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19.04.2025 à 06:30

Les négociations sur le nucléaire entre l’Iran et les États-Unis se poursuivent à Rome

Ramona Bloj

Une nouvelle série de négociations entre Washington et Téhéran sur le nucléaire iranien a lieu aujourd’hui, 19 avril, à Rome.

Après des discussions décrites par la Maison-Blanche comme « très positives et constructives » à Oman la semaine dernière, les pourparlers pourraient toutefois rapidement atteindre une impasse.

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Texte intégral (1170 mots)

Le 12 avril, des représentants de Téhéran et de Washington ont entamé une nouvelle phase de négociations sur le nucléaire iranien, sept ans après le retrait des États-Unis de l’accord de Vienne de 2015.

  • L’objectif de ce premier contact était surtout de déterminer si l’autre partie est sérieuse quant à des possibles négociations.
  • Selon Téhéran, les discussions se sont concentrées sur le programme nucléaire iranien et sur la levée des sanctions « dans une atmosphère constructive et dans le respect mutuel ». Des mots similaires ont été utilisés par la Maison-Blanche pour décrire les échanges. 
  • Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, et le négociateur en chef de la délégation américaine, Steve Witkoff, se sont d’ailleurs rencontrés et ont discuté à la fin des pourparlers pendant 45 minutes.
  • Les États-Unis ont ainsi atteint leur objectif, et les négociations d’aujourd’hui se déroulent directement entre des représentants iraniens et américain à l’ambassade d’Oman à Rome, un changement de lieu qui aurait été suggéré par Washington.
  • Le vice-président J.D. Vance se trouve également dans la capitale italienne jusqu’à lundi, mais rien n’indique qu’il pourrait prendre part aux discussions.
  • Les Européens, qui ont historiquement joué le rôle d’intermédiaire entre les États-Unis et l’Iran dans les négociations nucléaires, ne sont toujours pas inclus dans cette nouvelle séquence, bien qu’elle se déroule sur le sol de l’Union.

Malgré ces premiers signaux positifs, plusieurs prises de parole depuis samedi dernier semblent indiquer que les pourparlers risquent de rapidement s’enliser.

  • Le premier signal faible est la volte-face de Steve Witkoff, responsable des négociations du côté américain, sur ce que Washington veut obtenir.
  • Si dans un premier temps ce dernier avait déclaré que l’Iran ne devait pas être autorisé à enrichir de l’uranium à plus de 3,67 %, une concentration adaptée aux réacteurs nucléaires, il a ensuite publié sur X une déclaration selon laquelle : « Un accord avec l’Iran ne sera conclu que s’il s’agit d’un accord Trump. Cela signifie que l’Iran doit mettre fin à son programme d’enrichissement nucléaire et d’armement ».
  • En réponse, le ministre des Affaires étrangères iranien, Araghtchi, a déclaré que la question de l’enrichissement de l’uranium n’était « pas négociable » 1.
  • Pour Téhéran, l’objectif immédiat des négociations est la levée des sanctions. D’ailleurs, le 16 avril, Washington a renforcé les mesures restrictives visant les exportations iraniennes de pétrole 2

En visite en Iran mercredi 16 avril, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Rafael Mariano Grossi, a déclaré que le pays était dangereusement proche de la fabrication d’une bombe nucléaire.

Trump, qui avait initialement fixé un délai de deux mois pour les négociations, a déclaré ce jeudi 17 avril qu’il n’était pas pressé de lancer une frappe militaire, car il pense que l’Iran « veut discuter ». Washington a également initié un retrait partiel de plusieurs centaines de ses troupes stationnées en Syrie 3.

  • Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, est arrivé à Rome après une visite à Moscou, où il a rencontré Vladimir Poutine. Il a notamment déclaré : « Nous espérons que la Russie jouera un rôle dans un éventuel accord ».
  • Witkoff a pour sa part mené des discussions à Paris avec des représentants d’Israël. Pour Benyamin Netanyahou, seules deux options sont envisageables à ce stade : un accord semblable à celui par lequel Mouammar Kadhafi avait abandonné le programme nucléaire libyen en 2004, c’est-à-dire un démantèlement complet des installations nucléaires ; ou bien une intervention militaire directe.
  • Le ministre saoudien de la Défense, le prince Khalid ben Salman, était également à Téhéran jeudi 17 avril pour une rare visite — la première d’un haut responsable saoudien depuis la Révolution islamique — qui souligne l’importance des négociations dans la région. Il a notamment rencontré le Guide suprême Ali Khamenei pour lui transmettre un message de la part de Mohamed Ben Salman, dont le contenu n’a pas été dévoilé, mais qui mettrait en avant le caractère mutuellement bénéfique et complémentaire des relations entre les deux pays 4.

Il est fort probable que si les deux parties ont estimé qu’il y avait suffisamment de terrain d’entente pour continuer les discussions, les négociations arriveront vite au point mort si l’administration Trump maintient ses demandes d’un démantèlement complet du programme nucléaire iranien.

Sources
  1. Iran says its right to uranium enrichment is non-negotiable, Reuters, 16 avril 2025.
  2. US issues new sanctions targeting Chinese importers of Iranian oil, Reuters, 17 avril 2025.
  3. U.S. Is Withdrawing Hundreds of Troops From Syria », The New York Times, 17 avril 2025.
  4. « وزیر دفاع عربستان، پیام پادشاه سعودی را به خامنه‌ای داد », BBC Persian, 17 avril 2025.

18.04.2025 à 20:36

Qui est Abbas Araghtchi, le négociateur de l’Iran sur le nucléaire ?

Marin Saillofest

Demain, samedi 19 avril, le ministre des Affaires étrangères iranien, Abbas Araghtchi, doit rencontrer à Rome le négociateur de Trump sur le nucléaire iranien, Steve Witkoff, à l’ambassade d’Oman.

Nous dressons son portrait.

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Texte intégral (1214 mots)

Les talents de négociateurs des diplomates iraniens font l’objet de multiples fantasmes : « inventeurs des jeux d’échecs », « tradition diplomatique plurimillénaire », « inventeurs des premières conventions internationales ».

  • L’hypothèse d’un talent diplomatique singulier s’explique en partie par la curiosité que suscite un système politique volontairement opaque et en partie par une forme d’orientalisme assumé par les commentateurs, parfois eux-mêmes issus de la diaspora iranienne.
  • Ainsi, alors que l’on apprenait que Steve Witkoff avait parlé « pendant 45 minutes » à son homologue iranien Abbas Araghtchi 1, des observateurs faisaient remarquer que « 45 minutes est à peu près le temps qu’un Iranien met à dire au revoir à ses hôtes à l’issue d’une réception » 2, évoquant ainsi les règles de politesse excessive en Iran, le taarof (تعارف), qui conduit les taxis à Téhéran à systématiquement refuser dans un premier temps qu’on règle une course — avant de l’accepter dans un second temps. 

Abbas Araghtchi a un parcours similaire à celui d’autres cadres dirigeants de la République islamique : issu de la bourgeoisie marchande pieuse, il a réussi à gravir les échelons de l’État grâce aux opportunités offertes par la Révolution.

  • Né en 1962 à Téhéran, dans une famille traditionnelle, il a trois sœurs et trois frères. 
  • Il obtient son baccalauréat et perd son père en 1979, au moment de la Révolution islamique. Il s’engage alors dans les corps des Gardiens de la Révolution pour combattre dans la guerre qui oppose l’Iran à l’Irak 3.
  • En 1985, il reprend ses études dans l’une des nouvelles universités créées par la République islamique, l’Université Azad de Téhéran, dont il sort diplômé en 1989 d’une maîtrise de science politique. Il rejoint alors le ministère des Affaires étrangères, mais poursuit ses études à l’étranger.
  • Il soutient en 1996 une thèse à l’université de Kent intitulée « The evolution of the concept of political participation in twentieth-century Islamic political thought » 4 (L’évolution du concept de participation politique dans la pensée politique islamique du XXe siècle), qui vise à justifier théoriquement la coexistence d’une double légitimité, démocratique et théologiquement, de la République islamique.
  • Il se distingue ainsi d’autres personnalités iraniennes, à l’instar de Saeed Jalili, négociateur iranien entre 2009 et 2013, qui ne parle pas anglais et qui est hostile à tout dialogue avec les puissances occidentales.
  • Sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères en 2024 était donc interprétée comme le signe d’une ouverture du régime à des négociations.

Araghtchi a eu une carrière rapide typique des nouveaux cadres du régime.

  • Il a notamment occupé les postes d’ambassadeur adjoint auprès de l’Organisation de la coopération islamique à Djeddah (1992-1997), d’ambassadeur en Finlande (1999-2003) et au Japon (2008-2011), puis celui de ministre adjoint des Affaires étrangères (2013-2021) sous Javad Zarif.
  • Il a publié plusieurs livres dont les Souvenir d’Abbas Araghtchi, Ambassadeur iranien au Japon en 2021, et a contribué à un ouvrage collectif en six volumes sur les conséquences des négociations qui ont conduit au JCPOA : Le JCPOA, un grand effort pour les droits, le développement et la sécurité de l’Iran (برجام؛ کوششی سترگ برای حقوق، امنیت و توسعه ایران، در شش جلد، نشر مؤسسه اطلاعات). 
  • De 2021 à 2024, il est secrétaire du Conseil stratégique des Affaires étrangères de la République islamique d’iran (شورای راهبردی روابط خارجی جمهوری اسلامی ایران), créé en 2006 par le Guide suprême Ali Khamenei, et qui soutient la définition de la politique étrangère du régime. 

