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Motus & Langue Pendue - Un journal intime de la société, avec des contenus situés quelque part entre l’art, la discussion entre potes et le journalisme.

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09.11.2025 à 07:26

Je soigne mon totalitarisme

La rédac

Texte intégral (1431 mots)

– Mais déconnez pas, non plus. 

PAR ENTHEA

 

En ce moment, pour mille raisons qui nous unissent par l’actualité, je m’interroge énormément sur la place que je souhaite occuper dans cet espace vertigineux qu’est “le vivant”. Ce vivant, que l’on pense en miroir de nos pratiques de production de mort, de souffrance et de destruction. Je pense à ce pouvoir que l’on se donne sur les corps des autres espèces avec qui nous partageons (hum…) les espaces dans lesquels nous aimons, produisons, respirons, espérons.
Pour être précise, j’adopte un mode de vie basé sur la minimisation (puisque l’abolition n’est encore qu’un rêve trop peu partagé pour une influence totale sur notre société) de l’exploitation animale, dans mes consommations, mes pratiques, et autant que possible dans un respect du partage de l’espace, des besoins et de la sentience (1) de toustes les individu·es sur qui mon statut d’humaine globalement privilégiée me donne un pouvoir de nuisance. 

C’est une posture évidemment dérisoire si elle doit se résumer à ce que pense de moi Jean-Michel Onpeutplusriendire à qui je dis “je suis végane”, un jour où je me sens un peu trop joueuse. Jean-Michel va me demander à quoi “j’ai le droit” (au cas où mon gourou, ou peut-être le Saint-Woke, s’aperçoive que j’ai chipé un bout de saucisson en douce à l’apéro ?). Il va me plaindre de cette difficulté qu’il ne connaît pas, et en profitera pour me rappeler le bon goût du steak miam miam. En oubliant complètement que l’on parle ici d’un choix conscient, volontaire, maintenu et réitéré par envie, chaque jour. 


Bref, la question n’est pas de faire la course à l’absolue perfection, bien évidemment, Jean-Barbec’. Par exemple, samedi, j’ai acheté du nutella “plant based”, pour mon amoureux. J’ai bien, BIEN baissé les yeux à la caisse, au moment de financer cette merde, aussi “plant based” soit-elle. Parce qu’à ce moment-là, j’ai fait passer mes sentiments, mon individualité, au-dessus d’un ensemble de valeurs qui m’animent pour autant chaque jour. Comment être en paix avec ça ? Il n’y a pas à être en paix avec ça, je crois. On peut trouver mille raisons pour se faire passer avant tout, mais la réalité, une fois dépouillée des prétextes et de la mauvaise foi, restera toujours aussi crue.

C’est typiquement cet ensemble de situations qui m’amène à nuancer ma réponse à la question à laquelle je répondais fut un temps avec la vigueur d’une jeune militante pleine d’angles morts, qui écoute de la musique trop fort et trop longtemps pour se calmer les nerfs : 

Est-ce qu’on peut vraiment être de gauche, si on est pas végan·e ?

Enthea, 2018 : “Non. Actuellement c’est tout simplement impossible d’ignorer tout ce qu’il se passe, au vu du travail de toutes les associations, de l’accès aux documentaires, aux podcast et tous autres supports médiatiques sur les sujets de maltraitance animale. Fermer les yeux volontairement sur des atrocités, c’est au mieux hiérarchiser ses combats, au pire considérer que c’est tout à fait acceptable de s’approprier et exploiter la vie d’autres individu·es pour notre confort. (Si ça c’est pas de droite, je sais pas ce qu’il faut.). Nuance faite de la question alimentaire pour les personnes souffrant de TCA (2) qui ne peuvent faire autrement. La question du budget n’est pas valable, merci de bien vouloir la rouler et caler vos portes avec.”

Tout ça me questionne… Où est-ce que je vais, avec une vision si totalitaire ? Est-ce que c’est dans ce monde que je veux vivre ? Dans un monde où il faut pouvoir ? Pouvoir faire, pouvoir réfléchir, pouvoir être à 100% de l’idéal, sinon rien ? Sinon on est Eric Zemmour ?

