03.11.2025 à 08:50
Romain Leclaire

Nous assistons actuellement à une véritable course à l’armement dans le domaine de l’intelligence artificielle et Meta a décidé de ne pas faire dans la demi-mesure. L’entreprise de Mark Zuckerberg dépense plus que la plupart de ses concurrents, avec deux centres de données colossaux en construction. Des rapports récents évoquent des investissements pouvant atteindre 600 milliards de dollars en infrastructures américaines au cours des trois prochaines années.
Si ces chiffres stratosphériques font à peine sourciller dans la Silicon Valley, habituée aux paris démesurés, ils commencent sérieusement à crisper les visages à Wall Street. La tension est montée d’un cran cette semaine lors de la présentation des résultats trimestriels de Meta. Les chiffres ont parlé d’eux-mêmes, une augmentation des dépenses d’exploitation de 7 milliards de dollars sur un an et près de 20 milliards de dépenses en capital (CAPEX).
Ce gouffre financier est le résultat direct d’investissements massifs dans les talents et les infrastructures de l’IA, des investissements qui, pour l’instant, n’ont généré aucun revenu notable. Et lorsque les analystes, inquiets, ont demandé des éclaircissements, Mark Zuckerberg a jeté un froid en précisant que les dépenses ne faisaient que commencer.
« La bonne chose à faire est d’essayer d’accélérer pour nous assurer que nous avons la puissance de calcul nécessaire, à la fois pour la recherche en IA et pour les nouvelles choses que nous développons, ainsi que pour tenter d’atteindre un état différent de notre puissance de calcul sur notre activité principale », a-t-il déclaré aux analystes.
Si l’objectif était de rassurer les investisseurs, c’est un échec cuisant. À la fin de l’appel, l’action de Meta s’était effondrée. Deux jours plus tard, la déroute n’a fait que s’accentuer. Le titre a chuté de 12 % à la clôture de vendredi dernier, effaçant plus de 200 milliards de dollars de capitalisation boursière.

Bien qu’il soit toujours dangereux de surinterpréter les fluctuations boursières (et en termes purement financiers, les résultats de Meta n’étaient pas si mauvais, avec 20 milliards de dollars de bénéfice trimestriel) ce fut le premier trimestre où les dépenses agressives de l’entreprise en IA ont eu un impact visible et douloureux sur les résultats nets. Le plus alarmant n’est pas la dépense en soi. C’est le fait qu’à part des centres de données gigantesques et des chercheurs en IA très bien payés, personne ne sait vraiment ce que cet argent a concrètement acheté.
Les analystes ont donc pressé Zuckerberg: pourquoi dépenser autant et quand peut-on espérer voir un retour sur investissement ? Mais cet appel est tombé au pire moment. Meta n’a aucun budget clair pour les dépenses futures ni aucun produit concret sur lequel ancrer des prévisions de revenus. Coincé, le PDG s’est retranché derrière des promesses générales sur l’avenir radieux de l’IA.
« Il y aura toutes sortes de nouveaux produits autour de différents formats de contenu, et nous commençons à le voir », a-t-il tenté. « Et puis il y a les versions professionnelles de tout cela… L’autre aspect est la manière dont des modèles plus intelligents vont simplement améliorer notre activité principale et les recommandations que nous faisons à travers la famille d’applications, ainsi que les recommandations publicitaires. »
Meta n’est pourtant pas la seule entreprise à brûler des milliards dans l’IA. Pourquoi, alors, Google ou Nvidia, qui ont tous deux connu un excellent trimestre, n’effraient-ils pas les investisseurs de la même manière ? OpenAI est sans doute le plus grand dépensier du lot, avec une assise financière bien moins solide que Meta.
Le risque d’une bulle spéculative est réel, et si elle éclate, l’activité principale de Meta (la publicité) lui permettra de mieux encaisser le choc que la plupart. Mais la différence est importante. Si vous demandez à Sam Altman pourquoi il dépense des centaines de milliards, il vous répondra qu’il gère l’un des services grand public à la croissance la plus rapide de l’histoire humaine, ChatGPT, qui rapporte déjà 20 milliards de dollars par an. On peut débattre de la durabilité de cette croissance, mais il y a un produit tangible et florissant au cœur de la frénésie OpenAI. Un chiffre d’affaires en pleine expansion justifie bien des folies.
Meta n’a pas de produit équivalent. Et personne ne voit d’où il pourrait venir.
Le produit d’IA le plus visible de l’entreprise est l’assistant Meta AI. Zuckerberg a fièrement annoncé qu’il comptait plus d’un milliard d’utilisateurs actifs. Mais ces chiffres sont inévitablement gonflés par son intégration forcée au sein des trois milliards d’utilisateurs de Facebook et d’Instagram. Dans sa version actuelle, difficile de voir Meta AI comme un concurrent sérieux à ChatGPT.
Il y a aussi le générateur de vidéos « Vibes », qui a effectivement augmenté le nombre d’utilisateurs actifs quotidiens, mais son impact commercial au-delà de cet engagement reste très limité. Le projet le plus ambitieux, les lunettes intelligentes Vanguard, ressemble davantage à une extension du travail de Reality Labs (le métavers) qu’à une véritable tentative d’exploiter la puissance des grands modèles de langage. En d’autres termes, ce sont des expériences prometteuses, pas des produits aboutis et monétisables. Il est révélateur que, lorsqu’il a été interrogé sur ses dépenses colossales, Zuckerberg n’a pas mis en avant ces lancements récents. Il s’est immédiatement tourné vers la prochaine génération de modèles, ceux issus du nouveau « Superintelligence Lab ».