Contrairement à Javad Zarif, Abbas Araghtchi n’est pas associé à un courant ou à une opinion politique précise et, à la différence de Witkoff, il a été au cœur des négociations nucléaires pendant huit ans.

  • Il a été ainsi impliqué dans un premier temps dans la phase de définition du JCPOA entre 2013 et 2015, puis lors de sa mise en œuvre entre 2015 et 2018, et enfin lors des tentatives de préserver l’accord à la suite du retrait américain entre 2018 et 2021.
  • Il était à ce titre l’interlocuteur principal des directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères des autres parties prenantes aux négociations (France, Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis, Chine, Russie, Union européenne), et l’interlocuteur permanent d’Helga Schmid puis d’Enrique Mora, coordinateurs des négociations en tant que directeur politique du Service européen pour l’action extérieure.
  • Au cours de ces années de négociations, il aurait acquis une réputation de professionnalisme — dans ses mémoires, Wendy Sherman, la Secrétaire d’État adjointe des États-Unis, décrit comment elle a établi une relation cordiale et de confiance avec  Araghchi, rythmée par l’échange annuel de cartes de vœux.
Sources
  1. Iran nuclear talks expected to continue Saturday in Rome », Axios, 13 avril 2025.
  2. Publication sur X, 14 avril 2025.
  3. « عباس عراقچی کیست؟ + پیشینه و سوابق », Rouydad24, 13 juillet 2024.
  4. The evolution of the concept of political participation in twentieth-century Islamic political thought, University of Kent.

18.04.2025 à 19:54

Curtis Yarvin, Trump et l’apocalypse : mythes, contradictions et mensonges (3ème partie de notre entretien fleuve)

Matheo Malik

Après un séjour à Palo Alto, Carl Schmitt s’installe à Washington. Mais est-il vraiment possible de consolider un empire si le sceptre passe entre les mains des géants du numérique ?

Ce troisième et dernier volet de notre entretien fleuve avec Curtis Yarvin explore les éléments les plus radicaux et contradictoires de la théorie politique qui informe les élites contre-révolutionnaires trumpistes.

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Texte intégral (8975 mots)

Ces dernières années, entre les baies vitrées de la Silicon Valley, un nouveau projet politique a pris forme. Porté par l’innovation numérique et les nouvelles technologies, il a été inspiré par une vision du futur et des théories politiques développées dans l’ombre.

Dans notre dernier volume papier, L’Empire de l’ombre : guerre et terre au temps de l’IA, nous avons composé un dossier de textes inédits en français qui vous donneront accès à l’atelier de cette insurrection techno-césariste. Parmi ces textes canoniques encore largement méconnus figure le fameux « Manifeste formaliste », publié en 2007 sous pseudonyme par Curtis Yarvin.

Vingt ans après sa publication et alors que son influence sur les nouvelles élites américaines ne cesse de croître, nous avons proposé à cet intellectuel organique de la contre-révolution trumpiste de s’entretenir avec nous. Pendant plusieurs heures, dans notre petite rédaction au cœur du Quartier latin, il a accordé au Grand Continent son plus long entretien à une revue européenne.

Le résultat est une lecture indispensable pour comprendre la nature et les limites du projet qui se déploie chaotiquement mais avec force depuis Washington. 

Vous pouvez retrouver la première partie de l’entretien fleuve avec Curtis Yarvin ici et à ce lien la deuxième.

Pour approfondir la lecture et revenir aux fondamentaux, vous pouvez commander le nouveau numéro papier ou vous abonner au Grand Continent

En évoquant Tiananmen, vous avez mis sur le même plan le Parti communiste chinois et le New York Times — pourriez-vous nous expliquer ce rapprochement un peu déroutant ?

Pour comprendre cela il faut à nouveau que je raconte une anecdote — et que je parle, encore, du New York Times.

Allez-y.

C’est effrayant d’entrer dans les locaux du New York Times, de faire une interview au New York Times et d’être publié dans le New York Times

C’est le genre de choses qui auraient pu ruiner non seulement ma vie, mais aussi celle de beaucoup d’autres personnes.

Pourquoi l’avoir fait ?

Peu de gens le savent, mais l’une des choses qui m’ont convaincu que j’étais capable de le faire, c’est que j’avais accordé une autre longue interview au New York Times en septembre 2024.

À l’époque, le journaliste Jonathan Mahler est venu me voir chez moi, à Berkeley. Mon attitude était très ouverte : je parlerais — on the record — de tout ce dont il voudrait parler. J’ai donc parlé à ce type, pendant deux heures, enregistreur à l’appui, parfaitement librement. 

C’est comme cela que se déroule en général un entretien…

Lorsque le papier est sorti, trois journalistes le signaient — dont l’un était un type auquel je n’aurais associé mon nom sous aucun prétexte. Je l’ai lu. Il n’y avait qu’un seul paragraphe qui parlait vaguement de moi — et ils n’avaient utilisé aucune de mes citations.

Alors que vous vouliez absolument être cité ?

Au contraire : mon but n’était pas d’être cité. Mon but était de raconter une histoire qu’ils ne pourraient pas raconter. Comme je l’ai dit, je respecte beaucoup le New York Times — mais j’ai aussi constamment envie de leur donner une leçon. 

La façon dont j’ai commencé cet entretien était très drôle — et bien sûr, elle n’apparaîtra jamais dans les pages du Times.

J’ai posé au journaliste une question très simple : « Quelqu’un en dehors du New York Times peut-il vérifier les faits rapportés par le New York Times ? Ou bien vous êtes comme le Vatican ou le pape — sans autorité au-dessus de vous ? » 

Il était gêné.

J’ai essayé de l’aider : « Est-ce que, pour vous, la Columbia Journalism Review serait un fact-checker fiable ? » À quoi il a répondu : « Oui, je pense ».

Je respecte beaucoup le New York Times — mais j’ai aussi constamment envie de leur donner une leçon.

Curtis Yarvin

« Alors on va jouer à un jeu, ai-je continué. Je vais vous dire quelque chose et vous allez me dire si c’est un fait ou non ». Il accepte et je poursuis : « Il n’y a jamais eu de massacre sur la place Tiananmen. Fait, ou non-fait ? » Il me répond : « Je dirais sans hésiter que c’est un non-fait ».

Je sors alors mon téléphone et lui montre cet article de la Columbia Journalism Review

(L’entretien qui a lieu dans notre rédaction s’interrompt pendant quelques minutes, car Curtis Yarvin recherche devant nous l’article en question : le mythe de Tienanmen sur son iPhone noir ultrafin et nous le tend pour que nous en prenions connaissance.). 

Je lui demande de lire. Il commence à lire et arrivé à la moitié, il concède : « D’accord, j’admets que j’avais tort. »

Vous pensez que Tiananmen est un mythe ?

Je pense que ce qui s’est passé à Tiananmen est en fait beaucoup plus intéressant que le « mythe » qu’on en a fait. 

C’est une histoire que ni les médias occidentaux ni — fait intéressant et plutôt décisif — les médias chinois ne peuvent raconter. Et l’instinct primaire du PCC sur cette question est toujours le même : « nous allons apprendre à tout le monde, y compris à nos IA, à ne pas parler de Tiananmen ».

Or ce qui m’intéresse, c’est en fait la véritable histoire de ce qui s’est passé là-bas. 

Vous semblez avoir votre propre théorie.

Cet article que je vous ai montré raconte environ 75 % de ce que je pense être la véritable histoire.

La véritable histoire de la violence à Tiananmen, c’est qu’elle concerne des étudiants qui sont en fait les jeunes élites du parti — et avec lesquelles celui-ci est donc particulièrement sensible. Nombre des pontes du PCC sont des parents de ces étudiants, qui sont la crème de la crème de la Chine. En d’autres termes, Tiananmen, c’est la crème de la crème qui se dresse contre le PCC. Et c’est cela, le vrai problème : c’est une crise qu’ils doivent gérer en douceur.

Mais ce qui les convainc qu’ils ne peuvent pas gérer la situation en douceur, c’est qu’une colonne de troupes, non pas à Tiananmen, mais à quelques kilomètres de là, est arrêtée par des ouvriers. Ces ouvriers sont organisés. Ils portent des chemises qui leur permettent de se reconnaître entre eux. Ils ont clairement des chefs et une chaîne de commandement. Ils savent comment fabriquer des cocktails Molotov — et n’hésitent pas à les utiliser. Ils attaquent la colonne de soldats. Beaucoup sont brûlés vifs. Les soldats ripostent. Et les dirigeants chinois s’accordent sur le fait qu’une telle alliance entre les étudiants de l’élite et les ouvriers est particulièrement dangereuse et qu’il faut y mettre fin. Mais lorsque les chars arrivent sur la place Tiananmen, les étudiants sont déjà partis. Il n’y a personne. La photo de l’homme qui se tient devant la colonnes de chars en bloquant leur avancée est l’exemple classique d’une photo trompeuse : les chars n’arrivent pas sur la place, ils la quittent.

Bref, ces étudiants, ces travailleurs en chemise à col Mao, je suis convaincu que c’est une opération du NED 1 — c’est-à-dire de la CIA sous un autre nom. C’est ce qui se faisait à l’époque. Personne d’autre n’aurait pu faire un coup pareil.

Le mensonge pour protéger un secret est une chose impossible à tenir.

