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10.04.2025 à 17:10

Quand l’armée vient au secours des sinistrés : le cas des inondations de Valence

Jules Rodrigues, Professeur d'espagnol, docteur en civilisation espagnole contemporaine, Université de Lille
L’armée espagnole a été mobilisée pour répondre à la catastrophe climatique de Valence. Retour sur les modalités spécifiques du recours aux militaires dans ce type de circonstances.
Texte intégral (2752 mots)

Le 29 octobre 2024, une violente dépression a frappé la région de Valence, provoquant des pluies torrentielles, d’importants dégâts matériels et un terrible bilan humain (près de 240 morts). Face à l’impuissance des pouvoirs publics et des services civils, l’armée espagnole a été appelée à la rescousse pour aider à retrouver les disparus, à déblayer et à reconstruire. Retour sur le fonctionnement de l’armée en Espagne et sur le rôle qui lui est dévolu dans la gestion des crises survenant sur le territoire national.


L’armée espagnole s’organise sur la base de l’article 8 de la Constitution de 1978, qui dispose que les Forces armées constituées de l’armée de Terre, de la Marine et de l’armée de l’Air, sont les garantes de l’ordre constitutionnel.

Le roi est le chef suprême des armées (art. 62.h.), mais le commandement effectif est confié au président du gouvernement (Pedro Sanchez depuis 2018) et, par délégation de pouvoir, à la ministre de la Défense (Margarita Robles depuis 2018), secondée par un chef d’état-major de la Défense (JEMAD), fonction à la fois politique et militaire, faisant le lien entre la chaîne de commandement militaire et la hiérarchie politique.

L’organisation actuelle de l’armée

Le cadre juridique de l’armée espagnole est profondément réformé dans les années 2000. La Loi organique 5/2005 sur la Défense nationale sert de fondement à cette modernisation. Suivent en 2006 une loi sur les hommes du rang (Ley de Tropa y Marinería), en 2007 une loi sur la carrière militaire (Ley de Carrera Militar) et en 2011 un nouveau code éthique des Forces armées (les Reales Ordenanzas). En bref, l’armée espagnole s’adapte aux enjeux spécifiques du XXIe siècle.


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En 2024, l’armée espagnole est professionnelle, le service militaire obligatoire ayant été suspendu au 1er janvier 2002. La loi sur la carrière militaire et celle sur les hommes du rang précisent les conditions de recrutement. La loi prévoit entre 130 et 140 000 militaires professionnels en service actif, dont 50 000 cadres de commandement (à partir du grade de sous-officier).

Or l’armée espagnole peine à recruter. Alors que le second gouvernement Aznar (2000-2004) avait envisagé de recruter 120 000 soldats (hors cadre de commandement), la réalité de l’attractivité des emplois militaires a obligé les gouvernements successifs à revoir à la baisse les possibilités de recrutement qui depuis, se situent approximativement à entre 79 et 86 000 hommes du rang.

Effectifs de l’armée espagnole en service actif (2002-2023). Fourni par l'auteur

Pour autant, l’armée espagnole s’intègre pleinement aux structures internationales de défense et de sécurité. L’Espagne obtient l’adhésion à l’OTAN en mai 1982 malgré l’opposition de la gauche socialiste – qui s’empresse de la geler dès son arrivée au pouvoir dans l’attente de la tenue d’un référendum sur la permanence de l’Espagne dans l’organisation. Organisé le 12 mars 1986, le référendum donne une large victoire au oui. Ce vote stipule également que l’Espagne reste à l’écart de la structure militaire intégrée, qu’elle ne rejoindra que discrètement en 1999, sous le premier gouvernement Aznar.

Par la suite, l’Espagne obtiendra son intégration à l’Union de l’Europe occidentale (UEO) et participera à plusieurs forces militaires créées durant les années 1990, dont l’Eurocorps, qu’elle rejoint en 1994.

Depuis, elle participe régulièrement aux entraînements des forces de l’OTAN et à diverses opérations internationales sous l’égide l’ONU, de l’OTAN et de l’Union européenne ; on n’a pas oublié, non plus, sa participation à la « coalition des volontaires » mise sur pied par George W. Bush en 2003 pour renverser le régime de Saddam Hussein en Irak.

