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25.11.2025 à 15:29

« Vous faites du vent » : Morandini en roue libre sur CNews

Maxime Friot
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Texte intégral (1511 mots)

CNews, 18 novembre 2025.

« J'ai quitté le plateau de Morandini sur CNews ce matin. Un sondage sur l'Islam de France, commandé par Le Figaro à l'Ifop, basé sur un échantillon de 1 000 sondés, ne peut résumer la position des jeunes musulmans de France », tweete, ce 18 novembre, la conseillère municipale d'Ivry-sur-Seine (et macroniste) Rachida Kaaout. Au programme du plateau ce jour-là : un sondage de l'Ifop sur les « musulmans de France » – celui-là même qui sera démonté par Mediapart deux jours plus tard. Ce n'était, ô surprise, pas l'angle d'attaque du jour. Au contraire même, puisque la prise de distance avec ce sondage, tentée par Rachida Kaaout, va lui valoir les foudres de Jean-Marc Morandini, animateur au sinistre pedigree.

Acte 1 : « C'est comme ça que ça se fait un sondage, vous dites n'importe quoi ! »

Au départ, il y a cette question : « Rachida Kaaout, votre regard sur ces trois chiffres ? Je voudrais juste qu'on se concentre sur ces trois chiffres, parce que pour moi ils sont très significatifs sur les jeunes de moins de 25 ans. »

Mais, problème, la conseillère municipale n'apporte pas la réponse attendue : « Moi, ce qui me pose problème, c'est la radicalisation. Après, maintenant, si je dois commenter votre sondage, je vais vous dire, sur un échantillon de 1 000 personnes, c'est ça ? Pour moi, il n'est pas représentatif de la réalité… » C'en est (déjà) trop pour Morandini, qui va recouvrir la voix de son invitée par des invectives et une même question, serinée à l'infini : « Un sondage politique, ça se fait sur combien de personnes ? »

Précisons-le d'emblée : les échanges qui suivent se basent sur une intox : si l'échantillon du sondage en général est bien de 1 005 « personnes musulmanes », celui sur les moins de 25 ans est en fait de 291 personnes [1].

Ni Morandini, ni personne d'autre sur le plateau, ne le précisera. L'animateur était semble-t-il trop occupé à rabrouer son invitée : « Quand le thermomètre dit de mauvaises choses, on casse le thermomètre en fait. » ; « Soyons sérieux ! » ; « Vous pouvez pas dire le sondage vaut rien parce qu'il vous plaît pas ! » ; « Là, c'est un sondage énorme, qui a été fait sur des centaines de personnes et on a retenu 1 000, qui étaient musulmanes en plus ! » ; « Mais enfin, c'est les sondages, c'est comme ça que ça se fait un sondage, vous dites n'importe quoi ! » ; « Arrêtez, vous répétez la même chose, vous êtes une machine à répéter la même chose ! » ; « Alors, je [ne] vous interroge plus. Je ne vous interroge plus. Je-ne-vous-interroge-plus ! » ; « Rachida Kaaout, essayez de répondre à ma question, autrement vous arrêtez de parler. » ; « Arrêtez, ça n'a aucun intérêt ce que vous dites… » ; « Arrêtez ! » ; « C'est pas parce que vous répétez 25 fois la même chose que c'est une vérité ! » ; « Vous répétez 25 fois n'importe quoi ! » ; « Stop ! » ; « Ça suffit ! »

Et de conclure ce premier acte avec un aveu… cristallin : « Ça m'intéresse pas de parler avec vous. »

Acte 2 : « Vous faites du bruit avec votre bouche, c'est tout ce que vous faites. »

15 minutes plus tard, c'est le feu d'artifice. Alors que Rachida Kaaout tente à nouveau de participer au débat, Morandini s'interpose : « Non, non, non, non, non ! Je ne vous donne pas la parole sur ce sujet ! »

Et de recouvrir, une nouvelle fois, son invitée : « Rachida, vous n'avez pas la parole. Ce sondage ne vous intéresse pas, il ne vaut rien, je ne vous donne pas la parole sur ce sujet ! » ; « Vous m'entendez ou pas ? Est-ce que vous m'entendez, Rachida ? » ; « Moi, je vous le dis, je ne vous donne pas la parole ! Je ne vous donne pas la parole sur ce sujet ! » ; « Mais vous [ne] constatez rien ! » (4 fois) ; « Vous faites de l'intox. » (3 fois) ; « Je vous donne pas la parole. » ; « Vous faites du vent. » ; « Vous faites du bruit avec votre bouche, c'est tout ce que vous faites. » (2 fois) ; « Ce que vous dites ne sert à rien. » « Non, parce que vous n'avez pas de solution, vous faites du vent. » ; « C'est du vent. » ; « Vous n'avez pas la parole… » ; « Est-ce que vous m'entendez ? Est-ce que vous m'entendez ou vous avez un problème d'audition ? » (2 fois) ; « Je veux que vous répondiez aux questions ou alors que vous ne parliez pas ! » ; « Alors répondez aux questions ! » ; « Non ! Non, non, vous ne répondez jamais aux questions. Vous n'avez pas la parole, ça vous l'entendez ? » ; « Est-ce que vous entendez que vous n'avez pas la parole ? » ; « Est-ce que vous entendez que vous n'avez pas la parole ? »

Et une troisième fois, fatale :

- Jean-Marc Morandini : Est-ce que vous entendez que vous n'avez pas la parole ?