Curtis Yarvin

Mais cette thèse n’est étayée par rien.

Je distingue les preuves directes des preuves indirectes. En l’occurrence, je pense que nous sommes dans le cas d’un indice grave et concordant — un peu comme la fuite du laboratoire de Wuhan : je rappelle qu’il n’y a pas de chauve-souris à Wuhan.

Lorsque je vois des groupes de gens ordinaires se rassembler et s’organiser au XXe siècle, je me dis que ce n’est pas spontané. D’ailleurs, on n’a jamais vu de foules spontanées de ce genre se réunir en Chine au XXe siècle. Ces gens ont été organisés par une force extérieure. C’est ce qui se faisait à l’époque et c’est sans doute ce qui s’est passé à Tiananmen.

Au fond vous considérez que le XXe siècle n’est pas celui des sociétés qui agissent, mais celui des masses qui subissent passivement ?

Là n’est même pas la question en réalité. 

Ce qui importe pour moi, c’est que même les dirigeants chinois d’aujourd’hui ne peuvent pas raconter cette histoire alors même qu’on pourrait penser qu’elle n’est pas si défavorable au PCC.

Le fait de repousser une tentative d’ingérence extérieure devrait les honorer. Ce n’est pas rien de savoir résister et d’être prêt à le faire avec la violence nécessaire à une opération coordonnée par la CIA… Mais voyez-vous, le PCC doit se dire qu’il y a déjà trop d’informations : ils préfèrent censurer et dissimuler sous des mensonges une réalité évidente. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas la confiance nécessaire pour dire toute la vérité, et rien que la vérité. Et c’est là que réside leur principale faiblesse. 

Ne pensez-vous pas que, si tel était le cas, on se trouverait précisément face à un « mensonge noble », fonctionnel dans le système chinois ?

Le mensonge pour protéger un secret est une chose impossible à tenir. Quiconque a déjà eu la mauvaise expérience de mentir — même s’il s’agit d’un petit mensonge innocent — a fait les frais de s’exposer à la révélation… C’est pourquoi j’essaie de ne jamais mentir aux journalistes, à moins d’y être absolument obligé pour une raison stupide. 

Mentir aux journalistes est la pire chose qui soit. Je ne le ferais que pour vraiment protéger une relation très importante. Quand on ment, la vérité peut s’infiltrer comme l’eau à travers une fissure dans le toit — et faire s’effondrer l’édifice. 

Le fait que le PCC, dans ce cas précis — et je suppose dans bien d’autres cas — doive encore pratiquer une censure de type stalinien, marxiste, léniniste — c’est-à-dire totalitaire — est très parlant et pour moi significatif de leur faiblesse. Ils ne peuvent pas simplement ouvrir les fenêtres et laisser entrer la vérité, même quand ils devraient être capables de le faire, même quand la vérité soutient vraiment très bien leur histoire et est en fait très destructrice pour la gauche ou pour l’Occident.

Curtis Yarvin dans le nouveau numéro de la revue

Sous la direction de Giuliano da Empoli. Postface par Benjamín Labatut.

Avec les contributions de Daron Acemoğlu, Sam Altman, Marc Andreessen, Lorenzo Castellani, Adam Curtis, Mario Draghi, He Jiayan, Marietje Schaake, Vladislav Sourkov, Peter Thiel, Svetlana Tikhanovskaïa, Jianwei Xun et Curtis Yarvin.

En librairie ou sur abonnement.

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Quel serait le noble mensonge de l’Amérique ?

Il y en a tellement.

Commençons par le principal. 

Le principal ? « Tous les hommes sont créés égaux ».

C’est la clef de voûte de la Déclaration d’Indépendance, c’est ce qui postule qu’il y a des droits inaliénables de la personne humaine et qui fonde la démocratie en Amérique…

Oui, bien sûr — et c’est un mensonge. 

Une proposition que je serais peut-être prêt à accepter serait de dire : « Je crois que tous les jumeaux homozygotes sont créés égaux. »

Et encore…

Et encore ? 

Les choses que nous avons apprises sur l’ADN humain au cours des vingt dernières années sont absolument formidables. Personne n’est au courant — parce que tout le monde a peur de les partager. Nous avons peur de suivre la science parce qu’elle est en train de révéler l’inconséquence de toutes nos croyances

Vous postulez que le progrès scientifique doit être désarticulé du progrès social et politique : mais quelle position épistémologique vous autorise à penser que cela serait nécessaire pour garantir l’avancement de la science ?

Je vais vous répondre d’une manière beaucoup plus concrète.

Au cours du dernier siècle, la puissance américaine a cru que nous pourrions transformer tout le monde en Américain. En France, l’Empire a cru pouvoir transformer tout le monde en Français. 

Aujourd’hui on voit le résultat… On peut toujours faire le tour du monde, prendre les habitants de n’importe quel pays et en faire — je vais massacrer ce mot en français mais il n’a pas d’équivalent anglais — des « évolués » 2. On trouvera toujours un Senghor — mais transformer le Sénégal en France ? C’est totalement impossible. 

Nous avons peur de suivre la science parce qu’elle est en train de révéler l’inconséquence de toutes nos croyances.

Curtis Yarvin

Faire venir le Sénégal en France et avoir toujours la France ? C’est également impossible. 

Les Français ont longtemps et parfois violemment essayé : cela n’a tout simplement pas fonctionné. 

Prendre conscience de cela est une énorme pilule rouge 3.

De plus en plus de personnes s’en rendent compte, c’est ce qui s’est passé en Amérique et qui se passera sans doute également en France.

Pourquoi ?

Parce que nous sommes en train de vivre une apocalypse. Comme le rappelle très justement Peter Thiel, « apocalypsis » en grec signifie « la révélation ». 

De plus en plus de personnes prennent conscience qu’elles peuvent vraiment penser ce qu’elles ressentent ou que la science leur révèle. Que cette petite voix dans nos têtes et au sein des institutions traditionnelles qui nous disait « tu ne peux pas dire ça, tu ne dois pas penser ça » — ne pèse plus rien.

La vérité est beaucoup plus lourde que le mensonge… Cela devient particulièrement évident quand on regarde la politique étrangère.

L’idée straussienne du « noble mensonge » a été, selon certains, au cœur de la politique impériale américaine. Mais on a plutôt l’impression en vous écoutant et en vous lisant que ce n’est pas vraiment la déconstruction de la puissance qui vous anime…

Pour comprendre ma position il faut comprendre ce qui s’est produit avec le retrait d’Afghanistan.

Pour moi c’est un moment fondateur, car c’est de fait la première fois que Washington a perdu une guerre. 

Et que s’était-il passé au Vietnam ?

Je sais qu’on dit que c’est le cas pour le Vietnam. Mais je pense que c’est une erreur de jugement historique. Les États-Unis n’ont pas perdu la guerre au Vietnam pour la simple raison que les forces les plus puissantes du pays à l’époque étaient en fait du côté de Hô Chi Minh. Les jeunes cool, Jane Fonda, la New Left et les soixante-huitards soutenaient tous le Viêt-Cong et ils ont naturellement triomphé. Le Vietnam est une guerre civile américaine qui se déroule en Asie : là-bas, c’est une guerre chaude ; ici, c’est une guerre froide, ou plus précisément, une « cool war ».

Or ce qui me frappe avec le retrait d’Afghanistan, c’est qu’aucune force occidentale n’a soutenu les Talibans. Il n’y a pas eu d’alliance de ce type. Les soixante-huitards ne sont pas secrètement alliés au mollah Omar. Ils ont une sympathie avec Yasser Arafat, voire même avec Oussama ben Laden — si vous lisez les discours de Ben Laden, ils sont remplis des mots de la gauche. 

Mais les Talibans — ou Daech d’ailleurs — c’est une autre histoire. Ces forces sont véritablement indigènes, étrangères à la gauche américaine — et pourtant elles gagnent.

La vérité est beaucoup plus lourde que le mensonge… Cela devient particulièrement évident quand on regarde la politique étrangère.

Curtis Yarvin

Elles gagnent du moins en partie parce que les États-Unis se retirent après avoir décidé d’intervenir…

Après vingt ans, oui. La fameuse opération « Liberté immuable » d’intervention en Afghanistan porte bien son nom… Elle a été immuable pendant vingt ans.

Le Pentagone adorait l’Afghanistan — et le Département d’État aussi. 

Pour les militaires, c’était un théâtre d’opérations idéal pour s’entraîner. Un stand de tir à grande échelle. On pouvait aller en Afghanistan sans trop de risques, tirer à balles réelles avec de vraies armes et repartir avec des médailles pour faire carrière au Pentagone. Voir des gens se faire exploser à Kaboul était une dimension clef pour les dynamiques internes du Pentagone. 

De même, construire des écoles, apprendre aux femmes à voter, à jouer de la guitare ou à se teindre les cheveux en rose était essentiel pour le fonctionnement de USAID : cela vous permettait de faire carrière au Département d’État.

En d’autres termes, l’oligarchie adorait l’Afghanistan.

Pourtant, c’est Biden qui met effectivement fin à la présence américaine.

Tout à fait. En l’occurrence, c’est moins l’administration Biden qu’une ultime fulgurance monarchique de l’homme.

C’est-à-dire ?

Lorsque Biden entre en fonction, il sait qu’il doit le faire. Mais il ne sait pas comment : la masse de l’État profond est contre lui.

Mais Biden, malgré tout ce qu’on peut lui reprocher, est un vrai homme. 