Enthea 2025 : “Avec une réflexion plus large sur les privilèges facilitant certains modes de vie/accès aux informations/disponibilités mentales et physiques, j’adhère plutôt à l’idée qu’il y a une nécessité réelle, viscérale, à laisser de l’espace dans nos coeurs pour penser notre relation au vivant et à notre environnement de la manière la plus vaste possible.
Est-ce que “végane” se dit de la perfection, ou est-ce que cela peut se dire d’une personne qui s’engage dans un processus de changement idéologique et de consommation, dans la mesure de ses possibilités à un instant T ? 

Dans mon entourage, nous sommes encore peu à nous qualifier de “végan·es”, et c’est quelque chose qui m’a été souvent difficile.

Comment ces gens, que j’aime si fort, peuvent-ils encore accepter de se régaler au quotidien et plutôt sereinement des massacres et tortures d’individus ? Elleux qui sont si adorables, qui ne veulent que l’amour et la paix pour toustes, du fond de leur cœur, je le sais bien. Où sont les actes ? La guerre dans mon crâne. Je me battais avec une idée fixe : je n’accepterais jamais de les voir torturer des chatons dans une cave, donc qu’est-ce qui fait que j’accepte aujourd’hui de les voir cautionner ces actes de barbarie ?
Ce qui a apaisé (…hum again) ce conflit interne, c’est de voir et savoir que même si leurs achats, leurs pratiques finançaient régulièrement ces abominations, iels étaient dans leurs mots et leurs réflexions, aligné·es avec l’idée d’éviter d’exploiter des individu·es.
… Alors du blabla, et pas d’actes, ça suffit ?

Non, ça ne suffit pas.

Ça ne suffira jamais, pour les milliers de vies que l’on prend dans la torture, chaque jour. 

Mais à la question “Est-ce qu’on peut vraiment être de gauche, si on est pas végan·e ?”, désormais, je sais un peu mieux répondre.

Oui je pense que l’on peut être de gauche même si l’on n’est pas adoubé·e par le gourou du véganistan grâce à 10 ans de pratique exemplaire.

Mais on ne peut pas être de gauche si l’on considère qu’il est acceptable d’utiliser la vie d’autrui pour servir ses besoins et ses envies, et si l’on ne bouge pas pour s’opposer à ça, d’une manière ou d’une autre. Le spécisme (3), c’est de droite.

Il y a tant de manières de faire, et il y a tant à faire, ou à s’abstenir de faire. 

“Rien” n’est désormais plus une option.

 

__

 (1) Concept philosophique qui définit la capacité à penser, à ressentir.

(2)  Troubles du Comportement Alimentaire (Les plus connus sont l’anorexie et la boulimie, mais ces troubles peuvent être divers et d’intensité variés, et sont associés à une souffrance psychologique et une difficulté voir impossibilité à contrôler des pulsions)

 (3) Considération que l’espèce à laquelle un animal appartient est un critère pertinent pour établir les droits qu’on doit lui accorder ou l’égard porté à ses intérêts. Le spécisme hiérarchise les individus pour savoir lesquels peuvent être exploités, torturés et tués et lesquels peuvent avoir le droit à la considération de leurs besoins primaires. L’humain est bien évidemment dans ce cadre, l’espèce qui bénéficie du plus de droits. De tous les droits. 

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29.09.2025 à 12:39

[vidéo] Sabrina Waz x Clément Sénéchal : le talk politique !

La rédac

Texte intégral (846 mots)

Nom d’une pipe, la voilà : maintes fois demandée, on vous partage avec grande joie la retransmission de notre talk de rentrée enregistré aux Etats Généraux du Seum. On y suit Marius, rédac chef adjoint, grand animateur d’un dialogue entre deux seumards inconditionnels : Sabrina Waz, militante décoloniale, ex Gilet Jaune et membre du média Paroles D’Honneur, et Clément Sénéchal, un chenapan anticapitaliste repenti de ses années en tant que porte-parole de Greenpeace, auteur de l’excellent Pourquoi l’écologie perd toujours (2025, éd. du Seuil) – déjà recommandé dans nos colonnes. 
On y parle de pourquoi on a le seum et de comment rendre ces aigreurs efficaces pour des luttes victorieuses tout en lucidité 😈
C’est piquant et annonciateur de quelques nouvelles émissions sur cette chaîne YouTube, alors n’hésitez pas à vous abonner ! 🔔 ⤵

 

Les Etats Généraux du Seum : kézaco ?