- Rachida Kaaout : Alors, je m'en vais.

- Jean-Marc Morandini : Eh ben au revoir !

- Rachida Kaaout : Et bien, au revoir, très bien…

- Jean-Marc Morandini : Au revoir, merci d'être venue.

- Rachida Kaaout : Je ferai [inaudible] mon commentaire, merci…

- Jean-Marc Morandini : Vous ferez votre commentaire toute seule puisque vous parlez toute seule de toute façon.

- Rachida Kaaout : Vous ne voulez pas de solution !

- Jean-Marc Morandini : Non, je veux avoir des gens qui répondent aux questions, et pas des gens qui font du bruit avec leur bouche juste histoire d'occuper le terrain. Merci, au revoir !

***

On est certainement là face à un chef d'œuvre d'interrogatoire journalistique – un de plus dans le (long) palmarès de Jean-Marc Morandini. D'où cette question, lancinante : que fait-il encore sur un plateau de télévision ? Et, qui plus est, sur une chaîne qui bénéficie d'une fréquence publique ? Allô l'Arcom ?

Maxime Friot


[1] « Sur les 1 005 personnes musulmanes interrogées par l'Ifop, 291 ont été identifiées comme faisant partie de la catégorie des "15-24 ans". C'est sur ces jeunes personnes que se sont focalisés un grand nombre de médias, reprenant le cadrage de l'Ifop, qui propose un "zoom sur les musulmans âgés de 15-25 ans" » (Mediapart, 20/11).

21.11.2025 à 13:58

Guillaume Erner face à Francesca Albanese : suspicion et délégitimation

Jérémie Younes
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Texte intégral (4228 mots)

Mardi 18 novembre, Guillaume Erner reçoit dans la matinale de France Culture Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l'ONU sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés. L'occasion d'un très grand moment de journalisme face à cette voix qui fut si peu présente dans les grands médias français au cours des deux dernières années…

« Et je reçois ce matin une voix propalestinienne majeure ! Francesca Albanese, bonjour… » Il est 7h42 sur France Culture et l'interview de Guillaume Erner s'ouvre sur une confusion majeure dans la présentation de son invitée. Francesca Albanese est la rapporteuse de l'ONU sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés. Le choix de la présenter comme « propalestinienne » et d'entretenir la confusion en la désignant d'emblée comme une partie prenante au conflit est tout sauf anodin, pour ne pas dire ouvertement malveillant : les accusations de « militantisme » qui cherchent à discréditer son mandat sont en général l'apanage de ses « détracteurs » (Le Monde, 15/09) – quand bien même l'étiquette en elle-même ne devrait rien avoir d'infâmant. « Tout d'abord bonjour la France et laissez-moi éclaircir : je ne suis pas du tout une voix propalestinienne, […] je suis pro-droits humains », corrige d'ailleurs Albanese, qui laisse échapper un premier soupir d'exaspération. Ce ne sera pas le dernier…

D'autant que là n'était pas le seul biais dans la présentation d'Erner, qui avait décidément choisi, ce jour-là, de soigner son portrait :

Guillaume Erner : Pour les uns, vous êtes une héroïne. Aymeric Caron, député de La France insoumise, a ainsi expliqué que vous étiez l'une des personnes les plus importantes de ce siècle […]. Et puis, de l'autre côté, des organisations juives se sont émues d'un certain nombre de vos propos. L'organisation Golem en France, une organisation juive de gauche, a jugé votre invitation problématique. Nous allons donc proposer à nos auditeurs et à nos auditrices de se faire une opinion sur vous, Francesca Albanese.

Et non pas de s'informer sur l'actualité de la Palestine occupée [1]

« Donc en fait, le plan Albanese, c'est quoi ? »

La première question de Guillaume Erner porte sur « cette réaction de Donald Trump, qui se réjouit du vote par le conseil de sécurité de l'ONU d'une force internationale pour Gaza ». Francesca Albanese se dit « inquiète » de cette résolution qui ne « [prend] pas en considération […] le droit international ». Son manque d'enthousiasme déçoit le matinalier : « Mais d'un point de vue humanitaire, déjà, est-ce qu'on ne pourrait pas se réjouir du cessez-le-feu tel qu'il est adopté aujourd'hui ? » La rapporteuse des Nations Unies rappelle alors que « 300 personnes ont été tuées » depuis la signature dudit « cessez-le-feu », portant le total estimé de victimes à « 70 000 personnes tuées », dont « 20 000 enfants ». « Mais Donald Trump, qui est décidément un formidable pourvoyeur d'angles journalistiques pour Guillaume Erner, considère qu'il faut mettre en place ce comité de la paix […] », relance l'intervieweur. « La fin des combats ne signifie pas la paix, lui retourne calmement son invitée : Qu'est-ce qui se passe pour les Palestiniens qui vivent sous occupation militaire israélienne ? » La réponse fuse et Erner s'agace déjà :

- Guillaume Erner : Donc en fait, le plan Albanese, c'est quoi ? C'est le fait qu'il n'y ait plus de soldats israéliens où exactement ? Puisque, comme vous le savez Francesca Albanese, chaque partie de la géographie de la région est politique [sic], donc vous demandez que les soldats israéliens se retirent d'où ? De Gaza, de la Cisjordanie ? De quelle portion du territoire ?