Il se souvient du Vietnam. Il est très vieux. Il tombe en morceaux, il oublie tout. Dès 2021, il ne reste déjà presque plus rien de lui physiquement ni mentalement. Mais il trouve au fond de lui-même l’énergie monarchique qui lui permet d’exercer son autorité. Il passe outre le Département d’État et le Pentagone et décide d’agir — dans la continuité de la politique de Trump.

Vous vous souvenez des Community Notes  ? Quand Schmitt et Kojève sont d’accord, quand Biden et Trump sont d’accord — cela doit tout simplement être le sens de l’histoire. En l’occurrence, Trump et Biden étaient d’accord — contre l’oligarchie — pour dire que l’Afghanistan était un cirque auquel il fallait mettre fin.

Le retrait d’Afghanistan, c’était du pur Biden. C’était personnellement Joe Biden, exerçant son autorité monarchique dans un moment où les États-Unis avaient besoin d’une décision monarchique plébiscitée par le peuple.

Et vous pensez vraiment, en l’espèce, que c’était une décision positive de laisser revenir au pouvoir les Talibans ?

Un ami à moi est allé récemment en Afghanistan. Il s’appelle Lord Miles, c’est un aventurier britannique — une sorte « d’homme qui voulut être roi » à la Kipling. C’est un personnage haut en couleurs qui n’a rien d’un Lord : c’est un pur paysan qui parle avec un accent à couper au couteau de la classe moyenne inférieure british. Mais il aime dire qu’il est Lord… Bref, il me raconte que l’Afghanistan sous régime taliban est un pays très pauvre — car les Talibans ont mis fin à la production d’opium — mais où il n’y a plus de criminalité. Si vous êtes un criminel, si vous êtes un toxicomane à Kaboul, vous êtes très mal traité par les Talibans aujourd’hui.

On raconte que lorsque les Talibans reçoivent des dénonciations sur des agents étrangers essayant de négocier des pots-de-vin, ils s’en « occupent ».

Le retrait d’Afghanistan, c’était personnellement Joe Biden, exerçant son autorité monarchique dans un moment où les États-Unis avaient besoin d’une décision monarchique plébiscitée par le peuple.

Curtis Yarvin

Au total, ils assurent pour leur pays une bien meilleure gouvernance que ne pourrait le faire USAID : ils ont un véritable gouvernement, ils ont un véritable pouvoir, ils sont complètement autonomes… 

Vous oubliez, entre autres, la moitié de la population : les femmes.

Mais il faut savoir ce qu’on veut ! C’est ça la vraie décolonisation. La vraie décolonisation, ce n’est pas USAID.

Au fond, ce qui est arrivé avec l’Afghanistan est symptomatique de Washington : les fonctionnaires essayent d’imposer l’oligarchie dans des zones où la monarchie pourrait très bien réussir — et cela leur prouve qu’ils échouent lamentablement.

Pourriez-vous être plus concret ?

Prenez la guerre en Ukraine.

On verra bien si elle se termine avant la fin du printemps, mais je pense que ce sera le cas, car le retour de l’énergie monarchique à Washington va considérablement aider, à tous les niveaux.

Vous pensez depuis longtemps que les États-Unis devraient se désengager de l’Ukraine, pourquoi ?

Parce que c’est horrible, tout simplement. Heureusement, la nouvelle élite monarchique autour de Trump, devant les vidéos de drones qui pilonnent les tranchées, va réagir en se disant que c’est la chose la plus diabolique au monde. 

Nos barbares vont alors se demander : pourquoi avons-nous fait cela ? Qui a-t-il permis que cela arrive ? Et ils se rendront à l’évidence : nous faisons cela parce que Victoria Nuland 4 — et des milliers d’autres fonctionnaires avec elle — voulaient faire avancer leur carrière au Département d’État.

Le retour de l’énergie monarchique à Washington va considérablement aider, à tous les niveaux.

Curtis Yarvin

En réalité, cette prétendue « rivalité avec la Russie », ce grand jeu, ne signifiait rien pour personne à part les gens qui ont essayé de le construire dans les esprits.

Se demander si la guerre en Ukraine a été bénéfique pour les Ukrainiens, c’est un peu comme se demander si la Seconde Guerre mondiale a été bénéfique pour les Juifs. Je ne pense pas…

Il n’y a vraiment rien de comparable…

Ce que je veux dire, c’est qu’il y a des cas où la décision monarchique s’impose.

Littéralement, dans le cas de l’Ukraine, c’est ce qu’on observe avec la volonté de Trump d’arrêter la guerre. Une fois que vous sentez le pouvoir de faire les choses correctement, vous vous dites : « j’ai non seulement le droit, mais le devoir de le faire partout. J’ai le devoir de mettre fin à la guerre en Ukraine. J’ai le devoir de faire la paix avec Poutine. J’ai le devoir d’arrêter cette politique insensée qui consiste à défier Poutine en Europe centrale d’une manière qui n’a pas d’importance pour nous et qui en a pour lui, ce qui est insensé. »

Poutine est pour vous un modèle ?

Poutine est exactement ce que le Département d’État et USAID pensent qu’il est : un dictateur. C’est un kleptocrate, une sorte de voyou, de grande racaille. Son règne sur la Russie a été efficace à certains égards — mais très faible à d’autres. La Russie a d’ailleurs toujours été un État très faible et corrompu même si elle s’est améliorée sous son joug.

Au fond, c’est juste un dirigeant normal : il veut maintenir son régime en vie. Il veut continuer à être Poutine. Qui diable d’ailleurs pourrait le remplacer ? Personne ne le sait. J’ai demandé à des experts russes et ils n’en ont pas la moindre idée.

La stratégie américaine de politique étrangère consiste à battre le chien pour l’exciter jusqu’à ce qu’il morde — puis à le qualifier de chien enragé et à l’abattre. L’Amérique a frappé le chien russe pendant de nombreuses années. Les gens ont promis à Poutine, officieusement, qu’ils n’élargiraient pas l’OTAN, puis ils ont élargi l’OTAN. Comment Poutine pourrait-il faire autre chose à moins de se rendre ?

Je vois quant à moi beaucoup de similitudes avec le début de la Première Guerre mondiale. Le Foreign Office britannique avait donné des coups de pied au chien jusqu’à ce qu’il morde, puis il a mordu et ainsi de suite. L’engrenage est en fait assez simple.

Poutine est exactement ce que le Département d’État et USAID pensent qu’il est : un dictateur. C’est un kleptocrate, une sorte de voyou, de grande racaille.

Curtis Yarvin

Quelle devrait être selon vous la position des États-Unis sur l’Europe ?

Voici une chose que j’aimerais lire dans le Grand Continent.

(Curtis Yarvin ressort son téléphone)

Ça s’appelle la doctrine Monroe.

Dans cette déclaration, lue par le président Monroe et écrite par un autre grand Américain, John Quincy Adams, mais qui a en fait été inspirée par le ministre britannique des Affaires étrangères, George Cannon, quelque chose m’a toujours frappé, que personne ne remarque…

Un autre mensonge ?

Peut-être bien ! Il y a en fait deux doctrines Monroe. La doctrine Monroe décrit une politique pour le continent américain, mais elle décrit aussi une politique pour le continent européen. Et la doctrine Monroe pour l’Europe est la suivante.

(Il lit)

« La politique que nous avons adoptée à l’égard de l’Europe, dès le début des guerres qui ont si longtemps agité cette partie du globe, est toujours restée la même, elle consiste à ne jamais nous interposer dans les affaires intérieures d’aucune des puissances de cette partie de la Terre ; à considérer le gouvernement de facto comme le gouvernement légitime à nos yeux ; à établir avec ce gouvernement des relations amicales, et à les conserver par une politique franche, ferme et courageuse, en admettant, en toute circonstance, les justes réclamations de toutes les puissance, mais en ne souffrant les injures d’aucune. »

C’était effectivement pour Monroe un préalable qui sert ensuite à dire que, réciproquement, les États européens ne doivent pas s’occuper du cône sud de l’Amérique — qui resterait la chasse gardée ou « l’arrière-cour » des États-Unis…

Mais c’est aussi une reformulation du droit des gens, le droit international classique, le droit westphalien — les principes de Vattel plutôt que les règles des Nations unies. Les règles des Nations unies sont ce que l’historien américain Harry Elmer Barnes a appelé « la guerre perpétuelle pour la paix perpétuelle » 5.

Or la doctrine Monroe dit le contraire. Elle est une sorte de doctrine Brejnev à l’américaine. Si vous imaginez que l’Amérique en revient à cette politique essentiellement classique envers l’Europe, l’Europe de l’Est, l’Europe de l’Ouest, n’importe où, et que vous dites : « Quel que soit le gouvernement au pouvoir, aussi légitime soit-il, si vous contrôlez Paris, vous êtes le gouvernement légitime de facto de la France, et nous vous achèterons du vin. » — alors cela me va.

C’est cela, l’axe structurant de la relation entre les États-Unis et la France : le vin ?

C’est une chose dont les Américains ont besoin et que vous avez… Nous pourrions faire du très bon vin en Californie mais nous n’y arrivons pas — sauf certaines bouteilles très chères. Le vin américain est terrible. Essayez un cabernet américain et vous vous étoufferez tellement c’est sucré. Nous pourrions faire du vin aussi bon que le Bordeaux mais nous ne le faisons pas : c’est lié à la vinification — pas au raisin. Bref, nous avons besoin du vin français. C’est clair et c’est incontestable — en tout cas, en ce qui me concerne, j’en ai désespérément besoin. 

