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25.07.2025 à 15:40

En Écosse, Trump devrait passer la plupart de son temps sur les terrains de golf

Marin Saillofest

Durant quatre jours à partir d’aujourd’hui, vendredi 25 juillet, Donald Trump visitera ses terrains de golf en Écosse et renouera ainsi avec les greens, qu’il n’a plus fréquentés depuis plus d’un mois — sa plus longue période d’interruption depuis son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier.

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Texte intégral (674 mots)

Aujourd’hui, vendredi 25 juillet, Donald Trump atterrira dans la soirée en Écosse pour une visite « privée » de quatre jours. Le président américain passera trois jours dans son club de golf de Turnberry, sur la côte ouest, avant de se rendre à Balmedie, dans un autre complexe sportif de la Trump Organization sur le mer du Nord.

  • Le voyage de Trump en Écosse est présenté par la Maison-Blanche comme une « visite de travail », qui devrait notamment inclure une rencontre avec Keir Starmer ainsi que des discussions sur l’accord commercial annoncé en mai.
  • Le Premier ministre britannique devrait saisir cette opportunité pour tenter d’obtenir de Trump une baisse des tarifs sur l’acier, qui n’avaient pas fait l’objet d’un accord définitif.
  • L’acier britannique est actuellement soumis à des droits de douane de 25 %, soit un taux inférieur aux 50 % imposés sur le reste du monde.
  • Une rencontre avec le Premier ministre écossais John Swinney devrait également avoir lieu, bien qu’aucun détail n’ait pour l’heure été annoncé.

Le président américain passera toutefois la plupart de son temps dans ses propriétés à jouer au golf. À Balmedie, dans l’Aberdeenshire, Trump inaugurera un nouveau parcours de 18 trous qui portera le nom de jeune fille de sa mère, MacLeod, née sur l’île de Lewis en 1912 avant d’émigrer aux États-Unis. Celui-ci disposera du « plus grand bunker naturel au monde, de dunes de sable montagneuses et de greens qui s’étendent à l’infini » 1.

  • Contraint par un agenda marqué par la montée des tensions au Moyen-Orient, le bombardement de l’Iran puis les négociations sur sa loi budgétaire dont le vote a requis une importante implication personnelle, Trump n’a guère eu le temps de jouer au golf ces dernières semaines.
  • Sa dernière visite sur un green remonte au 21 juin, lorsqu’il s’était rendu dans son club de Bedminster, dans le New Jersey, quelques heures avant que des B-2 américains ne larguent des bombes sur des sites nucléaires iraniens.
  • Ainsi, depuis le 20 janvier, Trump a consacré au 25 juillet 20,4 % de son temps à jouer au golf. Après sa visite en Écosse, ce chiffre devrait remonter à 22,1 % (en supposant qu’il jouera chaque jour).

Trump mettra fin demain, samedi 26, à sa plus longue période passée sans jouer au golf depuis son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier (34 jours). Malgré tout, le président américain a jusqu’à présent réussi à plus jouer au golf qu’au cours de la même période lors de son premier mandat : 38 jours contre 33 en 2017 2. C’est d’ordinaire au cours du mois d’août que Trump passe la plupart de son temps sur le green.

Sources
  1. New Modern Links Masterpiece Coming Soon, Trump International Scotland.
  2. Trump’s presidency ends where so much of it was spent : A Trump Organization property », The Washington Post, 20 janvier 2021.
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25.07.2025 à 13:00

« Si Arles est un centre, c’est peut-être comme lieu de traduction », Grand Tour avec Françoise Nyssen

Matheo Malik

À Arles, Françoise Nyssen a fait la connaissance de la lumière — et d’un métier qui allait changer sa vie.

L’ancienne ministre de la culture nous raconte : la création d’Actes Sud, le déménagement de la maison d’édition du Paradou à Arles, le cinéma, le marché, la marche, le Domaine du Possible, le Rhône, Bruno Latour, la photographie.

Grand Tour. Plein Sud.

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Texte intégral (5931 mots)

En 1978, vous participez à la création d’Actes Sud, qui se déplace à Arles en 1982. Alors que vous avez vécu à Bruxelles, puis à Paris, comment expliquer votre départ vers le Sud de la France ?

Mon arrivée dans le Sud ne s’est pas faite pour un territoire, mais pour le livre. 

Fin 1978, mon père décidait de créer une maison d’édition avec Christine Leboeuf, sa femme. À la faveur d’un échange, il me propose de les aider dans ce projet — il faut se rappeler qu’à cette époque il n’y avait ni internet, ni fax, même pas de photocopieuse ! Et la maison d’édition démarrait au Paradou, loin de tout. Les moyens de communications, de déplacement — le TGV n’existait pas — et d’échange étaient donc plutôt compliqués.

J’habitais alors à Paris. Après avoir été chercheuse en biologie moléculaire, j’étais dans une deuxième vie professionnelle consacrée à l’urbanisme, en poste au ministère de l’Environnement et du Cadre de vie. Je choisis de quitter ce milieu-là pour rejoindre l’aventure de la maison d’édition, pour aller vers une activité à laquelle je ne pouvais pas résister.

Je vais dans le Sud pour y rejoindre le livre. 

D’où vous vient cet amour du livre ? 

J’aime lire depuis que je suis toute petite. J’étais enfant unique, mes parents travaillaient, ils n’étaient jamais là et me laissaient seule avec les livres. Je suis, pour cette raison, beaucoup plus une lectrice de romans que d’essais : pour moi, la compagnie des personnages constituait une vie sociale alternative. 

Comment se déroule votre découverte du Sud ? 

En 1978, je connaissais déjà un peu le Sud car mon père était installé dans le Midi, au Paradou. C’est un petit village dans les Alpilles, au pied des Baux — moins connu que Fontvieille, Maussane ou Saint-Rémy — où j’allais systématiquement en vacances. J’étais donc déjà allée à Arles, bien que je n’avais jamais imaginé pouvoir un jour y vivre. 

Arles est extrêmement belle, avec les Alyscamps, la ville romaine. Au temps des Romains, Arles comptait le double d’habitants. C’était une ville très développée et on a même découvert qu’il y avait un second centre de l’autre côté du Rhône, à Trinquetaille. Le musée de l’Arles antique, dit « Musée bleu », n’était pas encore construit — il sera construit en 1995 — mais la ville est très marquée par cette période romaine, tant dans son architecture que dans les traces qu’elle en conserve.

Je vais dans le Sud pour y rejoindre le livre. 

Françoise Nyssen

Au-delà de l’histoire, Arles est une ville étonnante : c’est l’aboutissement du Rhône, l’arrivée vers la Camargue, puis ensuite vers la mer au bout du couloir rhodanien — il y a quelque chose qui amène physiquement vers le Sud. D’ailleurs, beaucoup de mes amis à Paris ou Bruxelles me demandent : « La prochaine fois, où vas-tu aller ? » — Bruxelles, Paris, Arles : comme si je descendais sans cesse.

Pourtant, ce n’est pas le Sud en tant que tel qui m’a attiré, mais bien l’activité professionnelle que je pouvais y mener.

Pourriez-vous raconter la création d’Actes Sud ? 

La maison d’édition a démarré dans ce petit village, le Paradou, qui — contrairement à ce que beaucoup pensent — ne veut pas dire le « paradis ». Cela vient du « parador », le lieu où l’on apprête le drap. C’est là qu’on cardait la laine avec le chardon, qui était répandu dans la région.

Le Paradou est donc un lieu de travail. Cette dimension est fondamentale car elle va à l’encontre des clichés. Je n’allais pas dans le Sud pour me la couler douce, mais pour travailler. 