« Il ne s’agit pas seulement de Meta AI en tant qu’assistant », a-t-il insisté. « Nous prévoyons de construire des modèles et des produits inédits, et je suis impatient de vous en dire plus lorsque nous les aurons. » C’était pourtant un appel sur les résultats financiers, pas une keynote de lancement de produit. Tout ce qu’il pouvait offrir était un vague « dans les mois à venir ».
La réaction du marché a montré que cette réponse ne suffit plus. Pour être juste, cela ne fait que quatre mois que le patron de Meta a restructuré son équipe IA. La nouvelle division « Superintelligence » n’a matériellement pas eu le temps de révolutionner le monde. Mais alors que l’entreprise dépense sans compter pour rester dans la course, la question demeure: quel rôle Zuckerberg veut-il jouer dans cette nouvelle industrie ?
Meta AI va-t-il utiliser l’immense trésor de données personnelles de l’entreprise pour devenir un concurrent de ChatGPT axé sur la personnalisation ? Vibes est-il la première étape d’une stratégie de divertissement basée sur le système publicitaire ciblé de Meta ? Ou les allusions de Zuckerberg à une « IA d’entreprise » présagent-elles une offensive sur le marché professionnel ? Pour l’instant, toutes les hypothèses sont sur la table. Quelle que soit la réponse, la pression monte pour que Meta en trouve une bonne. Et vite.
03.11.2025 à 07:59
Romain Leclaire

OpenAI, le titan rutilant de l’intelligence artificielle, est au sommet du monde. Pourtant, sous la surface de cette ascension fulgurante, l’empire de Sam Altman fait face à des pressions colossales qui menacent de fissurer ses fondations. Entre des engagements financiers astronomiques qui font lever les sourcils, des batailles juridiques croissantes sur les droits d’auteur et un comportement de plus en plus étrange de ses propres agents IA, l’entreprise est engagée dans une course folle contre ses propres ambitions. Les récentes révélations la dépeignent à la fois comme surpuissante et étonnamment sur la défensive.
Lors d’une récente interview conjointe sur le podcast Bg2, réunissant Sam Altman et le PDG de Microsoft, Satya Nadella, la tension était palpable. L’animateur, Brad Gerstner, a mis les pieds dans le plat en évoquant les revenus d’OpenAI, estimés à environ 13 milliards de dollars par an. Un chiffre impressionnant, certes, mais qui semble dérisoire face aux engagements de dépenses de l’entreprise: plus de 1 000 milliards de dollars prévus pour l’infrastructure de calcul au cours des dix prochaines années.
La réaction d’Altman a été pour le moins surprenante d’irritabilité. « Premièrement, nous faisons bien plus de revenus que cela« , a-t-il rétorqué, avant de lancer une pique directe à l’animateur (qui est lui-même un investisseur). « Deuxièmement, Brad, si vous voulez vendre vos actions, je vous trouverai un acheteur. » Une boutade qui a fait rire Nadella, mais qui trahit une certaine colère. Sam Altman a enchaîné en affirmant qu’il y a beaucoup de gens qui aimeraient acheter des actions OpenAI, y compris les critiques qui écrivent des articles ridicules sur la faillite imminente de l’entreprise. Le PDG a même confié que, bien qu’il ne souhaite généralement pas qu’OpenAI soit une société publique, il y a des moments où cela l’attire: « J’adorerais leur dire qu’ils peuvent simplement parier à la baisse sur l’action, et j’adorerais les voir se ruiner en faisant ça.«
Il reconnaît que l’entreprise pourrait tout gâcher, notamment en échouant à obtenir suffisamment de puissance de calcul, mais il insiste sur le fait que les revenus augmentent fortement. Il fait le pari que ChatGPT continuera de croître, qu’OpenAI deviendra un cloud IA important et que son activité d’appareils grand public sera non négligeable. L’ambition est claire. Lorsque Gerstner spécule sur 100 milliards de dollars de revenus en 2028 ou 2029, Altman coupe court: « Que diriez-vous de 2027 ? » Pourtant, il nie toute introduction en bourse imminente, qualifiant ces rumeurs d’infondées, tout en admettant que cela finira par arriver.
Mais cette croissance exponentielle a besoin de carburant. Et c’est là tout le problème. L’appétit vorace d’OpenAI pour les données d’entraînement se heurte désormais à un mur de résistance juridique, notamment au Japon. La Content Overseas Distribution Association (CODA), qui représente des géants du divertissement japonais comme la Toei et Square Enix, a officiellement demandé à l’entreprise américaine de cesser d’utiliser sans autorisation leur propriété intellectuelle pour entraîner Sora 2, son dernier générateur de vidéos.
Près de 20 cosignataires l’accusent de violation des droits d’auteur, affirmant qu’une grande partie du contenu de Sora 2 ressemble étroitement à du contenu ou à des images japonaises. Le cœur du litige réside dans la différence entre les systèmes juridiques. OpenAI fonctionne sur un modèle d’opt-out (retrait volontaire), utilisant les œuvres protégées sauf si le propriétaire le demande explicitement. Mais selon la loi japonaise, la CODA insiste sur le fait que le système devrait être « opt-in ». La permission est requise avant l’utilisation.
Le gouvernement japonais lui-même est monté au créneau, demandant à OpenAI de cesser de piller les « trésors irremplaçables » du pays, comme les anime et les jeux vidéo (One Piece, Demon Slayer). L’ironie est cinglante, car Sam Altman s’était lui-même vanté de pouvoir créer des images « à la Ghibli » avec les nouvelles mises à jour de ChatGPT. La CODA a prévenu qu’elle prendrait des mesures légales et éthiques appropriées, qu’il s’agisse d’IA générative ou non.

Cette pression juridique ne se manifeste pas seulement dans les salles d’audience, elle semble désormais influencer le comportement même des produits d’OpenAI. Une enquête fascinante de la Columbia Journalism Review s’est penchée sur ChatGPT Atlas, un navigateur doté de capacités agentiques (capable d’exécuter des tâches comme réserver des hôtels ou acheter des billets).
Les journalistes ont découvert un comportement pour le moins curieux. Ces agents IA, qui naviguent sur le web en se faisant passer pour des utilisateurs humains (apparaissant comme des « sessions Chrome normales » pour contourner les blocages anti-robots), semblent avoir reçu l’ordre d’éviter soigneusement certaines sources d’information. Lesquelles ? Celles appartenant à des entreprises qui poursuivent actuellement OpenAI.
Lorsque l’enquête a demandé à Atlas de résumer des articles de PCMag et du New York Times (dont les sociétés mères sont en litige avec OpenAI), l’IA s’est lancée dans des chemins labyrinthiques pour trouver l’information ailleurs. C’était, selon les auteurs, comme un rat trouvant des boulettes de nourriture dans un labyrinthe, sachant que l’emplacement de certaines d’entre elles est électrifié.