- Francesca Albanese : … Ah je… je ne dirais pas « le plan Albanese », ça c'est ce que la Cour de justice internationale a décidé, a ordonné le 19 juillet 2024 : de se retirer du territoire palestinien occupé en totalité ! Oui : retirer les soldats, démanteler les colonies et arrêter de les épanouir [sic], et arrêter d'exploiter les ressources naturelles des territoires palestiniens occupés. La cour, je le rappelle, a aussi dit que la présence d'Israël dans ce qu'il reste de la Palestine historique vise à garder un régime qui viole les dispositions sur la prohibition de la discrimination raciale et de l'apartheid.

C'est la première occurrence du terme « apartheid » dans l'émission. Erner ne laissera pas passer la seconde… Reste qu'une nouvelle fois, le matinalier est pris en flagrant délit de confusion, pour ne pas dire de confusionnisme : le droit international n'est pas une opinion. Quel échec du « journalisme » que de devoir encore le rappeler.

« Vous condamnez le Hamas ? »

L'entretien se poursuit et Guillaume Erner change de fournisseur. De Trump, on passe ainsi au gouvernement israélien : « Est-ce que vous regrettez, Francesca Albanese, que le Hamas n'ait pas libéré les otages israéliens plus tôt, ce qui d'après le gouvernement israélien, aurait permis d'avoir un cessez-le-feu rapide ? » L'on reconnaît ici un biais caractéristique des intervieweurs du soir ou du matin, qui confondent, par paresse ou par commodité, le procédé du « contradictoire » avec le fait de répéter sans les vérifier les arguments des « détracteurs » de son invité.

Peu importe la véracité ou non du propos ; peu importe le statut des uns et des autres, les intérêts qu'ils ont (ou non) en jeu et leur place dans les rapports de force : tout se vaut, tout est mis sur le même plan. À Manuel Bompard, l'on présentera les arguments du RN ; face à Gabriel Zucman, l'on se fera le relais des déclarations du Medef ou de Michel-Édouard Leclerc ; face à Francesca Albanese, l'on présente donc les arguments du gouvernement israélien. Mais l'intervieweur se mange encore un mur : « Je regrette que le gouvernement israélien n'ait rien fait pour libérer les otages, répond à revers Albanese, les otages n'auraient jamais dû être pris en otage… » Erner l'interrompt alors : « Donc vous condamnez la prise d'otages ? » « Bien sûr ! s'esclaffe Albanese, un rien étonnée de la question : « Je condamne fermement tout crime contre les civils », se voit-elle obligée de rappeler. On avait compris qu'Erner n'en était pas certain, mais le journaliste tient à signifier plus « explicitement » pourquoi :

Guillaume Erner : Si je vous pose cette question, c'est parce que vous avez fait un tweet après le 7 octobre qui a été largement commenté […], expliquant en substance que ce qui s'était passé le 7 octobre n'avait pas de caractère antisémite et était le produit des événements passés […].

Erner fait « comme si », mais le lien entre sa question initiale et sa relance n'a pourtant rien d'évident : on comprend mal, en effet, en quoi les réflexions d'Albanese pointées ici mettraient a priori en doute le fait que cette dernière puisse condamner le crime de guerre que constitue la prise en otage de civils… Francesca Albanese est en tout cas sommée de se justifier pour ce tweet. Elle dit alors s'être « appuyée sur une partie très importante du monde académique israélien, à savoir les professeurs Amos Goldberg et Alon Confino, qui critiquaient la prise de position de certains en Europe qui continuaient d'insister sur la matrice antisémite des attaques du 7 octobre », avant d'entamer une longue démonstration à propos de ces positions.

Or, sur la « chaîne du savoir », si on aime bien le savoir, on aime aussi le prêt-à-penser. On ne renie d'ailleurs aucun de ses automatismes, en particulier lorsque l'invité(e) a le mauvais goût de ne pas aller assez droit au but (préalablement requis) : « Francesca Albanese, pour être sûr de ce que vous voulez dire […] : vous condamnez le Hamas ? » La rapporteuse de l'ONU semble une nouvelle fois atterrée par la question de son hôte : « Mais… Écoutez, moi j'ai travaillé à Gaza […]. Le Hamas a régné sur Gaza, sur les Palestiniens, avec une poignée de fer on dirait en italien. Il n'y a rien à soutenir dans un mouvement religieux, forcément ça s'impose sur les droits humains […]. » Pas convaincu, Guillaume Erner reprend :

Guillaume Erner : La gauche à laquelle vous appartenez, Francesca Albanese, ne dénie pas, par exemple, le racisme anti-noir […]. Or, un certain nombre d'actes qui semblent évidemment relever de l'antisémitisme ne sont pas qualifiés comme tels par une partie de la gauche… Et vous avez pu donner l'impression, parfois, Francesca Albanese, que vous minimisiez l'antisémitisme.