Actes — sigle d’« Atelier de cartographie thématique et statistique », qu’avait créé mon premier mari avec mon père — s’installe au Paradou.

La rencontre quelques années plus tard avec celui qui deviendrait mon mari et compagnon de tout, Jean-Paul Capitani fut déterminante pour le développement de la maison d’édition et son écosystème.

Jean-Paul avait un rapport au territoire particulier : sa famille était, du côté de son père, des immigrés italiens, et du côté de sa mère des Aveyronnais, qui se sont retrouvés à Arles. Ils ont beaucoup travaillé et ont acheté un lieu, le Méjan, dont Jean-Paul héritera. Il l’aménagera pour en faire un lieu ouvert plutôt qu’un immeuble de rapport : avec un cinéma ( 3 salles), qui manquait cruellement à Arles, à côté duquel, avec sens aigu de l’hospitalité, il crée un restaurant et veut ouvrir une librairie — ce que tout le monde lui déconseillait — en disant que cela n’allait pas marcher à Arles, où il n’y avait qu’un seul libraire qui se plaignait de la difficulté d’exercer ce métier dans cette ville.

Mais Jean-Paul n’en démordait pas : il voulait ouvrir une librairie, et c’est pour cela qu’il est venu nous trouver — nous, la jeune maison d’édition. Il est tombé sur moi, fan de cinéma, et dont le rêve de toujours était d’ouvrir une librairie. Très rapidement, l’affaire est conclue : nous montons la librairie, au Méjan, en plein centre d’Arles au bord du Rhône. Puis, en 1982, trois ans après mon installation au Paradou, dans la foulée nous imaginons déménager les éditions au-dessus des cinémas et de la librairie. C’est ainsi qu’Actes Sud est arrivé à Arles. 

À Arles, j’ai retrouvé ma fibre urbaniste.

Françoise Nyssen

Pourrait-on dire que vous redécouvrez alors Arles ?

Cela a été un deuxième choc, un émerveillement tout à fait différent. 

Le Paradou, dans les Alpilles, c’est un petit village dans la nature. Quand j’y suis arrivée, je n’avais jamais vécu adulte en dehors d’un centre urbain, seule dans une maison sans murs mitoyens, sans voisins. Je me retrouvais dans un mas, urbaine égarée au milieu de la nature. 

Quand on est arrivés à Arles, j’ai retrouvé ma fibre urbaniste, dans un environnement exceptionnel. La cité est d’une grande beauté, à la fois par sa densité historique et sa qualité architecturale. Dans le même temps, elle s’inscrit dans un territoire triple — la Camargue, la Crau, les Alpilles. La Camargue me rappelle la Côte du Nord, où j’ai été élevée. Arles est un vieux centre urbain, où je me retrouve bien, comme dans le centre de Bruxelles avec une vraie mixité sociale et une vie de quartier. 

Avant de poursuivre l’exploration d’Arles, pourriez-vous revenir sur les lieux qui l’ont précédé : la Belgique, puis la France. Quels étaient ces lieux auxquels Arles a fini par succéder ?

Je ne suis d’aucun territoire au départ. La famille du côté de ma mère vient de Suède. En 1914, ma grand-mère de vingt ans, qui vient d’être diplômée de kinésithérapie à Stockholm, décide qu’elle ne peut pas rester dans un pays neutre. Elle prend un bateau pour aller soigner les soldats français à Rouen : je suis issue de cette femme-là. C’est pour cela, d’une certaine façon, que j’ai accepté d’être ministre. Je ne pouvais pas refuser l’engagement si important pour la culture, qui est tellement essentielle, alors que ma grand-mère avait traversé les mers pour aider les gens.

Ma famille, qui était en Belgique pendant la guerre, a fait l’exode. Toute ma famille a été sur les routes et a été accueillie en France. Ce n’est pas quelque chose dont on parle fréquemment — même eux d’ailleurs, n’en parlaient pas énormément. La Belgique est un pays où l’on se sent territorialement moins ancré que dans d’autres pays.

La Belgique s’est créée en 1830, à la sortie d’un opéra, La Muette de Portici, qui déclenche une révolte contre les Hollandais. Elle s’est créée tardivement et sur un territoire fracassé, en raison d’un éclatement linguistique rare. Beaucoup de Belges, comme moi, ne se sentent pas vraiment Belges. C’est un territoire dont on part facilement. 

Je suis arrivée à Paris, où j’ai vécu six mois, puis j’ai glissé vers le sud. 

Là où l’on habite, définitivement, c’est le lieu de travail. Je crois que c’est essentiel pour beaucoup de gens qui ont émigré. 

Beaucoup de Belges, comme moi, ne se sentent pas vraiment Belges. C’est un territoire dont on part facilement.

Françoise Nyssen

Peut-être que ce que je garde de la Belgique est avant tout linguistique. J’adore dire « arrête de faire ton snotneus » [faire ton voyou], « on ne va pas faire ça en stoemelings » [faire quelque chose en douce]. J’aime ces termes, qui ne sont pas connus en France, et qui me rappellent la Belgique.

J’adore Bruxelles, mais la ville est trop fracassée. À Paris, on peut traverser la ville du nord au sud, d’est en ouest, à pied. Ce n’est pas possible à Bruxelles, où il n’y a que des égouts à voiture. Certains quartiers sont magnifiques, mais ce n’est pas une ville qui se traverse.

Est-ce que Arles est une ville qui se traverse ?

Ma vie a changé récemment. Mais avec Jean-Paul, quand il était là, on se levait souvent très tôt le matin pour traverser la ville. On se promenait et on découvrait les quartiers, les petits endroits. D’ailleurs, quand Patrick de Carolis est devenu maire de la ville, je lui ai dit : « J’espère que tu marches dans ta ville, parce qu’il n’y a que comme cela que tu peux vraiment l’appréhender. »

J’ai la chance d’habiter au bord du Rhône : on traverse le pont jusqu’à Trinquetaille, puis on file le long du Rhône, en prenant la Via Rhona, que ce soit vers Beaucaire, au nord, ou vers Port-Saint-Louis, au sud. On peut marcher des kilomètres sur les bords du Rhône, dans la nature. Pour toutes les balades que je fais, je pars à pied de chez moi, au centre d’Arles, et en cinq minutes, je suis dans la nature. 

Au-delà de l’histoire, Arles est une ville étonnante : c’est l’aboutissement du Rhône, l’arrivée vers la Camargue, puis ensuite vers la mer au bout du couloir rhodanien — il y a quelque chose qui amène physiquement vers le Sud. © Françoise Nyssen
Pour toutes les balades que je fais, je pars à pied de chez moi, au centre d’Arles, et en cinq minutes, je suis dans la nature. © Françoise Nyssen

Quels sont les éléments qui vous plaisent le plus à Arles ? 

J’ai vécu vingt-huit ans à Bruxelles, sous un ciel gris. En arrivant dans le Sud, j’ai découvert la lumière. C’est un commun de le dire, mais j’ai vu qu’il était possible de vivre éclaboussé de lumière, sous un ciel bleu. Tout de suite, j’ai le sentiment que plus jamais je ne pourrai « remonter ». J’en suis même à aimer ce qui rend souvent les habitants un peu fous et énervés, le mistral, parce qu’il nettoie le ciel et lui confère une luminosité extraordinaire. 

Arles est un endroit où les gens viennent plutôt en été, mais très rapidement — j’indique à tous mes amis que les hivers y sont encore plus beaux. 