Pour PCMag, Atlas est allé chercher des citations sur les réseaux sociaux et d’autres sites d’actualité. Pour le New York Times, il a généré un résumé basé sur les reportages de quatre autres médias: le Guardian, le Washington Post, Reuters et l’Associated Press. Fait notable, tous, sauf Reuters, ont des accords de contenu ou de recherche avec OpenAI. L’agent IA a activement évité les publications litigieuses, préférant un chemin « plus sûr » et plus « amical » pour l’IA.
Ces trois exemples dessinent le portrait d’un géant aux prises avec les conséquences de sa propre démesure. Sam Altman affiche une confiance de joueur de poker face à des engagements financiers qui donnent le vertige. Simultanément, son entreprise fait face à une révolte mondiale des créateurs dont elle a utilisé les œuvres sans permission. Et pour couronner le tout, sa propre technologie devient si « intelligente » qu’elle apprend à éviter les adversaires légaux de son créateur. OpenAI construit l’avenir, c’est indéniable, mais cet avenir semble de plus en plus freiné par les dettes, financières et éthiques, de son passé turbulent.
31.10.2025 à 15:18
Romain Leclaire

Reddit, le colosse de la discussion communautaire, vient de jeter un pavé dans la mare. Lors de la présentation des résultats du troisième trimestre 2025, son PDG Steve Huffman a livré une analyse surprenante. Non, les chatbots IA ne sont pas un moteur de trafic majeur pour l’entreprise.
Cette déclaration, en apparence simple, cache une stratégie complexe et fascinante que Reddit est en train de déployer. Alors que l’entreprise affiche une santé financière et une croissance d’utilisateurs insolentes, elle navigue dans les eaux troubles de l’IA avec une prudence de funambule, mêlant partenariats lucratifs et batailles juridiques acharnées.
Commençons par la nouvelle principale, celle qui a fait lever quelques sourcils parmi les analystes. Interrogé sur l’impact des nouveaux outils d’IA sur l’acquisition de trafic, Steve Huffman a été catégorique.
« [Les chatbots] ne sont pas un moteur de trafic aujourd’hui », a-t-il déclaré. Il a souligné que les sources de trafic dominantes de Reddit restent inchangées et robustes. On parle évidemment de la recherche Google et de l’accès direct. Un analyste a même tenté d’obtenir une répartition, demandant si le trafic était de 50 % Google et 50 % direct, ce à quoi le PDG a répondu que ces chiffres étaient approximatifs, mais assez proches.

Cette répartition 50/50 est intéressante. Elle montre que Reddit bénéficie à la fois d’une puissance de référencement (SEO) immense, captant les recherches de niche sur Google (pensez à toutes les fois où vous avez ajouté « reddit » à votre recherche pour obtenir de vrais avis), et d’une loyauté de marque massive, avec des millions d’utilisateurs qui tapent directement l’URL ou ouvrent l’application par habitude. Huffman a tenu à préciser que cela ne signifiait pas une rupture des relations avec les acteurs de l’IA.
« Je pense que nos relations avec les entreprises avec lesquelles nous travaillons directement sont saines, et nous avons tous deux beaucoup appris au cours des deux dernières années, notamment sur la valeur des données de Reddit […]. Je suis donc impatient de continuer à travailler sur ces sujets avec ces partenaires. »
Mais le message est clair, à l’heure actuelle, les utilisateurs ne passent pas massivement par un chatbot pour atterrir sur un subreddit.
Cette déclaration sur le trafic devient encore plus passionnante lorsqu’on la met en contexte avec la stratégie de données de Reddit. L’entreprise sait qu’elle est assise sur une mine d’or. Pendant des années, ses forums ont été le terrain d’entraînement de facto pour les grands modèles de langage, qui se sont nourris de ses millions de conversations humaines authentiques pour apprendre à parler, raisonner et débattre. En mai 2024, la plateforme a décidé de fermer le robinet. Conscient de la valeur commerciale immense de ce contenu, elle a modifié sa politique, verrouillant son API et stipulant que toute utilisation commerciale de ses données nécessiterait désormais une licence payante.
C’est là que réside sa relation compliquée avec l’IA. D’un côté, l’entreprise a signé un accord majeur avec OpenAI pour lui permettre d’utiliser les données maison pour l’entraînement de ses modèles. Un partenariat similaire existe avec Google. Reddit monétise donc son atout le plus précieux auprès des plus grands noms du secteur. De l’autre côté, le réseau social a sorti les griffes. Il est engagé dans des batailles juridiques féroces avec d’autres sociétés d’IA, notamment Anthropic et Perplexity, probablement accusées d’avoir pillé ses données sans autorisation ni compensation. Reddit joue un double jeu, il se positionne comme le fournisseur officiel et payant de « l’âme d’Internet » pour les géants de l’IA tout en poursuivant agressivement ceux qui tentent de s’emparer de ces mêmes données gratuitement.
Et cette stratégie semble payer. Loin d’être une simple plateforme de discussion, Reddit est devenu une puissance financière. Les résultats du T3 2025 sont éloquents:
Ces chiffres montrent une entreprise en pleine expansion qui n’a pas besoin des chatbots pour assurer sa croissance. Elle a le luxe de pouvoir choisir ses partenaires et de dicter ses conditions.
Si Steve Huffman minimise l’impact de l’IA externe sur son trafic, il mise tout sur celle interne pour transformer l’expérience utilisateur. La véritable ambition de Reddit n’est pas d’être une source pour les chatbots externes, mais de devenir lui-même un moteur de réponse. L’entreprise continue d’investir massivement pour faire de la recherche une partie centrale de l’expérience. Et les résultats sont déjà là. Le PDG a révélé que la société traite déjà 20 % de ses volumes de recherche via sa nouvelle fonctionnalité « Answers » alimentée par l’IA et via la barre de recherche principale.