L’UME, une unité prévue pour répondre aux catastrophes naturelles

À l’initiative du premier ministre José Luis Rodríguez Zapatero (2004-2011), une nouvelle unité est créée en 2006, deux ans après les graves incendies de l’été 2004, à l’intérieur de ces Forces armées : l’Unité militaire d’Urgences (Unidad Militar de Emergencias).

L’article 15.3 de la loi de défense nationale de 2005 dispose que « les Forces armées, aux côtés de l’État et des Administrations publiques, doivent préserver la sécurité et le bien-être des citoyens dans les cas de risque grave, de catastrophe, de calamité ou autres nécessités publiques, en accord avec ce qu’établit la législation en vigueur ».

Répartition géographique de l’Unité militaire d’Urgences. Ministère espagnol de la défense

Comme une force expéditionnaire, l’UME dispose de cinq bataillons d’intervention répartis sur le territoire péninsulaire : le centre de commandement, le quartier général et le 1er bataillon sont basés à Madrid ; le 2e bataillon, basé à Séville, intervient aux Canaries ; le 3e est basé à Valence ; le 4e à Saragosse et le 5e à León.

Créée à la suite des incendies de l’été 2004, l’unité a pour mission de lutter contre tout type de catastrophes naturelles. Mais l’examen de ses statistiques montre qu’elle intervient surtout contre les incendies de forêt – le plus souvent volontaires – à hauteur de 71 %, contre seulement 10 % pour les inondations.

Statistiques des interventions de l’UME, 2007-2024. Ministère espagnol de la Défense

À l’épreuve de la catastrophe de Valence

Un nombre inhabituellement élevé de militaires et de matériels a été mobilisé pour répondre aux inondations liées à l’épisode de la depresión aislada en niveles altos (DANA) à Valence les 29 et 30 octobre dernier.

Il faut préciser à cet égard que l’UME n’intervient pas de manière automatique sur le territoire national. Elle ne peut intervenir qu’en cas de situation d’urgence dite « situation opérationnelle 2 », quand les moyens régionaux ne sont plus suffisants pour contenir la catastrophe en cours. Seul le gouvernement régional peut avertir la délégation du gouvernement central en région qui, à son tour, prévient le ministère de l’Intérieur en charge de valider le recours à l’UME. Du ministère de l’Intérieur, la demande d’intervention passe au ministère de la Défense, qui activera l’unité et définira les moyens nécessaires.

L’armée n’a donc été activée qu’au cas par cas ; on comprend dès lors pourquoi elle a pu intervenir dans certains villages de la région de Valence plutôt que dans d’autres, alors même que la situation qui y prévalait requérait également son intervention.

Situations opérationnelles et activation de l’UME. Ministère espagnol de l’Intérieur

Une crise toujours sans responsable

Le 2 novembre dernier, le journal valencien Levante précisait que ce recours aux Forces armées n’était du ressort que du gouvernement central et se faisait l’écho du mécontentement aussi bien de la population civile, qui se sentait abandonnée, que de certains militaires qui disaient leur impuissance face à une activation qui tardait à arriver.

Le général Francisco Javier Marcos, commandant de l’UME, a pour sa part rappelé, lors d’une conférence de presse quelques jours plus tard, la responsabilité du gouvernement régional dans la demande d’activation de l’unité militaire pour permettre son intervention dans les villages sinistrés.

Plusieurs mois après la catastrophe, et après avoir rejeté la responsabilité sur le gouvernement de Madrid, sur l’armée et sur l’Agence espagnole de météorologie (AEMET), le président du gouvernement autonome de Valence, Carlos Mazón (Parti populaire), ne parvient pas à se dédouaner des responsabilités qui pèsent sur lui quant à la gestion de l’alerte, la prévention et l’évacuation des zones à risque.