Très rapidement, je me suis attachée au marché d’Arles, dont je ne peux plus me passer. D’ailleurs, je dis toujours à quiconque vient à la maison de venir un samedi pour que je les emmène au marché. 

C’est un lieu de rencontre permanent, de confrontation avec les populations arlésiennes. Tout le monde y va : les gens plus aisés des Alpilles, tous les gens du quartier, et une partie du marché donne l’impression d’être dans une ville d’Afrique du Nord. Je fais partie de ceux qui essayent de ne jamais manquer le marché du samedi matin.

Le marché est un lieu de convivialité, ou du moins je le vis comme tel. Cela va maintenant faire 46 ans que je suis dans le Sud, donc au fil des ans, il est vrai que les gens me reconnaissent — aussi compte tenu de mon passage au ministère de la Culture, et de ma présence à Actes Sud. Mais je ne suis pas dérangée par l’absence d’anonymat. J’aime bien saluer les gens, leur parler. J’en tire beaucoup de joie. 

Je ne suis pas dérangée par l’absence d’anonymat. 

Françoise Nyssen

Pourriez-vous nous parler de votre maison, de sa situation à Arles ?

Ma maison est très centrale. Dans une vie antérieure à Bruxelles, j’avais déjà fait cette démarche de vivre au centre de la ville. 

J’avais été élevée dans la banlieue verte, comme on essaye souvent d’élever ses enfants en dehors de la pollution. Quand le moment est venu de choisir le lieu où j’allais habiter avec mon premier mari, j’ai profondément désiré aller habiter dans le vieux centre populaire de Bruxelles — c’était une démarche délibérée, pour être auprès des gens. 

Si vous connaissez Bruxelles, j’habitais près de la place Sainte-Catherine, dans une maison rue du Béguinage. À cette époque, le quartier n’était encore pas du tout gentrifié, ce qui me plaisait beaucoup. Nous avions tout de suite créé un comité de quartier avec les autres riverains. 

Tout au long de ma vie, je n’ai toujours voulu être que dans l’accueil, l’hospitalité, le partage. C’est aussi pour cette raison que, depuis toujours, j’aime les librairies. Déjà au Paradou, dans le mas de mon père, on faisait table ouverte le midi, on avait un comité de lecture, on accueillait des gens. 

Comment avez-vous conçu la place d’Actes Sud, en dehors de la capitale qui concentre l’immense majorité des activités d’édition en France ?

Nous étions conscients d’entrée de jeu, avec Actes Sud, que nous étions complètement délocalisés par rapport au centre actif, consensuel, et parfois même un peu incestueux du monde de l’édition. Au début des années 1980, la grande majorité des maisons d’édition étaient à Paris — hormis les éditions Privat à Toulouse, les éditions Rivages fondées à Marseille, et les Éditions Verdier, qui se créent en même temps que nous, près de Carcassonne. 

La démarche éditoriale en dehors du territoire parisien n’est donc absolument pas commune. À tel point que certains journalistes nous demandent si l’on publie les auteurs « de la région ». Cette question témoigne d’une vision extrêmement centralisée de l’activité. Aujourd’hui, tout le monde en a conscience, mais conserve les mêmes réflexes. Les personnes qui m’invitent à des événements à Paris sont souvent interloqués quand je leur explique que j’habite vraiment à Arles. 

Une telle centralisation n’existe nulle part ailleurs en Europe — ni en Italie, ni en Espagne, ni en Allemagne. C’est très spécifique à la France, et je pense que c’est très réducteur. Il est urgent de s’ouvrir, de se réapproprier ses territoires et de les connaître. 

Un de nos moteurs dans la création du Méjan, avec Jean-Paul, était justement de créer un lieu de rencontre. On souhaitait faire venir là tout le monde, le monde entier — et c’est ce qu’on a fait. Ce n’est pas une originalité, puisque le fait d’organiser des rencontres est intrinsèque à l’idée de la librairie, mais nous avons essayé d’aller de plus en plus loin. 

En plus du cinéma et de toutes les animations qui vont autour, nous avons décidé d’organiser aussi des concerts, car je suis une grande amatrice de musique. Nous avons découvert, à côté du bâtiment de la maison d’édition, une chapelle datant du XIe siècle, ayant été désacralisée au XIXe — elle avait ensuite été utilisée par le syndicat des éleveurs du Mérinos : encore une fois, la marque du territoire arlésien, qui a été celui de l’élevage de moutons, est omniprésente. C’est pour cela que j’aime beaucoup Bruno Latour : il invite à penser son territoire avec ses dépendances. Penser à la manière dont on peut développer une activité à partir du lieu où l’on se situe, en étant conscient de ses dépendances et de ses possibilités, plutôt que dans une dynamique de délocalisation et de non-spécificité.

J’ai vécu vingt-huit ans à Bruxelles, sous un ciel gris. En arrivant dans le Sud, j’ai découvert la lumière.

Françoise Nyssen

Arles est un territoire très spécifique, avec des potentialités énormes : on peut y réinventer un lieu de rencontre, aussi bien qu’à Paris — je suis sûre que le Grand Continent pourrait parfaitement être installé à Arles et cela ne poserait aucun problème !

Vous évoquez l’ouverture que permet Arles, la présence de la culture méditerranéenne. À quel point est-ce que la localisation dans le Sud permet de mieux comprendre l’ouverture du catalogue d’Actes Sud — on pense par exemple à Sindbad ? 

C’était pour nous une nécessité de ne pas laisser mourir la maison d’édition Sindbad. Quand nous l’avons reprise, Sindbad était en faillite. Cela relevait pour nous de la nécessité politique de pouvoir faire entendre la voix de ces pays qu’on ne connaît pas sinon à travers les événements dramatiques qui touchent leurs populations. Il est extraordinaire de prendre conscience de la qualité de leur littérature, toujours très créative. 

Certes, la localisation d’Actes Sud à Arles est une ouverture à la Méditerranée, à d’autres centres, mais publier n’est pas un acte géographique. Actes Sud a été une maison d’édition du monde entier. 

D’abord par goût, et puis parce qu’à nos débuts en 1978, nous sommes en dehors du circuit traditionnel. Mon père n’a pas fait d’études, n’est pas issu du réseau des grandes écoles. Nous ne connaissons pas d’écrivain a priori, ni personne qui peut nous suggérer de publier telle ou telle chose. 

C’est d’autant plus vrai que nous sommes en dehors de Paris. Les auteurs ont naturellement tendance à envoyer leurs manuscrits à Paris, où il y a des très belles maisons d’édition, comme Gallimard, le Seuil, ou Grasset. Personne ne va envoyer un manuscrit aux Belges qui viennent de créer une maison d’édition que personne ne connaît. Il fallait donc aller les chercher.

La curiosité, qui est un des facteurs déterminants d’un métier comme le nôtre, poussait mon père à beaucoup voyager. Dans tous les pays où il allait, il demandait aux gens ce qu’ils lisaient, ce qui les intéressait. Il avait notamment fait un grand voyage en Algérie et était très intéressé par les cultures méditerranéennes. Nous avons commencé ainsi, en nous appuyant beaucoup sur la traduction, et constitué, petit à petit, un catalogue du monde entier. 

En même temps que l’on développe une maison d’édition en essayant de diffuser ces textes le plus possible, de les faire traduire, nous essayons d’amener le monde à Arles, par les rencontres. 

Pourrait-on dire qu’Arles est ainsi devenu le centre d’un monde ? 

Chaque lieu est, d’une certaine manière, le centre du monde. Je reviens de l’Ouzbékistan : quand on regarde une carte depuis l’Ouzbékistan, on ne peut pas penser que l’Europe soit le centre du monde !

