depuis l’annonce de la dissolution ici, c’est le branle-bas de combat. On s’agite, on s’échauffe. On va pas se mentir : c’est un peu la panique générale. Et pour cause : depuis que je suis née, c’est la crise, la galère, le chômage, l’inflation, le changement climatique, les fake news et l’incivilité. Mais depuis que je suis née, aussi, il y a pire.

On m’a élevée dans ce monde où l’on ne se bat pas pour le meilleur mais contre le pire.

Le pire = l’extrême-droite. Ben oui, duh! Logique. 

L’extrême-droite, c’est les nazis. Point. On n’explique pas plus, on ne va pas plus avant. Notre premier contact avec la politique, on nous apprend que c’est d’échapper au pire.

Les gens qui participent au pire sont donc au choix : des imbéciles, ou les gros méchants de l’histoire. On a d’autres chats à fouetter, on va pas commencer à faire dans la subtilité. En tout cas, c’est ce qu’on m’a toujours dit, à moi qui n’ai pas grandi dans un milieu militant, de gauche de surcroît. Les subtilités, j’ai du me les farcir toute seule. Je sentais bien que les questions n’étaient pas les bienvenues. Qu’on n’avait pas le temps d’adopter mon langage, de se mettre à ma hauteur. Il y a des choses qu’on ne discute pas. T’as qu’à lire Marx ou Bourdieu ou Arendt. T’as qu’à lire, en fait. Ou bien écouter les longs podcasts de France Culture qui t’ennuient à mourir. Ou bien lire les tracts des manifs, écrits en tout petit, avec des mots très grands. Je sais pas moi, ce que ça veut dire en fait “néolibéralisme” ou “dé-diabolisation” ou “cisgenre”. 

Bon, il se trouve qu’au final, j’ai été happée par ce milieu-là, à grands renforts de “fake it till you make it” et d’imitations des gestes de mes petits camarades de Sciences Po, où, par la force de l’effort (de la thune que mes parents se sont saignés à mettre dans une prépa hors de prix) je m’étais faufilée. 

J’ai même cru être de droite au début, pour vous dire comme la gauche ne sait pas tellement accueillir – on en paye certainement les monstrueuses conséquences aujourd’hui. Je me suis bien cramponnée à ce que disaient mes tripes, dieu merci, mais si je m’étais pas accrochée aussi fort, personne ne m’aurait récupérée. On m’aurait traitée de débile, ou de grande méchante de l’histoire. 

Sauf que je suis profondément de gauche. 

C’est pas méga compliqué en fait, je suis pas une pro de l’économie keynésienne ou une black bloc endoctrinée : j’ai juste peur. Peur d’un monde où la compétition arbitraire enterrerait définitivement la solidarité inconditionnelle et gratuite. Ce n’est pas quelque chose en quoi je CROIS, c’est quelque chose dont j’ai besoin, dont nous avons besoin. La politique n’est pas une religion, c’est le cadre dans lequel vont pouvoir s’exprimer nos fois. 

Alors je suis parvenue dans les cercles de cette gauche que j’aime tant par les tripes. En dehors de ce qui pulsait dans mon ventre, rien ne m’attirait du tout. Qui pourrait avoir envie d’être méprisé·e, de se sentir idiot·e, d’avoir la mauvaise culture, les mauvais mots, d’aimer les mauvaises choses (ce qui brille, les mecs toxiques et les nuggets)?

La pensée de gauche, les idées, les valeurs qui donneraient un sens à ce truc que je sentais dans mon ventre, cette rage, cet élan, je les ai découvertes toute seule, à la frontale. On a fondé notre média, Motus, sur ce constat. On voulait éclairer un peu mieux la voirie pour les suivants. Les écolos qu’ont grandi dans le béton, les cathos qui sont lesbiennes, les gens qu’on verra jamais sur une ZAD mais qui ont un besoin viscéral de communauté, de tisser des liens, de s’entraider. Celles et ceux qui se donnent de la force en refaisant leur couleur chez le coiffeur, qui rêvent de se marier dans une robe blanche mais qui ne défendront jamais leurs potes agresseurs, les gens qui regardent TF1 et boivent du coca, qui trouvent la laïcité très cool mais qui n’hésiteront pas à héberger des femmes migrantes voilées. Celles et ceux à qui on a toujours dit de ne pas tomber dans les extrêmes, qui se foutent de politique comme de leur première chemise, mais qui cultivent les jardins partagés de leur ville et gardent les enfants des voisins. 