Cette fois, ce n'était pas une question. De quels actes – si « évidemment » antisémites qu'ils « semblent » l'être – parle-t-on ? On ne saura pas. De quelle « partie de la gauche » parle-t-on ? On ne saura pas non plus. À quelle occasion la rapporteuse de l'ONU a-t-elle « donné l'impression » de « minimiser l'antisémitisme » ? Erner ne le précise pas. Quels sont les acteurs à avoir fait part de cette « impression » ? La matinalier se dispense là encore de tout exemple. Bref : une question tout en « on-dit » et en procès d'intention. Ce journalisme de sous-entendus en fait d'ailleurs presque perdre ses mots à l'invitée : « Je… C'est pas du tout vrai… Non ! », répond Albanese, de plus en plus consternée.

De la propagande israélienne…

Le journal de 8h est passé, et nous sommes de retour avec l'invitée des « Matins ». Guillaume Erner évoque le livre de Francesca Albanese, Quand le monde dort [2], et l'histoire épouvantable de Hind qui y est racontée : une petite fille palestinienne de 5 ans, dont les derniers instants ont été gravés dans un enregistrement de la Croix-Rouge, qu'elle avait appelé à l'aide. Comme le rappelle Francesca Albanese, son corps sera retrouvé avec ceux de sa famille et des soignants de l'ONG venus les secourir, dans une voiture criblée de 350 balles par l'armée israélienne.

Un crime effroyable, qui inspire une question au matinalier : « Quand on lit cette histoire et d'autres histoires que vous racontez, Francesca Albanese, on se demande pourquoi l'ONU n'a pas autorisé, n'a pas construit un corridor humanitaire ? L'une des particularités de la guerre à Gaza, c'est une guerre urbaine, avec des civils, des femmes, des enfants, et ça rappelle par exemple la Tchétchénie ou la Yougoslavie, il y avait des corridors humanitaires qui ont été faits là-bas… Pourquoi n'a-t-on pas fait de corridor humanitaire ? » La voix encore alourdie par l'émotion, la rapporteuse administre une leçon de journalisme à l'intervieweur : « J'ai une autre question, Guillaume : pourquoi les Nations Unies ne sont pas arrivées à bloquer ce que vous appelez une guerre ? Parce que la guerre, on la fait entre les États, on la fait entre la Russie et l'Ukraine, et d'autres pays. Contre une population qui est sous occupation, on ne fait pas une guerre. […] »

À nouveau, Erner se réfugie dans l'automatisme journalistique qui consiste à confondre « contradictoire » et porte-parolat du gouvernement israélien : « Je vais vous répondre la même chose que tout à l'heure, je vais vous dire que le Hamas aurait pu, aurait dû relâcher les otages immédiatement et qu'Israël aurait cessé la guerre – si l'on en croit évidemment les déclarations de Netanyahou. » Et visiblement, Guillaume Erner croit les déclarations de Netanyahou. D'ailleurs, lorsqu'il a posé la question sur les « corridors humanitaires », l'intervieweur avait en réalité une arrière-pensée… et une réponse attendue. Celle-ci n'étant pas venue de la bouche de son invitée, il la formule à sa place :

Guillaume Erner : Ce qu'on pourrait dire aussi, Francesca Albanese, c'est que la population palestinienne était aussi otage du Hamas, qui l'utilisait comme bouclier humain, et que le fait de ne pas organiser de corridors humanitaires, de refuser qu'il y ait des corridors humanitaires, c'était aussi une manière pour le Hamas de conserver ces civils […], d'utiliser certains hôpitaux, d'utiliser un certain nombre de lieux pour également construire des lieux de combat.

Ce n'était toujours pas une question… mais une manière pour le moins cavalière de recycler un (nouvel) élément de la propagande militaire israélienne, lequel vise à justifier les meurtres de civils ou les bombardements d'hôpitaux.

… à la relativisation de l'apartheid

Albanese y répond quand même, avant de conclure : « Pour réduire la violence, il faut arrêter les moyens que sont l'occupation et l'apartheid israélien. » Cette fois, Erner ne laisse pas passer :

Guillaume Erner : Je suis obligé de faire un petit détour à propos de ce mot, « apartheid ». Parce que si on prend le régime d'apartheid sud-africain, il y avait une absence de citoyenneté, une interdiction de vote, des services publics séparés… trois caractéristiques qui n'existent pas du tout en Israël… Les arabes israéliens siègent à la Knesset, il y a les mêmes services publics, les mariages mixtes existent… Peut-on parler d'apartheid dans ce cas-là ?