Si Arles est un centre, c’est peut-être comme lieu de traduction. 

À l’époque du lancement d’Actes Sud, la traduction n’est pas du tout encore mise en avant dans le monde éditorial en France — le nom des traducteurs n’était même pas inscrit sur les livres. Les librairies n’avaient pas de rayons de littérature traduite. Ce n’était pas du tout ancré dans les habitudes d’aller explorer des territoires autres que la littérature franco-française — en oubliant que, dès qu’on est sorti de France, la littérature française est une littérature étrangère. 

Comme nous publions des textes du monde entier, nous avons essayé de faire d’Arles un lieu de la traduction. Nous avons proposé à la ville d’organiser des rencontres des traducteurs. Puis l’association des traducteurs littéraires Atlas s’est installée à Arles, qui organise notamment les Assises internationales de la traduction, de même qu’un collège des traducteurs. 

Publier n’est pas un acte géographique. Actes Sud a été une maison d’édition du monde entier. Si Arles est un centre, c’est peut-être comme lieu de traduction. 

Françoise Nyssen

Il en va de même pour la photo. Michel Tournier, Lucien Clergue, Maryse Cordesse, Jean Maurice Rouquette se sont dits un jour qu’il fallait créer quelque chose autour de la photographie, d’où la création des Rencontres de la photographie, puis de l’École de photo, et ainsi de suite.

Faire d’une maison d’édition un outil d’ancrage sur le territoire a aussi été, pour Jean-Paul et moi, porté par une vision politique. On ne peut pas travailler dans une cité sans être de cette cité — sans être citoyen, au sens propre du terme. Cela vient de mon engagement dans l’urbanisme et dans les comités de quartier. Je n’ai jamais fait partie d’un parti politique, mais j’ai toujours été de ma cité

Je considère qu’on ne peut pas agir uniquement en étant délocalisé et en irriguant le monde de textes. Tout en développant cette activité délocalisée — car une maison d’édition n’est pas un concept géographique — on développe une activité in situ très forte. 

Vous nous parlez de citoyenneté, de l’importance d’habiter sa cité, et dans le même temps vous nous avez dit ne venir d’aucun territoire. Vous sentez-vous Arlésienne ? 

Je pourrais vous répondre par une métaphore.

Quand je suis née à Bruxelles, j’étais une plante dans un pot. Je ne savais pas ce que je faisais là, où étaient mes racines. Un jour, je suis arrivée à Arles, et j’ai planté mes racines. Parce que j’y fais une activité qui me passionne, j’y ai rencontré l’homme de ma vie, et mes enfants y sont. En ce sens oui, je suis Arlésienne, parce que j’y ai trouvé ma vie. 

Je suis Arlésienne, parce que j’y ai trouvé ma vie. 

Françoise Nyssen

Alors que vous vous rattachez à l’urbanité, y compris professionnellement, la nature semble être une dimension essentielle de votre vie à Arles. Vous y organisez le festival « Agir pour le Vivant » : Arles est-elle un lieu particulièrement adapté pour l’élaboration d’une écologie politique ? 

Tous les lieux le sont. Par exemple, l’école du Domaine du Possible que l’on a créée est adaptée à son territoire : c’est une école de son territoire. Il faut arrêter d’imaginer faire des choses en dehors de là où elles sont, qui pourraient se reproduire partout. Il faut que partout, on agisse à partir de là où l’on se trouve.

Le festival Agir pour le Vivant est lié au territoire où il se déroule. Quand j’ai quitté le gouvernement, j’étais extrêmement contente de retourner à Arles, là où je pouvais travailler. Le président m’a proposé de réfléchir à la question — cela va vous amuser — du « grand tour ». 

Pour moi, il s’agissait de penser une manière de faire valoir l’ensemble du territoire français par rapport à son patrimoine. J’ai trouvé l’idée très intéressante, ne fut-ce que parce qu’avec Jean-Paul, qui était ingénieur agronome-paysan, nous étions déjà très investis sur les questions environnementales. Je souhaitais d’entrée de jeu mettre en avant le sol comme élément central du patrimoine — concept aussi essentiel chez Bruno Latour. Le sol, c’est la partie « vivable », l’écosystème comprenant l’air, la structuration des paysages, les fermes, les terres. 

Après avoir appelé Cyril Dion, j’ai contacté Alain Thuleau pour réfléchir ensemble à un « grand tour » qui inclurait les questions de patrimoine naturel. Très rapidement, nous avons compris qu’il allait être compliqué d’avancer à l’échelle nationale. 

Nous avons alors pensé développer ces réflexions à Arles, où l’on dispose d’un véritable écosystème pour faire société par rapport au territoire : la ville et son patrimoine historique, Actes Sud et l’accès au monde entier par la littérature, mais aussi les lieux culturels que nous avons créés (le cinéma, le restaurant, la librairie, les concerts et les évènements du tiers-lieu La Croisière) et le Domaine du possible qui est à la fois une ferme en agroécologie et une école. 

Ainsi a démarré Agir pour le Vivant — qui a des déclinaisons en Colombie, au Japon, et bientôt au Brésil. Ce sont des journées de réflexion sur les façons d’habiter le monde aujourd’hui, avec des tables rondes et des ateliers de mise en pratique, au sein desquels la culture et les arts jouent un rôle central. 

Le Domaine du possible est à la fois une ferme en agroécologie et une école : pouvez-vous nous présenter ce lieu ? 

À l’école du Domaine du Possible, installée à Arles, nous proposons des façons d’apprendre innovantes à travers la pratique des arts, de la culture, le rapport à la nature, et le cheval. Les enfants ont par exemple développé des méthodes d’apprentissage en musique pour la grammaire, la géographie, mais aussi les mathématiques. 

Au collège, trois blocs de connaissance sont travaillés : Sciences, Humanités et Terre vivante et Nature. C’est une école rattachée à un territoire spécifique qui permet une réflexion plus large sur l’éducation. 

Pour faire une métaphore, si l’Éducation nationale correspond à l’agriculture intensive-extensive, on peut dire que le Domaine du Possible est une école permaculturelle. 

Faire pareil partout n’est pas riche, ne produit pas de l’égalité, mais crée plutôt un manque d’attention, voire un manque de liberté pour certains enfants dès qu’ils sont un peu différents. 

Nous avons décidé de créer cette école car nous avons eu des enfants très différents, dont un qui n’a pas réussi à vivre. Je ne dis pas que l’école est responsable de cela, mais il n’a pas pu s’adapter à la société qu’on lui offrait et cela nous a beaucoup fait réfléchir. 

Notre seule référence est l’énergie des enfants et l’envie de développer leur désir d’apprendre. © Françoise Nyssen
Faire pareil partout n’est pas riche, ne produit pas de l’égalité, mais crée plutôt un manque d’attention, voire un manque de liberté pour certains enfants dès qu’ils sont un peu différents. © Françoise Nyssen

À quel point cette école peut-elle être un modèle d’éducation humaniste ?

Il est temps de repenser l’école dans ses fondements. Cette école est donc certainement une source d’inspiration possible pour l’Éducation nationale, où nombre d’enseignants ont envie que les choses changent et que les enfants retrouvent leur désir d’apprendre. 

La première question que l’on nous pose à propos de notre école est : « Quelle méthode appliquez-vous ? ». Pourtant, ce n’est pas l’école d’une méthode ! Notre seule référence est l’énergie des enfants et l’envie de développer leur désir d’apprendre. 