The Conversation

Jules Rodrigues ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

10.04.2025 à 17:09

Nouvelle recherche : des mélanges d’additifs alimentaires associés à une augmentation du risque de diabète de type 2

Mathilde Touvier, Directrice de l'Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm,Inrae, Cnam, Université Sorbonne Paris Nord, Université Paris Cité, Inserm
Marie Payen de la Garanderie, Etudiante en doctorat en épidémiologie nutritionnelle, Université Sorbonne Paris Nord
Une nouvelle recherche basée sur la cohorte française NutriNet-Santé suggère un lien entre certains additifs présents dans les aliments industriels et une augmentation du risque de diabète de type 2.
Texte intégral (2621 mots)

En matière d’alimentation, de nouveaux résultats de recherche suggèrent un lien entre certains additifs présents dans les aliments industriels et l’augmentation du risque de diabète de type 2. Mathilde Touvier, qui dirige l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (CRESS-EREN, Inserm/Inrae/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité), a encadré ces travaux, conduits par sa doctorante Marie Payen de la Garanderie. Elles nous disent ce qu’il faut en retenir.


En forte progression partout dans le monde, le diabète de type 2 – qui représente plus de 92 % des cas de diabète en France – survient généralement après 40 ans. Il est dû à une baisse de sensibilité cellulaire à l’insuline, l’hormone du pancréas qui facilite l’entrée du glucose dans les cellules. Si, dans notre pays, l’augmentation de l’incidence de cette maladie peut en partie s’expliquer par le vieillissement de la population, l’évolution des modes de vie, notamment le manque d’activité physique et les modifications en matière d’alimentation, semble aussi jouer un rôle.

The Conversation : Pourquoi avoir étudié les effets des mélanges d’additifs sur la santé ?

Mathilde Touvier : Historiquement, les additifs alimentaires sont évalués par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de façon individuelle.

Cependant, dans la vie quotidienne, les aliments contiennent un grand nombre d’additifs : dans un soda « sans sucre », on peut trouver non seulement de l’aspartame (et/ou de l’acésulfame K, le sel de potassium de l’acésulfame, au pouvoir sucrant 100 à 200 fois plus élevé que le sucre), mais aussi de l’acide citrique, du colorant caramel au sulfite d’ammonium, etc. En outre, les combinaisons d’aliments et de boissons fréquemment consommés ensemble contribuent au fait que nous ingérons régulièrement des mélanges d’additifs.

Or, on sait que lorsque des substances chimiques se retrouvent mélangées, leurs effets peuvent être différents de ce qu’ils sont lorsqu’elles sont prises séparément. Les interactions qui se produisent au sein du « cocktail » de produits chimiques peuvent en effet engendrer des synergies (l’effet des substances concernées se renforce) ou des antagonismes (leurs effets sont annulés ou diminués). Ce qui peut avoir des conséquences pour la santé qui ne sont pas détectables lorsque les substances sont testées seules.


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Dans le cadre de ces travaux, nous avons identifié les principaux mélanges d’additifs auxquels sont exposés les participants de la cohorte française NutriNet-Santé (plus de 100 000 adultes), puis nous avons évalué les associations entre les expositions à ces mélanges et la santé. La première étude que nous publions ici porte sur le diabète de type 2. Les analyses sont en cours sur d’autres pathologies (cancers, maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle…).

T. C. : Certains de vos précédents travaux s’appuyaient déjà sur la cohorte NutriNet-Santé ?

M. T. : Oui. Cette recherche s’inscrit dans le contexte du grand projet « Additives », qui a reçu une bourse du Conseil européen de la recherche (European Research Council, ERC) et de l’Institut national du cancer (Inca).

Dans ce cadre, nous avions notamment déjà mis en évidence un lien entre certains émulsifiants (des additifs alimentaires destinés à obtenir certaines textures dans les aliments industriels et à permettre la stabilité des mélanges obtenus dans le temps) et un risque accru de maladies cardiovasculaires, de certains cancers et de diabète de type 2. Nous avions également montré des liens entre consommation d’édulcorants (comme l’aspartame ou l’acésulfame K) et incidence plus élevée de maladies cardiovasculaires, de cancers et de diabète.


À lire aussi : Les émulsifiants, des additifs alimentaires qui pourraient être associés à un risque de cancer


Nous nous appuyons pour cela sur la cohorte NutriNet-Santé, une étude de santé publique coordonnée par l’EREN-CRESS (équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle,Inserm/Inrae/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité). Lancée en 2009, elle implique plus de 180 000 « nutrinautes », des consommateurs qui acceptent de remplir des questionnaires détaillés sur leurs habitudes alimentaires et leur santé. Dans ces travaux en particulier, les données de plus de 100 000 nutrinautes ont été analysées.