Ces derniers temps, dans les milieux militants de gauche desquels nous sommes, on a beaucoup parlé de “joie militante”. Cette euphorie collective, destinée à nous faire nous déhancher tout en dénonçant les ultra-riches ou les gros nazis, est sur toutes les bouches. 

Pas la nôtre. Parce que dans un élan ultime de mauvaise foi, notre média de dépressifs dégénérés revendique sa mauvaise humeur. S’en amuse. S’en contente. Pour notre anniversaire, les cadeaux sont empoisonnés 🫦Nous avons décidé de réunir les frustrés de l’époque pour de pompeux Etats Généraux du Seum. Exit, les fachos réactionnaires tout sourire d’avoir déjà gagné. Mais! Exit aussi, les grandes leçons de morale inefficaces de notre camp. Ici les vilains petits canards de la gauche only. 

Le 10 septembre 2025, le média Motus & Langue Pendue appelait les sales gosses, organisations marginales, associations microscopiques, les trop bruyants, les trop de gauche, toute persona non grata du mouvement social respectable ou autres médias sans le sou, à venir mettre du poil à gratter dans l’entre-soi mondain des progressistes pour le faire progresser vraiment. Les secousses doivent venir de nous, et quoi de mieux pour swinguer toute une soirée 🪩

Bref, les seumards contre-attaquent. Ils le font le temps d’une soirée par ironie, par malice, par sarcasme, mais aussi pour alerter notre propre camp idéologique, la gôche : nous avons besoin de remises en question, de nouveaux venus pinailleurs, de grains de sel et de cailloux dans les chaussures, plus que d’entre-soi souriants et de grandes tapes dans le dos entre des personnes qui se paraphrasent quand elles ne s’applaudissent pas. Nous avons besoin que ceux qui barbotent, installés dans le paysage institutionnel de gauche, nous tiennent la porte ouverte pour qu’on y sème un peu de pagaille saine. Ça nous fera autant de bien que la joie militante, c’est promis. Peut-être même les deux se rejoignent-ils… 

 

Le 10 septembre dernier donc, des médias, des orga, mais aussi des gens et des trajectoires hors des clous se sont rejoints pour célébrer les paroles biscornues et piquantes, dans l’irrévérence plus que l’humour poli et lisse. Nos rires gras et vexés disent quelque chose des entre-soi desquels nous sommes exclus. Et pour l’anniversaire de notre média, nous voulions faire des marges le centre du jeu. La contre-soirée devient the place to be, les Etats Généraux du Seum peuvent commencer. 

Pour d’autres évènements comme celui-ci, nous avons besoin de sous ! >>SOUTENEZ MOTUS <<

 

 

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09.07.2025 à 18:00

[ÉVÈNEMENT] Motus vous invite aux Etats Généraux du Seum le 10 septembre prochain!

La rédac

Texte intégral (994 mots)

LES INFOS ⤵

📍le Point Éphémère, 200 quai de Valmy, Paris 10e

📆 mercredi 10 septembre 2025, de 18h30 à 1h

🫵🏻 par Motus & Langue Pendue et consorts 

🤝 Entrée gratuite : réservez votre place ici

 

 

Les Etats Généraux du Seum : kézaco ?

Ces derniers temps, dans les milieux militants de gauche desquels nous sommes, on a beaucoup parlé de “joie militante”. Cette euphorie collective, destinée à nous faire nous déhancher tout en dénonçant les ultra-riches ou les gros nazis, est sur toutes les bouches. 

Pas la nôtre. Parce que dans un élan ultime de mauvaise foi, notre média de dépressifs dégénérés revendique sa mauvaise humeur. S’en amuse. S’en contente. Pour notre anniversaire, les cadeaux sont empoisonnés 🫦Nous avons décidé de réunir les frustrés de l’époque pour de pompeux Etats Généraux du Seum. Exit, les fachos réactionnaires tout sourire d’avoir déjà gagné. Mais! Exit aussi, les grandes leçons de morale inefficaces de notre camp. Ici les vilains petits canards de la gauche only. 