Photo de Isaac Davis sur Unsplash

On est des gens pleins de paradoxes, en détresse ou en quête de mieux et d’espoir (ça dépend des jours), et la gauche traditionnelle nous a méprisés pendant (trop) longtemps, nous et nos contradictions. Nos maladresses, nos lenteurs, nos certitudes traditionnelles, nos bons sens un peu tradi et nos goûts bien populaires. 

Depuis des années, on est là. Sur le terrain malgré tout. On rattrape les conneries des militants un peu trop bourges, les mensonges des politiques un peu trop politiques, les manquements des solidarités hypocrites. On est là, pour nos amis, nos proches, les voisins, les gens qu’en ont besoin. On essaie au mieux, on ne prétend pas grand chose.

Et puis, un jour de juin 2024, on s’entend dire qu “on a raté”. “On a pas parlé à tout le monde”. “On est dans un entre-soi”. “On est que des bobos des villes”. 

Comme d’hab, on la ferme. On se concentre sur les campagnes. On essaie de convaincre et de parler à ceux qui nous haïssent. De rattraper les bourdes des autres auprès de ceux qui nous veulent morts. On se mobilise, on se fait traiter de fachos de totalitaires de sectaires, on se fait menacer de viol et de mort. Et on se dit : “putain, mais nous aussi, on est assailli·es. Nous, autant qu’eux, on est menacés par l’époque. Rongés par le temps, grignotés par la société.” 

Mais on s’assoit dessus et on avance, sans sourciller. Pas parce qu’on est sûr·es que ça va marcher, mais parce que c’est ça, la dignité.

La gauche c’est nous. Pas plus pas moins que les mondains endimanchés, les gens qui crient dans les mégaphones ou ceux qui vous font la leçon de morale dans des médias intellos. Nous aussi, on est la gauche, et on leur demandera sincèrement de nous laisser la place quand tout ce tintouin nous aura encore rétréci l’espace de respiration. Parce qu’on est mille fois plus efficaces et qu’on va pas tenir longtemps le cul entre les chaises. Marre de faire les choses à la frontale, disons-le frontalement. 

Chers amis, chers proches, chers gens pour qui j’ai toujours été la relou avec qui il fallait pas commencer à débattre à table. J’ai horriblement besoin de vous parler. Moi. Pas mon camp, ma secte, mon clan. Pas pour donner des leçons, parce que j’en ai encore plein à recevoir, mais parce que j’ai peur qu’on ne puisse plus jamais faire ça : se parler. J’ai peur, avant peut-être que c’était des formules, des trucs qui objectivement auraient du me faire peur. Mais là c’est vraiment là.

J’ai peur de ce que mes ami·es arabes et musulman·es doivent expliquer à leurs enfants : ce monde qui les suspecte par essence, et ce pour quoi ils ne peuvent émettre une plainte sans être traités comme des animaux sanguinaires, des communautarismes dangereux, des terroristes en devenir, sans libre-arbitre, sans parole et sans avis. 

J’ai peur de ce que les associations qui sont déjà à la peine vont devoir subir. Elles signent un appel à l’aide face à ce danger du RN que chacun·e relativise à l’envi : Médecins du Monde, le Secours Catholique, le Planning Familial. Elles sont là, tous les jours sur le terrain, payées des cacahuètes ou rien du tout, pour tenter de réparer les gens que ce monde abîme. Et demain, elles n’auront plus les moyens de le faire, et devront regarder les édifices fragiles de nos solidarités qui ont tenu jusque-là, s’effondrer sous nos yeux. 

J’ai peur pour mes ami·es qui s’aiment, ou qui détestent leur genre, ou qui veulent avorter, j’ai peur pour la liberté de faire nos choix pour nous-mêmes, de décider de nous marier ou d’avoir des enfants, ou de faire l’amour, ou de ce qu’on ne décide pas : tomber amoureux. Les personnes LGBT+, qui, de par leur simple existence, sont accusées d’endoctriner, de manipuler, de propager leur maladie contagieuse. 

J’ai peur pour mes camarades qui protègent assidument les cours d’eau, les terres et les élans qui nous nourrissent, celles et ceux qui se sont fait arracher la mâchoire, ou briser les jambes parce qu’ils ont exercé leur citoyenneté autrement que par le vote, en mettant leurs corps et leur âme en travers du chemin des pelleteuses et bulldozers qui redessinent un monde aseptisé, consensuel, où tout est déjà décidé pour nous. J’ai peur pour nos réunions publiques, nos invectives politiques, nos collectifs déjà fatigués et moralement éprouvés par une répression terrible dont personne ne semble s’affoler à part nous (et l’ONU, la Ligue des Droits de l’Homme et l’Union Européenne). 