En croisant ces informations avec celles contenues dans les bases de données de composition des aliments (Open Food Fact ou Oqali, par exemple), nous sommes pour la première fois en mesure d’explorer les effets potentiels des mélanges d’additifs sur la santé.

Nous avons aussi évalué les doses auxquelles sont soumis les consommateurs, en effectuant des dosages ou en nous basant sur ceux effectués par le magazine Que Choisir, notamment, ainsi que sur des données quantitatives fournies par l’EFSA.

De cette façon, nous avons pu déterminer les expositions à plusieurs centaines d’additifs différents et observer quels sont les mélanges les plus représentés dans l’alimentation. Nous avons ensuite étudié les liens entre l’exposition à ces mélanges et l’incidence du diabète de type 2.

T. C. : Quels résultats avez-vous obtenus ?

M. T. : Nous avons identifié cinq mélanges d’additifs auxquels ces consommateurs français étaient particulièrement exposés. Nous avons considéré tous les additifs consommés par au moins 5 % des participants. Au final, nous avons intégré un peu plus de 70 additifs dans nos modèles de mélanges. Sur ces cinq mélanges, nous avons observé que deux d’entre eux étaient associés à une incidence plus élevée de diabète de type 2.

Le premier mélange concerné est plutôt caractéristique des produits ultratransformés de type bouillons, desserts lactés, sauces industrielles… Il contient des additifs tels que des émulsifiants (carraghénanes E407, amidons modifiés E14xx, gommes de guar E412 ou gommes xanthanes E415, polyphosphates E452, pectine E440…), ainsi qu’un conservateur (sorbate de potassium E202) et un colorant (curcumine R100).

Le second mélange associé au diabète de type 2 était caractéristique des boissons industrielles. Il contenait des correcteurs d’acidité (acide citrique E330, citrate de sodium E331, acide malique E296, acide phosphorique E338), des colorants (caramel au sulfite d’ammonium E150d, anthocyanes E163, extrait de paprika E160c), des émulsifiants (gomme arabique E414, pectine E440, gomme de guar E412) et un agent d’enrobage (cire de carnauba E903) et les trois édulcorants principaux que l’on trouve sur le marché français (aspartame E951, acésulfame potassium E950 et sucralose E955).

T. C. : Comment avez-vous procédé pour déterminer l’augmentation du risque de diabète de type 2 ?

Marie Payen de la Garanderie : Nous avons commencé par calculer un « score d’adéquation au mélange » pour chacun des cocktails testés. Plus les consommateurs avaient un score élevé, plus ils étaient consommateurs. On parle ici d’un continuum d’exposition : à un bout du spectre, certains participants qui consomment peu d’aliments ultratransformés ont un score proche de zéro, tandis qu’à l’autre bout, les plus gros consommateurs ont un score d’adéquation élevé.

Puis nous avons effectué des analyses statistiques pour calculer l’augmentation de risque de diabète associée à un score donné. C’est un peu compliqué, car le calcul fait appel à la notion statistique d’écart-type. Mais nous avons mis en évidence que plus la consommation des deux mélanges cités précédemment était importante, plus le risque de développer un diabète de type 2 augmentait sur la période d’enquête (sur l’ensemble des participants, 1 131 personnes ont développé la maladie).

Pour le premier mélange, nos calculs révèlent que le risque de diabète était 8 % plus élevé pour chaque augmentation d’un écart-type du score. Pour le deuxième mélange, le risque augmentait de 13 % pour chaque écart-type du score. Ces résultats suggèrent donc potentiel sur-risque de diabète chez les consommateurs les plus fortement exposés.

Bien entendu, tous nos modèles ont tenu compte des autres caractéristiques des participants : apports en sucre, graisses saturées, calories, fibres… activités physiques, tabagisme, antécédents familiaux de diabète. Les associations entre les mélanges d’additifs et le risque de diabète étaient examinées « toutes choses égales par ailleurs ».

T. C. : Ces travaux sont cohérents avec les résultats de vos recherches précédentes…

M. P. G. : Nous avions déjà mis en évidence l’existence de liens entre consommation de différents additifs (émulsifiants, édulcorants, etc.) et risque plus élevé de cancer, de maladies cardiovasculaires et de diabète dans l’étude NutriNet-Santé. Toutefois, dans ces précédentes études, les substances étaient examinées une par une.