Nous ne sommes pas là pour enseigner un monde qui se meurt, mais pour appréhender le monde qui vient.

Françoise Nyssen

L’autre caractéristique est que tout le personnel de l’école se charge d’éducation. On n’a pas de personnes chargées exclusivement de la surveillance, de la cantine, de l’infirmerie etc. L’ensemble du personnel fait partie du corps enseignant – sur le modèle de ce qui peut exister en Finlande. 

Il s’agit de ramener les enseignants à leur rôle fondamental : accompagner les enfants pour devenir acteurs de leur futur. Nous ne sommes pas là pour enseigner un monde qui se meurt, mais pour appréhender le monde qui vient. On ne peut donc pas appliquer des méthodes d’enseignement qui datent de Jules Ferry, avec un fonctionnement de matières en silo, sans ouvrir les possibilités du développement de l’esprit critique, de l’accueil à l’autre, mais aussi de l’éveil au sensible, de la santé culturelle à l’école. 

Une révolution de l’éducation est possible. Il faut juste qu’on arrête de donner des directives, des encadrements, des normes. Ce qui se passe dans le monde se passerait de façon peut-être un peu différente si l’éducation était conçue pour pousser nos jeunes enfants à être fraternels, désireux d’être des citoyens ouverts aux autres, et non pas refermés sur eux, condamnés au désespoir. 

Le désir de partir de l’échelle locale pour la création artistique a également marqué votre mandat de ministre de la Culture, de 2017 à 2018. 

Lorsque j’ai essayé de porter une politique de la culture, pendant un an et demi, les territoires étaient mon obsession. Je souhaitais accompagner l’ensemble des territoires dans ce qu’ils avaient de riche et de culturel. 

Un bel exemple en la matière est le processus des Nouveaux Commanditaires, un outil de politique culturelle exceptionnelle créé par Jack Lang. En s’adressant aux Nouveaux Commanditaires, une communauté — une municipalité, un groupe d’habitants, un lieu culturel, une école, une bibliothèque, un hôpital — qui a envie de porter une oeuvre culturelle quelle qu’elle soit, est mise en contact avec un médiateur qui l’aide à définir le type d’œuvre et trouver des financements. Ce processus a permis la réalisation d’œuvres telles que la composition de Bechara El-Khoury, Il fait novembre en mon âme, en hommage aux victimes du Bataclan.

Grâce à ce processus, la culture émane de là où les gens en ont besoin — plutôt que de croire que le ministère de la Culture saurait quelle œuvre installer à tel endroit. C’est l’inverse du financement du haut vers le bas : la création émerge des territoires. 

L’école du Domaine du possible constitue-t-elle votre réponse à la vague néoréactionnaire mondiale ? 

Je pense que l’éducation est un élément fondamental de cette réponse. C’est pourquoi la dernière partie de ma vie consistera à accompagner l’école du Domaine du Possible à Arles et les réflexions qu’elle pourrait susciter.

Cette école doit être un lieu de ressources et de réflexion, voire un lieu clinique pour l’éducation. Ce n’est pas une école « privée », car elle a été créée sur un terrain qui appartenait à mon mari, en Crau, au Mas Tiber, et Jean-Paul l’a donné à un fonds de dotation. 

Lorsque j’ai essayé de porter une politique de la culture, pendant un an et demi, les territoires étaient mon obsession. 

Françoise Nyssen

L’école est en association. Je me bats pour qu’elle soit de plus en plus reconnue. Elle est reconnue par l’Education nationale — mais par des contrats simples — ainsi que par le ministère de l’Agriculture. C’est d’ailleurs peut-être une des seules écoles qui soit sous double-tutelle, et je ne comprends pas pourquoi ces deux systèmes éducatifs ne se parlent pas davantage. 

Elle s’ouvre aussi vers le monde en venant d’être intégrée au réseau des écoles UNESCO. 

Face aux bouleversements du monde contemporain, on peut chercher à préserver ce qui existe ou bien essayer de créer autre chose. Est-ce cette deuxième voie que vous privilégiez ?

Une phrase de Machado, que je reprends tout le temps, s’accorde bien avec la philosophie de tout ce que nous avons évoqué : « Voyageur, le chemin n’existe pas, le chemin se fait en marchant ». C’est ma devise. 

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25.07.2025 à 06:30

Un mois après les frappes américaines, les Européens reprennent les négociations avec l’Iran

Marin Saillofest

Paris, Berlin et Londres ainsi que la haute représentante Kaja Kallas reprendront aujourd’hui, vendredi 25 juillet, les négociations avec Téhéran sur son programme nucléaire. La possible ré-imposition de sanctions par les membres de l’E3 faute de progrès de la part de l’Iran vers la conclusion d’un accord devrait dominer les discussions.

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Texte intégral (1039 mots)

Aujourd’hui, vendredi 25 juillet, des représentants de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni (E3) rencontreront une délégation iranienne à Istanbul pour reprendre les négociations sur le programme nucléaire de Téhéran. Il s’agit des premières discussions depuis les frappes israéliennes puis américaines ayant visé des cibles militaires, nucléaires et civiles iraniennes en juin. La Haute représentante Kaja Kallas participera également aux discussions.

Le principal sujet abordé concerne la potentielle imposition de nouvelles sanctions européennes dans le cadre du mécanisme « snapback ».

  • Le 15 juillet, Paris, Berlin et Londres se sont accordés avec Washington pour fixer la fin du mois d’août comme date butoir pour la conclusion d’un accord sur le programme nucléaire de Téhéran.
  • Dans le cadre de l’accord de 2015, qui arrivera à expiration en octobre, les pays de l’E3 peuvent ré-imposer des sanctions qui avaient été assouplies par le JCPOA s’ils constatent une « absence de progrès » vers un accord de la part de l’Iran.
  • Téhéran a toutefois menacé de se retirer du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires si ces sanctions étaient réimposées. Le TNP engage les États non-dotés, dont l’Iran fait partie, à « ne jamais acquérir d’armes nucléaires ».
  • Le ministre des Affaires étrangères iranien, Araghtchi, a rejeté la légalité du mécanisme en arguant dans une lettre adressée le 20 juillet au secrétariat général de l’ONU, à Kallas ainsi qu’aux membres du Conseil de sécurité que les pays de l’E3 avaient renoncé par leurs actions à leur rôle de « participants » au JCPOA 1.

Les Européens pourraient évoquer la possibilité de prolonger la date d’expiration du mécanisme de rétablissement des sanctions durant les discussions, en échange d’une reprise des inspections des installations nucléaires iraniennes par l’ONU 2. Suite aux attaques de juin, le Parlement iranien a suspendu sa collaboration avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Le directeur de l’agence, Rafael Grossi, a par la suite ordonné le retrait des inspecteurs pour des raisons de sécurité.

  • Signe d’une ouverture, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Kazem Gharibabadi, a déclaré mercredi 23 juillet que Téhéran avait « invité une équipe technique de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à se rendre à Téhéran dans les prochaines semaines ». Toutefois, ces derniers ne pourront vraisemblablement pas accéder aux infrastructures nucléaires.
  • Gharibabadi a par ailleurs fait savoir que la reprise des négociations avec les États-Unis sur le programme nucléaire dans son ensemble faisait l’objet de discussions, bien qu’aucune date n’ait été fixée. 
  • Dans une tribune publiée dans le Financial Times le 8 juillet, soit moins de trois semaines après les frappes américaines, Araghtchi écrivait : « Bien que l’Iran ait reçu ces derniers jours des messages indiquant que les États-Unis pourraient être prêts à reprendre les négociations, comment pouvons-nous croire à un engagement plus poussé ? » 3
  • Téhéran a insisté ces derniers jours sur le fait que toute reprise des négociations avec Washington passerait par un intermédiaire.