Le 10 septembre 2025, le média Motus & Langue Pendue appelle les sales gosses, organisations marginales, associations microscopiques, les trop bruyants, les trop de gauche, toute persona non grata du mouvement social respectable ou autres médias sans le sou, à venir mettre du poil à gratter dans l’entre-soi mondain des progressistes pour le faire progresser vraiment. Les secousses doivent venir de nous, et quoi de mieux pour swinguer toute une soirée 🪩

 

Une soirée festive et politique

Au programme : 

  • un apéro géant avec des stands garantis fauteurs de trouble et pas faiseurs de roi entre lesquels déambuler
  • un talk politique iconique pour se fâcher un peu
  • des lives et DJ set pour montrer qu’on peut aussi être des gens ordinairement joyeux, si on veut 

 

 

Bref, les seumards contre-attaquent. Ils le font le temps d’une soirée par ironie, par malice, par sarcasme, mais aussi pour alerter notre propre camp idéologique, la gôche : nous avons besoin de remises en question, de nouveaux venus pinailleurs, de grains de sel et de cailloux dans les chaussures, plus que d’entre-soi souriants et de grandes tapes dans le dos entre des personnes qui se paraphrasent quand elles ne s’applaudissent pas. Nous avons besoin que ceux qui barbotent, installés dans le paysage institutionnel de gauche, nous tiennent la porte ouverte pour qu’on y sème un peu de pagaille saine. Ça nous fera autant de bien que la joie militante, c’est promis. Peut-être même les deux se rejoignent-ils… 

 

Rendez-vous est donc donné le 10 septembre 2025 au Point Éphémère, à Paris. Des médias, des orga, mais aussi des gens et des trajectoires hors des clous s’y rejoindront pour célébrer les paroles biscornues et piquantes, dans l’irrévérence plus que l’humour poli et lisse. Nos rires gras et vexés disent quelque chose des entre-soi desquels nous sommes exclus. Et pour l’anniversaire de notre média, nous voulons faire des marges le centre du jeu. La contre-soirée devient the place to be, les Etats Généraux du Seum peuvent commencer. 

Prenez vos billets ici !

 

 

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02.07.2025 à 16:52

Pour que la piraterie ne soit jamais finie.

La rédac

Texte intégral (1982 mots)

Une année sur un média minus avec un ego énorme.

Par Charlotte Giorgi

“Ça y est. J’ai déménagé. 

Je ne vous écris plus depuis mes mythiques 9m2 de meuf instable. 

(Nota bene : je suis toujours une meuf instable, mais j’exerce désormais dans autre chose qu’un placard)

Me voilà de retour extramuros. Pas très loin, juste au bord du périph’. Mais en banlieue quand même. 

Celle que je fuyais. 

Il faut croire que la pollution me va mieux. Que je me fonds mieux dans son décor, gris, en chantier, où quelques herbes s’évertuent à pousser au milieu du béton. Où la vie est ratatinée par les voitures et les éléments. Mais mon appartement a plus que doublé de taille. En banlieue, aussi bien ici que là où j’ai grandi, je fais l’expérience de ce que veut dire vivre une vie à peu près normale. Et depuis, un mot me trotte dans la tête pour qualifier tout ça : me déplier. Pour moi donc, la liberté, la joie, la vie, se construit ici. Dans ces lieux qu’on est censés fuir pour travailler, monter, avancer vers le centre. Et de penser ça, m’a rappelé mes profs du lycée : « pour trouver une problématique intéressante pour vos dissertations, cherchez un paradoxe. » Se déplier est un des plus gros paradoxes que permet notre époque faites de petits tiroirs où se ranger, qui donnent d’autant plus l’envie de vivre un peu de ce désordre, de ces tâtonnements, et de ces chaos de liberté des temps où il faut se réinventer.”

