Avec une remontée de plus de 30 points de pourcentage, le candidat centriste et libéral Nicusor Dan obtient un résultat historique.
- Dan devient le premier candidat à une fonction présidentielle d’un État démocratique à rattraper un retard de presque 20 points de pourcentage au premier tour depuis Mário Soares en 1986.
George Simion, le candidat de l’extrême droite disposaient de plusieurs avantages de taille :
- Une avance de près de 2 millions de voix, une dynamique favorable dans la diaspora et une porosité entre les électorats, en faveur de la droite nationaliste roumaine, dans le contexte de la profonde crise politique ouverte avec l’annulation de l’élection de décembre.
Dan a choisi de structurer la campagne comme un référendum sur la trajectoire européenne du pays. C’est une stratégie qui semble avoir porté ses fruits.
- Entre 1990 et 2023, le PIB par habitant a augmenté de 111 % en Roumanie par rapport à la moyenne mondiale, avec une nette accélération depuis leur adhésion à l’Union européenne en 2007. Nicusor Dan a voulu s’inscrire dans cette continuité.
- De son côté, l’élection de George Simion aurait porté un candidat et un parti pouvant déterminer un changement géopolitique extrêmement profond : l’annexion de la Moldavie et d’une partie de l’Ukraine, la sortie de facto de l’Union européenne, la suspension de l’État de droit — Simion allant jusqu’à appeler à « écorcher vifs sur la place publique » les juges responsables de l’annulation de l’élection de novembre.
- La Roumanie risquait un changement de régime avec l’arrivée au pouvoir de Calin Georgescu — que Simon avait promis de nommer premier ministre — et de ses hommes : des mercenaires et d’autres agents associées aux intérêts du Kremlin, désormais soutenus par l’administration Trump.
L’élection a été marquée par une participation qui atteint un niveau record.
- La participation s’établit à des niveaux beaucoup plus élevés que lors des scrutins précédents, atteignant 55,56 % dans le pays tandis que plus de 1,6 millions de personnes ont voté à l’étranger. Il s’agit d’une hausse de 16,2 % par rapport au premier tour du 4 mai et de 10 % par rapport au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2019.
- À l’étranger, la présence a enregistré une hausse de 68,9 % par rapport au premier tour. À 22 heures, l’avantage était toujours à Simion dans la diaspora, mais avec une avance bien plus réduite qu’au premier tour et qui pourrait théoriquement s’inverser plus tard dans la soirée.
Simion a tenté de capitaliser sur la vague anti-système, se positionnant comme le candidat de choix contre une classe politique qui a dirigé le pays depuis la chute du régime de Ceausescu.
- Toutefois, ce narratif n’a pas été opératoire contre un adversaire n’appartenant à aucun des partis traditionnels (PSD, PNL) et ayant fait de la lutte contre la corruption la matrice de son action politique. Sa devise de campagne était : « La Roumanie honnête »).
- Plusieurs erreurs de campagne, dont le refus de participer aux débats télévisés, des voyages à l’étranger dont les objectifs n’étaient pas très clairs et la diffusion de fausses informations, comme l’arrêt par la Commission européenne des fonds à destination du pays, ont pu davantage mobiliser l’électorat pro Nicusor Dan.
La première tâche de Dan sera de nommer un Premier ministre capable de réunir une majorité au Parlement.
- Il a, à plusieurs reprises, exprimé sa préférence pour l’actuel président par intérim, Ilie Bolojan (PNL/PPE), l’une des figures les plus populaires du pays. Cela pourrait ouvrir la voie à un gouvernement minoritaire USR/PNL. Toutefois, ensemble, ces deux partis ne disposent que de moins de 30 % des sièges dans le Parlement issu des élections législatives de décembre 2024. Avec le soutien des partis des minorités – notamment celui de l’UDMR, représentant la minorité hongroise et un important soutien de Dan – ils pourraient atteindre environ 40 % des sièges.
- Alors que le pays a enregistré en 2024 le plus haut déficit de l’Union, à 9,3 %, des mesures de consolidation fiscale, particulièrement impopulaires, pourraient accroître les tensions et offrir aux partis d’opposition – y compris à l’extrême droite – une marge de manœuvre pour renforcer leur position
- Si aucun Premier ministre ne parvient à obtenir une majorité au Parlement à deux reprises consécutives, des élections anticipées pourraient être organisées.
Il est possible que George Simion, qui a déclaré avoir gagné l’élection présidentielle, refuse de reconnaître sa défaite.