Selon la dernière évaluation américaine de l’impact des frappes menées le 22 juin, partagée la semaine dernière, l’attaque aurait permis de retarder de deux ans les capacités d’enrichissement iraniennes sur le site de Fordo 4. Lors des négociations à Istanbul, les Européens demanderont également des réponses quant à l’emplacement des 400 kg d’uranium enrichi de qualité quasi-militaire dont disposerait toujours Téhéran.

Sources
  1. Lettre adressée par Abbas Araghtchi à Antonio Guterres, Asim Iftikhar Ahmad et Kaja Kallas, 20 juillet 2025.
  2. Iran worries U.S. will use nuclear talks as pretext for new attacks : Senior official », Axios, 23 juillet 2025.
  3. Iran’s foreign minister : Israel’s war sabotaged diplomacy. The US can revive it », Financial Times, 8 juillet 2025.
  4. New U.S. assessment finds American strikes destroyed only one of three Iranian nuclear sites », NBC News, 17 juillet 2025.
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25.07.2025 à 06:00

« Netanyahou ne veut pas mettre fin à la guerre », une conversation avec Ehud Olmert, ancien premier ministre d’Israël

jechareton

« Bibi, ça suffit. Tu dois passer à autre chose. »

Un mois après l’offensive en Iran, Israël est à un tournant.

Pour Ehud Olmert, il faut penser l’après-Netanyahou.

Nous l’avons rencontré.

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Texte intégral (4040 mots)

Un mois exactement après la fin de la guerre de douze jours, quelles leçons tirez-vous de la stratégie israélienne face à l’Iran ? 

D’abord, Israël a réussi à se rendre absolument maître de l’espace aérien iranien. Cela a révélé la vulnérabilité de l’Iran et lui a envoyé un message clair quant aux options dont Israël dispose en cas de nouvelle escalade militaire.

Tsahal n’a pas été en mesure d’anéantir toutes les installations nucléaires iraniennes dont certaines n’étaient pas à sa portée. Mais elle a montré qu’elle était en mesure de frapper les points les plus sensibles du territoire iranien. L’Iran devra désormais en être pleinement conscient.

Ensuite, les États-Unis ont décidé d’attaquer des sites nucléaires iraniens. Nous ne connaissons pas encore le bilan exact de ces frappes. L’essentiel est que, pour la première fois, un président américain, dirigeant d’un pays qui affirme depuis vingt-cinq ans vouloir empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, a franchi le pas et mené une action militaire directe, avec des avions américains, contre l’Iran. 

Cela rappelle aussi aux dirigeants iraniens que, la prochaine fois, la riposte pourrait être bien plus sévère. Ils devront en tenir compte.

À mes yeux, l’hypothèse d’un renversement du régime n’a jamais été une option sérieuse.

Ehud Olmert

Au début de l’attaque, il semblait que Benjamin Netanyahou ne visait pas seulement la supériorité aérienne et militaire, mais cherchait aussi à renverser le régime iranien. Pour l’heure, cet objectif n’a pas été atteint. C’est un échec ?

Il ne faut pas prendre au pied de la lettre toutes les déclarations, ni toute la rhétorique pompeuse et grandiloquente qui accompagne parfois ce type d’événements — surtout quand elle vient de Netanyahou, qui excelle dans l’art d’en dire trop.

Je doute que quiconque ait réellement cru qu’Israël allait renverser le régime iranien. 

À mes yeux, l’hypothèse d’un renversement du régime n’a jamais été une option sérieuse. Il ne faut donc pas considérer sa non réalisation comme un échec.

La Syrie a récemment connu un changement de régime. Depuis, Israël se montre très actif dans ce pays, recourant notamment à la force pour protéger les populations druzes. Quel est l’objectif de Netanyahou en Syrie ?

La question druze est particulièrement complexe et sensible en Israël. 

Nous avons une importante communauté druze, pleinement engagée en faveur de l’État d’Israël. Ce sont des partenaires loyaux pour sa sécurité et ils comptent parmi les meilleurs combattants de l’armée israélienne. Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs tombés au combat récemment.

Lorsque des membres de la communauté druze syrienne, appartenant parfois à des familles vivant en Israël, ont été attaqués, Israël s’est retrouvé face à un dilemme. Ne pas leur porter secours aurait été perçu comme une trahison par les Druzes israéliens. Une réponse militaire était nécessaire. Reste la question de sa forme.

Tant que l’action militaire restait concentrée sur les zones où vivent les Druzes, dans une logique défensive, elle était compréhensible. Je ne comprends toutefois pas pourquoi nous avons attaqué le commandement central de l’armée syrienne à Damas, ou même le palais présidentiel. Cela n’avait rien à voir avec la protection des Druzes. C’était une provocation inutile contre al-Shaara. Une erreur.

Je suis favorable à ce qu’on tende la main à al-Shaara, mais à la condition qu’il fasse sa part.

Ehud Olmert

Pensez-vous qu’al-Shaara puisse devenir un allié d’Israël ? Comment expliquer la décision de Netanyahou de ne pas saisir cette opportunité ?

Il faut être prudent avec al-Shaara. Il est issu des rangs de l’État islamique. Il a passé la majeure partie de sa vie à massacrer et à décapiter, au service du mouvement religieux fondamentaliste le plus extrême qui soit. Aujourd’hui, il est le nouveau président de la Syrie. 

Comme beaucoup d’Israéliens, je suis favorable à l’idée d’explorer la possibilité d’un dialogue avec lui.

Mais cela doit se faire avec une extrême prudence, lentement, pas à pas. Il faut d’abord comprendre s’il a vraiment changé, s’il est prêt à engager les réformes nécessaires pour bénéficier d’un soutien israélien, au risque de se retrouver à nouveau attaqué.

Je crois qu’un effort exceptionnel doit être fait pour construire un dialogue avec lui. Mais cela suppose un effort équivalent de sa part. Or, attaquer des Druzes ne va certainement pas dans ce sens. Il faut garder à l’esprit l’extrême sensibilité d’Israël sur ce point et veiller à ce que les forces placées sous son autorité fassent preuve de retenue.

Je suis donc favorable à ce qu’on tende la main à al-Shaara, mais à la condition qu’il fasse sa part. Ce n’est pour l’heure pas le cas. 

Netanyahou sort-il renforcé de cette séquence aux yeux des Israéliens ?

C’est difficile à dire. Les sondages menés depuis la guerre en Iran ne montrent pas de changement radical dans l’opinion publique israélienne. 

Celle-ci est dominée par deux tendances contradictoires.

D’un côté, l’opération militaire israélienne en Iran a été largement soutenue. L’armée de l’air a été saluée pour la qualité de son intervention. Le fait que Netanyahou ait pris cette décision a clairement joué en sa faveur, cela ne fait aucun doute.

Mais, d’un autre côté, plusieurs éléments pèsent lourdement contre Netanyahou : l’absence d’accord sur les otages, l’absence de cessez-le-feu, la poursuite de la guerre à Gaza qui coûte cher en vies humaines, avec des soldats israéliens tués chaque jour, sans objectif clair ni justification convaincante.

Et puis, il y a ce projet absurde de camp humanitaire à Gaza, qui est perçu, presque partout dans le monde, comme une mesure inacceptable. La perspective d’une expulsion des Palestiniens du nord de Gaza pour les regrouper dans un camp ségrégué au sud ternit son image.