Mais ce que vous dites c’est qu’au fond l’intérêt américain pour la France se limite à cela.

La doctrine des États-Unis vis-à-vis de la France pourrait au fond se résumer à : « peu importe qui vous gouverne tant que nous pouvons continuer à vous acheter du vin ». 

Pour moi, c’est cela la doctrine Monroe et c’est de cela dont l’Amérique aurait besoin.

Faisons une hypothèse un peu absurde : si les chars de Poutine entraient dans Paris, cela ne perturberait pas les États-Unis ?

Si Poutine prend le contrôle de la France et déclare : « nous allons utiliser tous les raisins français pour faire de la vodka », cela affecterait les intérêts américains — et les miens. Dans ce cas-là, il faudrait réfléchir.

Mais si Poutine ne touchait pas au commerce du vin avec les États-Unis, nous n’aurions absolument rien à redire à ce que la France passe sous contrôle russe.

Au fond, J.D. Vance à Munich ne dit pas autre chose.

Si Poutine ne touchait pas au commerce du vin avec les États-Unis, nous n’aurions absolument rien à redire à ce que la France passe sous contrôle russe.

Curtis Yarvin

En êtes-vous sûr ? Le vice-président américain n’a pas dit qu’il faudrait accepter un état de fait. En prenant explicitement position pour l’AfD dans une campagne électorale, en refusant de rencontrer le chancelier légitime pour un opposant marginal, il a montré que les États-Unis misaient sur un changement de régime

Il prend clairement position en faveur de l’AfD en Allemagne, c’est vrai. Mais, pour moi, c’est un retour à la doctrine Monroe.

Il est intéressant que vous souteniez cela car, à vous écouter, tout se passe comme si Trump n’avait pas aussi déclaré qu’il voulait étendre le territoire des États-Unis. La dimension monarchique que vous décrivez est claire si on regarde les mesures prises par l’administration Trump à l’intérieur… Mais si l’on regarde les choses depuis l’extérieur — si l’on est à Kiev, à Nuuk ou même à Paris — l’image change : ce n’est plus celle d’une monarchie, mais d’un empire.

Oui, j’en conviens – et alors ?

Il y a une différence entre une monarchie qui se referme sur elle-même et laisse chacun vivre avec son régime et une puissance impériale qui s’étend et provoque des changements ?

La logique impériale dont vous parlez était le jouet de l’oligarchie. La monarchie ne parviendra jamais à s’intégrer à cette logique.

Et pourtant il y a un changement essentiel entre Trump I et Trump II, à savoir qu’aujourd’hui, il est entouré d’un groupe de personnes influentes qui considèrent l’espace et leur espace vital d’une manière extensive, absolument pas isolationniste, comme « un Lebensraum algorithmique ».

J’adore cette expression. Mais j’ai une autre théorie : je pense que c’est en fait tout l’inverse.

C’est-à-dire ?

Nous abandonnons l’empire : la politique que je décris est une sorte de doctrine Gorbatchev à l’américaine.

Vous dites cela en théorie, mais dans les faits : que faites-vous des ingérences évidentes des États-Unis en Europe ?

Lorsque Vance se prononce en faveur de l’AfD, il se prononce en fait contre tout l’ordre d’après-guerre. Il ne se prononce pas vraiment pour quoi que ce soit, il se prononce contre. C’est un rejet.

Je pense à un livre merveilleux, très hagiographique mais excellent, intitulé The Atlantic Century de Kenneth Weisbrode, sur la façon dont le Département d’État a créé l’Union européenne.

Au fond, ce que fait l’administration Trump aujourd’hui, c’est tenter de clore ce chapitre en disant à l’Europe et à la France que l’Amérique va revenir au système westphalien. 

À Washington nous allons faire du Gorbatchev : nous allons abandonner l’empire. 

C’est la position de Donald Trump — ou juste votre théorie ?

C’est ma position. Et j’espère que c’est celle du Président des États-Unis bien que je ne puisse pas évidemment en être sûr. 

Je pense qu’il veut abandonner l’empire et laisser la France être la France — et surtout laisser celui ou celle qui est le plus fort en France gagner.

À Washington nous allons faire du Gorbatchev : nous allons abandonner l’empire.

Curtis Yarvin

Encore une fois : soutenir explicitement l’AfD pendant une élection n’est pas vraiment le signe qu’on est face à une « doctrine Gorbatchev »…

Mais fondamentalement, Donald Trump n’a pas besoin de l’AfD, c’est cela la nouveauté.

Que l’Allemagne reste l’Allemagne, que la France reste la France — c’est la seule chose qui lui importe. Le fait est qu’une grande partie du prestige interne du régime américain est longtemps venue du fait qu’il a le monde de son côté. L’élite de la côte Est n’avait de cesse de répéter à tout-va qu’elle « pensait bien » puisqu’on pensait pareil en France, en Allemagne, etc. Cette époque est aujourd’hui révolue. C’est comme cela que j’interprète la politique étrangère de Trump.

Vu d’Europe, on aurait plutôt l’impression que les États-Unis veulent transformer l’OTAN en Pacte de Varsovie.

Le Pacte de Varsovie est en quelque sorte notre jumeau maléfique. 

L’URSS disait à ses citoyens : « nous apportons la révolution au monde entier. » C’était le mot d’ordre : nous ne sommes pas un empire mais une grande famille socialiste. Or lorsque les Américains expliquent aux Européens que l’Union européenne est aussi européenne que le Pacte de Varsovie était polonais, ils crient au changement de régime ! En réalité, je pense que le désintérêt américain pour l’Europe est la meilleure preuve que nous ne sommes pas dans cette configuration.

J’irais même plus loin que cela : si cela dépendait de moi, je fermerais toutes les ambassades en Europe. Trump a commencé à l’annoncer, mais il y en a encore une centaine qu’il faudrait dégager. 

Mon père travaillait dans le système et je sais qu’il y a 100 ou 150 Américains à Paris dont le travail au quotidien est de briefer le gouvernement français. C’est assez clair lorsqu’on lit les fuites de Wikileaks. Je lisais moi-même ce genre de dépêches quand j’étais enfant. Ce n’est pas une alliance entre égaux.

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Pour vous, les ambassades ne servent à rien ?

À rien du tout. Si les autorités américaines ont besoin de communiquer avec la France, pourquoi ne pas juste envoyer un mail ? S’il faut vraiment parler d’une situation compliquée, pourquoi ne pas utiliser Zoom ? 

Toujours est-il que dans un ordre multipolaire entre une France indépendante et une Amérique indépendante, il n’y aurait pas beaucoup de questions à trancher de fait. Il n’y aurait même rien qui ne puisse être tranché autour d’un bon vieux Zoom.

Si cela dépendait de moi, je fermerais toutes les ambassades en Europe. Trump a commencé à l’annoncer, mais il y en a encore une centaine qu’il faudrait dégager.

Curtis Yarvin

Arrêtons-nous un instant sur cela, car il y a une contradiction trop importante pour ne pas être relevée ici : dans toute l’Union européenne, une série de règles encadre l’usage des données personnelles sur Internet, en particulier sur les plateformes. Puisque cela cible directement le modèle économique d’une partie des dirigeants qui travaillent actuellement pour la nouvelle administration, cette réglementation est aujourd’hui fortement contestée. Si vous vous moquez des lois des Talibans, vous vous moquez moins des règlements européens…

Mon point consiste à dire : nous nous moquons de la façon dont vous vous gouvernez. Nous cessons d’en avoir quelque chose à faire de qui gouverne la France : vous pouvez élire un communiste, un fasciste, Alain Soral, Louis XX… nous nous en moquons complètement. L’essentiel, pour les États-Unis, est de pouvoir acheter du vin français.

Vous voulez restaurer la civilisation en Afrique ? « Mission civilisatrice », allez-y. Pas de problème. Quand vous dites ça en France, ça a un effet — souvenez-vous : quand les gens voient un cheval fort et un cheval faible, ils aiment le cheval fort. Le cheval fort, ce sont les Français qui, depuis 80 ans sont recrutés par Harvard et loués dans les pages du New York Times. Cette force disparaît. À la place, une autre force apparaît. J’ai été frappé par la lettre signée par un groupe de généraux il y a un an et demi contre le délitement français. C’était un signe avant-coureur d’un mouvement plus ample. Les gens sont en train de se rendre compte que rien ne les empêche d’agir.

Prenez Bukele, au Salvador.

Bukele arrive avec un message très simple. Il nous dit : « En faisant fi de tous les conseils du Département d’État, je vais mettre fin à la criminalité au Salvador. Je vais faire du Salvador le pays le plus sûr des Amériques. »

Et il y parvient.

Je suis allé au Salvador : j’avais mon ordinateur portable sous le bras, sans sac et je pouvais m’asseoir au café ou traverser la place principale de San Salvador sans aucune crainte. Si j’avais fait ça à São Paulo par exemple, je me serais très vite retrouvé sans Macbook.

Or comment le monde atlantique réagit-il à cela au Salvador ? Il y a cinquante ans, ils auraient financé trois mouvements terroristes communistes distincts. L’un d’eux aurait été financé par la Chine, l’un par l’URSS et l’un par les Américains. Tout aurait explosé. Le chaos total.