J’aime l’écologie et les chemins bétonnés. Les livres de bell hooks et les hommes un peu macho sur les bords. Je raffole de conversations mesquines avec de bonnes personnes, d’humour noir et de sarcasmes légers, de jolies voix truffées d’insultes et d’énormités dites doucement, de rires gras et d’engueulades où l’on pleure quand on voudrait crier. Les endroits qui me plaisent, même si ça ne plaisait pas forcément en y grandissant, ce sont les endroits où l’on ne lisse pas, où l’on ne conforme pas, où l’on ne s’excuse pas d’être plusieurs choses à la fois. Je viens des endroits où la liberté prend forme humaine et où l’on me rirait peut-être au nez d’écrire ça. Je viens des paradoxes, et je compte y rester, malgré toute la force que notre société met à les combattre. 

“J’viens de là où ça sent la pisse, même si c’est repeint” rappe SCH.

En septembre dernier, j’ouvrais cette 5e saison sur le média avec cet éditoEssorée par l’année qui vient de s’écouler (sur moi, j’ai l’impression – genre comme un gros seau d’eau glacée qu’on m’aurait retourné dessus), je le trouve sacrément bien écrit. On voit que j’avais les yeux en face des trous. Peut-être plus que maintenant. À tort ou à raison. Être à côté de la plaque, ça a parfois du bon pour embrasser ses paradoxes.

Quelques mois plus tard, j’ai retrouvé ma relation toxique et cabossée qui n’en finit pas de ne pas commencer, fait un tour aux urgences psy pour constater que ce n’est pas moi la malade mais la SocIeTeR et perdu mon grand-père sur de la musique classique toute douce dont le mot “deuil” n’arrive pas à absorber l’absurdité.

Quelques mois plus tard, beaucoup de choses ont changé dans ma tête, et dehors le même paysage : Israël qui joue à “c’est celui qui le dit qui y est” pendant que tout meurt sous ses bombes ; des demi-tours prévisibles mais tout aussi lamentables de nos pouvoirs publics sur à peu près tout ce qui concerne le social et l’écologie (A69, taxe Zucman, loi Duplomb,…) ; la presse indé qui galère. Pour les paradoxes on repassera. Bon, on notera quand même un nouveau pape pas facho, l’émergence d’une Theodora superstar plus subversive que l’ensemble des politiciens de gauche, et la résilience de l’équipe de ce petit média alors que la préparation des dossiers de subventions et la refonte de ce site internet nous aura aspiré une bonne partie de nos âmes.

Cette saison 5 nous a donné du fil à retordre, et de plus en plus il faut s’armer d’imagination et de folie pour trouver des paradoxes intéressants dans la logique implacable et déprimante du monde. Cette année m’a semblé lisse, conforme aux pires attentes et léthargies, et pour beaucoup, elle aura été l’occasion de s’engoncer dans des postures morales inefficaces, signe d’impuissance politique, de fatigue militante ou – plus souvent, si on est honnête, de lâcheté. Je m’accroche pourtant toujours à cette idée qu’il faut persévérer à chercher l’endroit de frottement dans tout ce que l’on vit, et lui faire cracher ce qu’il a à poser comme questions utiles. Je suis en train de lire à ce sujet le dernier livre de Claire Touzard, Folie et Résistance et il fait écho à mon propre diagnostic de bipolarité, qui vient de me tomber sur le nez comme une évidence. Plus qu’une collection d’étiquettes, il me semble assez logique que les hérétiques de notre temps se retrouvent sous les loupes de la psychiatrie. Ce que Claire Touzard propose en revanche, c’est d’utiliser ces labels agaçants comme autre chose qu’une pathologie. Comme une force subversive. Comme une résistance intrinsèque, qui se travaille pour ne pas la laisser nous ramollir et nous rendre malades, mais au contraire nous redonner la vitalité que l’époque est en train de nous arracher. 

Un enseignement majeur de cette année : le réel est complexe, toujours subjectif, et souvent inextricable pour les gens qui portent un poil de profondeur politique en eux. Un autre : ce n’est pas parce que les faits sont graves qu’ils sortent de l’ordinaire. Ça n’est pas parce qu’on s’empresse de choisir son camp et ses mots magiques qu’on réfléchit. On utilise le mot “conflictualité” à toutes les sauces, et on se vautre dans la binarité dès qu’on sent les questions inconfortables arriver. Le champ politique n’a pas besoin de notre embarras dégoulinant de bonnes pensées. Il a besoin qu’on tangue, qu’on creuse, qu’on le nourrisse. Et si ces réflexions manquent de concret, c’est aussi parce que l’année en a manqué.