J’ai donc l’impression que la perception de Netanyahou dans l’opinion publique israélienne est restée globalement inchangée.

Les États-Unis ne quittent pas l’UNESCO pour faire plaisir à Israël.

Ehud Olmert

Est-ce que le soutien actif apporté par Donald Trump à la guerre en Iran marque une inflexion de la politique américaine envers Israël ? 

J’aimerais aussi pouvoir comprendre, mais je cherche quelqu’un qui puisse m’expliquer ce que fait Trump !

Je pense qu’Israël a surpris les États-Unis en attaquant l’Iran. Et que ces derniers ont préféré se joindre à l’opération avant que la guerre ne dégénère en un conflit beaucoup plus important.

La participation américaine peut être comprise comme une tentative de contenir les événements avant qu’ils ne deviennent incontrôlables. Par leur attaque, les États-Unis ont envoyé un message aux dirigeants iraniens, les avertissant des possibles conséquences d’une escalade dans la riposte à Israël.

Par leur engagement, les États-Unis ont probablement évité que l’attaque israélienne ne provoque de plus grands troubles dans tout le Moyen-Orient. 

Si Israël prend conscience de l’ampleur et de l’impact de ce que les gens voient et s’il modifie son cap pour mettre fin à la guerre, cela pourrait aussi ouvrir la voie à une réhabilitation diplomatique.

Ehud Olmert

Le Département d’État américain a annoncé le retrait des États–Unis de l’UNESCO en réaction à une possible reconnaissance par l’organisation internationale de l’État de Palestine. Est-ce une victoire politique pour Netanyahou ?

Je ne crois pas. Les États-Unis avaient déjà quitté l’Unesco pendant le premier mandat de Trump, avant que Biden ne réintègre l’organisation. 

Les États-Unis ne quittent pas l’UNESCO pour faire plaisir à Israël. Ce nouveau retrait fait tout simplement partie du programme de Trump et la question de la Palestine ne sert qu’à renforcer son argumentaire.

Depuis deux ans, les victoires militaires d’Israël sont indéniables. L’opération contre l’Iran a été un succès ainsi que l’élimination des cadres du Hezbollah. Et pourtant, en raison des choix du gouvernement israélien à Gaza mais aussi en Cisjordanie, on observe un rejet diplomatique croissant d’Israël de la part des pays du « Sud global ». Pensez-vous que cette dynamique pourra être inversée après l’ère Netanyahou ?

Cela changera très probablement après Netanyahou. En réalité, cela pourrait même changer avec lui, s’il acceptait d’écouter le monde et comprenait que ce qui pouvait encore sembler justifiable le 7 octobre 2023 ne l’est plus nécessairement en juillet ou en août 2025.

Quelque chose de profond s’est produit entre ces deux dates. Le 7 octobre 2023, environ 1 500 Israéliens ont été massacrés, égorgés, pris en otage. Mais en juillet 2025, on compte plus de 60 000 Palestiniens tués et environ 60 % des bâtiments de Gaza détruits.

La perception internationale a évolué, non seulement à cause de l’horreur initiale du 7 octobre, mais aussi à cause de ce qu’Israël a fait depuis. Et cette perception continue de changer. 

Si Israël prend conscience de l’ampleur et de l’impact de ce que les gens voient, chaque jour, en Europe ou aux États-Unis — les colonnes de fumée, les explosions, les frappes aériennes sur Gaza — et s’il modifie d’une manière ou d’une autre son cap pour mettre fin à la guerre, alors oui, cela pourrait aussi ouvrir la voie à une réhabilitation diplomatique.

Selon vous, quelle est aujourd’hui la probabilité que le gouvernement Netanyahou soit renversé dans les semaines ou les mois à venir ?

Le désir de Netanyahou de rester au pouvoir est ce qui motive ses actions depuis le premier jour. Il n’est pas mû par les intérêts d’Israël, ni par la réponse aux difficultés que nous avons traversées ces deux dernières années.

Y compris dans le contexte très difficile de la guerre, Netanyahou fera tout ce qu’il peut pour rester aux commandes d’Israël. Et nous devons continuer à faire tout ce que nous pouvons pour nous débarrasser de lui.

Il faut d’abord rappeler clairement et fermement une évidence : Gaza fait partie de la Palestine et doit continuer d’en faire partie.

Ehud Olmert

Je ne pense pas que Netanyahou sera renversé par un vote à la Knesset, car il n’y a pas actuellement assez de voix pour soutenir un Premier ministre alternatif, condition nécessaire pour faire tomber un gouvernement.

Cela dit, je constate que son gouvernement s’affaiblit et perd progressivement en popularité.

Il est donc probable que des élections anticipées soient organisées, peut-être à la fin mars 2026. Ces élections pourraient bien marquer la fin de l’ère Netanyahou.

Faudrait-il selon vous engager des poursuites judiciaires contre Benjamin Netanyahou et d’autres responsables israéliens pour la manière dont ils ont conduit cette guerre ?

Netanyahou ne peut être poursuivi en justice que s’il existe des preuves qu’il est individuellement et directement responsable d’avoir abusé de ses prérogatives en tant que Premier ministre pour commettre ce qui est défini en termes juridiques comme un crime.

Si, d’une part, la CPI a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de Benyamin Netanyahou et l’ancien ministre de la défense Yoav Gallant, d’autre part, la CIJ de La Haye a accordé des mesures provisoires en faveur de la protection des Palestiniens tout en refusant de suspendre les opérations militaires israéliennes.

Le débat juridique sur ce point est donc en cours.

Pour ma part, j’espère sincèrement qu’il sera poursuivi en Israël, pour les crimes qu’il a commis contre l’État d’Israël, contre sa stabilité et contre la solidarité de la société israélienne — ce qui entraînerait sa chute politique. 

J’espère en revanche que Netanyahou ne sera pas poursuivi au niveau international car un procès contre le Premier ministre israélien deviendrait un procès contre l’État d’Israël. Et je pense que cela pourrait créer une situation dans laquelle il serait plus difficile encore d’aller vers la paix. 

Comment voyez-vous l’avenir de Gaza à court terme ? 

Il faut d’abord rappeler clairement et fermement une évidence : Gaza fait partie de la Palestine et doit continuer d’en faire partie.

Historiquement, Israël a toujours eu une attitude ambivalente à l’égard de l’enclave. Gaza n’a jamais fait partie de l’État d’Israël et n’a jamais été destinée à en faire partie. Toutefois, tout au long des processus de négociation historiques que nous avons menés avec les pays arabes au sujet de Gaza, en particulier avec l’Égypte, la posture israélienne a toujours été de conserver la possibilité de contrôler Gaza d’une manière ou d’une autre.

En 2005, alors que j’étais Vice-Premier ministre de Sharon, nous avons fait ce qui était alors une première pour un gouvernement israélien en décidant de nous retirer complètement de la bande de Gaza et de démanteler toutes les colonies israéliennes situées de l’autre côté de ce qui était considéré comme la frontière. Et nous avons fait appliquer cette décision.

Un aspect essentiel porte sur la connexion physique entre Gaza et la Cisjordanie. Ce lien n’a jamais existé, mais je le juge essentiel. Je ne le répéterai jamais assez : Gaza ne fait pas partie d’Israël, elle fait partie de la Palestine. Et si Gaza fait partie de la Palestine, alors la Palestine doit participer à sa reconstruction et à son administration.

Quels scénarios pourraient permettre de terminer cette guerre ? 