Le volume est considérable, au troisième trimestre, 75 millions de personnes ont utilisé la fonction de recherche chaque semaine. L’objectif, annoncé par Huffman, est de fusionner complètement l’IA et l’expérience de recherche de base au cours des prochains trimestres. En d’autres termes, Reddit est en train de construire son propre concurrent de Perplexity ou de la recherche IA de Google, directement intégré à sa plateforme. Au fond, pourquoi iriez-vous demander à un chatbot externe « quel est le meilleur casque audio selon de vrais utilisateurs » quand vous pouvez poser la question directement à Reddit et obtenir une réponse synthétisée par l’IA, basée sur des millions de discussions authentiques ?
Pour finir, cette croissance doit être soutenue par une capacité à retenir les nouveaux venus. Parallèlement à ses ambitions en matière d’IA, Reddit expérimente un nouveau flux d’intégration (onboarding) plus simple. L’objectif est de réduire la friction pour les nouveaux utilisateurs, souvent intimidés par la structure unique de la plateforme.
« Nous voulons qu’ils voient dès leur première session que Reddit est incroyable et qu’il a du contenu pour eux. Notre objectif est donc de connecter les utilisateurs avec du contenu pertinent très rapidement », a expliqué Huffman.
L’image qui se dessine est celle d’une entreprise remarquablement stratégique. Reddit comprend que sa valeur ne réside pas dans le trafic de clics généré par l’IA, mais dans les données brutes qui alimentent cette dernière. La société monétise ces données auprès de partenaires triés sur le volet, tout en utilisant ses revenus explosifs pour construire ses propres outils d’IA internes. L’objectif final n’est pas d’être une note de bas de page dans les réponses de ChatGPT, mais de devenir la destination unique où la recherche IA et la communauté humaine authentique fusionnent.
31.10.2025 à 14:54
Romain Leclaire

Le monde de l’innovation repose sur le brevet, une pierre angulaire souvent sous-estimée. C’est le Graal pour tout inventeur, la protection juridique d’une idée, le document qui transforme une étincelle de génie en un actif tangible. Mais avant de pouvoir célébrer une nouvelle invention, il existe une étape redoutée, un véritable parcours du combattant que tous les ingénieurs, chercheurs et entrepreneurs connaissent bien. Il s’agit de la recherche d’antériorité. Savoir si une idée est réellement nouvelle, si quelqu’un d’autre n’a pas déjà eu la même illumination il y a cinq ou dix ans, est un art obscur.
Traditionnellement, ce processus est, pour le dire poliment, notoirement difficile. Il s’agit d’un labyrinthe de bases de données gouvernementales, de codes de classification complexes et d’un jargon juridique qui découragerait même les esprits les plus motivés. C’est un monde où un simple oubli, un mot-clé manquant dans une requête de recherche, peut coûter des millions en frais de justice ou anéantir un projet. Mais cette époque de friction et d’incertitude pourrait bien être en train de changer. L’intelligence artificielle, qui transforme déjà notre façon d’écrire, de coder et de créer, frappe désormais à la porte des offices de brevets. Perplexity, l’un des noms les plus en vue dans le domaine de l’IA conversationnelle, vient de lancer un outil qui promet de dynamiter cette ancienne forteresse et de rendre la recherche de brevets enfin accessible.

Pour saisir la portée de cette annonce, il faut d’abord comprendre la complexité de la recherche de brevets « à l’ancienne ». Cela ne se fait pas comme pour une recette de cuisine sur internet. Les avocats en propriété intellectuelle et les chercheurs spécialisés passent des jours, voire des semaines, à naviguer dans des bases de données massives comme celles de l’OEB (l’office européen). Le succès dépend de la maîtrise d’opérateurs booléens complexes, ces fameux « ET », « OU », « SAUF ». Il faut jongler avec des chaînes de mots-clés précises, anticiper tous les synonymes possibles et imaginables qu’un inventeur aurait pu utiliser.
Par exemple, une invention pour un « dispositif de suivi d’activité » pourrait être classée sous « podomètre électronique », « moniteur de fréquence cardiaque portable » ou « accéléromètre de poignet ». Oubliez l’un de ces termes, et vous manquez une partie importante de l’information. À cela s’ajoutent les classifications internationales (IPC ou CPC), des codes abscons qui catégorisent chaque invention. Si vous ne connaissez pas les bons codes, vous passez à côté de pans entiers de la connaissance technique. C’est un travail fastidieux, extrêmement coûteux lorsque sous-traité et à très haut risque. L’échec à trouver un « art antérieur » pertinent peut invalider un brevet des années après son octroi.
C’est précisément sur ce mur de complexité que Perplexity concentre sa puissance de feu. L’entreprise vient de déployer un nouvel agent de recherche de brevets alimenté par l’IA. La promesse est simple, remplacer la complexité des requêtes par l’intuition du langage naturel. Fini les chaînes de mots-clés cryptiques et les opérateurs booléens. L’outil est conçu pour comprendre ce que vous voulez dire, pas seulement ce que vous tapez.
Perplexity donne des exemples concrets. Au lieu de construire une requête syntaxiquement parfaite, vous pouvez simplement demander: « Existe-t-il des brevets sur l’apprentissage des langues par l’IA ? » ou « Quels sont les brevets clés en informatique quantique depuis 2024 ?« . C’est un changement de paradigme fondamental. L’IA ne se contente pas de chercher les mots « quantique » et « 2024 », elle s’efforce à comprendre l’intention derrière la question et le concept technologique sous-jacent.
La véritable magie de l’outil réside dans sa capacité à voir au-delà des correspondances exactes de mots-clés. C’est ce qu’on appelle la recherche sémantique. Si un utilisateur recherche « trackers de fitness », l’IA de Perplexity ne se limitera pas à ce terme précis. Elle comprendra le concept et étendra intelligemment la recherche pour inclure des termes connexes tels que « bandes d’activité », « montres compteuses de pas » ou « montres de surveillance de la santé ». C’est la fin de l’angoisse du synonyme manquant. L’IA ratisse plus large et plus intelligemment, en se basant sur le sens plutôt que sur la terminologie.
Mais trouver le bon brevet n’est que la moitié du combat. L’autre moitié, souvent tout aussi ardue, est de le comprendre. Le langage des brevets est un dialecte à part entière, conçu pour être blindé juridiquement, souvent au détriment de la clarté la plus élémentaire. Perplexity s’attaque aussi à ce problème. Pour chaque résultat pertinent, l’outil fournit un résumé clair et concis généré par l’IA. Cela permet à un entrepreneur, un ingénieur ou un journaliste de saisir l’essence d’un brevet en quelques secondes, au lieu de devoir déchiffrer des dizaines de pages de descriptions techniques et de revendications juridiques alambiquées.