J’ai peur des conditions dans lesquelles mon temps va être optimisé, traqué, fliqué pour produire plus et dans les clous, au lieu de le passer à faire ces choses gratuites dont nous manquons tant : prendre soin de nos vieux, être à l’écoute des enfants qui grandissent, réapprendre la rêverie et l’imagination. 

J’ai peur pour nos capacités collectives à nous retrouver, nous organiser, et nous protéger mutuellement. J’ai peur pour ce que le monde nous envie et que nous sommes en train d’abandonner, la sécurité sociale, nos droits au logement, à la dignité de la vie. J’ai terriblement peur qu’on abandonne notre foi et notre courage à des menteurs, qui prétendent que rien ne peut être mieux que ce que sommes déjà alors que nous rapetissons tout sur notre passage.

J’ai peur de devoir quitter la pièce où je vis parce que la vie est trop chère mais qu’au lieu d’augmenter les salaires et de rééquilibrer la balance, on a préféré trouver des boucs émissaires et généraliser à la politique des peurs et des raisonnements brutaux et épidermiques.

J’ai peur de ce qu’ils ont déjà gagné, en colonisant les radios, les télés, et maintenant en voulant privatiser l’audiovisuel public, le laissant à la merci des milliardaires ouvertement fascistes. J’ai peur de tous les arguments que nous devons lister, face à leurs beuglements matin midi et soir, qui ne reposent sur rien d’autre que la répétition et la projection grandeur nature de leurs ressentis égoïstes, alliés à une classe bourgeoise qui panique et se rue dans la mauvaise foi et la dangerosité pour se préserver. Oui, c’est assez clair maintenant : ils préfèrent toujours préserver ce qu’ils ont plutôt que de protéger ce que nous sommes. Comment s’émanciper et reprendre la main ne serait-ce que sur ce que nous pensons face à une force de frappe pareille? 

J’ai peur mais ce n’est pas tout. J’ai aussi envie. J’ai aussi ce désir, au fond du ventre, qui ne se résigne pas à étouffer. Je veux vivre, nous voulons vivre. Vivre cette putain de vie dans toute son amplitude, ses questionnements et ses paradoxes. Vivre en apprenant en cours de chemin, en ajustant, en pardonnant, en essayant. C’est la possibilité même de vivre, qui est compromise, par le fascisme nouveau (je sais, les grands mots tout de suite mais nous en sommes là), qui nous vide de nos forces et de nos résistances. 

Les ami·es, je suis sûre qu’il est là aussi chez vous. Ce désir de vivre, vraiment. Cette envie de croire, que oui, on peut exister dans toute cette amplitude. J’ai peur, mais jamais de ça. Avoir peur de la vie, c’est la pire chose qui peut nous arriver. Il nous suffit de continuer à vouloir vivre. Ça n’est pas si compliqué, et très essentiel.  

Face à ça, les circonvolutions, les tortillements du cul, les hésitations et les renfrognements face à Mélenchon, Hollande ou je ne sais quel autre truc, ne sont pas juste dérisoires. C’est hors sujet. 

Nous avons mieux à faire que de trier, de juger, de délimiter, d’exploiter, de réduire, d’exclure, de suspecter, de dénigrer, de recadrer, d’injurier, de mépriser, de détruire. 

Nous avons des vies à vivre. 

27.06.2024 à 13:13
Motus
Texte intégral (1021 mots)

Par la rédac de Motus

Sur cette page, voici une compilation des arguments que vous pouvez utiliser pour peser de tout votre poids sur les élections législatives de 2024.

MESSAGES À ENVOYER AUTOUR DE NOUS : 

-> tout ça peut être copier / manuscrit / imprimer / afficher librement, ne vous gênez pas!

POUR FAIRE VOTER 

« Salut les amis / les voisins / les collègues / la famille 

Je sais que ça se fait pas de parler politique, mais je suis mort de trouille. 

Je voulais juste vous rappeler que ça prend vraiment 15min à tout péter d’aller voter pour élire l’Assemblée Nationale qui va voter les lois et déterminer la couleur du gouvernement, c’est DIMANCHE (30 juin) et le dimanche d’après (7 juillet), il y a 2 tours. Voter c’est pas révolutionnaire, mais ça coûte rien, et dans ces élections, ça pèse lourd. 

Je ne me permettrai pas de vous dire « voter pour ci ou pour ça », parce que vous n’avez aucune leçon de morale à recevoir de personne, et que l’important c’est de faire les choses en conscience. Nos responsables politiques nous demandent constamment de leur déléguer nos capacités à choisir, mais ne leur faisons pas ce cadeau d’abandonner notre libre arbitre. On est les seuls à vivre nos vies à nous. Alors évidemment que c’est à nous de faire notre choix, ni par dépit ni par imitation, ni par automatisme. Mais avec notre esprit critique et nos tripes. 