La seule issue possible aujourd’hui est de mettre immédiatement  fin à la guerre, de rapatrier tous les otages, de libérer les prisonniers palestiniens dans le cadre d’un accord et de mettre en place une force de sécurité intérimaire composée de Palestiniens, d’Égyptiens, de Jordaniens, d’Émiratis, de Bahreïnis — et peut-être aussi de soldats saoudiens — qui prendraient le contrôle effectif de Gaza. Cette force permettrait un retrait complet d’Israël tout en empêchant le Hamas de reprendre le dessus.

Il faut, dans le même temps, établir une administration chargée de gouverner Gaza à la place du Hamas. Elle serait liée organiquement à l’Autorité palestinienne, le seul organe représentatif global des Palestiniens, reconnu par la communauté internationale, les Nations unies, l’Union européenne, etc. 

Le problème, c’est que le bilan de l’Autorité palestinienne en matière de gouvernance, en particulier à Gaza, est médiocre.

Nous proposons donc qu’il y ait un lien juridique avec l’Autorité palestinienne, mais que l’organe directeur à Gaza dispose de pouvoirs exécutifs indépendants afin de pouvoir contrôler le territoire et mettre en œuvre ce qui est nécessaire pour la reconstruction. 

C’est le plan que j’ai présenté, avec l’ancien ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Nasser Al-Qidwa.

Nous pensons que c’est aujourd’hui la seule voie viable.

Bien sûr, si l’on souhaite aller plus loin et transformer en profondeur la donne régionale, il faudra ouvrir une nouvelle ère. Une décision politique forte sera nécessaire pour entamer des négociations sérieuses avec l’Autorité palestinienne autour d’une solution à deux États. 

À l’échelle régionale, cela permettrait de reprendre les relations avec l’Arabie saoudite et, potentiellement, avec l’Indonésie et d’autres pays arabes et musulmans.

Israël ne veut pas mettre fin à la guerre.

Ehud Olmert

Cela représenterait un changement stratégique majeur, capable de modifier en profondeur les équilibres au Moyen-Orient. Ce serait un tournant radical.

Qui pourrait contraindre toutes les parties concernées à faire un pas important vers le début d’une solution de paix ?

Si vous demandez aux acteurs impliqués ce dont ils ont besoin pour parvenir à une solution, ou du moins à un début de négociation, ils vous répondront tous : « Nous avons besoin que le président américain adresse une demande très ferme aux parties concernées. »

En ce sens, nous attendons que Trump convoque Netanyahou dans le lieu qu’ils aiment tous les deux le plus : le Bureau ovale, devant les caméras. Là, le président Trump pourra dire théâtralement à Netanyahou : « Bibi, ça suffit. Trop, c’est trop. Tu dois passer à autre chose. »

Le rôle de l’Arabie saoudite pourrait aussi être déterminant ?

Je pense que les Saoudiens font face à un dilemme.

D’un côté, ils sont impatients d’avancer vers la normalisation avec Israël, dans le cadre d’une nouvelle stratégie visant à rassembler tous les pays modérés potentiellement opposés aux Iraniens. Ils ont répété à maintes reprises qu’ils étaient prêts et disposés à normaliser leurs relations.

Dans le même temps, les Saoudiens ne sont pas prêts à aller de l’avant sans une évolution sur la question israélo-palestinienne. Comme MBS le répète sans cesse à ceux avec qui il discute de ces questions : « En Arabie saoudite, il y a des millions de citoyens qui ne me pardonneront pas d’ignorer les besoins des Palestiniens. »

Par conséquent, la position de l’Arabie saoudite est un élément majeur qui influencera les développements qui pourraient avoir lieu.

Je pense que les Saoudiens ont mis en avant des options positives pour Israël, en présentant les avantages potentiels d’un pas en avant vers les Palestiniens et en garantissant que cela mènera à une normalisation avec l’Arabie saoudite. Cela placerait l’État d’Israël dans une situation totalement différente de celle qu’il connaissait jusqu’alors.

Les Saoudiens apportent donc leur contribution et nous devons saisir le potentiel que cela représente.

Quel rôle le Qatar joue-t-il aujourd’hui dans les négociations sur la libération des otages et un possible cessez-le-feu avec le Hamas ? Où en sont ces négociations et qu’est-ce-qui, selon vous, empêche d’aboutir à un accord de cessez-le-feu ?

Je ne connais pas tous les détails du processus de négociation actuellement en cours au Qatar, ni l’ensemble des dynamiques en jeu. Mais de manière générale, le cœur du désaccord est assez simple.

Le Hamas affirme — et je suis enclin à le croire — qu’il est prêt à libérer tous les otages si Israël accepte de mettre fin à la guerre, et que cette fin soit encadrée et garantie de manière crédible par les États-Unis.

Toutefois, Israël ne veut pas mettre fin à la guerre. Il n’existe donc, à ce stade, aucune base réelle pour un accord.

Je ne cherche en rien à minimiser la nature du Hamas. Ce sont des assassins, des extrémistes, une organisation absolument intolérable. Cela ne fait aucun doute pour moi. Mais ils ne sont pas stupides. Et je ne crois pas qu’ils renonceront à leur seule carte de négociation — les otages — sans obtenir en échange ce qu’ils considèrent comme l’essentiel : la fin des hostilités.

La question, désormais, est de savoir si Israël est prêt ou non à mettre fin à la guerre pour obtenir le retour de tous les otages.

À ce jour, l’opinion publique israélienne semble majoritairement favorable à un arrêt immédiat de la guerre, quelles que soient les circonstances, si cela permet le retour des otages.

Mais une part significative du gouvernement israélien est explicitement opposée à la fin de la guerre, même si cela implique la mort de certains otages. Ils sont prêts à sacrifier les otages plutôt que de mettre fin à la guerre.

Israël devrait-il participer financièrement à la reconstruction de Gaza ? 

Cette reconstruction devra d’abord être prise en charge par la communauté internationale.

Certes, Israël peut être tenu pour responsable des destructions. Mais  l’État israélien pourrait aussi formuler des revendications concernant la destruction de colonies et de villes israéliennes à l’intérieur de son territoire, perpétrée par le Hamas au début de la guerre, le 7 octobre 2023.

Se focaliser sur l’obtention d’une participation financière d’Israël à la reconstruction me semble donc contre-productif. Il y a suffisamment de pays arabes ayant les moyens nécessaires et, compte tenu des circonstances, seraient disposés à prendre en charge les besoins de reconstruction à Gaza.

Vous êtes un partisan convaincu de la solution à deux États. Toutefois, à chaque nouvelle crise, cette perspective semble s’éloigner. Comment convaincre qu’il s’agit encore d’une option crédible, réaliste et concrètement viable ? 

Au fond, il n’y a que deux options. 

La première est de continuer à se battre indéfiniment. C’est ce que nous faisons entre Israéliens et Palestiniens depuis 77 ans environ. Nous pouvons poursuivre dans cette voie encore longtemps. Cela conduira à davantage de sang versé, d’Israéliens et de Palestiniens tués, sans qu’aucun changement radical n’ouvre un nouvel horizon.

L’autre option est d’essayer de faire la paix. Or, il n’existe, à mes yeux, qu’un seul chemin vers une paix durable : la solution à deux États. 

Bien que cela puisse prendre du temps, tôt ou tard, chacun finira par reconnaître cette réalité incontournable : il n’existe pas d’alternative crédible à la solution à deux États.

Il est clair que le gouvernement actuel repose sur l’opposition à cette solution politique. Il ne s’y oppose pas seulement sur tel ou tel point : il est farouchement opposé à sa substance même.

C’est la raison pour laquelle, pour avancer, Netanyahou doit être démis de ses fonctions.

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