Les éléments de langage sont encore tragiquement classiques et l'on ne peut que déplorer, à nouveau, que France Culture tolère une telle dévaluation du droit international sur son antenne. Loin d'être réductible au cas sud-africain – et encore moins à la définition que s'invente Erner sur la base de sa propre sélection de « trois caractéristiques » –, l'apartheid est un concept encadré en droit international [3]. Droit international sur lequel s'est notamment appuyée l'ONG Amnesty International pour conclure à un apartheid, en 2022, au terme de quatre ans d'enquête, et démontrer ainsi qu'« Israël impose un système d'oppression et de domination aux Palestiniens et Palestiniennes dans toutes les situations où il contrôle la jouissance de leurs droits, c'est-à-dire dans tout Israël, dans les TPO [territoires palestiniens occupés, NDLR], et pour ce qui concerne les réfugié·e·s palestiniens. » [4]

Refusant d'outrepasser son mandat en s'exprimant sur autre chose que les territoires occupés depuis 1967, Francesca Albanese parle à leur propos d'« une forme de dictature militaire » : « Les Palestiniens de Cisjordanie vivent sous des ordres militaires écrits par des soldats, mis en œuvre par des soldats, revus dans des cours martiales par-des-sol-dats ! […] Avoir deux systèmes légaux, la loi civile pour les colons qui ne devraient pas être là, et la loi militaire pour les Palestiniens, c'est le "backbone" [la colonne vertébrale, NDLR] de l'apartheid. Oui. »

La réponse assomme Guillaume Erner, qui juge ce discours « radical ». Loin de proposer à son invitée d'apporter des informations supplémentaires sur ce système à deux vitesses invisibilisé partout ailleurs dans les grands médias, il verse de nouveau dans la disqualification :

Guillaume Erner : Quand vous avez des expressions très radicales, je ne vais pas faire la liste des expressions radicales que vous avez eues, Francesca Albanese, est-ce que vous ne vous coupez pas de cette gauche israélienne qui, du coup, vous considère comme étant une ennemie, non pas de Netanyahou et de sa politique, mais une ennemie de l'existence même d'Israël ?

« Je ne vois pas pourquoi on doit se focaliser sur ce que la gauche israélienne pense dès qu'on a l'opportunité de parler de la situation des Palestiniens [elle souligne le terme, NDLR] sous l'occupation israélienne, qui est en fait la cause de toute violence », cingle la rapporteuse. On ne saurait mieux dire d'un tel cadrage…

Albanese note ensuite qu'il y a « une campagne de destruction de [s]a réputation qui est incroyable ! » « C'est pour ça que je vous invite d'ailleurs », répond Erner – comme s'il n'y prêtait pas lui-même le flanc depuis une demi-heure… Manifestement pas pour parler de l'actualité en Palestine, en tout cas, qui, après quelques minutes expédiées au début, n'est plus du tout le sujet de l'entretien. Aiguillé sur le sujet, le présentateur égraine alors les accusations portées contre Albanese : « Accusation d'antisémitisme, accusation de compassion à double standard si j'ose dire ». Ce double standard qu'Erner Guillaume ne veut pas voir s'agissant du traitement médiatique du génocide.

« J'imagine et j'espère que vous êtes sioniste vous aussi »

S'ensuit un court chapitre sur la peur des juifs en France, avant une page plus « politicienne », au cours de laquelle Guillaume Erner s'attache, encore une fois, à faire passer son invitée pour une militante de gauche : « Vous êtes devenue une figure extrêmement importante de la gauche mondiale et certains aimeraient que vous jouiez un rôle politique, Francesca Albanese […]. Est-ce que vous avez envie de vous engager en politique ? » « Non, je suis engagée pour la défense du droit », répond en substance la rapporteuse de l'ONU. Nonobstant, Erner poursuit son fil et relance même les hostilités en sous-entendant que son interlocutrice incarnerait une rupture dans « l'alliance entre les juifs italiens et la gauche » :

Guillaume Erner : Est-ce que vous n'avez pas peur que votre attitude, qu'un discours radical, pas sur le droit des Palestiniens […] mais sur la délégitimation d'Israël eh bien aient écarté… il n'y a plus de juifs engagés en politique en Italie autour de vous.

D'où Guillaume Erner tire-t-il une telle affirmation ? Francesca Albanese ne cache plus du tout sa consternation – « Mais c'est pas vrai… c'est pas vrai ! » – et développe son propos en invitant son interlocuteur à « distinguer le sionisme de ce qu'est le judaïsme ». Pour compléter son bingo, Guillaume Erner cède à la provocation :

- Guillaume Erner : J'imagine et j'espère que vous êtes sioniste vous aussi, Francesca Albanese. Le sionisme, c'est l'autodétermination du peuple juif. Vous êtes sioniste comme vous êtes kurdiste, j'imagine que vous êtes pour l'autodétermination des Kurdes…

- Francesca Albanese : Non, non, je ne trouve pas que… alors je ne suis d'aucune idéologie, et là c'est vous qui dites : « Vous êtes de gauche, vous êtes de gauche ». Est-ce que vous m'avez jamais entendue dire que « je suis de gauche » ? Non…

- Guillaume Erner : Oh alors là… Vous citez Edward Saïd, vous citez toutes les références…

- Francesca Albanese : … et Antonio Gramsci, et Primo Levi… mais parce que c'est très intéressant !