Pour avancer, il va donc falloir laisser derrière nous toute une tripotée d’abrutis qui jouent aux profs et ne vivent rien. Par exemple, ceux qui pensent que tout est simple. Ceux qui prétendent être très au clair sur des questions qui se répètent en partie parce que ces gens-là font semblant qu’elles sont limpides. Nier la complexité d’un monde violent autant que prévisible c’est aussi en être profondément et bêtement complices. Cela dit, l’époque a aussi fait tomber les masques, et on ne va pas se mentir, certaines choses sont limpides : le soutien à un génocide ou les 40° qu’on subit pendant que Jeff Bezos invite ses amis en jet pour le marier en grande pompe à Venise. Paradoxes, encore. Il faut savoir naviguer entre les choses simples qu’on complique et les imbroglio qu’on voudrait lire sans profondeur.

 

Depuis que j’écris sur Internet et ce média que j’aime tant, je connais bien ces endroits border, où tu flirtes avec le danger d’une pensée libre et qui gratte, et le plaisir autant que l’inconfort de rencontrer tes propres contradictions. Je connais ces moments où te sentant couler, tu découvres de nouvelles portes par lesquelles laisser la vie s’engouffrer. Je connais ces conflits, ces ruptures, ces douleurs autant que ces euphories qui élargissent le monde et lui donnent le reflet de plusieurs vérités qui cohabitent. Prétendre porter une parole politique, c’est aussi s’abandonner au contradictoire, tenir grandes ouvertes les portes qui font des courants d’air désagréables, être complet et entier, et surtout assez solide pour gratter derrière la saleté de l’ordinaire. Il faut mettre les mains dans le camboui plus que des mots dans un confessionnal, voilà ce que je retiens de cette année militante à couvrir une actualité qui se délabre autant que le monde. 

Et puis, si je dois me confesser de manière absolue (et vous refiler la patate chaude), j’avoue que je prends une certaine jouissance à ne prêter allégeance à rien ici ; ni au bien ni au mal, à aucune victime ni aucun bourreau, ni à la morale ni même à ma propre vision des choses.

Mais je prends aussi mon pied paradoxal dans la loyauté aux miens, à ceux qui me ressemblent, ceux qui marchent sur le fil et dont les gros rires d’équilibristes font trembler de peur tous les bien-pensants.

Je crois qu’un jour on se rendra compte que tout ça peut cohabiter, et que même, ça doit. Il suffit de penser.

Je me suis demandé pendant longtemps ce qui faisait que je me retrouvais toujours à compagnonner dans les zones d’ombres, avec les tordus. Tous mes plus chers traînent trente casseroles à leurs jolies fesses, et j’ai pris plaisir à décortiquer ces frontières difficiles entre l’acceptable et l’inacceptable, mais aussi entre la folie et le réel dans des textes et des podcasts. Je ne me suis pas épargnée, j’ai tout raconté, des manigances du contrôle aux sincérités des explosions. De l’intimité de ma chambre aux marches vers Gaza.

Je me suis accroché à ce média pour penser, de toutes mes forces. Pour écrire ces folies, ces idées, ces illuminations. S’il faut avoir l’air de se rouler dans la boue pour toucher du doigt l’essentiel des choses à dire, nous serons les vilains petits canards qui laissent des traces de gadoue sur la moquette. À bientôt sur l’internet pirate ! 

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26.06.2025 à 20:22

[vidéo 🎥] Pourquoi on a le seum (la gauche, les médias, les idiots utiles…)

La rédac

(131 mots)

Par Marius Uhl et Charlotte Giorgi

Un épisode de fin d’année hautement politique dans lequel on vous explique la vie et on rage en faisant la leçon à tout le monde.

L’occasion de revenir sur ce manifeste de seumards, et de vous annoncer une très chouette nouvelle! ⤵

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