Ce qui a changé aujourd’hui, c’est que lorsque Bukele décide d’agir, The Economist et le FMI peuvent faire des petites « mises en garde », mais il n’y a rien d’insurmontable. 

Bukele est une autre preuve que le monde est mûr pour la monarchie.

Et si le Salvador peut mettre fin aux vieux systèmes du XXe siècle — pourquoi la France et l’Allemagne ne le pourraient-elles pas ?

Bukele est une preuve que le monde est mûr pour la monarchie.

Curtis Yarvin

Bukele serait au fond un agent de la « révélation » à la Peter Thiel ?

Exactement ! Ce qui compte avec Bukele ou avec le discours de Munich, c’est qu’ils marquent une rupture historique. 

Le soutien à l’AfD n’a aucune importance, ce qui compte, c’est que Vance envoie un signal : il retire le soutien inconditionnel que les États-Unis donnaient aux sociaux-démocrates, aux démocrates-chrétiens… Bref, au courant dominant.

C’est comme tuer USAID. Tuer USAID n’est pas important en termes de politiques publiques. Le but est de montrer que toutes ces entités que les gens croyaient être indépendantes sont en fait des satellites, des marionnettes, des protectorats, etc. Les Américains le voient et se rendent compte qu’au lieu de penser que le monde entier est d’accord avec eux, nous devons faire les choses à notre façon. Quand on prend conscience que tout « l’empire » est en fait un tas de marionnettes financées par Washington, on perd tout ce prestige : on expose, enfin, le noble mensonge.

Or dire aux Américains qu’ils n’ont pas besoin de ce système est quelque chose de très puissant. Il y a une force libératoire comparable à la fin de l’Union soviétique — c’est pour cela que je parle de Gorbatchev.

Quand j’entends que Trump et Vance seraient en train de faire reculer l’histoire de 80 ans, je pense qu’on se trompe : ils cassent un ordre unipolaire qui est fondamentalement resté le même depuis Waterloo. Que le centre de gravité se trouve à Londres ou à Washington, il n’y a jamais eu de moment au XIXe siècle où Paris était l’égale de Londres après 1815. Ce changement historique est d’une amplitude difficilement imaginable — mais il est en train de se produire et nous en voyons les signes.

On comprend que, pour vous, la consolidation du pouvoir, l’autonomie politique est la question la plus importante.

L’histoire est toujours l’histoire du pouvoir.

Mais il y a une contradiction assez forte dans ce que vous dites — et c’est la différence la plus frappante entre Bukele et Trump. Si Bukele peut faire ce qu’il fait — un peu de crypto, de la communication virale, au fond : de la politique à l’ancienne — c’est surtout parce que le Salvador n’a pas une infrastructure numérique et économique qui infuse le reste du monde. Il peut le faire sans que cela ait des conséquences hors de ses frontières. Pensez-vous vraiment que ce que vous dites pourrait s’appliquer si la Silicon Valley était au Salvador et si le Salvador avait une économie de la taille des États-Unis ?

À ce sujet, je vous donnerais le dernier mot. Vous avez raison d’identifier cette contradiction. 

Elle est très importante parce que la logique du retour à la multipolarité renvoie à une question ouverte. 

Peut-être connaissez-vous le dernier grand ouvrage de Carl Schmitt, Le nomos de la Terre.

À votre avis ?

Oui bien sûr, pardon… il faut que vous compreniez que j’ai surtout affaire à des Américains qui n’ont pour la plupart jamais lu un vrai livre de leur vie… Eh bien elle est là, la question : quel est le nouveau nomos de la Terre ? C’est une question qui est toujours sans réponse. 

Ce désir de retour à la multipolarité ouvre une tension, que vous pointez, entre la volonté de souveraineté militaire — qui est extrêmement importante pour Schmitt et tous les schmittiens — et la tentation de l’hégémonie culturelle et numérique, dont la forme naturelle est celle de la mondialisation. 

Je pense que cette contradiction sera la question déterminante du reste de la première moitié du XXIe siècle.

Et dans cette contradiction, on trouve en réalité un problème ancien, apparu lors de l’émergence de la philosophie à Athènes au Ve siècle : l’opposition entre philosophes et sophistes, entre le nomos et la physis. D’un côté, celui qui pense que la loi est le propre de l’homme et qu’elle doit donc être défendue et construite ; de l’autre, celui qui croit que la loi est insuffisante et faible contre la force de la nature.

Oui. Cette question est absolument centrale pour les États-Unis car c’est elle qui configure la guerre de Sécession, le conflit entre le nomos et le physis. Le Nord est du côté de la physis et le Sud est du côté du nomos.

Connaissez-vous les travaux de mon ami Costin Alamariu ?

Pas sûr…

Pardon, il est plus connu sous le nom de Bronze Age Pervert 6.

Sa thèse de doctorat est une autre lecture essentielle. 

La naissance de la philosophie est très liée à ce genre de questions. Et ces mêmes questions soulèvent aussi le problème de la pérennité des élites : comment faire durer une élite ? 

Comme je l’ai dit, le libertarianisme est l’une des raisons qui empêche la nouvelle élite de s’établir durablement : il offre une position de confort face à la dureté du monde. Il agit clairement comme un frein. En sortir, c’est sortir de la caverne de Platon — la fameuse métaphore de la pilule rouge que j’ai volée aux Wachowski.

Lorsque vous sortez de la caverne de Platon, vous vous retrouvez dans une caverne plus grande. Il y a plusieurs tunnels qui sortent de la caverne de Platon. Puis vous sortez dans le monde, vous découvrez l’histoire — et la lumière est si aveuglante que vous ne pouvez presque plus rien voir, c’est terrifiant. Vous êtes comme un poisson aveugle dans la caverne de Platon.

Vous vous dites simplement : « C’est trop énorme. C’est trop fou. Je n’ai même plus de mots. » 

Vous semblez annoncer des temps inquiétants et bizarres…

De mon point de vue, très égoïstement, je ne peux que me réjouir de ce changement.

Sources
  1. Matrix, Curtis Yarvin invitait dans un article intitulé « Contre la démocratie : dix pilules rouges » à prendre une « pilule rouge » en référence à celle qui, dans le film, permet de prendre conscience des illusions imposées par la Matrice aux êtres humains, et, dans le monde de Curtis Yarvin, permettrait de dissiper un certain nombre d’idées reçues sur les bienfaits de la démocratie. Cette utilisation métaphorique du film Matrix a été également reprise par Elon Musk en mai 2020.

18.04.2025 à 15:40

Trump, Xi Jinping, les tarifs et l’illusion du « Kissinger inversé »

Matheo Malik

Une petite musique s’est installée à Washington. Pour qualifier le rapprochement entre Trump et Poutine, les maîtres stratèges américains seraient en train d’exercer une grande manœuvre : un « Kissinger inversé » pour mettre un coin entre Pékin et Moscou et affaiblir le Parti communiste chinois.

Ce récit ne prend pourtant pas en compte une donnée clef : face à l’offensive commerciale de la Maison-Blanche, la Chine de Xi a déjà commencé à déployer une vaste stratégie globale depuis janvier.

L’article Trump, Xi Jinping, les tarifs et l’illusion du « Kissinger inversé » est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (4760 mots)

Derrière les murs épais, d’ordinaire impassibles, du Palais du Peuple, une certaine inquiétude perce depuis l’élection de Donald Trump.

À l’instar des sommets bilatéraux États-Unis-Corée du Nord étrangement initiés par Trump lors de son premier mandat — avec finalement peu d’effets —, l’esquisse de rapprochement Trump-Poutine ne saurait de prime abord réjouir Xi Jinping lui qui n’a de cesse de vanter sa relation privilégiée avec le président russe, et lui a apporté un soutien massif depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022.

Cette démarche trumpiste a surpris, y compris dans les cercles du pouvoir à Washington. Et certains se sont empressés de qualifier cette tentative de rapprochement d’un « Kissinger inversé », en référence à la  décision de 1971 du président américain Richard Nixon d’établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine aussi bien pour mettre fin à la désastreuse guerre du Vietnam que pour contrer son rival soviétique en pleine guerre froide.

Mais cette comparaison tient-elle vraiment la route ?

L’histoire a été généreuse avec le stratège Henry Kissinger, chargé par Nixon d’aller secrètement à la rencontre de Mao Zedong, en conflit ouvert avec son voisin soviétique Nikita Khrouchtchev, qualifié de « révisionniste » à Zhongnanhai, siège du PCC. Le voyage présidentiel de Nixon en 1972 ouvrit la voie à la réintégration de la Chine communiste dans la communauté internationale. On connaît la suite  : quatre décennies de croissance économique effrénée, souvent à deux chiffres, une Chine « usine du monde » grand bénéficiaire de la mondialisation, et finalement intégrée dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001.

Le rapprochement russo-américain, auquel Donald Trump semble tant tenir, est-il censé contrer la montée en puissance du grand rival chinois  ? Voit-il si loin  ?

Du côté des historiens américains, un grand scepticisme demeure face à une administration dont les faiblesses stratégiques paraissent criantes. 

Il est difficile de comprendre comment Washington pourrait triompher de Pékin en s’aliénant l’ensemble de ses alliés occidentaux, à commencer par l’Europe et le Canada. Une telle approche diffère d’ailleurs du premier mandat de Trump durant lequel le Département d’État, sous la houlette de l’ex-Secrétaire d’État Mike Pompeo, avait mené un chantage sans vergogne auprès de pays européens membres de l’OTAN, suspectés de vouloir se vendre à des investisseurs chinois ou de laisser l’équipementier Huawei prendre le contrôle de leurs réseaux 5G.