- Guillaume Erner : Mais c'est pas un crime d'être de gauche hein, Francesca Albanese !

- Francesca Albanese : C'est une question à se poser : pourquoi les plus grands intellectuels qui constituent des inspirations à travers l'histoire sont de gauche ?

Au terme des cinq dernières minutes consacrées à de récentes déclarations de la ministre Eugenia Roccella, ministre italienne de l'Égalité des chances et de la Famille, Erner conclut : « Merci beaucoup Francesca Albanese, d'avoir été avec nous ce matin [pour votre livre] Quand le monde dort. » Le sous-titre de ce livre ? « Récits, voix et blessures de la Palestine ». Guillaume Erner aurait voulu faire taire les trois qu'il ne s'y serait guère pris autrement.

***

Alors que la rapporteuse de l'ONU sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés n'est pas une invitée que l'on entend tous les jours, ni sur France Culture [5], ni ailleurs, l'émission n'aura que peu porté sur… l'actualité de la Palestine occupée. Dès ses premiers mots, Guillaume Erner s'est attaché à faire passer son invitée, une juriste exerçant un mandat des Nations Unies, pour une militante « propalestinienne ». « L'interview de Francesca Albanese sur France Culture ce matin montre à quel point certains médias peinent à comprendre que défendre le droit international n'est pas un "parti pris" », a réagi Johann Soufi, que nous avons récemment interviewé à ce propos. Le « parti pris », ce matin-là, était en effet plutôt à trouver dans le choix des mots, dans les cadrages et les invectives passives agressives de Guillaume Erner. Mais il faut aussi le dire – et même s'en réjouir : pour une fois, et malgré la détermination du présentateur à saboter son entretien et à délégitimer son invitée, cette dernière aura spectaculairement déjoué de nombreuses questions piégées.

Jérémie Younes, avec Pauline Perrenot


[1] Quel(le) autre invité(e) est présenté(e) de la sorte dans « Les Matins » ? Un portrait que l'on peut par exemple comparer à celui de Josep Borrell, interviewé quatre jours plus tôt.

[2] Mémoire d'Encrier, 2025.

[3] Comme le rappelle Amnesty international, « trois grands traités internationaux […] interdisent et/ou érigent explicitement en infraction l'apartheid : la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid (Convention sur l'apartheid) et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (Statut de Rome). »

[4] À l'instar, avant elle, de nombreuses organisations palestiniennes de défense des droits humains, mais aussi de l'ONG israélienne B'Tselem, qui parvenait aux mêmes conclusions dans un rapport paru en janvier 2021 : « A regime of Jewish supremacy from the Jordan River to the Mediterranean Sea : This is apartheid ».

[5] Le site de France Culture indique que c'était son tout premier passage en plateau.

18.11.2025 à 11:37

La concentration des médias en Allemagne : un modèle, vraiment ? (4/4)

Jean Pérès
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Quatrième et dernière partie.

- Médias en Allemagne /
Texte intégral (3150 mots)

Les effets de la concentration des médias, en Allemagne comme ailleurs, ce sont des licenciements en séries, la réduction de l'indépendance et du pluralisme, le conformisme éditorial. Des résolutions de l'après-guerre, il ne reste plus grand-chose.

Licenciements

En 2009, suite à une concentration interne, 300 postes de rédacteurs sont supprimés au sein des journaux du groupe Funke, début d'une longue série. En 2012, le Frankfurter Rundschau et le Financial Times Deutschland, déficitaire depuis sa création, sont en liquidation, avec nombre de licenciements à la clé. En 2014, la plus longue grève du secteur des médias, 117 jours, du service client de Madsack s'est soldée par le licenciement des 90 salariés concernés [1]. En 2020, le groupe Bauer licencie 140 salariés, le Süddeutsche Zeitung, 50 journalistes. En 2023, à la crise s'ajoutent les effets du Covid, Bild Zeitung décide de licencier 200 journalistes remplacés, dit-elle, par l'intelligence artificielle. La même année, Bertelsmann annonce la suppression de 700 emplois dans la presse. Toujours la même année, P7S1 supprime 400 emplois. Liste non exhaustive.

Indépendance et pluralisme

On imagine facilement que, dans un tel contexte, les journalistes ne font pas preuve d'une indépendance excessive et veillent plutôt à conserver leur emploi. Et ce d'autant plus que, malgré des syndicats puissants, ils sont écartés de la cogestion « à l'allemande » et n'ont pas leur mot à dire pour s'opposer aux vagues de licenciement. Ni d'ailleurs en matière éditoriale qui est l'apanage des directions [2].

En plus des licenciements, les concentrations produisent du conformisme pour ainsi dire structurel. Le processus d'homogénéisation des contenus, appelé par euphémisme « synergies » ou « mutualisation », et qui consiste à produire des articles à partir d'une rédaction centrale et à les diffuser à l'ensemble des journaux possédés par le groupe, peut prendre des dimensions alarmantes. Le dernier rapport de la KEK [3] évoque ainsi « un exemple marquant de diffusion de contenu [ :] le RedaktionsNetzwerk Deutschland (RND) du groupe Madsack Media, qui fournit désormais du contenu national à plus de 90 marques de médias » (rapport KEK, 2025). En fait de pluralisme, il reste surtout les informations locales, diverses par définition.