L’innovation ne s’arrête pas aux portes des bases de données de brevets. La validité d’une invention ne se mesure pas seulement par rapport à d’autres brevets, mais par rapport à l’ensemble de « l’art antérieur ». Cela inclut tout ce qui a été rendu public avant la date de dépôt. Une idée décrite dans un article académique, un projet sur un dépôt de logiciels public comme GitHub, ou même une présentation lors d’une conférence peut suffire à invalider un brevet. Historiquement, rechercher cet art antérieur « non-brevet » était encore plus complexe, car il est dispersé aux quatre coins du web. Perplexity affirme que son outil peut également fouiller ces sources critiques. En intégrant les articles académiques et les référentiels de code, l’IA offre une vue à 360 degrés de l’état de l’art, réduisant considérablement le risque de réinventer la roue.
Pour encourager l’adoption et tester son outil à grande échelle, l’entreprise rend cet agent de recherche gratuit pour tous pendant sa phase bêta. Vous pouvez simplement vous rendre sur le site de Perplexity et taper votre requête en langage naturel pour l’essayer. Elle précise que les abonnés à ses formules payantes, Pro et Max, bénéficieront de quotas d’utilisation supplémentaires et de davantage d’options de configuration, ce qui sera sans doute nécessaire pour les utilisateurs intensifs comme les cabinets d’avocats ou les départements de R&D des grandes entreprises.
En s’attaquant au bastion notoirement complexe de la recherche de brevets, Perplexity propose une nouvelle philosophie: l’intelligence artificielle comme traducteur universel, capable de rendre les connaissances les plus denses et les plus techniques accessibles à tous. Si la promesse est tenue, ce ne sont pas seulement les avocats en brevets qui verront leur travail quotidien transformé, mais potentiellement tout l’écosystème de l’innovation, qui pourrait devenir plus rapide, plus informé et, finalement, plus ouvert.
31.10.2025 à 09:07
Romain Leclaire

Longtemps, Apple a cultivé l’image d’un jardin clos, un écosystème magnifique, performant, mais résolument fermé. La firme de Cupertino préférait maîtriser chaque aspect de l’expérience utilisateur, du matériel au logiciel. Mais dans la course effrénée à l’intelligence artificielle générative, même les portes les plus hautes commencent à s’ouvrir. Tim Cook vient de confirmer ce que beaucoup pressentaient, l’avenir de la pomme ne se construira pas seul. La nouvelle stratégie est de s’ouvrir aux meilleurs outils d’IA tiers pour transformer ses systèmes d’exploitation.
C’est lors d’une interview accordée à CNBC, dans le sillage d’annonces financières records, que le PDG de la marque a lâché la phrase clé. « Notre intention est de nous intégrer avec davantage de monde au fil du temps », a-t-il déclaré. Cette affirmation n’est pas anodine. Elle signe un changement de paradigme majeur pour l’entreprise. Apple a déjà commencé à poser les fondations de cette nouvelle ère en intégrant ChatGPT au cœur de Siri, offrant à son assistant vocal, souvent critiqué pour sa rigidité, un premier véritable « boost » intellectuel.
Mais ce n’est qu’un début. Les rumeurs, de plus en plus insistantes, font état de discussions très avancées avec Google pour une intégration de Gemini. Sundar Pichai, le PDG de Google, avait d’ailleurs confirmé l’année dernière que ses équipes travaillaient activement sur la prise en charge de Gemini pour l’iPhone. L’idée de voir les deux géants, à la fois rivaux et partenaires, collaborer à ce niveau est fascinante. Et la liste ne s’arrête pas là. Des bruits de couloir mentionnent aussi des partenariats potentiels avec Anthropic, le créateur de Claude, et même avec Perplexity, le moteur de recherche conversationnel en pleine ascension.

Cette stratégie « d’ouverture » n’est pas totalement nouvelle. Craig Federighi, le vice-président senior de l’ingénierie logicielle d’Apple, avait déjà évoqué l’année dernière que l’entreprise pourrait envisager des intégrations avec différents modèles comme Google Gemini à l’avenir. Ce qui était une possibilité est aujourd’hui devenu une intention stratégique claire, validée au plus haut niveau.
L’objectif principal de cette manœuvre est de redonner vie à son assistant maison. Tim Cook a confirmé qu’Apple était en bonne voie pour lancer une version de Siri profondément améliorée par l’IA l’année prochaine. Il a souligné que l’entreprise faisait de bons progrès dans ce sens. Cette refonte est déterminante. Pendant que les chatbots gagnaient en intelligence et en contexte, Siri restait figé dans son rôle d’exécutant de tâches basiques. L’intégration d’IA tierces lui permettrait de gérer des requêtes complexes, de comprendre le contexte et d’agir de manière proactive. Pour y parvenir, Cupertino n’exclut aucune option. Interrogé lors de la présentation des résultats financiers, Cook a réaffirmé que les acquisitions restaient sur la table. « Nous sommes ouverts à poursuivre les fusions et acquisitions si nous pensons que cela peut faire avancer notre feuille de route », a-t-il précisé, faisant écho à des déclarations similaires passées. Si Apple ne peut pas construire une brique technologique assez vite, elle l’achètera.

Cette stratégie s’appuie sur une santé financière insolente. Les nouvelles concernant l’IA ont été partagées en marge de la publication des résultats du quatrième trimestre et ils sont tout simplement records. Apple a engrangé la somme colossale de 102,5 milliards de dollars au cours des derniers mois. Cela représente une augmentation impressionnante de huit pour cent par rapport à la même période de l’année dernière. Ces chiffres donnent à l’entreprise américaine une puissance de feu quasi illimitée pour investir massivement dans la recherche et le développement, ainsi que pour financer d’éventuelles acquisitions précieuses dans le domaine de l’IA.
L’iPhone reste, sans surprise, le moteur de cette réussite. Bien que le lancement le mois dernier de la gamme iPhone 17 soit encore récent, les ventes de smartphones ont généré à elles seules 49,03 milliards de dollars de revenus. Cette nouvelle gamme, qui comprend l’iPhone 17, l’iPhone 17 Pro et le très remarqué iPhone Air (l’appareil le plus fin jamais conçu par Apple) a été bien accueillie. Fait notable, la marque a cette année intégré des fonctionnalités auparavant réservées à ses modèles Pro dans l’appareil d’entrée de gamme, comme l’écran toujours allumé et la technologie ProMotion pour un défilement plus fluide. Cette montée en gamme de la base est essentielle pour supporter les futures fonctionnalités d’IA, plus gourmandes en ressources.
Les autres piliers de l’empire se portent tout aussi bien. Les revenus des Mac ont atteint 8,72 milliards de dollars, tandis que les iPad ont rapporté 6,95 milliards. Mais le véritable gagnant moins visible reste la division « Services ». Comprenant les abonnements à Apple TV, Apple Music, Apple Fitness Plus et Apple Arcade, elle a connu une croissance spectaculaire pour atteindre 28,8 milliards de dollars de revenus.

