Se focalisant sur la goutte qui fait déborder le vase plutôt que sur les torrents qui l'ont rempli, les commentateurs résument la colère des paysans à une protestation « contre les normes environnementales », comme s'ils étaient par définition indifférents à la crise climatique. Mais c'est précisément cela que dénoncent les manifestants un peu partout en Europe : l'absurdité d'un système qui les fait contribuer à leur propre destruction.
Au regard du droit international, la situation est limpide : la Russie occupe illégalement son voisin ukrainien, tout comme Israël occupe illégalement son voisin palestinien, ce que les Nations unies ont maintes fois condamné. Tous deux devraient inspirer la même réprobation aux Occidentaux, qui défendent l'idée d'un « ordre fondé sur des règles » (ruled-based order). Il n'en est rien.
Les dirigeants européens répètent qu'il n'est pas question de brader l'adhésion à l'Union. Mais, contrairement aux précédents candidats, l'Ukraine n'est pas évaluée sur ses capacités à atteindre les fameux standards, mais selon des considérations géopolitiques à chaud. Priorité des années 1990 et 2000, l'idée d'élargissement semblait rangée aux oubliettes depuis une décennie. La guerre en Ukraine a rebattu les cartes.