En rassemblant dans un petit nombre de mains de plus en plus de médias, les concentrations confortent l'intégration de leurs richissimes propriétaires aux cercles dirigeants de la société. Dès lors, même si les médias sont juridiquement et économiquement indépendants de l'État et des groupes industriels, rien n'empêche qu'une coopération s'établisse entre eux dès lors qu'ils partagent les mêmes intérêts et une commune idéologie. Une idéologie dans laquelle, en Allemagne comme ailleurs, se confondent la droite et la gauche de gouvernement dans un ensemble qui penche de plus en plus vers l'extrême droite [4].

Du côté de la connexion entre médias et milieu politique, on a vu que le SPD possédait un important groupe de presse sur lequel il pouvait faire pression, et que les partis politiques influençaient fortement les organes de décision de l'audiovisuel public. Les deux plus gros groupes de médias, Bertelsmann et Springer, sont à ce propos parfaitement exemplaires.

Le principal actionnaire du groupe Bertelsmann, la fondation éponyme, a fait une campagne très soutenue pour l'adoption par le Bundestag des lois Hartz (2003-2005) promues par le chancelier Schröder (SPD), lois qui démantelaient le droit du travail et condamnaient les chômeurs à la misère. « L'œuvre "philanthropique" du groupe de médias et d'édition le plus influent d'Allemagne a été au cœur du processus d'élaboration de l'Agenda 2010 [5] : financement d'expertises et de conférences, diffusion d'argumentaires auprès des journalistes, mise en réseau des "bonnes volontés ". "Sans le travail de préparation, d'accompagnement et d'après-vente déployé à tous les niveaux par la Fondation Bertelsmann, les propositions de la commission Hartz et leur traduction législative n'auraient jamais pu voir le jour", observe Helga Spindler, professeure en droit public à l'université de Duisburg. » (Olivier Cyran, « L'enfer du miracle allemand », Le Monde diplomatique, septembre 2017).

Précurseur, en quelque sorte, de la situation actuelle, le magnat de la presse Axel Springer, armé de son quotidien à sensation Bild Zeitung, s'est toujours situé bien à droite de l'échiquier politique. Cumulant successivement des attaques féroces contre des étudiants en 1968, un sexisme décomplexé avec les femmes nues en première page, les pratiques de délation de manifestants à la police, les atteintes à la déontologie journalistique : il est le journal le plus sanctionné par le Conseil allemand de la Presse, avec 219 sanctions prononcées à son encontre depuis 1986. Le deuxième, BZ (Berliner Zeitung), est très loin derrière (21 sanctions) et appartient aussi à Springer ! Tout journaliste travaillant pour Springer doit signer un contrat de travail où il s'engage à défendre Israël et l'entente de l'Allemagne avec les États-Unis [6]. Un journaliste vient d'être licencié pour n'avoir pas respecté cette clause. Mais le soutien à Israël n'est pas seulement idéologique, car le groupe Springer participe directement depuis 2014 à la vente de biens immobiliers situés sur les territoires de Cisjordanie illégalement occupés par Israël, par le biais de sa société Yad2, qui est revenue au fonds d'investissement KKR, au début 2025, avec la division des activités du groupe. Malgré son journalisme de caniveau, Bild était et reste fort courtisé par les responsables politiques, chancelière et chancelier compris ; c'est qu'il s'est vendu longtemps à plusieurs millions d'exemplaires et, malgré une baisse sensible de son tirage, demeure de loin le premier quotidien allemand.

Conformisme éditorial

Par contraste, mais pas seulement, les autres journaux et médias paraissaient beaucoup plus consistants, et ils furent longtemps estimés comme ce que l'on faisait de mieux en matière d'information, avec des magazines d'investigation comme le Spiegel, ou de grande qualité d'information et de culture, comme Die Zeit, Die Frankfurter allgemeine Zeitung, ou plus à gauche, mais pas trop, Die Süddeutsche Zeitung, quelles que soient leurs orientations politiques, quoique toujours libérales. Pareil pour l'information dans le service public de radio et de télévision. Un changement s'opère dans l'audiovisuel vers les années 1990, suite à l'arrivée des groupes privés et de leurs méthodes commerciales racoleuses, qui déteignent sur le service public, comme en témoigne le gouvernement fédéral dans son « Rapport annuel sur la télévision » de 1995 : « Tendance au sensationnalisme et au voyeurisme, avec présentation croissante d'images d'horreur, tendance au négativisme avec présentation très pauvre en contexte et en arrière plan de délinquance et d'accident, tendance à produire du scandale avec un penchant à interpréter l'actualité politique en termes de crises et de culpabilité, tendance à une représentation ritualisée de la politique avec un penchant à présenter sans distance les apparences de la mise en scène politique. » [7].