Pendant que la stratégie logicielle se dessine, le matériel, lui, se prépare. L’intelligence artificielle, surtout celle fonctionnant localement sur l’appareil pour des raisons de performance et de confidentialité, nécessite une puissance de calcul phénoménale. Apple vient tout juste de mettre à jour l’iPad Pro, le MacBook Pro et même le casque Vision Pro, en les dotant tous de puces M5 de nouvelle génération. Cette mise à jour n’est pas un hasard, elle prépare l’ensemble de l’écosystème à l’ère de « l’Apple Intelligence ».
Alors que l’entreprise a peut-être semblé prendre du retard dans la course à l’IA générative, sa stratégie se révèle aujourd’hui. Plutôt que de se précipiter pour lancer son propre grand modèle de langage et risquer la comparaison, Elle adopte une position de « curateur ». La firme de Cupertino construit le vaisseau (un matériel surpuissant avec les puces M5 et un système d’exploitation sécurisé) et invite les meilleurs moteurs d’IA du monde à monter à bord. L’avenir de Siri ne sera pas un seul cerveau, mais un hub intelligent capable de faire appel au bon outil pour la bonne tâche. Avec des rumeurs persistantes sur l’arrivée d’un iPhone 17e plus abordable l’année prochaine, Apple se prépare à démocratiser cette nouvelle expérience IA pour tous les budgets.
30.10.2025 à 19:03
Romain Leclaire

Canva, l’entreprise australienne devenue synonyme de design accessible à tous, vient de frapper un grand coup. Loin de se reposer sur sa domination du marché « prosumer », la société a dévoilé ce jeudi une série d’innovations qui la propulsent fermement sur le terrain des géants de la tech. Au cœur de cette révolution se trouve un tout nouveau modèle d’IA « maison », conçu spécifiquement pour le design, qui promet de changer radicalement notre façon de créer. Mais ce n’est pas tout. Canva a également lancé une plateforme marketing complète, de nouveaux outils de productivité et a fait une annonce fracassante concernant sa suite professionnelle Affinity.
La véritable star de cette annonce est sans aucun doute le nouveau modèle de design fondamental. Jusqu’à présent, le monde de l’IA générative, dominé par les modèles de diffusion, nous avait habitués à créer des images « plates ». Une fois générée, l’image était un tout, difficilement modifiable au-delà de quelques retouches ou d’un nouveau prompt. Canva change les règles du jeu. Ce nouveau modèle, entraîné sur la propre bibliothèque d’éléments de la plateforme, génère un design complet, avec des couches, des objets et du texte entièrement modifiables.
Imaginez, vous demandez une affiche pour un concert. Au lieu d’une image figée, vous recevez une composition où le titre, la date, l’image de fond et les icônes sont des éléments séparés que vous pouvez déplacer, redimensionner ou réécrire instantanément. Robert Kawalsky, responsable mondial des produits de l’entreprise, a parfaitement résumé le problème lors d’une interview avec TechCrunch. Il explique que si les modèles actuels permettent d’éditer des images plates avec sophistication via des prompts, cela reste un défi pour un médium visuel.
« Ce que nous avons découvert, » dit-il, « c’est que les gens veulent pouvoir marier cette idée de commencer avec un prompt pour aller loin, mais aussi être capables d’itérer directement eux-mêmes. »
C’est exactement ce que ce modèle permet, le meilleur des deux mondes, l’efficacité de l’IA et le contrôle du designer. Ce modèle fonctionne de manière transparente à travers tous les formats de Canva, qu’il s’agisse d’un post pour les réseaux sociaux, d’une présentation, d’un site web ou d’un tableau blanc.
Cette nouvelle intelligence irrigue l’ensemble de la plateforme. L’assistant IA de Canva, déjà présent, devient omniprésent. Il n’est plus confiné à une petite fenêtre de chat, mais s’intègre directement dans les onglets de design et d’éléments. Plus impressionnant encore, il s’invite dans la collaboration. Vous pouvez désormais « mentionner » le bot dans les commentaires pour obtenir des suggestions de texte ou de médias tout en travaillant à plusieurs sur un projet. L’outil gagne aussi en puissance, avec la capacité de générer des objets 3D et une nouvelle fonction permettant de copier le style artistique d’un design existant pour l’appliquer à un autre.
Canva pousse également son avantage du côté des données et de l’automatisation. L’entreprise avait déjà surpris en ajoutant un tableur à sa suite. Aujourd’hui, elle connecte ce produit à son outil de codage pour « sheets ». L’objectif est de vous permettre de créer des widgets personnalisés qui puisent dans les données stockées dans le tableur. Cela ouvre la porte à la création de tableaux de bord dynamiques et d’aperçus répétables, transformant Canva d’un simple outil de design statique en une plateforme d’analyse visuelle.
L’ambition de Canva ne s’arrête pas là. Forte de l’acquisition de la société d’analyse publicitaire MagicBrief plus tôt cette année, l’entreprise lance Canva Grow. Il s’agit d’une plateforme marketing « full-stack » (complète) qui utilise l’IA à la fois pour la création d’actifs et pour l’analyse des performances. Cet outil unifié permet aux équipes marketing de concevoir leurs campagnes, de mesurer leur impact et même de publier leurs publicités directement sur des plateformes comme Meta, le tout sans jamais quitter l’écosystème Canva.

Pour compléter cette transformation en une suite de productivité totale, deux nouveaux produits font leur apparition. Premièrement, Canva Forms vous permet de créer des formulaires pour recueillir des informations, se posant en concurrent direct de solutions comme Google Forms. Deuxièmement, la plateforme intègre désormais le design d’e-mails. Vous avez maintenant la possibilité de créer des modèles et des mises en page pour vos campagnes marketing ou vos e-mails transactionnels (comme le suivi de colis), en vous assurant qu’ils respectent parfaitement l’esthétique de votre marque.

Enfin, l’entreprise a gardé le meilleur pour la fin, une annonce qui va faire trembler Adobe. L’année dernière, Canva avait racheté Affinity, la suite d’outils de design professionnel (concurrents de Photoshop, Illustrator et InDesign). La nouvelle est tombée, elle rend la suite Affinity gratuite pour tous, et ce, pour toujours. C’est un mouvement stratégique colossal qui vise à attirer massivement les professionnels du design. En parallèle, l’interface d’Affinity est entièrement repensée pour fusionner la compréhension des vecteurs, des pixels et de la mise en page au sein d’une seule et même interface unifiée. L’intégration avec la plateforme mère est également renforcée: les designers pourront créer des objets complexes dans Affinity et les transférer de manière fluide dans Canva. Et la boucle est bouclée, Canva AI sera également intégrée dans Affinity, permettant aux professionnels de bénéficier de la génération d’images et de designs directement dans leur outil de prédilection.