Ces nouveaux travaux révèlent qu’il existe, d’un point de vue statistique, des interactions significatives entre plusieurs additifs emblématiques des principaux mélanges consommés et que cela pourrait potentiellement impacter la santé (en l’occurrence le risque de diabète ici), au-delà des effets des substances individuelles. Ce constat suggère qu’il pourrait exister des effets « cocktails », les synergies ou antagonismes évoqués plus haut.

T. C. : Quelle est la suite à donner à ces recherches ?

M. T. : Nos collègues de l’Inrae au laboratoire Toxalim, à Toulouse, sont partis de nos observations sur la cohorte NutriNet-Santé et les ont transposées sur des modèles cellulaires. Concrètement, ils ont testé différents additifs et leurs mélanges sur des cellules cultivées en laboratoire, afin d’en établir la toxicité potentielle.

Certains de leurs résultats ont été publiés fin 2024. Ils suggèrent non seulement l’existence d’une toxicité de certaines substances prises séparément, mais aussi des effets de mélange qui vont au-delà des effets individuels. Ce qui appuie donc expérimentalement nos observations.

Des études menées cette fois in vivo, autrement dit sur des modèles animaux, sont également en cours afin de déterminer les effets de ces substances sur le microbiote intestinal, la perméabilité intestinale, etc. L’équipe Métatox à Paris explore, quant à elle, la capacité des additifs à entraîner le développement d’un cancer et, plus spécifiquement, le risque de propagation de la maladie (métastases).

Nous travaillons aussi sur les mécanismes en jeu dans la cohorte NutriNet-Santé : par exemple, nous collectons en ce moment les selles de 10 000 participants pour étudier leur microbiote intestinal, en lien avec leurs expositions aux additifs et aliments ultratransformés.

Par ailleurs, les additifs ne sont pas les seuls composés qui peuvent avoir des effets sur la santé et se retrouver potentiellement impliqués dans des effets cocktails, en plus de leurs effets individuels. Nous sommes également en train d’étudier les conséquences des résidus de pesticides, des contaminants provenant des emballages (plastiques, encres, résines appliquées à l’intérieur des boîtes de conserve…), etc.


À lire aussi : Microplastiques, nanoplastiques : quels effets sur la santé ?


T. C. : En attendant les conclusions de ces travaux, quels enseignements tirer des connaissances actuelles ?

M. T. : L’état actuel des connaissances plaide pour une limitation de la consommation de produits industriels ultratransformés, ce qui est la recommandation officielle du Programme national nutrition santé : réduire le recours aux aliments ultratransformés dans son alimentation, qui contiennent des additifs non indispensables, tels que les émulsifiants, colorants ou édulcorants, par exemple.

Par ailleurs, il faudrait également faire évoluer la réglementation pour que soit davantage pris en compte l’effet des mélanges dans les évaluations de la toxicité potentielle. Pour pouvoir légiférer en ce sens, toutefois, il faut des études les plus complètes possibles. C’est pourquoi nous allons continuer nos recherches, pour apporter le maximum d’éléments de réflexion.

Pour y parvenir, il faudrait aussi que les scientifiques aient accès à l’ensemble des substances employées lors de la fabrication des aliments industriels, notamment les auxiliaires technologiques, ces substances qui sont utilisées pendant les processus de fabrication et qui ne sont pas censées se retrouver dans le produit fini mais dans lequel elles sont néanmoins parfois détectées. À l’heure actuelle, cette partie de la production alimentaire est une véritable boîte noire à laquelle les chercheurs n’ont pas accès.

Un appel au recrutement de nouveaux nutrinautes est toujours en cours afin de continuer à faire avancer la recherche publique sur les relations entre la nutrition et la santé. En consacrant quelques minutes par mois à répondre, sur Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr, aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, vous pouvez contribuer à faire progresser les connaissances, vers une alimentation plus saine et plus durable.

The Conversation

Mathilde Touvier a reçu des financements de divers organismes public ou associatifs à but non lucratif : European Research Council, INCa, ANR, etc.

Marie Payen de la Garanderie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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