Les deux visites bilatérales prévues entre Xi et Poutine dans les prochaines semaines dans leurs capitales respectives pourraient sonner le glas des suppositions sur un rapprochement Moscou-Washington. Sur le papier, on voit mal ce qui pourrait éloigner les « partenaires sans limite » Xi et Poutine, affairés à redessiner l’ordre international. Les échanges bilatéraux sino-russes ont atteint 245 milliards de dollars alors qu’ils atteignent péniblement 3,5 milliards entre les États-Unis et la Russie. À bien des égards, Poutine a franchi un palier vers la victoire en amenant Washington à la table de négociation tout en gardant le soutien économique de Pékin, son premier client énergétique depuis le début de la guerre en Ukraine.

Il est difficile de comprendre comment Washington pourrait triompher de Pékin en s’aliénant l’ensemble de ses alliés occidentaux, à commencer par l’Europe et le Canada.

Philippe Le Corre

Néanmoins, la Chine n’a guère de raisons de faire du triomphalisme face à Trump. Depuis début avril, le pays est dans le collimateur de la Maison-Blanche qui a imposé à Pékin des sanctions commerciales à hauteur de 145 % tout suspendant les sanctions contre la plupart des autres pays. La Chine a certes rétorqué avec des mesures ciblées dans plusieurs secteurs-clefs comme l’aéronautique (Boeing), l’agro-alimentaire et surtout l’exportation de métaux rares dont l’industrie américaine a tant besoin. Mais à moyen terme, l’économie chinoise — qui dépend en grande partie des exportations — souffrira davantage que les États-Unis. On estime que la croissance du PIB chinois passerait à 4 % en cas d’application des sanctions dans la durée. Ce ne serait pas une bonne nouvelle pour la direction du parti.

De son côté, Trump a été confortablement élu et contrôle — au moins jusqu’en janvier 2027 — les deux chambres du Congrès américain et la Cour Suprême. Il bénéficie aussi du soutien des entrepreneurs de la tech Elon Musk, Jeff Bezos et Peter Thiel, ce qui lui donne de nombreuses cartes sur les sujets chers à la Chine : le commerce, le numérique, la technologie.

Le cap de Pékin face à la tempête commerciale de la Maison-Blanche

Initiée lors du premier mandat de Trump, poursuivie par Joe Biden, la guerre commerciale sino-américaine se poursuit à coups de mesures protectionnistes sur une longue liste de produits sensibles, allant de l’intelligence artificielle à la biotechnologie, en passant par les véhicules électriques. En annonçant dès le 6 mars un projet de 100 milliards de dollars d’investissements supplémentaires aux États-Unis 1 (en cumulé : 165 milliards de dollars) le numéro un mondial des semi-conducteurs, le Taïwanais TSMC, fournisseur de puces pour Apple, Intel et Nvidia, a rapidement choisi son camp. Il est difficile de séparer cette annonce des critiques à peine voilées émises par des membres de l’équipe Trump contre Taïwan, dont l’effort de défense (3 % du PIB) est qualifié « de très insuffisant » par Elbridge Colby, le nouvel idéologue du Pentagone récemment confirmé comme sous-secrétaire à la Défense par le Congrès. Sous la menace d’une intervention militaire de la Chine et des incertitudes distillées par Trump, les Taïwanais semblent n’avoir eu d’autre choix que de s’exécuter. Au rythme de la militarisation chinoise, la possibilité d’une guerre de « réunification » selon le terme utilisé par le Parti communiste chinois augmente d’année en année. Mais il est peu probable que le Pentagone accepte de céder ce joyau stratégique qui augmenterait considérablement l’influence chinoise en Asie.

On estime que la croissance du PIB chinois passerait à 4 % en cas d’application des sanctions dans la durée.

Philippe Le Corre

Pour amadouer l’adversaire, Trump avait invité Xi Jinping à sa cérémonie d’investiture en janvier. Mais le président chinois ne se serait évidemment pas contenté d’un strapontin à Capitol Hill. En lieu et place de Xi fut détaché le vice-président Han Zheng, qui n’est même plus membre du bureau politique du PCC. Résultat  : pas d’échange significatif en dehors d’une visite protocolaire à son homologue J.D. Vance, dont l’amabilité avait — à l’époque — surpris la délégation chinoise. Depuis, la Maison-Blanche semble vouloir prendre son temps, accaparée par ses nombreux décrets sur des sujets nationaux — la lutte contre l’immigration illégale, la réforme des administrations… — sans oublier la guerre en Ukraine pour laquelle le contact avec Vladimir Poutine a été renoué… sans que les autorités chinoises ne soient consultées. De son côté, Pékin pourra peut-être constater avec satisfaction que l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a pas été sanctionnée — et en tirer les conséquences pour Taïwan  ?

Une chose semble certaine pour les analystes chinois, comme pour les autres  : nous entrons dans une ère de grande incertitude — ce que Pékin n’apprécie guère.

Par tradition, les décisions du PCC se prennent sur la durée après de multiples rapports et de longs conciliabules secrets, rarement dans l’urgence ni sous la pression. 

Sous Xi Jinping, on a multiplié les groupes de travail, souvent aux dépens des instances hiérarchiques classiques, et toujours dans le but de servir exclusivement les intérêts du secrétaire général du parti. À trente mois du prochain congrès, Xi doit montrer qu’il peut tenir tête aux États-Unis, en menant la Chine sur la voie de l’autosuffisance. Comme le montrent les purges au sein des élites, le factionnalisme a toujours sa place dans ce parti qui compte aujourd’hui près de 100 millions de membres.

La redéfinition rapide de l’ordre international est une bonne nouvelle pour Xi Jinping.

Les événements des derniers mois, après ceux des dernières années, sont autant de justifications de la vision multipolaire chinoise, qui s’illustre aussi en tendant la main vers l’Europe.

Pékin n’aura de cesse de chercher à diviser la communauté transatlantique, et les Européens entre eux. Pour autant, la Chine, qui depuis quarante ans bénéficie grandement de la mondialisation, est-elle prête à rebattre les cartes si brutalement  ? Rien n’est moins sûr. La patience est une vertu stratégique que, par appétence et expérience, elle cultive depuis toujours avec profit.

C’est pour cela que la disruption Trump a donc de grandes chances de lui bénéficier.

Les annonces en cascade qui ponctuent le retour de Donald Trump à la Maison Blanche depuis le 21 janvier 2025 provoquent à juste titre un électrochoc géopolitique dont on ne mesure ni toutes les facettes, ni encore moins les multiples conséquences à long terme.

À trente mois du prochain congrès, Xi doit montrer qu’il peut tenir tête aux États-Unis, en menant la Chine sur la voie de l’autosuffisance. 

Philippe Le Corre

Parmi les pays dont les noms depuis quelques semaines résonnent bruyamment dans les médias : l’Ukraine, la Russie, le Canada, le Mexique, le Danemark (avec le Groenland), Panama, Israël… alors que les puissances asiatiques semblent plutôt murées dans un mélange de stupéfaction et d’inquiétude, à l’exception peut-être de l’Inde. Cette dernière a eu la satisfaction d’obtenir, dès les premières heures de l’administration Trump, une loge de premier plan dans la pièce orchestrée par le nouveau président et sa garde rapprochée. 

L’attitude très positive de New Delhi à l’égard de Trump, caractérisée par la présence de son ministre des Affaires extérieures Subrahmanyam Jaishankar à la cérémonie d’investiture suivie de la visite d’État du premier ministre Narendra Modi dès les premiers jours de février, reflète clairement la proximité entre les dirigeants américain et indien, et une certaine vision de long terme.

Pourtant, à Washington, ce n’est évidemment pas l’Inde qui est sur toutes les lèvres mais la Chine, grand rival stratégique des États-Unis, superpuissance tentaculaire dont l’ambition semble sans limite, sur tous les sujets et sur tous les continents. Contrairement aux États-Unis de Donald Trump, la Chine de Xi Jinping revendique haut et fort depuis le 19ème congrès du PCC sa place « centrale » 2 sur la scène internationale. Pour Xi et ses affidés, tout porte à croire que « l’Orient s’est levé », et que « l’Occident est en déclin », phrases maintes fois répétées depuis janvier 2017 (discours de Xi à Davos) puis au cours de célébrations symboliques comme le centième anniversaire du parti en 2021.

Les deux visites bilatérales prévues entre Xi et Poutine dans les prochaines semaines dans leurs capitales respectives pourraient sonner le glas des suppositions sur un rapprochement Moscou-Washington. © Ramil Sitdikov/SIPA
Madrid cherche avec insistance à attirer des investisseurs chinois comme l’a montrée la récente visite en Chine du président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez. © Andres Martinez Casares/Pool Photo via AP

L’Europe : un espace utile

Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a emboîté le pas au vice-président américain J. D. Vance lors de la Conférence annuelle pour la sécurité de Munich en février. Il serait plus juste de dire qu’il s’est précipité à Munich. Mais sur le Vieux continent, une certaine retenue s’impose, doublée d’une main tendue  : « La Chine a toujours considéré l’Europe comme un pôle important dans le monde multipolaire », a-t-il lancé aux participants encore sous le choc des attaques de Vance. 