Canva construit sous nos yeux un écosystème créatif et productif total, alimenté par une IA de nouvelle génération, qui cherche à couvrir tous les besoins, du simple utilisateur souhaitant créer une invitation d’anniversaire au professionnel du marketing et au designer chevronné. La bataille pour la domination de la suite créative vient de prendre un tournant décisif.
30.10.2025 à 09:42
Romain Leclaire

Nous vivons une époque fascinante où l’intelligence artificielle n’est plus un concept de science-fiction, mais un outil quotidien qui modifie nos expériences. Google, ou plutôt sa société mère Alphabet, vient de le prouver une fois de plus, non seulement en annonçant un trimestre record historique dépassant les 100 milliards de dollars de revenus, mais aussi en dévoilant une série de nouveautés pour YouTube qui visent à asseoir sa domination incontestée sur nos écrans de télévision.
Car oui, YouTube n’est plus seulement le roi du streaming sur mobile, il attire désormais plus de spectateurs sur grand écran que Netflix et Disney+ réunis. Fort de ce constat et d’une puissance financière et technologique colossale, Google déploie l’artillerie lourde. Et au cœur de cet arsenal se trouve la « Super Résolution », une fonctionnalité qui pourrait bien changer notre façon de consommer d’anciens contenus.
De quoi s’agit-il ? C’est très simple, YouTube va commencer à utiliser l’intelligence artificielle pour mettre à l’échelle (upscale) les vidéos de basse qualité. Concrètement, si une vidéo a été mise en ligne dans une résolution inférieure à 1080p (pensez à tous ces trésors de l’ère SD qui peuplent la plateforme) YouTube générera automatiquement une version de résolution supérieure. L’objectif est de passer ces vidéos de la SD à la HD, mais la firme de Mountain View voit déjà plus loin avec la prise en charge des résolutions allant jusqu’à 4K dans un avenir proche.
Imaginez pouvoir redécouvrir de vieux clips musicaux, des tutoriels historiques ou des vlogs des débuts de la plateforme avec une clarté inédite sur votre téléviseur 4K. C’est une promesse de taille, qui donne une seconde vie à des millions d’heures de contenu qui, autrement, vieilliraient mal sur nos écrans modernes. Cette version améliorée sera clairement étiquetée « Super Résolution » dans les paramètres de lecture, laissant le choix au spectateur.
Cette initiative n’est pas totalement nouvelle. Plus tôt cette année, des tests menés par YouTube avaient suscité l’inquiétude de certains créateurs, qui s’étaient plaints de l’aspect artificiel soudain de leurs vidéos, modifié sans leur consentement explicite. Le manque de transparence avait été un point de friction notable. Cette fois, le service de streaming semble avoir retenu la leçon. Il insiste sur le fait que les créateurs garderont un contrôle total.
Bien que la fonctionnalité soit activée automatiquement (opt-in par défaut), les fichiers originaux resteront intacts. Les créateurs auront accès à la fois à la version originale et à la version « Super Résolution » et, surtout, ils disposeront d’une option claire pour se retirer (opt-out) de ces améliorations via les paramètres avancés de YouTube Studio. Du côté du spectateur, la transparence est également de mise. Non seulement les versions améliorées seront étiquetées, mais il sera toujours possible de revenir à la résolution originale téléchargée par le créateur. C’est un équilibre délicat mais nécessaire entre amélioration technologique et respect de l’œuvre originale.
Cette « Super Résolution » vise à faire de YouTube l’expérience centrale de la télévision domestique. Pour y parvenir, plusieurs autres fonctionnalités sont déployées. D’abord, la page d’accueil sur TV va adopter une ambiance de « zapping » plus traditionnelle. Fini le simple défilement de vignettes, place à des aperçus immersifs des chaînes populaires, permettant de feuilleter le contenu pour avoir un avant-goût, un peu comme on changeait de chaîne à l’époque. Ensuite, la recherche devient plus contextuelle. Si vous lancez une recherche depuis la page d’un créateur spécifique, les résultats affichés proviendront en priorité de cette chaîne, au lieu d’être mélangés avec l’ensemble du catalogue YouTube. Une amélioration de bon sens qui facilitera grandement la navigation.
Enfin, YouTube s’attaque au télé-achat 2.0. Google note que les utilisateurs ont regardé le chiffre impressionnant (et quelque peu alarmant) de 35 milliards d’heures de contenu lié au shopping l’année dernière. Mais comment convertir cet intérêt sur un téléviseur, où cliquer sur un lien est impossible ? La réponse n’est pas l’IA, mais le bon vieux QR code. Les créateurs pourront désormais en intégrer et qui apparaîtront à des moments précis de la vidéo. Les spectateurs n’auront qu’à scanner le code avec leur téléphone pour ouvrir la page du produit.
Ces innovations ne sortent pas de nulle part. Elles sont le fruit de la domination écrasante de Google dans le domaine de l’IA et de sa santé financière insolente. Les résultats du troisième trimestre 2025 d’Alphabet ont révélé un premier trimestre historique à 102,3 milliards de dollars de revenus. Sundar Pichai, son PDG, a partagé que l’application Gemini compte désormais plus de 650 millions d’utilisateurs actifs, un bond spectaculaire par rapport aux 350 millions de mars 2025. L’AI Mode, quant à lui, attire 75 millions d’utilisateurs quotidiens. Cette adoption massive de l’IA générative alimente l’expertise qui permet aujourd’hui de développer des outils comme la « Super Résolution ».
Cet écosystème profite aussi directement aux créateurs. Le nombre de chaînes gagnant plus de 100 000 dollars par an a augmenté de 45 % entre 2024 et 2025. Pour les aider à séduire davantage sur grand écran, YouTube augmente même la limite de taille des miniatures de 2 Mo à 50 Mo, ouvrant la voie à des visuels encore plus léchés. En s’appuyant sur la force de frappe de Gemini et une économie de créateurs florissante, Google cimente sa place non pas comme une alternative à la télévision, mais comme son successeur inévitable.
28.10.2025 à 15:58
Romain Leclaire