Et il n’y a pas trente mille programmes qui sont chiffrés, soutenus par des centaines de scientifiques et d’économistes, qui font si peur qu’on les qualifie « d’extrême » alors que le conseil d’état a démenti, il n’y a pas trente mille programmes qui raisonnent par la solidarité et pas par la concurrence, par l’empathie et pas par le mépris, par espoir et pas par peur. 

Bon vote!

PS : les sondages sont très serrés, et aux élections européennes en gros 1 français sur 2 n’est pas allé voter, alors si vous n’allez pas voter d’habitude, sachez que c’est vous qui pouvez faire basculer l’élection. »

Check list avant les élections (via l’instagram de stella.polaris) :

POUR ARGUMENTER

« voici quelques arguments qui m’ont convaincu·e de voter Front Populaire de mon côté, je pense qu’ils sont importants à connaître :

FLYER À DIFFUSER :

RESSOURCES

MÉDIAS

Streetpress

Politis

Blast (vidéos)

LIVRES

Des électeurs ordinaires, Félicien Faury (ou à écouter via son interview sur le podcast Présages)

En finir avec les fausses idées propagées par l’extrême-droite, Vincent Edin

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Camille Étienne

Mcdansepourleclimat

Caroline De Haas

Boucle télégram pour se mobiliser : https://t.me/jevotele30juin et une page qui recoupe différentes actions : https://cettefoisongagne.notion.site/La-soci-t-civile-en-campagne-872e3df15ce84d2a85df6398b95a880d

Doc qui recense des arguments précis : https://docs.google.com/document/d/1mfhVW3ODAJBu_7KW1xBN1l7RKnZ_f0UzDwWXE4a1hpo/edit

20.06.2024 à 12:02
Motus
Texte intégral (1089 mots)

Par Charlotte Giorgi

On vous l’avait dit : on ouvrait une grosse séquence pour le média avec la sortie de notre livre Si vous êtes calmes vous faites partie du problème. Le moment pour notre média de concentrer nos forces sur des contenus qui pourraient briser l’entre-soi des milieux engagés, et permettre à chacun·e de se réapproprier les combats de notre temps. On n’en peut plus du jargon militant et de parler qu’à des convaincus. Du mépris social et des leçons de morale. Ça fait des années qu’on sait qu’il faut faire autrement, et quand on regarde l’actualité, on se dit qu’on n’avait pas tellement tort. On l’a fait dans notre livre en racontant intimement un an de luttes qui a aussi vu notre collectif se structurer, et l’on continue pour les moins férus de lecture avec un…. PODCAST. Je vous en parle en images et en sons, parce que c’est plus sympa :

Raconter une histoire politique comme une histoire d’amour

J’ai grandi dans une banlieue décrépie que j’ai toujours rêvé de quitter. Contre toute attente, j’ai aussi côtoyé les bancs d’une école qui fabrique nos élites politiques. Des actions de désobéissance civile écolo aux manifs des gilets jaunes, de la création d’un média indépendant jusqu’aux recours devant le conseil d’Etat, la trajectoire de ma vie a fait de moi un témoin privilégié du fonctionnement politique des choses, du monde, de nos vies. J’ai appris beaucoup, d’espoirs en désillusions, et ça ne sert à rien si ce n’est pas partagé.

07.06.2024 à 20:00
Motus
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Par Marius Uhl, Alice Fournet, Eloan, Charlotte Giorgi

Pour la der des der de cette saison 4 sur VDJ, les compères Marius et Charlotte se sont entourés de 2 copaines de l’équipe du média, pour causer à bâtons rompus de l’année qui vient de s’écouler pendant qu’on la commentait. On en tire des choses pas joyeuses, mais en se marrant comme des bossus, et ça ça change tout.

Bonne écoute!

On se retrouve en septembre pour la saison #5. 😈

23.05.2024 à 18:49
Motus
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Par Charlotte Giorgi et Marius Uhl

Photo de Florian Schmetz sur Unsplash

Eh oui, bien sûr, on n’allait pas y couper. Voici notre épisode rabat-joie de l’été sur Vacarme des Jours : une petite tribune anti-JO, qui rappelle les conséquences dévastatrices d’un évènement qui durera dans le temps en termes de saccages, et pour lequel les décisions prises sont un exemple des plus parlants de déni de démocratie.

À part ça, allez les Bleus! peace

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