Plus récemment, comme l'expose Fabian Scheidler dans un article du Monde diplomatique, les médias dominants ont fait preuve d'un alarmant suivisme des options politiques gouvernementales en matière de militarisme, d'atlantisme [8], de traitement de la pandémie du Covid, de la guerre en Ukraine et du massacre de Gaza.

***

Nul doute, après ce tour d'horizon, qu'en termes de structures et réglementations favorisant le pluralisme et la démocratie dans les médias, le système allemand est nettement plus élaboré que le français.

La décentralisation des instances de contrôle des médias audiovisuels, publics et privés, composées de représentants de la société civile, la gestion et la production de l'audiovisuel public par les Länder et là encore par des représentants de la société civile, le dispositif du « tiers indépendant », la place prépondérante donnée à l'audiovisuel public soutenu par une redevance importante et animé de fortes préoccupations démocratiques et pluralistes, une information détaillée, accessible et mise à jour sur les médias et les groupes de médias, une méthode mesurant le pouvoir global des groupes incluant leur audience numérique, autant d'éléments constitutifs d'un ensemble peut-être unique au monde, si on y ajoute l'indépendance des médias vis-à-vis de l'État et des groupes industriels, indépendance qui, même imparfaite, a une effectivité certaine.

Rien de tel en France, qui a supprimé la redevance et sous-finance le service public, dont elle a vendu le meilleur morceau et qu'elle se prépare à unifier sous une holding contrôlée à 100 % par l'État. Aucun contrôle citoyen n'y est institutionnalisé, ni sur le plan local, ni sur le plan national. Quant à l'indépendance vis-à-vis de l'État et des industriels…

Cela dit, on ne peut que constater que le « modèle allemand » souffre de nombre de porosités et que l'État et les puissances d'argent y gardent un rôle déterminant, avec les conséquences désastreuses que nous avons évoquées.

Si l'on s'en tient aux dispositifs anti-concentrations, on observe une législation plus laxiste en France, qui n'empêche quasiment aucune concentration, tandis que la loi allemande peut fluctuer au gré des politiques de l'État fédéral qui, par exemple, a fortement favorisé les concentrations au cours des vingt dernières années. Même plus démocratiques qu'en France, les contrôles de ces concentrations n'ont pas dû être d'une rigueur extrême pour que l'on ait constaté en 2009 que plus de la moitié des régions et des villes allemandes étaient désormais sous monopole de presse, et la télévision privée largement dominée par deux acteurs, pour qu'une dizaine de groupes fort prospères se maintiennent à travers le temps en tête des médias dominants. Et que, finalement, on se retrouve dans tout le secteur privé (hors radio) avec une concentration du même ordre que celle du système français, même si, du fait de la dimension beaucoup plus importante de la configuration allemande, un certain pluralisme y subsiste jusqu'à présent.

Ainsi, malgré l'originalité de son dispositif et son souci affirmé d'indépendance et de pluralisme, l'Allemagne n'échappe pas à la règle commune des concentrations des médias. C'est à croire que le capitalisme médiatique se moque des particularismes régionaux.

Jean Pérès


Annexe : Infographie réalisée par Katapult (2019)


[1] Pour rappel, le Parti socialiste (SPD) est l'actionnaire principal de Madsack.

[2] Les journalistes ont toutefois un rôle décisif au sein du premier magazine, Le Spiegel, dont ils sont copropriétaires (50 % des parts), et également au Tageszeitung (TAZ), seul quotidien de la gauche radicale et écologiste pendant 46 ans, désormais en ligne et hebdomadaire papier. Sous le statut de coopérative, le TAZ est contrôlé par ses journalistes qui élisent leur directeur de rédaction. Il édite notamment la version allemande du Monde diplomatique. À un degré moindre, mais significatif, Le Stern et le Süddeutsche Zeintung, accordent une place importante aux journalistes.

[3] Kommission zur Ermittlung der Konzentration im Medienbereich - Commission de contrôle de la concentration dans le domaine des médias.

[4] Lire à ce propos le reportage d'Olivier Cyran « En Allemagne, la mémoire s'estompe et l'Afd donne le tempo » (Orient XXI, 29/09/25) dont une partie traite de l'implication des médias.

[5] Ensemble de réformes, dont les lois Hartz

[6] « Nous défendons la liberté, l'État de droit, la démocratie et une Europe unie. Nous soutenons le peuple juif et le droit à l'existence de l'État d'Israël. Nous soutenons l'alliance transatlantique entre les États-Unis d'Amérique et l'Europe. Nous nous engageons en faveur d'une économie de marché libre et sociale. Nous rejetons l'extrémisme politique et religieux ainsi que toutes les formes de racisme et de discrimination sexuelle. »

[7] Cité par Klaus Wenger dans « La radio, une contribution à la culture politique », in Matériaux pour l'histoire de notre temps, n°55-56, 1999, p. 82

[8] Il cite notamment l'Atlantik Brücke (Pont atlantique), véritable rendez-vous pro-américain de la classe dominante (banque, affaires, politique, université, etc.) auquel participent une quarantaine de cadres du journalisme, et dont le président fut de 2009 à 2019 l'actuel chancelier Friedrich Merz.

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