C’est la fin d’une période et le début d’une autre, potentiellement encore plus explosive, pour le monde de la tech. OpenAI, le laboratoire à l’origine de ChatGPT qui a bouleversé notre rapport à l’intelligence artificielle, vient d’annoncer la finalisation de sa restructuration très controversée. Après plus d’un an de négociations tendues, de batailles juridiques et de doutes stratégiques, l’entreprise adopte une nouvelle forme juridique et, dans la foulée, redéfinit en profondeur son alliance avec Microsoft, son partenaire et investisseur principal.
Cette transformation est un pivot calculé qui pourrait bien définir les contours de la course à l’intelligence artificielle générale (AGI) pour la décennie à venir. OpenAI est désormais scindée en deux entités distinctes. D’un côté, nous avons « OpenAI Group PBC », une « Public Benefit Corporation » (une société d’intérêt collectif à but lucratif). C’est cette partie qui mènera les opérations commerciales et la recherche appliquée. De l’autre, l’entité originelle à but non lucratif est rebaptisée « OpenAI Foundation ».
Contrairement aux plans prévus qui ont mis le feu aux poudres, la fondation n’est pas reléguée au rang de simple observateur. Elle conserve un rôle central. En effet, elle détient désormais un contrôle juridique sur l’entité à but lucratif et nommera les membres de son conseil d’administration. Plus important encore, elle obtient une participation en capital dans cette nouvelle société, actuellement évaluée à la somme stupéfiante d’environ 130 milliards de dollars, ce qui correspond à 26% du total. La fondation recevra également des parts supplémentaires lorsque l’entreprise atteindra un certain seuil de valorisation, qui n’a pas encore été spécifié.
Selon le communiqué officiel, présidé par Bret Taylor, cette fondation commencera avec une dotation de 25 milliards de dollars pour se concentrer sur des missions d’intérêt public, notamment la santé, les maladies et la résilience de l’IA. Ce montage complexe n’a pas été facile à réaliser. Il aura fallu plus d’un an de tractations pour obtenir le feu vert des procureurs généraux de Californie et du Delaware, sans lequel OpenAI n’aurait pas pu avancer. Cette restructuration met également un terme, du moins sur ce front, à l’épineuse bataille juridique engagée par Elon Musk. Le cofondateur, qui avait quitté l’entreprise et l’avait poursuivie en justice, ainsi que son PDG Sam Altman, tentait désespérément d’empêcher cette conversion, lui qui avait participé à sa création en 2015 en tant que laboratoire de recherche purement non lucratif. La pression était également financière. OpenAI risquait de perdre jusqu’à 10 milliards de dollars d’un investissement important de SoftBank si la réorganisation n’était pas bouclée avant la fin de cette année.
Au cœur de toutes ces tensions subsiste la question fondamentale: qui contrôlera véritablement la technologie sous-jacente et surtout, le développement potentiel de l’AGI, cette intelligence artificielle hypothétique capable d’égaler ou de surpasser les capacités cognitives humaines ? C’est le Graal que poursuivent OpenAI et tous ses concurrents, y injectant des ressources financières et humaines exponentielles.

L’autre volet notable de cette annonce n’est autre que la redéfinition du partenariat avec Microsoft. Le géant de Redmond, qui avait investi massivement dans OpenAI, voit sa participation légèrement diluée. Alors qu’il détenait 32,5 % de l’ancienne structure à but lucratif, il possède désormais environ 27 % de la nouvelle PBC. Une participation diluée et convertie, incluant tous les propriétaires, mais qui est tout de même valorisée à environ 135 milliards de dollars. Un rapide calcul permet d’estimer la valorisation totale d’OpenAI Group PBC à un chiffre vertigineux de 500 milliards de dollars. Mais le changement à retenir se trouve dans ce qu’on appelait la « clause AGI ». Auparavant, leur accord stipulait que Microsoft perdrait ses droits sur la technologie d’OpenAI une fois que cette dernière aurait officiellement atteint cette frontière technologique. Cette clause, jugée trop vague et risquée pour Redmond, a été entièrement réécrite.
Premièrement, la déclaration d’AGI ne sera plus à la seule discrétion d’OpenAI. Un panel d’experts indépendants sera chargé de vérifier cette affirmation. Deuxièmement, et c’est fondamental, Microsoft ne perdra plus ses droits. Le nouveau pacte étend ses droits de propriété intellectuelle sur les modèles et produits d’OpenAI jusqu’en 2032 et inclut désormais explicitement les modèles « post-AGI », sous réserve de garanties de sécurité appropriées.
Microsoft n’a pas obtenu un chèque en blanc. Ses droits sur la recherche pure d’OpenAI (les méthodes confidentielles de développement) ne dureront que jusqu’en 2030 ou jusqu’à la vérification de l’AGI par le panel, selon la première de ces deux éventualités. L’accord de partage des revenus est maintenu jusqu’à la vérification de l’AGI, mais les paiements seront étalés sur une période plus longue. Un détail nouveau et particulièrement stratégique est apparu. Les droits de propriété intellectuelle de Microsoft ne couvrent désormais plus le hardware grand public d’OpenAI. En clair, la sauce secrète derrière l’appareil que cette dernière développe avec le célèbre designer d’Apple, Jony Ive, est hors de portée de Microsoft. C’est un signe clair qu’OpenAI se garde une chasse gardée dans le domaine du matériel.
En échange de ces concessions, OpenAI s’est engagé à acheter pour 250 milliards de dollars supplémentaires de services cloud Azure. Un montant colossal qui ancre solidement l’entreprise dans l’écosystème de son allié, même si ce dernier a accepté de renoncer à son droit de premier refus pour être le fournisseur de calcul d’OpenAI.
Enfin, ce nouvel accord desserre l’exclusivité de leur partenariat. OpenAI peut désormais collaborer avec des tiers pour développer certains produits et publier des modèles en « open weight ». Plus révélateur encore, Microsoft peut désormais poursuivre indépendamment l’AGI, seul ou en partenariat avec des tiers. La course aux armements pour l’AGI est plus ouverte que jamais et les deux partenaires sont désormais aussi, officiellement, des concurrents potentiels sur la ligne d’arrivée. Cette restructuration n’est pas un point final, c’est le coup d’envoi d’une nouvelle période de compétition et d’innovation effrénée.