« La Chine et l’Europe sont des partenaires, pas des rivales  ; Cette année marque le 50ème anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et l’UE  ; Profitant de cette occasion, la Chine est prête à travailler avec la partie européenne pour approfondir la communication stratégique et une coopération mutuellement bénéfique, et guider le monde vers un avenir brillant de paix, de sécurité, de prospérité et de progrès ». 

Et le ministre, membre du bureau politique du PCC, de glisser au passage que Pékin « soutient le rôle important de l’Europe dans les pourparlers de paix sur l’Ukraine ». Message reçu avec bienveillance par certains dirigeants européens tels la présidente de la Commission Ursula von der Leyen — son discours devant le World Economic Forum évoquait la notion de « bénéfices mutuels » 3 —, le ministre espagnol des affaires étrangères José Manuel Albares — Madrid cherchant avec insistance à attirer des investisseurs chinois comme l’a montrée la récente visite en Chine du président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez. Bien entendu, la Hongrie n’est pas en reste, ses représentants toujours prompts à rallier les ennemis de la souveraineté européenne et à accueillir sans vergogne les investissements chinois.

On ne peut que constater la réactivité de Pékin pour s’attirer les bonnes grâces des uns et des autres, trois mois après le retour de Trump — alors même que la nouvelle stratégie chinoise de Washington n’a toujours pas été annoncée 4 en dehors des sanctions commerciales. Le parti communiste chinois n’ayant pas pour habitude de se laisser dicter ses actes, il n’avait d’autre choix que de répliquer alors que s’ouvrait l’événement politique de l’année, les « Deux Sessions » parlementaires mettant en scène les plus hauts dirigeants du parti communiste (PCC) et de l’État.

La nouvelle stratégie chinoise de Washington n’a toujours pas été annoncée en dehors des sanctions commerciales.

Philippe Le Corre

Et qu’en est-il de l’Ukraine  ? Dans le Palais du peuple où étaient réunis début mars les délégués respectifs de l’Assemblée nationale populaire (ANP) et de la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois (CCPPC), on n’en a guère parlé. 

Le ministre Wang Yi s’en était chargé lors de sa conférence de presse du 7 mars après avoir déjà abordé le sujet à Munich et à Johannesburg en Afrique du Sud le 20 février lors d’une réunion ministérielle du G20 5. Cela tombe bien car l’Afrique du Sud est aussi un membre important des BRICS, qui en comprend désormais dix 6. La Chine attache une importance beaucoup plus grande aux BRICS qu’au G20, parce ces pays regroupent les puissances non-occidentales qui pèsent le plus — le groupe représente désormais 51 % et 40 % du PIB mondial — au nom de la redéfinition de l’ordre international souhaitée par Pékin. 

« Les meilleures relations possibles » en Afrique

Concernant ses relations avec l’Afrique, que ses diplomates et chefs d’entreprises arpentent depuis plusieurs décennies, la Chine déclare avoir atteint le pinacle (« les meilleures relations possibles » 7), et organise tous les trois ans dans sa capitale le Forum Afrique-Chine (FOCAC) en présence de la quasi-totalité des dirigeants du continent.

Pékin entretient également une petite présence militaire en Afrique à travers des coopérations de moins en moins discrètes avec certaines anciennes colonies françaises comme le Niger, qui bénéficie désormais d’un attaché militaire chinois. 

Ambassadeur à Niamey, Jiang Feng promet que la Chine « soutiendra le Niger en renforçant les capacités militaires de ce dernier, et en luttant contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière afin de préserver la paix et la sécurité dans la région ». Des programmes de coopération ont également lieu avec le Burkina Faso et le Mali, deux pays ayant chassé les militaires français depuis peu. Autant de moyens de garder un œil sur les investissements chinois en Afrique en particulier dans le domaine énergétique (pétrole, uranium…). On estime à 10 000 le nombre d’entreprises chinoises en Afrique 8 pour 180 milliards de dollars de revenus, et à plus d’un million le nombre de résidents chinois sur le continent. Sans oublier l’importante base navale de l’Armée populaire de libération à Djibouti 9, dont l’effectif réel tournerait autour de 12 000 militaires. La Chine voit l’Afrique comme un soutien essentiel à sa « communauté globale aux valeurs communes » 10, notamment aux Nations Unies où elle s’affaire depuis de longues années à rassembler des soutiens d’États du « Sud global ». Membre permanent du conseil de sécurité, grand pourvoyeur de casques bleus, la Chine n’entend pas laisser l’ONU s’évanouir, alors qu’elle a tant utilisé l’organisation pour pousser ses pions. Pékin la défend en tant qu’autorité suprême supranationale alors que d’autres grandes puissances — États-Unis, Russie en particulier — lui attribuent désormais une importance limitée, sauf pour bloquer les résolutions onusiennes qui leur déplaisent.

Pékin entretient une présence militaire en Afrique à travers des coopérations de moins en moins discrètes avec certaines anciennes colonies françaises comme le Niger, qui bénéficie désormais d’un attaché militaire chinois. 

Philippe Le Corre

Le cœur asiatique des « Nouvelles Routes de la Soie »

En Asie, où de nombreux conflits territoriaux demeurent — du Japon au Vietnam, en passant par les Philippines —, la Chine se présente comme « un pilier de stabilité et un moteur de développement » 11 à travers sa stratégie Belt and Road (BRI) qui associe « vingt-cinq pays » de la région, du Cambodge au Pakistan. 

À l’inverse de la stratégie indo-pacifique de Washington qui n’aurait « rien produit de bon pour l’Asie », conduisant à « davantage d’échecs que de succès », la politique d’influence chinoise essaime, à coups d’investissements et d’opérations de charme. Pékin multiplie les initiatives, à travers des projets labellisés BRI, portées par ses banques d’investissement (Banque Asiatique pour les Investissements dans les Infrastructures, Export Import Bank, Banque de Chine pour le Développement) ou défend une coopération monétaire digitale 12 pour aller vers une « dédollarisation » compensée par un renforcement de la devise chinoise sur les marchés.

Sur un plan stratégique, elle promeut bien évidemment l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), qui vise l’Asie centrale élargie à l’Afghanistan. Autant de pays dans lesquels la Chine a tissé de nombreux liens. Cette année, la Chine accueillera d’ailleurs elle-même le sommet annuel de l’OCS, à Tianjin. L’Inde y sera représentée même si les deux géants asiatiques font de plus en plus figures de rivaux — à l’image de leurs nombreux désaccords frontaliers. Mi-avril, Xi Jinping lui-même a effectué une tournée dans trois pays d’Asie du Sud-Est (Malaisie, Cambodge, Vietnam) qui n’avaient pas été habitués à tant d’égards par le passé. À l’heure du découplage sino-américain, un tel déplacement illustre la volonté d’ouverture de Pékin à l’égard de pays asiatiques avec lesquels il entend renforcer les échanges commerciaux. Face à la tornade trumpiste, la Chine veut mettre en avant la stabilité de sa politique et sa proximité avec le « Sud global ».

*

Des récents propos de Wang Yi à l’issue des « Deux Sessions », on retient que la Chine « n’a pas l’intention de tout remettre à plat (start all over) » 13 à propos de l’ordre international. 

C’est un contraste évident avec l’impression de stratégie du chaos venant de Washington, avec ses effets dévastateurs en Europe et au Canada notamment. 

Les entreprises étrangères contribuent pour un tiers à la balance commerciale chinoise — et les rencontres bilatérales de Xi avec leurs dirigeants participent d’une véritable offensive chinoise que la politique de Washington depuis janvier a contribué à accélérer.

Philippe Le Corre

Pékin entend au contraire favoriser les ententes diplomatiques à sa manière, dans la discrétion — sur le modèle de la rencontre entre l’Iran et l’Arabie Saoudite qu’elle avait facilité en novembre 2024 14

Après deux années post-pandémiques difficiles à la suite de la sortie brutale de confinement en 2022, le gouvernement chinois s’efforce de reconquérir la confiance de son opinion publique.

Les campagnes de propagande se sont ainsi accélérées ces derniers mois pour restaurer la confiance. Face à la crise immobilière qui touche tant de villes, de régions et de citoyens, Pékin a publié des chiffres destinés à rassurer sur les perspectives de croissance économique (5 % en 2025) tout en exprimant de bonnes intentions à l’égard des entreprises privées, étrangères mais surtout chinoises comme on l’a vu lors de la rencontre inhabituelle de Xi Jinping en personne avec une délégation parlementaire de la province du Jiangsu 15 en marge des « Deux Sessions ».

Dans le même esprit, le secrétaire général du PCC a lui-même reçu une quarantaine de dirigeants étrangers parmi lesquels les Allemands Mercedes-Benz et Volkswagen, les Américains Blackstone et FedEx ou les Japonais Hitachi et Toyota.

Les entreprises étrangères contribuent pour un tiers à la balance commerciale chinoise, et de telles rencontres participent d’une véritable offensive chinoise, que la politique de Washington depuis janvier a contribué à accélérer. Même si les effets de la guerre commerciale présentent de nombreux risques pour son économie, la Chine est à l’évidence prête à saisir les opportunités qui s’offrent à elle. 

Sources
5 / 5
  GÉNÉRALISTES
Ballast
Fakir
Interstices
Lava
La revue des médias
Le Grand Continent
Le Monde Diplo
Le Nouvel Obs
Lundi Matin
Mouais
Multitudes
Politis
Regards
Smolny
Socialter
The Conversation
UPMagazine
Usbek & Rica
Le Zéphyr
 
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